Coup d'oeil sur l'état des missions de Chine/Lettre au pape Pie IX

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Lettre du Père Gabet au Pape PIE IX


Très Saint-Père

Depuis le moment heureux où la Providence a suscité Votre Sainteté pour Souverain Pontife de l’Église, chaque jour de son règne a été signalé par des événements, dont la sagesse et la fermeté excitent l’admiration et la reconnaissance de l’univers entier.

Aussi, les nations chrétiennes n’ont-elles qu’un sentiment, pour manifester leur joie et célébrer leurs espérances. Mais, au milieu de tant de peuples qui se pressent prosternés à vos pieds, au milieu de tant de voix qui s’élèvent pour glorifier le présent et saluer l’avenir, des pensées d’angoisses viennent percer le cœur des Missionnaires ; c’est que de vastes contrées, ainsi que des peuples innombrables, ensevelis encore tout entiers dans les ombres de l’infidélité, restent enchaînés dans les ténèbres extérieures, et n’ont aucun moyen de participer à ces fêtes universelles du monde catholique.

Les immenses régions de l’Asie centrale sont parcourues et traversées en tous sens par une multitude de nations voyageuses qui semblent, dans leur éternel pèlerinage, aller interroger tous les coins de leur territoire et tous les antres de leurs montagnes, pour demander en quel lieu est né le Sauveur du monde ; et jusqu’ici aucun oracle n’est venu éclairer leurs doutes, aucune étoile ne s’est levée sur leurs têtes pour guider leurs pas. S’il est une voix qui leur réponde, c’est celle de l’antique séducteur qui vient river leurs fers et rendre plus épais encore le voile qui leur cache la lumière et la vie.

Telles sont les considérations sous l’empire desquelles ont été écrites les réflexions de ce petit recueil. Considérés comme le cri éploré des enfants qui demandent du pain, et comme la voix gémissante de ces nations tristement assises à l’ombre de la mort, parvenues aujourd’hui jusqu’aux pieds de Votre sainteté, puissent-elles contribuer à faire arriver jusqu’à leurs déserts quelques rayons de la céleste lumière.

C’est dans cette pensée et dans cette espérance que j’ai désiré présenter ce petit écrit à Votre Sainteté et je la supplie en même temps de vouloir bien agréer l’hommage des sentiments de respect, de soumission, de foi et d’amour avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Très-Saint Père,

De Votre Sainteté
Le très humble, très obéissant et très respectueux serviteur,
J. GABET, Missionnaire apostolique.
Rome, le 12 octobre 1847.