Dictionnaire de théologie catholique/CANO Melchior

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 114-148).

CANO Melchior. —
I. Biographie.
II. Écrits.
III. Doctrines.

I. Biographie.

Cano est né en 1509, à Tarancon, dans la province de Cuenca, en Espagne. Il recul au baptême le nom de François. Son père, Fernand Cano, juriste distingué, s’établit, l’année d’après, à l’asti ana, où le jeune François reçut sa première éducation. Il fut envoyé de bonne heure pour ses études à l’université de Salamanque ; il y prit l’habit des frères prêcheurs, au mois d’août 1.">- : >. dans le couvent de Saint-Etienne, et Ml profession le 12 août de l’année suivante. Il continua ses études jusqu’en I.V27, OÙ il avait pour professeur de théologie, au COUVent de Salamanque, Diego de Astudlllo. Pendant les années scolaires 15271531, il fut disciple, a [université, de François de Victoria qui (levait occuper la première chaire de théologie

pendant vingt années (1526-1516). Le 3 octobre 1531, il e i admis au collège de Saint-Grégoire, à Valladolid, une école supérieure où les dominicains de Castille achevaient la formation scientifique de leurs meilleurs sujets. Il trouva Louis de Grenade comme condisciple,

et Barthélémy de Carranzn parmi les pro r fut

lui-mi a livement promu aui fonctions de pro urde philosophie, de maître des étudiai tembre 1534), de second professeur de théolo r et nommé, cette même année, bachelier par le chapitre

rai tenu i Rome. Cest de ce séjour à Saint-Grégoire

de Valladolid que date, entre Carran/a et I prit

de contention, plus encore que de rivalité-, <jui devait troubler leur vie et entraîner à leur suite un grand nombre de leurs disciples et de leurs confrères. Ils devinrent l’un et l’autre, par la dissemblance de leur caractère et de leurs aspirations, comme deux chefs d’école, bien que les doctrines théologiques proprement dites fussent pour peu de chose dans leurs dissentiments. En 1542, Cano se rendit au chapitre général de Rome comme électeur de sa province, et y reçut le titre de maître en théologie. Il obtint cette même année la première chaire de théologie à l’université d’Alcala, dont il prit possession au mois de mars l’année suivante. François de Victoria étant mort le 17 août 15U5. Cano concourt pour l’obtention de sa chaire à l’université de Salamanque et en demeure le titulaire jusqu’en 1552. Au commencement de 1551. il est envoyé par l’empereur au concile de Trente et quitte Salamanque le 1) février en compagnie de Dominique Soto. L’année d’après, Charles-Qulnt le présente pour I’évêché des Canaries. Cano est préconisé le 21 août. Il semble avoir été passif dans cette nomination ; aussi se démet-il de son évéché des le 21 septembre. Nous le retrouvons en Espagne en 1553, donnant de nombreuses consultations dans les plus graves affaires de l’Église et de l’État Il revient cette même année à Saint-Grégoire de Valladolid comme recteur du collège, sans être chargé de cours. La part principale prise par Cano dans les démêlés entre la cour d’Espagne et Paul IV lui vaut l’inimitié du pape. Nommé prieur de Saint-Ètienne de Salamanque au commencement de 1557, le chapitre provincial de Placencia le place à la tête de la province. Ses adversaires font opposition à son élection. Elle est renouvelée le 29 mai 1559 au chapitre de Ségovie. malgré l’opposition de Carranza devenu archevêque de Tolède et primat d’Espagne. Paul IV casse l’élection. Celte même année, Cano refuse le poste de confesseur de Philippe II dont il possédait toute la confiance. Paul IV étant mort, le 18 août, Cano se rend à Rome et obtient du nouveau pape, Pie IV, la confirmation de son élection. De retour en Espagne, au printemps de 1500, il se rend à Tolède, où se trouvait la cour, et y meurt le 30 septembre de la même année, âgé de inoins de 52 ans.

II. Ecrits.

1° Relectio de sacramentis in génère habita in Academia Salmanlicensi anno 10’tl ;
2° Eelectio de pmnilentia habita in Academia Salmanlicensi anno 1548, édité avec l’écrit précédent. in-i Salamanque, 1550 ; le second seul, in-4°, Salamanque, 1555 ; les deux. in-8°. Alcala. I558 ; in-fol.. 1563 ; Milan, 1580. Ces deux rélections ont été souvent rééditée* avec l’ouvrage suivant ;
3° De locis theologicu ld>n duodecim, in-fol., Salamanque. 1563 ; in-tf » . Louvaln, 1564 ; Venise, 1507 ; Louvain. 1569 ; Cologne, 1574, 1585. Depuis l’édition de Cologne, 1605, les trois ouvrages précédents ont été publiés sous le titre d’Opéra. in-8. Taris. 1663 ; Cologne. 1678 ; Lyon, 1704. En 1711. Hyacinthe S O. P.. donna une édition à Padoue, in-4°, précédée d’un Prologus galeahu, où il défend Cano conta critiques. (. Y-t aec cette introduction qu’ont été donn es les nombreuses éditions parues pendant le xviiie siècle, au nombre d’une vin-laine environ, dont on trouvera la liste, d’ailleurs incomplète, dans | ballero, Madrid. 1871, p. 375 ; 4° Tratado de la Victoria de si nusnio. traducido del toscano, in-16, Valladolid. 1550 ; in-8°, Tolède, 1553 ; Madrid, 1767, 1780, Cest une réfection de l’ouvrage de Baptiste de Ci

0. P. : Opéra utilissima délia cognilione et vittoria di se stesso, Venise, 1545. On possède différentes consultations théologiques de Cano, dont six ont été éditées par son historien Cahallero. La plus importante est celle sur le catéchisme de Barthélémy de Carranza. Le même historien a puhlié un curieux mémoire de Cano sur lui-même, adressé à Philippe II, pour qu’il renonçât à le prendre comme confesseur. On trouve vingt-deux lettres de Cano dans le même ouvrage. La célèbre censure de Cano sur la Compagnie de Jésus, dont tant d’auteurs ont parlé, et que presque personne n’a vue, fut publiée en Espagne sans lieu ni date, au temps de la suppression de la Compagnie, mais elle fut confisquée en 1777, après son apparition. Elle a été rééditée, d’après deux manuscrits, dans Crisis de la Compahia de Jesùs, Barcelone, 1900, p. 152-159. On possède des annotations manuscrites de Cano sur la IIa-IIæ de saint Thomas. Elles se trouvent dans les manuscrits vaticans 4647 et 4648 ; le manuscrit original est conservé aujourd’hui dans la bibliothèque de l’université de Salamanque.

III. Doctrines.

C’est le De locis theologicis qui a fait la réputation théologique de Melchior Cano et l’a placé au premier rang des théologiens classiques. Cette œuvre, en effet, n’est pas seulement remarquable par la forme littéraire qui l’égale aux plus belles productions de la Renaissance, ni par la liberté d’esprit, la finesse de jugement, le sens critique et l’érudition de son auteur ; elle est surtout une création, et marque, à ce titre, une étape dans l’histoire de la théologie. Cano a voulu établir scientifiquement les bases de la science théologique. Son œuvre est un traité de la méthode en théologie. Il suffit d’en indiquer le plan général pour en révéler l’économie et l’importance. Après un court avant-propos dans lequel il indique son dessein, il emploie le I er livre, qui n’a que quelques pages et peut être considéré comme une introduction, à distinguer entre l’argument d’autorité et l’argument de raison et à énumérer les parties de l’ouvrage. Il énumère dix lieux ou sources théologiques. Chacun d’eux fait l’objet d’un livre spécial. C’est ainsi qu’il traite successivement : 1° de l’autorité de l’Écriture sainte ; 2° de l’autorité de la tradition orale ; 3° de l’autorité de l’Église catholique ; 4° de l’autorité des conciles ; 5° de l’autorité de l’Eglise romaine ; 6° de l’autorité des saints Pères ; 7° de l’autorité des théologiens scolastiques ; 8° de la valeur de la raison naturelle telle que la manifestent les sciences humaines ; 9° de l’autorité des philosophes ; 10° de l’autorité de l’histoire. Ces matières sont traitées dans les 1. II-XI. Le 1. XII est consacré à l’usage que l’on doit faire des lieux théologiques dans la dispute scolastique, c’est-à-dire dans la théologie polémique. C’est la section la plus étendue de l’ouvrage. Cano devait traiter, dans le I. XIII, de l’emploi des lieux théologiques dans l’iNposition de l’Kcriture sainte ; et, dans le dernier livre, de l’usage des lieux théologiques contre les différentes catégories d’adversaires de la foi catholique. Sa mort prématurée ne lui permit pas d’achever une œuvre à laquelle il avait travaillé pendant de longues années.

Le De lotis theologieis est un véritable manifeste théologique. Il est le résultat de l’action rénovatrice exercée sur la théologie en Espagne par François de Victoria dont Cano fut le plus brillant et le plus fidèle disciple. Retour à l’érudition patristique et emploi d’une langue littéraire dans les sciences théologiques, tels furent les points de vue prédominants dans la direction créée par Victoria, et que Cano réalisa avec une remarquable maîtrise dans l’œuvre qui a illustré son nom. On peut se demander si la forme littéraire préconisée par Cano se prête aisément a l’exposé et à la discussion des matières théologiques, et si l’érudition ecclésiastique n’expose pas à placer au second plan la partie systématique de la théologie. En tout cas, la

direction donnée par Victoria et Cano aux études théologiques répondait au vœu de beaucoup d’esprits de leur temps, et elle brisait, entre les mains des humanistes malveillants à l’égard de l’école, un argument dont ils ne cessaient depuis longtemps d’abuser.

Quelques idées ou jugements émis par Cano ont soulevé des critiques. On les trouvera indiqués et débattus dans l’apparat littéraire que Serry a placé en tête de son édition des Lieux théologiques. Nous devons néanmoins signaler pour mémoire l’opinion soutenue par Cano sur le ministre du sacrement de mariage. En présence de l’incertitude des théologiens antérieurs sur cette question, Cano a cherché à établir que les contractants dans le mariage peuvent former par eux-mêmes le contrat, mais le contrat n’est sacrement que par l’intervention du prêtre. Cette doctrine, exposée au c. v du 1. VIII, eut assez d’autorité pour entraîner un grand nombre de théologiens, et en faire, un instant, l’opinion commune.

Quftif-Echard, Scriptores ordinis prædicatorum, t. ii, p. 176 ; F. Cahallero, Vida del lit. Melchior Cano, in-8° Mailrid, 1871 ; M. Menendez Pelayo, Historia de los heterodoxos espaiioles, Madrid, s. d., t. ii, p. 359 sq. ; Crisis de la Compahia de Jesùs, Barcelone, 1900, p. 126-168 ; E. Schater, Beitraçie zw Geschiclite desspanisclienProtestantismus und der Inquisition ini sechzehnten Jalirhundert, Gutersloh, 1902 ; voir l’index du t. m.

P. Mandonnet.


1. CANON DE LA MESSE. On appelle ainsi cette partie principale et à peu près invariable de la messe qui commence, dans le missel romain, après le Sanctus et qui finit au Pater. Son nom lui vient de sa fixité réglée par les lois de l’Église ; de là les termes de prière légitime, legitimum, S. Optât de Milève, 1. II, P. L., t. xi, col. 965, ou canonique, canon, S. Grégoire le Grand, Epist., I. IX, epist. xii ; 1. XIV, epist. ii, P. L., t. lxxvii, col. 956, 1305, employés pour la désigner. On l’appelle encore secretum ou secretam, prière secrète, en raison de l’usage existant à Rome, mais qui ne devint général en Occident que vers la tin du Xe siècle, de réciter le canon à voix basse. Enfin, attendu que le canon comprend l’acte essentiel du saint sacrifice, celui par lequel se consomme l’immolation mystique de Jésus-Christ, il est une prière mystique, mysticam precem, S. Augustin, De Trinitate, 1. III, c. v, n. 10, P. L., t. xill, col. 874, ou encore la prière par excellence, preeem, S. Innocent I er, Epist., xxv, ad Décent. r P. L., t. xx, col. 553 ; S. Grégoire le Grand, Epist. r 1. IX, epist. xii, P. L., t. lxxvii, col. 956, et surtout l’action par excellence, aclio, puisqu’en récitant le canon oh répète, conformément à l’ordre de Notre-Seigneur : Hoc facite in meam commenwrationem, ce qu’il a fait à la dernière Cène. A la vérité ce nom d’action, encore employé aujourd’hui, ne désigne strictement que la consécration, Walafrid Slrabon, De rebus ecclesiaslicis, c. xxii, P. L., t. exiv, col. 948 ; cf. t. lxxviii, col. 273-274, mais il était naturel de l’étendre aux autres parties du canon, vu leur intime liaison avec l’action sacramentelle proprement dite. De là l’expression : infra aclionem, qui sert, dans le missel, à repérer l’endroit du canon où doivent se faire, à certaines fêtes de l’année, les intercalations qui leur sont spéciales. Dans les textes liturgiques, le canon est souvent désigné par le nom de canon aclionis. Cf. Dictionnaire d’archéologie chrétienne ci île liturgie dedom Cabrol, 1. 1, col. 146 -449. — I. Genèse. IL Composition actuelle et signification du canon de la messe, et principalement du canon en usage dans l’Église d’Occident.

I. Genèse du canon de la messe. —

D’après le concile de Trente, sess. XXII, Detacrif. » iiss ; r, c. iv, le canon de la messe est composé des paroles de JéSUS-Christ, des traditions apostoliques ci des Institutions des saints pontifes. Toutes sommaires qu’elles Boient, ces indications résument bien l’histoire des origines du canon et même

celle des divergences qu’il présent différentes

liturgies d’< Iccident et d < Irient.

1 Le canon de la mette dans tel Églitet orient*

— 1. Les paroles de Jésus Christ, par lesquelles s’opi re la consécration, sont l’élément fondamental du canon de la messe ; aussi les retrouve-t-on encadrées dans l récil de l’institution de l’eucharistie, dans toutes les liturgies, sans aucune exception. Les termes sont empruntés aux récits évangéliques el à l’exposition de saint Paul, I Cor., ii, 23-26. Cependant aucune liturgie, orientale ou occidentale, ne s’en tient exclusivemenl aux textes scripturaires ou ne reproduit celui de saint Paul sans omission. La plus remarquable des variantes est signalée par M* 1 Duchesne, Origines du culte chrétien, 3e édit., Paris 1902, p. 210 ; elle consiste dans la glose qui suit la seconde consécration. On lit à cet endroit, dans le missel mozarabique, cette formule qui s’inspire visiblement d’un texte de saint Paul, I Cor., xi, 26 : Quotiexcumque manducaveritis hune panem et calicem ittum biberitis, mortem Domini annuntiabilis donec veniat in claritatem de cxlis. Un développement analogue se rencontre dans la liturgie des Constitutions de saint Jacques, de saint Basile et de saint Cyrille de Jérusalem. Voir CONSÉCRATION.

2. « Faites ceci en mémoire de moi, » avait dit Jésus-Christ en instituant l’eucharistie. Il n’est pas douteux que les apôtres ont obéi à cet ordre, qu’ils ont célébré les saints mystères, d’abord à Jérusalem, avant de se séparer, puis, dans les régions où ils allèrent porter la lumière de l’Evangile. Cf. Act., xx, 7, 11. Il est d’ailleurs logique de supposer que dans les Églises fondées par eux. ils ont implanté la liturgie qu’ils avaient pratiquée en commun à Jérusalem ; mais quelle était cette liturgie ? Les apôtres se contentaient-ils de répéter les paroles de l’institution, ou bien y ajoutaient-ils certaines prières ? Et ces prières étaient-elles fixes ou chaque célébrant pouvait-il les variera volonté ? La réponse à ces questions justifierait du même coup les hypothèses qui en sont le point de départ.

3. Or, la solution de ces problèmes n’est pas donnée par l’Écriture, mais on peut la conclure de ce fait que les liturgies orientales du IVe siècle, c’est-à-dire les liturgies les plus anciennes dont le texte est arrivé jusqu’à nous, s’accordent entre elles pour les parties principales du canon. Sans doute, l’accord n’est pas littéral : telle prière est plus développée et telle autre est raccourcie ; l’ordre des parties est parfois changé, mais le sens reste le même. Ce fait ne peut s’expliquer que par l’unité d’origine des différentes liturgies, et dès lors qu’on ne peut attribuer cette origine à aucun concile général, on est fondé, d’après la règle connue, S. Augustin, De bapt., t. IV, 24, P. L., t. xliii, col. 171, à la faire remonter aux apôtres eux-mêmes. Saint Basile, Liber de Spiritu Sancto, c. xxvii, n. GO, P. G., t. xxxii. col. 188, signale expressément, entre autres traditions apostoliques, les paroles de l’institution de l’eucharistie qu’il faut réciter pour consacrer le pain et le viii, et il demande qui, sinon les apôtres, nous a transmis les paroles de l’ « épiclèse » : Ta tr, ; iitixX^oewç P’rçu.*** ™ tt) àvaôei-ec toû aptovi t/, ; eùxapcariac xa toO Ko-r, p : o-j t9) ; e-jXo-fia ;  : ’. ; tûv bylttri iy-piït.i ; r/jé.v xxTaXÉÀoiïTEv ; Le pape Vigile affirme que canonicatprecit textum ex apostolica traditione accepimut, et c’est la raison sur laquelle il se fonde pour recommander le fanon à la vénération des Espagnols, a qui il l’envoie. Labl.e, Coflr cil., t. v, col. 313. Au cours de la discussion qui eut lieu au concile de 1 renie au BUJel des traditions apostoliques, un Père de l’assemblée soutint, à la congrégation générale du 5 avril 1516, que C’était une impiété de recevoir

ces traditions et les Ecritures pari pietatit affectu. Le cardinal de Sainte-Croix, qui présidait, lui demanda u, , traditio canonis mistm Ht recipienda pari pielate cum librù) tacris, il répondit : Sic, ut Evangelium.

j r < n. recum. cône. Tridenlini,

Agram, b. d. (1874), t. i, p. 85.

4. L’unité de liturgie dans les Eglises apostoliques serait directement démontrée s’il était wai que la liturgie primitive « hl’Église est contenue, sans notables altération-, d. mle 1. VIII des Conttituliont apostolique*. H après M » 1 Prohst, Liturg ertlen ch

Jahrhunderte, p. 341 sq., et d’après Bickell, M Pateha, Mayence, 1872, cette liturgie serait bien antérieure à l’an 200 ; mais son étroite ressemblance avec les liturgies syriennes, telles que celle de saint Cyrille de Jérusalem et celle dite des homélies de saint Chrysostome, justifie l’opinion de Mb Duchesne, Origi du culte chrétien, p. 57. 64, qui l’attribue à la fin du ive siècle et y voit l’exacte représentation de la litur r ie des grandes Églises de Syrie. Néanmoins, puisqu liturgie des Constitution » apottoliquet n’était en uau ive siècle, dans aucune Église d. terminée, Duchi p. 64, il est admissible qu’elle soit la restitution d’une liturgie plus ancienne ; de fait, elle est remarquablement d’accord avec les données liturgiques éparses danouvrages les plus anciens des Pères et écrivains du r » au IVe siècle. On serait donc fondé à dire que la liturgie de ce VIII » livre et les autres liturgies syriennes du IV siècle reflètent avec une particulière fidélité les traits généraux de la liturgie en usage chez les premiers successeurs des apôtres.

5. Cependant, une sérieuse objection à cette conclusion se présente à la lecture de la Doctrine des douze apôt Cet écrit fort ancien, à tout le moins contemporain de saint Justin, dit VLw Duchesne. p. 52, indique en c. ix, x. Funk. Patres apostolid, 2e édit.. Tubii 1901, t. l, p. 20-21. touchant la manière de « faire l’eucharistie et sur le rôle laissé aux « prophètes » en cette circonstance, des formules, ou plutôt permet un arbitraire, qui contredisent manifestement la fixité de ride prières institués par les apôtres. Plusieurs solutions sont en présence. La première, de Mi’r Duchesne, p. 535V, cf. p. 48-49, consiste à y reconnaître des us particuliers et à dire que, le prophétisme n’ayant duré que peu de temps, l’anomalie liturgique qui en est résultée disparait dans l’ensemble de l’histoire des premiers siècles de l’Église. D’ailleurs, saint Justin. / Apol. P.G., t. vi, col. 429, reconnaît que l’évéque impries formules. Cf. Funk, op. ci*., p. 25. C’est sans doute en ce sens qu’il faut interpréter saint Grégoire le Grand, Ad Joannem Syracusanum, 1. IX. epist iii, P. L., t. i. xxvii. col. 957, lorsqu’il semble dire qu’au temps des apôtres il n’y avait de fixe, dans les prières accompagnant la consécration, que la seule oraison dominicale. Les deux autres réponses interprètent les C. IX-X de la Doctrine dans un sens différent de la célébration proprement dite de l’eucharistie. M. l’abbé Ladeuze. Revue d » l’Orient chrétien. 1902, p. 339 sq..y voit la célébration des agapes ; d’apivs M’." l’rohst. op. cit., p. 324 sq., il s’agirait de la manière de donner la communion à domicile et de faire l’action de grâces, tant en présence de docteurs qu’en leur absence. Toutefois, ces deux dernières interprétations, trop éloignées du texte, paraissait devoir être rejet, es.

6. La préface et le Sanctus trois fois répétés, puis après la consécration, l’anamnèse Unde et men u rres et l’offrande qui l’accompagne, l’epiclese. le Mémento des vivants et le recours à l’intercession des saints, enfin le Mémento des morts, se retrouvent plus ou moins explicitement dans toutes le* liturgies orientales du i ail qui, du reste, se ressemblent beaucoup entre elles, même pour les autres parties de la messe. Duchesne. op. cit., p. 61-62 ; G. Wobberinin. Mlchristtiche liturgifclu’Stùcke aus der Kirche Mgyptens, dans Texte und Unters., Leipzig, 1899, t. xvii. Iasc.3, p. 4-6. On ne peut pas toutefois leur attribuer avec certitude une origine apostolique. Dans les premiers temps de l’Église ou prQ

cédait partout a peu près de la même manière et il y avait uniformité pour l’essentiel du sacrifice ; mais il est impossible d’admettre une complète identité de tous les détails, même dans les Églises fondées par les apôtres. « Ce n’est pas aux premiers jours que l’on peut attacher aux choses de cet ordre l’importance qui les consacre et les fixe. Peu à peu les habitudes devinrent des rites ; les rites s’épanouirent en cérémonies de plus en plus imposantes et compliquées ; en même temps, on arrêta le thème des prières et des exhortations : l’usage indiqua à l’officiant les idées qu’il devait développer et l’ordre dans lequel il devait les traiter. On fit plus tard un dernier pas en adoptant des formules fixes qui ne laissèrent plus rien à l’arbitraire individuel et aux hasards de l’improvisation. » L)uchesne, p. 54. Cf. Renaudot, Dissertatio de liturgiarum oriehtalium origine et auctorilate, dans Liturgiarum orientalium collectio, Francfort-sur-le-Main, 181-7, 1. 1, p. i-xx ; Le Brun, Explication littérale, historique et dogmatique des prières et des cérémonies de la messe, Paris, 1726, t. iii, p. 572-C 94 ; Probst, Liturgie der drei ersten christlichen Jahrhunderle, Tubingue, 1870.

2° Le canon de la messe dans les Églises occidentales. — Le canon occidental est donc en substance identique au canon oriental. Il n’en peut être autrement si, comme il est naturel, saint Pierre et saint Paul ont apporté à Rome la liturgie qu’ils avaient introduite à Jérusalem, Antioche, etc. Cf. S. Isidore de Séville, De of ficus, 1. I, c. xv, P. L., t. lxxxiii, col. 752. D’ailleurs ce n’est point là une simple hypothèse, car la première lettre de saint Clément de Rome aux Corinthiens, n. 59-61, Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, p. 174180, et la première Apologie de saint Justin, n. 65, P. G., t. VI, col. 428, semblent bien établir que la liturgie primitive était, dans sa diposition générale, la même en Orient et en Occident. Toutefois, on n’en pourrait conclure que le canon romain, sauf quelques modifications introduites plus tard, est d’origine apostolique. Il faut descendre jusqu’à la fin du IVe siècle pour trouver des détails précis sur le canon de l’Église romaine. Les dernières modifications qu’il a subies ont été arrêtées par le pape saint Grégoire (590-604), Liber ponlificalis, édit. Duchesne, t. I, p. 312 ; au commencement du VIe siècle, l’auteur du Liber ponti/icalis en parle comme d’une formule fixe et de teneur connue. On pense généralement que dès le commencement du Ve siècle, l’ordre du canon romain était déjà ce qu’il est maintenant. Ainsi son histoire ne s’étend guère au delà de deux siècles. Elle peut se résumer comme il suit :

1. Le Liber ponlificalis, édit. Duchesne, t. I, p. 128, cf. p. 56-57, attribue à saint Xyste I er (117-126) l’insertion du Sanclus intra aclionem ; mais cet hymne, commun à toutes les liturgies, fait partie du noyau primitif de la messe. Dans la plupart des liturgies orientales, la préface et le Sanclus sont reliés à la consécration par une Courte transition destinée à amener le Qui pridie cjuam pateretur. Cf. Duchesne, op. cit., p. 61. A Rome, au contraire, comme à Alexandrie et à Milan, dès le ive siècle, le Mémento précédait la consécration. Duchesne, op. cit., p. 179 ; l’robst, Liturgie des IV Jahrhundertes, p. 249.

2. Dans sa lettre xxv à l’évêque Deccntius, P. L., t. xx, col. 553, qui l’avait consulté sur la coutume, suivie en certains endroits, de faire le Mémento avant le commencement du canon, ante preeem, Innocent 1 er (401-417) répondait qu’il fallait d’abord recommander à bieu les dons du sacrifice, puis désigner ceux pour qui il était offert, de façon qu’ils fussent nommés pendant le canon. Par conséquent, au temps d’Innocent [ « , la prière Te igitur, où se fait la recommandation des dons du sacrifice, rogamus ut accepta habeas hsecdona, etc., fais.iit déjà partie du canon de la messe et y précédait le Mémento. Du même, les mots : pro Ecclesia, quant

adunare, regere, custodire digneris, sont cités par le pape Vigile (537-555), Epist. ad Justinianum, P. L., t. lxix, col. 22, comme appartenant de date ancienne au canon. Quant à la mention : una cum famulo tuo papa et antislite noslro, son antiquité résulte, semblet-il, avec toute la certitude désirable, de la coutume attestée par le pape Léon I er, Epist., lxxx, P. L., t. liv, col. 914, de réciter à l’autel, pendant l’offrande, les noms des évêques.

Dans les liturgies orientales du IV siècle, cf. Duchesne, op. cit., p. 62, on recommandait également à Dieu les malades, les nécessiteux, les prisonniers, les voyageurs, les absents, et encore les vierges, les veuves et en général toutes les classes de fidèles ; le canon grégorien s’est contenté de les comprendre dans la formule générale : Et omnibus ortliodoxis, etc.

3. C’était autrefois le diacre qui lisait, au moment du Mémento, après et omnium circumstantium, les noms de ceux dont les dons étaient offerts à l’autel. Puis le prêtre continuait par les mots : quorum /ides libi cognila est, qui se rapportaient à la fois aux donateurs et aux assistants. Il est à remarquer que dans le missel romain, après les mots : pro quibus libi ofjerimus, on lit la formule primitive : vel qui tibi ofjerunt. Sans doute, le premier de ces deux textes a été inséré à l’époque où les fidèles ont cessé d’offrir la matière du sacrifice.

4. L’existence du Communicantes dans le canon romain avant l’époque grégorienne devient hors de doute si l’on observe de quelle façon les sacramentaires léonien et gélasien présentent l’intercalation relative à la fêle du jour qui se faisait plusieurs fois dans l’année à cet endroit du canon. Ainsi, le gélasien, P. L., t. lxxv, col. 1113, porte à la veille de Pâques : Communicantes et noctem sacratissimam célébrantes… resurreclioneni D. N. J. C. secundum carnem, sed et memoriam, et à cinq autres fêtes il indique de la même manière que les mots à insérer doivent se placer entre Communicantes et Sed et memoriam vénérantes. Or ces derniers mots appellent évidemment la suite qui se lit dans le grégorien : Sed et memoriam vénérantes inprimis, etc. Quant à l’auteur de ces intercalations, il est rationnel de désigner le pape Léon I er (440-461), car le texte de plusieurs d’entre elles, du moins tel qu’il existe dans le sacramentaire léonien, P. L., t. î.v, col. 38, 40, se trouve presque littéralement dans les écrits de ce pape. P. L., t. liv, col. 395, 419.

Sous le pape A’igile (537-555), le canon recevait des insertions de ce genre, capitula, même aux fêtes des saints, Epist. ad Eut/i., P. L., t. lxix, col. 18, niais le pape Grégoire I er coupa court à cette invasion du propre du temps dans le canon de la messe en limitant, comme elles l’ont été depuis, ces insertions aux fêles principales de l’année, Noël, Epiphanie, jeudi saint, Pâques et sa vigile, Ascension, Pentecôte et sa vigile.

En tête des saints dont l’intercession est demandée, vient la R. V. Marie, toujours vierge et mère de Dieu. Ces derniers mots visent l’hérésie de Nestorius (431), comme ceux de « toujours vierge » sont opposés à celle de Jovinien. Il est vraisemblable que ces additions datent du milieu du Ve siècle.

Viennent ensuite les noms des douze apôtres et l’on a remarqué qu’ils sont rangés dans un ordre qui n’est point celui de l’édition Vulgate des Évangiles. On en tire cette conclusion que cette partie du canon est antérieure au travail de saint Jérôme qui a remis en ordre le texte des Evangiles en le corrigeant sur les exemplaires grecs. Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, art. Canon de la messe.

Suivent les noms de douze martyrs, dont six pontifes, tous évéques de Rome, excepte saint Cyprien. La suite des trois premiers successeurs de saint Pierre est conforme au catalogue d’Hégésippe : le pape Clet y est donné L5£

CANON DE LA MESSE

1510

comme le successeur de Lin et le pi ir de Clé ment tandis que dani le catalogue de Libère, Cl I -t 1,. pi d’Anadel et le successeur de Clément

Donc les i - des trois premiers papes ont été in

an canon antérienrement au pape Libère (352-360). <-’Ducheane, Le Liber pi ntificalis, t. i. p. LK.

Tous M martyrs aonl rangés « elon la date

d€ i, ., ,, . mort, Bauf les Irois saints Kyste, Corneille et Cyprien En effet, saint Corneille moun.it a Centumcelles le 14 septembre 253, cinq ans avant saint Xyste et saint Cyprien martyrisés tous demi en 258, le pren le 6 août, le Becond le Il septembre. T., ut s’explique m [on observe que saint Corneille est placé dans le canon d’après l’année de la translation de ses reliques à Rome, laquelle eut lieu en 258. Si, de plus, on remarque que saint Corneille et saint Cyprien sont morts le même jour, quoiqu’en des années différentes, il paraîtra naturel que dans le missel, comme dans le bréviaire romain, on les ait associés dans un même souvenir. Leur inscription au canon de la messe semble dater au plus tard de commencement du ive siècle. Cf. Probst, Die abeudlàndische Messe, p. 160.

Quant aux six martyrs non pontifes, il est probable que les noms de saint Laurent (258) et de saint Cbrysogone (3(H), particulièrement vénéré à Rome, furent insérés au canon longtemps avant ceux des saints Jean et Paul (362), Cosme et Damien (287’.'). Quoi qu’il en soit, il est certain que tous les six étaient inscrits au canon vers le milieu du VI’siècle ; d’où il suit que le pape Grégoire a pris dans quelque sacramentaire antérieur la liste toute faite de ces noms et l’a adoptée sans rien y changer. Un autre argument, qui n’est point sans valeur, peut se tirer de ce qu’il n’est tait mention dans le canon que des seuls martyrs et aucunement des confesseurs. C’est là en effet une coutume caractéristique des trois premiers siècles de l’Église. Cf. Martigny, loc. cit…

Dans toutes les liturgies, excepté celle de saint Oregoire et celles qui en sont dérivées, le Mémento des détunts se reliait à celui des vivants et au Communicantes, à ce point que les noms des vivants, ceux des saints et ceux des défunts ne formaient qu’une seule liste. De là des confusions, de la part de certains fidèles, entre ceux que l’on priait et ceux pour qui l’on priait. Grégoire I er y remédia en séparant du Communicantes le Mémento des morts.

5. La prière Hanc igitur est caractéristique du canon romain : elle est destinée à achever l’oblation commencée dans le Teigituret interrompue par le Communicantes. Ni le sacramentaire léonien ni le gélasien ne donnent le texte de cette prière telle qu’elle se récitait à la messe quotidienne, mais en revanche, on y trouve de nombreuses messes ayant un Hanc igitur spécial, relatit aux circonstances ou aux personnes pour lesquelles la messe était célébrée. Ces variations si multipliées transformaient le Hanc igitur en une prière pour les nécessités particulières des fidèles : pour la ramener à son véritable but, Grégoire l" r supprima toutes ces mentions, excepté’celle des néophytes à Pâques et à la Pentecôte, et les résuma dans la formule diesgue nostros in tua pace disponas, qu’il prescrivit d’ajouter à cet endroit du canon. Jean Diacre. Vita S. Gregorii, P. L., t. i.xxv. col. 94. Aussi est-ce par la présence ou par 1 absence de cette formule

que l’on distingue les sacramentaires postérieurs au

vir siècle de ceux qui sont d’une époque antérieure. Cf. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. i. p- 313. il est possible toutefois que cette prière pour la paix temporelle ait été inspirée par les maux incessants de 1 masion lombarde.

Il peut paraître étrange que pendant les octaves de Pâques ou de la Pentecôte les néophytes baptisés le samedi précédent aient place d. mle Hanc igitur et non pas au Mémento des vivants. C’est qu’autrefois les

néophytes n’étaient admis à offrir leurs dons à l’autel

qu’après l’octave de leur baptême ;

remplacés par leurs parrains. Par suite, au Mémento,

1, -s mots gui tibi offerunt concernaient

non les nouveaux bapti

, - sacramentaires léonien et gélasien indiqi plusieurs fois, -’pris le Hanc igitur spécial a plusii messes, que le canon se continue par une prière dont ils citent les premiers mots : Quam l’eut

in omnibus. D’autre part, l’auteurdes six i mentis, attribués à saint Ambroise, donne la suite : hanc oblationeniadscriptam, ratam, rationabileni, acceptabù lem. L. IV, c. v. n. 21, P. L., t. xvi, col. Je prière quam oblationem existait déjà au commencement du ve siècle.

6. C’est évidemment par erreur que l’auteur du Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i. p. 127, attribue au p Alexandre l’insertion dans la liturgie du Pridie quant pateretur. Les paroles commémoratives de l’institution de l’eucharistie sont le centre même du canon de la messe, et leur insertion dans la liturgie est plutôt une prescription de Jésus-Christ que du pape Alexandre. Voir t. i, col. 709. Toutefois la formule : Qui pridie quam pateretur diffère des anapliores orientales, qui toutes contiennent : âv T7j vv/.-i r, napEÏi’ÎOTO. Voir dom Cagin, Paléographie musicale, Solesmes, 1896, t. v, p. oo ; Duchesne, Origine de la liturgie gallicane, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1900, t. v, p. 38.

7. L’anamnèse : Vnde et memores se retrouve aussi, à peu près littéralement, dans la liturgie des six livres De sacramentis. L. IV, c. VI, n. 27. P.L., t. xvi. col Il en est de même de la prière : Supra qutt propitio, excepté les mots sanctum sacrificium, immaculatam hostiam, mais le Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. 239, témoigne que c’est le pape Léon P r qui prescrivit d’ajouter dans le canon sanctum sacrificium, ce qui prouve bien que la prière Supra qux faisait déjà partie du canon. Les qualifications de saint et immaculé se rapportant à l’offrande de Melchisédech, composée de pain et de vin. Les manichéens avaient horreur du vin et leur liturgie eucharistique n’en comportait pas. ( peut-être à cause d’eux que saint Léon releva la sainteté des dons offerts par le roi de Salem. Duchesne. op. t. i, p. 241. D’ailleurs, cette prière existait déjà du temps du pape saint Damase. On en a la preuve dans un écrit du diacre llilaire, Qusestiones e.r utroque Testamento, P.L., t. xxxv, col. 2239, où il cite, en les interprétant d’ailleurs d’une façon erronée, les mots : Sumnnasæerdaê tuus Melchisédech. Or il est généralement admis que cet auteur écrivait sur la fin du iv siècle.

8. On sait que dans les liturgies grecques l’épidèse avait la forme d’une invocation où l’on demandait au Saint-Esprit de descendre sur les dons eucharistiques atin que par leur conversion au corps et au sang de.1 Christ, ils devinssent, pour ceux qui les recevraient, une source de sanctification. La liturgie romaine contenait certainement, au temps de Gélase, une invocation de ce genre ; une lettre de ce pape à Elpidius, V. L., t. MX. col. 143, confirme absolument ce fait. Mais alors pourquoi cette invocation manque-t-elle dans l’épi grégorienne : Supplices te rogamusf L’hypothèse la plus vraisemblable est la suivante : La forme de l’ancienne épidèse prétait à croire que la transsubstantiation s’opérait OU se renouvelait par la vertu de cet

pourquoi Grégoire P r a modifié l’invocation de façon à éviter toute confusion et n’a gardé que la partie lm.de : ut quolquotex hoc altaris, etc. C’est ainsi, en effet, qu’elle s, ’termine dans la liturgie mozarabique, où fait partie du canon au moins depuis le VIII’sii Probst, p. 179. Une formule d’épiclèse se lit dans le bréviaire romain parmi les oraisons ad libitum de la préparation a la messe, feria ri ; il semblerait donc

qu’elle ait été autrefois en usage à Rome, avant saint Grégoire.

9. On a vu plus haut que le Mémento des défunts était primitivement uni à celui des vivants (et au Communicantes ) et que, au temps d’Innocent I er, ils se faisaient tous deux avant la consécration. Toutefois il est très possible qu’avant Innocent I er les deux Mémento aient été reliés, comme dans la plupart des liturgies, à l’épiclèse, c’est-à dire placés après la consécration. En fixant le Mémento des défunts à sa place actuelle, Grégoire I er aurait donc remis partiellement les choses en leur premier état. Il a eu certainement cette intention et peut-être aussi celle de rapprocher par là le rite romain du rite grec. S. Grégoire, Epist., 1. IX, epist. xii, ad Joannem Syracusanum, P. L., t. lxxvii, col. 956-957.

10. L’exomologèse, à laquelle répond le Nobis quoque peccatoribus, existe également dans les anciennes liturgies : tantôt elle suit immédiatement l’épiclèse, tantôt elle en est séparée par le Mémento. Quant à l’époque où le. Nobis quoque peccatoribus, dans sa forme actuelle, a pris place dans le canon romain, il est malaisé de la préciser. On sait seulement qu’il en faisait partie avant Grégoire I er, car Aldhelme, évêque de Salisbury, mort en 709, dit que ce pape a modifié dans le canon l’ordre des noms en réunissant ceux des vierges Agathe et Lucie. P.L., t. i.xxxix, col. 1 42. Benoit XIV, De sacrif. missse, 1. II, c. xviii, n. 7, s’appuie sur ce témoignage pour attribuer à Grégoire I er l’insertion des noms des vierges martyres dans le Nobis quoque peccatoribus.

11. La conclusion Per queni hsec oninia, etc., se rencontre dans les sacramentaires léonien et gélasien : du moins elle y est indiquée par les premiers mots. Il n’est guère douteux que, longtemps avant saint Grégoire, le canon se terminait par la même formule qu’aujourd’hui.

II. Composition actuelle et signification du canon de la messe. — Cf. Gihr, Das heilige Messopfer, p. 534 sq.

1° Les premiers mots, Te igitur, du canon le rattachent intimement à la solennelle action de grâces qu’exprime la préface. Après y avoir remercié Dieu de ses bienfaits, après avoir uni à cet effet sa voix avec celle des anges dans le Sanctus trois fois répété, le prêtre lui demande par Jésus-Christ d’agréer et de bénir les dons présents sur l’autel, afin que ce sacrifice profite à tous ceux pour lesquels il est offert. C’est d’abord l’Église entière ; ce sont nommément les supérieurs ecclésiastiques, le pape, l’évéque diocésain ; ce sont enfin les autres évoques, les prêtres et, en général, tous les ouvriers de la foi catholique et apostolique. Viennent ensuite les fidèles qui ont une part spéciale dans le fruit de la messe, soit en raison de l’intention du prêtre, soit du fait de leur contribution matérielle ou de leur assistance au saint sacrifice. Étant unis par la foi et par la prière au prêtre qui l’offre, ils l’offrent eux-mêmes tous ensemble, spirituellement avec lui. Ils l’offrent également en union, communicantes, avec l’Église du ciel en vertu du lien de la communion des saints qui les unit à elle. C’est pourquoi, par la bouche du prêtre, ils font mémoire et appellent l’intercession de divers illustres martyrs. C’est au commencement de cette prière que se placent les intercalations relatives à huit fêtes de l’année : Noël, Epiphanie, le jeudi saint et le samedi saint, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte et sa vigile. Deux autres additions se font aux fêtes de I Tiques et de la Pentecôte ainsi qu’à leur vigile, à la prière liane igitur, m ; iis elles se rapportent moins à ces fêtes qu’à l’ancienne coutume de conférer le baptême la veille de Pâques et le samedi de la Pentecôte.

Hanc igitur.

Ainsi, l’oblation présentée par le piètre est offerte au nom des fidèles de la terre et du ciel. Confiant donc dans l’efficacité de sa prière, le prêtre la fait plus instante et, les mains étendues sur les oblala, il conjure Dieu d’accorder aux fidèles, eu

dict. de tiiéol. catiiol.

égard à ce sacrifice, les biens de cette vie, de les préserver du malheur éternel et de les inscrire au nombre de ses élus.

Quam oblalionem.

Cette prière forme la liaison naturelle entre ce qui précède et ce qui va suivre. Une dernière fois, mais avec une particulière solennité, le sacrifice qui va s’accomplir est recommandé à Dieu afin qu’il en fasse un sacrifice parfait, et cette fois, le prêtre spécifie en toutes lettres quelle sera la victime : Jésus-Christ, dont le corps et le sang vont devenir présents sur l’autel pour le salut de tous, nobis.

Qtd pridie quam pateretur.

Ici commence le récit évangélique de l’institution de l’eucharistie. Toutefois, en prononçant les paroles sacramentelles avec l’intention requise, le prêtre n’est plus un simple narrateur : il parle comme ministre de Jésus-Christ, tenant de lui le pouvoir de répéter le prodige opéré la veille de la passion.

5 » Jésus-Christ avait donné ordre de consacrer l’eucharistie en mémoire de lui : in mei memoriam facietis. C’est pourquoi, aussitôt après la consécration, le prêtre rappelle les mystères de la passion, de la résurrection et de l’ascension, qui ont un rapport spécial avec l’eucharistie ; puis, il offre à Dieu la sainte victime : ne s’est-elle pas offerte, ne s’offre-t-elle pas encore dans l’état d’immolation où elle est sur l’autel ?

Cependant, si l’offrande que Jésus-Christ fait de lui-même est infiniment agréable à Dieu, celle que l’Église fait de Jésus-Christ plaît à Dieu plus ou moins, selon le degré variable de la sainteté de l’Église, c’est-à-dire des prêtres et des fidèles. Telle est la raison de la prière Supra quse propitio, où l’on demande à Dieu de daigner jeter sur ce qui lui est offert un regard favorable comme celui dont il a accueilli les offrandes figuratives d’Abel, d’Abraham et de Melchisédech. Ceci montreclairement que les choses qui sont offertes à Dieu sont à la vérité le corps et le sang de Jésus-Christ, mais qu’elles sont ce corps et ce sang avec nous tous et avec nos vœux et nos prières et que tout cela constitue une même oblation que nous voulons rendre en tous points agréable à Dieu et du côté de Jésus-Christ qui est offert et du côté de ceux qui l’offrent aussi avec lui. Bossuet, Explication de quelques difjicultés sur les prières de la messe.

La même pensée se retrouve avec plus de netteté et de profondeur dans la prière : Suppliccs te rogamus. Dieu y est supplié de recevoir ces choses, liœc, des mains sans tache de l’ange qui assiste à son autel, de telle sorte que le corps et le sang de Jésus-Christ procurent à tous ceux qui y participeront une pleine mesure de grâces et de bénédictions. Cette prière occupe exactement la place de l’épiclèse grecque, et elle est adressée à Dieu pour qu’il intervienne dans le mystère. Mais elle est loin d’avoir la précision des formules grecques et elle s’enveloppe de formes symboliques. Enfin, le mouvement symbolique a lieu en sens contraire : tandis que les formules grecques demandent que le Saint-Esprit descende vers l’oblation pour la transformer au corps et au sang de Jésus-Christ, ici c’est l’oblation qui est emportée au ciel par l’ange de Dieu. Ms r Duchesne, op. cit., p. 181, 182. Mais quel est au juste l’ange dont il est ici question ? Cet ange ne serait-il pas Jésus-Christ lui-même qui est appelé l’ange du grand conseil ? Cf. S. Thomas, Sum. theol., III » , q. lxxxiii, a. 4, ad 8° m. Ou bien s’agirait-il de l’ange qui préside à l’oraison ? Tertullien, De oratione, c. xvi, P. L., t. i, col. 1174. Ne serait-ce pas l’ange gardien de l’Église où s’offre le saint sacrifice ou celui du prêtre qui le célèbre, ou plutôt, l’archange Michel, qui se tient devant l’autel l’encensoir à la main et qui y offre l’encens, c’est-à-dire les prières des fidèles ? foules ces opinions ont été émises. Du reste, aucune n’exclut la présence simultanée de légions d’anges faisant par consentement ce qu’un d’eux fait

II. - 40

lôi’J

CANON DE LA MESSE — CANON DES LIVRES SAINTS

1.VjO

p : ir exercice de sa mission particulière. Cf. Bot uet,

lue. cit.

t ; Or cette pluie de grâces, dont le sacrifice de l’autel est la source, pém Ire jusqu’au purgatoire pour j adoucir les souffrances ou hâter la d< des âmes chrétiennes qui > sont détenues. Le Mémento des défunts implore donc ces bienfaits d’abord pour celles qui sont L’objet d’une recommandation particulière du prêtre, puis pour tous les fidèles qui se sont endormis dans le Seigneur.

7 » Au souvenir de ceux qui nous ont précédés se relie naturellement celui de notre condition de pécheurs et le besoin que nous avons des miséricordes de Dieu pour obtenir d’être réunis un jour à ses saints. Gîest là ce qu’exprime au vif la dernière prière du canon, Nobis quoque peceatoribus. La conclusion : Per quem hxc omnia temper bona créas, etc., est la matière d’une intéressante discussion. « Il y a ici, écrit Ma r Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 182-183, un hiatus évident. On vient d’énumérer les saints. Il est clair que les mots hxc omnia bona ne se rapportent pas à ce qui précède : ils ne peuvent non plus désigner les offrandes consacrées qui sont désormais le corps et le sang du Christ… L’explication la plus simple, c’est qu’il y avait ici autrefois une mention des biens de la terre avec énumération de leurs diverses natures. » Effectivement on bénissait à certains jours, à ce moment de la messe, le lait, le miel, les fruits nouveaux. Toutefois, selon la remarque de Benoit XIV, De sacrif. missæ, 1. II, c. xviii, n. 10, la doxologie Per quem hxc omnia se récitait même aux jours où ladite bénédiction n’avait pas lieu ; d’où il conclut que ces mots doivent s’interpréter indépendamment d’elle. Ici, comme dans les autres prières du canon, hxc dona signifie le pain et le viii, matières créées par Dieu et qui dans l’acte de la consécration sont excellement sanctifiées, vivifiées et bénies pour être à tous ceux qui les reçoivent une source de sanctilication, de vie et de bénédiction.

Nous laissons aux liturgistes le soin de discuter si le type gallican, qui comprend toutes les anciennes liturgies latines distinctes de la liturgie romaine, est une liturgie orientale introduite en Occident, à Milan, vers le milieu du IV siècle, ou l’ancien rite romain conservé dans les provinces dans son état primitif, tandis qu’une réforme en avait été faite à Rome au IV » siècle. Pour comparer le canon romain avec celui de la messe gallicane, il suffira de lire Ms’Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 208-218. Cette comparaison est résumée en un tableau dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. ii, p. 91. Sur le canon du rite ambrosien, voir t. i, col. 960-965, et Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. i, col. 1407-1417.

S. Thomas, Sum. theol, III’, q. lxxxiii, a. 4, 5 ; Durand, De ritibus Ecclesiæ catholiese ; Renaudot, Liturgiarum orientalium collectif) ; cardinal Bona, Rerum liturgicarum Ubri duo ; Benoit XIV, De sacrosanctO missre sacrificio ; Le Brun, Explication littérale, historique et dogmatique des prières et des cérémonies de la messe, Paris, 1716, t. i, p. 406-545 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes : Probst, Liturgie des ir Jakrhundertes und deren Reforme, Munster, 1898 ; Id., Die abendlàndische Messe vom funften bis zum tehnten Jahrhundert, Munster, 1896 ; (iihr. Dus heilige Messoffer, Fribourg-en-Brisgau, 1899 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, 3- édlt, Paris, L902 ; Kraus, Reat-Encyklopàdie der christliclien AUerthùmer, Frlhourg-en Briagau, 1886, t. ii, p. 317 sq. ; dom Plaine, De canonis miss » apostoUeitate cum nova dieti canonis explications, dans Studien und Mitteilungen eus de, n benediktiner-Orden, t. XV, p. 62sq., 279 Rcnz. Die Geschichte des Messopfer-Begriffs, Frelsing, 1901,

t. I.p. 520-5X7 ; dom Cabrol, LeSOrigineS de la messee ! le canon

romain, dans la Revue du clergé français, L900, t. xiii, p. 561-585 ; t. xxiv, p, 6-82 ; Id., Le livre de la prière antique, Paris, 1900, p. 109412 ; P. Drewa, Zur Enststehungsgeschichte des Kanont in der rômischen Messe, Tublngue, 1902 ; Id.,

Realencyklopâdie fur protestanHêéhe

Supplices remplace I an

conforme a i < litur,

— et le Mémento

qu occupait d abord le Supplices ; selon lui. la disposiUon actuelle du canon romain aurait été faite i sous des influences étrangères, milanaise et ak-xandrine ; Punk,

den Kanon der rômischen iîei d i H Jahrbuch, Munich, 1903, t. xxiv, | 0-302 ; il réfute

A. Baumstark, hiturgia romanae liturgia

Esarcuto. Il rito detto hinoe le o>

del canon missæ romano. y

reprend et dévtsl | admet que l’an cien canon romain suivait Tordre du eau n dans les liturgie » orientales et comprenait le Sanctus, le Vere sanctus, le Prtdie, l’Unde et memures, le Te iyitur, qui était un* et le

Mémento des vivants et des morts. Selon lui, leHanc igitur, qui se trouve dans le canon de l’Église de Havenne. est un douLle du Te igitur, du Communicantes et des deux Mémento, d usité en dehors de Rome, puis introduit au canon romain à l’époque de saint Lé< n. Le Qnam oblationem est dans le même cas ; ce n’est qu’un double de l’ancienne épiclèse romaine, usité en dehors de Rome, par exemple a Ravenne, et ayant pénétré dans le canon romain du temps de saint Léon. La majeure partie du Supra quv projiitio et le Suppli i t aussi un double

de la première partie du Te i’jitur, usité dans 1 II trionale et introduit dans la messe romain L n. Le

Nobis quoque peceatoribus réunifies caractères du Mtmento, tel qu’il se présentait en dehors de Rome et en Orient. P : sumé, le canon romain, formé de pièces de double en prenait, sous le pontificat de saint Léon, le Sanctus, le Hanc igitur, le Quam oblationem. le l’ndie, le Dide et memores, le Te igitur, qui tenait la place de l’ancienne épiclèse, le Mémento des morts et le Nobis quoque peceatoribus. Saint Gr-. transposa le Te igitur avant le Hanc igitur. Cf. Marin, dans la Revue bénédictine, 1804, p. cT5-380 ; Punk, dans 7°/ieo7. quartalschrift, 19u4, p. 600-617. Pour une plus ample bibliographie, U. Chevalier, Répertoire. Topo-bibl<ogi apliie, col. 568.

11. Mot BEAU.


2. CANON DES LIVRES SAINTS. -
I Notion.
II. Critérium de la canonicité.
III. Canon de l’Ancien Testament.
IV. Canon du Nouveau Testament.
V. Décret du concile de Trente De canonicis Scripturis.

I. Notion.

Origine et signification primitive du mot.

Le mot grec xavcâv qui, dans l’usage courant de l’antiquité profane et ecclésiastique, était employé avec les significations diverses de t Làton droit, règle, mesure, modèle » , ou « liste, table, catalogue » , a été, vers le milieu du ive siècle, appliqué aux Livres saints et a reçu une signification nouvelle, qu’Oru et ses disciples, Eusèbe et ses contemporains ne semblent pas avoir connue. Une plus ancienne attestation s. trouve en latin dans le vieil argument de l’Évangile de saint Jean, q’ui est cependant du IVe siècle plutôt que du iii c. Voir col. 1553. Vers 350. saint Athanase, De nicxiiis decretis, 18, P. G., t. xxv. col. 456, dit du Pasteur d’Hermas : Mt, d èx toO xavévoç. Dans sa xxxi.v lettre pascale, qui est de 367, P. G., t. xxvi. col. 1436, 1137. 1440, cf. col. 1176, 1177. 1180, il désigne les livresque la tradition et la foi tiennent pour divins, par l’expression : ta y.3vov :  ; ôu.£va ; il les distingue d’une autre classe de livres où x<xvoviÇdu*va, et il les oppose aux livres apocrv plies et hérétiques. Le traducteur syriaque de cette lettre en résume le contenu en ces termes : « i’.pitre dans laquelle saint Athanase définit canoniquement quels livres l’Église reçoit, i Dans lavantpropos placé, wrs 367, en tête du recueil des lettres pascales de l’évoque d’Alexandrie, on lisait, d’après la version syriaque : « Cette année, il a écrit un canon des Livres’saints, i Le traducteur syriaque de l’HUloin ecclésiastique d’Eusèbe, m.’25.0. E. Nestlé. Die Ai/ geschichte des Eusebius ans d cm Syrischen ûbersetit, dans Texte und Unters., nouv. série. Leipzig, 1901, t. vi, fisc. -J, p. 10-2, traduisait, vers 350, les d grecs : YP*9 «  « °’: * * » 81etW)Xou ; par : « les livres qui ne sont pas’mis au canon de l’Egli » , Le canon’.' du concile de Laodicée. qui date des environs de 3 «

décide qu’on ne doit pas lire à l’église àxavovio-ra |31 » >Xta, àXXà [j.ova Ta xavovixà tîjç xaivi, ; xai TtaXaîa ; 8ta8^xir|ç. Mansi, Concil., t. H, col. 574. Saint Amphiloque, lambi ad Seleucum, 318 319, édit. Combefis, Paris, 1624, p. 134, ou dans S. Grégoire de Nazianze, Carm., 1. II, ii, 8, P. G., t. xxxvii, col. 1598, conclut son catalogue des Livres saints par ces mots : Où-roç ocJ/EuSéaTaroç xaviôv av giV] tiôv Ôeotcve-jotijov ypaçwv. La Synopse, qui a été attribuée à saint Athanase, mais qui lui est postérieure, reproduit une liste des Livres saints, apparentée à celle de l’évêque d’Alexandrie, et emploie les expressions : xExavoviajxéva, xavoviÇôtxsva, où xavovt-Ç 6|j.eva pour désigner les livres canoniques et non canoniques. P. G., t. xxviii, col. 284, 289, 293. Si les termes xavùv, xavovixdç, xavovcÇôiiEva étaient nouveaux, ils exprimaient cependant des idées anciennes, énoncées avec des expressions équivalentes. Aussi leur emploi ne fut pas d’abord très fréquent ; on continuait à employer les anciens termes. On finit par réunir ceuxci avec les expressions nouvelles pour marquer leur équivalence. Ainsi un anonyme, contemporain de saint Chrysostome, dont l’homélie figure dans les œuvres de ce docteur, P. G., t. lvi, col. 424, parlant des trois Epitres de saint Jean, dit : Tûv 8é èxxXrgtrtaÇoiiivcov, où tûv àrcoxpùîptov (j.Èv ï] 7rpajTï] £7tiGroXiî, Tr, v yàp SeuTÉpav xa’t rpi-^v o ! TtarE’ps ; à7roy.avov : ^ouTcv. Vers 530, Léonce de Byzance, De sectis, ii, 1, 4, P. G., t. lxxxvi, col. 1200, 1201, emploie indistinctement Ta ExxXïjcrtao-rtxà PiêXi’a et rà xavoviÇo’fj.Eva fSioXia Èv xrj’ExxXrja-ia. Au IXe siècle, le patriarche de Constantinople, Nicéphore, dresse une liste slichométrique des Livres saints, qu’il appelle ÔEtai ypaçai ExxXïia-iaÇo’iJ.Evai xai xExavoviajjivai ; il leur oppose les àvTiXsyovTai xai oùx èxxXïiTiâÇovTai el les â-oV.puça. P. G., t. c, col. 1056, 1057, 1060.

Telle est l’origine de l’application du mot grec xaviôv à la Bible entière. Quel en est le sens précis ? Les Livres saints appartiennent au canon, quand ils ont été canonisés, xavovcÇo’tj.cva, x£xavovi<r[j.éva, et qu’ils sont devenus ainsi canoniques, xavovixô, tandis que les livres, qui ne sont pas au canon, n’ont pas été canonisés, où xavov.Çôfj.eva, àxavdvurTa. Les livres sont donc mis au canon ou hors du canon par un acte qui est exprimé par les verbes xavovi’ÇEtv et aTroxavovîÇeiv et qui les rend, oui ou non, canoniques. Le sens premier du mot xavtdv et de ses dérivés, appliqués aux Livres saints, est ainsi clair et certain. Il ne veut pas dire « règle, mesure » et ne présente pas les livres comme une autorité régulatrice ou la règle de la vérité inspirée par Dieu. Ce ne sont pas eux, ni leur contenu, qui sont xaviov ou règle ; ils sont eux-mêmes, au contraire, l’objet d’une action qui les introduit au canon ; ils sont « canonisés » et ils deviennent « canoniques » . Le mot xaviov, appliqué à la collection des Livres saints, n’a donc pas eu primitivement la signification active de règle et de mesure ; il a eu plutôt la signification passive de collection « réglée, définie » dont l’étendue était déterminée par la tradition ou l’autorité. La forme passive des participes ou adjectifs verbaux dérivés de xavcôv et usités au milieu du IVe siècle impose cette signification. Kaviôv, appliqué à la Bible entière, a donc eu primitivement le sens de xaTrfXoyoc, ou de « liste » des livres reconnus dans l’Église comme inspirés. Le mot xaTaXoyo ; était employé par Eusèbe, II. E., ni, 25 ; vi, 25, P. G., t. xx, col. 269, 580, et Rufin, dans le dernier passage cité, le traduit par canon. Le livre canonique est donc un livre « canonisé » .

2° Priorité, de Vidée sur lr mot. — L’idée, exprimée par le mot xaviôv, d’une collection déterminée d’écrils inspirés, avait précédé l’emploi de ce mot. A partir de Clément d’Alexandrie, cette collection se nommait BfftÔTJxii), le Testament, et comprenait deux parties, l’Ancien, TraXati, el le Nouveau Testament, xaiv^i SiaO^xi). Le livre qui en faisait partie était évSiâQqxo ;. Origène,

De oratione, 14, P. G., t. XI, col. 461 ; Eusèbe, H. E., m, 3, 25 ; vi, 14, P. G., t. xx, col. 216, 269, 549 ; le traducteur latin de In epist. S. Pelri secundam enarratio, deDidyme, P. G., t. xxxix, col. 1774, cf. col. 1742, a traduit plus tard ce mot par l’expression latine équivalente : in canone est. Saint Basile, Sermo de ascelica disciplina, , P. G., t. xxxi, col. 619 ; saint Épiphane, De mensuris et ponderibus, 3, 10, P. G., t, xun, col. 214, 253 ; CosmasIndicopleusles, 70po§r.cvm/., 1. VII, P. G., t. lxxxviii, col. 372, remplacent Èv$iâ&ï)xoç par èvSiâŒroç. Avant l’emploi du nom de Sia9r, xï], la collection biblique était désignée par le pluriel : al ypatpai (rarement tj Ypaiprj, qui était ordinairement appliqué à un livre scripturaire en particulier) avec ou sans les épithètes : â’ytai, Upai, 8sîai, xvpiaxat. On la désignait encore en indiquant les livres principaux dont elle était composée : « la Loi et l’Évangile, » « les Prophètes et l’Apôtre, » ou par opposition à la littérature païenne « nos écrits » , « notre littérature. » On entendait par là, non pas tous les écrits chrétiens, mais seulement ceux qui étaient reçus publiquement dans l’Église comme divins. A. Loisy, Histoire du canon du N. T., Paris, 1891, p. 123-125. Ces livres publics différaient par là même des livres apocryphes. Voir t. i, col. 14981500. On admet généralement que Jésus-Christ et les apôtres ont laissé et transmis à l’Église le corps des Livres sacrés de l’Ancien Testament, non pas seulement de la Bible hébraïque, mais de la Bible hellénique ou des Septante. Franzelin, Tractatus de divitia traditionc et Scriptura, 3° édit., Rome, 1882, p. 326-329 ; Didiot, Logique surnaturelle objective, théorème lxxvii, Lille, 1892, p. 523-531. Toutefois, il est évident qu’ils ont fixé le canon de l’Ancien Testament, non par une décision expresse dont les Églises n’ont jamais entendu parler, mais par l’usage qu’ils ont fait de la Bible grecque, usage qui s’est transmis dans l’Église. De l’histoire du canon du Nouveau Testament, il résulte qu’à partir de l’an 130 la collection des quatre Évangiles et d’eux seuls est constituée en fait et répandue partout ; que dans le premier quart du IIe siècle, les Épitres de saint Paul sont réunies au nombre de treize au moins et lues dans l’Église entière. A ces deux collections se rattachent les Actes et l’Epitre aux Hébreux. Les autres écrits canoniques du Nouveau Testament ne forment pas encore, au début du IIe siècle, une collection ; mais ils sont déjà plus ou moins répandus et ils servent à l’usage ecclésiastique en même temps que d’autres livres qui seront plus tard exclus du canon scripturaire. En tous cas, les deux collections des quatre Evangiles et des treize Epitres de saint Paul formaient à cette époque le noyau ferme de ce qu’on a appelé plus tard le canon du Nouveau Testament. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 40-46, 139. Voir col. 1583.

Nouvelle signification du mot.

Les anciens écrivains grecs ont maintenu la signification primitive du mot canon. Mais les Syriens, les Latins et les Grecs plus récents ont donné à ce mot un sens actif, celui de « règle » , même lorsqu’ils ont conservé la signification première de « catalogue » . Le traducteur syriaque de la xxxix lettre festale de saint Athanase mélange peut-être déjà les deux significations. Le titre de l’extrait grec de cette même lettre dit que l’évêque d’Alexandrie a fixé xavovix&c, c’est-à-dire comme règle canonique, quels étaient les Livres saints reçus dans l’Église. Saint Isidore de Péluse, Epist., 1. IV, epist. exiv, P. G., t. î.xxviii, col. 1185, considère la Bible elle-même comme « la régie de la vérité » : xôv xavôvarr, ; i’/r/lsiaç, rà ; (iEia ; ç/]|aé ypaçà ;. Macarius Magnés, Apocr., IV, 10, la nomme aussi tôv xàvôva ttj< xatvrje 5ta8^xir)(. Au xiie siècle, Zonaras, en commentant la lettre de saint Athanase, remplace l’expression originale par le tenue moderne et entend le canon comme une règle. P. G., d553

CANON DES LIVRES SAINTS

Iu51

t. cxxxviii. col. 564. Lee écrivalni latins ont reproduit l’idée primitive. Quelques-uns ont transposé en latin la signification passive des participes grecs. Ainsi l’auteur de l’argument latin de I Évangile de saint Jean signale que le quatrième Évangile, bien que l<- dernier par ordre chronologique, tanien dispotitione canonù ordu nati jmsi Matthteum ponitur. P. Corssen, Vonarchianische Prologe zuden mer Evangelien, dans Texh Vnters., Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 7, cf. p. 65. 66. Le viens traducteur latin du commentaire d’Origène sur saint Matthieu, In Matth., comment, séries, n. 28, P. G., t. xiii, col. 1(>37, cite des livres canonizali. Une Explanat’w symboli, attribuée à saint Ambroise, Caspari, Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, Christiania, 1869, t. il, p. 50, dit de l’Apocalypse de saint Jean canonir zatur. L’auteur de l’Onus imperfectum t » Matth., ii, 23, P. (’<, t. lvi, col. 640, parle de prophètes, gui snnt nobis canonizali. Les mots xavûv et xecvovixéc ont été latinisés. Le canon africain, publié par Mornmsen et rapporté par lui à l’année 359, donne la liste des livres qui sunt canonici. Preuschen, Analccta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 138, 139 ; Zahn, Grundriss der Geschichte des Xetttestamentliclien Kanons, Leipzig, 1901, p. 81. Priscillien, dans ses divers traités, parle plusieurs fois des livres et des Fcritures « canoniques » et du « canon » , notamment lorsqu’il dit, Liber de fide et apocri/p/tis, édit. Schepss, Corpus script, eccles. latin., ’ienne, 1889, t. xv, p. 55, que l’épître aux Laodicéens n’est pas in canone. Saint Philastrius, Hxr., 88, P. L., t. xii, col. 1199 ; Rufïn, Comment, in symbol. apostolorum, n. 37, P. L., t. xxi, col. 374, emploient les expressions « canon » et « livre canonique » . Rufin se sert souvent de ces mots dans ses traductions d’Origène, par exemple, In Cant., prolog., P. G., t. xiii, col. 83, et dans sa version latine de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe. Saint Augustin nomme fréquemment les Ecritures « canoniques » . Epiit., lxxxii, n. 3, P. L., t. xxxiii, col. 277 ; Contra Faustum manich., 1. XXIII, c. ix, P. L., t. xlii, col. 471 ; De peccatorum meritis et remissione, 1. 1, n. 50, P. L., t. xliv, col. IH7 ; Serin., cccxv, n. 1, P. L., t. xxxviii, col. 1426, etc. Mais sous le nom de « canon » , ces écrivains latins désignent la Bible elle-même, de sorte que lorsqu’ils disent qu’un livre est ou n’est pas dans le canon, ils entendent qu’il fait ou ne fait partie de la Bible. Ainsi parle Priscillien, édit. Schepss, p. 41-56, 63. Saint Jérôme lui-même, Epist., lxxi, n. 5, P. L., t. xxii. col. 671, appelle sa traduction latine, faite sur le texte hébreu, canonem liebraicx veritatis. Saint Augustin, De doctrina christiana, 1. II, c. viii, n. 13, P. L., t. xxxiv. col. 41, commence son catalogue des Livres saints par ces mots : Totus autem canon Script urarum… h is libris conlinetur. Cf. Spéculum, P. L., t. xxxiv, col. 946 ; Contra Cresconium, 1. II, c. xxxi, n. 39, P. L., t.xi.in, col. 489 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, n. 27, P. L., t. L, col. 674. Ils donnent alors au mot « canon » le sens de « règle » . Saint Augustin, en effet, reconnaît aux Livres saints une « autorité canonique » . Contra Cresconium, loc. cit. ; De consensu evangelistarum, 1. I, c. I, n. 2. /’. /… t. xxxiv. col. 1043 ; Spéculum, pr.-eL, 7’. /.., t. xxxiv, col. 887-888 ; De civitate Dei, 1. XV, c. xiiiii, n. 4 ; 1. XVII, c. xx, n. 1 ; c. xxiv, P. L., t. xi.i, col. 470, 554, 560, etc. Le livre canonique ainsi envisagé’devient un livre « régulateur » . Le traducteur latin du commentaire d’Origine sur saint Matthieu, In Matth., comment. seri<’s, n. 117, /’. G., t. xiii. col. 1769, l’appelle livre regularit. Lis anciennes idées

de xocvt&v, signifiant la règle île la vérité ou de la foi ou

de l’Église, Polycrate, dansEusèbe, II. /"., v, 21. /’. G., t. xx, col. 196 ; anonyme contre Axtémon, ibid., v. 28, col. 516 ; S. Innée. Cont. Ii.vr., iii, 12, /’. C, t. vu. col. 847 ; Clément d’Alexandrie, Strom., i, 15, /’. G., t. ix, col. 348, 349 ; Origène, Deprmc., i, n. 9. /’. G.,

t. xi. col. 960 ; cf. Eusébe // E. 2 25 / < ;, t. xx,

col. 525, 581 : /’/, .. 5, /’. G. t xvi,

col. 3414 ; Homil. Clément., Epist. l’eu

n. I. /’. (’, ., t. ii, col. 25 ; Dacchiarius, l’rofi

n. (i. /’. /.., t. xx, col. 1034 ; ou hsymbole di

S. L I. tuer., i. 9. n. 4 : 22. n. I. /’. G., t. vii,

col. 545, 669 ; Tertullien, h pi., 12-14

/’. /.., t. n. col. 26, 27, ’--.1 I. I

col. 157 ; De virginibut velandis, 1. col. 889 ; voir i i.

col. 1676-1677 ; Nova tien, //.- Trinitate, 1. 9. /’. L.,

t. iii, col. NSI), 905 ; ou mérne déjà le canon scriptu raire, surtout le canon évangélique, c’est-à-dire l’a

avec l’Ecriture, l’Évangile et les paroles d

Tertullien, Adv. Marcion., ni, 17, P. L., t. ii, col

le valentinien Ptolémée écrivant à Flora, S. Épiphane,

User., xxxiii, 7, P. G., t. xi.i, col. 568, ces anciennes

idées, dis-je, ont été jointes à la notion de catalogue ou

de collection des Livres saints, de façon à

l’Écriture comme la règle de la foi et de renseignement

ecclésiastique. Cette dernière.signification du mot

t canon » s’est conservée et transmise dans l’Égl

elle est devenue la notion ecclésiastique du canon

scripturaire.

Définition.

Le canon des Écritures est donc la liste ou la collection, réglée par la tradition et l’autorité de l’Église, des livres qui, ayant une origine divine et une autorité infaillible, contiennent ou forment eux-mêmes la règle de la vérité’inspirée par Dieu pour l’instruction des hommes. Les éléments divers, qui entrent dans cette définition, n’ont pas toujour énoncés simultanément ni logiquement dispos, hiérarchisés par les Pères et les écrivains ecclésiastiques. Ceux-ci mettaient en évidence et en première ligne tantôt les uns tantôt les autres selon les circonstances ou les nécessités de leur exposition. Ils ont affirmé souvent, surtout lorsqu’ils traitaient ex pr< du canon biblique en général ou de la canonicité d’un livre en particulier, que la tradition, l’autorité des Pères ou la pratique de l’Église, avaient réglé le canon ou reconnu l’inspiration ou l’autorité canonique des livres divins. Voir plus loin. S’ils insistent spécialement sur cette autorité canonique, s’ils parlent des livres canoniques comme constituant le principe régulateur de l’enseignement ecclésiastique, ils reconnaissent parfois explicitement et ils supposent toujours que l’autorité canonique et régulatrice leur vient de leur origine divine, admise et enseignée par l’Église. Il nous semble donc qu il n’y a pas lieu de distinguer avec M. 1 Histoire du canon de l’A. T., Pai 185, etc., deux notions différentes de la canonicité : l’une, ancienne, consistant dans l’autorité régulatr l’aptitude à régler la foi ; l’autre, moderne, consistant dans la reconnaissance officielle de cette autorite p.ir l’Église. Ce sont seulement deux aspects divers d’une même question, qui ont été plus ou moins directement envisagés à des époques différentes de l’histoire du canon. Tantôt on faisait spécialement ressortir que le principe régulateur de l’enseignement chrétien était renfermé en partie dans la collection scripturaire ; tantôt, aucontraire, on considérait cette collection elle-même en tant qu’elle était déterminée par la tradition ecclésiastique pour servir de règle à l’enseignement. Loin de s’exclure, ces deux notions se superposaient l’une à l’autre et se complétaient l’une par l’autre. Il reste vrai seulement qu’après la définition du concile de Tri nie et dans la controverse avec les protestants, l’acception de reconnaissance officielle des Livres saints par l’Église a élé constamment mise en première ligne dans la notion du canon des Livres saints et a prévalu dans l’ensi’ment Idéologique. Lois. op. cit.. p,

L.i canonicité d’un livre biblique différe donc de son inspiration. Celle-ci fait qu’un livre est d’origine divine, a Dieu pour auteur et par conséquent jouit d’une auto

rite infaillible pour régler la foi et les mœurs des fidèles. Voir Inspiration. La canonicité est la constatation que l’Eglise fait officiellement, par une décision publique, ou équivalemment, par l’usage et la pratique, de cette origine divine et de cette autorité infaillible. La canonicité suppose l’inspiration et ne peut exister sans elle. L’Eglise ne peut rendre inspiré un livre qui ne l’est pas ; mais elle peut déclarer inspiré un livre qui l’est et lui donner ainsi un caractère officiel, une autorité canonique qu’il n’avait pas auparavant, car un livre inspiré a pu ne pas être reconnu par tous dès l’origine, et, de fait, on a douté longtemps, en certains milieux, de l’origine divine de quelques livres bibliques. L’Église, s’appuyant sur une tradition réelle et constante, a déclaré divins des livres dont l’origine divine était en quelques lieux et pendant quelque temps demeurée douteuse, et a fait cesser ces doutes. Tel a été renseignement précis des théologiens et des controversistes après le concile de Trente. F. Sonnius, De verbo Dei, c. xii. La plupart ont résumé cette doctrine au moyen d’une distinction très claire. Ils distinguaient deux sortes de canonicité : l’une, in actu primo, d’après laquelle les Livres saints sont canoniques quoad se, par le seul fait qu’ils ont Dieu pour auteur ; l’autre, in aclu secundo, qui les rend canoniques quoad nos, lorsque l’Église déclare qu’ils sont inspirés. La première leur confère l’autorité divine et la vérité infaillible et les rend aptes à être inscrits au canon, la seconde les inscrit au canon et leur confère réellement la canonicité. Stapleton, Princip. fidei releclio, 1. V, q. v, a. 1, Anvers, 1596, p. 505-507 ; Serarius, Prolegomena biblica, c. vii, Paris, 1701, p. 35-36 ; A. Contzen, Comment, in quatuor Evangelia, In Luc, I, q. IV, v, 1626 ; .1. de Sylveira, Upusc., I, resol. i, q. ii, iv, Lyon, 1687 ; A. Duval, Tractatusde fîde, q.i, A.5.De Scriplura, Paris, 1636, t. il, p. 137-138 ; Salmeron, Comment, in evang. hist., 1. I, prol. i, xxxii, Cologne, 1602, p. 5-7, 414-415 ; .1. Bonfrère, Præloquia, c. ni, sect. iii, dans Migne, Cursus Script, sac, t. i, col. 11.

IL Critérium de la canonicité. — Depuis que le concile de Trente, sess. IV, Decretum de canonicis Scripluris, a défini que tous les Livres saints, dont il a dressé la liste, sont sacrés et canoniques, c’est-à-dire ont Dieu pour auteur et, par suite, sont une des sources infaillibles de la révélation, aucun théologien catholique ne doute que l’Église seule possède le droit de déterminer et de fixer, par ses organes officiels, le pape ou un concile œcuménique, ou par son magistère ordinaire, le canon des Livres saints, et qu’elle soit, en matière de canonicité scripturaire, l’unique autorité compétente. Cela résulte de la notion même de canonicité. Si déclarer canonique un livre de l’Écriture, c’est affirmer qu’il est inspiré et imposer à tous les fidèles, comme vérité de foi, le tait de son inspiration, cette affirmation ne peut émaner que de l’autorité publique, infaillible et universelle de l’Église. Les Pères et les docteurs ont toujours, nous le verrons bientôt, reconnu et attesté ce droit de l’Eglise. C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, p. 76-78. Les protestants, qui opposaient la Bible à la tradition et à l’autorité de l’Église et faisaient d’elle la seule règle de la foi, ont prétendu pour la plupart que l’Ecriture ne tenait pas son autorité de l’Église, mais de Dieu et non des hommes, et qu’elle l’avait par cela seul qu’elle était la véritable parole de Dieu. Il y a eu toutefois quelques exceptions. Carlstadt, De canonicis Scripluris libellus, Wittemberg, 1520, tout en soutenant l’autorité exclusive de l’Ecriture, mettait à la base de la canonicité des Livres saints leur réception dans l’Église et admettait sur ce point la valeur de la tradition ecclésiastique. Le 39e article de l’Église anglicane dit expressément : « Sous le nom d’Écriture sainte nous entendons les livres de l’Ancien et du Nouveau Testa-’meut de l’autorité desquels l’Église n’a jamais douté…

Nous recevons tous les livres du Nouveau Testament qui sont communément reçus. » La Conlession de Bohême, rédigée en 1535, a. 1, 2e édit., 1558, p. 17, reconnaît comme Ecritures saintes quse in Bibliis ipsis continentur et a Patribus receplæ autorilateque canonica dolalse sunt. La Confessio wirtemburgica, rédigée par Brentz en 1552, dit aussi : Sacram Scripturam vocamus eos canonicos libros V. et N. T. de quorum autorilate in Ecclesia nunquam dubitatum est. Mais ceux qui n’estimaient pas nécessaire de consulter la tradition ecclésiastique pour discerner les livres inspirés de Dieu devaient déterminer quel moyen plus infaillible restait au chrétien pour taire ce discernement et quel critère devait le guider dans son choix. E. Reuss, Histoire du canon des saintes Ecritures dans l’Église chrétienne, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 308-320. Ils ont proposé divers critères, que nous allons exposer avant de les opposer à la doctrine catholique.

I. selon les protestants.

1° D’après Luther et ses premiers disciples. — Dans la question du canon biblique, Luther s’est placé au point de vue dogmatique et a présenté un critère théologique ; ce critère était la doctrine de l’Évangile telle qu’il la comprenait. Selon lui, le christianisme tout entier se résumait dans la thèse du salut gratuit, de la justification par la foi seule en Christ sauveur, à l’exclusion des œuvres. Cette doctrine devint le critère de la canonicité, qui résultait de l’enseignement de chaque livre sur le Christ et le salut des hommes. Les autres critères, les noms et la dignité des auteurs, étaient insuffisants. Luther graduait donc les Livres saints d’après la nature des enseignements qu’ils contiennent. En comparaison des écrits du Nouveau Testament qui montrent le Christ et enseignent tout ce qui est nécessaire au salut, l’Épitre de saint Jacques n’est véritablement qu’une épître de paille, car elle n’a pas la manière de l’Évangile. Vorrede aufdasN. T., 1522, Werke, Erlangen, t. lxiii, p. 114. La véritable pierre de touche pour jugertous les livres consiste à constater s’ilsparlent, oui ou non, du Christ. Toute Écriture doit nous montrer Christ. Ce qui n’enseigne pas Christ n’est pas apostolique, vint-il de Pierre ou de Paul ; ce qui prêche Christ est apostolique, quand même il viendrait de Judas, d’Anne, de Pilate ou d’Hérode. Aussi l’Épitre de saint Jacques, quoique contenant des préceptes utiles, contredit Paul et toute l’Écriture sainte et ne peut être dans la Bible, au moins parmi les livres principaux. Vorrede auf die Epist. Jacobi, ibid., p. 157. Pour la même raison, l’Apocalypse fut d’abord peu estimée de Luther. Il ne la tenait ni pour apostolique, ni pour inspirée. « Mon esprit ne peut s’accommoder de ce livre, et il me suffit de voir que le Christ n’y est ni honoré ni connu, tandis que la première tâche que Jésus ait donnée à ses apôtres est celle-ci : Vous me servirez de témoins. C’est pourquoi j’en reste aux livres dans lesquels le Christ m’est présente clairement et purement. » Vorrede auf die Apokalypse, 1522. Cf. S. Berger, La Bible au xvi » siècle, Paris, 1879, p. 86-107 ; A. Credner, Geschichte des Neutestamentlichen Kanon, Berlin, 1860, p. 330-333. Luther jugeait aussi les livres de l’Ancien Testament d’après ce même principe et il recherchait en eux l’élément évangélique. Il écartait les livres qu’on appelle deutérocanoniques, parce qu’il n’y reconnaissait pas lui-même sa doctrine, plutôt que parce que la Synagogue ne les avait pas reçus. Il appréciait les livres protocanoniques en raison de ce qu’ils prêchaient plus ou moins le Christ. Il mettait donc la parole de Dieu, telle qu’il l’entendait, au-dessus de l’Ecriture, et cette parole, ou la révélation du Christ rédempteur, lui servait à discerner les livres de l’Écriture. Une pareille théorie ne pouvait pas aboutir, i une délimitation rigoureuse du canon biblique, et si Luther exaltait tics haut l’Écriture à l’encontre de la tradition et de l’Église, C’est qu’il prétendait retrouver daus l’Écriture, au sens qu’il lui doni :

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nait, sa propre doctrine sur l’Évangile. Son critère théologique de la canonicité résultait donc de ion enseignement sur la justification par la foi, appliqué comme norme de démarcation des livres inspi E. Reuss, Histoire du canon des taintet Écritures, p. 339-354 ; Rabaud, Histoire de la doctrine de l’inspiration des san, 1rs Écritures, Taris 1883, p. 38-40. Mélaïuhlhon et Flacius s’appuyaient, connue Luther, sur l’analogie de la toi pour discerner les livres canoniques des non canoniques. Reuss, op. cit., p. 354-356.

2 » D’après Calvinet tes premiers calvinistes. — Calvin s’est demandé comment on peut se persuader que l’Ecriture vient de Dieu. Il a répondu que « l’Esoriture a de quov se faire cognoistre comme les clioses blanches et noires ont de quoi montrer leur couleur et les choses douces et amères leur saveur » . Institution, 1. I, c. VII, n. 2. L’Écriture elle-même, son enseignement, son esprit, ses formes et surtout les effets qu’elle produit sur les lecteurs bien disposés révèlent son origine et sa dignité et imposent les vérités qu’elle proclame. Toutefois ce témoignage que l’Écriture se rend ainsi à elle-même ne repose pas sur des raisons humaines ; c’est le témoignage même que le Saint-Esprit lui rend dans les cœurs. Cet Esprit fait valoir et garantit les marques intérieures que l’Écriture présente de son origine divine. « Que nous lisions Demosthene ou Ciceron, Platon ou Aristote, ou quelques autres de leur bande : je confesse bien qu’ils attireront merveilleusement et délecteront etesmouverontjusquesàravirmesme l’esprit ; mais si de là nous nous transportons à la lecture des sainctes Escritures, veuillons ou non, elles nous poindront si vivement, elles perceront tellement nostre cœur, elles se licheront tellement au dedans des moelles, que toute la force qu’ont les rhetoriciens ou philosophes, au prix de l’efficace d’un tel sentiment, ne sera que fumée. Dont il est aisé d’appercevoir que les sainctes Escritures ont quelque propriété divine à inspirer les hommes, veu que de si loing elles surmontent toutes les grâces de l’industrie humaine. » Ibid., c. VIII, n. 1. Les autres raisons ne sont pas suffisantes pour prouver la certitude de l’Écriture. Le Père céleste, qui y fait reluire sa divinité, l’exempte de tout doute et de toute question. Ibid., c. xi ; S. Iierger, op. cit., p. 113-118 ; Rabaud, op. cit., p. 58-G 0. Pour que ce sentiment se produise, il faut la foi, et Calvin fait appel à l’expérience intime des chrétiens. Voir col. 1399-1400. Les théologiens calvinistes ont reproduit la doctrine du chef de la secte. P. Viret, De vero verbi Dei ministerio, 1. I, c. v ; 1. II, c. in. Ils disaient que l’ancienne Église, en formant le canon, avait été guidée par le Saint-Esprit. Yermigli, Loci comniunes, cl. I, 1. VI, 8. La seconde Confession helvétique, c. i, déclare que l’effet de la lecture de l’Écriture dépend, comme celui de la prédication, de l’illumination intérieure du Saint-Esprit. La Confession des Pays-Bas reçoit ces livres comme saints et canoniques, c’est-à-dire comme règle suprême de la foi, et croit ce qu’ils contiennent, « parce que le Saint-Esprit atteste dans nos cceurs qu’ils émanent de Dieu et qu’ils portent en eux-mêmes son approbation » (a. 5). La Confession française les reconnaît « non pas seulement d’après le sentiment unanime de l’Église, mais beaucoup plus d’après le témoignage du Saint-Esprit et la conviction qu’il donne intérieurement, car c’est lui qui apprend à les distinguer d’autres écrits ecclésiastiques » (a. 4). Cette théorie de la canonioité, appuyée sur le témoignage intérieur du Saint-Esprit, découle du fond même du protestantisme qui écarte les intermédiaires entre Dieu et les âmes et s’en tient surtout à la conscience religieuse de chaque chrétien. Mais elle propose un critère incertain. L’action du Saint-Esprit sur les lecteurs de l’Écriture ne se l’ail pas toujours sentir et n’est pas uniforme. Les protestants répondent, il est vrai, que celle diversité « l’action dépend de la variété des dispositions des lecteurs et de la di versité des voies de Dieu dans l’œuvre du salut, l n pratique donc la théorie est insuffisante, et le* calvinistes eux-mêmes ont varié au sujet des livn - qu appellent apocryphes et ils ont dû recourir à d’autres critères. !.. Reuss, op. <it., p. 3204)

> D’après les calvinistes suisses et 1rs lutliérien* à partir du XVIIe siècle. — Tout en conlinuant à ex. ; l’autorité de lÉcriture au détriment de celle de la tradition, tout en maintenant en première ligne I action intérieure du Saint-Esprit dan^ le cour des fidèles, action sans laquelle la véritable foi n’existe pas. les tbéologiens protestants aboutirent bientôt à rendre < action inutile et superllue et proposèrent d’autres critères qui devaient produire la conviction humaine 1/ humana) préparatoire à l’acte de foi que l’Ecriture est divine. Ils distinguèrent deux sortes de critères. Les uns, dits internes, dérivaient de la forme et du contenu de l’Écriture ; les autres, dits externes, découlaient de son antiquité, de la propagation de l’Évangile, de la foi des martyrs, de la crédibilité des écrits bibliques, du caractère des écrivains inspirés, des miracles et des prophéties, enfin et surtout du témoignage de l’ancienne Église. Mais ils considéraient l’Eglise comme un témoin, qui garde le dépôt et veille à sa conservation, plutôt que comme un juge qui règle le recueil sacré de sa pleine autorité. Elle avait eu le devoir, et non le droit, d’approuver et de recevoir l’Écriture et de dresser le catalogue officiel des livres canoniques. Cependant quelques-uns évitaient de prononcer le nom de l’Eglise et se bornaient à dire que des individus pieux du judaïsme et du christianisme avaient possédé le don de discerner les Écritures canoniques et avaient comporecueils des deux Testaments. L’Église juive avait garanti l’Ancien Testament. Jésus-Christ et les apôtres avaient accepté la Bible hébraïque. L’Eglise primitive avait fixé le recueil des livres inspirés. On discutait seulement si elle y avait compris les deutérocanoniques dont finalement on admit la canonicité. E. Reuss, op. cit., p. 360-392 ; Rabaud, op. cit., p. 143-155.

D’après les critiques modernes.

Depuis Semler, Abhandlung von freier Vnlersuchung des Kanon, 4 vol., 1771 sq., beaucoup de protestants ont traité la canonicité des Livres saints exclusivement d’après les principes de la critique historique. Ils ont rejeté la tradition aussi bien que le témoignage intérieur du Saint-Esprit. Ils se bornent à écrire l’histoire de la formation du canon biblique. Ils discutent les témoignages anciens et les contrôlent par le contenu des livres eux-mêmes. Ils abandonnent en outre la notion traditionnelle de l’inspiration et recherchent seulement quelles et. lient les pensées des écrivains sacrés qu’ils replacent dans leur milieu social et religieux. Les livres bibliques ne sont plus pour eux que des documents de la pensée religieuse telle qu’elle s’est formée autrefois au sein du judaïsme et de la première génération chrétienne. Le canon biblique des deux Testaments n’est donc que la collection des restes de l’ancienne littérature hébraïque ou des livres, apostoliques ou non, qui expriment la pensée des premiers écrivains du christianisme.E. R op. cit., p. 411-431.

Pour la discussion de ces critères, voir Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, part. II. sect. 1. c. II, th. v, vin. : e rdit.. Rome, 1882, p. 37’J-38’J, 397-399 ; Hurler. Theologim thc.r compendium, 3e édit. Inspruck, 1880, th. x.wu. xxviii. p. 154-157 ; Gilly, l’r.cis d’introduction à /Ecriture sainte. Nîmes. lM’, 7. t. i. p. Tli-TC ; Ubaldi, Introdv cram Scripturam, 2- édit, Rome, iss-j. t. î. p. 31-Ch’, 116-131 ; Trochon, Introduction générale. Paiis. 1886, t. I, p 8 F. Schmid, De inspirai orum vi et ratione, Brixen.

Crète, />< divina Bibliorum inspiration*, Uravaln, 1886, p. 11-82 ; Zanecchia, Dii sacra*

non Scripturarum ad mentem S. Thonis ? Aquit s. il 1898), p. 21-28 ; Chauvin, L’inspiration d, s divines h’eritui-sa, Parla, s. d. [1896), p. 7’j-toG.

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II. selon les cATnOLTQiTES.

Tous les théologiens catholiques, à rencontre des protestants, enseignent que l’unique critère de l’inspiration et de la canonicité des Livres saints est le témoignage de Dieu transmis, non par la voie des traditions humaines, mais par la tradition catholique, et interprété par le magistère de l’Eglise, Au lieu de prouver cette thèse en reproduisant la série d’arguments que ces théologiens développent, nous préférons faire l’histoire de. cette doctrine et montrer comment les Pères et les écrivains ecclésiastiques l’ont diversement présentée au cours des siècles. Cette méthode nous permettra de connaître les diverses manières dont la divinité et la canonicité des Livres saints ont été démontrées successivementou simultanément. Les arguments étaient différents selon que les Pères et les théologiens voulaient prouver directement ou hien l’origine divine et l’autorité régulatrice des Livres saints ou bien la reconnaissance de cette origine et de cette autorité par l’Église.

1° Preuves de l’origine divine et de l’autorité régulatrice des Livres saints. — Les Pères apologistes du 11e siècle ont les premiers démontré l’origine divine de l’Ecriture qu’ils citaient aux païens en preuve de la mission divine de Jésus-Christ. Voir t. i, col. 1596. Saint Justin, dont l’esprit n’avait pas été satisfait par les divers systèmes philosophiques qu’il avait étudiés, Dial. cuni Tryphone, c. n-v, P. G., t. vi, col. 476-489, a trouvé la vérité qu’il cherchait dans les prophètes de l’Ancien Testament. Les philosophes n’avaient pas la vérité ; cela résulte des enseignements absurdes qu’ils débitaient, Cohort. ad Grsacos, c. n-v, col. 241-253 ; c. xi, col. 261 ; Apol., I, c. xliv, col. 396 ; II, c. xiii, col. 465, et de leurs divergences relatives à la religion. Coll., c. vi, vii, vin, col. 253, 256-258 ; Apol, II, c. x, col. 460. L’Ecriture, au contraire, est vraie et divine, et cela résulte de l’accord admirable qui existe entre les écrivains sacrés. Ils ont la même doctrine sur Dieu, l’origine du monde, la création de l’homme, l’immortalité de l’âme, le jugement dernier et tout ce qui est nécessaire au salut, bien qu’ils aient écrit en des temps et des lieux différents. Saint Justin en conclut que les prophètes inspirés ontenseigné la vérité. Coll., c. viii, col. 256-257 ; cf. Freppel, Les Pères apologistes au / ; e siècle, 9e leçon, p. 169-173. Une autre preuve de l’origine divine des Écritures, preuve que le saint docteur appelle y.s.yi ?T : iv xa ; « Xï|80t « » ty)v aTiôôeiÇiv, Apol., I, c. xxx, col. 373, est tirée des prophéties de l’Ancien Testament, dont la plupart sontréalisées en Jésus-Christ et sonEglise. lbid., c. xxxi-liii, col. 376-408. Puisque la prophétie est un don divin, ibid., c. XII, col. 345 ; Coh., c. viii, x, col. 256, 201, les prophètes juifs ont été inspirés par le Saint-Esprit dans leurs écrits. Apol., I, c. xxxi-xxxiii, xxxv, xxxix, xl, col. 376, 377, 380, 381, 384, 388, 389 ; cl. Rcuss, Histoire ducanon, p. 49-50 ; J. Delitzsch, .De inspirationc Scriplurse sacrx quid staluerint Patres apo-Stolici et apologetx secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 3841. D’ailleurs saint Justin ne restreignait pas sa foi à l’inspiration des seuls écrits prophétiques, il retendait à tous les livres de l’Ancien Testament, dont les auteurs étaient pour lui des prophètes. Coll., c. ix-xi, xxviii, col. 257, 261, 264, 293 ; Apol, I, c. xxxii, liv, lix, col. 377. 109, H6. Les livres historiques eux-mêmes ont été’écrits sous l’inspiration prophétique. Coll., c. xxxv, col. 304. Tatien, disciple de saint Justin, avait constaté, lui aussi, le vide de i enseignement des philosophes. Il suit doue la même méthode que son maître pour prouver la divinité de l’Écriture. Le désaccord des philosophes est un indice certain de la fausseté de leur doctrine, car la vérité ne se contredit pas. Oral. adv. Grxcot, c. il, iii, xxv, /’. G., t. vi, col. 805-812, 860-861. Les chrétiens sont unanimes dans leur enseignement qui vient de Dieu, lbid., c. xxxii, col. 872. La philosophie chrétienne est vraie, parce qu’elle a été annoncée

par les prophètes. Ibid., c. xxix, xxxvi, col. 868, 880. Tatien appelle donc les Écritures : Geio-cirai ; Ipixyjveîa ;, Sià ypacpr, ; èEEXr ;)iy(X£va ;, Ôetotspa ; èxçuv^CTeco ; Xéyouç. Ibid., c. xii, col. 832. Alhénagore oppose, lui aussi, la doctrine des chrétiens à celle des poètes et des philosophes. Celle-ci est incertaine et fausse, puisque ses partisans sont en désaccord complet, celle-là est divine et a été divinement inspirée aux prophètes. Les philosophes sont allés à la recherche de la vérité, poussés non par Dieu mais par leur esprit propre ; les prophètes ont parlé sous l’impulsion du Saint-Esprit. On ne peut donc refuser de croire à l’Esprit de Dieu, dont les prophètes n’étaient que lesorganes. Légat, prochrist., c. vil, ix, P. G., t. vi, col. 901, 905, 908. Converti par la lecture des Livres saints, Théophile d’Antioche presse Autolychus de se convertir pour ne pas subir les supplices éternels prédits par les prophètes, car toutes les prédictions faites par les prophètes s’accomplissent. Ad Autolych., 1. I, c. xiv, P. G., t. vi, col. 1045. Une autre raison de croire aux oracles prophétiques, c’est leur harmonie, lbid., 1. III, c. xvii, col. 1144-1145. Cette harmonie ne se rencontre pas chez les philosophes et les poètes, qui sont inspirés par le démon et qui mêlent toujours le faux au vrai. Ibid., 1. II, c. vin ; 1. III, c. iii, col. 1060, 1061, 1124. Les prophètes, mus par le même esprit qui est l’Esprit de Dieu, annoncent la vérité sans mélange d’erreur, lbid., 1. II, c. ix, xxxv, col. 1061, 1109.

Quand les gnostiques, retournant contre l’Écriture l’argument des Pères apologistes, prétendirent que les Écritures étaient en désaccord, et par conséquent fausses, S. Irénée, Cont. hær., 1. III, c. il, P. G., t. vii, col. 846 ; S. Épiphane, Hær., xliv, P. G., t. xli, col. 823, quand Marcion opposa le Nouveau Testament à l’Ancien et soutint que ce dernier provenait du mauvais principe, Tertullien, Adv. Marcion., 1. I, c. xix ; 1. IV, c. i, P. L., t. il, col. 267, 361, voir t. i, col. 1382-1384, 1393-1398, les Pères affirmèrent et démontrèrent l’accord des deux Testaments en vue de prouver la divinité de l’Ancien. Saint Irénée emploie les deux livres, IIIe et IVe, de son traité Contra hæreses à montrer cet accord. Voir en particulier, 1. III, c. xi, n. Il ; 1. IV, c. ix, P. G., t. vii, col. 905, 996-999. Un de ses principaux arguments est l’accord doctrinal. L. IV, c. x, n. 1 ; c. xi, n. 1 ; c. xii, n. 3, col. 1000, 1001, 1005. Les différences réelles que l’on constate dans les deux Testaments n’empêchent pas qu’ils ne soient l’œuvre du même Dieu. L. IV, c. xv, n. 2, col. 1014. Le même Verbe de Dieu a envoyé les prophètes et les apôtres dans l’esprit de vérité et non dans l’esprit d’erreur. L. IV, c. xxxv, xxxvi, n. 5, col. 1087, 1095. Tertullien, qui, nous le dirons plus loin, recommandait une méthode différente contre les hérétiques, réfuta néanmoins directement Marcion dans son traité Adversus M arâonem. Il montra en particulier que les prophètes de l’ancienne alliance avaient annoncé le Christ et que le Christ avait parlé par leur bouche, 1. III, c. ii, v, vi, P. L., t. ii, col. 323, 326-328, et il conclut que l’Esprit du créateur avait prédit le Christ. L. III, c. xxii, col. 353. Il expliquait les diversités des deux Testaments en disant que leur unique auteur s’était conformé aux états et à la situation différente du genre humain. L. IV, c. l, col. 361-863. Dans son 14/)ologétique il démontre aux païens l’autorité de l’Ecriture. Il la fonde sur l’inspiration prophétique de ses ailleurs. C. XXIII, P. L., t. i, col. 377-381. Il la prouve par son antiquité", l’accomplissement de ses prophéties et par les malheurs que les juifs ont attirés sur eux par leur incrédulité. C. xix, col. 391. Les lettres des chrétiens sont donc des paroles de Dieu, aliment de la foi et fondement de l’espérance. (’.. xxxi, x.wix. roi. iiO. 168-469.

Clément d’Alexandrie, voulant convertir les (Irecs au Christ qui a parlé par les prophètes, Coh. ail Grsecot, c. 1, P. G., t. viii, col. Oi, montre que les philosophes et les poétes n’ont pas connu la vérité complète sur Dieu. Passant a l’examen des écrits prophétiques, il constate qi impie

il sans ornement, ils oui détourné les hommes du vice et de l’idolâtrie et < os » igné di i les. C. vi,

col. 173. Ils ont prêché le vrai Dieu, ou, pour mieux dire, l’Esprit de Dieu a parlé par leur bouche. C. viii, ix, col. 188 193. C’est le même pédagogue qui enseigne, quoique diversement, dans les deux Testaments. Pedag, , c. vii, iii, col. 320-321, 965. Les livres de l’Ancien et « lu Nouveau Testament ont Dieu pour auteur principal ; la philosophie vient île Dieu aussi et non du diable, mais par simple conséquence, parce que les philosophes ont volé aux saintes Écritures les étincelles de vérité, qui brillent dans leurs livres. Strom., I, 5, 1°, col. 717, 798. Clément prouve contre Basilide et Valentin que Dieu est l’auteur des deux Testaments et qu’il n’y a qu’une seule fui, fondée sur les prophéties et parachevée dans l’Évangile. Strom., ii, 6 ; iv, 1 ; Coût. Valentin., I. IV, c. xii, col. 964, 1210, 1297.

Origène, ayant à défendre les Écritures contre le païen Celse, affirme que le Saint-Esprit habitait dans l’âme de Moïse qui a parle de la religion avec plus de clarté que Platon et qu’aucun philosophe grec ou barbare. Cont. Celsum, i, 1’.), P. C, t. IX, col. 093, 090. Moïse a écrit les lois que Dieu promulguait et rédigé l’histoire conformément à la vérité, iii, 5, col. 928. La lecture attentive de ses écrits et notamment du récit de la création aurait convaincu Celse que le Saint-Esprit avait inspiré le prophète, iv, 55, col. 1120. L’amour de la vérité et le zèle persistant à corriger les humains sont des indices de l’inspiration de ceux qui, comme Moïse et les prophètes, ont ces qualités, iv, 4, 7, col. 1033, 1037. La conduite de ces hommes inspirés, comparée à celle des philosophes, suffit à montrer que leurs écrits sont divins, tandis que ceux des philosophes apparaissent comme des œuvres humaines, ni, 81, col. 1028. Il fallait que les juifs eussent des prophètes pour annoncer l’avenir, afin de ne pas paraître inférieurs aux païens qui avaient des oracles, des augures et des aruspices, I, 3fi ; ni, 2, col. 728-729, 924. Or les juifs croyaient avec raison que leurs prophètes étaient inspirés et ils joignaient leurs livres à ceux de Moïse qu’ils tenaient pour sacrés, i, 13 ; iii, 2, 3, col. 741, 921, 925. Les chrétiens partagent sur ce point la foi des juifs, i, 45 ; ni, 4 ; v, 00, col. 744, 92.">, 1276, et ils ne se trompent pas, car la prescience de l’avenir prouve l’inspiration divine, Dieu seul pouvant prévoir les choses futures, I, 35 ; ïi, 10, col. 728, 1305. D’ailleurs, la foi des chrétiens n’est pas aveugle ; l’Esprit-Saint, qui a inspiré la doctrine chrétienne, l’a appuyée par des prophéties claires et évidentes et par des miracles, i, 2, 50, col. Cû(i, 753. La vérité et la divinité des prophéties résultent tant de leur matière, l’avenir, accessible à Dieu seul, que de leur accomplissement, iv, 21 ; vi, 10 ; vii, 10, col. 1056, 1305, 1536. Enfin, une bonne vie, digne du Saint-Esprit qui les anime, distinguait les véritables prophètes des faux prophètes, vii, 7, col. 1429, 1432. Origène avait déjà réfuté par les mêmes arguments Apelle qui ne trouvait pas dans les écrits de Moïse des indices de l’inspiration de leur auteur. In Cru., homil. II. n. 6, P. G., t. xii, col. 105 ; cf. In Num., homil. xxvi, ibid., col. 771. Pour le célèbre docteur d’Alexandrie, la démonstration de la vérité et de l’inspiration des Ecritures par l’accomplissement des prophéties n’était pas seulement un procède d’apologétique contre les païens et les hérétiques ; c’était une méthode fondée sur les principes. Dans le IIspl àp/oïv. Origine démontre la divinité des Ecritures afin de pouvoir en tirer légitimement des arguments en faveur de la doctrine chrétienne. Or la principale preuve de l’inspiration dis Ecritures est l’accomplissement des prophéties messianiques. L’avènement de Jésus-Christ dans le monde prouve irréfragablement la divinité des livres de l’Ancien Testament, au point que leur origine divine ne pouvait auparavant être clairement démontrée. h* / rinc., iv, 0. / < ;., t. xi, col. 352-353. Cf. A. Zôllig, Die Inspirationslehre des Origenes, Fri — n-Brisgau, 1902, p. 7-15.

Saint Cyprien citait avec confiance les deux Testaments pour prouver la doctrine chrétienne, car celui qui craint Dieu sait que les prédictions divines sont véritables et que l’Écriture ne peut mentir. De opère et eleemosynis, 8. /’. L., t. iv, col. 608. Pour lui, le prophète inspiré dit la vérité-. Ad Demetrianum, 11. ibid., col. 552. Au début du iv siècle. Lactance, après avoir exposé, au 1. III de ses Institut !

avaient vainement tenté de répandre la vérité, prouve au 1. IV la divinité de la religion chrétienne. Son premier et principal argument est l’autorité des prophètes dont les oracles, pleinement réalisés, sont l’œuvre du Saint-Esprit. C. v. /’. L., t. vi, col. 15$1-$259. L accord des prophètes dans la doctrine et dans leurs oracles est une autre preuve de leur inspiration divine. L. I, c. iv ; I. IV, c. xi, col. 127-128, 475. Leur style simple et barbare ne nuit pas à leur autorité. La vérité néglige le fard. L. V, c. i, col. 550. Dieu, qui inspirait les prophètes, aurait pu leur donner l’élégance du langage ; il a voulu rendre clair son enseignement et le mettre à la portée de toutes les intelligences. I. VI. c. xxi. col. 714 ; cꝟ. 1. 111, c. i, col. 350. Arnobe. Adv. gentet, 1. I, c. lviii, P. L., t. v. col. 796, réfutait de la même manière l’objection que les païens tiraient du style simple et de la langue vulgaire des évangélistes.

I u m 1m de Césarée, dans sa Préparation évangélique, suit la méthode des anciens apologistes et prouve la divinité et l’inspiration des prophètes par l’accomplissement des prophéties, 1. I. c. ni. i ; I. VI. c. xi ; 1. XIII, c. xi P. G., t. xxi. col. 32-37. 481. 4M. 1140 ; par la doctrine profonde de l’Ancien Testament, exposée dans un style simple et clair et comparée aux erreurs des philosophes sur Dieu, 1. III, c. x ; 1. XV, c. i. col. 189, 1296, et par l’admirable harmonie des écrits prophétiques. 1. XIV, c. ii, iii, col. 1181-1185. comparée au désaccord des philosophes. L. XV, c. LXII, col. 1108. Après avoir ainsi démontré l’origine divine des livres hébreux, Demonst. ev., 1. I, proœm., P. G., t. xxii. col. 16, Eusèbe leur emprunte des arguments en faveur de la religion chrétienne. L. I, c. i, col. 20. Il compare, d’ailleurs, les prophètes juifs et les devins païens, et il montre longuement que, tandis que les devins du paganisme étaient inspirés par les démons, les prophètes juifs parlaient et écrivaient sous le souffle du Saint-Esprit. Præep. ev., I. IV, c. i-iv ; 1. V, VI. c. i-v. P. G., t. xxi, col. 229 401, 404-112 ; Demonst. ev., 1. Y, proœm., i G., t. xxii, col. 337-311.

A son tour, pour réfuter les calomnies de Julien l’Apostat contre les livres de Moïse et des prophètes, saint Cyrille d’Alexandrie prouve qu’ils contiennent seuls la vérité sur Dieu. De même qu’Eusèbe, Prmp. i. 1X-X. /’. G., t. xxi. col. 679-842, il prétend que les Grecs ont connu les écrits des Hébreux et leur ont ravi les parcelles île vérité qui se trouvent dans leurs propres ouvrages. Seuls leurs emprunts à la littérature hébraïque sont vrais. Quand ils parlent d’eux-mêmes, les philosophes grecs sont en désaccord entre eux ils disent des absurdités. Moïse, les prophètes et les évangélistes, inspirés de Dieu, disent la vérité sur Dieu et ne se contredisent pas. Cont. Julian., 1. 1. /’. Gf., t. lxxvi, col. 524, 525. 540, 545 I s écrivains inspirés ont montré par la sainteté de leur vie et par les miracles qu’ils ont opérés, qu’ils disaient la vérité et qu’ils étaient dignes de foi. L. Vlll, col. 913. 996. Saint Chrysostome, Exposit. m Ps. /v, n. 11. /’'.’., t. i, col. 57. lait reposer, lui aussi, la divinité des I prophétiques sur la réalisation de prophéties qu’ils contiennent. Saint Augustin lui même, qui a si

ment relevé l’autorité de l’Église en matière de canonicité (voir col. 1566), n’hésite pas à prouver l’inspiration des prophètes par l’accord surprenant de leurs prédictions. De consensu evangelist., 1. III, c. vii, n. 30, P. L., t. xxxiv, col. 1175-1176. Il aflirme maintes fois que Dieu, qui prévoit l’avenir, l’a prédit par la bouche et la plume des prophètes.

Cette manière de démontrer l’origine divine de l’Écriture par son contenu a persévéré dans l’Église, même lorsque d’autres méthodes avaient prévalu. Ainsi Junilius, à la question : Unde probamus libros rcligionis nostrse divina esse inspiratione conscriptos" ? répond : Ex multis, quorum prima est ipsius Scripturse veritas, dcincle ordo rerum, consonantia præceptorum, modus locutionis sine amhilu purilasque verborum. Additur conscribentium et prtedicantium qualitas, quod divina homincs, excelsa viles, infacundi subtilia nonnisi divino repleli Spiritu tradidissent ; tum prsedicationis virtus, quse mundum licet a paucis despeclis prædicaretur, obtinuit. Accedunt his lestificatioconlrainorumutsibyllarum vel philosophorum, expulsio adrersariorum, ulilitas consequentium, exilns eorum quæ per acceptiones et figuras prx.diclionesque prsedicta sunt ; ad postremum miracula jugiter facta, donec Scriptura ipsa susciperetur a genlibus, de qua hoc nunc ad maximum miraculum sufficit, quod ab omnibus suscepta cognoscitur. Instit. regul. divïnse legis, 1. II, c. xxix, P. L., t. lxviii, col. 42 ; Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 527.

Au xif siècle, Baudoin, archevêque de Cantorbéry, fait dépendre la vérité de la foi de l’autorité de l’Écriture, et pour démontrer cette autorité, il s’appuie, le premier à notre connaissance, sur le témoignage des prophètes qui ont eu conscience de leur inspiration divine et qui ont confirmé leur témoignage en faveur de leur inspiration par la sainteté de leur vie et par leurs prophéties à brève échéance dont la réalisation garantissait la vérité de toutes leurs paroles. De commendatione jidei, P. L., t. cciv, col. 619-621. Leur inspiration est un gage que leurs oracles, révélés par le Saint-Esprit, sont vrais. Les apôtres, qui leur ont succédé dans la prédication, sont d’accord avec eux ; eux-mêmes ne se sont jamais contredits. Cet accord confirme que les prophètes et les apôtres ont été des témoins de la vérité. lbid., col. 625-628.

Dans le prologue de son commentaire sur les Sentences, Duns Scot démontre l’inspiration de la sainte Écriture par dix arguments qu’il a empruntés aux Pères, à savoir, la prédiction de l’avenir, l’accord des écrivains inspirés qui vivaient à des époques différentes et n’étaient pas disciples les uns des autres, leur témoignage véridique en faveur de leur propre inspiration, la tradition juive et chrétienne au sujet des livres canoniques, leur contenu conforme à la raison, les erreurs de ses adversaires, la perpétuité de l’Église qui les reçoit, les miracles opérés par Dieu en faveur de cette Église, le témoignage des païens et des hérétiques, enfin la conversion du monde nonobstant les persécutions. In IV Sent., prol., q. ii, Opéra, Paris, 1893, t. VIII, p. 76-78. Pour prouver que la Hible est de Dieu et non pas de l’homme, Raymond de Sébunde, Theologia naturalis, tit. ccxi-ccxvi, la considère en elle-même, dans sa manière d’affirmer la vérité et dans son contenu, et il conclut qu’elle est de Dieu, qu’il faut croire tout ce qu’elle enseigne et que sa certitude dépasse toutes les sciences humaines.

Les controversistes catholiques, contemporains de la Réforme, discutent généralement les critères proposés par les protestants. Ainsi Hosius, Quod fides fundamentum sit religioni » christianm, c. xvii, Opéra, in-fol., Paris. 1562, p. 8 ; P. Wittfelt, Theologia cateehetica, 1. I, disq. III, inst. i, q. i, 1675. Cf. Libert-Iïomond, Coin

ment, in sac. Script., In II Tim., iir, iG, 1662. Plus tard, Serarius, qui rejette le critère indiqué par Calvin, s’appuie cependant encore sur les critères internes pour prouver l’origine divine des Livres saints. Prolegomena biblica, c. iv, q. i-xii. Tobie Lohner, lnstitutiones quintuplicis tlieologise, tr. I, 1. I, tit. iv, v, 1679, joint au témoignage de Jésus-Christ, des apôtres et des Pères en faveur des livres inspirés celui de Dieu ou les miracles, l’accomplissement des prophéties et le contenu lui-même de la Bible, qui est saint et conforme à la raison. Noël Alexandre, Hist. eccl. V. T., diss. XII in iv am œtatem, 1676, suit la même méthode. Pour démontrer que l’Écriture est une règle infaillible de la foi, Suarez s’appuie principalement sur le fait de son origine divine ou de son inspiration. A ce motif de foi, il joint cependant, comme simples motifs de crédibilité, l’accomplissement des prophéties, l’accord et l’harmonie de tous les livres canoniques, la sainteté et la pureté de leur doctrine. De ftde, disp. V, sect. iii, n. 8, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 144-145. Dès lors, ce n’est plus qu’à ce titre qu’ils sont invoqués, ou bien comme simples confirmations de la thèse prouvée par l’autorité de l’Église, ou bien dans la polémique avec les incrédules qui ne se rendent pas à la déclaration de l’Église. Cf. Frassen, Disquisitiones biblicæ, . I, c. i ; 1. III, c. iii, Paris, 1682 ; E. Dupin, Prolégomènes sur la Bible, 1. II, c. i ; Juenin, lnstitutiones theologicæ, proleg., diss. IV, c. iii, Paris, 1701 ; Calmet, Dissertation sur l’inspiration des livres sacres, dans Dissertations, Paris, 1720, 1. 1, p. 56-73 ; Chérubin de Saint-Joseph, Summa critiese sacræ, disp. V, a. 6, 7, 1704-, 1. 1, p. 463-516 j.Marchini, De divinilate et canonicitate sac. librorum, part. I, a. 4, dans Migne, Cursus complétas Script, sac, t. iii, col.55sq. ; Chrismann, Régula jidei catholicse, %b, dans Migne, Cursus complétas llico* logiæ, t. vi, col. 907-909.

2° Reconnaissance de l’origine et de l’autorité divine de l’Écriture par l’Église. — L’autorité de l’Église sur l’Écriture s’est exercée, et a été reconnue au cours des siècles, de diverses manières, d’abord implicitement par la possession et l’emploi, notamment dans les offices liturgiques, puis plus ou moins explicitement par la manifestation de plus en plus nette d’une tradition ecclésiastique, et enfin officiellement par des décisions disciplinaires ou dogmatiques.

1. Possession et usage de la Rible dans l’Eglise, surtout pour les lectures liturgiques. — Nous l’avons déjà dit, les chrétiens regardaient les Livres saints comme « leurs livres » , « leur littérature ; » ils s’en servaient comme de leur bien propre, comme étant la propriété de l’Église. Pour exclure les Évangiles apocryphes les Pères disent que l’Eglise n’a que quatre Évangiles. S. [renée, Cont. hær., ni, 11, P. G., t. vii, col. 885 ; Origène, In Luc, homil. i, P. G., t. « Il, col. 1803. Ce sont les seuls qui aient été transmis. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 13, P. G., t. viii, col. 1193. Les aloges prétendaient que les écrits de saint Jean n’étaient pas dignes d’être dans l’Église. S. Épiphane, User., LI, 3, P. G., t. xi.i, col. 892. Quand Origène parle des livres qui ont droit de faire partie de la Bible, il dit qu’ils sont reçus dans l’Eglise ou dans les églises. Epist. ad Africanum, 1, 2, P. G., t. vi, col. 48, 49 ; Cont. Cclsum, v. 54, i-bid., col. 1268 ; InMaltli., t. xiv, 21, P. G., t. XIII, col. 1240. Mais l’usage principal que l’on fait de ces livres dans l’Église de Dieu ou dans les églises est leur lecture publique durant les offices liturgiques. On estime généralement que la coutume de lire l’Écriture dans les réunions communes a passé de la Synagogue à l’Église, Or la lecture officielle d’un livre comme Écriture sainte était dans l’antiquité un critérium de son origine divine et de sa canonicilé. Le canon de Muralori parle d’écrits apocryphes, quoe. in catholicam Ecclesiam recipi non congruit, 1. 66 ; il dit de l’Épitre de saint.Inde et do deux Épitres de saint Jean que in cal/iolira (sous-en1565

CANON DES LIVRES SAINTS

tendu : Ecelesia) habentur, I. 88, 09 : il dit de l’Apocalypse de saint Jean ou de celle de Pierre que quelques Romains ne veulent pas la lire < I église, 1. 72 ; il assure que II’Pasteur d’Hermas, qui est d’origine récente, ne peut pas être lu à I église ni avec les prophètes ni avec les apôtres, 1. 77 sq. Origène, Eusèbe, etc., emploient souvent l’expression 81)|M>vctvca0ai (ou 81)|uûto6at) âv è/./>T/j.V ; pour dire qu’un livre est admis à la lecture publique dans les églises. C’est le terme qui oppose les écrits i publics » aux livres i secrets, cachés » , c’est-èdire aux apocryphes. Voir t. i, col. 1498-1500. Durant les premiers siècles, les Épttres de saint Clément de Home, la Doctrine ds apôtres, l’Épitre de Barnabe, le Pasteur d’Hermas ont été lus publiquement dans un certain nombre d’Églises, qui les tenaient comme œuvres divines et inspirées. Des apocryphes même ont servi aux lectures puhliqucs dans telle Eglise particulière. Ces faits ne prouvent pas que la lecture officielle n’était pas un critérium reconnu de canonicité ; ils montrent seulement que, dans certains milieux ecclésiastiques, on en faisait une fausse application. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du A*. T., p. 81-88. Plus tard, quand le triage des livres canoniques et des apocryphes fut opéré, la lecture publique des Livres saints fut reconnue comme une preuve de leur canonicité. Ainsi saint Augustin, De prasdestinatione sanctorum, 27, P. L., t. xliv, col. 980, défend pour cette raison la canonicité de la Sagesse. Par contre, Théodore de Mopsueste attaque la canonicité du Cantique, parce que ce livre n’est lu publiquement ni chez les juifs ni chez les chrétiens. Mansi, Concil., t. ix, col. 227. Ce critérium de canonicité était reconnu partout : à Édesse, ainsi qu’il résulte de la Doctrine d’Addaï, l’hilipps, 771e doctrine of Addaî, 1876, p. 46 ; en Asie, où le 59e canon du concile de Laodicée interdit la lecture des livres non canoniques, Mansi, t. ii, col. 574 ; cf. Const. apost., il, 57, P. G., t. i, col. 728729 ; en Afrique, où les trois conciles d’Ilippone (393) et de Carthage (397 et 419) ordonnaient de ne rien lire dans les églises, sous le nom d’Ecritures divines, sinon les Écritures canoniques. Mansi, t. iii, col. 921 ; t. iv, col. 430. Il a servi, même au moyen âge, pour aflirmor la canonicité des deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Cf. Amalaire († 837), Liber de origine antiphonarii, li, V.L., X. cv, col. 1310 ; Zona ras, P. G., t. cxxx vu i, col. 121 ; Ilonorius d’Autun, Sacramentarhtm, 100, P. L., t. ct.xxii, col. 801.

2. La tradition ecclésiastique.

Au IIe siècle s’élevèrent des hérésies. Les unes, comme les gnostiques, multipliaient les écrits apocryphes ; les autres, comme celle de Marcion, diminuaient et altéraient le recueil des Ecritures. L’Église leur opposa sa tradition. Saint Sérapion, évoque d’Ântioche, rejette l’Évangile de Pierre, qu’il avait trouvé aux mains de quelques chrétiens, parce qu’il n’a pas été transmis par la tradition. Eusèbe, II. /.’., vi, 12. /’. G., t. xx, col. 545. Tertullien refuse de discuter avec les marcionites le sens des Livres saints, qui ne sont pas leur propriété ; la discussion ne pourrait aboutir. Pour les convaincre, il faut recourir au principe d’autorité qui réside dans l’Église apostolique. Deprœscript., 17-19. 30, /’. /.., t. n. col. 3031, 43. Or, dans les Églises apostoliques, on garde les lettres des apôtres, et l’Église romaine, pour alimenter sa foi, joint la loi et les prophètes aux écrits évangéliques et apostoliques. Ibid., 36, col. 19-50, Tertullien affirme connue un principe certain que l’Évangile, qu’il n dait comme le supplément de l’Ancien Testament, Adv. Herniogenem, 20, P. /… t. ii, col. 216, avait pour auteurs et garants les apôtres eux-mêmes, soit qu’ils aient public’les écrits qu’ils avaient eux-mêmes composés,

soit qu’ils aient approuvé et couvert de leur autorité

ceux de leurs disciples. Adv. Marcion., iv, 2, col 364. Il reconnaît l’Évangile de saint Luc, tel qu’il est

conserve dans l’Église, et non pas tel que l’a altéré

Marcion. Ibid., iv, t. col. : v ;  : > 396. n affirme que lai Églises apostoliques patronnent les autres Évanj qum proinde per Mat um u’(a> habemut. I

iv, 5, col. 366-867. L’Épitre aux Hébreux, qu’il cite comme ouvre de Barnabe, a de l’autorité à se « yeux, parce qu’elle est l’œuvre d un disciple et d’un collal/or. itenr des apôtri De | udù itia, -J", col. 1021. D’ailleurs elle est reçue par un plus grand nombre d Égli Pasteur, qu’il rejette parce qu il lé comme

apocryphe par la plupart des Églises. Ibid., 10 col. 1000, 1021. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 13, I’. G., t. viii, col. 1193, ne connaît que quatre Eangiles, « qui nous ont été transmis, » dit-il, et il plane en dehors de ces quatre récits traditionnels l’Evangile « les Égyptiens. Origène, In Malth., homil. i, /’. G., . un, col. 829, ne connait non plus que quatre Évangiles, transmis par la tradition et reçus dans l’Église uni. er L’hérésie en a davantage, mais l’Église n’a que les quatre qui sont approuvés. In Luc, homil. i. ibid., col. 18021803. La tradition ecclésiastique et apostolique est pour lui la règle de la vérité. Or cette tradition nous enseigne de vive voix que la loi, les prophètes et les Évai sont l’œuvre du Dieu juste et bon. le l’ère de Jésus-Christ et le Dieu des deux Testaments. De princ., i, n. 4, P. G., t. xi, col. 117, 118. Eusèbe se sert de la tradition ecclésiastique pour distinguer trois classes d’Ecritures canoniques. H. E., m. 25 ; v, 8. P. G., t. xx, col. 216, 269, 448. Voir col. 1589. Saint Cyrille de Jérusalem, Gat., iv, 33, 35, ’'*'>. P. G., t. xxxiii, col. 496, 197, revendique pour l’Eglise le soin de fixer le canon : « Apprends soigneusement de l’Église quels sont les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et ne lis rien des apocryphes. » Les livres canoniques sont ceui qu’on lit à l’église, i Ceux qui nous les ont transmis apôtres et les saints évêques, étaient plus sages et plus pieux que toi. » Pourprouvercontre Théodore de Mopsueste que le Cantique des cantiques était un livre biblique, Théodoret en appelle au témoignage des Pères qui l’ont reconnu comme inspiré. Di Gant., præf., P. G., t. î.xxxi, col. 29. Rulin, In symbolum apost., n. 36, P. L., t. xxi. col. 373, donne la liste des livres que, « selon la tradition des ancêtres, on croit inspirés par le Saint-Esprit lui-même et qui ont été transmis aux églises. » Dans le 85’canon apostolique, les apôtres, qui ont la parole, appellent les écrits du Nouveau Testament nos livres » . Mansi, Concil., t. i, col. 77. Mais aucun docteur n’a relevé l’autorité de la tradition et de l’Église relativement aux Ecritures canoniques autant que saint Augustin. « En ce qui concerne les Écritures canoniques, dit-il, Dedoct. christ., n.8. n. 12, P. L., . xxxiv, col. tO41, il faut suivre l’autorité du plus grand noThbre des Eglises catholiques, parmi lesquelles doivent être assurément celles qui ont mérité d’avoir des chaires apostoliques et de recevoir des Épitres. On se conduira donc à l’égard des Ecritures canoniques de façon à préférer celles qui sont reçues de toutes les Églises apostoliques à celles qui ne sont pas reçues de quelques-ui parmi celles qui ne sont pas reçues de toutes, celles que reçoivent les plus nombreuses et les plus importantes à celles que retiennent les Eglises moins nombreuses et de moindre autorité. Si l’on en trouve qui soient gardées par les plus nombreuses et d’autres par les plus importantes, bien que cela ne [misse facilement se rencontrer, je crois qu’il faut leur attribuer une égale autorité, i Mais au-dessus des traditions divergentes des Églises particulières, le saint docteur place l’autorité vivante de l’Église, et s’il croit à l’Évangile,

c’est parce que l’autorité de l’Église Catholique l’y i’mine. Il obéit a l’Eglise catholique qui lui dit : ("rois a l’Évangile. D’ailleurs si on croit a l’Évangile, il faut croire aussiau livre des Actes des Apôtres, car l’autorité Catholique recommande pareillement les deux Écritures

de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cont. eyist. mani

chsei, c.v, P. L., l. xlii, col. 176-177. Voir t. i, col. 2341. Saint Ildepbonse, Annolationes de cognitione baptisrai, c. ijcxvii-lxxix, P. L., t. xcvi, col. 139-140, dresse Ja liste des livres des deux Testaments que la tradition des anciens reconnaît comme inspirés. Les livres Carolins, 1. III, c. i, P. L., t. xcviii, col. 1114, reçoivent les Livres saints dans le nombre que fixe l’autorité de la sainte Église catholique.

Ce principe de l’autorité de la tradition ecclésiastique appliqué depuis le IIe siècle pour former le recueil des écrits inspirés, a toujours été reconnu par l’Église catholique, et M. Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, p. 243, le rappelait aux théologiens protestants et reconnaissait franchement que le recueil scripturaire a été ainsi constitué d’après un principe étranger au protestantisme. Cette tradition n’est pas une simple tradition humaine, mais c’est la tradition catholique vivante, organe infaillible de l’enseignement apostolique. Elle s’applique à l’Écriture entière, et elle n’exige pas essentiellement, pour le Nouveau Testament, l’origine apostolique de tous les livres. L’acceptation d’un livre par l’Eglise lui confère la canonicité ; l’origine apostolique d’un livre ne suffit pas à elle seule à prouver que ce livre est inspiré, et le critère de l’apostolat, imagine -’par Michælis, Introductio in N. T., t. i, p. 116, n’a pas été connu dans l’antiquité, qui a parlé seulement de la garantie donnée aux Livres saints par l’autorité apostolique, base et fondement de la tradition catholique. Cf. A. Catharin, In septem epistolas canonicas prœfalio. Cependant des théologiens catholiques regardent l’apostolicité, c’est-à-dire l’origine ou l’approbation apostolique, comme ayant été dans les premiers siècles le principal critère de la canonicité des écrits du Nouveau Testament. Joiion, Le critérium de l’inspiration pour les livres du N. T., dans les Etudes, janvier 1904, p. 80-91. A partir du montanisme cette apostolicité a été, à tout le moins, un moyen de reconnaître les livres que la tradition ecclésiastique avait admis dès le temps des apôtres et transmis comme divins.

3. Décisions explicites de l’Eglise.

L’Église a exercé son droit de reconnaissance officielle des Écritures en portant des décrets particuliers ou généraux, disciplinaires ou dogmatiques, touchant quelques livres inspirés ou la collection entière. Au témoignage de saint Jérôme, Prsef. in Judith, P. L., t. xxix, col. 39, le concile de Nicée (325) a déclaré le livre de Judith canonique. On en a souvent conclu que ce concile avait dressé un canon complet de l’Écriture ; mais saint Jérôme ne le dit pas et il ne reste aucune trace de ce canon. Ilefele, Hist. des conciles, trad. Delarc, t. ii, p. 130, pense que le concile n’a parlé du livre de Judith qu’en passant, en le citant directement ou indirectement et en approuvant ainsi tacitement sa canonicité. Le II" concile général de Constantinople (553) a anathématisé Théodore de Mopsuoste qui rejetait hors du canon le livre de Job et le Cantique des cantiques. Mansi, Concil., t. ix, col. 223-227. Le IVe concile de Tolède, en 633, excommunie quiconque ne reçoit pas l’Apocalypse, reconnue comme livre divin par l’autorité de plusieurs conciles et les décrets synodaux des pontifes romains. Mansi, t. x, col. 624. En effet, un concile romain sous le pontificat de saint Damase, en 382, avait donné une liste complète des Livres saintfl reçus dans l’Église catholique. A. Thiel, De décrétait Gelasii papæ, 1866, p. 21 ; Labbe, Concil., t. iv, col. 1260. Cette liste a été longtemps connue sons le nom de décret de Grélase, parce qu’elle a été reproduite par ce pape (492-496). E. Preuschen, Analecla, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 147-149 ; Turner, dans70urnai o) theologicals’udies, 1900, t. i, [i. 554-560. Le pape saint Innocent I" l’a encore reproduite en 405 dans sa lettre à Exupére, évéque de Toulouse, n.43, /’. L., t. xx, col. 501. Les conciles d’Ilippone, en 393, et de Carthage, en 397 et 419, ont

dressé un canon analogue. Denzinger, Enchiridion, doc. xix ; Mansi, t. iii, col. 924, 839 ; t" IV, col. 430. Mais ces conciles africains ne prétendaient pas donner d’euxmêmes une décision définitive, puisqu’ils communiquaient au pape Boniface ou aux autres évoques pour le confirmer le canon des livres qu’ils avaient reçus de leurs pères pour les lectures publiques. Voir t. i, col. 2341. En 865, le pape Nicolas I er, dans une lettre aux évêques de la Gaule, s’appuie sur le décret d’Innocent I er concernant les Écritures pour prouver qu’il faut recevoir toutes les décrélales des pontifes romains. P. L., t. exix, col. 902. Le 4 février 1442, Eugène IV promulgua, avec l’approbation des Pères du concile de Elorence, une bulle d’union imposée aux monophysites syriens et éthiopiens. Il y inséra l’ancien canon romain des saintes Écritures ; toutefois son but n’était pas de définir expressément la canonicité des livres cités ; il affirmait seulement « qu’un seul et même Dieu est l’auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament, c’est-à-dire de la loi, des prophètes et de l’Évangile, parce que c’est sous l’inspiration du même Saint-Esprit qu’ont parlé les saints de l’un et l’autre Testament dont elle reçoit et vénère les livres » . Mansi, t. xxxi, col. 1736. Voir t. i, col. 1385. Toutes ces décisions, concernant le canon complet de la Bible, n’avaient qu’une valeur disciplinaire ou ne définissaient pas directement la canonicité des Livres saints. C’est le concile de Trente, sess. IV, qui décida dogmatiquement pour la première fois, le 8 avril 1546, la canonicité de ces livres. Voir col. 1593 sq.

Tels sont les critères de la canonicité qui ont toujours été appliqués ou enseignés dans l’Église catholique dès le IIe siècle. Il faut ajouter que plusieurs théologiens modernes, tout en enseignant que les Livres saints sont distingués des livres profanes par le jugement infaillible et le témoignage officiel de l’Église, ont cependant indiqué un autre critérium de l’inspiration des Livres saints. Ils le trouvent dans le témoignage même de l’auteur inspiré, qui, ayant conscience de son inspiration, aurait attesté que le livre composé par lui était divin. François Sonnius, évêque de Bois-le-Duc, De verbo Dci, c. xi, dans Demonst. religionis christ., 2e édit., Cologne, 1563, p. 11-12, distinguait deux manières différentes dont sont discernées les saintes Ecritures. Les auteurs inspirés qui, d’après lui, recevaient immédiatement de Dieu la révélation des choses qu’ils écrivaient, reconnaissaient la parole de Dieu par une illumination surnaturelle et par le témoignage même de l’Esprit inspirateur. Us n’avaient besoin ni de miracles ni de témoignage extérieur. Quand Dieu révèle sa pensée à un homme, il éclaire son intelligence de façon à lui faire discerner que la révélation donnée est la parole même de Dieu. Les autres hommes, qui tiennent la révélation divine de la bouche des prophètes et des apôtres, ont besoin du magistère de l’Église qui leur atteste quels sont les livres inspirés. Or la conscience que les écrivains sacrés avaient de leur inspiration a été appliquée au discernement divin des Écritures. Voici par quel raisonnement : L’homme inspiré, ayant ainsi par révélation divine connaissance de sa propre inspiration, a pu, par ordre de Dieu, l’affirmer à ses contemporains, ou aux prophètes de l’ancienne loi, aux apôtres de la nouvelle, ou seulement à quelque personne digne de foi. Sa parole seule aurait été un témoignage humain sans autorité divine ; pour obtenir une adhésion de foi divine, il fallait des preuves surnaturelles de la vérité de son affirmation, il les fournissait par des miracles et des signes Certains d’une mission divine. Ce témoignage donné dans les circonstances supposées ou inséré dans l’Écriture deviendrai ! sans doute une parole infaillible de Dieu. Magnier, Etude sur la canonicité des sainte » Écritures, Paris, 1892, p. 121-121. Mais en a-t-il été ainsi ? Non. Les noms de beaucoup d’écrivains inspirés de l’Ancien Testament son ! Ignorés ; il n’est pas certain que les auteurs [569

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es avalent tons conscience de leur inspiration, et on ne oonnalt aucun exemple, en dehors peut-êtri prophètes, d’un écrivain sacré ayant manifesté pur des miracles l’in piration de ses écrits, Quoique ce critérium soit possible et valable, moyennant certaines conditions, il n’a pas été connu ni employé par I et on n’a pas de preuve suffisante de son emploi direct, même chej li i juifs. Fût il vérifié pour quelques livres, il ne pourrait pas l’< tre peur tous. Il reste donc inadéquat, et pour fixer le canon complet ( ! < l’Ecriture, il faudrait, en outre, recourir à l’autorité de l’Église, Beul juge infaillible de la canonicité des Livres suints. F. Schmid, De inspirationis Bibliorum vi et ratione, Brixen, 1885, p. 416-420 ; C. Chauvin, L’inspiration de » divines Écritures, Paris, s. d. (1896), p. 90-99.


III. Canon de l’Ancien Testament.

Il faut l’étudier séparément chez les juifs et chez les chrétiens.

I. CANON JUIF DE L’ANCIEN TESTAMENT.

Le mot canon étant un terme ecclésiastique, employé’seulement au iii « ou ive siècle de notre ère, nV. pas été connu des juifs ; mais l’idée qu’il exprime avait cours dans le monde juif. On y croyait à l’inspiration des livres qu’on appelait « saints » , I Mach., xii, 9, et « divins » . Joséphe, Cont. Apion., i, 8. Les rabbins reconnaissaient l’inspiration des Livres saints, quel que soit d’ailleurs leur sentiment sur sa nature. J. Delitzseh, De inspiratione Scripturse sacrée qtiid staluerint Paires apostolici et apologetæ secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 1-23. Ils avaient une expression équivalente à celle de livres canoniques ; ils disaient que ces livres « souillaient les mains » , c’est-à-dire rendaient impurs ceux qui les touchaient. Ils avaient imaginé cette impureté causée par le contact des Lcritures pour empêcher les profanes de les traiter sans respect. Les écrits non inspirés « ne souillaient pas les mains » . F. Weber, Die Lchren des Talmud, p. 82.

L’histoire du canon ou, pour mieux dire, du recueil des livres de l’Ancien Testament est fort obscure et impossible à écrire, faute de documents. Nous ignorons aussi quels critères servaient chez les juifs à discerner les Livres saints des écrits profanes. On pense généralement que les prophètes reconnaissaient officiellement et infailliblement les ouvrages dont Dieu était l’auteur. C’était le sentiment de Joséphe, loc. cit., et des Pères de l’Eglise. Ces derniers pensaient que le canon juif avait été clos par Esdras, parce qu’après lui il n’y avait plus eu de prophète ayant autorité pour canoniser de nouveaux livres. Les prophètes auraient rempli cette fonction lorsqu’il y avait lieu et ils le faisaient en vertu de leur mission divine. Enfin, les opinions les plus divergentes ont été proposées, chez les anciens et chez les modernes, au sujet de la formation et de la clôture du canon juif.

Esdras a clos le canon de la Bible hébraïque.

Une apocalypse juive, le IVe livre d’Esdras, que les critiques datent du règne de Domitien (81-90) ou de celui de Néron (96-98), raconte, xiv, 21-47, qu’Esdras, avant de mourir, écrivit la loi de Moïse et les livres des prophètes qui avaient été brûlés dans l’incendie du Temple de Jérusalem allumé pur les Babyloniens, et d’autres livres contenant une doctrine secrète. Voir t. i, col. 148$1-$2 S1. Plusieurs Pères ont cru à cette affirmation légendaire. s. [renée, Cont. heer., iii, 21, P. t ;., t. vii, col. 948 ; Tcrtullien, De cultu fœminarum, i, 3, P. L., t. i. col. 1308 ; Clément d’Alexandrie, Strom., i, 22, P. G., t. viii, col. 893 ; S. Basile, Epiât, ad Chelon., P. G., t. xxxii, col. 357 ; Théodoret, In Cant., prsf., P. G., t. i.xxxi, col. 29 ; S. Optât, Dr schitmate donatist., vii, P. /, ., t. xi, col. 1101 ; Priscillien, Liber de fi.de etapocryphis, édit. Schepss, Corput script, eccl. Int., Vienne. 1889, t. xviii, p. 52. Le témoignage du IV « livre d’Esdras esi s.ms valeur historique ; les renseignements qu’il fournit sont ignorés de tous les auteurs juifs. Le Talmud de Jérusalem, traité Taamth. i, 2, trad. Schwab, Paris, t. vi, p. 179 ISO, rapporte au contraire qu’au rede Babylone, les juil ht dans le parvis du Temple de Jérusalem trois rouleaux du Pentateuqoe. L’auteur de la Synopte, attri aint Alliai /’. <>., t. xxviii, col. 232, suppose qu’E’luit un exemplaire dis Livres aints qu’il promu : Bon retour en Palestine. Suint Chrysostome, lu Ueb., homU. viii, P. G., t. i.xiii. col. 71. saint 1’tym.j vi, 3, J’. L., t. i. xxxii, col. 235 ; Bède, lu I /.’m/., ix, /’. /.., t. xci, col. 859, pr.’t. ndent qu’Esdi-as rédigea les Livres saints à l’aide de textes antérieurs, qu’il abri commenta, remit en ordre, compléta ou transcrivit seulement selon que l’exigeaient leur caractère et leui de conservation. Ces suppositions manquent de fondement. Cependant, mémeapn < ; r. oir reconnu leur nature légendaire, beaucoup de critiques ont maintenu qu’Fsdras avait réellement clos le canon de l’Ancien T ment, sous prétexte que la légende a un fond de vérité. Aujourd’hui on n’y attache plus guère d’importance et on suit des voies nouvelles. Cf. Claire, Introduction, Pari-. 1839, t. i, p. 73-92 ; Lamy, Introductio, 5e édit., Malines, 1893, t. i, p. 44-45 ; Ubàldi, Introductio, & édit, Rome, 1882, t. ii, p. 140-166 ; Corncly, Introductio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 12-51.

La Grande Synagogue a clos le canon de la Bible hébraïque.

Les critiques protestants attribuaient la clôture du canon, non pas à Esdras seul, mais à une grande assemblée qu’il présidait et qui se réunit à Jérusalem après le retour de Babylone pour travailler à la restauration de la religion juive. Un des objets de sa sollicitude aurait été la fixation officielle de la collection dis Livres suints. Hottinger, Thésaurus philologicus, I. I. c. il, q. i, 2e édit., Zurich, 1659, p. ill ; J. liuxtorf. Tiberias, 1 1620, p. 93-102. L’existence de cette assemblée repose sur le Pirké abolit (vers 200 après Jésus-Christ), I, 1, Schuhl, Sentences et proverbes du Talmud et du 3/idratch suivis du traite (Taboth, Pari-. 1878, p. -479, sur le liaba Bathra, fol. 14M5", L. Wogue. Histoire de la lltble et de l’exégèse biblique, Paris, 1881. p. 15-20, et sur différents passages du Talmud, entre autres le traité Sanhédrin, X, l, Talmud de Jérusalem, trad. Schwab, Paris, 1889, t. xi, p. 49. Ces textes reproduisent les idées des rabbins du IIe et du IIIe siècle de notre ère sur la composition des Livres suints. Ils attribuent une part dans ce travail à l’activité de la Crande Synagogue, mais ils ne disent pas que cette assemblée ait formé ou clos le canon de la Bible hébraïque. Les rabbins du moyen âge ont imaginé tant de légendes sur la Crande Synagogue, que certains critiques doutent même de l’existence de cette assemblée ou la nient formellement. Cf. J. Cohen, Les pharisiens, Paris, 1877. t. I. p. 12-15, 22-23, 29-32 ; A. Franck, Nouvelles études orientales, édit. Manuel, Paris, 1896, p. 18-22 ; 1. Bloch et F. I Histoire de la littérature juive, Paris. 1901, p. 97-100.

Identité primitive du canon des juifs de Palestine et des juifs d’Alexandrie.

Les critiques modernes pensent généralement que le canon juif n’a pas été clos par Esdras ; selon eux, il s’est formé successivement et a été fermé bien postérieurement ù Esdras. Mais ils n’expliquent pas de la même manière sa formation et n’assignent pas la même date à sa clôture. Les uns distinguent deux canons différents et deux recueils bibliques, celui des juifs d’Alexandrie étant plus développé qm lui des juifs de Palestine. Ces derniers reçurent et recueillirent les Livres suints au fur et à mesure de leur composition. Le Deutéronome fut remis par Moïse aux prêtres, pour le lire au peuple Unis les sept uns. et il fut placé dans l’arche. Deut., XXXI, 9-13, 24-86. On le retrouva dans le Temple sous le règne de Josias. IV Reg., xxii, 8-XZIII, 23 ; Il Pur., xxxiv. 1 1-xxxv. 19. Josué y ajouta un nouvel écrit. Jos.. xxiv, 26. ainsi que Samuel. 1 I X. 25. Le roi Ezéchias lit rassembler des recueil-. ! Psaumes, Il Par., xxix, 30, el de proverbes. Prov., x.

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1. Pendant la captivité, Daniel, ix, 2, parle des livres qu’il avait lus et parmi lesquels se trouvaient les prophéties de Jérémie, Mais ces recueils étaient seulement des collections privées ou liturgiques sans caractère officiel et public. La plupart des Livres saints existaient déjà et étaient acceptés comme inspirés. Ce ne fut qu’après leur retour de Babylone que les juifs eurent des recueils officiels. D’après la tradition dont le fond resterait vrai malgré les embellissements de la légende, Esdras aurait dressé un premier canon des Écritures qui contenait sans doute tous les livres déjà écrits de son temps. Son contemporain, Néhémie, constitua aussi une bibliothèque et y rassembla les ouvrages sur les rois, les prophètes, les psaumes de David et les lettres des rois (de Perse) relatives aux offrandes. II Mach., il, 13. On a interprété ce passage obscur dans le sens d’une collection d’écrits qui comprenait les nebïim ou livres prophétiques de la Bible hébraïque. Les kctûbim ou hagiographies, qui forment la troisième classe de cette Bible, furent recueillis progressivement et finirent par former un troisième recueil qui, placé à côté de la Loi et des prophètes, est mentionné pour la première fois dans la préface grecque de l’Ecclésiastique sous la désignation vague « d’autres livres des Pères » , « du reste des livres. » Ces trois classes de Livres saints sont mentionnées dans le Nouveau Testament sous les noms de la Loi et des prophètes, Matth., vii, 12 ; Luc, xvi, 16 ; Act., xii, 13 ; Rom., iii, 21, ou de la Loi, des prophètes et des psaumes, Luc, xxiv, 44, et aussi par Josèphe avec le détail de leur contenu. Cont. Apion, I, 8. Ces livres étaient, à tout le moins, ceux de la Bible hébraïque.

Mais il en existait d’autres que les juifs de la dispersion, dont le centre principal était à Alexandrie, reconnaissaient comme divins et inspirés et qu’ils lisaient dans leurs synagogues. Ces livres, dits deutérocanoniques, étaient Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch et les deux livres des Machabées. Il faut y joindre des fragments de Daniel et d’Esther qui n’existent qu’en grec. Ils faisaient partie de la Bible, dite des Septante, dont l’origine est antérieure à l’ère chrétienne, et ils y étaient, non en appendice, mais mélangés aux protocanoniques, ainsi qu’en témoignent les plus anciens manuscrits parvenus jusqu’à nous. Le Nouveau Testament a fait des allusions à plusieurs de ces livres. Stier, Die Apocryphen, Vertheidigung ihres allhergebrachten Ansclilusses an die Bibel, Brunswick, 1853, p. 14 ; Bleek, Ueber die Stellung der Apocryphen des A. T. im clmslliclien Kanon, dans Theol. Sludienund Kritiken, lb53, t. xxvi, p. 337-349. L’Eglise chrétienne les a reçus des juifs hellénistes et les a admis dans son recueil biblique. Voir plus loin. D’ailleurs, Josèphe, loc. cit., les mentionne : « Depuis Artaxercès jusqu’à nous, les événements de notre histoire ont bien été consignés par écrit, mais ces derniers livres n’ont pas l’autorité des précédents, parce que la succession des prophètes n’a pas été établie avec certitude. » Josèphe est certainement un témoin de la croyance des juifs de Palestine, ses contemporains. Ils ne reconnaissaient donc comme divins et inspirés que les livres de la Bible hébraïque. Toutefois, pour concilier son témoignage avec l’admission des deutérocanoniques de la part des juifs de la dispersion, plusieurs critiques ont supposé que, de prime abord, tous les juifs, y compris ceux de Palestine, admettaient comme divins les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, mais que plus tard les Palestiniens ont rejeté de leur Bible ces livres qu’ils avaient d’abord reçus. Si les juifs hellénistes ont admis dans leur Bible les deutérocanoniques, ce n’a pu être que sur l’attestation de leurs frères de Palestine. Esther, XI, I ; II Mach., il, 15. Tandis qu’ils les ont conservés et transmis à l’Église chrétienne, leurs coreligionnaires de Palestine les ont rejetés par application de faux critères

de canonicité. Ils n’auraient maintenu au canon que les livres qui étaient rigoureusement conformes à la loi mosaïque, telle qu’ils l’interprétaient, et ceux qui étaient anciens, composés en Palestine ou au moins en langue hébraïque. Cette hypothèse s’appuie sur les discussions qui s’élevèrent au I er siècle de notre ère parmi les juifs de Palestine au sujet des livres canoniques. Quelques scribes discutaient l’inspiration du Cantique et de l’Ecclésiaste ; mais une décision fut prise en faveur de ces livres par l’école de Hillel au synode de Jabné ou Jamnia, vers l’an 90. Mischna, traité Yddayim, m, 5 ; Talmud de Babylone, traité Megliillah, la. Ces discussions tirent sentir aux juifs le besoin d’un canon rigoureusement déterminé, et c’est alors, au commencement du IIe siècle, que les rabbins tixèrent le canon actuel de la Bible hébraïque, comprenant vingt-quatre livres. S’ils éliminèrent les livres deutérocanoniques, reconnus antérieurement comme inspirés, ce fut en opposition à la tradition et par application des rigoureuses règles de canonicité indiquées plus haut. Cf. Movers, Loci quidam hist. canonis V. T. ilhistrati, Brestau, 1842, p. 21 sq. ; J. Danko, De sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 13-20 ; Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 19-24 ; Vigouroux, Manuel biblique, IIe édit., Paris, 1901, t. I, p. 84-94 ; Dictionnaire de la Bible, t. il, col. 141-143 ; Magnier, Élude sur la canonicité des saintes Écritures, Paris, 1892, p. 171-193 ; Pôrtner, Die Autoritàt der deuterocanonisclien Bûcher des A. T. nachgewicsen aus den Auschauungen des palûstinischen und hellenistichen Judenlhvms, Munster, 1893 ; P. van Kasteren, Le canon juif vers le commencement de notre ère, dans la Bévue biblique, 1896, t. v, p. 408415, 575-594 ; C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, Paris, s. d. (1898), p. 83-107.

4e Diversité du canon palestinien et du canon alexandrin. — Mais d’autres critiques, catholiques ou protestants, soutiennent que les juifs de la Palestine n’ont jamais reconnu de livres inspirés en dehors de ceux de la Bible hébraïque, et que les juifs d’Alexandrie, en admettant l’inspiration des deutérocanoniques, se sont séparés en ce point de leurs coreligionnaires palestiniens. Tous les témoignages, cités précédemment, ne sont favorables qu’aux livres de la Bible hébraïque. Jamais les deutérocanoniques n’ont fait partie du recueil palestinien ; Josèphe en fait foi. Sans doute, ils avaient cours dans le monde juif ; la tradition rabbiniquene les place pas au nombre des Livres saints ; elle ne les condamne pas non plus ; elle tient à leur égard la même attitude que Josèphe. Les rabbins les citent, mais pas connue Ecriture, ou si quelques-uns le font, ce n’est qu’une opinion particulière. Saint Jérôme n’a connu qu’un seul canon juif, celui de Palestine. Si Origène, In Ps. I, P. G., t. XII, col. 1084, assure que de son temps les juifs joignaient Baruch à Jérémie, el si les Constitutions apostoliques, v, 20, P. G., 1. 1, col. 896, témoignent qu’au IVe siècle on lisait ce livre dans les synagogues, saint Jérôme, In Jeremiam, prref., P. L., t. xxiv, col. 680, affirme catégoriquement que Baruch apud Hebrœos nec legiturnechabetur.Cf.K. Épiphane, Depond.el mens., 5, P. G., t. xi.iii, col. 245. Toutefois, il pourrait se faire que la pratique des synagogues n’ait pas été uniforme. Celles de la dispersion se servaient de Baruch comme d’un livre inspiré’, tandis que celles de Palestine continuaient à le laisser de côté. Le I*. Cornely, Introductio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 57-65, admet l’existence d’un canon alexandrin, plus (’tendu et pins complet que le canon palestinien. M. Loisy, Histoire du canon de VA. T., Paris, 1890, p. 60-67, nie --cm existence, au moins comme canon déterminé et rlos officiellement M. Chauvin, op. cit., p. 102-187, partage ce sentiment et conclut que si, en fail, le caractère sacre de tous les livres de la Bible était reconnu par les juifs de Pales

tino aussi Mon que par ceux d’Alexandrie, leur canonicité a’étail décidée, en droit, ni pour les uns ni pour les autres. Les juifs alexandrins inséraient ces livres au recueil biblique, bien qu’il n’y ait pas en de déclaration officielle de leur origine divine ; l’usage pratique indiquait seul leur croyance à l’inspiration de ces écrits.

Toutefois d’accord au sujet de la distinction constante des deux canons palestinien et alexandrin, ces critiques diffèrent de sentiment touchant l’histoire de la formation et la date « le* la clôture de ces canons. Le P. Cornely maintient à Esdras la formation du canon palestinien et avoue ignorer de quel droit et par quelle autorité les juifs d’Alexandrie ont placé au canon les deutérocanoniques. L’acceptation de leur Bible par l’Kglise justifie seule leur conduite. Op. cit., p. 64. M. Loisy, op. cit., p. 32-55, admet le développement progressif de la collection canonique des juifs. Le Pentateuque, regardé comme divin dès sa composition, a été officiellement et définitivement déclaré canonique par Esdras, II Esd., viii, 1-18, et a été reçu seul à ce titre par les Samaritains. Le recueil des prophètes de la Bihle hébraïque existait vers la fin de la captivité ou peu après le retour des juifs en Palestine. Celui des hagiographes se forma plus tard ; ces livres furent groupés successivement, par le soin des lettrés ou scribes, dans la période comprise entre Néhémie et les premiers Asmonéens. II Mach., il, 13-15. Le canon palestinien fut clos par l’usage et demeura fermé par tradition d’école. Les juifs hellénistes, à tendances moins étroites, tenaient les deutérocanoniques pour inspirés, et les apôtres ont transmis leur Bible à l’Église chrétienne. — Les partisans de la critique documentaire du Pentateuque proposent des conclusions différentes. Pour eux aussi, le canon juif comprend trois couches successives, formées du Pentateuque, des prophètes et des hagiographes. Le Pentateuque a toujours élé pour les juifs le livre canonique par excellence ; mais comme il n’est pas l’œuvre de Moïse, il n’a pu être tenu pour divin dès la constitution d’Israël comme peuple. On ignore quand et comment les plus anciens documents, qui sont entrés dans sa composition, le code de l’alliance, Exod., xxi-xxiii, les deux documents élohiste et jéhoviste, ont été réputés révélés et d’origine divine. On est mieux renseigné sur le Deutéronome qui, découvert dans le Temple la 18e année du règne de Josias (622), fut proclamé comme législation divine. IV Reg., xxii, 8-xxin, 23 ; II Par., xxxiv, 14-xxxv, 19. En 458, le scribe Esdras revint de Babylone à Jérusalem avec la loi de Dieu. I Esd., vii, 14, 15. En 444, il réunit le peuple pour lui lire cette loi. II Esd., viii, 1-18. Or, d’après la plupart des critiques, cette loi solennellement promulguée par Esdras était le Pentateuque actuel, qui fut ainsi officiellement publié comme la règle de la foi des Israélites. Les critiques de l’école grafienne prétendent que la loi promulguée par Esdras n’était que le « code sacerdotal » ; ils reconnaissent cependant que le Pentateuque était constitué dans son étal actuel et considéré comme divin à la fin du IV siècle ou au commencement du III e avant nuire ère. La collection des prophètes s’est formée peu à peu. Néhémie, Il Mach., Il, 13, a peut-être pris part à sa formation. Etant donnée la date des derniers écrits qui y sont entrés, cette collection n’a pu être clo^e antérieurement à 350 ou 300 avant Jésus-Christ. L’Ecclésiastique, composé vers l’an 180 avant noire ère, vise tous les livres prophétiques de la Bible hébraïque, depuis Josué jusqu’aux douze petits prophètes, xi.vi, 1-xi.ix. 12. Le recueil (’lait donc formé. Le prologue de ce livre |ers 130) mentionne par trois fois les prophètes comme second groupe de la Bible hébraïque. Le livre de Daniel, qui dans cette Bible est au nombre des hagiographes et dont la rédaction est rapportée par les

critiques à l’an 105 environ, range Jércmie parmi les

livres, sans doute canoniques, qu’il connaissait, n

Le recueil prophétique, formé entre -M) et 200, avait

une valeur canonique vers l’an 200. Le tru ;

cueil est mentionné dans le prologue de i

tique. Comment s’est-il formé ? Néhémie, Il Mach., ii, 13,

si le renseignement est historique, a-t-il recueilli

Psaumes de David ou des documents cône, ruant David ? Judas Machabée réunit des livres, di ; >r la

guerre d’Antiochus. II Mach., ii, 14. Ce r< nseignement, auquel les critiques accordent plus de valeur qu’au précédent, nous apprendrait à quelle époque le troi recueil de la Bible hébraïque aurait commencé- ; ce serait après la destruction des copies de la lui mosaïque ordonnée en 108 par Antiochus, dune entre 161 et 135. Le Psaume lxxviii, 1-3, est cité comme Écriture. 1 Mach., vii, 16, 17. Les discussions des rabbins au ie siècle de notre ère prouveraient que le canon hébreu n’était pas définitivement clos et qu’il ne le fut qu’au synode de Jamnia en 90. Il l’était du temps de Josèphe, Cunt. Apion., viii, 1. De Wette-Schrader. Einleitung, 8’ « ’dit., 1869, § 14-16 ; Davidson, Introduction totlæ Old Test., Londres, 1803, t. iii, p. 205 sq. ; Bleek-Wellhausen, Einleitung, 4e édit., 1878, § 270 ; Reu. hte

der heiligen Schriften A. T., 1881, p. 71 i ; Wildeboer, Die Enstelnotg des alllestamentlichen Kanons, 1891 ; Buhl, Kanon und Text des Allen Testaments ; Mullan, The canon of the Old Testament, lc93 ; Rle, The canon of Old Testament, Londres, 1892 ; Cornill, Einleitung, 3e et 4e édit.. Fribourg-en-Brisp-iu et Leipzig, 1896, p. 303-311 ; Driver, Einleitung, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. xiii-xxiii ; X. Kœnig, Essai sur la formation du canon de l’A. T., Paris, 1894.

II. CANON CHRÉTIEN bEL’.S(IES TE<TAMESr. — L’histoire du canon chrétien de l’Ancien Testament se partage en trois périodes : 1° celle de la paisible possession jusqu’à la fin du m’siècle ; 2° celle d’hésitation et de doutes relativement aux deutérocanoniques depuis le ive siècle jusqu’au concile de Trente (1546) ; 3° celle d’affirmation authentique inaugurée au concile de Trente. Nous ne traiterons que des deux premières périodes, et encore nous bornerons-nous à exposer brièvement les conclusions des historiens du canon.

l’e période, paisible possession jusqu’à la fin du m° siècle. — Nous avons déjà dit que.lésus et ses apôtres ont donné à l’Église la Bible hellénique, non sans doute par un décret officiel, mais par l’usage qu’ils en ont fait. Les Pères apostoliques sont des témoins que l’emploi de cette Bible a persévéré dans l’Église. Us ont, en effet, donné, à l’occasion, un petit « ombre, il est vrai, mais un nombre suffisant toutefois, de citations des livres deutérocanoniques aussi bien que des protocanoniques. La Didachè, i, 2 ; x, 3, cite Éccli., vii, 30 ; xvin, 1 ; xxiv, 8 ; Sap., i, 14 ; v, 2 ; n. 10, 19 ; xv, 11. l’unk, Patres apostolici, Tubingue, 1901. t. i, p. 2, li, 22. Barnabe, vi. 7 : x. 2, eile Sap., n. 12 ; v. 12. Funk, p. 54, 94. Saint Clément de Rome. 1 Cor., iv, 4, 5 ; lix. 3. 4, analyse Judith, vin sq. ; ix. II. l’unk, p. 168, 171. 170 ; / Cor., i.v. 0. Esther, iv, 10 ; vu. 8. p. 168 ; I Cor., ni. 1 ; vii, 5 ; XXVII, 5. allusions à Sap., ii, 24 ; xii, 10 ; xi, 22 ; xii, 12. p. 102, 108, 134 ; 2 Cor., n.v.3 ; ’lx, I ; Eccli.. xvi, 18, 19 ; ii, ll, p. 170. 178. La II Cor., xii, 4, cite Tobie, xii. 9, p. 281. Saint Ignace, .4 » / Eyih., xv, 1, (ait allusion à Judith, xvi. I i. p. 224. S.iint Polycarpe, riul., x. 2. cite Tobie. IV, 10 ; XII, 9, p. 308. I I Pasteur dllermas, Mand., v. 2. 3 ; Vis., l. I. 0. cite Tobie, iv, 19 ; v. 17. p. 482, 116 ; Mand., 1, 1. Sap., i. II. p. Vis., m. 7, ;  !. iv. 3. i. Eccli., xviii, 30 ; ii, .">. p. tW,

tfancf., . I. 6 ; 3, 1. Eccli., u. 3 ; xxvi, i. p. 502 ; Sun… ;  ;. 8 ;."<. 2 ; 7. i ; vu. i. Eccli., xxxii, ’.' ; xvili, I ; xi.ii, 17, |’J, 512, 551. Saint Justin,

l. 1. 16, P. <>'. t. vi. col. o’.<7. s’inspire d’un fragment grec de Daniel, m. Il croit à l’inspiration de la er.-ion îles Septante. Coh. ad G rocos, 13, i’. Gr M t. vi.

1575

CANON DES LIVRES SAINTS

1576 col. 205. Le canon de Muratori mentionne la Sagesse comme un livre canonique, quoiqu’il ne soit pas de Salomon. Saint Irénée, Cont. hser., v, 35, n. 1, P. G., t. vii, col. 1219, cite Barucli, iv, 36 ; v, 9, sous le nom de Jérémie ; iv, 38, n. 3, col. 1108, Sap., vi, 20 ; iv, 26, n.l, col. 1053, Dan., xiii, 56 ; v, 5, n. 2, col. 1 135, Dan., xiv, 3, 4, 24. Clément d’Alexandrie, Strom., I, 21, P. G., t. viii, col. 852, mentionne I Mach., Bel et le dragon, Tobie, iv, 19, col. 1328 sq., il analyse des fragments d’Esther et de Judith ; il, 23, col. 1089, il cite Tob., iv, 16 ; ii, 7, col. 969, Judith, vin, 27 ; vi, 11, t. ix, col. 313, des passages de la Sagesse ; v, 14, P. G., t. ix, col. 145, Il Mach., i, 10. L’Ecclésiastique est citée presque à chaque page du Pédagogue, 1. IL Baruch, ni, 16, 19, est rapporté. Psed., II, 3, P. G., t. viii, col. 436. Origène défend les fragments de Daniel, Tobie et Judith contre les objections de Jules Africain. Epist. ad A fric, 3, 13, P. G., t. xi, col. 53, 80. Il cite comme Écriture tous les deutérocanoniques : Judith, Lib. de orat., 13, 29, P. G., t. xi, col. 452, 532 ; Tobie, ibid., 11, 14, 31, col. 448, 461, 553 ; Esther, xiii, 8 ; xiv, 3, ibid., k, col. 461 ; Susanne, In Lev., homil. i, P. G., t. xii, col. 405 ; Eccli., viii, 6, In 1er., homil. xvi, n. 6, P. G., t. xiii, col. 448 ; Sap., vii, 25, 26, Cont. Celsum, m, 72, P. G., t. xi, col. 1018 ; I Mach., ii, 24, In epist. ad Rom., viii, P. G., t. xiv, col. 1158 ; II Mach., Exhort. ad martyr., 22-27, P. G., t. xi, col. 589. Cependant, In Ps. I, P. G., t. xii, col. 1084, Origène, dressant un catalogue des livres de l’Ancien Testament, n’énumère que ceux de la Bible hébraïque. Saint Denys d’Alexandrie cite Tobie, l’Ecclésiastique, la Sagesse et Baruch. De natura, P. G., t. x, col. 10, 1257, 1268 ; Cont. Paulum Samot., 6, 9, 10, édit. Simon de Magistris, Borne, 1796, p. 245, 266, 274 ; Epist., x, ibid., p. 169. En Afrique, Tertullien cite tous les deutérocanoniques. sauf Tobie et les fragments d’Esther : I Mach., Adv. judseos, 4, P. L., t. ii, col. 606 ; Sap., i, 1, Adv. Valentin. , 2, ibid., col. 544 ; Eccli., xv, 18, Adv. Marcion., i, 16, ibid., col. 265 ; Baruch, vi, 3-5, Scorpiac., 8, ibid., col. 137 ; Susanne, De corona, 4, ibid., col. 81 ; Bel et le dragon, De idolol., 18, P. L., t. i, col. 688 ; Judith, De monogamia, 17, P. L., t. ii, col. 952 ; Adv. Marcion. , i, 7, ibid., col. 253. Saint Cyprien fait de même, sauf pour Judith. On a relevé dans ses œuvres vingt-deux citations de la Sagesse et trente-deux de l’Ecclésiatique, deux de Baruch, trois de Susanne, sept de Tobie, quatre de I Mach. et sept de II Mach. Saint Hippoly te a commenté l’histoire de Susanne, P. G., t. x, col. 689-697 ; il cite Sap., ii, 12, Demonst. adv. Jud., ibid., col. 793 ; Baruch, iii, 36-38, Cont. Noetum, 2, 5, ibid., col. 805, 809 ; I Mach., il, 33, Frag. in Dan., 32, ! />(</., col. 661 ; I Mach., i, 58 ; II Mach., vi, 7, De Christo et Anlichristo, ibid., col. 769. Saint Méthode de Tyr cite comme Écriture Baruch, Susanne, Judith, l’Ecclésiastique et la Sagesse, Serm.de S. Deipara, ! ’. G., t. xviii, col. 143 ; Conviv. decem virg., passim, ibid., col. 44, 52, 57, 93, 104, 120, 124, 144 ; Conviv. orat., 11, 2, ibid., col. 212. Saint Grégoire le Thaumaturge cite Baruch. De fid. capit., 12, P. G., l. x, col. 1133. Archélaus, Disp. cum Manete, 29, P. G., t. x, col. 1474, cite la Sagesse. Le canon biblique du Codex Claromontanus, que l’on rapporte au IIIe siècle, contient tous les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. E. Preuschen, Analecta, p. 142143. La vieille version latine les contenait aussi. Cassiodorc, lus/, div. litt., 14, P. L., t. i.xx, col. 1125. Ces livres étaient donc reçus dans toutes lis Églises.

Cependant quelques écrivains ecclésiastiques de cette époque citent des apocryphes de l’Ancien Testament. Ainsi l’Épltre de Barnabe, iv, 3 ; xvi, 5, Funk, Patres aposlolici, t. i, p. 46, 86, cite Ilénoch comme prophète ou comme Écriture ; et XII, 1, p. 74, IV Esd., iv, 33 ; V, 5. Le Pasteur, Vis., ii, 3, 4, p. 428, cite le livre inconnu Eldad et Modal. Saint Justin, Dial. cum. Tryph., 120, P. G., t. vi, col. 756, fait allusion à l’Ascension

d’Isaïe. Tertullien, De cidtu fem., I. 3, P. L., t. i, col. 1307, tout en pensant lui-même que le livre d’Hénoch était prophétique, reconnaît que ni les juifs ni les chrétiens ne le recevaient au canon. Clément d’Alexandrie, Eclog. ex Script., 2, 53, P. G., t. ix, col. 700, 723, se sert des prophéties d’Hénoch, et cite IV Esd., v, 35, sous le nom d’Esdras le prophète. Strom., iv, 16, P. G., t. viii, col. 1200. Origène, In Joa., ii, 25, P. G., t. Xiv, col. 168-169, parle de ces livres comme d’écrits qui ne sont pas admis de tout le monde. Ils n’ont donc jamais été reçus universellement dans les églises ni lus publiquement dans les offices liturgiques et ils ont ainsi à juste titre été exclus du canon biblique. Si quelques particuliers les ont crus inspirés, c’est par une fausse application du critérium de la canonicité, fondé sur la prophétie. Ces écrits, se présentant comme livres prophétiques, ont pu être confondus un moment et par quelques-uns avec les livres inspirés. Ils n’ont pas eu en leur faveur l’usage public et constant des Églises, véritable indice de la canonicité.

2e période, hésitation et doutes relativement aux deutérocanoniques du IV au xvie siècle. — 1° Le début de cette période, qui correspond à l’époque la plus florissante de la littérature patristique et qui comprend le ive siècle et la première moitié du Ve, est d’une importance capitale dans l’histoire du canon de l’Ancien Testament. Tandis que la tradition chrétienne est très explicite en faveur du canon complet de l’Ancien Testament, ainsi qu’il résulte de l’usage liturgique, des monuments archéologiques, voir t. i, col. 2005, des témoignages des Pères, des manuscrits grecs, des versions et des décisions officielles de l’Église, il s’élève, en Orient d’abord, en Occident ensuite, des doutes sérieux relativement aux deutérocanoniques. C’est saint Athanase qui, le premier, dans sa xxxix* lettre festale (de 367), dresse un canon biblique, dans lequel il distingue nettement deux catégories de livres sacrés. En effet, en outre des apocryphes, œuvres des hérétiques, il admet les vingt-deux livres canoniques de l’Ancien Testament, qu’il appelle les sources du salut, en rattachant Baruch à Jérémie, puis des livres non canoniques, mais que les Pères ont désignés comme lecture aux néophytes qui veulent s’instruire dans la doctrine de piété. Ces derniers sont la Sagesse, l’Ecclésiastique, Esther, Judith, Tobie, la Doctrine des apôtres et le Pasteur. P. G., t. xxvi. col. 1176. La désignation des Pères, dont parle saint Athanase, est vraisemblablement celle qui résulte de la pratique de l’Église d’Alexandrie qui, au rapport d’Origène, In Num., homil. xxvii, 1, P. G., t. XII, col. 780, faisait lire aux catéchumènes Esther, Judith, Tobie et la Sagesse, parce qu’ils sont clairs et édifiants. D’autre part, saint Athanase cite la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie et Judith comme Ecriture. Orat. cont. gentes, 9, 11, 17, 44, P. G., t. xxv, col. 20, 24, 25, 36, 88 ; Orat. cont. arian., ii, 4, 35, 79, P. G., t. xxvi, col. 721 ; Apol. cont. arian., 11, 66, P. G., t. xxv, col. 268, 365 ; Epist. ad episc. Aigypti, 3, iliiil., col. 544 ; Fragment, in Cant., P. G., t. XXVII, col. 1352. Cf. Zahn, Athanasius und der Bibelkanon, Leipzig, 1901. Saint Cyrille de Jérusalem ne permet la lecture que des 22 livres canoniques de l’Ancien Testament, les seuls qui soient lus à l’église. Cat., IV, 33, 35, 36, P. G., t. xxxiii, col. 496 sq. Cependant il cite la Sagesse et l’Ecclésiastique. Cat., ix, 2 ; XII, 5, col. 640, 7 : i-2 ; vi, 4 ; xi, col. 544, 716 ; Cat. myst., 5, 17, col. 1121. Saint Grégoire de Na/.ianze et saint Amphiloque, Ciinn., i, 12 ; Iambi ad Seleucum, P. G., t. XXXVII, col. 472, 1593, ne nomment que les 22 livres de la Bible hébraïque. Saint Grégoire cite toutefois la Sagesse et l’Ecclésiastique. Orat., ii, 50 ; IV, Pi ; vu. I ; XXVIII, 2 ; XXXI, 29, P. G., t. XXXV, col. 459, 541, 737 ; t. XXXVI, col. 33, 36. 93, 165. Saint Kpiphane parle quatre fois du canon de l’Ancien Testament et il se borne au ^.mon

jnif. Deponi.et mena., 4, 22, 23, P. Gr., t.xun, col. 244, 277 ; £far., vw, 6 ; lxxvi.5, P.C., t.XLi, col. 143 ; t. mu. col. 580. Il en exclut irais fois la Sa| i, [ue, qu’il semble an quatrième passage ranger parmi les Écritures divines et qu’il cite ailleurs comme Ecriture et parole prophétique, H&r., xxiv, 6, 16 ;.xxxiii. 8 ; xxxvii 9 ; i.xxYii. 4, P. < :., t.xi.i, col. 316, 357, 569, 653 ; t. xiii.’col. l77 ; Ancorot., 2, P.G., t. sxiii, col. 20. Saint Basile, Liber de Spiritu Sonclo, viii, 19, P. G., t. xxxii, col 101, cite Judith, ix, 4. Au témoignage de saint Jérôme, Prsef. in Judith, P. L., t. xxix, col. 39, le concile de Nicée mit ce livre au nombre des Ecritures sacrées. Le 00" canon du concile de Laodicée, Uansi, Concil., t. il, col. 574, et le 85* canon des apôlres, P, G., t. cxxxvii, col. 211, ne mentionnent que les livres de la Bible hébraïque. Lus écrivains de l’école d’Antioche sont favorables aux deutérocanoniques. Théodoret cite l’histoire de Susanne, en l’attribuant à Daniel, In Cant., P. G., t. lxxxi, col. 32, quoiqu’il l’omette ainsi que les autres fragments contestés dans son commentaire sur ce prophète. Ibid., col. -1265, 1541. Il cite aussi les trois premiers livres des Machabées. Ibid., col. 1513, 1517, 1521, 1528. Saint Chrysostome, In Eph., P. G., t. lxii, col. 20, 35, cite Eccli., xiii, 19 ; v, 9 ; In Mattli., homil. H, P. G., t. lvii, col. 26, Baruch, iii, 19 ; In Dan., P. G., t. lvi, col. 194, 244-246, Sap., xiii, 5, et Bel et le dragon. Aphraate cite les Machabées, Tobie, l’Ecclésiastique et peut-être la Sagesse. Dent., v, 15 ; xiii, 5 ; xiv, 45, Patrotogia syriaca de Mo r Graftin, Paris, 1894, t. i, col. 213, 214, 549, 713. Saint Éphrem cite Baruch, les Machabées, Judith, et les fragments de Daniel, Opéra syro-latina, t. ii, p. 212, 213, 218, 231, 293 ; t. iii, p. 47 ; la Sagesse et l’Ecclésiastique. Opéra grxca, passim.

En Occident, les doutes sur les deutérocanoniques ne se rencontrent que chez les écrivains qui ont été en relation avec l’Orient. Saint Hilaire de Poitiers, In Psalmos, prol., 15, P. L., t. ix, col. 211, ne connaît dans l’Ancien Testament que 22 livres, en joignant a Jeremie la « Lettre » , Baruch, VI ; mais il ajoute que quelques-uns, pour avoir 24 livres, nomment en outre Tobie et Judith. Néanmoins, il cite comme inspirés tous les deutérocanoniques : Judith, In Ps. cx.xv, 0, P. L., t. ix, col. 688 ; Tobie, In Ps. cxviii, 6 ; cxxtx, 7, col. 513, 722 ; la Sagesse, In Ps. cxxvii, 9 ; Cirai, 8 ; cxxxv, 11, col. 708, 514, 775 ; De Trin., i, 7, P. L., t. x, col. 30 ; l’Ecclésiastique, In Ps. lxvi, 9 ; cxl, 5, P. L., t. ix, col. 441, 826 ; Baruch, In Ps. LXTIII, 19, P. L., t ix, col. 482 ; De Trin., iv, 42, P. L., t. x, col. 127 ; Susanne, De rrin., iv, 8, 9, col.l01 ; IIMach., JnP « .cxiv, 4 P. L., t. ix, col. 686. Lucifer de Cagliari, Pro Allianasio, l>. L., t. xiii, col. 858, 860, 862, cite le livre de la Sagesse comme œuvre inspirée de Salomon. Ru fin, In s’/mb. apost., 36-38, P. L., t. xxi, col. 373-375, parmi les livres canonici de l’Ancien Testament, ne range que les 22 livres du canon juif ; mais il appelle eccleskutici la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie, Judith et les deux livres des Machabées, que les anciens, dit-il, « ont prescrit de lire dans les églises, mais qu’ils n’ont pas voulu alléguer pour confirmer l’autorité de la foi. t Quant aux apocryphes, ils ne sont pas lus dans les églises. Il semble qu’il se réfère à saint Athanase, tout en expliquant à sa façon la distinction introduite par ce Père entre les livres de l’Ancien Testament. D’autre part, Rulin défendit contre saint Jérôme les fragments de Daniel et d’Esther, Apol., II, 33, ibid., col. 612. Il cite Baruch, la Sagesse et l’Ecclésiastique, même pour confirmer la foi. In symb, apost., 5, 46, col. 344, 385 ; De benedict. patriarch., ibid., col. 326, 332, 333. Saint Jérôme a été plus catégoriquement opposé aux deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Dansson Prologus galeatus, écrit vers 391, /’L., t. xxvin. col. 1242-1243, il dit formellement qu’Us ne sent pas au canon et que tout « ce qui ne su trouve pas dans l’hébreu doit être

placé parmi les apocryphes. Il ne les nomme pas dans

lOgue « le son Epitt., LUI, "il l’a, ihn., 8, V. L.,

t. xxii. col. 545. Dans sa Prte in /’i P. L.,

t. xxviii. col. 1403, il rejette encore tous les livres autres

que les 21 liwes du canon hébraïq par

de l’Apocalypse. En 398, il affirme q quoique l’Église les fasse lue. nier canonicat

s, n/, tin-as non recipit, e elle les lit ad édification pleins, non ad auctoritatem < pu*

tum confirniandam. Il r « ndant à la vei

des Septante, car en faisant une traduction nouvelle, il n’a pas voulu détruire l’ancienne. Prsef. » t lib, S moni » , /’. L., t. xxvil, col. 404. Il estime peu les fragments deutérocanoniques et les gloses latined’Es Prsef. in Estlier, P. L., t. xxviii, col. 1433 sq., et les parties grecques de Daniel. In Dan., prol., P. /.., t. xxv, col. 492-493, cf. col. 509, 580. Il ne reconnaît à niers aucune autorité scripturaire. Prsef. in Dan. I’. L., t. xxviii, col. 1291. Dans sa lettre à Léta, écrite en 403, en interdisant la lecture des apocryphes, il semble bien. viser encore les deutérocanoniques. Epist., CVII, 12, P. L., t. xxii, col. 877. Il cite Tobie, < bien qu il ne soit pas dans le canon, mais parce qu’il est employé par les auteurs ecclésiastiques, » In Jon., P. L., t. xxv, col. 1119 ; Judith, « si toutefois quelqu’un veut n voir le livre de cette femme, » In Agg., ibid., col. LJ’.li ; la Sagesse, avec la même restriction. In Zaclt., ibid., col. 1465, 1513 ; Dial. adv. pelag., i, 33, P. L-, t. xxiii, col. 527. Si parfois il paraît plus favorable à ces deux livres, c’est pour faire plaisir à deux évéques occe taux. Præf. in lib. Tob., P. L., t. xxix, col. 2 Prsef. in Judith, ibid., col. 37-40. Il refuse de commenter Baruch et la lettre « pseudépigraphe de Jérémie. lu Jer., prol., P. L., t. xxiv. col. 680. Néanmoins, il cite souvent tous ces livres, et une fois même il range Esther et Judith avec Ruth parmi les volumes « sacrés » . Epist., lxv, ad Princip., 1, P. L., t. xxii. col. Oii. Il le fait, parce que les deutérocanoniques étaient généralement tenus pour Écriture. Il allègue le témoignage de quelques-uns contre les pélagiens. Cont. pelagian., i. 33, II, 11, 30, P. L., t. xxiii, col. 527. 546, 568. Le saint docteur semble bien défavorable aux deutéroca » oniques sans être toutefois leur adversaire déclaré ; il n’admet pour son compte personnel que le canon de la liible hébraïque ; mais il est manifestement en contradiction avec la tradition ecclésiastique et l’usage de l’Eglise, Rulin, Apol., ii, 33, P. L., t. xxi, col. 612, le lui reprocha vivement au sujet des fragments de Daniel, et pour s’excuser, saint Jérôme avoua que sur ce point il n’avait pas exprimé son propre sentiment, mais exposé ce que disaient les juifs. -4/.oI. cont. Ru/m., II, 33, /’. L., t. xxiii, col. 455. Nous pouvons donc conclure qu’en s’écartant du courant traditionnel, il avait subi l’influence du milieu juif dans lequel il avait longtemps vécu. Cf. dom L. Sanders, Études sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 1903, p. 196-217 ; Gaucher. Saint Jérôme et l’inspiration dos livres deutérocanoniques, dans la Science catholique, mars, mai et juillet 1904, p. 334-359, 539-555, 703-72<i.

Mais tandis que les docteurs de l’Orient et ceux de l’Occident, qui avaient eu des relations avec l’Orient. hésitaient en face des deutérocanoniques de l’Ancien Testament, la tradition occidentale les plaçait résolument au même rang que les protocanoniques. Voir S. Amb roise. De Tol>ia, c. I, n. 1 ; c. II, n. 6, I t. xiv. col. 759, 761 ; />< virginibus, 1. 1. c. vu. n /’. /, .. t. xvi, col. 199 ; S. Augustin, De doct. christ., ii, 8, 13. /’. /- t. xxxiv. col. il : conciles d’Hippone (393) et de Carthage (397 et 419 déjà cités ; catalogue édil Hommsen et rapporté par lui à l’Église d’Afrique et à l’an 359, E. Preuschen, Analecta, p. 138-139 ; décret de Gélase, attribué à Damase, op. cit., p. 147-148 ; lettre d’Innocent 1e’à Exupère du Toulouse, Mansi, ConciL,

t. ii, col. 1010-1041. Le canon complet de l’Ancien Testament est ainsi constitué, ù l’exclusion des apocryphes, dans les Églises d’Afrique et d’Italie. Seuls, quelques docteurs occidentaux partagent les doutes de l’Orient au sujet des deutérocanoniques. Ces doutes eux-mêmes ont été provoqués, en partie du moins, par la nécessité de la polémique avec les juifs ; ceux-ci, qui n’acceptaient pas les deutérocanoniques, ne pouvaient être convaincus par des arguments tirés de ces livres. Des hésitations ont pu se produire dans l’esprit des docteurs catholiques et même dans la pratique des Églises particulières, parce qu’aucune décision officielle touchant la canonicité des écrits de l’Ancien Testament n’était encore intervenue et parce que la tradition pratique des Églises n’avait pas été jusqu’alors uniforme. A Alexandrie notamment les deutérocanoniques servaient à l’instruction des catéchumènes. On en vint à douter de leur inspiration et de leur canonicité et à ne plus les regarder que comme des livres utiles et édifiants. Rutin et saint Jérôme exagérèrent cette distinction, et le dernier ne citait les deutérocanoniques que pour se conformer à l’habitude des autres écrivains ecclésiastiques. On peut expliquer de la même manière l’emploi des deutérocanoniques par saint Athanase et saint Cyrille de Jérusalem. La tradition favorable aux deutérocanoniques avait subi une éclipse dans certains milieux, dans lesquels on constate une opposition réelle, au moins théorique, sinon toujours pratique, à ces écrits. Mais nous ne pouvons dire avec M. Loisy, Hist. du canon de l’A. T., p. 124, 133, etc., que les Pères de cette époque, tout en admettant l’inspiration des deutérocanoniques, ne leur reconnaissaient cependant qu’une autorité inférieure, propre à l’édification et à l’instruction des néophytes, et non à la confirmation des dogmes de la foi. Cette distinction était de la part de ces Pères la négation de l’inspiration des livres, simplement utiles et édifiants et non divins et canoniques. Cet oubli local de la tradition est amplement compensé par l’emploi continu des deutérocanoniques dans les Églises et par les affirmations plus explicites de l’Occident. Il n’y a donc pas eu interruption complète et totale dans la tradition ecclésiastique à ce sujet ; il y a seulement obscurcissement et déviation dans les milieux où l’influence juive s’était fait sentir davantage et avait conduit à restreindre le canon de l’Ancien Testament aux limites de la Bible hébraïque.

2° De la fin du ve siècle à la fin du XIe, les doutes sur les deutérocanoniques de l’Ancien Testament persistent chez les docteurs occidentaux ; mais ils ne sont guère que la répétition atténuée des affirmations de saint Jérôme ; ils demeurent, du reste, dans le domaine de la théorie et ne parviennent pas à modifier la tradition pratique et constante des Eglises. En Orient, au contraire, les deutérocanoniques reprennent faveur et les Grecs adoptent le canon occidental.

Le pape Hilaire (461-468) compte 70 livres dans la Bible entière, au témoignage du Codex Amiatinus. Voir S. Iierger, La Bible du pape Hilaire, dans le Bulletin /<"’, 185)2, t. un, p. 147. Saint Patrice, Confessio, n. 2, 3, 16, P. L., t. LUI, col. 802, 803, 809, cite Tobie et l’Ecclésiastique. Julien Pomère, De riia conteniplalira, I. ii, c. VIII, /’. L., t. i.ix, col. 452, cite aussi l’Ecclésiastique, ainsi que saint Léon le Grand, Serm., i.xx, c. v ; LXXXI, C. M, /’. /-., t. i.iv. col. 384, 121. Kenys le Petit, Codex ru, , , ml., 24, /’. /, ., t. i.xvii, col. 191 ; une collection de canons, formée en Gaule au vie siècle, /’. /.., t. i.vi. col. 128, 721 ; Cassiodore, Itut. div. Un., 12-1 i. /’. L., t. i.xx, cul. U23-U26, admettent les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Junilius, Départ. div. legis, i, 3-7, /’. L., t. i.xviii, col. 16 sq., dislingue au point de vue de l’autorité canonique trois class< livres : les livres d’autorité parfaite reconnus de tous ; les livres d’autorité’moyenne, reconnus par plusieurs,

DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

à savoir les Paralipomènes, Job, Tobie, Esdras, Judith et Esther ; les livres de nulle autorité, reconnus par quelques-uns, tels que le Cantique et la Sagesse. Mais cet écrivain a reproduit le sentiment de Théodore de Mopsueste, condamné au IIe concile général de Constantinople. Ilardouin, Concil., t. iii, p. 86-89. Cf. H. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 358-370, 472-480. Saint Grégoire le Grand, Moral, in Job, xix, 21, jP. L., t. lxxvi, col. 119, dit de I Mach., qu’il n’est pas canonique et qu’il a été publié seulement pour l’édification de l’Église. Il cite souvent les autres deutérocanoniques, mais parfois uniquement comme des paroles de sagesse, lbid., i, 26 ; v, 35 ; x, 6 ; xix, 17, P. L., t. lxxv, col. 114, 544, 714, 923. Saint Isidore de Séville, Elym., VI, 1, 19, P. L., t. lxxxii, col. 229, affirme que l’Église du Christ honore comme livre. ; divins ceux qui manquent au canon hébraïque et que les juifs tiennent pour apocryphes. Cf. De ofjiciis eccl., i, 12 ; Liber promm. in V. et N. T., P. L., t. lxxxiii, col. 746, 158. Saint Eugène, Upusc., 59, P. L., t. lxxxvii, col. 394, et saint Ildefonse de Tolède, De bapt., 59, P. L., t. xevi, col. 140, reproduisent les canons de saint Augustin et de saint Isidore. Cependant le Vénérable Bède, qui a commenté Tobie et qui cite les deutérocanoniques, parle de 24 livres seulement de l’Ancien Testament. In Apoc., P. L., t. xciii, col. 144. De même, Ambroise Autpert, In Apoc., P. L., t. xvii, col. 795 ; Haymon d’IIalberstadt, In Apoc, P. L., t. cxvii, col. 1007. Saint Agobard, De privil. et jure sacerdot., P. L., t. Civ, col. 133, les réduit à 22. Le traité De mirabilibus Script, sac., P. L., t. xxxv, col. 2191-2192, répète les jugements de saint Jérôme sur l’épisode de Bel et du dragon et sur les deux livres des Machabées. Alcuin, qui a rédigé des catalogues complets de la Bible, Garni., VI, P. L., t. Ci, col. 101, 731, ne tient pas l’Ecclésiastique pour prophétique et rappelle les doutes de saint Jérôme au sujet de ce livre. Adv. Elipand., i, 18, ibid., col. 254. La Dispulalio puerorum, contemporaine d’Alcuin, ibid., col. 1120 sq., copie saint Isidore. De même Baban Maur, De cleric. instit., ii, 53, P. L., t. cvii, col. 365, qui a commenté la Sagesse, l’Ecclésiastique, Judith et les deux livres des Machabées. VValafrid Strabon, Glossa ordinaria, P. L., t. exiv, col. 66, etc., reproduit les idées de saint Jérôme. Notker le Bègue, De interpret. div. Script., 3, F’. L., t. cxxxi, col. 996, semble s’inspirer de Junilius. Tandis que quelques savants étaient l’écho des anciens doutes, la pratique ecclésiastique conservait les deutérocanoniques, et le catalogue complet de l’Ancien Testament était maintenu dans les collections de canons, dans celle de l’Église franque, aussi bien que dans Hurchard de Worms, Décret., iii, 217, P. L., t. cxl, col. 715-716, et dans Yves de Chartres, Décret., iv, 61, P. L., t. CLXI, col. 276-277.

Durant cette période, les deutérocanoniques se répandent de plus en plus en Orient. L’Église syrienne en possède une traduction, faite sur les Hexaples d’Origène. Léonce de Byzance, De sectis, /’. (.’., t. i.xxxvi, col. 1200, reproduit le canon de saint Athanase ; il cite toutefois comme Écriture la Sagesse et l’Ecclésiastique. Le concile in Trullo (692) cite les conciles de Carthage à côté du 85e canon apostolique et du concile de Laodicée. Mansi, Concil., t. xi, col. 939. Il admet donc des autorités contradictoires. Saint Jean Damascène, De orthod. fuie, iv, 17, P. G., t. xciv, col. I ISO. maintient rue, ire le canon de 22 livres et mentionne la Sagesse el l’Ecclésiastique comme des livres c excellents et fort beaux » . Ni céphore, Si icho met., ! ’.(’, ., {. C, col. 1056, connaît aussi ces 22 livres, et range les deutérocanoniques parmi les antilégomènes ou livres discutés. La Synopse, ai tri buée i saint Athanase, dépend du canon de cet évoque d’Alexandrie. P. < ;., t. xxviii, col. 284 sq. Photius, Sijntagma canonum, P. G., t. CIV, col. 589 sq., repro II.  » Du mi.ni isiècle, les Orientaux flniasent par adopter généralement les deutérocanoniques de l’An Testament, tandis que les Occidentaux continuent à snl.ir l’influence de saint Jérôme et i émettre des doutes sur leur ci icité.

Dans 1 Église grecque, Zonaras, Annal., iii, 11-11. P. G., t. cxxxiv, col. 260 sq., reproduit l’histoire de Judith , i de Tobie. En commentant les canons, il concilie le kv canon des apôtres, le » ">< > canon de Laodicée, le caiiuii de Carthage et la lettre festale de saint Athanase. I. c, ., t. cxx.wii, col. 216, 1420 ; t. cxxxviii, col. 121, 564. Aristène B’en tient au canon des apôtres et ne commente pas les autres décrets. /’. (’.. t. cxxxvii, col. 2I6, 211, 1422 ; t. cxxxviii, col. 121. iJalsamon est du rnérne sentiment. Ibid., col. 1-21, 21."., 560. Cf. Mathieu Blastarès, Syntagma alphabeticum, H. ii, P. G., t. cxliv, col. 1140 sq. I.a conciliation des décrets officiels finit par introduire dans l’usage universel des Grecs tous les livres mentionnés par le concile de Carthage.

II 1 1 Occident, Us témoignages continuent à être partagés. Tandis que la majorité’est nettement favorable aux deutérocanoniques, un nombre, moindre sans doute, mais encore relativement considérable, reproduit les doutes anciens. Ainsi Rupert de Deutz, lu lii’n., I’. L., t. ci. xvii, col. 318, nie la canonicité de la Sagesse. Il ne commente ni Baruch ni les fragments de Daniel. Il dit que Judith et Tobie, étrangers au canon hébreu, Xicænse synodi auctoritale, ad instructionem venerunt sanctx Ecclesiæ. De div. of fiais, xii, 26, P. L., t. ci.xx. col. 332. Il recevait les Machabées, De Victoria verbi 1>< î, 1. X. c. vin. P. L., t. CLX1X, col. 1428, quoiqu’il maintint le chiffre de 24 livres de l’Ancien Testament. Ibid., col.’JtiT. Hugues de Saint-Victor, De Script, ci scriptoribus sacrts, G, /’. L.. t. clxxv, col. 15, ne reçoit que 22 livres ; les autres sont lus, mais ne sont pas au canon ; ils servent de commentaire à l’Ancien Testament, comme les écrits des Pères au Nouveau. (T. Erudit. didasc, iv, 2, 7’. L., t. ci. xxvi, col. 779 ; Dr sacramento fidei, i, G, ibid., col. 186. Rodolphe de Flavigny, /// Lev., xiv, 1, ISiblioth. maxima Patrum, Lon, 1667, t. vu. p. 177. fait écho à Junilius et distingue des livres d’autorité diverse. Pierre le Vénérable, Cont. petrobrusianos, P. L., t. ci. xx xix, col. 751, compte 22 livres authentiques ; six autres, sans être parvenus à la sublime dignité des précédents, ont mérité cependant, à cause de leur doctrine louable et nécessaire, d’être reçus par l’Église. Pour Pierre le Mangeur, Hist. scolast., P. L., . cxcviii, col. 1260, 1431, 1475, les deutérocanoniques sont apocryphes, parce qu’on n’en connaît pas les auteurs ; mais ils sont reçus par l’Église, parce qu’il n’y a pas de doute sur leur : rail. Jean de " ih hui v suit - mit Jer me Epis t., cxi. ni. ivl Henric. com. Campan., P. L., t. cxcix, col. 125, 129. Pierre de Celles, Liber de pani bits, 2, /’. /.., I. CCII, col. 936, n’admet que 24 livres. .h. ni Beleth, Rationale div. offic., 59, /’. L., ibid., col. 66-67, n’en compte que 22 ; l’Église approuve les autres, selon lui. à cause de leur ressemblance avec les livres de Salomon. Hugues de Saint Cher n’accepte que h’canon juil et il appelle les deutérocanoniques i apocryphes » . Opéra, t. i. p. 178, 217, 218, 308, : 171 ; t. n. p. 2 ; t. III. p. 171 ; t. v. p. I i, ">. Saint Thomas. In Dion.

de div. nom., c. iv, lect. ix, dit que la s.i_e-.~ t - n’était

jias canonique au temps du pseudo-l lelivs. Il laisse in d vise la question de la canonicité. de l’Ecclésiastique. Sum. theol., 1’. q. i. xxxix. a. 8, ad 2° ™. Guillaume Ockam, Dial., III.tr. [, 6, prétend que l’Église, tout en lisant les deutérocanoniques, ne les rei <>it pas au nombre de ses Écritures canoniques. Jean Horne, cité par Hody, De Bibliorum textibus originalibus, col. 93, affirme que ces livres manquent d’autorité divine et ne sont pas n < n-, dans le canon. Nicolas de Lue suit le Canon

hébreu, Libelluscont.Judseos, ei dans plusi

Anglais, lu Mo

Opéra de ni Thomas, Parme, 1852, t. xxiii, p. 196,

n aduet que 22 on’J.Î l l’Ancien Testament.

Saint Antonio. Chron., -’-', . l Sum. titrai., III. xviii, 6, Vérone 1740, t. m. p. : n lime : les deutérocanoniques que pour la lectui non pour la confirmation des dogrm - I opi nions in s flottantes sur i

rés aux livres authentiques et aux livres apocryi Opéra, t. i, p. 26 ( J, etc. I Chartreux

m Ecrit., prol., Opéra, Montreuil, 1899, t. vin. p. 1. dit que ce livre n’est pas au canon, m Kcrilure canon quoiqu’il n’j ait pas de doute sur sa véracité. La pr de la Bibl I iroduit les jugements de

saint Jérôme. Le cardinal Cajétan. lu Eslher, Lyon, 1639, t. ii, p. 400, rejette les deutérocanoniques ; il sa range, d’ailleurs, à l’avis du même saint docteur.

Parallèlement à cette liste de doutes et d’incertitudes nous pouvons dresser une autre liste d’affirmations fermes et explicites en faveur de la canonicité de ces livres. Udalric, Contuetudines cluniacences, i, 1.7’. L., t. c.xi.ix, col. 613 ; I^anfranc, De corpore ri sanguine Domini, c. viii, P. L., t. cl. col. il’. » ; Gislebert, Disp. judsei cum christ., P. L., t. eux, col. 1026-1027 (en faveur de Baruclij ; S. Brunon d’Asti. Exposit. in t. /’. /.., t. clxiv. col. 32’» ; anonyme du xile siècle, 7. ad Hugon., P. L., t. ccxin. col. 711 : <.i iv, 61, 7’. L., t. ci. xi. col. 276 ; Honorius d’Autan, Gemma animée, iv, Ils. /’. L., t. clxxii, c <ra nient., 100, ibid., col. 801 ; Pierre de Riga, /’. 1 col. 23 ; Gilles de Pari-. Ile numéro lit. utriusjue Test., ibid., co. 53 ; Pierre deBlois, De dnis. et script, sac. lib., P. L., t. ccvii, col. 1052 ; Albert hGrand, In lt. prol., Opéra, 1893, t. xviii. p. :  ! Ô7 : S. Lonaventure, Breviloquium, 1, 2, Opéra, Quaraccbi, 1891, t. v, je 2U2-2U3 ; ht S, , ,, ., pral.. ibid., 18 « J3, t. VI, p.. Vincent de Béarnais. Spéculum doctrines, xvii. 33 ; it Holkot, Postilla super hb. Sa/a, i. Tous les manuscrits du m contiennent les deutérocanoniques. Malgré les doutes émis par quelques-uns d. docteurs, l’Église continuait à les lire. Aus~i aboutit-elle à les déclarer divins et canoniques au concile de Florence en liil et au concile de Treutj eu 1540. Voir col. lô’J3 sq.

II. Corr, i ; iung der Geschichte des jùdischen und

ehristlichen I. vers,

juidam historue canonis Y. T. illustrati, in-8 Brcslau, 1842 ; Vincenzl, Sessio quarta concilii Tridentini vindien : introductio m Scripturaa ât uterocanonicas Y. T.. 3 lt me, 1842-1844 ; M. Smart. Crilical history and défi Ci. T. ciii, , , it. in-12, Andover, lt*4ô : Édiml H. Welle, Bemerkungen nier die Enstehung tmsnt lichen Kanons, dans Theol. Tubinpue,

1855, p. j^Oâ ; A. DUlmann, Ueber die Bilduna der Sammltmg il.1. T.. dans Jahrbucher fur deutsche Théotogie, 1858, t. ni. p. 419-491 ; J. Fiirst, Der Kanon des A. T. nach ttrii Ueberlieferungen in Tatmud und Midrach, in-8’, B ; Bloch, Studien zur >~, imn, lung

der aUhebraischen Literatu

nihi veterima de librorum Y. ï tiiu strata, Leipzig, 1884 ; A. 1. isy, Histoire tiu, .

189 I ; (". WHdeb er, // B mon

./es O. Y.. 188’.), tr..|. ail. par Risch, 18~.’1 : trad. angl par Bacon. Londres, 1896 ; trad fr.mç., Lausanne. 1901 ; Ryle, The ec oftheO. /’. 1892 ; Magnier, Étude sur la canot t saintes

Écritures, in-12, P Mullan, 7°/ir canon of Ihe O. T..

Dagajev, Historia canonis V. Fi c. Jnlius.

Diegrieschischen Danit husàtzeund ihi ung,

V.’'1 ; A. Dombrovskl, /.i doctriie : le canatx

de FA. T., dans la Rt - " Jugie.Htà

i/k fiitiun lie l’A. T. dans

DenneTeld, Der altest. Kanon der antischenischt n schule. :


IV. Canon du Nouveau Testament.

L’histoire du canon du Nouveau Testament peut se dviser en trois périodes ; la première, de formation, ou de concentra i

tion des écrits apostoliques, depuis leur rédaction jusqu’à l’an 220 environ ; la deuxième, de discussion des deutérocanoniques dans certaines Églises, de 220 jusqu’à la fin du ive siècle en Occident et du v c en Orient ; la troisième, de pleine possession, depuis cette dernière époque jusqu’au concile de Trente et jusqu’à nos jours dans l’Église catholique. Comme cette dernière période ne crée pas de difficulté, nous la passerons sous silence, el nous ne traiterons même dans les deux autres que les points principaux.

/ rJ PÉRIODE, DE FORMATION ET CONCENTRATION. —

C’est la période la plus importante, car il est capital de savoir ce que l’Église à son berceau pensait du Nouveau Testament, quels livres apostoliques elle reconnaissait comme divins et comment elle les a réunis en collection canonique. C’est aussi la plus obscure, car nous manquons de renseignements directs et nous sommes réiluils à déterminer l’étendue du recueil néotestamentaire par l’emploi que les anciens écrivains, catholiques ou hérétiques, faisaient des documents apostoliques.

1° De 05 à 130. — Ni les apôtres ni leurs premiers successeurs ne fixèrent expressément le canon du Nouveau Testament. Les livres qui en font partie se supposent réciproquement et se rendent un témoignage mutuel ; mais saint Pierre seul, II Pet., iii, 16, fait allusion à une collection d’Épîtres de saint Paul, qu’il assimile aux autres Écritures. Les Pères apostoliques font des emprunts à la plupart des livres du Nouveau Testament, en citent plus ou moins exactement le texte, et une fois au moins, comme Écriture. Barnabe, Episl., iv. 14, Funk, Paires apostolici, Tuhingue, 1901, t. i, p. 48. Pour la Didachè, voir t. I, col. 1686-1687 ; pour Barnabe, col. 420-421 ; pour les Pères apostoliques en général, t. i, col. 1636-1637, et les tables de Funk, op. lit., t. i, p. 640-652. Si à ces témoignages on joint celui de Basilide, voir col. 466, et de quelques apocryphes du début du IIe siècle, on aboutit aux conclusions suivantes : En l’an 130, le canon évangélique, composé des quatre Évangiles canoniques, est constitué en fait dans toutes les Églises ; il l’a été par une tradition pratique, qui les a séparés des évangiles apocryphes et qui était fondée sans doute sur les circonstances alors connues de leur origine. Les Épitres de saint Paul sont aussi répandues partout et forment une collection qui renfermait au moins treize lettres de cet apôtre. Il n’y avait que ces deux recueils. Les autres (’ci ils apostoliques n’étaient pas groupés. Ils étaient cependant plus ou moins répandus, même l’Epître aux Hébreux qui, à Borne, élait connue comme l’œuvre de saint Paul. Quelques apocryphes avaient cours déjà, ou au moins des traditions orales qui furent plus tard consignées dans les apocryphes. Voir t. i, col. 1637-1638. Enfin des écrits, tels que FÉpître de saint Clément aux Corinthiens, le Pasteur d’Hermas, qui seront plus tard tenus en quelques lieux pour canoniques, jouissaient déjà d’un grand crédit et servaient à l’édification des

fidèles.

2 » Dr 130 à 170. — 1. La concentration des livres du Nouveau Testament se continue. Les Pères apolo3 utilisent les livres du Nouveau Testament et leur lurii île nombreux emprunts. Voir t. r, col. 1596. Les Evangiles sont groupés et saint Justin leur donne explicitement ce nom au pluriel, synonyme de celui de

> moires des apôtres » . Apol., I, (i, /’. a., t. vi,

col. 429 ; cf. E. Preuschen, Die Evangeliencitate Justins, dans Anlilegomena, Gicssen, 1901, p. 21-38, 119-133. Tatien, son disciple, les harmonise dans son Ata -enaap &v. Saint Justin cile expressément l’Apocalypse, Ihni mm Trypfi., 81, /’. (’., t. vi, cul. (17(). Il s’inspire de Épitres de saint Paul et des autres apôtres aussi bien que des Actes. Méliton de S.inles avait composé tur l’Apocalypse un livre perdu. Eusèbc, II. /.’., iv, 26, /’. G., i. xx, col. 392. Les I pitres catholiques ont peu

d’attestation. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturse sacrm quid statuerint Paires apostolici et apologetse secundi ssecidi, Leipzig, 1872. Les hérétiques se servaient des Évangiles canoniques, et Héracléon avait écrit sur celui de saint Jean un commentaire, dont Origène, In Joa., P. G., t. xiv, a reproduit quelques fragments. Les valentiniens connaissaient les Épitres de saint Paul, même celle aux Hébreux, la première de saint Pierre et l’Apocalypse ; ils avaient beaucoup d’apocryphes. Marcion avait un Nouveau Testament, composé de deux parties : tô eùayysXiov, formé du seul Évangile de saint Luc et encore mutilé, et ô âTrôorcO.oç, comprenant dix Épitres de saint Paul parmi les treize qu’il connaissait. Il excluait formellement les Épitres à Tite et à Timothée sous prétexte qu’elles étaient adressées à des particuliers. Tertullien, Adv. Marcion., v, 21, P.L., t. il, col. 524. Sur le Nouveau Testament de Marcion, voir Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1889, t. i, p. 585-718 ; 1891, t. il, p. 409-529. Les hérétiques du IIe siècle ont donc trouvé l’Église en possession des quatre Évangiles et de la collection des Épitres de saint Paul, et ils les ont pris à leur usage. Mais ils y ont joint des apocryphes, qu’ils mettaient sous le patronage des apôtres ou de leurs disciples immédiats. L’Église leur a opposé, non pas un canon ofliciellement fixé de ses Écritures, mais seulement sa tradition.

2. Beuss, Histoire du canon des saintes Écritures, p. 72-76, a prétendu qu’à l’époque de Marcion les Évangiles et les Épitres n’étaient pas encore regardés comme divins et inspirés, ni nettement distingués des apocryphes. Plus tard seulement, l’Église aurait placé les écrits des apôtres à l’égal de ceux des prophètes, afin de les opposer aux nouveaux prophètes des montanistes, et elle aurait opéré le triage des livres apostoliques en vue d’éliminer les apocryphes gnostiques. Ibid., p. 8897. Mais saint Théophile d’Antioche, Ad Aitlol., 1. III, c. XII, P. G., t. vi, col. 1137, n’a pas été le premier à affirmer l’inspiration des évangélistes et des apôtres comme celle des prophètes de l’ancienne alliance. Cf. I. II, c. xxii ; 1. III, c. xiv, col. 1088, 1141. Avant lui, saint Pierre, I Pet., ni, 15, 16, avait comparé les Kpîtres de saint Paul aux autres Écritures. L’auteur de l’Epitre de Barnabe, iv, 14, Funk, t. i, p. 48, avait cité un passage de saint Matthieu avec la formule : <, ’, ; Y£ypa7riai. Saint Clément de Borne, 1 Cor., xi.vn, 3, Funk, t. i, p. 160, dit aux Corinthiens que saint Paul leur a écrit une lettre Tn/sutiatixtôç, sous l’inspiration du Saint-Esprit. Si saint Ignace, Phil., viii, 2 ; ix-Smyrn. , v, 1 ; vii, 2, Funk, t. I, p. 270, 272, 278, 282, parle plutôt de l’Évangile oral et de la prédication apostolique, son témoignage cependant embrasse dans une certaine mesure l’Évangile écrit, qu’il joint à la loi de Moïse et aux prophètes. Le c. xi, 6, de l’Épître à Diognète, Funk, t. i, p. 410, s’il était authentique, prouverait que les Pères apostoliques assimilaient les évangélistes et les apôtres aux prophètes. La // Cor., ii, 4, Funk, t. I, p. 186, cite une parole des Évangiles à la suite de versets d’Isaïe et l’introduit en ces termes : xxl Itepa Se ypacp-ri XÉyet. Saint Justin se sert de la même formule : « il est écrit, » pour amener les citations dis Évangiles et celles de l’Ancien Testament, par exemple, Dial. cum Tryph., 19, P. G., t. vi, col. 584. Il regarde formellement l’Apocalypse comme une révélation divine. Ibid., 81, col. 669. La croyance à l’inspiration des livres du Nouveau Testament a donc précédé l’apparition du montanisme et il reste vrai que II glise n’a

jamais traité les écrits aposloliques connue des livres

profanes et ordinaires.

3. Sans doute, quelques-uns des premiers écrivains ecclésiastiques semblent s’être servis docrits apocryphes, encore qu’un ait beaucoup exagéré cel emploi. Ainsi, la Il Cor., v, 2-4 ; VIII, 5, xii, 2-5, luuk, t. i,

p. Iss, 190, 194, 196, cite dei ir, 1 1

l’une d’elles comme provenanl de l Évangile, parole* qui oe Be trouvent pas d ngilea canoniques. Sont elles extraites d’Évangiles apocryphes ? Pas nécessairement, puisque les deux premières paraissent empruntées à l.i tradition orale, appelée autrefois Évangile. La troisième, il est vrai, se trouvait dans l’Évangile des Égyptiens, mais avec d’autres détails. Cf. Clément d’Alexandrie, m., iii, 6, P.’-'., t. viii, col. 1149. L’emprunt pas direct et les deux documents dépendent d’une tradition plutôt que d’un écrit plus ancien. Saint Ignace, Ad Smyrn., iii, 2, Funk, t. i, p. 276, cite une parole de Ji -h-, i|ui ne se 1 i i pas dans les Évangiles canonique-, Eusèbe, II. A’., iii, 3(>, P. C, t. xx, col. 292, avoue en ignorer la provenance. Saint Jérôme, De viris, 16, P. /.., I. xxiii, col. 033, y reconnaît une citation de l’Évangile îles Hébreux ; mais Origène la reproduit partiellement comme venant de la Prédication de Pierre. De princ, protr-m., 8, P. G., t. XI, col. 119. Saint Ignace ne l’a peut-être pas empruntée à une source écrite. En tout cas, on a remarqué que c’est la seule parole de Jésus qui soit mentionnée comme telle par cet écrivain avec indication de circonstances historiques, et on s’est demandé s’il n’agit pas ainsi parce qu’elle était peu connue et étrangère aux Evangiles canoniques. Certaines ressemblances de ces écrits, Ajml.. I, 16, 61 ; Dial. cwm. Tryph., il, P. G., t. vi, col. 353, 420, 421, 561, avec la Didachè.I, 2 ; vu ; XIV, Eunk, t. I, p. 2, 16-18, 32, ont fait penser qu’il connaissait cet ouvrage et qu’il regardait son contenu comme apostolique. Tandis que les hérétiques attribuaient à dessein aux apocrv plies une origine apostolique, alin délayer sur eux leurs erreurs, on ne peut affirmer avec une pleine certitude que les écrivains ortbodoxes qui les employaient les mettaient sur le même rang que les livres du Nouveau Testament. Du reste, ces écrits apocrypbes n’étaient pas reçus dans l’usage public et officiel des Églises. I » e leur emploi par quelques Pères on ne peut donc conclure que l’Église ne possédait pas alors une collection canonique du Nouveau Testament. Cette collection existait certainement quoiqu’elle n’eût pas partout la même étendue. D’ailleurs, les divergences ne concernaient que quelques écrits apostoliques et elles provenaient non pas de la confusion de ces écrits avec les apocrypbes, mais bien de leur dilfusion moins rapide dans certains milieux chrétiens. Partout donc on recevait alors les Evangiles et les Épitres de sain ! Paul ; les autres livres du Nouveau Testament étaient isolément connus déjà, sinon partout, du moins dans diverses Eglises, et certains apocryphes n’excitaient pas encore une défiance suffisante chez quelques écrivains ortbodoxes, ou même peut-être dans quelques communautés. Cf. llarnack, Das K. T. um das Jahr 200, Fribourgen-Brisgau, 1889 ; Dogmengeschiclite, t. i, p. 337-363 ; V. Pose, Etudes sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1902, p. 1-38.

3° De 110 ii 220. — - Durant cette période, le recueil du Nouveau Testament est, de l’aveu de tous, mis sur le même rang que celui de l’Ancien, les apôtres sont assimilés aux prophètes, s. Irénée, Cont. hesr., Il, 37, 2 ; 35, 4, P. G., t. vii, col. 803, Ml ; s. Hippolyte, De Christo et Antichristo, 58, /’. G., t. x, col. 777 ; Clément d’Alexandrie, CoA. ait Grsceos, i, P. G., t. vin. col. 57. On dresse pour la première fois des listes ou catalogues des livres îles apôtres ; mais ces catalogues lie sont pas identiques et ils montrent par leur contenu que des

écrits apostoliques, reçus officiellement dan- il, s Églises, ne le sont pas encore dans d’autres. Enfin, il s’élève des doutes au sujet de livres apostoliques, sur lesquels auparavant aucune hésitation ne s’était produite. Ainsi en es) il de l’Apocalypse. Voir t. i. col. 1464 1465 Caius, opposé à l’Apocalypse, oe comptait pas l’Épltre aux Hébreux au nombre îles Épitres de saint Paul, Eusèbe,

II. K., vi. 20, P. G., t. xx, col. 573. Saint Hippolyte, son adversaire, était -nr ce point du même avis que lui. Photius, Biblioth., 121. 232, /’. G., t. ciii, col. I 1103, 1106. Le canon de Mur.it. ri. qu’on a attril’Mus, ruais qui est plutôt d’Hippohte. voir col.) mentionne les quatre Évangiles, les : lires

de s. uni Paul, l’Épltre de.Inde, les Épitres de Jean et l’Apocalypse. Il ne parle i aux

Hébreux, ni de l’Épltre de saint Jacques, ni de c de saint Pierre (au moins de la seconde. il reçoit I I calypse, bien qu’il connaisse les doutes prodl sujet. Il exclut le Pasteur d Herrnas et il condamne les apocryphes hérétiques. Preuscben, Analecla, p. 1°J’.' (Le P..1. Cbapman, L’auteur du i

dans la Revue bénédictine, juillet 1904, p. émis l’hypothèse que ce fragment était une partie du I er livre des llypotyposes de Clément d’Alexandrie, traduite en latin par un disciple de (

ment nous ferait donc connaître, non pa> le senti de l’Église romaine sur le canon du Nouveau T mais celui de l’Église d’Alexandrie. La lettre d de Vienne et de Lyon aux Eglises d’Asie (177), Eu-II. E., v, 1 4 P. G., t. xx, col. 416 sq.. contient des emprunts ou des allusions au plus grand nombre livres du Nouveau Testament. Saint Irénée, Cont. Itxr., m, 11. P. G., t. vil, col. 885 sq., n’a reçu de la tradition que quatre Évangiles et il expose le symbolisme du nombre de cet Évangile tétramorphe, seul inspiré, non sans doute en vue de prouver la canonicité (i quatre récits, canonicité qui n’avait plus besoin de preuve, mais afin de mieux affirmer la foi de l’Eglise. Il recueille cependant les traditions orales qui concernent .lésus-Cbrist. et il rapporte quelques paroles du Seigneur qui ne sont pas dans les Évangiles canoniques, i, 20 ; il, 34 ; v. 33. col. 656, 836. 1213..Mais il méprise les livres apocrypbes et les traditions suspectes. Il emploie les Actes, œuvre de saint Luc. iii, 1 1. col. 913 ; les Epitres de saint Paul, sauf celle à Philénion qu’il n’a pas eu l’occasion de citer, la I" de saint Pierre, les deux premières de saint Jean et l’Apocalypse. Il connaissait l’Épltre aux Hébreux, mais pas comme de saint Paul. Photius. Biblioth., 232, P. G., t. ciii, col. 1 104. Il n’a pas fait usage des autres Épitres apostoliques. A. Camerlynck, Sai’. Irénée et le canon du N. T., Louvain, 1896. Pour Tertullien. « l’instrum. nt évangélique » n’est formé que des quatre Evangiles canoniques, possédés par l’Eglise depu : lique. Adv. Marcion., îv. 2 ; v, ." P. L., t. ii, col. ; ’j'^. 366 ; De prsescript., 38, col. 51-02. Cet écrivain admet les Actes, treize Épitres de saint Paul, la I" de saint Jean, celle de Jude et l’Apocalypse. H cite l’Épltre aux Hébreux comme étant de saint Barnabe mais il ne semble pas admettre sa canonicité. De pud ibid., col. 1021. Clément d’Alexandrie, S Iront., m P. G., t. viii, col. 1 193, affirme que l’Évangile des ! tiens n’est pas un des quatre qui ont été transmis la tradition. Il vénère les Actes écrits par saint I comme Ecriture divine. P.nl.. II, I. ibid., col. Stroni., v. 12. /’. G., t. ix. col. 124. Il cite même l’tpiire aux Hébreux avec les autres lettres de saint Paul. 1 usèbe, II. E., vi. 14, P. G. t. xx. col. 549. nous apprend que Chinent, dans ses Ui)>< typi ses qui sont perdues. avait brièvement expliqué les deux Testament*, même hs antilégomènes tels que l’Épltre de Jude et les autres Épitres catholiques, celle de Barnabe et l’Apocalypaa attribuée a saint Pierre. Clément cite aussi beaucoup d’écrits apocryphes. Voir col. 1587. Dausch, Der n tamentliclie Sclinftcunon uud Clemens von Adrien, Fribourg-en-Brisgau, 1894 ; Kutter, Clemens Alexandrinus und das.Y. 7’., Giessen, 1898 Saint Théophile d’Antioche se servait des quatre Évai des Epitres de saint Paul, même de celle aux Hébl des deux de saint Parie et de lvpocalvpse.

1587

CANON DES LIVRES SAINTS

1588

Les écrits apostoliques formaient donc alors dans toutes les Églises une collection qui était mise sur le même rang que l’Ancien Testament ; mais l’étendue de cette collection n’était pas encore partout identique, f.es quatre Évangiles, les Actes des apôtres, treize Épitres de saint Paul, la I re de saint Pierre et peut-être les trois de saint Jean étaient reçus partout. L’Épitre aux Hébreux faisait partie du recueil des Épîtres de saint Paul à Alexandrie ; Tertullien l’attribuait à saint Barnabe. La IIe Épitre de saint Pierre était reçue à Alexandrie et probablement aussi à Antioche. La lettre de saint Jude était plus répandue et on la tenait pour un écrit apostolique à Alexandrie, à Rome et en Afrique. Celle de saint Jacques ne se trouve qu’à Alexandrie. A Rome, Caius discute l’Apocalypse, reçue partout ailleurs comme propbétie et comme œuvre de l’apôtre saint Jean. Mais à côté des livres canoniques, on trouve alors cités et employés un grand nombre d’apocrypbes, considérés comme tels, et d’autres écrits, traités en certains lieux comme Ecriture, mais plus tard délinilivement exclus du canon. Clément d’Alexandrie, en particulier, faisait un fréquent usage des apocryphes. Il connaissait les Évangiles des Égyptiens et des Hébreux, les Actes de Jean, les Traditions de Matthias, la Prédication et l’Apocalypse de Pierre. Mais il ne recevait pas ces ileux Évangiles apocryphes à l’égal des canoniques ; il ne désigne jamais comme Ecriture la Prédication de Pierre qu’il cite souvent, liien qu’il reconnaisse comme inspirée l’Apocalypse de Pierre, il accorde cependant un plus grand crédit à l’Apocalypse de Jean qui est pour lui la révélation par excellence. Il cite fréquemment le Pasteur et n’a aucun doute sur son inspiration ; il emploie aussi l’Épitre de saint Clément et appelle son auteur un apôtre ; et il analysait la 11° lettre dans ses Hypoly poses. Il s’est inspiré aussi de la Didachè. Mais i |i ment n’est pas un fidèle témoin de la tradition de l’Eglise d’Alexandrie. Sa prédilection personnelle pour les apocrv plies l’a amené à citer des écrits que son Église ne recevait pas. Celle-ci n’employait officiellement que le Pasteur, la I re Epitre de Clément, l’Épitie de Barnabe et la Didachè. Dausch, op. cit., p. 3338. L’évéque de Rome, peut-être saint Victor (189-198), qui a écrit le traité De alcatoribus, 4, P. L., t. IV, col. 830, allègue le Pasteur comme Ecriture divine et cite la Didachè au milieu de témoignages empruntés à saint Paul. S.iint Irénée, Cont. hær., iv, 20, P. G., t. vii, col. 1032, cite aussi le Pasteur comme Ecriture. Il estimait l’épître de saint Clément aux Corinthiens, mais il ne la plaçait pas avec les Écritures, iii, 3, col. 850. Tertullien, encore catholique, était favorable au Pasteur d’Hermas et ne blâmait pas ceux qui admettaient son inspiration, De orat., 16, P. L., t. I, col. 1171 ; mais devenu montaniste. il le traite d’apocryphe et affirme que l’Eglise catholique le tenait alors pour apocryphe, en vertu, semble-t-il, d’une déclaration officielle et récente. De pudicilia, 10, P. L., t. ii, col. 1000. Tertullien n’admettait pas non plus l’autorité des Actes de Paul et de Thècle. L’auteur du canon de Muratori parait, lui aussi, oppose’- au Pasteur. Il fait ressortir son origine récente et s’il permet de le lire, il déclare qu’on ne doit pas l’employer, dans les réunions publiques de la communauté, avec 1rs prophètes dont le nombre est clos, ni avec les apôtres. Il réprouve deux lettres fausnt attribuées à saint Paul. Au rapport d’Eusèbe, II. /.’., vi, 12, /’.’.., I. xx, col. 545, l’évéque d Antioche, Sérapion (vers 190-210), trouva dans la ville de Hossos l’Évangile de Pierre entre les mains des chrétiens ; croyant ceux-ci orthodoxes, il leur permit de lire cet apocryphe ; mais averti qu’ils étaient suspects d’hérésie, il le lui et le condamna a cause des erreurs qu’il reconnut. Saint Denys de Corinthe, dans une lettre au pape Soter, dit que son Kglise lit régulièrement la lettre de saint Clément et qu’elle lira désormais publiquement

la lettre qu’elle a reçue de l’Église romaine. Eusèbe, II. E., iv, 23, P. G., t. xx, col. 388. En résumé donc, les apocryphes proprement dits, qui constituent la littérature pseudo-apostolique, sont rejetés à peu près universellement. Seuls, des livres écrits par des chrétiens connus ou inconnus dans un but d’édification sont encore regardés en certains milieux comme Écriture divine et même sont lus publiquement dans quelques Églises. Toutefois, le crédit de quelques-uns, notamment du Pasteur, est déjà en décadence, et tous finiront par être définitivement exclus du canon au cours du IVe siècle. A. Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, Leipzig, 1866, a édité et annoté ces livres qui ont passé longtemps pour inspirés.

L’hérésie montaniste a favorisé ce triage entre les Écritures canoniques et les apocryphes. Ses partisans ne rejetaient aucun livre de l’Ancien ou du Nouveau Testament ; mais ils y ajoutaient de nouvelles prophéties, qui devaient former le Testament du Saint-Esprit ou du Paraclet. Les catholiques furent donc amenés à leur opposer la véritable notion de la révélation chrétienne qui avait été parachevée par Jésus-Christ et les apôtres. Il en résulta pour le Nouveau Testament que tout écrit qui n’était pas garanti par l’autorité apostolique, devait être exclu du nombre des documents officiels de la révélation chrétienne. C’est ainsi que le Pasteur, si estimé au IIe siècle, fut rejeté à la fois par les montanistes et les catholiques occidentaux. La réaction antimontaniste suscita même de l’opposition aux écrits authentiques de saint Jean. Saint Irénée, Cont. hær., iii, II, P. G., t. vii, col. 890, signale des adversaires du quatrième Évangile. Saint Philastrius, Hier., 60, P. L., t. xii, col. 1171, dit que ces hérétiques l’attribuaient ainsi que l’Apocalypse à Cérinthe. Saint Epiphane, Hær., li, P. G., t. xi.i, col. 888 sq., les appelle des aloges. Voir t. i. col. 898901. Caius de Rome leur emprunte des arguments cou Ire l’Apocalypse, et il est réfuté par saint Hippoljte. Voir t. I, col. 1464-1465. Le canon du Nouveau Testament n’était donc pas encore fixé définitivement ; la discussion va même s’élever dans la suite à propos des deiltérocanoniques.

11’PÉRIODE, DISCUSSION DES DEUTÉROCANONIQUES D 1 VS

quelques églises. — 1° En Orient. — C’est en Orient que cette discussion commence au Me siècle ; elle passe en Occident et se prolonge durant tout le IVe et jusqu’au milieu du V e. Elle a pris son origine dans la comparaison des traditions diverses des Eglises. Origène, le premier, constate ces divergences et soulève des doutes au sujet des livres controversés. Il partage le Nouveau Testament en deux parties, l’Evangile ou les Évangiles et l’apôtre ou les apôtres. De pnne, iv, 16, P. G., t. xi, col. 376 ; In.1er., homil. xxi, P. G., t. xiii, col. 536. Il connaît les Evangiles apocryphes, mais il n’approuve que les quatre qui doivent être reçus. In Luc., homil. I, ibid., col. 1803. Il accepte quatorze Kpitres de saint Paul ; il sait toutefois que l’Épitre aux Hébreux est rejetée par quelques-uns comme n’étant pas de Paul. Epis t. ad Afric, 9, P. G., t. xi, col. 65 ; In Matth., comment, séries, n. 28, P. G., t. XIH, col. 1637. Plus tard, il concède que les idées seules sont de l’apôtre, mais que la rédaction est d’un de ses disciples. Il reconnaît les deux Épitres de saint Pierre ; mais la première seule est reçue universellement, et il y a doute sur la seconde. Saint Jean a écrit l’Apocahpse et trois Épitres, quoique tous n’admettent pas que les deux dernières sont de lui. Eusehe. II. / :., vi, 25, P. G., t. xx, col. 581-585. Origène cite les Épilres de saint Jude et de saint Jacques, fout en n’ignoranl pas qu’elles ne sont pas reçues par tous. In Matth., t. XVII, 30, /’.’.'., t. xiii, col. 1569 ; I" -loa., t. xix. 6 ; xx, 10, /’. G., I. iv col. 569, 572. Il croit a l’inspiration du Pasteur, lu Rom., 1. X, /’. G., t. xiv, col. 1282. L’Épltre de Barnabe est une épître « catholique » , Conl. Cclsuiu, i, 03, P. (.’., t. xi, col. 777, et ir, so

CANON DES LIVRES SAINTS

elle est citée comme Écriture avec le Pasti ur. ! > pi 11, I ; iii, I, ibid., col. 186, 380. Origène lienl écrits ponr Écritures divines ; mail il uil qu’ils sont contestés et i ! en parle comme n étanl pas reçus partout, lu Num., tit.mil. in. /’.’.'., t, Mi, col. 022 ; Tri Matth., t. iii,-il, /’. (-, t. xiii, < ; ol. 1240. Il cit.- quelques apocryphes, par exemple l’Évar ili di - Hébreux, /// Jer., homil. xv, i, ii’i’i-, col. 183, et les Actes de Paul, h> Joa., i., l-i. /’. <’-. i. mv, col. 600, mais avec restriction. A propos de la Doctrine de Pierre, il observe que cet écril ne rentre pas dans la catégorie des livres ecclésiastiques, émanant d’apôtres ou d’hommes inspirés. De princ., præf., 8, P. G., t. xi, cul. 119-120. Il distinguait trois sortes d’Écritures : les authentiques, les apocryphes et les mixtes, In Jim., t. un, 17, P. <-, t. xiv, col. 124-425. Les mixtes sont des livres inspirés dont le texte a été corrompu. Pour lui, les deutérocanoniques sont au nombre des Écritures authentiques. Cf. In Jesuni Nava, homil. vii, 1, P. G., t. xii, col. 857. A. Zollig, Die Inspiratianslehre des Origenes, Fribourgen-lirisgau, 1902, p. 88-90. Denys d’Alexandrie, disciple d’Origène, est d’accord avec son maître, sauf en deux points. Il accentue les doutes relatifs à l’authenticité des deux dernières Epitres de saint Jean, Eusébe, // E., vu, 25, P. G., t. xx, col. 697, 700, et il prétendait que l’Apocalypse était d’un autre auteur que le quatrième Évangile. Voir t. i, col. 1465. Saint Pamphile, Apol. pro Origene, 7, P. G., t. xvii, col. 596, cite l’Apocalypse sous le nom de saint Jean, ainsi que saint Méthode de Tyr, Conviv., i, 5 ; viii, 4, P. G., t. xviii, col. 45, 144. Les Constitutions apostoliques, H, 57, P. G., t. I, col. 728729, ne mentionnent ni les Epitres catholiques, ni l’Apocalypse, pas plus que la Doctrine d’Addaï. The Doctrine of AddaÂ, édit. Phillips, 1876. p. 46.

Eusèbe a recueilli avec soin tous les témoignages traditionnels concernant le Nouveau Testament et il a résumé le résultat de ses recherches dans un catalogue comprenant trois catégories de livres : les à>.oloyo^u.i-/’j.. qui étaient revus universellement, les àvTiXeyo(jivo ou controversés, mais qui étaient regardés comme authentiques par la plupart, enfin les vo’ja ou apocryphes. Quelques livres flottent entre l’une ou l’autre de ces trois catégories. Sont universellement reçus les quatre Évangiles, les Actes des apôtres, les Epitres de saint Paul, la I" de saint Pierre et. si l’on veut, l’Apocalypse. Les livres contestés, mais connus du plus grand nombre, sont les Epitres de saint Jacques et de saint Jude, la IIe de saint Pierre, la IIe et la III" de saint Jean. Les apocryphes sont de deux sortes : les uns, tels que les Actes de Paul, le Pasteur, l’Apocalypse de Pierre, l’Épitre de Barnabe, les ^côa/a ; des apôtres et, si l’on veut, l’Apocalypse de saint Jean, que quelques-uns rejettent, et encore l’Évangile des Hébreux, sont contestés ; les autres, tels que les Évangiles de Pierre, de Thomas, de.Matthias, etc., et les Actes d’André, de Jean et des autres apôtres, sont hérétiques et doivent être rejetés comme absurdes et impies. II. E., ni, 25, P. G., t. XX, col. 228. Il connaît aussi les doutes relatifs à l’Épitre aux Hébreux, rejetée par quelques-uns comme n’étant pas de saint Paul. II. /.’., III, 3, col. 217. Ailleurs, il place l’Épitre de saint Clément au nombre des écrits communément reçus. H. E., iii, 16, 38, col. 249, 293.

Les divergences qu’Eusèbe avait constatées dans les traditions et les usages des Églises, surtout de l’Orient, persévérèrent au cours du iv siècle. Saint Athanase, Epiât, fes/.. xxix, P. G., t. xxvi, col. 117b, comprend au canon du Nouveau Testament tons les livres protocanoniques et deutérocanoniques. Il ajoute que la Di dachè et le Pasteur ne sont pas canonisés, mais avec les

deutérocanoniques de l’Ancien Testament ont été destinés par les Pères à l’enseignement des catéchumènes. 11 ne mentionne aucun doute relativement aux deutéroca noniques du Nouveau Testament, et il est à noter que

aliment de saint Denys d’Alexandrie sur l’Api lypse n’a pas prévalu contre la tradition et la pratique de son Église, favorabb - à ce livre. Didyme d’Alexandrie, Com. cathol., P.’ « ., t. xxi,

col. 1771. sait que la II" Kpllre de saint I cryphe >t n’est pas au canon, bien qu’elle soit lui public. Il cite l’Apocalypse, De Trinit., m col. 8’10, ainsi que saint Cyrille d’Alexandrie, De adorat, in tpiritu et veritale, vi, /’. G., t. i.xviii, col. I L’Apocalypse, qui prévalait à Alexandrie, était n discutée en Orient. Le concile de Laodicée, M Concil., t. ii, col. 571, le 85e canon apostoliqui, P G, t. cxxxvii, col. 211, le canon grec des soixante h. Preuschen, Analecta, p. 159, celui de saint Grégoire de Nazianze, Carm., I, i, 12. P. G., t. xxxvii. col. contiennent tous les deutérocanoniques. sauf l’Ap lypse seule. Saint Amphiloque, Jamb., ibid., col. I ! place ce dernier livre parmi les antib _ Saint

Cyrille de Jérusalem, Cal., IV, 22. /’. G., t. XXXIII, col. 500, passe sous silence l’Apocalypse. Saint ; phane, qui l’admet, Hier., i.xxvi. P. G., t. xlii. col connaît les objections des aloges. Voir col. 1585. G pi ndant, saint Cyrille de Jérusalem, C’a/., x. 3, P. G., t. xxxiii, col. 664, et saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxix, 17 ; Serrn., xi.n, 9, /’.’.'., t. xxxvi, col. 97, citent l’Apocalypse. Dans leurs commentaires de ce livre, P. G., t.’cvi, col. 220, 493, André et Ardas, ques de Césarée en Cappadoce, affirment qu’ils ont utilisé des explications de saint Grégoire de Nazianze. Saint Basile, Adv. Eunom., iv, 2, P. G., t. x.xix. col. 677, et saint Grégoire de Nysse, Adv. Eunom., Il ; Adv. Apoll., 37, P. G., t. XLV, col. 501, 1208, emploient aussi l’Apocalypse. Seule, l’Église d’Antioche semble rejeter complètement ce livre ainsi que les quatre petites Epitres catholiques. Saint Jérôme, Tract, de Pt. l, dans Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m b, p. 5-6, connaît l’exclusion de l’Apocalypse dans les Eglises orientales, et il lui oppose la pratique et la tradition antérieures. Léonce de Dyzance, (’.ont. Sest. il Eutyeh., vi, P. G., t. i.xxxvi, col. 1366. reproche à Théodore de Mopsueste d’avoir rejeté toutes les Epitres catholiques. Junilius, qui est l’écho de Théodore, relate les doutes des Orientaux touchant l’Apocalypse et il en fait lui-même un livre d’autorité moyenne, parce qu’il est accepté d’un grand nombre surtout en Occident. Instit. regul. div. Irgis, i. 4, P. L., t. lxviii, col. 19 Kihn, op. (il., p. 475. Les œuvres de saint Chrysostome et de Théodore ! ne contiennent aucune citation de l’Apocalypse et des quatre petites Epitres catholiques. La Synopse, attribuée à saint Chrysostome. P. G., t. lvi, col. 308, 124, omet ces mêmes livres, l’ne homélie qui se trouve parmi les ouvres de saint Chrysostome et <jui est vraisemblablement d’un contemporain, dit de la I re Epitre de saint Jean qu’elle n’est pas apocryphe, mais que la 1P et la IIP sont mises hors du Canoi les Pères. P. G., t. LVI, col. 124. Théodoret. In / pioani.. /’. G., t. 1 XXXII, col. 671. suppose que Ce sont les ariens qui ont discuté l’Épitre aux Hébreux ; pour lui. il croit qu’elle est de saint Paul et il assure qu anciens l’ont reçue comme telle. La Pesehito n’avait ni l’Apocalypse ni les 1 pitrecatholiques, et Aphraate ne les cite pas ; mais saint l’phrem les a connues et citées. Elles ne sont pas non plus mentionnées dans le canon syriaque, des environs de itHb publié- par M mf I. Studio Sinailica, Londres, 1894, t. i. p, IIII. Le total des stiques montre que leur absence n’est pas fortuite. 2 En Oocident. — L’Église occidentale conservait fidèlement les livres qu’elle avait toujours reçus comme apostoliques ; elle mit du temps à recevoir ceux qu n’avait pas d’abord reconnus. In Afrique, saint Cypricil ne connaissait ni l’Epitre aux Hébreux ni les quatre I pitres catholiques. Cependant au concile de Carthage

présidé par lui en 256, un évêque cita un passage de la IIe lettre de saint Jeun dans la question du baptême des hérétiques. P. L., t. iii, col. 1072. L’Épitre de saint Jude est citée dans un traité contre Novatien, composé vraisemblablement par un évêque d’Afrique, contemporain de saint Cyprien. Opéra, édit. Hartel, Vienne, 1881, t. iii, p. 67. Commodien, Instr., ii, 6, 4 ; Carm. apol., 316, 331, édit. Dombart, Vienne, 1887, p. 67, 135, 137, cite l’Épitre aux Hébreux, l’Épître de saint Jacques, que ne connaissait pas saint Cyprien. Novatien, De Trinil., xvi, P. L., t. iii, col. 917, fait allusion à l’Épitre aux Hébreux. Le canon de Cheltenham, publié par Mommsen, mentionne les trois Épitres de saint Jean et les deux de saint Pierre. Les mots : una sola, ajoutés à la suite de ces deux mentions, ne sont pas nécessairement des restrictions, et M. Duchesne, Bulletin critique, 15 mars 1886, p. 117, a proposé de les compléter ainsi : [Jacubi una sola ; [Judée] una sola. Voir Preuschen, Analecta, p. 139. Saint Optât de Milève ne cite pas non plus l’Épitre aux Hébreux. Elle restait donc étrangère à l’Église d’Afrique. L’Ambrosiaster, In II Tim., I, P. L., t. xvii, col. 485, et Pelage, In Rom., P. L., t. xxx, col. 667, la citent comme Écriture, ainsi que saint Hilaire de Poitiers, De Trinit., iv, 11, P. L., t. x, col. 104 ; Lucifer de Cagliari, De non conv. cum hseret., 10, édit. Hartel, Vienne, 1886, p. 20, 22 ; le prêtre Faustin, De Trinit., 2, P. L., t. xiii, col. 61 ; saint Ambroise, De fuga ssec, 16, P. L., t. xiv, col. 577, etc. Lucifer, op. cit., 15, ibid., p. 33, et saint Ambroise, In Luc, vi, 43, P. L., t. xv, col. 1679, citent aussi l’Epitre de saint Jude. Saint IliJaire, De Trinit., I, 17 ; iv, 8, P. L., t. x, col. 38, 101, cite la II » Épitre de saint Pierre et la lettre de saint Jacques. Philastrius, Ilœr., 88, P. L., t. xii, col. 1199, mentionne parmi les Livres saints treize Épitres de saint Paul seulement et les sept Épitres catholiques ; il omet l’Épitre aux Hébreux et l’Apocalypse, mais il signale les hérésies qui rejettent l’Évangile de saint Jean et l’Apocalypse, ou l’Épître de saint Paul aux Hébreux. User., 60, 89, col. 1174, 1206. Rufin, Exposit. symb., 37, P. L., t. xxi, col. 374, copie saint Atbanase et a un canon complet. Saint Jérôme, Epist. ad Paulin., 8, P. L., t. xxii, col. 5’t8, énumère tous les livres du Nouveau Testament. Il connaît et rapporte la diversité des opinions relativement à l’Épître aux Hébreux. De viris, 5, 59, P. L.. t. xxiii, col. 617, 069 ; Epist., cxxix, ad Dardan., 3, /’. L., t. xxii, col. 1103. Il la reçoit sur l’autorité des anciens, bien que les Latins ne la reçoivent pas, comme il reçoit l’Apocalypse malgré les doutes des Grecs. Tract, de Ps. 1 ; de Ps. rxi.ix, dans Morin, Anecdota Muredsolana, t. m ii, p. 5-6, 314. Parfois cependant, à cause de l’usage latin, saint Jérôme fait des restrictions à son sujet. InEzech., xxviii, 11, P. L., t. xxv, col. 272 ; In Zacli., viii, 1, ibid., col. H(15 ; In Epist. ad Eph., il, 15, P. L., t. xxvi, col. 475. Mais si saint Jérôme n’a pas d’hésitation relativement à l’Épître aux Hébreux et à l’Apocalypse, il est moins ferme à propos des autres deutérocanoniques. Il sait que la IIe lettre de saint Pierre est contestée par le plus grand nombre, De viris, 1, P. L., t. xxiii, col. 608 ; mais il explique la diversité de stjle par le recours à divers secrétaires. Epist., cxx, ad Hedibiam, P. L., t. xxii, col. 1002. Pour l’Épître de saint Jacques, elle aurait été écrite par un autre et aurait ensuite acquis peu à peu de l’autorité. De viris, 2, P. L., t. xxiii, col. 609. L’Épilre de Jude est rejetée par le plus grand nombre, quoiqu’elle ait, elle aussi, acquis peu à peu de l’autorité el qu’elle soit comptic pari li les saintes Écritures. Ibid., 4, col. 613-615. Les deux dernières Épitres de Jean sont attribuées à Jean l’Ancien ; beaucoup peu « ni qu’elles

nt pas de l’apôtre, mais du prêtre Jean. Ibid., 9,

18, col. 623, 637. Saint Jérô accepte cependant pour

son propre compte tous les deutérocanoniqui

Nouveau Testament, il rejette les apocryphes et permet la lecture publique du Pasteur, de l’r.pitre de Barnabe, de l’Epître de saint Clément en vue de l’édification. Cf. L. Sanders, Études sur saint Jérôme, Bruxelles et Paris, 1903, p. 217-267, 271-282 ; P. Gaucher, Saint Jérôme et l’inspiration des deutérocanoniques, dans la Science catholique, février 1904, p. 193-210.

Désormais, le canon du Nouveau Testament était définitivement fixé en Occident. A Rome, le pape Damase publiait, en 382, un décret reproduit plus tard par le pape Gélase et comprenant tous les livres du Nouveau Testament. Selon la leçon de quelques manuscrits, il y resterait, à propos des Épitres de saint Jean, un indice des doutes anciens ; les deux dernières étaient attribuées au prêtre Jean. Labbe, Concil., t. iv, col. 1261. Mais d’autres manuscrits, reproduisant le remaniement fait par saint Gélase, ne contiennent plus cette distinction et disent : Johannis apostoli epistolæ III, Preuschen, Analecta, p. 149, comme plus tard Innocent I er dans sa lettre à Exupère de Toulouse. P. L., t. xx, col. 501. En Afrique, saint Augustin, De doct. christ., Il, 12, P. L., t. xxxiv, col. 40, dresse un canon complet. L’évêque d’Hippone n’ignorait pas cependant les doutes antérieurs sur l’Epître aux Hébreux, De peccat. mer. et remiss., i, 27, P. L., t. xliv, col. 137 ; Enchiridion, 8, P. L., t. xl, col. 225, et lui-même, à partir de 409, jusqu’à sa mort, il ne la cite plus comme l’œuvre de saint Paul._ O. Rottmanner, Saint Augustin sur l’atiteur de l’Epître aux Hébreux, dans la Revue bénédictine, juillet 1901, p. 257-261. Il semble craindreaussi que les pélagiens ne lui contestent l’Apocalypse. Serni., ccxcix, P. L., t. xxxviii, col. 1376. Il repousse les apocryphes. D’ailleurs, le concile d’Hippone en 393 avait promulgué un canon complet qui a été renouvelé à Carthage en 397 et en 419. Mansi, t. iii, col. 924, 891 ; t. iv, col. 430. Voir t. i, col. 2341-2344. En Espagne et dans la Gaule, le canon était identique.

L’usage liturgique et ecclésiastique l’emporta donc définitivement sur les doutes qui avaient surgi au ni » siècle à la suite de la comparaison des traditions divergentes des Eglises. QuoiqueCosmasIndicopleusIes, Topog. christ., xii, P. G., t. lxxxviii, col. 373, omette encore, vers 510, l’Apocalypse et les sept Epitres catholiques, quoique le patriarche Nicéphore, /’. G., t. c, col. 1056, range encore au i c siècle, l’Apocalypse parmi les antilégomènes, l’Eglise grecque, à partir du vr siècle, accepte ces écrits autrefois contestés. Cf. Léonce de Byzance, De sertis, ii, P. G., t. lxxxvi, col. 1200 ; S. Jean Damascène, De orthodoxa fide, IV, 17, P. G., t. xciv, col. 1180 ; Synopse dite de saint Atbanase, P. G., t. xxviii, col. 289-293 ; Nicéphore Calliste, II. E., n, 45, P. G., t. cxi.v, col. 880-885. Dès la fin du iv siècle, le canon du Nouveau Testament ne subit plus la moindre variation dans l’Église latine, et on rencontre seulement de loin en loin, au cours du moyen âge, quelque mention des anciens doutes sur les deutérocanoniques. Cf. Loisy, Histoire du canon du N. T., p. 208233. Aussi le pape Eugène IV, en 1441, promulgua, dans son décret aux jacobites, un canon identique à celui du canon de Damase, et le concile de Trente définit officiellement, en 1546, la canonicité de tous les livres du Nouveau Testament sans distinction.

, 1. l’ns, Bibliotheca sacra sive diatribes de librorum A". T. canone, in-12, Amsterdam, 1710 ; J..innés, New and full me-Un, il n/ settling the canonical authority of the N. T., 3 in-8°, Londres, 1726M727 ; Oxford, 1798, 1827 ; E. il. n. Stosch, Commentatio in itica de librorum N. T. canone, in-8

Francfort. I7.".. r > ; KIrchhofer, Quellensammlung zur Gescliichte des neutestamentlichen Kanons bis auf Hier ony mus, ln-8*, Zurich, 1844 ; H. W. J. Thiersch, Versuch iw fieretellung des historischenStandpunktsfùrdie Kritikderneutestamentlichen Schriften, Erlangen, 1846 ; C. A. Credner, Geschichte des neu* teatamentlichen Kanon, édit. Volkmar, ln-8*, Berlin, 1860 ; ’U. F. Westcott, A gênerai surveu of the hiatory of the canon 1593 CANON DES LIVRES SAINTS 1564

of the N. T. during the first four centuries, in-12, Cambridge, 1855 ; 6° édit., Londres, 1889 ; E. Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures dans l’Eglise chrétienne, in-8°, Strasbourg, 1863 ; 2° édit., 1864 : Id.. Die Geschichte der heiligen Schriften N.T., 6° edit., in-8°, Brunswick, 1887, p. 316-403 ; Hilgenfeld, Der Kanon und die Kritik des N. T. in ihrer geschichtlichen Ausbildung und Gestaltung, in-8°, Halle, 1863 ; M. Nicolas, De la formation du canon du N. T., dans les Etudes critiques sur la Bible. N. T., in-8°, Paris, 1864, p. 291-429 : A. Charteris, Canonicity, a collection of early testimonies to the canonical book of the N. T., in-8°, Édimbourg, 1880 ; K. Wieseler, Zur Geschichte der Neutestamentlichen Schrift, in-8°, Leipzig, 1880 ; A. Loisy, Histoire du canon du N.T., in-8°, Paris, 1891 ; Th. Zahn, Geschichte des nentestamentlichen Kanons. 2 in-8°, 1888-1892 ; Id., Grundriss der Gesch. des neutestam. Kanons, in-8°, 2° édit., 1904 ; P. Batiffol, l'Église naissante. Le canon du N.T.. dans la Revue biblique, 1903, t. xii, p. 10-26, 226-233 ; W. Bauer, Der Apostolos der Syrer in der Zeit von der Mitte des vierten Iahrhunderts bis zur Spaltung der syrischen Kirche, in-8°, 1903 ; Grégory, Canon and Text. of the N. T., 1907 ; J. Leipoldt, Geschichte des neutes. Kanons, 1907 ; P.Dauscb, Der Kanon des N. T., 1908.


V. Décret du concile de Trente De canonicis Scripturis. —

I. TEXTE ET TRADUCTION < ! --Latin et français vérifié par Sica-->

Sacrosancta cecumi nica et generalis Tridentina synodus, in Spiritu Sancto legitime congregata, præsidentibus in ea eisdem tribus apostolicæ sedis legatis, hoc sibi perpetuo ante oculos proponens, ut sublatis erroribus, puritas ipsa Evangelii in Ecclesia conservetur, quod promissum ante per prophetas in Scripturis sanctis, Dominus noster Jesus Christus Dei Filius, proprio ore primum promulgavit ; deinde per suos apostolos tanquam fontem omnis et salutaris veritatis et morum disciplinæ omni creaturae prædicari jussit ; perspiciensque hanc veritatem et disciplinam contineri in libris scriptis et sine scripto traditionibus… ; orthodoxorum Patrum exempla secuta, omnes libros tam Veteris quam Novi Testamenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, necnon traditiones ipsas… pari pietatis affectu ac reverentia suscipit, et veneratur. Sacrorum vero librorum indicem huic decreto adscribendum censuit, ne cui dubitatio suboriri possit, quinam sint qui ab ipsa synodo suscipiuntur. Sunt vero infra scripti : Testamenti Veteris, quinque Meysi, id est, Genesis, Exodus, Leviticus, Numeri, Deuteronomium ; Josue, Judicum, Ruth, quatuor Regum, duo Paralipomenon, Esdrae primus, et secundus qui dicitur Nehemias ; Tobias, Judith, Esther, Job, Psalterium Davidicum cetum quinquaginta psalmorum, Parabolæ, Ecclesiastes, Canticum canticorum, Sapientia, Ecclesiasticus, Isaias, Jeremias cum Baruch, Ezechiel, Daniel ; duodecim prophetae minores, id est, Osea, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Michæas, Nahum, Habacuc, Sophonias, Aggæus, Zacharias, Malachias ; duo Machabæorum, primus et secundus. Testament Novi, quatuor Evangelia, secundum Matthæum, Marcum, Lucam et Joannem ; Actus npostolorum a Luca evangelista conscripti ; quatuordecim Epistolae Pauli apostoli, ad Romanos, duae ad Corinthios, ad Galatas, ad Ephesios, ad Philippenses, ad Colossenses, duae ad Thessalonicenses, duae ad Timothæum, ad Titum, ad Philemonem, ad Hebræos ; Petri apostoli duæ Joannis apostoli tres, Jécobi apostoli una, Judae apostoli una, et Apocalypsis Joannis apostoli. Si quis autem libros ipsos integros cum omnibus suis partibus, prout in Ecclesia catholica legi consuaverunt, et in veteri vulgata latina editione habentur, pro sacris et canonicis non susceperit et traditiones prædictas sciens et prudens contempserit ; anatbema sit. Omnes itaque intelligant, quo ordine et via ipsa synodus, post jactum fidei confessionis fundamentum, sit progressura, et quibus potissimum testimoniis ac præsidiis in confirmandis dogmatibus, et instaurandis in Ecclesia moribus, sit usura. Sess. IVe

Le très saint concile de Trente œcuménique et général, légitimement assemblé sous la enduite du Saint-Esprit, les trois mêmes légats du siège apostolique y présidant, ayant toujours devant les yeux de conserver dans l’Église, en détruisant toutes les erreurs, la pureté même de l’Évangile, ce qui, après avoir été promis auparavant par les prophètes dans les saintes Écritures, a été ensuite publié premièrement par la bouche même de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Fils de Dieu, et puis par ses apôtres à qui il a ordonné de l’annoncer à toute créature comme la source de toute vérité qui regarde le salut, et du bon règlement des mœurs ; et considérant que cette vérité et cette règle morale sont contenues dans les livres écrits et dans les traditions non écrites… ; suivant l’exemple des Pères orthodoxes, reçoit et vénère avec un égal sentiment de piété et un égal respect tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, puisque l’unique Dieu est l’auteur de l’un et de l’autre, aussi bien que les traditions elles-mêmes. Mais pour que personne ne puisse douter quels sont les Livres saints que le concile lui-même reçoit, il a pensé qu’il fallait joindre à ce décret le catalogue de ces livres. Or ce sont les suivants : De l’Ancien Testament, les cinq livres de Moïse, à savoir, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome ; les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois, les deux des Paralipomènes, le premier d’Esdras, et le second qui est dit de Néhémie ; Tobie, Judith, Esther, Job, le Psautier davidique qui contient cent cinquante psaumes, les Paraboles, L’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Isaïe, Jérémie avec Baruch, Ezéchiel, Daniel ; les douze petits prophètes, à savoir, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie ; deux livres des Machabées, le premier et le second. Du Nouveau Testament, les quatre Evangiles, selon Matthieu, Marc, Luc et Jean ; les Actes des apôtres, écrits par l'évangéliste Luc ; les quatorze Epitres de l’apôtre Paul, aux Romains, deux aux Corinthiens, aux Galates, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, deux à Timothée, à Tite, à Philémon, aux Hébreux ; deux de l’apôtre Pierre, trois de l’apôtre Jean, une de l’apôtre Jacques, une de l’apôtre Jude et l’Apocalypse de l’apôtre Jean. Si quelqu’un ne reçoit pas pour sacrés et canoniques ces mêmes livres en entier avec toutes leurs parties, tels qu’on a coutume de les lire dans l’Église catholique et tels qu’ils sont dans l’ancienne édition latine de la Vulgate, ou méprise avec connaissance er de propos délibéré les traditions dont il a été parlé, qu’il soit anathème. Que tous sachent donc dans quel ordre et par quelle voie le concile lui-même, après avoir établi le fondement de la confession de foi, doit procéder, et de quels témoignages et secours il doit particulièrement se servir pour confirmer les dogmes et restaurer les mœurs dans l’Eglise.

II. COMMENTAIRE.

Occasion du décret.

Ce furent les erreurs protestantes qui provoquèrent la réunion du concile de Trente et l'élaboration, dans l’assemblée conciliaire, du décret qui nous occupe. Les protestants, exaltant l’Ecriture, faisaient d’elle l’unique règle de la foi et méconnaissaient les traditions apostoliques et l’autorité même de l'Église. D’autre part, les premiers réformateurs refusaient d’admettre les livres deutérocanoniques de la Bible. En 1519. à Leipzig, dans sa controverse avec Jean Eck, Luther rejetait l’autorité de II Mach., xii, 44, au sujet du purgatoire, parce que ce livre des Machabées n’est pas dans le canon ; il écartait aussi l'Épitre de saint Jacques, parce qu’elle n’est pas d’accord avec saint Paul sur la foi justifiante ; il n’acceptait pas non plus son témoignage en faveur de l’extréme-onction. Carlstadt défendit contre Luther les deutérocanoniques du Nouveau Testament. Dans les préfaces de son Nouveau Testament, imprimé en 1522 Luther écartait l’Epitre aux Hébreux, celles de Jacques et de Jude, et l’Apocalypse. Ce n'étaient pas des livres principaux du Nouveau Testament, qui devaient poser le fondement de la foi. Leurs auteurs n'étaient pas des apôtres. La lettre de saint Jacques est une

« épître de paille » ; elle n’a pas la manière de l’Evangile.

L’esprit de Luther ne peut s’accommoder de l’Apocalypse, où le Christ n’est ni honoré ni connu : S. Berger, La Bible au XVIe siècle, Paris. 1879, p. 86107. Luther traitait plus mal encore les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, p. 360-352. Melanchthon n’attachait qu’une moindre importance aux deutérocanoniques du Nouveau Testament ; Brentz les mettait au méme rang que les apocryphes de l’Ancien ; Flacius les déclarait douteux, alors que ceux de l’Ancien Testament 1595 CANON DES LIVRES SAINTS 4596

étaient pour lui apocryphes et sans autorité. Reuss, op. cit., p. 351-356. Zwingle rejetait les uns et les autres. S. Berger, op. cit., p. 107-109. Le concile de Trente avait à se prononcer sur les erreurs des protagonistes de la Réforme. Or, quatre articles, extraits des œuvres de Luther, ont servi de base aux discussions préalables à la IVe session. Les deux premiers, concernant l’Ecriture, seule règle de la foi, et les livres deutérocanoniques, ont été condamnés par le décret De canunicis Scripturis. Sarpi, Hist. du concile ds Trente, 1. II, n. 43 ; Le Plat, Monumenta ad hist. conc. Tridents Louvain, t. iii, p. 386. Le concile avait donc à décider d’abord qu’elles étaient réellement les sources de la révélation, et il affirma que les vérités révélées se trouvent dans les traditions aussi bien que dans les Ecritures. Voir Tradition. Il devait déclarer quels livres rentraient dans le corps des Écritures et avaient une pleine autorité pour établir le dogme et la morale, et il adjoignit au décret un catalogue des Ecritures canoniques. Il avait enfin à définir que les traditions et les Écritures dans leur intégrité devaient être envisagées comme la règle objective de la foi et des mœurs, et il le fit en terminant son décret par une définition solennelle avec anathème contre les contradicteurs.

Nature et critérium de la canonicité des Écritures.

Dès le début de ses délibérations, le saint concile, légitimement assemblé sous la conduite du Saint-Esprit et présidé par trois légats du siège apostolique, résolut de déclarer sur quelles autorités il s’appuyerait pour affirmer les dogmes et condamner les hérésies. C’est pourquoi à la congrégation générale du 8 février 1546, on proposa de définir quels Livres saints étaient reçus dans l’Eglise. Theiner, Acta genuina ss. œcum. conc. Trident., in-4°, Agram, s. d. (1874), t. i, p. 49. Le concile entendait donc, en définissant la canonicité des Livres saints, déterminer le principe régulateur de la foi. Severolo, Diarium, dans Merkle, Concilium Tridenlinum, Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. i, p. 28-29 ; Massarelli, Diarium II, III ibid., p. 434-473. D’ailleurs, le but, la teneur et la dernière clause du décret le montrent bien. Dans les congrégations particulières ou commissions, on examina, le 11 février, la manière dont on recevrait les Livres saints : serait-ce purement et simplement, ou en faisant étudier au préalable la question du canon par les théologiens en vue de résoudre les objections des adversaires ? Dans la 2e commission, présidée par le cardinal de Sainte-Croix, plus tard Marcel II, les avis furent partagés. Les uns voulaient qu’on étudiât les preuves de la canonicité des deutérocanoniques, non sans doute parce qu’on doutait de leur canonicité, mais plutôt parce qu’on voulait par là affermir la foi des simples et des ignorants. La majorité fut d’avis qu’on reçût les Livres saints purement et simplement. On ne revient pas sur les choses décidées et on peut renvoyer aux ouvrages des théologiens, de Jean Cochlée en particulier, pour justifier la canonicité des livres contestés. Theiner, op. cit., t. i, p. 49-51 ; Merkle, loc.cit., p. 30, 434, 478. A la congrégation générale du lendemain, le cardinal del Monte résuma les conclusions des congrégations particulières. Le concile reconnaissait deux sources de la révélation, l’Ecriture et les traditions, et admettait, comme le concile de Florence, tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Après discussion, on fut unanimement d’avis de les recevoir purement et simplement, mais les divergences s’accentuèrent au sujet de savoir si on exposerait les preuves de la canonicité ; on ne put conclure et on renvoya la solution de cette question à la congrégation suivante. Elle eut lieu le 15 février. 16 Pères se prononcèrent pour l’indication des arguments favorables à la canonicité ; 24 furent pour leur omission. La majorité décida ainsi que les Livres saints seraient reçus sans examen ni discussion de preuves, mais par une simple énumération, comme avait fait le concile de Florence. Theiner, op. cit., t. I, p. 51-53 ; Merkle, loc. cit., p. 30-32, 434-435, 478-480. Les théologiens du concile, consultés à ce sujet le 28 février, émirent, eux aussi, des avis différents, qui n’influèrent pas sur la chose déjà jugée. Theiner, p. 54. Le concile se bornait donc à affirmer la foi de l’Église touchant l’autorité canonique des Livres saints ; il s’appuyait sur les décisions ecclésiastiques, rappelées par le cardinal de Sainte-Croix, et il suivait l’exemple des Pères orthodoxes ; aussi laissait-il aux théologiens le soin de justifier cette autorité contre les attaques des protestants.

Égale autorité reconnue à tous les livres canoniques.

Cependant, au cours des discussions, quelques Pères proposèrent d’établir une distinction entre les Livres saints. Le 11 février, à la seconde commission, l’évêque de Fano et le général des augustins opinèrent qu’il fallait distinguer les livres authentiques et canoniques, dont notre foi dépend, des livres simplement canoniques, bons pour l’enseignement et utiles à lire dans les églises. Cette distinction avait été faite autrefois par les Pères de l’Église, entre autres par saint Jérôme dans le Prologus galeatus. Mais cette distinction ne fut approuvée par aucun autre membre. A la congrégation générale du lendemain, le cardinal de Sainte-Croix exposa la distinction proposée dans la commission qu’il présidait. Il plaçait les Proverbes dans la seconde catégorie, La distinction résulterait du contenu des livres ; elle serait d’ailleurs très difficile à établir, n’ayant pas encore été fixée par l’Église, quoique saint Jérôme et saint Augustin en aient parlé. Le cardinal de Jæn s’y opposa. L’évêque de Fano concéda que, si elle était utile, elle n’était pas nécessaire. La majorité fut d’avis qu’il fallait l’omettre. La question ne serait pas tranchée ; elle serait laissée en l’état où les Pères l’avaient laissée. On approuverait les Livres saints sans distinction comme la tradition l’avait fait, et le général des servîtes ajoutait cette raison, que le concile ne voulait pas juger des choses sur lesquelles saint Jérôme et saint Augustin avaient été en désaccord. Theiner, op. cit., 1. 1, p. 51-52 ; Merkle, loc. cit., p. 30, 31, 32. Cette distinction, dans la pensée de beaucoup, portait non pas sur l’autorité canonique des Livres saints, mais plutôt sur la diversité de leur contenu. C’est pourquoi le livre des Proverbes était placé par le cardinal de Sainte-Croix dans la seconde catégorie. La diversité d’autorité canonique vint bientôt se greffer sur cette différence intrinsèque. A la congrégation générale du 15 février, on eut à examiner an aequaliter et pari reverentia omnes libri sacri recipiendi essent cum inter alios magna sit différentia. La majorité approuva leur réception pari pietatis affectu ; mais aucune décision ne fut prise. Theiner, p. 53 ; Merkle, p. 481. Aux congrégations particulières du 18 et du 23 février, on s’occupa spécialement des traditions, et on résolut de ne porter qu’un seul décret pour elles et pour les Ecritures. A la congrégation générale du 20 février, on désigna les députés qui rédigeraient ce décret. Le 22 mars, le projet de rédaction fut remis aux Pères du concile pour être examiné le lendemain dans les commissions. Theiner, p. 66 ; Merkle, p. 33-35, 435, 483-485, 490-493, 496-497. Le procès-verbal nous renseigne sur les discussions de la seconde commission. L’évoque de Castellamare voudrait faire quelque différence entre les livres reçus et les livres canoniques. L’évêque de Feltre lui oppose le canon du concile de Laodicée, qui nomme canoniques tous les livres de la Bible : De son côté, le général des augustins réclame la distinction des livres sacrés et des livres canoniques. Theiner, p. 68-69 ; Merkle, p. 522, 523, 534. A la congrégation générale du 27 mars, l’évêque de Fano renouvela sa critique des expressions : pari pietatis affectu, qui furent défendues et maintenues par les autres Pères. Le cardinal de Sainte-Croix réitéra son désir de voir établir la distinction des livres dogmatiques, édifiants ou simplement historiques. L’archevêque de 1597 CANON DES LIVRES SAINTS 1598

Matera riposta aussitôt qu’il avait été décidé dans une congrégation générale qu’on omettrait à dessein d établir une différence entre les Livres saints propter hujus rei difficultatem.., hoc prsetertim tempore. Le général des augustins signalait une contradiction du décret : en approuvant les traditions apostoliques, on recevait les canons des apôtres, qui admettaient l’Ecclésiastique, non pas comme un livre canonique, mais seulement comme livre de lecture pour les jeunes gens ; d’autre part, on affirmait sa canonicité. Merkle, p. 38, 39, 40. Comme les avis étaient différents sur diverses questions, on résolut de rédiger des doutes qui seraient soumis à l’examen des Pères. Merkle, p. 40, 529, 530. Deux se rapportent à notre sujet : 7° Faut-il maintenir ou effacer les mots : pari pietatis affectu ? 13° Comme il a déjà été décidé en congrégation générale qu’on n’établirait pas de distinction entre les Livres saints et qu’on les énumérerait purement et simplement comme au concile de Florence, reviendra-t-on sur ce sujet ? Les Pères émirent leur avis sur ces doutes à la congrégation du 1 er avril. Notons les plus intéressants. Le cardinal de Trente désirerait qu’on fit la distinction des livres et qu’on établit quelque degré entre eux ; l’énumération serait faite comme au concile de Florence, sed per gradus, ut inter eos aliqua distinctio appareat. Le cardinal de Jæn estime qu’il n’y a pas à revenir sur les questions déjà tranchées. Deux ou trois Pères disent expressément qu’il ne faut établir ni distinction ni degré. Le sommaire des votes signale que la majorité s’est prononcée sur le 13° doute et a conclu qu’il n’y avait pas à revenir sur ce qui avait été décidé en congrégation générale. Theiner, p. 73-77. Elle se prononçait donc de nouveau contre toute distinction à faire entre les livres canoniques, et le projet de décret ne fut pas retouché à ce propos.

M. Loisy, Histoire du canon de l’A.T., p. 199-201, a cependant prétendu que les Pères avaient laissé dans cette congrégation générale la question libre et que plusieurs d’entre eux avaient voté contre l’admission des deutérocanoniques désignés par eux sous le nom d'apocryphes. Quoique le texte du procès-verbal, obscur par endroits, paraisse favoriser cette conclusion, l’étude attentive des Acta la rend inadmissible. L’examen du projet de décret avait, on s’en souvient, provoqué un grand nombre d’observations, qui furent résumées en 13 capita dubitationum. Or, dans la commission du 23 mars, l’évêque de Sinagaglia avait demandé que le dernier livre d’Esdras et le IIIe des Machabées soient expressément rejetés. Celui de Castellamare voulait aussi l’exclusion expresse du IIIe et du IVe livre d’Esdras et du IIIe des Machabées. A la congrégation générale du 27 mars, le même Père parlait encore du IIIe livre de Baruch (?), du IIIe et du IVe des Machabées. Theiner, p. 68, 72 ; Merkle, p. 521, 522. Ce sont évidemment ces observations qui ont donné lieu au 4e doute, exprimé en ces termes : An libri qui appellantur apocryphi, conjungi soliti in omnibus vulgatis Bibliae codicibus, cum libris sacris, sint per hoc decretum nominatim resecandi, an silentio preetereundi ? Theiner, p. 72. Le doute consistait donc à savoir si, comme dans le canon du pape Gélase, la liste des Livres sacrés contiendrait nommément ou pas les livres apocryphes qui leur sont ordinairement joints dans les manuscrits bibliques, Selon la teneur du procès-verbal, beaucoup de Pères répondent : « Que les apocryphes soient reçus ou ne soient pas reçus avec les autres livres canoniques ; qu’ils ne soient pas exclus ; qu’ils soient inscrits prout ab Ecclesia recepti sunt ou bien recipiantur ut in aliis concilius ; ou encore, de apocryhis dicatur prout in decreto. » Il semblerait bien que ces avis concernent les deutérocanoniques. Mais cette interprétation, fondée seulement sur une rédaction obscure du secrétaire ne lient pas en face d’autres sentiments, plus clairement exprimés. Beaucoup disent qu’il faut sous silence les apocryphes ; qu’il ne faut pas les rejeter spécialement, expressément. Le cardinal de Jæn, qui ne veut pas que les apocryphes soient revus au même degré que les autres livres canoniques, avait déclaré tout d’abord qu’on ne devait pas revenir sur les décisions prises. Les évêques de Sinigaglia et de Castellan peu favorables aux deutérocanoniques, disent cependant que les apocryphes soient reçus et en même temps qu’on ne fasse pas de distinction entre les Livres saints. Se contrediraient-ils donc ? Il vaut mieux interpréter les votes dans le sens indiqué par le résumé : 4l voix se sont prononcées pour que les apocryphes soient passés sous silence, 4 pour qu’ils soient désignés, 8 sont douteuses. Cette interprétation répond mieux a l’énoncé du doute posé et au résultat obtenu. Si, en effet, on acceptait l’explication de M. Loisy, il en résulterait que 41 voix ont décidé de passer sous silence dans le décret les deutérocanoniques, qui pourtant sont mentionnés. On a seulement décidé de ne pas mentionner les apocryphes, qui étaient ordinairement joints aux Livres canoniques dans les manuscrits bibliques.

Le 5 avril, le décret corrigé fut lu en congrégation générale. Le cardinal de Trente, non par esprit de contradiction, mais pour dire sa pensée, observa que, puisqu’on recevait tous les Livres saints sans tenir compte des distinctions faites par saint Augustin, saint Jérôme et les autres Pères, on plaçât au moins les livres qui avaient une autorité moindre en dernier lieu. Le livre de Tobie, que saint Jérôme rangeait parmi les apocryphes, passe dans le décret avant plusieurs autres sur lesquels il n’y a jamais eu de doutes. Le cardinal de Jæn ne désapprouvait pas cette observation. L’évêque de Castellamare exprime aussi son sentiment personnel : Dubito, dit-il. an libri Baruch et Machabæorum debeant recipi pro canonicis ; posset dici quod sunt de canone Ecclesiae. Un autre Père se rallie à cet avis. Enfin le général des carmes dit qu’il lui plairait que les Livres sacres fussent distingués des apocryphes comme saint Jérôme les distinguait. Theiner, p. Si. S.") ; Merkle, p. 45. Le lendemain, on examina une dernière fois dans les commissions les termes du décret. L’évêque de Castellamare désapprouvait les mots : pro sacris et canonicis, « à cause du livre de Judith et de quelques autres qui n’étaient pas dans le canon des Hébreux. On devrait dire qu’ils sont dans le canon de l’Église. » Le président lui répliqua : « Bien que vous disiez vrai, nous suivons le canon de l’Église et non le canon des Hébreux ; si donc nous employons le mot « canonique » , nous l’entendons du canon de l’Église. » Theiner, p. 86. A la session solennelle du 8 avril, le décret, qui avait été approuvé la veille, fut promulgué dans sa teneur actuelle. L’évêque de Fiésole renouvela encore la protestation qu’il avait faite en congrégation générale. Malgré les réclamations constantes de quelques Pères, le concile proclamait sacrés et canoniques, sans faire aucune différence entre eux. les protocanoniques et les deutérocanoniques. Non seulement il les mélanges comme l’avaient fait les documents antérieurs ; il affirme encore que l’Église les reçoit avec un égal respect.

Tous les théologiens ont reconnu dès lors que les deutérocanoniques ne diffèrent pas des protocanoniques au point de vue de la canonicité. Les uns et les autres sont sacrés, c’est-à-dire inspirés ; ils sont aussi canoniques et capables de fournir des témoignages en faveur des dogmes ; ils sont également pour leur part la règle de la foi et des mœurs. Cf. Melchior Cano, De locis theologicis t, I. II, c. XI, dans Cursus completus theol., de Migne. t. i. col. 124 ; Bellarmin, De verbe Dei, I. I. c. iv. x. Controv. , Milan. 1721, t. i. p. 10, 32 ; Sixte de Sienne. Bibliotheca sancta, Venise. 1556, t. i. p. 9 ; Stapleton Controv., v. q. ii. a. 3. Anvers. 1596, p. 510 : F. Sonnius, De verbo Dei, c. xiii. dans Demonstr. relig. christ., 1599 CANON DES LIVRES SAINTS 1600

Cologne, 1563, p. 14 ; Hosius, Confutatio prolegomenon Brentii, 1. III, Opera, Paris, 1562, p. 190 ; Léonard Le Coq, Examen præfationis monitoriae Jacobi 1, p. 197 ; Alphonse de Castro, Adversus hæreses, 1. I, c. il, 1534, p. v-vii ; A. Duval, Tract. de fide, q. I, c. ii, a. 5 ; c. iii, a. 1, Paris, 1656. etc. Seuls Bernard Lamy et Jahn ont fait quelque différence. Lamy, Apparatus biblicus, 1. II, c. v, 1723, p. 238-241, affirme seulement en passant que les deutérocanoniques, bien que réunis aux protocanoniques dans le décret du concile de Trente, ne sont pas de la même autorité. Jahn, Einleitung, 2e édit., t. i. p. 240, est plus explicite et prétend, d’après les déclarations des Pères de Trente, que la différence entre les protocanoniques et les deutérocanoniques n’a pas été enlevée et ne pouvait l’être. M. Loisy, qui cite ces deux écrivains, Hist. du canon de l’A. T., p. 232-231, soutient ce sentiment, p. 212-215, 235-241. Il admet, au moins, que tous les livres de l’Ecriture ne sont pas égaux en valeur et en autorité ; toutefois l’inégalité résulte non pas d’une différence intrinsèque et essentielle entre les protocanoniques et les deutérocanoniques au point de vue de la canonicité, les uns et les autres étant inspirés et canoniques au même titre, mais bien de leur contenu, qui de sa nature propre a un rapport plus ou moins direct avec le dogme et la morale. Or cette différence de contenu existe dans les protocanoniques autant que dans les deutérocanoniques. Elle concerne d’ailleurs plutôt les effets de l’inspiration dans les Livres saints que leur canonicité, celle-ci ne changeant rien à la nature des enseignements des livres canoniques. Voir Inspiration. Cf. Franzelin, Traclatus de divina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, p. 402-407 ; Bulletin critique, du 15 mars 1892, p. 104-105 ; Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 394-399.

Intégrité de la canonicité.

Le concile de Trente oblige non seulement à recevoir tous les Livres saints pari pietatis affectu ; il oblige encore à les recevoir ipsos integros cum omnibus suis partibus. —

1. Elaboration de la formule conciliaire.

Ces mots et ceux qui les expliquent ne se trouvaient pas dans le projet de décret distribué aux Pères le 22 mars. Ce projet se terminait ainsi : Si quis auteni libros ipsos et prædictas traditiones violaverit, anathema sit. Theiner, t. i, p. 66. On en lit l’examen à la congrégation générale du 27 mars. Le cardinal Pacheco, évêque de Jæn, demanda que certaines particules des Évangiles de saint Luc et de saint Jean, contestées non seulement par les protestants, mais même par des catholiques, fussent expressément mentionnées. Il visait évidemment la mention de la sueur de sang, Luc, XXII, 43-44, et l’épisode de la femme adultère, Joa., vii, 53-viii, 13, dont Érasme avait nié l’authenticité. Un des rédacteurs du projet, l’archevêque de Matera, répondit qu’on avait décidé d’imiter le concile de Florence, qui ne les mentionne pas, et on n’avait pas voulu non plus donner aux faibles, qui ignoraient ces discussions, occasion de scandale. On pourrait d’ailleurs faire un décret particulier sur ces passages. Theiner, p. 71 ; Merkle, p. 38. L’avis de Pacheco donna occasion de rédiger deux questions qui furent remises à tous les membres du concile le 28 mars : « Comme quelques-uns ont contesté des particules des Évangiles, à savoir le dernier chapitre de Marc, le xxiie chapitre de Luc et le viiie de Jean, faut-il, dans le décret de réception des Évangiles, citer nommément ces parties et ordonner de les recevoir avec le reste ? Ou bien, faut-il, pour assurer le même résultat, exprimer dans le décret même le nombre des chapitres des Évangiles ? » Theiner, p. 72. Cette rédaction imparfaite supposait que les pas indiqués formaient chacun un chapitre distinct à tel point que l’indication du nombre des chapitres aurait suffi à affirmer expressément que l’Église les recevait. A la congrégation du 1er avril, chaque Père exprima son sentiment. Les avis furent assez divergents. Trois voix seulement demandèrent qu’on indiquât le nombre des chapitres ; quarante-trois furent pour la négative, et six votes demeurèrent douteux. Dix-sept se prononcèrent pour la mention expresse des fragments ; trente-quatre y furent opposés. Quelques Pères demandèrent un décret particulier, ou au moins une mention dans les Actes du concile. Theiner, p. 73-77. Toutefois le texte du projet fut retouché. On ajouta une formule suggérée par l’évêque d’Ascoli, p. 74, à savoir : Evangelia prout in ecclesia leguntur. Mais à la congrégation générale du 5 avril, le cardinal de Trente fit judicieusement remarquer que cette formule avait l’inconvénient de paraître restreindre l’acceptation des Évangiles aux seules parties lues dans les églises. Plusieurs Pères approuvèrent cette observation. L’évêque de Lanciano proposa cette variante : prout in Ecclesia acceptantur. Theiner, p. 84 ; Merkle, p. 45. Le décret fut de nouveau corrigé et soumis aux commissions. Il contenait donc cette finale : Si quis libros ipsos, prout in vulgata editione habentur… Theiner, p. 86. Nous manquons de renseignements sur la suite des débats, et quand le texte est présenté à l’approbation définitive des Pères, cette formule est développée dans la teneur officielle : Si guis autem libros ipsos integros cum omnibus suis partibus, prout in Ecclesia catholica legi consueverunt et in veteri Vulgata latina editione habentur, pro sacris et canonicis non susceperit… Cette rédaction affirmait la canonicité, non plus seulement des passages des Évangiles dont il avait d’abord été question, mais de tous les Livres saints en entier avec toutes leurs parties. Elle exposait aussi la règle suivant laquelle on devait les accepter pour sacrés et canoniques. Cette règle était la conduite de l’Église catholique qui les lisait, el leur présence dans l’ancienne Vulgate latine dont l’Église romaine se servait depuis des siècles.

2. Parties des Livres saints dont la canonicité est définie. —

L’interprétation de la formule officielle du décret a été diversement donnée par les théologiens. —
a) Le cardinal Franzelin, Tract, de divina traditione et Scriptura, 3° édit., Rome, 1882, p. 525-526, parle des théologiens anciens qui prétendaient qu’en vertu du décret de Trente, toutes les phrases et toutes les assertions de la Vulgate latine sans exception appartenaient à l’Écriture et étaient canoniques. C’étaient les partisans de l’authenticité absolue de cette version. Cf. p. 553. Ils se rencontraient surtout en Espagne. Basile Ponce, Quæst. expositivœ, publiées en 1600, disait que c’était le sentiment commun de son temps. Migne, Cursus completus Script, sac, t. i, col. 880. Cf. Jean de Saint-Thomas, In IIam IIae, disp. III, a. 3. Mariana, Dissert, pro editione Vulgata, c. XXII, dans Migne, Cursus completus Script, sac, t. I, col. 675, nous apprend que les théologiens espagnols appuyaient leur sentiment sur de nouvelles interprétations des décrets du concile de Trente. Il fait évidemment allusion à la célèbre déclaration faite par la S. C. du Concile, le 17 janvier 1576. On ne peut plus douter de son authenticité, depuis que M. Batiffol, La Vaticane de Paul III à Paul V, Paris, 1890, p. 73, l’a retrouvée dans un commentaire des canons du concile par le cardinal Carafa. Il y explique ainsi les mots cum omnibus partibus : Propter hujus-modi verba S. C. Concilii censuit incurri in pomas vel si sola periodus, clausula, membrum, dictio, syllaba, iotave unum quod repugnat Vulgatae editioni immutatur… Cf. Vacant, Études théologiques, t. I, p. 135-456. Cette interprétation est depuis longtemps abandonnée. Voir Vulgate. —
b) Le cardinal Bellarmin, De verbo Dei, I. I, c. vii, ix, xvi, prit comme moyen de détermination des parties canoniques la lecture dans les offices liturgiques. Il prouve ainsi la canonicité des Sept derniers chapitres d’Esther, des passages deutérocanoniques de Daniel, de la finale de Marc, du récit de la femme adultère et du verset des trois témoins célestes. llîOl

CANON DES LIVRES SAINTS

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Cf. lettre à Sirlet, publiée par Uatiflbl, La Vatleane, p. 32-33. La formule prout m ecclesia leguntw laquelle il s’appuie, avait été proposée au concile par le cardinal Madruce ; mais elle a été justement remplacée p ir une formule plus complète et plus explicite. — c Le cardinal Franzelin expose, op. cit., p. 526-527, el réfute,

p. 533-535, Il pinion plus récente et, à sou sens, trop

C’est celle du P. Charles Vercellone, barnabite, Sulla authenticilà délie singole parti délia Biblia VoU 66 ; trad. franc., dans la Revue callwlique de Louvain, 1866, 1867, p. 641 sq., 685 Bq., 1-1 i. Selon lui, la distinction entre les textes dogmatiqui li t< xtes non dogmatiques, vraie en soi et établie par l>- concile de l’imte au sujet de l’interprétation de l’Écriture, n’a pas été faite par lui à propos de la canonicité (1rs Livres saints. Le décret De cationicis Scripturis ne la suppose ni dans sa teneur ni dans son but, qui était seulement de déterminer les fondements de la foi et les sources de la révélation. Cette distinction n’est pas même possible, lorsqu’il s’agitde fixer l’étendue de l’authenticité de la Vulgate, car cette version reproduit la substance du texte original dans toutes ses parties sans distinction de parties dogmatiques ou non dogmatiques. Quant aux partes, dont parle le concile de Trente, ce ne sont pas, disait Vercellone, les passages deutérocanoniques du Nouveau Testament, mais ceux de l’Ancien, qui étaient alors contestés par les protestants. Les passages deutérocanoniques du Nouveau Testament étaient sans doute authentiques au point de vue critique ; mais leur canonicité n’a pas été définie par le concile de Trente, et on pourrait la nier sans être hérétique. Les Actes du concile de Trente montrent clairement que cette assemblée, qui n’a pas parlé des parties deutérocanoniques de l’Ancien Testament, visait au contraire certains passages du Nouveau contestés par les catholiques aussi bien que par les protestants. L’opinion du P. Vercellone ne peut donc se soutenir, au moins sur ce point particulier. — d) Le futur cardinal Franzelin concédait que tous les passages de la Vulgate n’étaient pas reconnus par le concile de Trente comme étant certainement canoniques, puisque le concile connaissait les imperfections de la Vulgate et en ordonnait une correction. S’appuyant sur le Lut du concile, qui était de déterminer à quelles sources il puiserait les dogmes qu’il voulait définir, le célèbre théologien romain estimait que les parties de la Vulgate, qui étaient déclarées canoniques, étaient seulement les passages dogmatiques, c’est-à-dire ceux qui affirment une vérité dogmatique ou morale. Le décret de Trente obligerait, sous peine d’anathéine, à regarder comme certainement canoniques tous les passages directement dogmatiques ; il n’obligerait pas à recevoir à ce litre bs passages qui affirment des faits historiques et qui n’ont qu’un rapport indirect avec le dogme et la morale. La canonicité de ces derniers passages n’est pas déterminée par voie d’autorité ; sa détermination est du ressort de la critique. Tract, de div. traditione et Scriptura,

  • " édit.. Rome, 1882, p. 527-540. Cf. Mazzella, De

virintibiis infusis, p. 562-561 ; Corluy, dans La controverse, 15 mai 1885, p, 55-63 ; Cornely, Introductio generai

    • , 2 1’édit., Paris, 1894, p. 173. Lien que le concile

de Trente, dans son décret, se proposât de déterminer quelles étaient les sources de la révélation, il ne voulait

pas, en parlant de l’intégrité de la canonicité des Livres saints, restreindre les parties canoniques aux passages

directement domatiques. Il s’était, en effet, préoccupé

des passages contestés des Évangiles, qui ne sont pas directement dogmatiques. Il ordonne, d’ailleurs, de

recevoir tons les livres énumérés dans leur entier, quel qu’en soit le caractère, el s’il ajoute qu’on doil aussi

recevoir toutes leurs parties, il l’entend de tous 1rs

passages, qui sont lus dans l’Église catholique et qui se trouvent dans la Vulgate. — e) Le chanoine Jules Didiol,

ayant étudié les Actes du concile de Trente, fixe plus

ints dont la canoni cité est définie par le concile de Trente. Il n’admet au cunedeopinionprécédentes. Il estime qi nie :

. um vtit partit » ’presque

1 1 répétition de libros ipso » integros. Eli m ment les 1 contes ! s, dont il avail été question

au concile ; mais elle va plus loin et atteint les li tout entiers et tout s leurparties. Il ne s’agit ni d’un mot, ni d’un membre de phrase, a moins qu’il ne soit essentiel, ni même d’une phrase courte et peu importante, mais peut-être d’une phrase longue et importante, et certainement du récit d’un fait, de l’exposé d’une doctrine, de l’énoncé d’un précepte. Une partie de livre, c’est encore, si l’on veul, un alinéa, un p graphe, un article, un chapitre ; c’est une ode ou un chant ; c’est une strophe peut-être dans une pièce lyrique. Ces parties canoniques sont celles di I saints tels qu’ils sont lus dans l’Église et tels qu’ils se trouvent dans la Vulgate. Commentaire théologique de la I V* session du concile de Trente, danla Heine des sciences ecclésiastiques, mai et juin h v 190-492 ; Logique surnaturelle subjective, Paris et Lille, 1891, p. 124-133 ; Traité de are,

Paris et Lille, 1894, p. 186-187. M. Vacant. El t/iéologiquet, t. 1, p. 409-423, a approuvé cette interprétation ; mais il l’a développée, en insistant sur les deux règles que le concile a ajoutées pour déterminer l’intégrité de la canonicité des Livn Ces livres,

en effet, doivent être reçus pour sa< moniques

dans leur entier et avec toutes leurs parties, prout in Ecclesia catholica legi consueverunt et in veteri Vulgata latina éditions habentur. Ces règles, fondées sur l’autorité de la pratique et de la croyance communes de l’Église, étaient, dans la pensée du concile, identiques et toujours d’accord. La première est tirée de la pratique et de la croyance communes en vigueur dans l’Eglise catholique depuis un assez long temps ; la seconde l’est de la présence des Livres saints et de leurs parties dans la vieille Vulgate latine. Elles n’obligent de recevoir les parties des Livres saints en usage dans l’Église que dans la mesure où la croyance commune est favorable à leur canonicité. Elles visent l’ensemble des Livres saints et chacune de leurs parties un peu notables. Les passages deutérocanoniques sont certainement du nombre des parties déclarées canoniques. Toutefois, parce que le concile n’a pas voulu parler du seul l’ait matériel de l’usage des Livres saints dans Limais de la pratique et de la croyance réunies. li. Vacant pense que le concile n’a pas expressément défini li canonicité des passages deutérocanoniques de la Bible, et qu’il l’a simplement affirmée sans en faire un dogme de foi. Selon lui, le concile a imposé de recevoir comme certainement canoniques les parties îles Livres saints communément admises sans la moindre h tion, et il a prescrit seulement de recevoir les autres comme plus probablement canoniques. « Touh parties de l’Ecriture, en faveur desquelles il y a accord unanime dans l’Église, s’imposent donc à notre foi ; celles pour lesquelles cet accord n’existe pas (et il en est ainsi de quelques passages deutérocanoniques…), méritent d’autant plus de respect que la pratique et la croyance des Églises, et en particulier de l’Église romaine, leur sont plus favorabl -t-. p. 48I Quant aux passages deutérocanoniques, on est tenu de les accepter dans la mesure suivant laquelle ils ont i té

communément reçus dans l’Église catholique. Cependant, s’il n’est pas de foi qu’ils soient eanoniques.il est théologiquement plus sur de les n mine par ties intégrantes de l’Écriture, puis, pie la pratique de

Il..lise leur est favorable. Il y aurait même

ter une témérité plus ou moins grande, suivant leur

importance et la faiblesse des difficultés qu’a soué

et que soulève leur authenticité. Cf. Loisy, Histoire du canon du N. T., p. 260-263.

5° L’authenticité des Livres saints rentre-t-elle dans l’objet de la définition du concile ? — Non ; elle est seulement affirmée comme une vérité que les Pères estimaient certaine. Voir t. i, col. 2592-2593. Cf. Loisy, Histoire du cation du N. T., p. 250-260.

Caractère dogmatique du décret.

Porté par un concile, légitimement assemblé sous la présidence des légats du siège apostolique et confirmé plus tard par le pape Pie IV, le décret De canonicis Scripturis remplit toutes les conditions requises pour obliger en conscience tous les fidèles. D’autre part, il est terminé par une définition de foi ou anatbème qui concerne les traditions et les Livres saints. Tandis que les décrets antérieurs des papes ou des conciles, qui dressaient la liste des livres canoniques reçus par l’Église, affirmaient seulement la canonicité de ces livres, sans en faire une vérité de foi catholique, le concile de Trente définit, lui, comme de foi catholique, que tous les livres, dont il a rédigé le catalogue, sont sacrés, c’est-à-dire inspirés, et canoniques, c’est-à-dire du nombre de ceux que l’Église reçoit comme règle de la foi et des mœurs. Il avait à se prononcer de manière à ne laisser aucun doute sur les sources de la révélation ; aussi, dès la congrégation générale du 15 février 1546, la majorité décida d’ajouter un anathème au futur décret De canonicis Scripturis. Thciner, op. cit., t. i, p. 53. Cependant, plus tard, quand on discuta la première rédaction du texte, le général des ermites de Saint-Augustin, voulant imiter les conciles et les canons antérieurs qui n’ont pas d’anathème, en demanda la suppression. Jbid., p. 69. Aussi le neuvième des doutes, examiné le I e1’avril, demandait si l’anathème décidé déjà en principe devait porter sur les traditions et les Livres saints tous ensemble ou sur ces livres seulement, lbid., p. 73. L’anathème fut maintenu par la majorité pour les deux points, lbid., p. 77. Nier que tous ces livres soient sacrés et canoniques fut donc dès lors, non plus une erreur, mais une hérésie. Aussi aucun théologien n’a suivi le sentiment de Melchior Cano, De locis theol., 1. II, c. IX, Cursus completus tlieologix de Migne, t. i, col. 104-105, qui regardait la négation de la canonicité de Baruch et des autres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, non comme une hérésie, mais comme une erreur qui touche à l’hérésie. Toutefois, M. Chauvin, distinguant l’inspiration des Livres saints, qui est un fait divin, de leur canonicité. qui repose sur un fait historique, à savoir sur le jugement implicite ou explicite de l’Église constatant, avec l’assistance du Saint-Esprit, que les Livres saints ont été inspirés, a prétendu que la canonicité n’était pas de foi divine et catholique. Le fait de la reconnaissance officielle de l’inspiration des Livres saints par l’Église n’appartient pas à la révélation divine, ni par conséquent à l’objet même de la foi. C’est un fait dogmatique qui est du ressort de l’histoire ecclésiastique. Quand l’historien a constaté la déclaration de l’Église, conférant aux Livres saints la canonicité, le fidèle doit admettre cette canonicité. Il serait hérétique s’il niait l’inspiration des livres canoniques que supporte et qu’affirme leur canonicité ; mais s’il niait seulement leur canonicité, il ne serai) pas, de ce chef, hérétique ; il serait plutôt suspect d’hérésie, car on serait en droit de soupçonner qu’il nie ou l’inspiration du livre déclaré canonique ou l’infaillibilité de l’Église le déclarant canonique. Leçons d’introduction générale, Paris, s. d. 1898), p. 71 ! -71. Cette distinction est juste dans l’abstrait,

maia elle ne répond pas a la pensée des Pères du concile de Trente Ils ne voulaient pas définir le fait de la reconnaissance officielle de l’inspiration par l’Église ; ils accomplissaient ce fait. L’objet de leur définition, M. Chauvin ne l’ignore pas, op. cit., p. 152, était de déterminer quelles étaient les sources de la révélation.

Or ces sources de la révélation font certainement partie elles-mêmes de l’objet de la révélation et appartiennent ainsi à la foi divine. Elles peuvent par conséquent devenir par la définition de l’Église objet de la foi catholique, et elles le sont devenues par la définition du concile de Trente. Il y aurait donc péché d’hérésie à nier que les Livres saints soient tous et en entier canoniques, c’est-à-dire règle de la foi et des mœurs. Sans doute, pour dresser la liste complète des Livres saints, le concile de Trente s’est appuyé sur la pratique de l’Église catholique, pratique qui est infaillible ; il ne s’est pas fondé sur la critique historique, dont les principes ne font pas partie de la révélation. S’il l’avait fait, il n’aurait pas donné une définition dogmatique. Le théologien et le fidèle peuvent se servir et se servent de la critique historique pour constater le fait de la réception des Livres saints par l’Église. Mais ce n’est pas à cause des conclusions de la critique historique, c’est uniquement à cause du témoignage de Dieu et de l’Église, que les Livres saints sont l’objet de notre foi. Le concile de Trente entendait promulguer une définition dogmatique, puisqu’il porte anathème contre ceux qui ne recevraient pas les Livres saints comme sacrés et canoniques.

111. CONFIRMATION DU DÉCRET DU CONCILE DE TRENTE PAR LE CONCILE DU VATICAN ET PAR LÉON NUI. — 1° Le

concile du Vatican dans sa IIIe session, tenue le 27 avril 1870, a confirmé le décret de Trente sur les sources de la

révélation.

Hœc porro supernjturalis

revelatio, secundum universels

lisEcclesiœfidem a sancta Tri dentina synodo declaratam,

continetur in libris scriptis

et sine scripto traditionibus.

Qui quidem Veteris et Novi

Testamenti libri integri cum

omnibus suis partibus, prout

in ejusdem concilii décréta re censentw, et in veteri Vulgata

latina editione habentur, pro

sacris et canonicis suscipiendi

sunt… Const. Dei Filius, c. il.

Si quis sacrx Scriptnra*

librus integros cum. omnibus

suis partibus, prout Mus

sancta Tridentina synodus

recensuit, pro sacris et cano nicis non susceperit…, ana thenia sit. Can. 4.

Selon la foi de l’Église universelle affirmée par le saint concile île Trente, cette révélation surnaturelle est contenue dans les

livres des Écritures et sans

écriture dans les traditions…

Pour ces livres de L’Ancien i

du Nouveau Testament, ils

doivent être reçus comme sacrés

et canoniques en entier avec

toutes leurs parties tels qu’ils sont énumérés dans le décret

du concile de Trente et contenus dans l’ancienne édition Vulyule

latine.

Anathème à qui ne recevrai !

pas pour sacrés et canoniques

les livres de la sainte Écriture

en entier avec i oui es leurs] arties

ce io le saint concile de Trente

les a énumérés…

Dans ce canon, le concile du Vatican renouvelle donc l’anathème porté à Trente contre quiconque refuserait de reconnaître les livres de la Bible pour sacrés et canoniques. Au c. Il de la Constitution, il se réfère au catalogue des Livres saints dressé par le concile précédent, A la congrégation générale du 4 avril, Mï’Casser expose, au nom de la députation de la foi, le but de la définition : « Nous déclarons quels sont les livres sacrés ou canoniques : ce sont nommément ceux qui sont énumérés dans le décret du concile de Trente sur les Écritures canoniques ; et quant à ces livres considérés en eux-mêmes, ce sont ceux que la Vulgate latine contient en entier avec toutes leurs parties, o Collectio Lacensis, Pribourg-en-Brisgau, 1890, t. vii, col. 138. Min d’enlever toute espèce de doute au sujet de quelques versets, qui ne sont pas dans certains manuscrits 1res anciens et Ire,

lions de la Vulgate, mais qui se li veiil dans l’édition

Clémentine de celle version, un l’ère avait pro]

modification du texte : et m Vulgata editione Clemenhs VI II auctoritate promulgata habentur. lbid., col. I i I-I i. Mb’(lasser lii observer que ce1 amendement ne pouvait être admis., n effet, la Vulgate décl irée authentique par le concile de Trente diffère de l’édition corrigée 1605

CANON DES LIVRES SAINTS - CANONS DES APOTRES

publiée par Clément VIII, qui n’eat pai parfaite el laquelle on s laissé des butes. Le décret tut voû dans le sens indiqué par M 1, Gasser. Le concile du Vatican s’est donc borné à renouveler la définition de Trente. Il a cependant expressément défini l’inspiration des Livres saints et indiqué la nature de cette inspiration. Voir Inspiration.

2° li.nis son encyclique Providentitsimva Detu du 18 novembre 1893, Léon XIII ne s’est pas content de rappeler la doctrine définie par les conciles de Trente et du Vatican sur la canonicité et l’inspiration des Livres saints ; il a encore affirmé que l’autorité complète de la sainte I. eriture ne peut être démontrée nisi ex vivo et proprio magisterio Ecclesise, et justifié l’autorité- infaillible du magistère ecclésiastique. Il a aussi affirmé l’inspiration de tous les livres sacrés et canoniques, rems par l’Église et une inspiration égale en tous. Le souverain pontife a ainsi repoussé comme contraire à l’enseignement unanime des saints Pères toute opinion qui admettrait un degré inférieur d’inspiration pour les livres deutérocanoniques : professi unanimes (Paires el doclores) libros eos et integros et per partes a divino œque esse af/Jatu. Voir Inspiration.

En dehors des ouvrages spéciaux déjà indiqués pour l’histoire du canon de l’Ancien et du Nouveau Testament, on pourra consulter les introductions générales qui traitent toutes du can n des Livres saints. Sur les questions théologiques relatives à la canonicité, on lira les traités De locis theologicis qui tes exposent. Nous ajoutons ici des ouvrages qui embrassent dans leur contenu le canon des deux Testaments : J. Cosin, A scholastical history of the canon of the Holy Scriptures, in-4° Londres, 1657, 1672, 1083 ; H. Hody, De Bibliorum textibus originalibus, etc., infol. Oxford, 1704 ; J. Bianchini, Vindicte canonicarum > turarum Vulgatx lutiuæ editionis, in-fol., Rome, 1740 ; J. S. Semler Abhandlungen von freyer Untersuchtmg des Canons, 4 in-8 Halle, 1771-1776 ; 2’édit., 1776 ; C. F. Schmid, Historia antiqua et vindicatio canonis eacri V. S. que Testamenti, in-8 Leipzig, 1775 ; A. Alexander, Canon of the 0. and JV. T. ascertained, in-12, Princeton, 1826 ; Londres, 1826, 1831 ; J.-B. Malou, La lecture de ta sainte Bible en langue vulgaire, in-8-, Louvain, 1816, t. il, p. 1-201 ; Vieusse, La Bible mutilée parles protestants, in-8-, Toulouse, 1847 ; G. A. Credner, Zur Geschichte des Kanons, in-8 #, Halle, 1847 ; Gaussen, Le canon des suinter Écritures au double point de vue de la science et de la foi, 2 in-8°, Lausanne, 1860 ; S. Davidson, The canon of the Bible, its formation, history and fluctuations, in-8°, Londres, 1877 ; 3e édit., 1880 ; E. Preusclien, Analcrta. hurzere Texte zur Geschichte der alten Kirche und des Kanons, in-12, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 127-171 ; Guidi, /( canone biblico délia Chiesa copta, dans la Bévue biblique, 1901, t. x, p. 161-174. Toutes les encyclopédies, catholiques et prolestantes, contiennent des articles assez développés sur le canon biblique. Voir enfin. Dictionnaire apologétique de la foi catholique, in-’r. Paris, 1909, t. i, col. 435-455. Pour une bibliographie plus complète, U. Ghevalier, Répertoire. Topo-bibliographie, col. 566-568.

E. Mangenot.