Croquis honnêtes/24

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Gangloff (p. 84-85).

Une Martyre.

Elle est toute jeune encore seize ans !

Son père a été broyé sous la dent des tigres en ce même amphithéâtre où elle va mourir ; sa mère y est morte hier.

Cette rose effeuillée qu’elle a laissé tomber, c’est le dernier présent de cette mère admirable qui, de son dernier geste, lui a montré le ciel où règne le Christ, le ciel où elle va monter.

Elle ne tremble pas, et ces fauves énormes ne l’effraient point. Il semble même qu’elle n’y prête pas la moindre attention. Sa pensée et ses yeux sont ailleurs.

Où son regard est-il fixé ?

C’est sur ce bel enfant de dix ans qui est là-bas, au vingtième degré du cirque ; c’est sur son frère qui est le seul reste de toute sa famille.

Et ce regard semble lui dire « Sois chrétien, sois toujours chrétien. »

Quant à elle, son âme est semblable à celle de notre sainte Blandine « qui fut attachée à un poteau et suspendue par les bras en forme de croix pour être déchirée par les bêtes ; mais qui, revêtue de force par le Roi des martyrs, conquit enfin, dans une lutte glorieuse, une couronne immortelle. »

Les fauves rugissent ; ils flairent leur proie, ils vont déchirer ces chairs virginales… Ô martyre inconnue, priez pour nous.