Correspondance inédite de Hector Berlioz/043

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Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 169-170).
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XLIII.

À M. AUGUSTE MOREL.


Londres, lundi 24 avril 1848.

Mille remerciements, mon cher Morel, pour la peine que vous prenez à mon sujet et pour votre lettre si amicale. C’est une bonne fortune en ce temps-ci d’obtenir de Paris une réponse de ses amis… Il est vrai, comme dit le proverbe, qu’il y a fagots et fagots.

Ne m’écrivez pas avant d’avoir reçu une seconde lettre de moi ; je ne sais pas encore où je vais loger. J’ai dû quitter la maison de Jullien il y a quatre jours, une nouvelle saisie y ayant été opérée, au nom de la reine, pour la queen’s-tax qu’il n’avait pas payée.

Avant-hier, les journaux de Londres ont annoncé la banqueroute de Jullien, qui, dit-on, est, à cette heure, en prison. Je n’ai donc plus rien à espérer de lui.

Les journaux d’ici s’occupent toujours beaucoup de moi ; mais la résistance du comité de la Société philharmonique est quelque chose de curieux : ce sont tous des compositeurs anglais, et Costa est à leur tête. Or, ils engagent M. Molique, ils jouent des symphonies nouvelles de M. Hesse et autres ; mais je leur inspire, à ce qu’il paraît, une terreur incroyable. Beale, Davison, Rosemberg et quelques autres se sont mis en tête de les forcer à m’engager. Je laisse faire, nous verrons bien. C’est un vieux mur qu’il me faut renverser, et derrière lequel je trouve, tout à moi, le public et la presse.

Paris semble un peu se rasséréner. Dieu veuille que cela dure et que l’Assemblée soit une véritable représentation de la nation. Alors, en effet, on pourrait espérer quelque grande chose. Mais vous ne sauriez croire combien votre sort, à vous, Morel, et celui de quelques autres de nos amis, me préoccupe et m’inquiète. Comment pouvez-vous vous tirer d’affaire au milieu de cette triomphante débâcle ?