Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAUME

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(1p. 809-811).
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BAUME. s. m. Plante médicinale étrangère. Cette plante se nomme en latin balsamum ; son bois, xylobalsamum ; sa liqueur opobalsamum ; son fruit carpobalsamum. Le baume est un arbrisseau qui croît en Arabie, & qui ne s’élève guère plus haut que nos grenadiers : quelques-uns lui donnent la hauteur du violier blanc. Daper dit qu’il est de la forme de l’agnus castus, & de la hauteur du troëne ; qu’il a peu de feuilles. Il jette beaucoup de branches garnies de petites feuilles arrondies, que Prosper Alpin compare à celle de rue ; mais elles ne sont pas si blanches, & elles sont toujours vertes. Son bois est gommeux, & de couleur rougeâtre. Ses branches sont de la même couleur, longues, minces, & garnies de peu de feuilles. Ses fleurs sont petites, blanches & fort odoriférantes. Son fruit est un noyau couvert d’une peau séche & brune ; il renferme quelquefois une petite amande ; quelquefois, la semence étant avortée, la cavité de ce fruit est remplie d’une liqueur jaune, semblable à du miel, d’un goût amer, & qui pique la langue. Marmol, qui le décrit dans son XIe Livre Chap. 12, dit que c’est un arbrisseau de trois pieds de haut, dont les branches sont comme le sarment de la vigne, & de même couleur ; & que la graine en est rouge.

On en tire une liqueur pendant les mois de Juin, de Juillet & d’Août par le moyen des incisions qu’on fait à l’écorce ; il en sort aussi naturellement. Théophraste veut que ces incisions se fassent avec des griffes de fer, & Pline avec du verre, ou de la pierre ; parce que le fer, dit-il, le feroit mourir, ce qu’on ne remarque pourtant pas. Tacite dit, Hist. L. V. C. 6. que quand la séve fait enfler les branches du baume, il semble que ses veines appréhendent le fer, & s’arrêtent quand on y fait incision avec ce métal ; mais qu’on les ouvre avec quelque morceau de pierre, ou de pot cassé. Marmol dit qu’on le fait avec un couteau d’ivoire, ou de verre, parce que le fer feroit sécher les branches. Ce suc est blanc au commencement ; peu après il devient vert, ensuite de couleur d’or ; & enfin quand il vieillit, il est de couleur de miel : il est trouble d’abord, après il s’éclaircit, & a la consistance de la térébenthine. Son odeur est agréable, & fort pénétrante, son goût amer, âcre & astringent. Il est fort léger quand il est nouveau ; si on en verse dans l’eau, il ne va pas fort avant mais s’élevant tout-aussitôt, il se répand sur toute la surface de l’eau, se mêle avec elle, & s’y dissout promptement ; mais peu après il se coagule, & devint blanc comme du lait ; & c’est alors qu’on le tire de l’eau.

On a crû que le Baume croissoit en Egypte & en Judée ; cependant Dapper dans sa Descript. d’Egypte, pag. 62, dit que le baume n’est point originaire d’Egypte ou de Syrie, comme l’ont crû Théophraste, Dioscoride, Pline, Justin, Strabon, & plusieurs autres Anciens ; que bien loin qu’il croisse de lui-même en Egypte, on n’en trouve que dans le seul jardin d’Elmatharea, d’où les Pèlerins de la Mecque l’apportent ; que tous les Pèlerins conviennent unanimement qu’auprès de la Mecque & de Médine, sur la montagne & dans la plaine, dans les terres cultivées & les incultes, & même sur les sablons, il y croît une infinité d’arbres de baume ; mais ceux qui croissent dans ces lieux stériles, ne rendent que fort peu de gomme ; ils portent beaucoup de graine, qu’on envoie vendre en Europe. Les habitans pour tirer plus de profit de ces arbres, les transplantent de ces lieux arides dans des terres grasses. De plus tous les anciens Arabes témoignent, selon le récit des mêmes pèlerins, que de tous temps il a crû en plusieurs endroits de l’Arabie heureuse une infinité d’arbres de baume, & que ces quartiers n’en ont jamais été dénués. Josephe est du même sentiment, Antiq. Jud. L. VIII. Dapper. M. d’Herbelot assure qu’il n’en croît plus maintenant qu’en Arabie. Pline dit que de son temps ce n’étoit qu’en deux jardins appartenant au Prince, qui contenoient environ vingt journaux. Mais les Romains le firent multiplier en la vallée de Jéricho, comme témoigne Justin. La Reine de Saba en apporta une plante à Salomon ; & Josephe dit qu’on lui a l’obligation de ce que la Judée a été depuis fertile en baume. On élève présentement en Arabie une infinité de ces arbres, dont les Arabes tirent beaucoup de profit. Il n’y a pas long-temps qu’on s’est apperçu du gain qu’il y avoit à faire. Mais depuis qu’on y a pris garde, il y en a des vergers tout pleins. Cependant on a fait une loi qui défend de semer ou de planter cet arbre sans la permission du Souverain. Dapper. Voyez cet Auteur, p. 62, 63. Il y a plusieurs choses curieuses touchant ce baume. Tandis que le baume découle des arbres qui sont dans le jardin du Grand-Seigneur au Grand Caire, il y a des Janissaires qui gardent ce baume.

Le baume qu’on apporte d’Arabie au Caire, encore qu’il soit de bonne odeur, n’est pas tout véritable gomme, ni des larmes de l’écorce, car il en tombe fort peu : la plupart du baume est fait du bois & des branches vertes de l’arbre distillés au feu ; encore n’est-il pas tout pur ; on le falsifie en y mêlant de la térébinthe de Cypre. De plus on extrait de la graine une liqueur qu’on fait passer pour du véritable baume, quoiqu’il n’ait pas l’odeur si forte, & qu’il soit plus amer au goût. Dapper. Le Moine qui a composé dans l’onzième siècle la vie de S. Bononius, parle d’un jardin qu’avoit le Roi de Babylone en Egypte, tout planté d’arbres de baume. Marmol écrit aussi, L. XI, que l’on dit qu’il ne croît que dans un jardin du Grand-Seigneur proche du Caire.

Outre ce baume d’Orient, il nous en vient de plusieurs sortes de l’Amérique. Les plus considérables sont ceux du Pérou, de Tolu & de Capaïba. Le baume du Pérou est un suc tiré d’un arbre qui est de la grandeur du grenadier, ayant les feuilles semblables à l’ortie. Quand on fait une incision à son écorce, il en fort une liqueur blanchâtre & gluante qu’on appelle baume, parce qu’on y a remarqué les vertus de l’ancien baume de Judée : mais les Indiens gardent le naturel pour eux, & nous envoient de l’artificiel, qu’ils font en faisant bouillir le tronc & les branches hachées de cet arbre, & en amassant avec une coquille l’huile qui nage au-dessus de cette décoction, & qui est de couleur noire, rougeâtre & fort odoriférante ; & c’est ce qu’on appelle baume noir, ou baume de lotion. On appelle encore baume noir le labdanum.

Le baume de Tolu est tiré par l’incision de l’écorce d’un arbre qui ressemble à un petit pin. Il est rouge tirant sur le doré, de consistance moyenne, fort gluant & adhérent, de saveur douce & agréable, d’une odeur excellente, qui approche de celle du limon. Il a les mêmes qualités que celui du Pérou. On l’apporte d’une province de l’Amérique, que les Indiens appellent Tolu, située entre les villes de Carthagène, & de Nombre de Dios.

Le Baume de Copaïba, que nous nommons baume de Capau, & quelquefois baume de Copahu, est tiré de même par l’incision d’un arbre qui croît en abondance dans l’île de Matanhou. Cet arbre est assez grand, son bois fort rouge & dur, dont on fait des planches larges pour divers usages. Ses feuilles sont ovales, longues de quatre ou cinq doigts, & larges de deux, ou de deux & demi. Ce baume est fort clair, de la consistance & de l’odeur de l’huile de térébenthine distillée ; on en tire quelquefois jusqu’à douze livres dans l’espace de trois heures. Il est admirable pour les plaies, comme les autres baumes. Les Juifs s’en servent après la circoncision, pour arrêter le sang qui coule de la plaie.

Le Baume de la Mecque a pris son nom du lieu d’où il vient, comme les autres baumes dont on vient de parler ; il est sec & blanc, semblable en figure à la couperose blanche calcinée, sur-tout quand il est Vieux. Pomey. Il y a aussi un baume de vanille dont nous n’avons guère connoissance ; on le fait, ou on le tire au Mexique ; mais les Espagnols le gardent pour eux, & ils n’en font point commerce.

Baume de liquid-ambar, est une huile qui a la consistance de la térébenthine, & qui ressemble à une raisine claire & rougeâtre : elle découle du tronc de certains arbres fort gros & fort grands, dont les feuilles sont semblables à celles de lierre : ces arbres croissent en quantité dans la nouvelle Espagne.

Il y a encore un baume qu’on appelle nouveau, qui vient de l’Île Espagnole. L’arbre qui le produit est de la hauteur de deux hommes : on en prend les sommités, & les fruits qui ressemblent à des raisins ; on en tire le suc, & on le fait cuire jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistance du miel. Prosper Alpin, Marc-Grave, Tesmandés, Jean de Laët, ont parlé de ces différens baumes.

Le Baume a servi de corps à d’assez belles devises, avec ces ames : Vulnere sano, ou Vulnus opem, ou In pretio lacrimæ ; on l’a appliqué à des personnes pénitentes, avec ce mot : Sponte fluunt melius, il marque très bien que les bienfaits doivent n’être point forcés.

☞ On appelle aussi baumes certaines compositions faites par les Apothicaires & : les Chimistes, principalement lorsqu’il y entre des ingrédiens balsamiques.

Le Baume artificiel est un remède qu’on emploie le plus souvent à l’extérieur. On le fait d’une consistance un peu plus solide que celle de l’onguent ordinaire. Il est préparé pour récréer & fortifier les parties nobles par sa bonne odeur. Il s’en fait aussi d’une consistance fluide entre celle des huiles & des linimens, dont le principal usage est pour les plaies. Il s’en fait de plusieurs façons, de divers aromates & huiles distillées. L’huile de noix muscade est la bâse ordinaire des baumes, ou la cire blanche. On y mêle la graisse d’agneau, la moele de cerf & de veau, ou la manne en larmes, &c. On lui donne les noms d’apoplectique, stomachique, bésoardique, hystérique, vulnéraire, &c.

Le baume apoplectique réjouit le cœur, réveille les esprits suffoqués dans l’apoplexie, & donne le temps de préparer d’autres remèdes plus efficaces. Alors il en faut frotter les tempes, les sutures, & la fontenelle, & en faire avaler quelques grains dissous dans de l’eau de la Reine d’Hongrie, ou dans de l’eau de cannelle.

On appelle aussi le baume du Samaritain, de l’huile commune mélée, & cuite avec du vin, parce qu’on croit que le charitable Samaritain de l’Evangile se servit de ce remède.

Baume, ou Huile de poix, est une huile rougeâtre qu’on tire de la poix par le moyen d’une cornue : on lui a donné le nom de baume, à cause de ses grandes propriétés. Le baume de poix est un très-bon baume, & l’on prétend que ses qualités approchent de celles du baume naturel.

Baume ardent. C’est une composition qui est un remède pour les plaies, les meurtrissures, & les humeurs froides. Ce remède se fait d’une teinture jaune de Karabé broyé qu’on tire par le moyen de l’esprit de vin, dans laquelle on fait dissoudre du camphre rafiné.

Baume de Saturne. C’est un sel de Saturne, dissous dans l’huile ou l’esprit de térébenthine, & digéré, dit M. Harris, jusqu’à ce que la matière ait pris une teinture rouge. Ce baume résiste à la putréfaction des humeurs, & est fort propre à nettoyer & cicatriser les ulcères.

Baume de soufre. Il y en a de deux sortes. Le baume de soufre commun, & le baume de soufre anisé. Le baume de soufre commun est un baume tiré par le moyen du feu d’une composition faite d’huile de noix tirée sans feu, de fleur de soufre, de sel de tartre, & de vin blanc mêlés ensemble. Le baume de soufre commun est bon pour digérer, pour résoudre les matières crues, découlées & amassées en quelque partie du corps : on l’emploie en onction extérieure : il sert de bâse à l’emplâtre de souffre. Le baume de soufre anisé est tiré de l’huile d’anis vert, & de véritable fleur de soufre qu’on a fait dissoudre ensemble.

On appelle des Charlatans, vendeurs de baume, qui vendent des onguents ou des huiles pour les plaies, qu’ils nomment abusivement de ce nom. Ils vendent aussi une certaine liqueur pour le fard, qu’ils appellent du baume blanc.

Baume, suivant quelques Chimistes, n’est autre chose que l’ame du sel commun extraite par l’art. Ils le font dissoudre à l’humide, & ils mettent la résolution bien clarifiée dans du fumier de cheval pour la putréfier pendant deux ou trois mois, & ensuite ils la font distiller fortement avec feu de sable ; il en monte une onctuosité précieuse, dans laquelle mettant tremper les choses les plus corruptibles, elles demeureront éternellement entières. Ils disent que c’est par ce moyen que les Anciens & les plus curieux ont conservé des corps entiers sans les réduire en momies, & que c’est ainsi que fut conservé le corps d’une femme dont parle Volaterran, qui fut trouvé dans un Mausolée près d’Albane du temps d’Alexandre VI, lequel par son ordre fut jeté secrètement dans le Tibre pour éviter l’idolâtrie ; car il paroissoit vivant & très-beau, quoiqu’il fût mort il y avait treize siècles

Baume Universel, en termes de Philosophie hermétique, c’est l’élixir parfait, un remède rare & universel, qui produit des choses étonnantes dans la nature.

Baume, se dit aussi d’une certaine composition noirâtre de bonne odeur, que l’on porte dans de petites boîtes. La bile en est l’huile de muscade, à laquelle on ajoute le storax, & autres choses semblables, suivant l’odeur qu’on veut lui donner.

Baume, est aussi une petite herbe qu’on met dans les fournitures de la salade. Elle est odoriférante. C’est une espèce de menthe.

Baume, se dit figurément de ce qui est de bonne odeur, ou qui cause la guérison. A l’ouverture des Reliques de ce Saint, il en sortit un baume précieux qui parfuma tout l’air d’alentour. La grâce que les Sacremens confèrent est un baume qui guérit toutes les plaies de nos âmes. Le baume que l’on mêle avec l’huile pour faire les onctions dans les Sacremens & les cérémonies ecclésiastiques, signifie, selon Amalarius Fortunatus, la bonne odeur des vertus que doit répandre celui à qui on l’applique. L’auteur Arabe du Giavaheral Bokhur, Histoire abrégée de l’Egypte, écrit que le Baume de Matharée auprès du Caire, en Egypte, étoit fort recherché des Chrétiens, à cause de la foi qu’ils y avoient. Il veut dire que les Chrétiens se servoient de ce baume pour faire le crême de la Confirmation. d’Herb. C’est une preuve de la créance de l’Eglise Catholique sur ce sacrement.

☞ On dit proverbialement, qu’une chose fleure comme baume ; pour dire, qu’elle sent bon. On le dit au figuré d’une affaire qui paroît bonne & avantageuse.

☞ On dit encore que la réputation de quelqu’un fleure comme baume, pour dire, qu’il jouit d’une bonne réputation.

Baume, signifie en Provence & en Dauphiné une Caverne. On y appelle Sainte Baume, la Caverne que l’on prétend avoir été habitée par sainte Magdelaine. La pluie qui tombe sur le rocher de la Sainte Baume, qui est tout fendu & crevassé, & où il n’y a point d’herbe, pénètre dans la grotte en très-peu d’heures, à 67 toises au dessous de la superficie du rocher, & y forme une très-belle citerne. De la Hire, Acad. des Sc. 1703. pag. 61. Chorier dit qu’il signifie tantôt une grotte, & tantôt un Territoire coupé de valons, & couvert de bois, & que c’est ce que signifie Αλμα en grec, d’où il dérive. M. Ménage croit que ce mot a été pris du latin barbare balsima, qui se trouve en cete signification dans les Capitulaires de Charles le Chauve. Le P. Mabillon, Annal. Bened. Lib. I. p. 24. prétend que balma est un ancien nom gaulois, qui signifoit un rocher, rupes. M. de Valois dit, Notit. Gall. pag. 74 ; que balma en Italie signifie un antre ; qu’en gaulois il croit que baume signifie un antre, ou une caverne, sur-tout si elle est sur une montagne, ou sur un lieu élevé. Voyez Balme.

☞ BAUME les moines. Abbaye de France, en Franche-Comté, près de Lons le Saunier, au Diocèse de Besançon, Ordre de S. Benoît de la Congrégation de Clugni.

☞ Baume les nones, ou Beaune les nonains. Petite ville de France, sur le Doux, en Franche-Comté.

☞ Baume les nones. Abbaye de filles, en France, dans la Franche-Comté.