Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7345

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 130-131).
7345. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
28 septembre.

Le possédé[1] cède toujours à vos exorcismes, et voici une preuve, mon divin ange, de la docilité du jeune étourdi. Il est d’accord avec vous sur presque tous les points, et il vous prie très-instamment de faire porter sur le corps de l’ouvrage les changements que vous avez eu la bonté d’indiquer. Il sera très-aisé de les mettre proprement à leur place. Je vous prierai de laisser prendre une copie à Mme Denis, qui est engagée au secret, et qui le gardera comme vous.

Je crois que la pièce est faite pour avoir un prodigieux succès, grâce à ces allusions mêmes que je crains ; et je pense en même temps que la pièce est assez sage pour qu’on puisse la jouer, malgré les inductions qu’on en peut tirer. Cela dépendra absolument de la bonne volonté du censeur, ou du magistrat que le censeur se croira peut-être obligé de consulter.

Enfin, après qu’on a joué le Tartuffe et Mahomet, il ne faut désespérer de rien. On pourra mettre un jour Caïphe et Pilate sur la scène ; mais, avant que cette négociation soit consommée, il faut bien que Lekain paraisse un peu en Scythe ; cela est juste, c’est une attention qu’il me doit ; et, quoique les comédiens soient presque aussi ingrats que des prêtres, ils ne peuvent me priver d’un droit que j’ai acquis par cinquante ans de travaux.

Je me mets aux pieds de Mme d’Argental.

À propos, vraiment oui je pense comme vous sur l’Académie et sur La Harpe, sans même avoir vu l’ouvrage couronné[2].

  1. Voyez la lettre 7308.
  2. Voyez le commencement de la lettre 7333.