Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7107

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 464-466).
7107. — À M. OLIVIER DES MONTS,
à anduze.
25 décembre.

La personne à qui vous avez bien voulu écrire, monsieur, le 17 de décembre, peut d’abord vous assurer que vous ne serez point pendu. L’horrible absurdité des persécutions, sur des matières où personne ne s’entend, commence à être décriée partout. Nous sortons de la barbarie. Un édit pour légitimer vos mariages a été mis trois fois sur le tapis devant le roi à Versailles : il est vrai qu’il n’a point passé ; mais on a écrit à tous les gouverneurs de province, procureurs généraux, intendants, de ne vous point molester. Gardez-vous bien de présenter une requête au conseil, au nom des protestants, sur le nouvel arrêt rendu à Toulouse : elle ne serait pas reçue ; mais voici, à mon avis, ce qu’il faut faire.

Un conseiller au parlement de Toulouse fit imprimer, il y a environ quatre mois, une lettre contre le jugement définitif rendu par messieurs les maîtres des requêtes en faveur des Calas. Le conseil y est très-maltraité, et on y justifie, autant qu’on le peut, l’assassinat juridique commis par les juges de Toulouse. M. Chardon, maître des requêtes, et fort avant dans la confiance de M. le duc de Choiseul, n’attend que cette pièce pour rapporter l’affaire des Sirven au conseil privé du roi.

Tâchez de vous procurer cet impertinent libelle par vos amis ; qu’on l’adresse sur-le-champ à M. Chardon, avec cette apostille sur l’enveloppe : Pour l’affaire des Sirven, le tout sous l’enveloppe de monseigneur le duc de Choiseul, à Versailles. Cela demande un peu de diligence. Ne me citez point, je vous en prie. Il faut aller au secours de la place sans tambour et sans trompette.

Je vais écrire à M. Chardon que probablement il recevra, dans quelques jours, la pièce qu’il demande. Quand cela sera fait, je me flatte que M. le duc de Choiseul lui-même protégera ceux qu’on exclut des offices municipaux. La chose est un peu délicate, parce que vous n’avez pas les mêmes droits que les luthériens ont en Alsace, et que d’ailleurs M. le duc de Choiseul n’est point le secrétaire d’État de votre province ; mais on peut aisément attaquer l’arrêt de votre parlement, en ce qu’il outre-passe ses pouvoirs, et que la police des offices municipaux n’appartient qu’au conseil.

Voilà tout ce qu’un homme qui déteste le fanatisme et la superstition peut avoir l’honneur de vous répondre, en vous assurant de ses obéissances, et en vous demandant le secret.