Correspondance inédite de Hector Berlioz/153

La bibliothèque libre.
Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 349-351).
◄  CLII.
CLIV.  ►


CLIII.

À M. WLADIMIR STASSOFF[1].


Paris, dimanche 1er mars 1868.

Je ne vous ai pas écrit depuis mon retour, je souffrais horriblement. Aujourd’hui, je vais un peu mieux et je viens vous dire bonjour en vous annonçant mon départ pour Monaco. Je partirai ce soir à sept heures. Je ne sais pas pourquoi je ne meurs pas. Puisqu’il en est ainsi, je vais revoir ma chère côte de Nice et les rochers de Villefranche et le soleil de Monaco. Hier, je me suis traîné à l’Académie, où j’ai vu mon statuaire et confrère Perraud[2]. Il m’a appris que l’Américain Steinway l’avait enfin payé pour mon buste et qu’on était en ce moment occupé à en couler trois exemplaires plus grands que nature pour New-York et Paris. Je crois bien que c’est vous qui m’avez témoigné le désir d’en avoir un pour le Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Si ce n’est pas vous, c’est Kologrivoff[3], ou Cui[4], ou Balakireff[5]. En tout cas, sachez et faites-leur savoir que M. Perraud m’a appris qu’on pourrait couler encore d’autres exemplaires de ce buste… Écrivez-moi rue de Calais, no 4, à Paris. On m’enverra votre lettre à Nice ou à Monaco. Mais il serait mieux encore d’écrire à M. Perraud, statuaire, membre de l’Académie des Beaux-Arts, à l’Institut, Paris. Vous lui direz ce que vous voulez et quand vous le voudrez. Et ce sera plus prompt. Oh ! quand je pense que je vais m’étendre sur les gradins de marbre de Monaco, au soleil, au bord de la mer !!!…

Ne soyez pas trop juste, écrivez-moi malgré mon laconisme ; songez que je suis malade, que votre lettre me fera du bien et ne me parlez pas de composer, ne me dites pas de bêtises… Assurez-moi que vous m’avez rappelé au souvenir de votre charmante belle-sœur, de votre gracieuse fille et de votre frère. Je les vois tous les trois comme s’ils étaient là.

La musique… Ah ! j’allais vous dire quelque chose sur la musique, mais j’y renonce.

Adieu, écrivez-moi vite, votre lettre me fera renaître et aussi le SOLEIL… Pauvre malheureux ! vous habitez la neige !…

  1. C’est, ainsi que nous l’avons dit plus haut, à l’extrême complaisance de M. Stassoff que nous devons toutes les lettres de ce recueil, adressées à des correspondants Russes.
  2. Perrot, dans l’original ; nous ne connaissons point de sculpteur de ce nom-là, à l’Institut.
  3. Inspecteur de la musique dans les théâtres impériaux.
  4. Excellent critique et compositeur russe.
  5. Chef d’orchestre et compositeur de talent.