Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7059

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 422-423).
7059. — À M. DAMILAVILLE.
2 novembre.

Mon corps, qui n’en peut plus, fait ses compliments à votre cou, qui n’est pas en trop bon ordre, mon cher ami. J’arrange mes petites affaires, et voici un papier que je vous prie de taire parvenir à M. Delaleu.

Au reste, plus la raison est persécutée, plus elle fait de progrès. Puissent les braves combattre toujours, et les tièdes se réchauffer !

Je reçois une lettre d’un des nôtres, nommé M. Dupont, avocat au conseil souverain d’Alsace, qui me mande vous avoir adressé des papiers très-importants pour moi. Il faut bien, quelque philosophe que l’on soit, ne pas négliger absolument ses affaires temporelles ; ces papiers me seront très-utiles dans le délabrement des affaires de M. le duc de Wurtemberg. Personne ne me paye, et j’ai, depuis six semaines, le régiment de Conti, auquel il faut faire les honneurs du pays. Je suis plus embarrassé que la Sorbonne ne l’est avec M. Marmontel.

Je viens d’apprendre qu’il y a des mémoires imprimés du maréchal de Luxembourg[1], et je suis honteux de l’avoir ignoré. Ils me seront très-utiles pour la nouvelle édition que l’on fait du Siècle de Louis XIV ; et je vous prie instamment, mon cher ami, de me les faire venir par Briasson, ou de quelque autre manière.

Connaîtriez-vous un petit écrit sur la population d’une partie de la Normandie et de deux ou trois autres provinces de France ? On dit que l’intendant, M. de La Michodière, a part à cet ouvrage, qui est, dit-on, très-exact et très-bien fait[2].

Mandez-moi surtout des nouvelles de votre cou ; je m’y intéresse plus qu’à tous les dénombrements de la France. Vous ne m’avez point parlé de l’opéra[3] de M. Thomas et de M. de La Borde. Je crois que vous vous souciez plus d’un bon raisonnement que d’une double croche.

Portez-vous bien, mon cher ami, et aimez un homme qui vous chérira jusqu’au dernier moment de sa vie.

  1. Voltaire veut sans doute parler du volume intitulé Mémoire pour servir à l’histoire du maréchal duc de Luxembourg, depuis sa naissance, en 1628, jusqu’à sa mort, en 1695, contenant des anecdotes très-curieuses, et sa détention à la Bastille, écrite par lui-même ; La Haye (Paris), 1758, in-4°.
  2. C’est l’ouvrage dont Voltaire parle dans une note de l’Homme aux quarante écus ; voyez tome XXI, page 312 ; il est intitulé Recherches sur la population des généralités d’Auvergne, de Lyon, de Rouen, et de quelques provinces et villes du royaume, 1766, in-4°.
  3. Amphion ; voyez page 434.