Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7508

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7508. — À M. TRANTZSEHEN,
premier lieutenant de l’infanterie saxonne, à ernsthal,
près de chemnitz, en saxe.
16 mars.

Monsieur, si la vieillesse et la maladie l’avaient permis, j’aurais eu l’honneur de vous remercier plus tôt de votre lettre et de votre dialogue[1]. On dit que les Allemands sont fort curieux de généalogies ; je vous crois descendu de Lucien en droite ligne ; vous lui ressemblez par l’esprit ; il se moquait, comme vous, des prêtres de son temps : les choses n’ont guère changé que de nom. Il y a toujours eu des fripons et des fanatiques qui ont voulu s’attirer de la considération en trompant les hommes, et toujours un petit nombre de gens sensés qui s’est moqué de ces charlatans.

Il est vrai que les énergumènes de ce temps-ci sont plus dangereux que ceux du temps de Lucien, votre devancier. Ceux-là ne voulaient que faire bonne chère aux dépens des peuples ; ceux-ci veulent s’engraisser et dominer. Ils sont accoutumés à gouverner la canaille, ils sont furieux de voir que tous les gens bien élevés leur échappent. Leur décadence commence à être universelle dans l’Europe. Une certaine étrangère nommée la Raison a trouvé partout des apôtres, depuis une quinzaine d’années. Son flambeau a éclairé beaucoup d’honnêtes gens, et a brûlé les yeux de quelques fanatiques qui crient comme des diables. Ils crieront bien davantage, s’ils voient votre joli dialogue.

Pour moi, monsieur, je n’élève la voix que pour vous témoigner mon estime et ma reconnaissance, et pour vous dire avec quels sentiments respectueux j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.

  1. L’auteur n’a point place dans ; l’Allemagne littéraire.