Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7106

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 463-464).
7106. — À M. DAMILAVILLE.
24 décembre.

Mon cher ami, je reçois votre lettre du 8 du mois avec votre mémoire. Il n’y a, je crois, rien à répliquer ; mais la puissance ne cède pas à la raison :

Sic volo, sic jubeo…

(Juven., sat. vi, v. 223.)


est d’ordinaire la raison des gens en place. Il faut absolument entourer M. et Mme de Sauvigny de tous les côtés, et les empêcher surtout de donner contre vous des impressions qu’il ne serait peut-être plus possible de détruire, quand la place qui vous est si bien due viendrait à vaquer.

J’ai écrit encore à Mme de Sauvigny[1], et je lui ai fait parler. Je me flatte qu’ils ne verront pas votre mémoire, il les mettrait trop dans leur tort, et des reproches si justes ne serviraient qu’à les aigrir.

Je suis très-fâché que vous ayez donné le mémoire à M. Foulon[2]. S’il parvient à M. de Sauvigny, il sera fâché qu’on dévoile qu’il y a déjà demandé la place en question pour d’autres, et surtout pour un receveur général des finances, à qui elle ne convient point. Cette démarche, que vous rappelez, a plutôt l’air d’un marché que d’une protection. L’affaire est délicate, et demande à être traitée avec tous les ménagements possibles ; heureusement vous avez du temps. Ne pourriez-vous point trouver quelque ami auprès de M. Cochin, qui est un homme juste, et qui ferait sentir à M. le contrôleur général le prix de vos longs et utiles services ?

Je n’aurai probablement aucune réponse, de longtemps, de M. de Choiseul ; il me néglige beaucoup. On m’a fait des tracasseries auprès de lui pour les sottes affaires de Genève ; mais c’est ce qui m’inquiète fort peu.

Ne manquez pas, mon cher ami, de m’écrire dès que le titulaire sera près d’aller rendre ses comptes à Dieu ; j’écrirai alors sur-le-champ à M. le duc de Choiseul. Malgré tout ce que le sieur Tronchin a fait pour lui persuader que je prenais le parti des représentants, je représenterai très-hardiment pour vous : car vous sentez bien que la place n’étant pas encore vacante, je n’ai pu écrire que de façon à préparer les voies ; et encore m’a-t-il été fort difficile de faire venir la chose à propos, dans une lettre où il était question d’autres affaires, écrite à un ministre chargé du poids de la guerre, de la paix, et du détail des provinces. Mais, quand il s’agira réellement de donner la place qui vous est due, alors il se souviendra que je lui en ai déjà écrit[3]. Je crois même qu’il serait bon que vous préparassiez à l’avance un mémoire court pour monsieur le contrôleur général ; je l’enverrais à M. de Choiseul, et il serait homme à le donner lui-même.

Je ne sais plus rien de l’affaire des Sirven.

Voici une petite réponse que j’ai cru devoir faire, par mon laquais, au sieur Coger[4], qui m’a fait l’honneur de m’écrire.

Adieu ; je vous embrasse, mon très-cher ami. Je suis dans mon lit, accablé de maux et d’affaires.

  1. Cette lettre manque.
  2. Foulon, maître des requêtes depuis 1760, devint conseiller d’État en 1771 ; nommé contrôleur général le 12 juillet 1789, il ne put entrer en fonctions à cause des événements du surlendemain, et fut massacré quelques jours après, ainsi que Berthier de Sauvigny, alors son gendre.
  3. La lettre manque.
  4. Réponse catégorique au sieur Cogé ; voyez tome XXVI, page 529.