Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5979

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5979. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
6 avril.

Mon cher frère en Bayle et en tous les apôtres de la raison, je ne vous oublie point, quoique mes maux me permettent rarement d’écrire. Vous recevrez de Paris les plumes qu’on vous envoie de Hollande.

Grâces soient rendues à l’Être des êtres de ce que vous avez trouvé un aussi fidèle disciple que M. de La Haye ! Vous rendez service à l’humanité en éclairant des personnes de mérite qui en éclaireront d’autres, et qui formeront d’excellents citoyens.

Je me doutais bien que la justification des Calas, prononcée d’une voix unanime par quarante juges du conseil, charmerait votre âme noble et sensible. On dit que les juges de Toulouse ne sont pas si charmés que vous. Ils se sont assemblés : ils ont voulu faire des remontrances. J’ignore s’ils oseront insulter ainsi à toute l’Europe, qui a leur arrêt en horreur. On attend cependant que le roi, plus équitable que ce parlement, honorera les Calas d’une pension. Les maîtres des requêtes, protecteurs de l’innocence, ont écrit, comme vous savez, à Sa Majesté pour recommander la famille à ses bontés. Le roi se fera adorer en accordant cette grâce.

Il y a des divisions à Genève ; mais il n’y a point de troubles. Pour notre maison, elle est toujours dans l’heureuse tranquillité où vous l’avez vue, et vous y êtes toujours également aimé, honoré, par tous ceux qui l’habitent.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.