Cours d’agriculture (Rozier)/COLIQUE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 427-431).


COLIQUE. On donne, en général, le nom de colique, à toutes les douleurs, plus ou moins vives, qu’on éprouve dans le bas ventre.

Le mot colique vient d’un des intestins nommé colon, que l’on croyoit être le siège de toutes les coliques.

On distingue plusieurs espèces de coliques, en raison des causes qui les font naître, & des différentes parties du bas ventre, dans lesquelles les coliques sont fixées.

Comme on a donné le nom impropre de colique, à toutes les douleurs vives qui se font ressentir dans le bas ventre, nous allons donner un tableau de toutes ces maladies nommées coliques, avec un renvoi aux articles qui traitent de ces maladies, & nous ne parlerons, dans celui-ci, que des coliques proprement dites.

1°. Coliques de bas ventre, ou inflammation de bas ventre. (Voyez Ventre)

2°. Coliques véroliques, scorbutiques & hystériques. (Voyez Scorbut, Vapeurs, Vérole)

3°. Colique, dite trousse galant. (Voyez Cholera morbus)

4°. Colique d’indigestion, (Voyez Indigestion).

5°. Colique néphrétique. (Voyez Rein)

6°. Colique d’estomac. (Voyez Estomac)

7°. Colique vermineuse. (Voyez Vers)

Nous allons traiter maintenant, dans cet article, des coliques suivantes :

1°. Colique, dite de miséréré.

2°. Colique dite volvulus, ou passion iliaque.

3°. Colique bilieuse.

4°. Colique venteuse & stercoreuse.

5°. Colique métallique, convulsive, nerveuse, de poitou, des peintres & des plombiers.

I. Colique de miséréré. La colique de miséréré, & le volvulus ou passion iliaque, sont le produit des inflammations du bas ventre. Ces deux maladies diffèrent spécialement de l’inflammation du bas ventre, en ce que, dans cette dernière, tout le canal intestinal est enflammé, tandis que, dans la colique de miséréré, & dans le volvulus, quelques intestins seulement sont enflammés. Voyez, comme nous l’avons indiqué, le mot Ventre, où il est traité de l’inflammation générale des intestins.

La colique de miséréré se fait connoître par les signes suivans, qui ont leur siège dans un des intestins, nommé jejunum. Le malade éprouve les douleurs les plus aiguës dans une portion du bas ventre : ces douleurs sont suivies de vomissemens énormes & continuels, de fièvre dévorante, de renfoncement du ventre, & d’une constipation opiniâtre. Si le mal persévère, les forces sont anéanties, le pouls se concentre, les syncopes se pressent, & le malade expire.

L’ouverture des cadavres a démontré que la colique de miséréré est l’inflammation violente de l’intestin nommé jejunum ; or, toutes les causes générales de l’inflammation des hernies ou descentes, les tumeurs fixées dans le bas ventre, & les crises des autres maladies, peuvent déterminer l’inflammation de cet intestin.

Nous avons donné un tableau abrégé de cette maladie : entrons maintenant dans quelques détails, afin que nos lecteurs saisissent mieux la marche & le caractère de cette effroyable maladie, qu’on a confondue, & qu’on confond tous les jours avec tant d’autres.

Le malade, attaqué de la colique de miséréré, ressent, vers le nombril, une douleur aiguë & lancinante, que le plus léger mouvement rend encore plus déchirante. La constipation est constante, rien ne sort par les selles ; le vomissement seul a lieu, il est continuel. Dans les premiers temps, il n’entraîne que des matières bilieuses, vertes, jaunes, & de toutes couleurs ; il augmente par degrés, & les matières stercorales sortent enfin par la bouche. L’âcreté de ces matières fait passer l’inflammation jusqu’à l’estomac ; la soif devient dévorante, le pouls se concentre, les syncopes s’emparent du malade, la constipation continue, le vomissement ne se ralentit pas ; tout l’intérieur du corps brûle, tandis que l’extérieur est saisi par le froid ; le visage s’altère sensiblement en peu de temps ; le ventre s’aplatit, & semble toucher à l’épine du dos. Enfin, après avoir été déchiré par les douleurs les plus insupportables, le malade expire dans des angoisses violentes, dans l’espace de vingt-quatre, ou quarante-huit heures au plus.

Le traitement doit être très-actif, & celui qui convient, est le traitement rapproché de l’inflammation. Il ne faut pas s’effrayer de la concentration du pouls ; il faut verser le sang en abondance, faire boire au malade abondamment des tisanes adoucissantes, humectantes & relâchantes, telles que le petit lait, l’eau de veau légère, l’eau de poulet avec les amandes douces ; appliquer des sangsues au ventre & à l’anus. Il faut que le médecin ferme l’oreille aux cris de la populace ignorante & qu’il insiste avec courage sur ce traitement actif & pressant. Le succès sera sa récompense, le pouls s’élève & se développe dans la proportion que le sang coule. Il faut, de plus, que le malade prenne des lavemens émolliens, toutes les deux heures : qu’il les rejette, ou qu’il les garde, le fait doit être indifférent au médecin. Il faut appliquer sur le ventre, des embrocations faites avec des herbes émollientes, avec la flanelle trempée dans les eaux où les plantes émollientes ont bouilli, des vessies pleines de lait ; plonger le malade dans le bain tiède, lui faire boire des huiles douces abondamment, en appliquer aussi sur le siège de la douleur. Après ces moyens réunis, qui combattent victorieusement l’inflammation, il est permis, il est sage même d’employer les caïmans ; ils nuiroient avant l’application des différens moyens que nous venons d’indiquer. Il faut assoupir dans ces cas ; mais il ne faut pas endormir : c’est pourquoi le sirop diacode, à la dose d’une demi-once ou d’une once, l’opium, à la dose de deux ou trois grains en lavage, & pour toute la journée, conviennent admirablement bien. Les douleurs calmées, on purge le malade ; mais c’est dans cette situation que la prudence doit veiller à l’emploi des purgatifs : il faut employer les plus doux, la manne & les tamarins en lavage. On termine la guérison par les purgatifs amers, & on a soin d’employer un calmant après leur effet, pour s’opposer à l’irritation qu’ils pourroient occasionner.

II. Du volvulus ou de la passion iliaque. Le volvulus ou la passion iliaque se fait connoître par les mêmes symptômes qui annoncent la colique de miséréré. La cause est ici seulement différente ; elle dépend d’une portion des intestins, rentrée dans une autre portion d’intestins. Nous ne pouvons donner une idée sensible de cet effet, qu’en le comparant à ce que l’on observe dans un gant, dont l’extrémité, par exemple, du doigt, est rentrée dans le corps même du doigt : l’ouverture des cadavres a démontré cette analogie ; les hernies ou descentes, & l’inflammation produisent cet effet. Dans l’état naturel, les intestins ont un mouvement qu’on nomme vermiculaire, qui commence à l’estomac, & qui se propage de haut en bas, jusqu’à l’anus : dans le volvulus, au contraire, l’ordre naturel est renversé ; le mouvement commence par en bas, & remonte vers l’estomac. Dans cet état, toutes les matières contenues dans l’estomac, & dans les intestins, ne peuvent pas sortir par le fondement ; la constipation a lieu, & elles enfilent toutes la route de l’estomac, & sont rejetées, même les matières stercorales, par la bouche. Dans la précédente maladie, la cause a son siège, comme nous l’avons dit, dans l’intestin nommé jejunum ; & dans celle-ci, (le volvulus) elle est fixée dans l’intestin nommé ilium, d’où elle a pris son nom de passion iliaque.

Le traitement doit être le même que dans la colique de miséréré ; les narcotiques ne sont pas aussi utiles, parce que les douleurs sont moins fortes. On a conseillé des pilules de plomb au malade, pour dégager les portions d’intestins enclavées les unes dans les autres ; mais l’usage préfère le mercure. Ces différens moyens sont plus pernicieux qu’utiles, si l’inflammation existe : dans ce cas, il en faut venir à l’opération. Comme elle est la même que celle qui se pratique dans les hernies, nous renvoyons à ce mot.

III. Colique bilieuse. La colique bilieuse se reconnoît facilement aux signes suivans : le malade éprouve des douleurs plus ou moins aiguës dans toute l’étendue du ventre & de l’estomac ; il rend par le haut & par le bas, des vents ; il vomit abondamment une matière jaune, verte & fétide ; ses urines sont en petite quantité, & rouges.

Cette maladie est un diminutif de l’inflammation du bas ventre ; (Voyez Ventre) & si on néglige d’y porter remède dans les commencemens, ou si les remèdes qu’ont emploie sont âcres, chauds & irritans, l’inflammation du bas ventre paroît, & souvent la suppuration & la gangrène mettent fin aux souffrances du malade. La cause de la colique bilieuse est un amas de matières âcres & indigestes, produites, soit par des acariens, soit par des indigestions ou autres crises de maladies.

Si le malade est fort jeune & sanguin, & si les douleurs sont vives, il faut employer, dans cette maladie, le traitement de l’inflammation ; il faut verser du sang, faire boire abondamment au malade, du petit lait avec le jus de citron ou d’oseille, & le jus de ces plantes dans l’eau, si on ne peut pas se procurer de petit lait ; il faut lui donner des lavemens avec le petit lait, ou l’eau chargée de miel simple ; lui faire prendre, toutes les deux heures, un demi-gros de crème de tartre, fondu dans un verre de la boisson ordinaire ; appliquer sur le ventre, des flanelles trempées dans l’eau tiède, où on a fait bouillir de la fraise de veau, ou des herbes émollientes. On ne purge que lorsque les douleurs sont calmées ; on ne soutient les forces du malade qu’avec de l’eau de gruau ou de riz, ou de pain. Quelquefois les vomissemens résistent à tous ces moyens, & il faut en venir à l’usage du laudanum, par gouttes, dans une cuillerée d’eau de menthe.

IV. Colique venteuse & stercoreuse. La colique venteuse est cet état maladif des intestins & de l’estomac, qui, à la suite de digestions dépravées, donne naissance au développement de l’air qui s’échappe des matières qui ont subi un commencement de putréfaction. Voyez l’article Antiseptiques, où nous avons développé le mécanisme de la fermentation de ces vents, & où nous avons exposé les moyens propres à les combattre.

Les purgatifs amers, précédés de boissons tièdes, & légèrement aromatiques, suffisent pour détruire les coliques venteuses. Il existe quelquefois des coliques qui sont tellement fortes, que le ventre résonne comme un tambour. Nous avons vu plus d’une fois l’application de linges trempés dans l’eau glacée, & la glace elle-même appliquée sur le ventre, rendre à la vie des gens prêts à expirer. Il faut cependant apporter la plus grande attention dans l’administration de ce moyen ; car s’il existoit inflammation dans quelques portions d’intestins, ce remède tueroit infailliblement le malade : dans ce cas, il faut faire le traitement de l’inflammation.

On réitère les purgatifs, suivant l’exigence des cas. Pour éviter le retour des coliques venteuses, le malade doit rétablir son estomac par l’usage des eaux ferrugineuses, & par l’usage du quinquina en poudre, mêlé à la rhubarbe, à la dose de douze grains par prise. Il doit, en outre, s’interdire l’usage de liqueurs fermentées, & de liqueurs spiritueuses, qui, malgré l’enthousiasme général, procurent beaucoup plus de mal que de bien dans ces circonstances. (Voyez Antiseptiques) Les coliques stercoreuses viennent à la suite d’une constipation opiniâtre ; les matières stercorales se durcissent considérablement ; les principes qui les composent, deviennent très-acrimonieux, l’air s’en échappe, & les intestins sont quelquefois déchirés, excoriés, & ils suppurent.

Le régime humectant & rafraîchissant, les boissons relâchantes, les lavemens légèrement purgatifs, & les purgatifs légers lèvent l’obstacle, & l’ordre se rétablit.

V. Colique métallique de Poitou, des peintres & des plombiers, convulsive & nerveuse. Cette colique est connue sous ces noms, parce que les peintres, les plombiers, tous ceux qui travaillent aux métaux & aux mines, & ceux qui boivent des vins adoucis par la litarge, sont sujets à des coliques qui se manifestent par les signes suivans.

Ceux qui sont attaqués de cette maladie, ressentent, vers le nombril, une douleur des plus lancinantes. Cette douleur, qui arrache les cris les plus aigus, a cela de particulier, qu’elle a ses intermissions, & que les vomissemens, le mouvement, les cris, & l’obligation où sont les malades d’aller à la selle, & de se tourmenter, ne font pas renaître la douleur, & ne l’augmentent pas quand elle existe : la fièvre s’allume quelquefois, & souvent elle ne paroît pas. Quelques malades ont le visage altéré, les yeux éteints, & la physionomie livide & plombée ; le ventre est souple, l’urine coule peu, la constipation a lieu, la peau des extrémités est sèche & écailleuse ; souvent cette maladie se termine par la paralysie.

Les anciens n’ont pas connu cette maladie : Citois, médecin du Cardinal de Richelieu, est le premier qui en ait donné une description exacte.

Le fameux Astruc plaçoit la cause de cette maladie dans la moelle alongée, & il expliquoit, d’après cette idée, les convulsions & la paralysie qui accompagnent & suivent cette maladie.

D’autres ont cru, & nous sommes de ce dernier avis, que les particules métalliques s’insinuent dans les nerfs des intestins. L’expérience parle en notre faveur ; car on ne guérit cette colique, qu’en faisant usage des purgatifs les plus violens, qui vont pénétrer dans la substance nerveuse des intestins, & qui en chassent les portions métalliques, fixées dans leur tissu.

On combat cette maladie par deux méthodes opposées ; par le traitement adoucissant, & par les purgatifs les plus violens. Ces deux moyens ont des succès ; cependant l’observation a prouvé que la méthode des adoucissans étoit plus longue, & entraînoit des suites désagréables après elle, telles que la paralysie, tandis que la méthode active avoit l’avantage inappréciable d’être plus prompte & plus sûre, & de ne laisser après elle aucune infirmité.

Cette dernière consiste à employer les émétiques les plus actifs, & les purgatifs très-violens. Consultez les gens de l’art pour ces cas épineux. M. B.