Dictionnaire de théologie catholique/RÉDEMPTION II. Genèse de la foi catholique 7. Organisation définitive dans les Eglises protestantes

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 269-272).

VII. Organisation définitive : Dans les Églises protestantes. —

Autant la logique immanente au système protestant invitait ses adeptes à maintenir au premier plan de leur foi le dogme de la rédemption par le sang du Christ, autant elle les prédisposait à en transformer inconsciemment la notion. Non seulement, en effet, leur conception de la déchéance humaine leur imposait de sacrifier notre régénération spirituelle à l'œuvre exclusive du Rédempteur, voir MÉRITE, t. x, col. 710-717, mais la hantise du péché et de son inexorable châtiment, point de départ nécessaire du drame intérieur qui aboutit à nous justifier, devait réagir sur la direction et pour ainsi dire la couleur de celle-ci. Voir J, e dogme de la rédemption, Élude théologique, p. 381-518.

De fait, la Réforme a déterminé, dans la théologie rédemptrice, un changement d’orientation dont les critiques protestants eux-mêmes n’ont pas pu ne pas s’apercevoir. « Sans doute la doctrine luthérienne de la rédemption se rattache à la théorie d’Anselme… Mais elle s’en dislingue principalement en ceci que la passion et la mort du Fils de Dieu n’y sont pas considérées comme un don offert à Dieu en place du châtiment afin de réparer l’injure faite à son honneur, mais comme une souffrance de caractère pénal volontairement acceptée par substitution, comme la sujficientissima pœnarum quæ nos manebant persolutio. Nulle part, chez Luther, il n’est question que, dans la passion et la mort du Christ, il s’agisse uniquement d’une satisfaction en vue de rétablir l’honneur violé de Dieu. » Or « la doctrine des réformés, si l’on en juge par les brèves énonciations des symboles, ne semble pas différer essentiellement de celle des luthériens ». G. -F. Œhler, Lehrbuch der Sijmbolik, 2e édit., Stuttgart, 1891, p. 465-466 et 471. Cf. G.-B. Stevens, The Christian doctrine of salualion, p. 151-152 : « Pour Anselme, la satisfaction accomplie par le Christ n’est pas regardée comme une punition, mais comme le remplacement d’une punition. C’est ici le point où la théologie de la Réforme et d’après la Réforme s'éloigne de lui et de la théologie médiévale en général… Il n’est plus question de la dignité ou de l’honneur de Dieu, mais de son inflexible justice ; il ne s’agit plus d’une alternative entre la satisfaction et le châtiment, mais d’une satisfaction par le châtiment. » Bref, « c’est proprement l’antithèse du Cur Deus homo ». R.-W. Dale, The alonement, 24e éd., p. 351.

Sur ce fond permanent la préoccupation instante de « réaliser » la justification individuelle jette une note de mysticisme, que le principe toujours actif du libre examen complique, au surplus, d’une perpétuelle mobilité. Ce qui fait de la théologie rédemptrice dans les Églises protestantes un chapitre particulièrement chargé de l’histoire de leurs « variations ».

1° Période ancienne : Orthodoxie classique. — Une sotériologie assez homogène s'ébauche dès l’origine, en attendant de se fixer en thèses rigides, qui allait caractériser pour des siècles l’empreinte spéciale donnée par les croyants de la Réforme à l'œuvre du Rédempteur.

1. Églises luthériennes.

Orateur et mystique plus que théologien, sans renoncer à la terminologie scolastique, Luther se plaît à reprendre les vieux thèmes populaires sur la défaite du démon. Voir K. Grass, Die Gollheit Jesu Christi in ihrer Bedeutung fur den Heilswerl seines Todes, p. 49-58. Mais plus significative que cet archaïsme est l’idée qu’il donne ou suggère de la satisfaction du Sauveur.

Dans son commentaire de l'épître aux Galates (1531), ni, 13, Lulhers Werke, édition de Wcimar, t. xi, a, p. 432-140, en termes passionnés il se représente le Christ comme « un maudit et le pécheur des pécheurs ». Car, au regard de la loi, « il faut que le pécheur meure ». Pour l’en dispenser, avec la peine des coupables, le Fils de Dieu « porte aussi le péché et la malédiction », de telle sorte qu’il ne faut plus le considérer « comme une personne privée innocente », mais comme « un pécheur qui a sur lui et porte le péché de Paul…, de Pierre…, de David » etc. Substitution que les sermons du réformateur étendent jusqu'à faire peser sur le Christ l’angoisse des damnés. Textes dans "W. Kôlling, Die Satisfactio vicaria, t. ii, p. 319-350.

Exponatur, écrit plus froidement Mélanchthon, Dt’cl. de dicto : Sis intentas, dans Corpus Réf., t. xi, col. 779, mirandum Dci consilium, quod, cum sil juslus et horribiliter irascatur peccalo, ita demum placari justissimam iram volueril quia Filins Dci /(ictus est supplcx pro nobis et in sese iram derivavit. Principes qui se refltHent jusque dans l’officieuse Apologie de la Confession d’Augsbourg, iii, 58, J.-T. Millier, Die symb. Bûcher der ev. -luth. Kirchc, 1 1e éeL.Gûtersloh, 1912, p. 1 18.

De ces données la scolastique luthérienne du XVIIe siècle allait construire la systématisation, en les aggravant de la célèbre distinction entre l’obéissance active et l’obéissance passive du Christ, qui permettrait de soumettre l’oeuvre entière du Sauveur au même schéma pour mieux anéantir la nôtre devant le double mystère de sa vie et de sa mort. Voir, par exemple, J. Quenstedt, Theol. didactico-polemica, p. IIl a, c. iii, membr. ii, sect. i, th. xxxi-xl, 4e éd., Wittenberg, 1701, p. 228-247 ; J. Gerhard, hoc. iheol., XVII, c. ii, 31-63, édit. Cotta, Tubingue, 1768, t. vii, p. 30-72. Synthèse avec d’abondantes citations à l’appui dans Chr. Baur, Die christliche Lehre von der Versôhnung, p. 285-352. A la fin du xviiie siècle, la même conception s’affirme encore avec les mêmes traits essentiels. Voir, par exemple, J.-F. Seiler, Ueber den Versôhnungslod Jesu Christi, Erlangen, 1778-1779.

2. Églises réformées.

C’est, au contraire, de son propre fondateur que le calvinisme tient la sotériologie méthodique dont l’autorité n’allait plus cesser de faire loi. Insl. rel. chr. (éd. de 1559), II, xvi, 1-12, dans J. Calvini opéra omnia, édit. Baum, Cunitz et Reuss, t. ii, col. 367-379.

Elle coïncide absolument, dans ses grandes lignes, avec celle du luthéranisme. Pour satisfaire à la justice de Dieu, le Christ prend sur lui tout ce que nous avions mérité, c’est-à-dire, avec la mort, la malédiction qu’elle comporte : … Operæ simul pretium eral ut divinæ ullionis severiiatem senlirel, quo et iras ipsius (Dei] inlercederet et salisfaceret justo judicio. Aussi a-t-il éprouvé omnia irati et punienlis Dei signa, y compris les peines de l’enfer que désignerait l’article du symbole : Descendit ad inferos.

Telle est la doctrine à laquelle se tiennent les théologiens calvinistes postérieurs, comme J.-H. Heidegger et Fr. Turretin en Suisse, J. Owen et Jonathan Edwards l’ancien, dans les milieux de langue anglaise ; celle également dont s’inspirent les confessions officielles de foi, particulièrement le synode de Dordrecht (1619), ii, 1-4, dans E.-F.-K. Muller, Die Bekentnisse der reformierlen Kirche, p. 848-849.

2° Période ancienne : Secousses doctrinales. — Ces outrances de l’orthodoxie protestante déterminèrent aussitôt une réaction en sens inverse, qui vaudrait à la théologie rédemptrice de la Réforme, avec de longues difficultés, l’avènement d’un type nouveau.

1. Explosion du rationalisme : Socin. — Hic plurimum erratum fuisse…, inter eos pr^sertim qui sese ab

    1. ECCLESIA ROMANA SEPARAVERANT##


ECCLESIA ROMANA SEPARAVERANT. Il suffit de Cette

déclaration, inscrite par Socin en tête du De Christo servalore, pour attester ses intentions agressives et marquer en même temps quel en fut l’objectif principal. C’est à la doctrine de la satisfaction reçue dès lors dans le protestantisme qu’il destine ses coups et contre ses « erreurs » que son dogmatisme lui inspire l’assurance d'être le porte-parole de la véritable révélation. Voir Prælectiones theologicæ (édition posthume, 1609), 15-29, Bibl. Fratrum Polonorum, t. i, p. 564600, dont les positions sont résumées dans Christianse religionis brevissima inslitutio, p. 664-668, et copieusement défendues contre le pasteur J. Couet dans De Christo servalore (1578, mais édité seulement en 1594), ibid., t. ii, p. 115-246.

Refutalio sententiæ vulgaris de satisfaclione Christi pro peccatis noslris, écrit expressément Socin, Chr. rel. inst., p. 665. Ses autres ou-vrages poursuivent, en effet, cette « réfutation » au double point de vue rationnel et positif. La satisfaction ne lui semble ni nécessaire, puisque Dieu peut toujours renoncer au châtiment ; ni réelle, puisqu’il affirme partout sa volonté de pardonner au coupable sans autre condition que le repentir ; ni possible, puisque, pour acquitter notre dette en justice, le Christ aurait dû souffrir la

mort éternelle autant de fois qu’il y a de pécheurs. Prœl. theol., 15-18, p. 565-573 ; cf. De Chr. serv., iii, 1-6, p. 186-206. Après quoi l’auteur d’exterminer successivement, au nom de l’exégèse, les quatre groupes de textes auxquels il ramène la prétendue preuve scripturaire de cette notion. Præl. theol., 19-23, p. 573-588 ; cf. De Chr. serv., ii, 1-8, p. 140-155.

Chemin faisant, on voit apparaître, à bâtons rompus, le système personnel de Socin. Il est d’une simplicité rudimentaire. Chacun peut et doit expier son péché par la pénitence : la mort du Christ n’y contribue que par l’amour et la confiance qu’elle tend à nous inspirer ou par le bénéfice qu’elle nous assure d’un intercesseur efficace dans le ciel. Pral. theol., 19 et 23, p. 575 et 587.

Tant par ses affirmations que par ses critiques, le système socinien a longtemps régné sans rival, non seulement sur l'Église unitaire, mais encore sur la théologie rationalisante que le xvine siècle a vue inonder le protestantisme, soit en Allemagne, voir Chr. Baur, op. cit., p. 505-530, soit un peu dans tous les pays.

2. Essai d’apologétique légaliste : Grotius. — Juriste de métier, mais théologien à ses heures, H. Grotius voulut opposer une réplique au rationalisme socinien. D’où sa célèbre Defensio fidei catholicæ de satisfaclione Christi (1617).

L’auteur se réclame de l'Écriture et de la tradition de l'Église, jusqu'à terminer sa dissertation par une liste de teslimonia Palrum. Mais il éclaire volontiers l’une et l’autre par un fréquent appel aux catégories juridiques. Au moyen de ce double critère, il entreprend la défense de la satisfaction contre la théologie et l’exégèse de Socin, dont il passe au crible les divers arguments. Si l’adversaire était de taille, son partenaire ne se montre pas inférieur à lui. Rarement sans doute un cfïort plus vigoureux fut accompli pour intégrer le mystère de notre rédemption dans un système cohérent de la raison et de la foi.

Cette catholica sententia, il va sans dire que Grotius la situe d’instinct dans les cadres protestants. Pœnarum pro peccatis noslris persolulio : c’est en quoi consisterait pour lui, Def., i, 13, édit. Lange, p. 10, la forma de notre rédemption. Acquittement où le vocabulaire du droit dont il est coutumier lui permet de voir, ibid., 21-22, p. 22-23, une punilio en vue de nous assurer l’impunitas. Cf. ni, 1, p. 46 : Punilio unius ad impunitatem alteri consequendam. Échange que le libre dévoùment du Christ suffit à protéger contre le reproche d’injustice et qui ne porte pas atteinte à la bonté divine parce que, étant le fait d’un tiers, il ne peut nous profiter, vi, 7, p. 80, qu’au titre légal de la solulio recusabilis.

Mais, dans cette famille théologique, Grotius crée une importante variété. Au lieu de la justice vindicative, en effet, c’est à la sagesse de Dieu, en tant que souverain de l’univers, que revient chez lui le rôle dominant. La mort du Christ n’est plus, dès lors, au sens strict, qu’une divinæ jusliliæ demonslratio, i, 1, p. 2-3, c’est-à-dire « un exemple insigne » destiné à maintenir, malgré l’amnistie accordée aux pécheurs, cette sanction du péché qui est indispensable à la bonne marche du monde moral, v, 4-8, p. 67-70. Toute la philosophie de l'œuvre rédemptrice est ainsi réinterprétée sous le signe de la loi. Cf. Baur, op. cit., p. 414-435.

Quelque peu méconnu par ses contemporains, le système de Grotius devait fructifier en Angleterre et plus encore, sous l’influence de Jonathan Edwards le jeune, aux États-Unis. Textes dans E.-A. Park, The alonemenl, Boston, 2e éd., 1860 ; étude par F. -H. Foster, Hislorical introduction à la traduction anglaise de la Defensio, Andovcr, 1889. A l’orthodoxie postérieure il ne cesse de fournir bien des compléments.

Diversité des courants modernes.

« Mêlée d’opinions » qui donne, « à première vue », l’impression d’un « chaos i : tel est l’aspect sous lequel l'état présent de la

théologie rédemptrice parmi ses coreligionnaires apparaît à J. Gindraux, La philosophie de la croix, Genève, 1912, p. 202. On peut aisément prendre un aperçu de cette confusion, pour l’Angleterre et l’Amérique, dans The atonenicnl. A clérical symposium, Londres, 1883 ; The atonrmrnl in modem religious thought. A theological symposium, Londres, 3e éd., 1907 ; pour l’Allemagne, dans E. Pfennigsdorf, Der Erlôsungsgedankc, Gcettingue, 1929 (compte rendu d’un congrès théologique tenu en 1928 à Francfort-sur-Mein). Voir sur ces manifestations collectives, Le dogme de la rédemption. Éludes critiques et documents, p. 355-428. Il suffît à la théologie catholique d’une orientation générale à travers cette littérature.

1. En marge de l’orthodoxie.

Vivement ouvert par Socin, le procès de la satisfaction traditionnelle est plus que jamais à l’ordre du jour pendant tout le xixe siècle et certaine convergence dans une nouvelle manière de la remplacer arrive à s'établir parmi les écoles de gauche qu’unit cette réprobation.

Kant, puis Hegel donnent, un moment, aux théologiens d’Allemagne la tentation d’absorber la rédemption chrétienne, à titre de symbole, dans le développement moral de l’espèce humaine. Mais ces spéculations métaphysiques n’obtinrent qu’un succès momentané. Le « rationalisme » postérieur, aujourd’hui vulgarisé dans les masses par le mouvement national-socialiste, est devenu plutôt franchement négatif, en prétendant refuser au christianisme, voire même au simple théisme religieux, sous prétexte d' « autosotéric » (Éd. de Hartmann), l’audience de l’esprit contemporain.

Depuis Schleiermacher en Allemagne, Erskinc et Coleridge en Angleterre, la pensée protestante s’installe de plus en plus sur le terrain exclusif de l’expérience religieuse. En conséquence, la sotériologie dogmatique d’autrefois se transforme en une psychologie, où le subjectivisme s'épanouit d’autant mieux que l'Écriture cesse d'être une autorité pour devenir un témoignage de la foi de ses auteurs et que l’histoire de ce dogme n’est plus qu’un moyen d’en faire toucher du doigt la relativité.

Il en résulte que, sauf peut-être en Amérique, où il survit au moins en partie chez H. Bushnell, le rationalisme socinien d’antan, avec ses horizons un peu courts, fait place aux formes plus subtiles du protestantisme libéral, diversement représenté, en Allemagne par Alb. Ritschl et Ad. Harnack ; en France, autour de 1850, par A. Réville et l'école de Strasbourg, puis par Eug. Ménégoz (1905) et A. Sabatier (1903) ; en Angleterre et aux États-Unis, par F.-I). Maurice et B. Jowett au milieu du xixe siècle, G. -H. Stevens et II. Rashdall au début du xxe. Dieu Père plein d’amour pour nous et indulgent au repentir sans besoin d’autre satisfaction ; péché qui altère la conscience de notre rapport filial avec lui et nous rend esclaves des passions inférieures ; salut par le Christ, dont la sainteté parfaite éveille en nous tmil à la fois la conscience et détruit l’empire du péché, sa mort n'étant plus qu’un moment de cette œuvre spirituelle comme suprême révélation de la malice humaine et de l’amour divin : tels sont les thèmes désormais courants, avec toute une gamme de nuances personnelles dont il n’est pas possible de Taire état.

Quelques doctrines moins communes ont vu le jour dans les milieux piélistes. Celle, en particulier, de la Rédemption by sample, où le Christ est conçu comme le type de l’humanité, en ce double sens qu’il brise d’abord en lui-même la domination du péché par la parfaite sainteté de sa vie et qu’il nous communique ensuite le même pouvoir par la vertu contagieuse de

son héroïque mort. Voir R. Mackintosh, Historié théories o/ alonemenl, p. 232-250. Plus curieuse encore est la théorie, chère à nombre de prédicateurs anglais, ibiiL, p. 252-250, d’après laquelle Jésus vient révéler dans le temps les souffrances éternelles que le péché cause à Dieu. Cnc christologie à base de kénose accentue, d’ordinaire, le mysticisme de ces deux dernières conceptions, au risque de ne rejoindre l’ordre chrétien que pour se fourvoyer en plein irrationnel.

2. Au sein de l’orthodoxie.

Contre ces attaques violentes ou ces transpositions ruineuses les croyants de la Réforme n’ont pas manqué de faire front, sauf à hésiter sur la tactique la plus conforme aux besoins actuels.

Tout le commencement du xixe siècle est marqué par le règne à peu près universel de l’ancienne orthodoxie. Mais déjà plusieurs, comme P. -F. Jalaguier en France, R.-W. Daleen Angleterre, Fr. Godet en Suisse, croient devoir la pallier en recourant au légalisme de Grotius. Elle est formellement combattue par une école mitoyenne, qui se propose de maintenir la valeur objective de la rédemption, mais au moyen d’une théologie nouvelle où les considérations de l’ordre psychologique et moral passent au premier plan. Ses représentants les plus notables furent J. Macleod Campbell (1855) et R. Moberly (1901) en Angleterre, Edm. de Pressensé (1867) en France, Hofmann d’Erlangen (1853) en Allemagne. Dans la passion, au lieu de la peine comme telle, c’est la « pénitence » du Christ qu’ils s’appliquent à mettre en relief. Ce qui les amène à faire valoir, en conséquence, l’hommage que sa volonté sainte rend à la condamnation portée par Dieu contre le péché, dont son union physique et morale avec le genre humain fait, d’une certaine façon, peser sur lui le poids.

Dans la théologie contemporaine, en Angleterre surtout, s’accuse la tendance à un révèrent agnosticism. La foi pourrait survivre au naufrage des systèmes et devrait suffire à notre curiosité.

Ceux qui parviennent à surmonter cette tentation s’appliquent à combiner en synthèses plus ou moins éclectiques les divers courants antérieurs. La formule dominante est celle d’une expiation pénale mitigée, où la dette des pécheurs reste payée par les soulîrances tant corporelles que spirituelles du Christ, mais débarrassées de tout caractère vindicatif par l’appel à la notion moderne de solidarité, qui détrône la substitution de jadis, et transformées par la conscience pure du Sauveur en une décisive ratification du jugement divin. Tel est, en gros, le type d’orthodoxie auquel semblent appartenir, parmi bien d’autres, des théologiens considérables tels que les Allemands M. Kâhler, H. Mandel, H. Stefîen et R. Jelke, les Anglais P.-T. Forsyth et J. Denney, les Français Ern. Bertrand, C.-E. Cabut et H. Monnier.

Il arrive même parfois que la préoccupation de la souffrance expiatoire y soit subordonnée à la médiation réconciliatrice du Christ (L. Choisy, Wetzel) ou à la réparation objective du péché par la vertu de son obéissance et de son amour (J.-S. Lidgett, G. Fulliquet, P.-L. Snowden et, par instants, H. Monnier). Retours inconscients, et qu’on souhaiterait moins fugitifs ou moins isolés, vers les positions que l'Église mère n’a pas cessé de tenir.

Même en laissant de côté les négations persistantes qu’elle a provoquées sur le fond le plus essentiel de la foi, on peut difficilement ne pas reconnaître qu’en définitive, au seul regard de l’histoire, l’efïorl Intense déployé par la Réforme autour du dogme de la rédemption n’aboutit qu'à un échec. Pour ne rien dire des autres, l’instabilité de ses meilleurs produits, si elle flatte son sens aigu de l’individualisme, ne dénonce t-elle point, aux yeux de quiconque réalise la valeur 195'

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RÉDEMPTION. EXPLICATION THÉOLOGIQUE : LE PÉCHÉ

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et le sens du dépôt, l’irrémédiable carence dogmatique d’une Église qui se montre aussi peu capable de fixer sa propre tradition, c’est-à-dire une de ces tares où s’inscrit sur le plan des réalités expérimentales la rançon du libre examen ?

Il reste à se rendre compte que la situation est la même dans l’ordre proprement théologique, où, pour une intelligence soucieuse de résoudre les problèmes soulevés par cet article du Credo chrétien, ainsi que s’exprimait un anglican d’extrème-gauche, J. Campbell, The new theologij, Londres, 1907, p. 144-145, « la doctrine catholique romaine de la satisfaction est une présentation bien supérieure de la vérité ».