Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7387

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 164-165).
7387. — À M. JACOB VERNES.
13 novembre.

J’ai fait tout juste avec vous, mon cher philosophe, comme on faisait autrefois avec les théologiens vos devanciers ; on les croyait plus qu’on ne se croyait soi-même. J’avais beau être persuadé que M. le chevalier de Beauteville était en Suisse ; vous m’assurâtes si positivement qu’il était à Saint-Omer, que c’est à Saint-Omer que j’ai adressé ma lettre. Elle partit dès le lendemain de votre visite, car, dès qu’il s’agit de rendre service, il faut songer que la vie est courte, et qu’il n’y a pas un moment à perdre. Cependant nous avons perdu trois semaines au moins, grâce à la foi implicite que j’ai eue en vous.

On vous avait trompé de même sur les quatre cents hommes pris en débarquant en Corse ; c’est bien, par tous les diables, au beau milieu de la terre ferme qu’ils ont été déconfits. Nous avez mis ma foi à de rudes épreuves ; cependant j’aurai toujours foi en vous, je veux dire en votre caractère de franchise et de droiture, et en votre esprit plein de grâces. Si Athanase vous avait ressemblé, nous ne serions pas où nous en sommes.

sur ce, je vous donne ma bénédiction et reçois la vôtre.

P. S. J’aime mieux mille fois cette Purification[1] que la fête de la Purification de la Vierge. Les parfums dont on s’est servi montent furieusement au nez. Le purificateur n’a pas physiquement six pieds de haut, mais moralement il en a plus de trente. Tudieu ! quel homme ! je voudrais bien qu’il vînt quelque jour nous parfumer. Si jamais je suis syndic, je me garderai bien d’avoir affaire à si forte partie.

  1. Purification des trois points de Droit, par l’avocat Delolme le jeune. (K.)