Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7382

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 159-160).
7382. — À M. D’ALEMBERT.
7 novembre.

Mon cher et illustre philosophe, je ne sais d’autre anecdote sur M. l’abbé Olivet sinon que, quand il était notre préfet aux Jésuites, il nous donnait des claques sur les fesses par amusement. Si M. l’abbé de Condillac veut placer cela dans son éloge, il faudra qu’il fasse une petite dissertation sur l’amour platonique.

Depuis ce temps-là, il fut éditeur, commentateur, traducteur de Cicéron, et a vécu vingt ans plus que lui. C’était sans doute le plus grand cicéronien de tous les Francs-Comtois, sans même en excepter l’abbé Bergier, malgré sa catilinaire contre Fréret[1].

M. l’abbé Caille m’a chargé de vous envoyer Trois Empereurs[2]. Ce jeune abbé Caille promet quelque chose ; il pourra aller loin en théologie. L’abbé Mords-les doit en avoir fourni un exemplaire à notre confrère Marmontel, qui est fort bien dans la cour de ces trois empereurs damnés. Ces secrets ne sont que pour les adeptes. Il doit y avoir à présent pour vous un Siècle de Louis XIV et de Louis XV à la chambre syndicale : il y a huit jours qu’il est parti par la diligence.

Mon Dieu, que les articles de physique de M. O[3] sont bien faits ! On me lit l’Encyclopédie tous les soirs. Si tout était dans le goût de M. O, quel excellent livre : Et voilà ce qu’on a persécuté ! ah, infâmes Welches ! Et le quinzième chapitre de Bélisaire aussi persécuté ! ah, les monstres ! L’abbé Caille grince des dents ; toutefois il vous prie instamment, mon cher philosophe, d’engager les adeptes à ne point prodiguer ces Trois Empereurs ;

Hic est panis angelorum,
Non mittendus canibus[4].

Ayons seulement la consolation de voir avec l’excès de l’horreur et du mépris de méprisables et d’horribles coquins ; je ne sais si je m’explique. Je vous aime autant que je les abhorre.

  1. Voyez la note, tome XLV, page 502.
  2. Voyez cette pièce, tome X.
  3. L’O est la lettre indicative des articles de d’Alembert dans l’Encyclopédie.
  4. Prose du Saint-Sacrement.