Dictionnaire de théologie catholique/ABRAHAM (Promesse du Messie faite à)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 59-62).

III. ABRAHAM (Promesse du Messie faite à).
I. Première promesse à Abraham.
II. Renouvellement de cette promesse à Abraham, à Isaac et à Jacob.

I. Première promesse a Abraham.

Elle est le dernier terme d’un groupe de quatre promesses, faites par Dieu à Abraham pour le récompenser de son obéissance et de son abnégation à quitter sa patrie, sa famille et sa parenté. Étudions les paroles de Dieu qui les expriment. Elles sont formulées suivant une gradation ascendante. Gen., xii, 2, 3.

Promesse d’une nombreuse postérité.

« Je ferai sortir de toi un grand peuple, » grand par le nombre de ses membres, puisque Dieu, en renouvelant cette promesse, a assuré que la postérité d’Abraham serait multipliée comme la poussière de la terre, Gen., xiii, 16, et aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. En gage de la vérité de sa parole, Dieu changea le nom d’Abram, « père élevé, » en celui d’Abraham, « père d’une multitude. » Il le rendra chef de nations, et des rois seront issus de lui. Gen., xvii, 4-6. Cette nombreuse postérité descendra, non pas d’Ismaël, mais d’Isaac, le fils de Sara. Gen., xvii, 16 ; xviii, 10-15. Après le sacrifice, si généreux d’Isaac, Dieu renouvela une dernière fois à Abraham l’annonce d’une descendance égale aux étoiles des cieux et au sable du bord de la mer. Gen., xxii, 17. Cf. Hebr., xi, 12. La même promesse fut réitérée en des termes équivalents ou identiques à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob. Gen., xxviii, 14. De fait, la postérité d’Abraham dans la seule lignée d’Isaac fut considérable, et le peuple juif eut des rois célèbres qui agrandirent sa domination. Mais plusieurs Pères ont pensé que la nombreuse descendance d’Abraham n’épuisait pas la fécondité de la promesse divine, si on ne considérait pas en elle son rejeton le plus illustre, Jésus-Christ, fils d’Abraham, Matth., i, 1, et les fils qu’il lui a engendrés par la foi. Rom., iv, 16, 17. D’après saint Irénée, Cont. hær., iv, 7, n. 1, 2, P. G., t. vii, col. 991-992, l’avènement du fils de Dieu fait homme a rendu la postérité d’Abraham aussi nombreuse que les étoiles du ciel, car Jésus a fait sortir des pierres des fils d’Abraham, lorsqu’il nous a arrachés à la religion des pierres, a changé nos pensées dures et stériles et nous a rendus semblables à Abraham par la foi. Pour saint Ambroise, De Abraham, I, iii, n. 20, 21, P. L., t. xiv, col. 428, Jésus-Christ est le véritable fils d’Abraham, qui a illustré la succession de son ancêtre ; c’est par lui qu’Abraham a contemplé les cieux et a compris que la splendeur de sa descendance ne serait pas moins brillante que l’éclatante clarté des étoiles. C’est par l’héritage de la foi que la race d’Abraham s’est propagée ; c’est par lui que nous sommes comparés au ciel, que nous avons des rapports avec les anges et que nous égalons les étoiles. Saint Cyrille d’Alexandrie, Glaphyr. in Genes., iii, n. 2, P. G., t. lxix, col. 113, dit que les Juifs n’ont pas le droit de se glorifier d’Abraham leur père selon la chair. Puisque Israël n’a formé qu’une seule nation, son patriarche n’a été nommé « père de beaucoup de nations », que parce qu’il a été le père des croyants, rassemblés pour ainsi dire de toutes les villes et de toutes les régions pour constituer un seul corps dans le Christ et être ainsi appelés à la fraternité spirituelle. On trouve les mêmes pensées exprimées par Raban Maur, Comment, in Gen., ii, 12-17, P. L., t. cvii, col. 533, 541, et par Rupert, De Trinitate et operibus ejus, xv, 10, 18 ; t. cxlvii, col. 375, 383. Ces deux derniers écrivains distinguent même la postérité charnelle d’Abraham, comparée à la poussière de la terre et au sable de la mer, de sa postérité spirituelle, brillante comme les étoiles du ciel et aspirant à l’héritage céleste. — 2° Promesse de faveurs insignes. — « Je te bénirai. » Cette bénédiction divine apportera à Abraham les richesses et la prospérité temporelles, que les patriarches regardaient à juste titre comme un effet de la bénédiction céleste sur eux. Gen., xxx. 27 ; xxxix, 5. Elle produisit ses fruits pour Abraham, qui était favorisé dans ses biens et dans toutes ses entreprises, ainsi que le constatait Abimélech, roi de Gérare. « Dieu est avec toi en tout ce que tu fais, » disait-il à Abraham. Gen., xxi, 22. Mais suivant la remarque de l’abbé Rupert, De Trinitate, xv, 5, P. L., t. cxlvii, col. 370, la bénédiction de Dieu conférera à Abraham les bienfaits spirituels, la grâce du Saint-Esprit, qui est supérieure à la multiplication delà race et à l’abondance des richesses de ce monde. — 3° Promesse d’une grande gloire. — « Je rendrai ton nom célèbre. » Le nom même d’Abraham qui lui avait été donné par Dieu, Gen., xvii, 5, (’lait significatif et rappelait la promesse divine d’une nombreuse postérité. Il est devenu populaire et fameux dans le monde entier. Le personnage qui le portait a été partout honoré. Il n’a pas eu son pareil en fait de gloire. Eccli., xliv, 20. Les Juifs se glorifiaient de l’avoir pour père. Matth., iii, 9 ; Luc, iii, 8 ; Rom., xi, 1 ; II Cor., xi, 22. Les Arabes qui se flattent de descendre de lui, par Ismaël, l’ont surnommé Kalil-Allah, « l’ami de Dieu, » et les païens eux-mêmes dont les témoignages ont été recueillis par Josèphe, Ant. jud., I, vii, 2, et par Eusèbe de Césarée, Præpar. ev., ix, 16-20, P. G., t. xxi, col. 705-713, ont connu le célèbre patriarche. — 4° Promesse d’être une source de bénédictions. — Selon l’hébreu : « Sois bénédiction. » L’impératif est mis pour le futur. Cette parole signifie donc : « Tu seras comme la bénédiction divine incarnée sur la terre, comme une source de salut qui s’épanchera sur les autres. » Elle est en effet expliquée par le verset suivant : « Je bénirai ceux qui te béniront ; je maudirai ceux qui te maudiront, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Gen., xii, 3. Abraham réglera pour ainsi dire les affections de Dieu, qui bénira ou maudira les hommes d’après la conduite qu’ils tiendront eux-mêmes à l’égard du patriarche. Dieu accordera ses faveurs à ceux qui voudront et feront du bien à Abraham ; il frappera ses ennemis. Cette promesse s’est réalisée durant la vie mortelle d’Abraham. A la suite d’une expédition heureuse, Abraham a arraché son neveu Lot aux mains de Chodorlahomor. Gen., xiv, 16. Ismaël, le fils qu’il avait eu d’Agar, est béni par le Seigneur à sa prière. Gen., xvii, 20. Pharaon, Gen., xii, 17, et Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés à cause d’Abraham. La bénédiction divine, ainsi attachée à sa personne, devait s’étendre à tous les hommes, puisque Jéhovah a ajouté aux promesses précédentes : « Et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » On a voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus chananéennes et aux populations voisines, qui étaient en relations avec Abraham ou au moins connaissaient sa renommée. Mais outre que rien ne justifie la restriction, Dieu, en renouvelant sa promesse, a substitué, nous le verrons, l’expression « tous les peuples » à celle de ce passage « toutes les familles ». Les deux expressions sont donc synonymes et désignent l’universalité des hommes. D’ailleurs, les tribus chananéennes, qui devaient être dépossédées et en partie exterminées par les descendants d’Abraham, n’ont pas eu à se féliciter de sa venue au milieu d’elles et de son voisinage. Quant à la bénédiction qui se répandra par Abraham sur le monde entier, elle doit à première vue, en raison de son extension universelle et en raison aussi de ce qu’elle suit et complète les précédentes, leur être supérieure. Or les précédentes se rapportaient principalement à l’ordre temporel. La dernière concernera donc l’ordre spirituel. Le verbe bâraq, qui signifie « bénir, saluer, souhaiter bonheur et prospérité », est employé ici à la forme niphal ou passive. Cette forme se retrouve dans les passages parallèles, Gen., xviii, 18 ; xxviii, 14, et pas ailleurs dans l’Écriture. Mais dans les autres répétitions de la promesse, Gen., xxii, 18 ; xxvi, 4, le verbe est à la forme ithpaél ou réfléchie. Comme ces deux formes s’emploient souvent l’une pour l’autre, il y a lieu de se demander si le verbe bdraq a ici le sens passif, « seront bénis, » ou le sens réfléchi, « se béniront. » Les interprètes ne sont pas d’accord. Les uns comme Gesenius, Thésaurus philologico-criticus linguæ hebrscx et chaldaicx, Leipzig, 1829, t. i, p. 242, adoptent partout la forme réfléchie et traduisent : « Toutes les tribus de la terre désireront pour elles ton sort heureux et celui de ton peuple. » La plupart acceptent le sens passif, reconnu par les Septante, les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères grecs et latins et cité par saint Pierre, Act., iii, 25, et saint Paul, Gal., iii, 8. Cependant saint Chrysostome, In Gen., homil. xxxi, n.4, P. G., t. un, col. 288, adopte le sens réfléchi. La forme passive du verbe étant admise de préférence à la forme réfléchie, il reste à déterminer quelle bénédiction divine les nations de la terre recevront par Abraham. La préposition hébraïque 3 qui, unie aux verbes passifs, désigne l’auteur ou l’instrument, signifiera ici en toi ou par toi. La bénédiction divine qui se répandra sur tous les peuples, sera donc en la personne d’Abraham ou viendra par son intermédiaire. L’apôtre saint Paul a expliqué le sens de la promesse divine faite à Abraham. Gal., iii, 7-9. Ce patriarche ayant été justifié par la foi, Gen., xv, 6 ; Rom., iv, 3 ; Jac, il, 23, tous les croyants sont lils d’Abraham. Rom., iv, 11, 12. Or l’auteur de l’Ecriture, décidant de justifier les gentils par la foi, a annoncé d’avance à Abraham que toutes les nations seront bénies en lui. Donc tous les croyants seront bénis avec le grand croyant, Abraham. Ce raisonnement de l’apôtre nous aidera à déterminer le sens de la promesse, qu’il cite en substituant, d’après Gen., xviii, 18, « toutes les nations » à « toutes les familles de la terre », et sur laquelle il argumente pour démontrer que les promesses de Dieu sont indépendantes de l’observation de la loi mosaïque. Le sens général est donc celui-ci : tous les gentils qui sont lils d’Abraham, qui partagent sa foi, auront part à sa bénédiction. Cf. J. Bœhmer, Dasbiblische « 1m Namen », in-8°, Giessen, 1898, p. 50. Le P. Palmieri, Comment, in Epist. ad Galatas, in-8°, 1886, p. 121, estime quel’objet de cette bénédiction est la justification. Mais le P. Cornely, Comment, in Epist. ad Cor. alteram et ad Galatas, Paris, 1892, p. 480, pense que la justification, tout en étant la principale des bénédictions divines, n’est pas la seule et que la bénédiction que les gentils doivent recevoir par Abraham, comprend dans son intégrité le salut messianique, que les judaïsants voulaient rattacher à l’observation de la loi mosaïque. Or cette bénédiction, les gentils la recevront par Abraham, non pas seulement en raison du Christ, son rejeton, comme le prétendent plusieurs commentateurs, car saint Paul ne mentionne pas ici la descendance d’Abraham, mais dans et par sa personne elle-même. Mais comment la recevront-ils ? Sera-ce seulement en lui ressemblant, en imitant sa foi et en participant ainsi à ses bénédictions et aux promesses que Dieu lui avait faites ? Plusieurs Pères et écrivains ecclésiastiques l’ont admis. Ainsi, Marins Victorinus, In Epist. Pauliad Gal., i, P. L., t. viii, col. 1169 ; S. Augustin, Epist. ad Gai. exposit., U.23, P. L., t. xxxv, col. 2121 ; S. Cyrilled’Alexandrie, De adorai. inSpiritu, II, P. G., t. i.xviii, col. 217 : tô 6é, « bi o-o’; , » <Tv)|iav) ; av tô, x « 0’Ô|ao16tï)T0( ttjv ct-^v ; Théodoret, Tmterpret. Epist. ad Gal., P. G., t. i.xxxii, col. i"7, 480 ; Théopln lacté, E.rposil. in Epis t. ad Gal., P. G..t. ex xiv, col. 985 ; (Ecuméni us, Comment. inEpist. ad Gal., P. G., t. cxviii, col. 1121 ; llervée, Comment, in Fpist. Pauli, ad Gal., P. L., t. clxxxi, col. 1 152 ; Pierre Lombard, Collectanea inEpist. Pauli, ad Gal., P. G., t. cxcii, col. 121. La foi, pareille à celle d’Abraham, est assurément une condition nécessaire pour avoir part au salut messianique ; mais elle n’est pas indiquée par les mots : en toi ou par toi. Si on veut laisser à l’argumentation de saint Paul toute sa force, il faut prendre ces mots dans leur signification naturelle et les entendre de la personne même d’Abraham. La raison pour laquelle les gentils seront bénis réside donc dans la personne du patriarche. Quelle est-elle ? Comme le disent Théodore de Mopsueste, In Epist. ad Gal., xxxiii, sous le nom de saint llilaire, dansPitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1852, t. i, p. 67, et saint Jean Chrysostome, In Epist. ad Gal., c. iii, P. G., t. lxi, col. 651, c’est parce qu’il est le père des croyants ; si le père est béni, ses fils sont bénis en lui et avec lui. Or Abraham est le père des gentils, non par le sang, mais par la foi. Ceux qui croient lui ressemblent et appartiennent à sa famille. C’est pourquoi saint Paul conclut : « Donc ceux qui ont la foi sont bénis avec le croyant .Abraham. » Gal., iii, 9. Et la bénédiction d’Abraham est descendue sur les gentils par le Christ Jésus. Gal., ni, 14. L’ensemble des biens promis par Dieu à Abraham, a été accordé aux nations païennes, grâce aux mérites de Jésus. Cornely, Comment, in Epist. ad Cor. alteram et ad Galatas, p. 480-482, 490-491.

II. Renouvellement de la promesse a Abraham, a Isaac et a Jacob. — « A A braham. — La promesse par laquelle Dieu veut faire d’Abraham la source de bénédictions spéciales pour les gentils est rappelée deux fois dans la Genèse. Elle l’est indirectement à l’occasion de la destruction des villes de la Pentapole. Dieu ayant résolu de les ruiner à cause de leurs crimes, s’ouvrit de son dessein à Abraham. Il ne pouvait laisser ce projet caché à un homme qui devait être le chef d’un peuple très grand et très puissant et en qui devaient être bénies toutes les nations de la terre. Gen., xviii, 17-18. Notons seulement la substitution de l’expression « nations », qui désigne les gentils, à celle de « familles » ou tribus, qui aurait pu convenir à Israël seulement. Exod., vi, 14 ; Josué, vii, 17. Quand le patriarche eut généreusement offert son fils unique, Dieu, pour le récompenser de ce sacrifice volontaire, lui réitéra en termes solennels et par serment pour lui et pour Isaac la promesse temporelle de la multiplication de sa race et la promesse spirituelle d’être pour les nations païennes une source de bénédiction. Gen., xxii, 16-18. Cette dernière promesse reçut alors une explication importante. La personne d’Abraham n’était pas seule la cause ou l’instrument des bénédictions divines pour les nations. Sa race aussi, sa postérité, zéra’, sera cause ou instrument de ces bénédictions. Comme le mot hébreu zéra’désigne ou bien tous les descendants, la postérité entière, ou bien un descendant en particulier, un rejeton déterminé, il s’est produit deux courants d’interprétation de ce passage. Beaucoup de commentateurs l’ont entendu d’un rejeton illustre d’Abraham, du Messie, qui a procuré aux nations païennes la connaissance et le culte du vrai Dieu, qui sont la plus grande des bénédictions divines. Ils s’appuient principalement sur l’explication authentique de la promesse, donnée par saint Pierre et saint Paul. Dans le discours qu’il tint aux Juifs sous le portique de Salomon, saint Pierre a cité la promesse réitérée à Abraham, Gen., xxii, 18, en remplaçant l’expression « les nations » par celle « les familles » empruntée à la première révélation. Gen., xii, 3. La citation fait partie intégrante du raisonnement suivant du prince des apôtres. Tous les prophètes depuis Samuel ont annoncé les jours du prophète prédit par Moïse. Deut., xviii, 15. Quiconque ne l’écoutera pas sera exterminé du milieu du peuple juif. Or les auditeurs de saint Pierre sont les fils des prophètes ; c’est à eux que se rapportent leurs oracles ; ils sont aussi les fils de l’alliance que Dieu a contractée avec leurs ancêtres, quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. Act., iii, 23-25. On pourrait conclure que cette postérité, ce sont les fils de l’alliance eux-mêmes, les Juifs enfants d’Abraham, si l’orateur n’ajoutait aussitôt : « Dieu, suscitant son fils pour vous premièrement, l’a envoyé pour vous bénir, e-JXoyoOvta û|xà ; , » Act., iii, 26 ; il l’a envoyé répandant sur vous les bienfaits du règne messianique en exécution de la promesse faite à Abraham. Le Messie est donc le descendant d’Abraham, en qui tous les hommes, Juifs et gentils, seront bénis. H. J. Crelier, Les Actes des apôtres, Paris, 1883, p. 4516 ; J. T. Beelen, Comment, in Acla apost., Louvain, 1850, t. i, p. 66 ; J. A. Van Steenkiste, Actus apostolorum, 4e édit., Bruges, 1882, p. 96. Afin de prouver que les promesses divines faites à Abraham n’ont pas été changées par la promulgation de la loi mosaïque, saint Paul raisonne d’après les testaments qui une fois confirmés ne peuvent plus être annulés. Qr, dit-il, les promesses divines ont été faites à Abraham et à sa postérité, car l’Écriture ne dit pas : « Et à ses descendants, » comme s’ils étaient nombreux, mais elle dit comme à un seul : « Et à ton descendant, » qui est le Christ. Ce testament est donc confirmé par Dieu. Gal., m, 15-17. Plusieurs Pères ont pensé que saint Paul citait ici la réitération de la promesse faite à Abraham après le sacrifice d’Isaac, Gen., xxii, 18, et ils en ont conclu que, d’après l’interprétation de l’Apôtre, le descendant unique par qui les nations païennes devaient recevoir les bénédictions divines était le Messie, rejeton insigne d’Abraham. Ainsi Tertullien, De carne Christi, 22, P. L., t. ii, col. 789 ; S. Augustin, Contra Faustum, xii, 6, P. L., t.XLii, col. 257 ; Primasius, In Epist. ad Gal., P. L., t. lxviii, col. 591-592 ; Pseudo-Ambroise, Comwierc<. in Epist. ad Gal., P. L., t.xvii, col.355 ; S. Jérôme, Comment, in Epist. ad Gal., i, P.L., t. xxvi, col. 378-379 ; S. Jean Chrysostome, In Epist. ad Gal., c. iii, P. G., t. lxi, col. 653 ; Théodore deMopsueste, In Epist. ad Gal., xxxvii, dans Pitra, Spicileg. Solesmense, t. i, p. 69 ; Theodoret, Int. Epist.ad Gal., P. G., t. Lxxxii, col. 480-481 ; Théophylacte, Exposit. in Epist. ad Gal., P. G., t. cxxiv, col. 789 ; Haymond’Halberstadt, Exposa, in Epist. S. PauliadGal., P.L., t. cxvii, col. 681. Desexégètes ont partagé ce sentiment. Lamy, Comment, in librum Geneseos, Malines, 1884, t. ii, p. 6 ; Fillion, La Sainte Bible, t. i, Paris, 1888, p. 58 ; Maunoury, Comment. desÊpîtres de saint Paul aux Galates, etc., Paris, 1880, p. 66 ; Van Steenkiste, Comment, in omnes S. Pauli epist., 4e édit., Bruges, 1886, t. i, p. 548-549. Mais d’autres (’cri vains ecclésiastiques ont remarqué avec raison que dans la citation faite par saint Paul, Gal., iii, 16, la particule xoù, et, fait partie du texte cité et que le mot semen est au datif et non à l’ablatif avec in. Par conséquent, les mots : xa -(’6 a-nép[j.aTi <tou, sur lesquels l’apôtre argumente, ne peuvent se rapporter ni à Gen., xii, 2, ni à Gen. xxii, 18, ni à des passages analogues, mais à d’autres promesses comme celle, par exemple, de la possession du pays de Chanaan, dans l’énoncé de laquelle les mots cités se lisent textuellement. Gen., xili, 15 ; xviii, 8. Saint Irénée, Cont. heer., v, 32, n. 2, P. G., t. vii, col. 12101211, appliquait déjà la parole de saint Paul aux Galates à la promesse de la possession du pays de Chanaan, promesse qu’il interprétait spirituellement de la résurrection des corps. De même, Origène, Comm. inEpist. ad Rom., iv, 6, P. G., t. xiv, col. 979-983 ; S. Jérôme, Comment. inEpist. ad Gai, i, P. L., t. xxvi, col. 379-380, tenait cette application pour admissible. Cependant des commentateurs modernes l’ontreprise. Reithrnayr, Commenta »’zum Briefe an die Galater, Munich, 1865, p. 261266 ; Palmieri, Comment. inEpist. ad Gal., 1886, p. 132140 ; Cornely, Comment, in S. Pauli epist. ad Cor. altérant et ad Gal., Paris, 1892, p. 491-498. S’il en est ainsi, la promesse faite à Abraham que les nations seront bénies dans sa descendance ne vise pas directement un rejeton unique qui serait le Christ. Elle peut s’interpréter de toute la postérité d’Abraham, celle au moins qui descend d’Isaac et de Jacob, à qui du reste la promesse a été répétée, celle qui devait se multiplier à l’égal du nombre des étoiles.

A Isaac.

Contraint par la famine de se réfugier chez le roi de Gérare, Isaac reçoit de Dieu l’assurance que sa bénédiction l’y suivrait. Sa postérité devait égaler le nombre des étoiles et habiter la terre promise. Or, c’est en et par cette même race, issue d’Isaac, que toutes les nations de la terre seront bénies. Le motif de toutes ces promesses divines, c’est l’obéissance d’Abraham à la voix de Dieu, c’est son observation fidèle de tous les préceptes divins. Gen., xxvi, 1-5. Cf. Eccli., xliv, 24-25.

A Jacob.

Ce patriarche, allant en Mésopotamie, voit en songe à Béthel au sommet d’une échelle mystérieuse le Dieu d’Abraham et d’Isaac qui lui promet la possession du pays où il dormait, une postérité, nombreuse comme la poussière de la terre et répandue aux quatre coins du monde, et annonce qu’en lui, en sa personne, et en sa race, celle dont il vient d’être question évidemment, toutes les tribus de la terre seront bénies. Gen., xxviii, 12-14.

De tout ce qui précède il ressort clairement que la bénédiction divine, qui doit se répandre sur toutes les nations de la terre, est attachée à la personne même d’Abraham, Gen., xil, 3 ; xviii, 18, et à sa postérité, Gen., XXII, 8, et que cette postérité était celle qui descendrait de lui par Isaac, Gen., xxvi, 4, et par Jacob. Gen., xxviii, 14. La bénédiction était même attachée à la personne de Jacob, Gen., xxviii, 14, autant qu’à celle de son aïeul Abraham. Gen., XII, 3. Comment s’est-elle répandue sur le monde entier par l’intermédiaire des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, et de leur postérité ? Sans doute, parce que la race d’Abraham, choisie par le Seigneur, a conservé sur terre la foi au vrai Dieu, qui a été préchée par des Juifs aux païens, lorsqu’ils se convertirent au christianisme ; mais surtout parce que la famille d’Abraham, dans la lignée d’Isaac et de Jacob, a été la souche de laquelle est sorti le Messie. La promesse faite par Dieu aux patriarches était messianique. On lui a toujours reconnu ce caractère et les preuves rapportées plus haut le démontrent. C’est par Jésus-Christ, issu d’Abraham, que les nations païennes ont reçu le salut et avec lui toutes les bénédictions messianiques, promises et offertes d’abord au peuple juif. Cf. Stanley Leathes, Old Testament Prophecy, Londres, 1880, p. 19 ; Trochon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 1883, p. lxx-lxxi ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 331-355, 436.

Outre les commentaires de la Genèse : Héngstenberg, Christoloyic des Alleu Testament, in-8°, Berlin, 1829, t. i ; L. ReinUe, Beitràge zur Erklarung des Alten Testament, t. iv, p. 111 ; Himpel, Die Vch-issungen an die Patriarchen, dans la Quartalschrift de Tubingue, 1859, p. 235 ; X. Patrizi, Biblicarum quiestionum decas, in-8° Rome, 1877, p. 54-69 ; card. Meignan, L’Ancien Testament dans ses rapports avec le Nouveau et la critique moderne, De l’Éden à Moïse, in-8° Paris, 1895, p. 312326, 351-359 ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, in-8 Gand, 1884, t. i, p. 373-384 ; Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi cath clique, in-4°, Paris (1889), p. 10-19 ; Maas, Christ in type and Prophety, New— York, 1893, c. iv.

E.Mangenot.