Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mahomet 2

La bibliothèque libre.

◄  Mahomet
Index alphabétique — M
Mahomet Galadin  ►
Index par tome


MAHOMET II, onzième sultan des Turcs, né à Andrinople, le 24 de mars 1430, a été l’un des plus grands hommes dont l’histoire fasse mention, si l’on se contente des qualités nécessaires aux conquérans ; car pour celles des hommes de bien, il ne les faut point chercher dans sa vie. Il n’est pas vrai que sa mère fût chrétienne[a]. Il a fort bien mérité le titre de Grand, qu’il souhaita avec beaucoup d’ambition, et que les Turcs ne manquent pas de lui donner (A) ; car « il a signalé son règne par la conquête de deux empires, de douze royaumes, et de deux cents villes considérables. Mais ses progrès n’ont pas été l’effet d’une révolution rapide, ou d’une fortune aveugle qui l’ait conduit de victoire en victoire, sans que la prudence y ait contribué. Le sang qu’il a perdu dans de grandes occasions, prouve que ses avantages lui ont été disputés. Il a levé des siéges, fait des retraites précipitées, et perdu des batailles ; mais les disgrâces, qui rebutent les esprits communs, encourageaient le sien, ou plutôt l’instruisaient pour l’avenir ; et le jugement lui faisait réparer par la patience, ce qu’il avait perdu par l’impétuosité. Infatigable au delà de l’imagination, on l’a vu plus d’une fois commencer glorieusement une campagne en Europe, et l’aller achever encore plus glorieusement en Asie[b]. » Sa bonne fortune l’a fait naître dans un siècle où la valeur de ses ennemis était infiniment propre à relever la gloire de ses triomphes (B). Il n’est pas nécessaire de chercher parmi les Turcs de quoi se former une juste idée de son mérite ; les chrétiens lui ont dressé des monumens (C), qui donnent plus de relief à ses victoires, que les annales ottomanes, et que tout ce que les Turcs ont su inventer pour éterniser la grandeur de ses actions. Il est donc bien étrange qu’il se trouve des écrivains distingués dans le christianisme, qui soutiennent que la prospérité est la marque de la bonne cause (D), et qu’il n’y a que les princes vertueux qui aient part aux faveurs de la fortune[c]. C’est inutilement qu’on viendrait nous alléguer que si les princes chrétiens n’eussent pas été désunis, ils eussent battu les mahométans (E). Il y a des gens qui ont écrit que ce sultan était athée (F). Cela pourrait être vrai ; et il est du moins certain qu’il faisait la guerre pour contenter son ambition, et non pas pour agrandir le mahométisme. Il préférait ses intérêts à ceux de la foi qu’il professait ; et de là vint qu’il eut de la tolérance pour l’église grecque, et même beaucoup de civilité pour le patriarche de Constantinople (G). Il n’y a nulle apparence qu’il ait fait le vœu qu’on lui attribue (H). On dit que pour faire voir à ses soldats que la volupté n’était point capable d’amollir sa vertu guerrière, il coupa la tête à une maîtresse qu’il aimait éperdument (I). Cela me semble un peu apocryphe. La plupart des historiens chrétiens, en parlant de lui, ont sacrifié la bonne foi à leur passion et à leur ressentiment (K). Il mourut le 3 de mai 1481, dans une bourgade de Bithynie, comme il entrait dans sa cinquante-deuxième année[d]. Il a été le premier des sultans qui se soit préparé un tombeau particulier[e]. Je pense qu’il fut aussi le premier sultan qui aima les arts et les sciences (L). Son épitaphe mérite d’être considérée (M). J’aurai quelques fautes à reprocher à M. Moréri (N) ; et je ne laisserai point passer au père Maimbourg la témérité qu’il a eue, d’imputer au schisme des Grecs les maux qu’ils souffrirent sous ce prince turc (O).

Landin, chevalier de Rhodes, ramassa diverses lettres que ce sultan avait écrites en syriaque, en grec et en turc, et les traduisit en latin. Cette traduction a vu le jour : j’en parlerai ci-dessous (P) ; mais on ne sait pas où peuvent être les originaux[f]. Je parlerai aussi d’une lettre que le pape Pie II écrivit au même sultan. Elle a donné de l’occupation aux controversistes (Q). Elle peut non-seulement résister à un examen superficiel, mais éblouir aussi ceux qui la lisent sans un esprit critique, et leur faire paraître ce pape sous une idée avantageuse et digne d’éloge. Ceux même qui l’examineraient sévèrement, et qui ne considéreraient Pie II que sous la notion d’un prince souverain d’une partie de l’Italie, pourraient juger que sa lettre est dans l’ordre de la prudence ; mais lorsqu’on la pèse à la balance du sanctuaire, et que l’on songe que celui qui l’a écrite se dit le vicaire de Jésus-Christ, et par conséquent le protecteur de la morale de l’Évangile, on ne le peut excuser. Il y a donc diverses faces dans cette question, et ainsi l’on ne devra point trouver mauvais que je rapporte avec un peu d’étendue les paroles des avocats qui ont plaidé cette cause. On doit considérer mon commentaire, entre autres égards, sous celui du tome où les historiographes insèrent toutes entières les pièces justificatives dont ils ont parlé dans le cours de la narration. Ceci soit dit une fois pour toutes. Il y a des gens qui croient que la lettre de Pie II ne fut point écrite pour être envoyée à Mahomet (R).

  1. Voyez la remarque (F).
  2. Guillet, Histoire de Mahomet II, pag. 1 : il cite Phranza, lib. i, cap. 33 ; Barlet, de Expug. Scodr., lib. i ; Bapt. Egnat. de Orig. Turc. Phil. Lonicer., lib I.
  3. Voyez ce que Bozius a écrit contre Machiavel.
  4. Guillet. Histoire de Mahomet II, livre VII, pag. 378, 379.
  5. Là même, pag. 381.
  6. Voyez Huet. de Interpret., pag. m. 183.

(A) Il a fort bien mérité le titre de grand, .... que les Turcs ne manquent pas de lui donner. ] Ils « avouent que toutes les conquêtes de ses successeurs ont eu les siennes pour fondement et pour modèle, et qu’il leur a été bien facile de suivre un chemin qu’il leur a ouvert, et dont il a levé tous les obstacles. Aussi, lorsqu’ils parlent de lui, ils suppriment ordinairement son nom de Mahomet, quoiqu’en leur langue il ait la signification glorieuse de loué ou d’aimé [* 1], et le distinguent des autres sultans par les titres magnifiques de Boinc et d’Aboulfetéh, dont l’un signifie le Grand et l’autre le Père de la Victoire. On lui reproche que pendant sa vie il a recherché ambitieusement le premier de ces titres ; mais n’a-t-il pas travaillé assez pour le mériter ? Les chrétiens même ne le lui ont pas contesté, et l’on convient qu’il a été le premier des empereurs ottomans à qui nos nations occidentales ont donné la qualité de Grand-Seigneur, ou de Grand-Turc [* 2], que la postérité a conservé à ses descendans [1]. »

(B) La valeur de ses ennemis était.... propre à relever la gloire de ses triomphes. ] C’est un bonheur qui a manqué au grand Alexandre ; car il ne trouva dans l’Asie que de faibles ennemis, quoiqu’ils fussent innombrables. Il ne semble donc pas qu’il ait été le mignon de la fortune au même point que Mahomet, qui presque toujours avait à vaincre de braves gens : ce qui le distingue des autres grands conquérans avec beaucoup d’avantage. Prouvons ceci par les paroles d’un auteur moderne qui nous a donné une belle histoire de ce sultan. « On ne peut pas dire qu’il ait eu à faire à des ennemis obscurs, et à des nations peu belliqueuses, puisqu’entre les capitaines illustres qui firent chanceler sa fortune, on compte Huniade et Mathias Corvin, avec les forces de Hongrie ; Scanderbeg, avec celles des féroces Albanais ; le valaque Uladus aussi intrépide qu’eux, bien qu’à la vérité moins honnête homme ; les empereurs de Grèce et de Trébizonde, les rois de Perse, de Naples, et de Bosnie, les princes de Grèce, de Servie, de Sinope, et de Caramanie, les républiques de Venise et de Gênes, les chevaliers de Rhodes, et les armées de la croisade, c’est-à-dire l’élite de nos nations occidentales. Il n’y a pas un seul de tant d’ennemis qu’il n’ait été chercher de dessein formé, par une bravoure extraordinaire, et qui n’ait à la fin cédé à sa valeur ou à sa prudence. Chrétiens ou mahométans, tous étaient en butte à son ambition, et les intérêts de sa religion n’entraient jamais dans les maximes de sa politique. Jusqu’ici, il a été le seul de tant de sultans qui ait osé faire passer des troupes réglées en Italie, où en divers temps elles ont gagné une bataille rangée, et pris une bonne place : non pas par une insulte inopinée, à la manière des corsaires ; mais par les droites attaques d’un siége dans les formes [2]. »

(C) Les chrétiens lui ont dressé des monumens. ] En voici la preuve : le même historien me l’a fournie. « Je ne crois pas être blâmable de renouveler la mémoire de ce conquérant, puisque d’ailleurs il est impossible qu’elle périsse, et [* 3] qu’il n’y a jamais eu de prince infidèle qui ait laissé parmi nous de semblables monumens. L’église [* 4] catholique prend le soin de nous faire souvenir de lui chaque jour de l’année, par un signal remarquable et perpétuel ; car les coups ds cloche qu’on sonne chaque jour pour la prière du midi, n’ont été ordonnés par un de nos papes, que pour avertir le peuple de recommander à Dieu les fidèles qui combattaient contre ce sultan [* 5]. Pour une bataille qu’il a perdue, nous rendons encore chaque année des actions de grâces au ciel, en solennisant la fête de la Transfiguration du Sauveur, qui fut instituée pour cette victoire. Mais ce qui ne mérite pas moins de réflexion, lui seul a donné lieu à la convocation d’un concile général, et au projet de plusieurs autres. Ses [* 6] armes seules ont réduit les chrétiens à lui opposer celles d’une croisade qui s’est distinguée évidemment de toutes les guerres saintes, puisqu’un pape y marcha en personne, suivi du collége des cardinaux. Enfin, lui seul a obligé un des empereurs d’occident à instituer l’ordre des [* 7] Chevaliers d’Autriche, qui sous ce grand nom, tiré de la maison de son fondateur, et sous les auspices de Saint-Georges, s’engagèrent par des vœux formels à traverser des progrès si étonnans [* 8]. Un archevêque, un cardinal, un pape même, ont publié pendant sa vie ses victoires par leurs écrits, pour lui susciter des ennemis en faveur de nos autels [3]. » L’aveu qu’ont fait nos historiens n’est pas un moindre témoignage de sa gloire, que les préparatifs qu’avait faits le pape pour se retirer à Avignon, en cas que l’Italie fût attaquée par Mahomet en personne. Achmet, qui commandait dans Otrante, en partit pour aller trouver son maître, « et conférer avec lui sur les progrès de ses armes en Italie, où même il se promettait de l’amener. Les menaces qu’il en fit en s’embarquant jetèrent les Italiens dans la dernière consternation, et leur firent craindre une campagne d’autant plus funeste, que la garnison ottomane continuait chaque jour ses courses avec de nouveaux avantages ; de sorte qu’Otrante regorgeait d’esclaves chrétiens et de butin. L’Italie a souffert de plus grands maux, mais elle n’a jamais eu de frayeur pareille, et il semblait que les peuples y étaient déjà condamnés à porter le turban. Il est certain que le souverain [* 9] pontife, Sixte IV, croyant déjà voir Rome enveloppée dans l’affreuse destinée de Constantinople, fit dessein de la confier à la protection des apôtres, et ne songea plus qu’à faire équiper des galères pour passer en Provence, et transférer une seconde fois le saint siége à Avignon. Les historiens de ce temps-là ont écrit qu’il n’y avait plus de salut pour l’Italie, parce qu’en effet on n’y voyait pas une place de guerre à l’épreuve de cent mille mahométans, qu’on supposait y devoir être encouragés par la présence du sultan. Parmi tous les témoignages de cette consternation, je ne rapporterai que celui de Sabellicus, qui était du pays, et qui vivait de ce temps-là [* 10]. Il n’y a point de doute que c’était fait de l’Italie, si la souveraine providence n’eût arrêté le cours d’un mal si horrible par la mort de Mahomet [4]. » Je citerai bientôt [5] un passage de Platine, qui pourrait être joint aux précédens.

Voici un autre monument élevé par les chrétiens à la gloire de ce prince turc. Ils se réjouirent de sa mort avec des excès qui valent les plus beaux panégyriques de la Grèce. Laissons parler encore M. Guillet. Les nouvelles de la mort de Mahomet furent reçues dans la chrétienté avec des plus grands transports de joie qu’elle ait jamais fait éclater. Rhodes, où elles furent plus tôt annoncées qu’ailleurs, en fit des réjouissances solennelles. Mais elles n’égalèrent pas celles de Rome. Le pape Sixte fit ouvrir toutes les églises, et cesser le travail des artisans ; ordonna des fêtes qui durèrent trois jours, avec des prières publiques et des processions générales ; commanda que pendant ce temps-là toute l’artillerie du château de Saint-Ange fît des décharges continuelles : et ce qui est plus remarquable, fit cesser les apprêts du voyage d’Avignon, où il allait chercher un asile contre les armes ottomanes [6]. L’historien ayant senti que tant de démonstrations de joie peuvent faire tort au nom chrétien, parce qu’elles ne sont pas une marque de cette noble grandeur d’âme dont l’ancienne Rome s’est piquée, a éludé ou réfuté cette objection par une note pieuse. Il faut avouer, dit-il [7], que la religion chrétienne a bien mis de la différence entre les mœurs des anciens Romains et des modernes, et qu’elle l’y a mise avec une justice qu’on ne saurait trop respecter. Car l’ancienne Rome, prévenue de ses maximes orgueilleuses, et d’une politique où le faste avait plus de part que la générosité, ne se serait pas réjouie de la mort de ses ennemis, de peur d’être soupçonnée d’avoir honteusement appréhendé leur puissance. Ainsi César affecta de pleurer la mort de Pompée, et l’histoire païenne est remplie de traits d’une pareille ostentation. Mais dans le siécle de Mahomet la destruction des autels sacrés, et la profanation de nos plus saints mystères, demandait légitimement une joie éclatante pour le trépas de ce fameux sacrilége, comme une pieuse reconnaissance que Rome devait au ciel pour le bonheur de la chrétienté. J’ai déjà dit [8] que les chrétiens ont donné à ce terrible ennemi le surnom de Grand-Seigneur.

(D) Des écrivains distingués dans le christianisme... soutiennent que la prospérité est la marque de la bonne cause. ] J’ai déjà montré l’impertinence de ces écrivains, dans l’article de Mahomet, le faux prophète [9]. J’ai marqué qu’en matière de triomphes, l’étoile du mahométisme a prévalu sur l’étoile du christianisme, et que s’il fallait juger de la bonté de ces religions par la gloire des bons succès temporels, la mahométane passerait pour la meilleure. Les mahométans sont si certains de cela, qu’ils n’allèguent point de plus forte preuve de la justice de leur cause, que les prospérités éclatantes dont Dieu l’a favorisée. Voici ce qu’un moine, qui a demeuré long-temps en Turquie, nous apprend sur les motifs qui retiennent ces infidèles dans leur religion. Secundum motivum est victoria eorum continua contrà christianos : quod aliquos multùm movet. Undè victores se nominant, et gloriantur quasi victores totius mundi. Orant etiam pro victoribus specialiter in omnibus congregationibus suis, præsertim in continuis post comestionem gratiarum actionibus. Superbiunt insuper et christianos fœminas despiciendo nominant, et se viros eorum. Et ut ad hoc magis ac magis incitentur, antecessorum victorias describunt, decantant, laudant, ac præconizant [10]. Joignons un autre témoin à celui-là. « L’heureux succès des armes de ces infidèles est un autre argument dont ils se servent pour appuyer la vérité de leur religion. Car comme ils croient que Dieu est l’auteur de tous les bons événemens, ils concluent que, plus ils réussissent dans leurs guerres, et plus aussi Dieu fait paraître qu’il approuve leur zèle et leur religion. C’est cette persuasion qui fait que les Turcs haïssent et détestent les Juifs par-dessus tous les autres peuples du monde. Ils les appellent abandonnés de Dieu, à cause qu’ils n’ont point de demeure fixe sur la terre, et qu’ils n’ont aucun prince de leur nation, qui les protége et qui les défende [11] »

Le moine que j’ai cité nous dit une chose qui est digne d’attention ; c’est que les Turcs, en se regardant comme des hommes, considéraient les chrétiens comme des femmes. Comment accorderons-nous cela avec nos histoires, qui nous apprennent que les Turcs n’ont jamais vaincu les chrétiens sans être dix ou douze contre un, et sans perdre vingt fois plus de gens que les chrétiens n’en perdaient ? Si cela était vrai, les Turcs ne seraient-ils pas contraints d’avouer que les chrétiens sont de bons soldats ? Diraient-ils que ce sont des femmes ? Je ne sais que dire sur ce sujet ; mais je suis persuadé d’une part que nos chrétiens occidentaux ont toujours été d’aussi bons soldats pour le moins que les Ottomans, et de l’autre que nos histoires sont pleines de fables touchant le nombre des morts et celui des combattans : elles le grossissent prodigieusement du côté des infidèles, et ne l’amoindrissent pas moins de l’autre côté. Elles font ce que nous avons vu faire aux gazetiers de chaque parti dans ces dernières campagnes, aux deux siéges de Namur [12]. Tour à tour les gazettes des assiégés ont parlé de plusieurs assauts imaginaires, où l’ennemi perdait une infinité de monde : tour à tour elles ont tellement grossi ses pertes dans les assauts effectifs, que qui joindrait ensemble les morts, les blessés, les déserteurs, et les malades de ces relations, on ne trouverait plus personne à l’armée des assiégeans, qui eût pu entendre battre la chamade. Quoi qu’il en soit, les choses sont bien changées ; les Turcs ont montré, et dans la Hongrie, et dans la Grèce, depuis l’an 1683, qu’ils sont de pauvres soldats, et qu’ils ne sauraient résister aux troupes chrétiennes inférieures en nombre. S’ils avaient été toujours si malheureux, ils n’auraient pas pris la prospérité pour une marque de la vraie religion. Ils ont fait de très-grandes pertes dans l’Europe : nos nouvellistes ont prétendu qu’ils en avaient fait de très-funestes dans l’Asie ; car combien de fois avons nous lu dans les gazettes que la Mecque [13], que le grand Caire, et que les provinces voisines avaient été saccagées, et que la consternation était grande dans Constantinople à l’occasion de ces irruptions et de ces soulèvemens [14] ? C’étaient des hâbleries et des fraudes politiques, destinées à persuader aux peuples que toutes les troupes impériales seraient bientôt sur le Rhin. Deux ou trois petites conséquences très-aisées à tirer menaient d’abord là le lecteur.

Il semble que les Turcs depuis ces disgrâces devraient douter que leur religion fût bonne ; cependant ils ne le font point : ils ne sont pas plus capables que les autres hommes de raisonner conséquemment, et de suivre leurs principes ; ils font ce que feraient les orthodoxes, ils attribuent leurs malheurs, non pas aux défauts de leur religion, mais au peu de soin qu’ils ont eu de la pratiquer. Qu’il me soit permis de dire un mot sur l’inconstance des raisonnemens de l’homme, à l’égard de l’adversité et de la prospérité. On a là-dessus des maximes tout opposées. On vous dira, et que ceux qui veulent vivre selon la pitié souffriront persécution [15], et que la piété a les promesses de la vie présente, et de celle qui est à venir [16]. On vous dira, et que Dieu laisse prospérer les méchans en cette vie, et que si nous y prenons garde de près, nous trouverons véritable la maxime de Tite-Live, que ceux qui craignent Dieu réussissent dans leurs desseins, et que les impies ont la fortune contraire [17]. Ce n’est pas le tout : dans la thèse générale on conviendra qu’il ne faut point juger des choses par l’événement, et que ceux qui le feront méritent d’être malheureux [18]. Mais représentons-nous deux grands partis opposés, dont l’un forme une importante entreprise. Si elle réussit, il ne manque pas d’en inférer qu’elle est juste ; il soutient que ce bon succès est une marque de l’approbation de Dieu : l’autre parti soutient au contraire qu’il s’en faut tenir à la thèse générale, et au Careat successibus opto, etc. Et que Dieu permet très-souvent pour punir les hommes, que les méchans réussissent dans leurs pernicieux complots. Mais si le parti qui moralise si bien forme peu après une entreprise de conséquence, et qu’il la voie réussir, il ne veut plus entendre parler de la thèse générale : il dit à son tour que le bon succès est une marque de la justice de cette affaire, et qu’il paraît bien que Dieu l’approuve, puisqu’il l’a accompagnée si visiblement de sa sainte bénédiction. Alors l’autre parti n’aura point de honte de venir dire, qu’il ne faut point juger des choses par l’événement, Careat successibus opto, etc., et de débiter cent beaux lieux communs. Y a-t-il rien de plus commode que cela ? N’est-ce point être fourni de principes comme d’habits, les uns pour l’été, et les autres pour l’hiver [19].

(E) C’est inutilement qu’on alléguerait que si les princes chrétiens n’eussent été désunis, ils eussent battu les mahométans. ] Une infinité de livres sont pleins de murmures, de ce que les princes chrétiens, s’entre-mangeant les uns les autres, ont laissé perdre Constantinople, l’île de Rhodes, la Hongrie, etc., ce qu’ils auraient pu empêcher facilement, s’ils eussent uni leurs forces contre l’ennemi du nom chrétien. On a raison de le croire, et de se plaindre d’une discorde qui a été si utile aux Turcs. Mais on serait bien ridicule, si l’on employait cette remarque à faire voir que la fausse église n’a pas été plus comblée de prospérités temporelles, que la véritable : car cette discorde des princes chrétiens est elle-même un très-grand malheur ; et s’il était arrivé que les infidèles ne s’en fussent pas prévalus, elle n’eût pas laissé de prouver manifestement les adversités du christianisme. Remarquez bien que dans la question, si le christianisme a eu plus de part aux prospérités que les fausses religions, il ne s’agit pas de savoir si les sultans ont remporté des victoires par la valeur de leurs troupes, ou par la faiblesse de leurs ennemis ; mais s’ils ont conquis des royaumes, et s’ils ont gagné des batailles sur les chrétiens. Qu’ils l’aient fait par bonheur ou par bravoure, c’est toujours une prospérité temporelle ; et ainsi l’on ne remédie à rien, en affaiblissant la gloire de leurs triomphes, sous prétexte qu’ils ont tiré avantage de la désunion des chrétiens : c’est plutôt donner de nouvelles preuves de l’infortune du christianisme. Comptons donc pour un monument érigé par les chrétiens à la fortune et à la gloire des Turcs, tant de harangues qui ont été publiées pour exhorter les princes chrétiens à unir leurs forces contre les infidèles. Un temps a été que nos professeurs en éloquence n’auraient pas cru être dignes de leur pension, s’ils n’avaient fait une harangue de cette nature ; et ce n’était point un jeu d’esprit, ou un exercice d’écolier, comme les déclamations qu’on faisait à Rome sur Annibal [20], sur Sylla [21] : c’étaient des discours sérieux et graves, destinés à persuader aux princes une prompte ligue et une célèbre expédition. Jérôme Reusnérus a recueilli plusieurs volumes de ces harangues. Ce n’étaient pas seulement les princes qui avaient besoin qu’on les exhortât à la concorde ; il y avait une autre espèce de désunion qui n’était pas un petit mal dans la chrétienté. Les gens d’église se reposaient sur les laïques, et ceux-ci attendaient qu’il plût aux ecclésiastiques de fournir aux frais de la guerre. Platine nous représente naïvement les mauvais effets de cette attente réciproque. Mahometus Arabs, dit-il [22]... magnum in christiano populo excitavit incendium : et ita magnum, ut verear ne ejus secta, nostrâ potissimùm ætate reliquias christiani nominis penitùs extinguat : adeò tepescimus : et animo ac corpore languidi interitum nostrum exspectantes concidimus. Invalescit ejus secta nunc multo magis quam anteà. Nam tota Asia et Africa, magnaque pars Europæ mahometanis principibus subjecta est. Instant nunc Turci terrâ ac mari : ut nos, tanquam cuniculos, ex his Europæ latebris eruant. Sedemus otiosi : alter alterum expectantes, quasi hoc malum universæ reipublicæ christianæ non immineat. Expectant sacerdotes ut à sæcularibus hoc tantum bellum et tam necessarium sumatur. Expectant item sæculares ut presbyteri tuendæ religionis causâ pecunias in sumptus bellicos polliceantur et subministrent, ne in pejores usus effundant, quemadmodum facere plerique consuevêre, pecunias eleemosynis et sanguine martyrunt comparatas, in aurea et argentea vasa et pergrandia quidem fundentes : parùm de futuro soliciti ; Dei quem tantùm utilitatis gratiâ colunt, et hominum contemptores.

C’est donc avec beaucoup de justice qu’on se moque de Bellarmin, qui a osé mettre la prospérité entre les marques de la vraie église. Quas ultimo ponit loco notas Bellarminus IX et X infelicem exitum ecclesiam oppugnantium, felicitatem verò ecclesiam defendentium, nomen notarum adeò non merentur, ut mirum si non cogitâsse cardinalem furiosis hâc ratione muhammedanis contrà nos suppeditari arma [23]. C’est aux mahométans qu’il convient de dogmatiser de la sorte, comme le fait voir Hottinger, qui montre d’ailleurs que le nom de catholique, l’antiquité, une longue durée non interrompue, l’étendue, la succession, des évêques, les miracles, l’austérité des mœurs, le témoignage des adversaires, et telles autres marques, à quoi Bellarmin prétend que l’on reconnaisse la vraie église, sont les mêmes que les sectateurs de Mahomet allèguent à l’avantage de leur religion.

(F) Il y a des gens qui ont écrit que ce sultan était athée. ] Voici ce que Paul Jove remarque sur ce sujet [24] : Natus ex despoti Serviæ filiâ, quæ puerum christianis præceptis et moribus imbuerat, quorum mox oblitus adolescendo, ita ad Mahometus sacra se contulit, ut neque hos, neque illos ritus teneret, et in arcano prorsùs Atheos haberetur : utpote qui unum tantum bonæ fortunæ numen coleret, quod præclarè conciliari vividâ efficacique animi virtute prædicabat. Itaque nulli addictus religioni, cunctorum hominum accuratas de Diis, tanquàm humana nihil curantibus, cogitationes irridebat ; eo animi decreto, ut nullum unquàm jus amicitiæ aut fœderis, nisi ex commodo, exceptâque ad proferendum imperium occasione, colendum atque servandum arbitraretur. Il y a deux observations à faire sur ce passage : 1°. Paul Jove se trompe, quand il assure que la mère de Mahomet était chrétienne [25]. « On ne sait ni le nom ni la qualité de sa mère, quoique tous les historiens d’Occident, prévenus d’une erreur générale, nous l’aient voulu faire connaître sous des noms diversement forgés, tantôt de Mélisse et d’Irène, tantôt de Marie, fille du despote de Servie, et qualifiée de Despœne, titre d’honneur que les Grecs donnaient aux princesses chrétiennes de l’Orient. Mais quoique cette Despœne eût épousé le sultan Amurat, elle n’était que belle-mère de Mahomet, et n’eut jamais d’enfans, comme il est clairement justifié par l’ambassade de l’historien Phranza [* 11], qui fut envoyé auprès d’elle pour la solliciter d’épouser l’empereur Constantin, quand elle fut veuve d’Amurat. Les Turcs et le reste des Grecs en conviennent [26]... Il y a de grandes conjectures que la [* 12] Despœne Marie qui, par un privilége particulier y [27] vivait dans l’exercice de la religion chrétienne, eut quelque soin de lui, car elle lui apprit l’oraison dominicale et la salutation angélique, non pas comme une instruction de piété, qu’Amurat, jaloux de son culte, aurait, rigoureusement condamnée, mais comme le simple amusement d’un enfant, dont la curiosité s’attachait déjà à toutes choses. » Ma 2e. réflexion est que Paul Jove se contredit grossièrement ; car si Mahomet II reconnaissait et servait la divinité de la fortune, et s’il croyait que l’on en gagnait les bonnes grâces par l’application, et par la force de son courage, il n’était point athée, et il ne rejetait point entièrement la Providence. Il est visible que cette fortune qu’il servait ne pouvait être dans son esprit que sous l’idée d’un être qui dispose des événemens, et qui favorise certaines personnes. Cela ne peut convenir à un être aveugle, et qui n’aurait qu’une force naturelle de se mouvoir. Il faut que cet être puisse diriger ses forces selon ses désirs, et qu’il connaisse ce que font les hommes, et qu’il les distingue les uns des autres. Chacun voit que le système des athées est incompatible avec la supposition d’un tel être [28]. Le père Maimbourg, copiste ici de Paul love, est tombé dans la même contradiction. Il n’y eut jamais, dit-il [29], de plus grand athée que ce prince, qui n’adorait que sa bonne fortune, qu’il reconnaissait pour l’unique divinité à laquelle il était toujours prêt de sacrifier toutes choses ; qui se moquait de toutes les religions ; de la chrétienne, en laquelle il avait été instruit dès son enfance par la sultane sa belle-mère, fille du despote de Servie : de celle de Mahomet, qu’il traitait de chef de bandits entre ses confidens ; et de tous ceux qui croyaient qu’il y eût une autre Providence que celle que chacun doit avoir pour soi-même. De la vient que son intérêt, sa grandeur et son plaisir étaient l’unique règle de ses actions ; et qu’il ne gardait ni foi, ni parole, ni serment, ni traité, qu’autant qu’il les trouvait commodes et utiles pour arriver à quelqu’une de ces trois fins, à laquelle il tendait toujours en tout ce qu’il entreprenait.

C’est une opinion fort générale, que certaines gens ont du bonheur, et que d’autres ont du malheur ; et il est bien difficile de ne croire point cela, quand on prend garde aux événemens publics. Il y a des amiraux qui sont traversés presque toujours par les vents contraires, dans les desseins les plus importans. Il y en a d’autres pour qui le bon vent semble se lever, toutes les fois qu’ils ont à exécuter de grandes choses. Ces coups de malheur et de bonheur ne paraissent pas si visiblement dans les armées de terre ; mais on ne saurait nier que les pluies ou le beau temps, et plusieurs autres occurrences qui ne dépendent point de notre sagesse, ne traversent ou ne favorisent plus souvent les entreprises de certains généraux, que les entreprises de quelques autres. Il semble même que l’on puisse remarquer qu’il y a des généraux qui ne sont jamais secondés de ce qu’on appelle coups de bonheur, que lorsqu’ils combattent contre des chefs qui passent pour malheureux. Si l’on suivait à la trace les aventures des particuliers, on y trouverait à proportion autant de marques de ces coups de bonne ou de mauvaise fortune. Il n’y a point d’athée, il n’y a point d’épicurien, qui puisse admettre cette distinction de bonheur ou de malheur ; elle n’est pas compatible avec leur système. Allégueront-ils les influences des astres ? Mais cela n’est bon à dire que dans un sonnet : elles ne peuvent rien ici, à moins qu’elles ne soient dirigées par un principe intelligent ; et c’est ce qu’ils n’admettent pas. Ils diront que c’est un malheur, si un homme qui achète deux cents billets de loterie sur trois mille n’emporte aucun lot ; et que c’est un bonheur si un homme qui n’achète que trois billets sur cent mille a le gros lot : mais ils soutiendront que cela se fait sans la direction d’une intelligence, et par une suite nécessaire du mélange des billets. En effet, quand même il n’y aurait point de Providence, il faudrait nécessairement que quelqu’un eût le gros lot, celui-ci plutôt que cent autres : mais ils ne peuvent point avouer selon leur système, que certains hommes auraient toujours le gros lot, en n’achetant que peu de billets ; et que d’autres qui en achèteraient un grand nombre, ne gagneraient jamais rien ; car cela témoignerait clairement la direction de quelque génie ami ou ennemi. Voilà pourquoi ils ne peuvent point admettre la distinction, proprement dite, de gens malheureux et de gens heureux [30]. En un mot, pour revenir à Mahomet, s’il a reconnu la divinité de la fortune, il n’a été ni athée, ni épicurien.

(G) Il eut de la tolérance pour l’église grecque, et beaucoup de civilité pour le patriarche de Constantinople. ] Je m’assure que mon lecteur sera bien aise de trouver ici un petit détail, sur un fait aussi curieux que celui-là. Je me servirai des paroles du père Maimbourg, qui ayant décrit la prise de Constantinople, et l’entrée triomphale de Mahomet dans cette ville, continue ainsi [31] : « Après cela, comme il était extrêmement adroit, ne voulant pas perdre avec les chrétiens les principales forces, et le plus grand revenu de son nouvel empire, il fit un trait de très-habile politique, pour les rassurer, en leur faisant voir qu’il les voulait traiter très-favorablement en bon maître, et leur laisser l’exercice libre de leur religion. Car ayant appris [* 13] que le siége patriarcal était vacant, par la renonciation volontaire de Grégoire Protosyncelle, qui s’était retiré à Rome, il voulut qu’il y en eût un : et pour agir aussi d’abord en empereur, il ordonna qu’il se fît à la manière accoutumée sous les derniers princes.... Il fit assembler quelques évêques qui se trouvèrent alors aux environs de Constantinople, avec si peu d’ecclésiastiques qui y étaient restés, et les principaux d’entre les bourgeois : ceux-ci élurent, selon ses ordres, le célèbre sénateur [* 14] George Scholarius, celui-là même qui s’était déclaré si hautement pour la foi catholique au concile de Florence, et que Mahomet, qui aimait les habiles gens, avait épargné, quand il fit mourir tant de personnes de qualité, ayant su que c’était le plus savant et le plus éloquent de tous les Grecs. Il fut donc choisi, sous le nom de Gennadius ; et le sultan voulut observer en cette occasion toutes les mêmes cérémonies que les empereurs de Constantinople gardaient, en installant le patriarche en cette manière [32]... Aussitôt qu’il eut fait élire Gennadius, on le conduisit par son ordre en grande pompe au palais, où il le reçut avec toute sorte d’honneurs et de témoignages de bienveillance, le faisant même manger à sa table, s’entretenant long-temps avec lui comme s’il eût été le plus intime de ses confidens. Après quoi l’ayant mené dans la grand’salle, il lui mit en cérémonie le bâton pastoral entre les mains, en présence des Turcs et des chrétiens accourus à un spectacle aussi surprenant que celui où l’on voit le sultan des Turcs, ennemi mortel du christianisme, donner l’investiture du patriarcat de Constantinople, par la crosse. Il fit plus, car quoique le nouveau patriarche fît tout ce qu’il pût pour s’y opposer, alléguant l’exemple des autres empereurs, qui n’avaient jamais porté la bonté et la civilité si loin, il le voulut conduire jusqu’à la porte du palais, où l’ayant fait monter sur de plus beau cheval de son écurie, superbement enharnaché de satin blanc tout brodé d’or, il ordonna à tous ses visirs, et à ses bachas, de l’accompagner, comme ils firent, en marchant en bel ordre, à pied, les uns devant, et les autres après lui, dans une longue et superbe suite, au travers de [* 15] toute la ville, jusqu’à la célèbre église des douze apôtres, qu’il lui avait assignée pour être sa patriarcale, au lieu de celle de Sainte-Sophie, dont il avait fait la grande mosquée. Il l’alla même visiter quelques jours après dans le nouveau palais patriarcal de l’église de Notre-Dame, qu’il avait obtenue du sultan au lieu de celle des Apôtres ; et là il le pria de lui expliquer les principaux points de la religion chrétienne : ce que ce grand homme fit avec tant de jugement, de force, et de netteté, et tant d’approbation du sultan, qu’il en voulut avoir l’exposition par écrit, qui se voit encore aujourd’hui en grec, en latin, et en arabe demi-turc. Voilà ce que fit cet habile prince, pour obliger, par cette feinte douceur du commencement de son empire, les chrétiens grecs à supporter plus doucement un joug qu’ils ne trouveraient pas si dur qu’ils l’ont depuis expérimenté jusqu’à maintenant. » Consultez M. Guillet [33] qui raconte tout ceci amplement et exactement, et qui rapporte plusieurs choses qui furent faites par Mahomet en faveur des Grecs. On en verra le précis dans la remarque suivante.

(H) Il n’y a nulle apparence qu’il ait fait le vœu qu’on lui attribue. ] « C’est dans l’année 1469, que le Supplément des Annales de Baronius [34] assure que Mahomet, emporté de zèle pour sa religion, fit solennellement le vœu que voici, contre la nôtre. Je fais serment, et proteste par un vœu, que j’adresse au seul Dieu créateur de toutes choses, que je ne goûterai ni les douceurs du sommeil, ni celles de la bonne chère ; que je renoncerai même aux souhaits des voluptés, et au plaisir des sens ; et que je ne tournerai point mes regards de l’Orient vers l’Occident, jusqu’à ce que j’aie foulé sous les pieds de mon cheval tous les dieux que les adorateurs de Christ formèrent de bois, d’airain, d’or, et des couleurs de la peinture ; en un mot, que je n’aie purgé la face de la terre de leurs impiétés, depuis l’orient jusqu’à l’occident, afin d’y faire éternellement retentir les louanges du vrai Dieu, et de son prophète Mahomet. Les historiens Grecs de ce temps-là, qui pouvaient parler avec certitude des affaires de leur pays, et qui ne pardonnent rien au sultan, ne disent pas un mot de ce vœu. Est-il possible que les historiens latins qui l’ont rapporté, sans citer aucun garant, aient fuit Mahomet si zélé pour sa religion, eux qui soutiennent qu’il n’en professait aucune ? Diront-ils que ce prince ait voulu faire l’hypocrite, pour flatter ses sujets par ce faux éclat de piété, lui qui toujours fier, et toujours persuadé de sa toute-puissance, n’a jamais daigné rien ménager avec eux, et qui ne s’y est point vu réduit par aucune sédition de l’armée ou du peuple, ni par aucune formalité des cérémonies de sa loi ? Il lui était aisé de commencer à s’acquitter de ce vœu dans la Turquie, où sa nation sacrilége n’aurait pas mieux aimé que de seconder ce faux zèle. Il est évident que contre le but de cette prétendue politique, il s’y serait rendu ridicule, en faisant chaque jour à leurs yeux le contraire de ce qu’il avait promis : car nous avons marqué ses soins à rétablir la dignité de patriarche, à entretenir une espèce de société familière avec les patriarches Gennadius et Maxime, à autoriser de temps en temps l’exercice de leur religion par des lettres patentes, ou par les règlemens de ses cadis, et à peupler Constantinople des familles chrétiennes qu’il tirait de chaque ville grecque, à mesure que ses armes l’en rendaient maître. Il ne faut que considérer l’état présent de la Grèce, où ses successeurs ont souffert l’exercice du christianisme, selon la liberté qu’il en donna quand il en fit la conquête. On montre encore aujourd’hui dans les plus célèbres monastères du pays, les sauve-gardes et les titres d’exemptions qu’il accorda généreusement aux calogers. Il ne défendit point aux Grecs la vénération des images sans relief, qui leur est encore continuée contre les termes formels de ce vœu, et eut la même tolérance pour les images en relief, révérées par les Génois de l’église romaine établis à Galata, et par les Albanais du même rit, qui avaient été sujets de Scanderbeg. Les historiens latins ont encore écrit, qu’autant de fois que Mahomet faisait rencontre d’un chrétien, il [* 16] se croyait souillé d’une tache spirituelle, et courait incontinent aux ablutions de l’Alcoran, en se lavant les yeux et la bouche : mais cela étant, il avait bien de ces sortes de purifications à faire, quand à la tête de son armée il en rencontrait une de cinquante ou soixante mille chrétiens [35]. »

(I) On dit qu'.... il coupa la tête à une maîtresse qu’il aimait éperdument. ] Elle s’appelait Irène, et n’avait que dix-sept ans [36]. Un bacha l’avait faite esclave à la prise de Constantinople, et donnée au sultan [37]. Vous trouverez dans M. Guillet les circonstances de cette aventure : mais comme il remarque [38] que tous ceux qui en ont parlé, l’ont copiée de Bandelli [39], moine italien qui semble en avoir ôté toute créance, par les fautes qu’il y a faites contre l’ordre des temps, et contre les noms et le rang des personnes qu’il y introduit, je ne la tiens pas fort certaine. M. de Scudéri, qui avait fait tant de harangues sous le nom des dames illustres, fit des discours politiques sous le nom des rois. L’un de ces discours est la réponse prétendue de notre sultan aux murmures de son armée, le jour qu’il décapita cette belle fille.

(K) La plupart des historiens chrétiens... ont sacrifié la bonne foi à leur passion et à leur ressentiment. ] M. Guillet ayant observé que les nations occidentales ont donné à ce sultan la qualité de Grand Seigneur, ou de Grand Turc, ajoute tout aussitôt [40] : « Il est vrai que ce favorable témoignage de nos peuples a été contredit par la plupart des historiens d’occident qui écrivaient de son temps ; car il n’y a point d’opprobres ni de titres outrageux dont leur plume n’ait voulu ternir ce prince. À la vérité, il faut louer leur zèle pour la religion chrétienne, quand selon l’occasion ils se sont emportés contre les impiétés de Mahomet ; mais aussi, selon l’occasion, devaient-ils publier ce qu’il a eu de qualités louables. C’est le juste tempérament qu’ont su garder Philippe de Comines, Chalcondile, et la lettre du pape Pie II, qui ont parlé de ce prince pendant sa vie, en se dépouillant des préjugés vulgaires, et avec les sages réserves qu’il faut toujours avoir pour les têtes couronnées. Car enfin, de tout temps, un usage peu honnête a banni la modération, qui devrait régner entre les écrivains de diverses religions et de différens partis, et leur a suggéré l’invective et l’animosité ; comme si la justice et la raison avaient besoin d’un secours si bas et si honteux. Aussi faut-il avouer que si de toutes les injures publiées en ce temps-là contre Mahomet, on en excepte quelques-unes qui sont véritablement autorisées par la pudeur et par la piété, le reste est une louange déguisée, et la vaine menace de ceux qu’il faisait trembler. » Cet auteur fait là un portrait qui ressemble à beaucoup de gens répandus dans tous les siècles, et dans toutes les nations.

(L) Je pense qu’il fut... le premier sultan qui aima les arts et les sciences. ] Il lisait souvent l’histoire d’Auguste, et celle des autres césars, et avec encore plus de plaisir celles d’Alexandre, de Constantin, et de Théodose, parce que tous trois ont régné dans les pays de sa domination [41]...... De l’amour qu’il avait pour l’histoire, il passa avec le temps à l’estime des historiens, et leur en donna des marques..... Il aima avec passion la peinture et la musique, et il s'appliqua à la ciselure et à l’agriculture [42].... La connaissance des langues étrangères lui fut si chère, contre le génie de sa nation, qu’il ne parlait pas seulement celle des Arabes, qui est affectée aux lois ottomanes et à la religion du législateur Mahomet, mais encore la persane, la grecque et la française, c’est-à-dire, l’italienne corrompue ; se facilitant ainsi une communication avec les peuples qu’il menaçait de ses armes. Surtout il excellait dans l’astrologie ; et, pour encourager ses troupes, et effrayer ses ennemis, publiait que le mouvement et les influences des corps célestes lui promettaient l’empire du monde [43]. Pour savoir combien il se connaissait en tableaux, on n’a qu’à lire, dans M. Guillet, ce que le Vasari raconte touchant Gentilé Bélino, fameux peintre vénitien, qui fut quelque temps à la cour de Mahomet, et qui en revint chargé de présens [44]. Il apporta le portrait de cet empereur ; et ainsi il n’a pas été malaisé aux historiens de nous apprendre comment ce prince était fait : néanmoins on le représente bien différemment. Le père Maimbourg maltraita un peu sur ce sujet le père Bouhours. Voyez la Critique générale de l’Histoire du Calvinisme [45]. Finissons cette remarque par ces paroles de Paul Jove [46]. Cæterùm Mahomet qui impietatis apud suos, apud nostros verò perfidiæ, et inhumanæ crudelitatis notam subiit, hanc saltem confessione omnium certam laudem à barbaris repudiatam, non insulsè tulisse existimatur, quòd ei litterarum, et præcellentium artium decus cordi fuerit ; quandò cunctas clarissimarum gentium historias, sibi verti in turcicam linguam juberet ; ut indè haustis militiæ præceptis, actionum suarum disciplinam, exemplorum varietate confirmaret, et præclaros artifices pictoresque præsertim insigni liberalitate complecteretur. Nam et commentaria rerum ab ipso gestarum à liberio ejus Vincentino [47] conscripta legimus ; verâque ejus imagine sumus politi, quam Gentilis Bellinus, è Venetus Byzantium evocatus pinxerat, quùm ibi regiam multis tabulis rerum novarum ad oblectationem jucundissimam refersisset.

(M) Son épitaphe mérite d’être considérée. ] « On porta son corps dans la mosquée de sa fondation, où l’on voit encore aujourd’hui son turban et son sabre. Mais ce qu’il y a de singulier, l’épitaphe qu’on lui fit ne parlait point de ses grandes actions, et semblait même les compter pour rien, en comparaison de ses dernières pensées, que l’on se contenta d’y exprimer comme le plus grand éloge, et le plus fidèle tableau de son courage. L’inscription ne consistait qu’en neuf ou dix paroles turques, expliquées par celles-ci : Je me proposais la conquête de Rhodes et celle de la superbe Italie [48]. » C’est nous faire entendre très-clairement, 1°. qu’on ne marqua dans l’épitaphe de Mahomet aucun des desseins qu’il avait exécutés, mais seulement les desseins qu’il voulait exécuter ; 2°. que ces actions à venir furent marquées en langue turque. Cela est bien différent du narré de mademoiselle de Scudéri. Comme l’ambition était la passion dominante au cœur de Mahomet, elle le suivit jusques à la mort, ordonnant que l’on mît sur son tombeau cette inscription en langue latine, après une grande narration de toutes ses victoires en langue turquesque : Il avait intention de ruiner Rhodes, et la superbe Italie [49]. Spandiginus [50] est conforme à ce narré, si ce n’est qu’il ne dit point que les dernières paroles fussent en latin. Je trouve assez apparent que Sélim Ier. pour renchérir sur cette épitaphe, s’en fit faire une où il disait, qu’il faisait encore la guerre après sa mort [51].

(N) J’aurai quelques fautes à reprocher à M. Moréri. ] 1°. Il n’est pas vrai que Mahomet ait subjugué la Carinthie et la Styrie : ses troupes y firent seulement des courses et des ravages, après la victoire du Lisoncio, qu’elles gagnèrent sur les Vénitiens, l’an 1476 [52]. 2°. Il est faux qu’il ait fait lui-même son épitaphe en latin. 3°. Et qu’il soit mort à Nicomédie : il mourut dans une bourgade de Bithinie, connue par les anciens sous le nom d’Astacus, entre Constantinople et Nicomédie, qui en sont éloignées chacune d’une journée [53]. Cette bourgade est nommée par quelques-uns Teggiur Tzaïr, et par quelques autres Géivisé. 4°. Il n’a point vécu cinquante-trois ans, mais un peu plus de cinquante et un. 5°. On ne peut assez admirer que M. Moréri ait été capable de dire que Mahomet ne manquait pas de courage. C’est ainsi qu’on parle d’un homme soupçonné de poltronnerie, et qu’on tâche d’en justifier : c’est ainsi qu’on parle d’un prince fort pacifique, et qui, n’ayant jamais donné des preuves publiques de sa valeur, a fait néanmoins connaître, dans le cabinet, qu’il ne craignait pas la mort ni les périls : mais il est absurde de s’exprimer de la sorte, en parlant d’un foudre de guerre et d’un conquérant tel que notre Mahomet, qui, pour me servir des termes d’un historien que Moréri devait connaître [54], eut de la nature un corps extrêmement robuste, et capable de toutes les fatigues de la guerre, dont il fit son occupation continuelle durant toute sa vie ; un tempérament tout de feu, un naturel impétueux, hardi, entreprenant et insatiable de gloire ; un cœur plus grand encore que sa naissance et sa fortune, un courage intrépide. 6°. M. Moréri s’exprime très-mal un peu après, lorsqu’il assure qu’à parler ingénument, on ne peut entendre parler sans mépris des débauches de Mahomet ; et tout aussitôt il rapporte que cet infâme voulut forcer le prince de Valachie. N’est-ce pas avec horreur, et non pas avec mépris, qu’on entend parler de semblables déréglemens ? 7°. Mahomet ne coupa point lui-même la tête à une femme, parce qu’elle lui paraissait trop belle ; ce fut à cause que ses soldats murmuraient de voir qu’il perdit sa réputation et de belles occasions entre les bras d’une fille : encore n’est-ce pas un fait certain [55]. 8°. Il est faux que ce sultan, après la prise de Constantinople, ait déchargé sa colère sur le corps mort de l’empereur Constantin. Le chancelier [56] de cet empereur, qui était dans Constantinople, et qui n’a écrit que ce qu’il avait vu lui-même [57], dit le contraire : « Il nous assure que le sultan ayant fait chercher fort exactement partout, pour s’éclaircir de ce dont on doutait encore, à savoir s’il était vif ou mort, son corps fut enfin trouvé parmi ceux de plusieurs Turcs et chrétiens entassés les uns sur les autres, sans doute à l’endroit même où ce brave prince avait été tué, avec ces vaillans hommes qui périrent avant lui, après avoir fait un grand carnage de leurs ennemis ; car dans les portes il n’y avait que des corps de chrétiens ou étouffés dans la presse, ou tués, tandis qu’ils s’efforçaient de passer dans cet embarras. Il ajoute qu’on reconnut ce corps tout défiguré, par les bottines de pourpre enrichies d’aigles en broderie d’or, que les seuls empereurs portaient, et que Mahomet, qui voulut honorer le courage et la vertu d’un si grand prince, commanda qu’on lui rendît tous les honneurs funèbres qui étaient dus aux empereurs [58]. »

(O) Le père Maimbourg a eu la témérité d’imputer au schisme des Grecs les maux qu’ils souffrirent sous ce prince turc. ] Il ne cesse de répéter [59] que la prise de Constantinople, et la ruine de leur empire, furent la juste punition de leur opiniâtreté à refuser au siége de Rome la soumission qu’ils lui devaient. Il ne profita guère des censures qu’il essuya, pour avoir dogmatisé d’une semblable manière dans l’Histoire des Iconoclastes. On lui fit voir que cette doctrine est séditieuse. Il avait dit [60] que Dieu ôta l’empire d’Occident aux Grecs, en punition de leur révolte si souvent renouvelée contre l’église, et voici comment on le critiqua [61] : Il n’y a que Dieu qui connaisse la cause du changement des empires et des royaumes, et c’est être au moins téméraire que d’en attribuer la cause à l’impiété ou aux hérésies, soit des souverains, soit des sujets de ces empires. Croyez-vous, continua-t-il, qu’il soit permis de dire d’un roi, d’un empereur hérétique, ou d’un souverain dans les états duquel il y a des hérétiques, lorsqu’on les en voit dépouillés, qu’ils les ont perdus à cause de celles qui se sont élevées dans leurs terres ? Cela n’approche que trop, repartit Euchariste, de cette détestable doctrine, condamnée d’hérésie dans le concile de Constance [* 17]. Car si l’on peut dire d’un prince qui a perdu sa souveraineté, qu’il en a été privé de Dieu pour ses crimes, pour son hérésie, ou pour celles qui régnaient dans ses états, n’est-ce pas dire que ces crimes méritent qu’il soit privé de ses états ? Non-seulement cette doctrine est séditieuse, mais aussi une imitation des plaintes qui furent faites par les païens contre l’église chrétienne [62], à l’occasion des ravages que les Goths firent dans Rome et dans toute l’Italie, et ailleurs. La ville de Rome fut aussi maltraitée par les troupes de Charles-Quint, l’an 1527, que celle de Constantinople le fut quand les Turcs la prirent. Le père Maimbourg trouverait-il bon que les Grecs lui dissent que Rome fut alors ainsi désolée, à cause qu’elle avait eu l’ambition d’exiger que l’église grecque lui rendît obéissance ? Que répondrait-il à cela, si ce n’est que Rome a raison, et que les Grecs n’en ont point ? Mais ne serait-ce pas là la pétition du principe ? On ne devrait pas s’ingérer autant que l’on fait dans les conseils de la Providence. Tous les partis ont besoin de cette leçon ; ils attribuent trop souvent les calamités du parti contraire aux qualités de sa doctrine : c’est mal profiter des déclarations de [63] Jésus-Christ [64]. Le père Maimbourg n’aurait pas été beaucoup plus déraisonnable, s’il avait adopté le conte rapporté par Chalcondyle. Cet historien prétend que les Romains descendus d’Énée, et s’intéressant encore à la ruine d’Ilion, disaient que les Grecs n’avaient souffert tant de maux à la prise de Constantinople, qu’en punition des ravages qu’ils avaient commis autrefois dans le royaume de Priam. Facetus est Chalcondyles dùm ait Romanos seu Latinos constanter asseverare, hanc cladem contigisse Græcis in ultionem eorum quæ olim fecissent barbaris in destructione Ilii : quod videlicet dicantur Romani à Trojanis descendisse [65]. Selon cette belle chimère, il ne faudrait pas laisser les nombres dans le Décalogue tels qu’ils y sont. Il faudrait croire que Dieu visite l’iniquité des pères sur les enfans, non pas jusqu’à la quatrième, mais jusqu’à la millième génération, et ce serait ici que la prescription n’aurait jamais lieu,

Delicta majorum immeritus lues,
Romane [66].


La France aurait sujet de craindre que d’ici à deux mille ans, une irruption de barbares ne vînt venger les injures que les Romains et les Grecs reçurent des Brennus.

(P) La traduction de ses Lettres a vu le jour : j’en parlerai ci-dessous. ] Elle fut imprimée à Lyon, in-4°., l’an 1520, et puis à Bâle, avec les Épîtres de Symmaque, chez Frobenius [67]. Elle fut insérée ensuite dans un recueil de lettres que Jean Oporin publia à Bâle, l’an 1554, in-12 [68]. Ce recueil avait été compilé par Gilbert Cousin, et intitulé : Farrago Epistolarum Laconicarum et selectarum. On réimprima à Marpourg la traduction de Laudin, in-8°., l’an 1604, et on l’a réimprimée à Leipsic, in-12, l’an 1690, par les soins de Simon Gæbelius Romhildensis Francus [69]. Melchior Junius, professeur en éloquence à Strasbourg, publia à Montbelliard, en 1595, un recueil de lettres, qui en contient trois qui avaient été écrites à Scanderbeg par Mahomet II. Le compilateur les a tirées de l’ouvrage de Marin Barletius, de vitâ et gestis Scanderbegi. Il y a joint les trois réponses qui furent faites au sultan. La férocité turque ne paraît aucunement dans les trois lettres de Mahomet : elles sont écrites en termes d’honnêteté, et comme les pourraient écrire les princes chrétiens les plus débonnaires.

(Q) Une lettre que le pape Pie II écrivit au même sultan….. a donné de l’occupation aux controversistes. ] M. du Plessis Mornai, fut l’agresseur par ces paroles [70] : L’ambition de Pie II ne peut mieux estre reconnue qu’en son épistre 396, où il offre et promet l’empire des Grecs à Mahumed, roy des Turcs, s’il se veut faire chrestien et secourir l’eglise, scavoir son parti ; lui aider à deschirer la chrestienté, comme il faisoit par guerres continuelles ; lui faisant entendre qu’il estoit en sa donation, et qu’ainsi auroient ses predecesseurs donné l’empire d’Allemagne à Charlemagne. Coëffeteau enfla les voiles de son éloquence, ou plutôt de sa colère, en répondant à cet endroit de du Plessis. Est-il possible, dit-il [71], que « l’hérésie éteigne ainsi toute ingénuité pour condamner ce qu’il y a de plus louable ès actions de ceux qu’on veut diffamer ? Il ne se peut rien voir de plus docte ni de plus éloquent ; il ne se peut rien voir de si solide et de si nerveux ; il ne se peut rien voir de si humble et de si chrétien ; il ne se peut rien voir de si pieux et de si religieux que cette épître ; et cependant du Plessis en veut faire un trophée de l’insolence de son auteur. Lui reste-t-il donc une seule étincelle de modestie et un seul rayon de justice ? Voici les lieux d’où il veut recueillir l’ambition de Pie. Si tu veux, dit le pape à Mahomet, étendre ton empire parmi les chrétiens, et rendre ton nom glorieux, tu n’as que faire ni d’or, ni d’argent, ni d’armées, ni de vaisseaux. Une petite chose te peut rendre le plus grand, le plus puissant et le plus célèbre de tous ceux qui vivent aujourd’hui. Tu demandes quelle elle est ? Elle n’est pas difficile à trouver, et il ne ne la faut point chercher bien loin ; elle se rencontre en toutes les parties du monde. C’est un peu d’eau pour te baptiser et te faire embrasser da religion des chrétiens, en croyant à l’Évangile. Si tu fais cela, il n’y aura prince en l’univers qui te surmonte en gloire ou qui t’égale en puissance. Vous t’appellerons empereur des Grecs et de l’Orient, et ce que maintenant tu occupes avec violence et injustice, tu le possèderas de droit et avec équité. Tous les chrétiens t’honoreront et te feront arbitre de leurs différens, etc. Et derechef : Si tu étais baptisé, et que tu entrasses avec nous en la maison du Seigneur, les peuples ne redouteraient pas ton empire, et nous ne les assisterions pas contre toi ; mais plutôt nous implorerions ton bras contre ceux qui usurpent quelquefois ce qui appartient à l’église romaine, et qui lèvent les cornes contre leur mère. Et comme nos prédécesseurs Étienne, Adrian et Léon, appelèrent à leur secours Pépin et Charlemagne, contre Astulphe et Didier, rois des Lombards, et après avoir été par eux délivrés de l’oppression des tyrans, transférèrent à leurs libérateurs l’empire des Grecs, nous aussi nous emploierions ton assistance, et ne te serions point ingrats du bienfait que nous aurions reçu. Lecteur, qui lis et qui médites ces choses sans passion, remarques-tu donc aucune trace de l’ambition d’Eugène en cette épître ? Plutôt n’est-ce pas son zèle qui le fait ainsi parler pour toucher le superbe courage de ce barbare ? Et promet-il rien à Mahomet dont toute la chrétienté ne l’eût avoué, si ce barbare eût voulu recevoir ces conditions que Pie lui proposait ? » Voilà un langage très-capable de prévenir contre M. du Plessis, ceux qui ne sont pas accoutumés à la lecture des livres de controverse, j’entends une lecture de discussion, et par laquelle l’on confronte et l’on collationne les pièces, pour bien comparer ensemble les réponses et les répliques. C’est presque le seul moyen de bien apprendre que ceux qui se donnent les airs les plus triomphans, et qui poussent les exclamations les plus tragiques, sont pour l’ordinaire dans quelque fâcheux détroit, et dans la nécessité de suppléer par des figures de rhétorique ce qui manque à leurs raisons. Ceux qui sont rompus dans l’espèce de lecture que j’ai marquée, et qui outre cela s’intéressent tendrement à la gloire et à la mémoire de M. du Plessis Mornai, liront sans frayeur toutes les paroles de son adversaire ; mais s’ils étaient des novices, et qu’ils ne fussent pas secourus très-promptement par le préjugé, que Coëffeteau, étant un dominicain, ne manie pas fidèlement la controverse, ils auraient bien peur que du Plessis ne se fût trompé ; ils le croiraient battu sans ressource, et ils s’informeraient impatiemment si lui ou quelque autre n’ont pas répondu à Coëffeteau. Quelle qu’eût été leur inquiétude, ils ne pourraient plus douter de la victoire de leur champion, en examinant la réplique de Rivet. Et ceci doit nous tenir bien avertis que pour obéir au précepte audi et alteram partem, entendez aussi l’autre partie, il ne suffit pas d’examiner ce que Jean dit et ce que Pierre répond ; il faut aussi s’informer de ce qu’on répond à Pierre.

Rivet, répondant pour du Plessis, avoue que la longue lettre de Pie II à Mahomet contient de fort bonnes choses contre la créance des Turcs, pour la confirmation de la foi chrétienne. Mais, ajoute-t-il [72], « outre que le dessein semble assez inutile d’avoir voulu convertir ce prince par une épître, qui n’était pas chose apparente, il y a une malice diabolique. C’est qu’au lieu de faire paraître que les pauvres chrétiens grecs, sous l’empire de ce barbare, faisaient pitié à ceux de deçà, et l’exhorter à les traiter humainement, il semble avoir entrepris cet écrit pour les dénigrer comme faux chrétiens, et faire paraître que leur perte ne touche guère les Latins. Notre histoire ajoutait ce trait d’ambition, par lequel proposant à Mahomet, moyennant qu’il se fît baptiser, le paisible empire de ce qu’il avait usurpé, lui promettant que tous le feront juge de leurs débats ; que de tout le monde on appellerait à son jugement (pensez si les princes de long-temps chrétiens ne lui avaient pas une grande obligation !) ; que plusieurs d’eux-mêmes s’assujettiraient à lui, subiraient son tribunal, etc. Il ajoute, que la charité de l’église romaine sera envers lui non-seulement comme envers les autres rois, mais d’autant plus grande que plus il est élevé. Notez ce trait. Enfin il lui représente que l’église romaine implorerait son bras contre des mauvais enfans qui s’élèvent contre la mère : et pour fin, se vantant que les papes ont transféré l’empire des Grecs aux Français, il promet aussi que, s’étant servi de lui aux nécessités de l’église, il lui rendra la pareille pour ses bénéfices. Il faudrait un long commentaire sur ce discours. En peu de mots, 1°. cette façon de convertir les hommes, en leur promettant la domination du monde, n’est pas apostolique ; 2°. c’est chose ridicule de promettre à un prince étranger et puissant ce dont il est déjà en possession ; 3°. c’est chose contraire à la charité, qui n’a point d’acception de personnes, d’être plus grande envers ceux qui sont plus élevés au monde ; 4°. contre la même charité de découvrir à un infidèle les maux de la chrétienté, et désirer sa conversion, pour se servir de lui contre les princes déjà chrétiens ; 5°. c’est vanité, ambition et présomption de se vanter que l’empire de Charlemagne est une rémunération du pape, et de prétendre qu’il puisse rémunérer en semblable monnaie celui auquel il parle. Et que le lecteur soit juge si ce discours était séant à celui qui se disait assis sur la chaire de saint Pierre : est-ce là un discours humble, chrétien, modeste et pieux ? Sont-ce là conditions et promesses dont toute la chrétienté l’eût avoué ? » J’ignore si Coëffeteau, ou quelque autre catholique, a répondu à cet ouvrage de Rivet, et si j’avais en main la seconde pièce des antagonistes de du Plessis, je la produirais ici tout du long, afin qu’il ne manquât rien à l’instruction du procès, et que mes lecteurs pussent prononcer avec connaissance de cause sur l’accusation intentée à Pie II. Il ne semble pas possible de répliquer quelque chose de bien fort aux remarques de Rivet, et il semble au contraire qu’il soit très-possible de les rendre plus victorieuses ; car qu’y a-t-il de plus horrible et de plus honteux à la religion chrétienne, que de voir que Mahomet II, l’un des plus grands criminels qui aient jamais vécu, un homme qui avait répandu tant de sang, et qui avait dépouillé de leurs biens tant de personnes par une suite continuelle de cruautés et d’injustices, devienne possesseur légitime de toutes ses usurpations, pourvu qu’il se fasse baptiser ? Que deviendra cette loi inviolable de la morale chrétienne, que le premier pas d’une repentance expiatoire du vol est la restitution du bien mal acquis ? Que dirait-on si un juif, coupable d’une banqueroute frauduleuse de trois millions, obtenait, par la simple cérémonie du baptême, et sans être obligé à restituer quoi que ce soit, une pleine absolution de ses crimes, et le droit de posséder ces trois millions ? Les infidèles n’auraient-ils pas une raison très-valable de décrier le christianisme comme la peste de l’équité et de la morale naturelle ? Ce qu’on ferait à l’égard du banqueroutier ne serait pourtant qu’une peccadille, en comparaison des offres que Pie II a faites à Mahomet, de le rendre légitime possesseur de ses conquêtes, moyennant quelques gouttes d’eau qu’on lui verserait sur le visage. Que diraient les apôtres à la vue d’une telle dispensation et d’un tel usage des clefs ? Est-ce là ce que disait saint Paul [73] ? Mais que dirait Ovide même, qui n’était qu’un poëte païen [74]

(R) Il y a des gens qui croient que la lettre de Pie II ne fut point écrite pour être envoyée à Mahomet. ] Je n’ajouterai rien aux paroles que j’emprunte d’un écrivain catholique [75]. « C’est ici qu’il faut dire un mot de cette longue lettre que [* 18] Francesco Sansovino à publiée, sous le nom du pape Pie [76], au sultan Mahomet ; car elle marque que ce pape l’écrivit dans le temps que la conquête de Sinope et de Trébisonde faisait craindre aux princes latins un pareil effort des armes ottomanes. Elle montre fort au long les avantages de la religion chrétienne sur la mahométane, et prétend appeler le sultan au baptême par de grands exemples, lui représentant que comme il a été fort glorieux au grand Constantin d’avoir été le premier des empereurs romains qui se soit fait chrétien, et à Clovis d’avoir été aussi le premier des rois de France qui ait embrassé l’Évangile, il ne lui sera pas moins honorable d’être le premier des monarques ottomans qui fasse profession de notre foi. Il y a beaucoup de gens qui, faisant réflexion sur l’humeur inaccessible et farouche de Mahomet, ne trouvent pas vraisemblable qu’une lettre aussi délicate que celle-là ait jamais été rendue à son adresse, ni qu’on ait osé en attendre la réponse. Ils ajoutent qu’elle eût du moins trouvé fort peu de docilité dans l’esprit du sultan ; et qu’à moins d’un miracle sa conversion ne pouvait pas être l’effet des remontrances d’une lettre. Aussi quand les Italiens ont parlé du peu de succès qu’il s’en fallait promettre, ils ont dit agréablement en leur langue : La penna non toglie il filo alla spada, que la plume n’émousse pas le tranchant de l’épée. Il est donc probable qu’elle fut publiée parmi les nations occidentales, après la prise de Trébisonde, comme un manifeste pour justifier les armes de la croisade, et réveiller l’ardeur des guerriers de la chrétienté, après leur avoir montré les vains efforts que le pape avait faits pour détourner les armes du sultan par la voie tranquille des remontrances. »

  1. (*) Anton. Genfræus, in Nomenclat. Vocabul. Barbar.
  2. * « Ce ne fut point, dit Leduchat, par rapport à ses grandes actions qu’on le qualifia ainsi, mais eu égard à l’étendue de sa domination, en comparaison du sultan d’Iconie ou de Cappadoce, son contemporain, que Monstrelet désigne sous le nom de Petit-Turc. Après la prise de Constantinople, celui-ci eut sur les bras Mahomet II, qui s’étant emparé de ses états conserva le titre de Grand-Turc, quoiqu’il n’y eût plus de Petit-Turc. M. Guilleté ignora cela qui est pourtant très-vrai ».
  3. (*) Platina, Vit. Calist. Girolamo.
  4. (*) Briani, lib. 17.
  5. (*) Pandect. Leunclav., cap. 133 ; Turco-Græc., pag. 62 ; Petav. Ration. temp. pars 1, lib. 9 ; Briani, lib. 17.
  6. (*) P. Justinian., lib. 8. Platina Vit. di Pio II.
  7. (*) Lazius, lib. 3 Rerum Viennentium.
  8. (*) Leon Chiens. Arch. Mityl. Esid. Ruthen. Card. SS Pet. et Mart., Pius II.
  9. (*) Cuspinian., in Vit. Mahom.
  10. (*) Sabellic. Ennead. 10, lib. 7.
  11. (*) Phranz., lib. 3, cap. 2 : Chalcond., lib. 7 ; Turco-Græc., pag. 22 ; Annal. Sultan., cap. 93 et 96.
  12. (*) Turco-Græc., pag. 194. Informat. di Paulo Giovio, pag. 75. Annal. Sultan., c. 99.
  13. (*) Phranz., lib. 3, c. 19.
  14. (*) Phranz., lib. cit. Leo Allat., de perp. consen., l. 3, c. 5, 6.
  15. (*) Turco-Græc., l. 2 Panmacharistæ.
  16. (*) Isidor. Rhuten.
  17. (*) Sess. 215. quilibet tyrannus, etc.
  18. (*) Francesco Sansovino, folio 134.
  1. Gillet, Histoire de Mahomet II, liv. I, pag. 8.
  2. Là même, pag. 6 et 7.
  3. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. I, pag. 4 et 5.
  4. Guillet, Hist. de Mahomet II, liv. VII, pag. 374, 375, à l’ann. 1480.
  5. Dans la remarque (E).
  6. Gillet, Hist. de Mahomet II, liv. VII, pag. 384
  7. Là même.
  8. Dans la remarque (A).
  9. Remarque (P).
  10. Septem-Castrensis. de Moribus Turcarum, cap. XI, pag. 40, apud Hottinger, Hist. orient., pag. 338.
  11. Ricaut, État présent de l’Empire ottoman, liv. II, chap. III, pag. m. 324
  12. Le premier en 1692, le second en 1695.
  13. Notez que la Mecque n’est point au Turc, comme les gazettes le supposaient.
  14. Conférez ces paroles de Juvénal, sat. VI, vs. 407 :

    Quosdam facit îsse Niphatem
    In populos, magnoque illic cuncta arva teneri
    Diluvio, nutare urbes, subsidere terras.

  15. IIe. épître à Timoth., chap. III, vs. 17.
  16. Ire. épître à Timoth., chap IV, vs. 8.
  17. Invenietis omnia prospera evenisse sequentibus Deos, adversa spernentibus. T. Lisius, lib. V.
  18. ......... Careat successibus opto
    Quisquis ab eventu facta notanda putat.
    Ovid., Epist. Phyll. ad Demophoont.

  19. Appliquez ici ce que disait saint Hilaire, lib. II, ad Constant., contre les annuas atque menstruas de Deo fides, qui étaient plutôt fides temporum quàm Evangeliorum. Voyez aussi l’Avis aux Refugiés, pag. 85, et, tom. II, p. 379, la fin de la remarque (G) de l’article Arius.
  20. I, demens, et sævas curre per Alpes,
    Ut pueris placeas et declamatio fias.
    Juven., sat. X, vs. 166.

  21. Et nos ergò manum ferulæ subduximus, et nos
    Consilium dedimus Syllæ, privatus ut altum
    Dormiret ......................
    Idem, sat I, vs. 15.

  22. Platina, in Bonifacio V.
  23. Hottinger, Hist. orient., pag. 338.
  24. Jovius, in Elogiis Virorum bellicâ virtute illustrium, lib III, pag. m. 262.
  25. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. I, pag. 10.
  26. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. II, pag. 11.
  27. C’est-à-dire, dans le sérail,
  28. Voyez l’article de César, tom. V, pag. 31, remarque (H), au premier alinéa.
  29. Maimbourg, Histoire du Schisme des Grecs, liv. II, pag. 291, édition de Hollande, il cite Ducas, cap. 33.
  30. Voyez, sur tout ceci, les remarques de l’article Timoléon, tom. XIV.
  31. Mainbourg, Histoire du Schisme des Grecs, pag. 358 et suiv.
  32. Maimbourg, Histoire du Schisme des Grecs, pag. 361, 362.
  33. Histoire de Mahomet II, liv. III, pag. 259 et suiv.
  34. C’est-à-dire Sponde, dans la Continuation des Annales. Il cite la lettre CCCLXXX du cardinal de Pavie, était dit qu’une personne ayant porté une copie de ce vœu à Raguse, on le traduisit en italien, et on l’envoya aux Vénitiens, qui le communiquèrent au pape. Apparemment cette pièce fut fabriquée ou par quelque homme de loisir, ou par quelque politique, afin d’animer à une guerre de ligue les princes occidentaux.
  35. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. VI, pag. 164 et suiv.
  36. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. III, pag. 293, à l’ann. 1455.
  37. Là même.
  38. Là même, pag. 299.
  39. C’est Bandel (Mathieu), dont j’ai donné l’article, tom. III, pag. 80.
  40. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. I, pag. 9.
  41. Guillet, Histoire de Mahomet II, liv. I, pag. 15.
  42. Là même, pag. 16.
  43. Là même, pag. 17. Voyez, sur tout ceci, le père Maimbourg, Histoire du Schisme des Grecs, liv. VI, pag. 289, qui cite Phranz., l. 3, c. 33. Leuncl., l. 15.
  44. Là même, liv. IV, pag. 505 et suiv. Voyez aussi Florent le Comte, au Ier. tome du Cabinet des Singularités, pag. 29 et 30, édition de Paris, 1699, et le Journal de Trévoux, mai 1702, pag. 122, édition de France.
  45. Lettre XXX, p. 333, 334 de la troisième édition.
  46. Paulus Jovius, in Elogiis Virorum bellicâ virtute illustrium, lib. III, pag. 265.
  47. C’est sans doute Angiolello, dont j’ai donné l’article, tom. II, pag. 109.
  48. Guillet, Hist. de Mahomet II, liv. VII, pag. 381.
  49. Scudéri, illustre Bassa, tom. I, pag. 320, 321.
  50. Apud Spondanum, ad annum 1481, num. 2.
  51. Voici la substance de cette épitaphe rapportée par du Verdier, dans son Histoire des Turcs :

    Je suis ce grand Sélim qui debellai la terre,
    Qui cherche les combats encor après ma mort :
    La fortune a toujours fléchi sous mon effort,
    Mon corps est au tombeau, mon esprit à la guerre.

  52. Voyez Paul Jove, Elog. Vir. bellicâ virtute illustr., lib. III, pag. 263, et Guillet, liv. VII, pag. 290, 291.
  53. Guillet, liv. VII, pag. 377.
  54. Maimbourg, Schisme des Grecs, liv. VI, pag. 299 : il cite Leunel., l. 15. Lonic., Hist. Turc., l. 1. Cuspin., in Mahom.
  55. Voyez la remarque (I).
  56. Il s’appelait Phranzes.
  57. Maimbourg, Histoire du Schisme des Grecs, liv. VI, pag. 347.
  58. Maimbourg, Histoire du Schisme des Grecs, liv. VI, pag. 348 : il cite Phranz. liv. 3, c. 18.
  59. Dans l’Histoire du Schisme des Grecs, liv. VI.
  60. Voyez les Entretiens d’Eudoxe et d’Euchariste, pag. 95, édition de Hollande.
  61. Là même, pag. 96.
  62. Voyez Orose, dans sa préface, et saint Augustin, de Civitate Dei, in præfat. et alibi passim.
  63. Évangile de saint Luc, chap XIII.
  64. Conférez ce que dessus, citation (21) de l’article Caussin, tom. IV, pag. 611.
  65. Spondanus, ad ann. 1453, num. 17, p. m. 30.
  66. Horatius, od. VI, lib. III.
  67. Epitome Biblioth. Gesneri, pag. 533.
  68. Ibid, pag. 560.
  69. Vide Crenii Animadv., part. II, p. 26,
  70. Du Plessis, Mystère d’Iniquité, pag. 541.
  71. Coëffet., Réponse au Mystère d’Iniquité, pag. 1197.
  72. Rivet, Remarques sur la Réponse au Mystère d’Iniquité, IIe. part., pag. 617.
  73. Car nous ne sommes pas maquignons de la parole de Dieu, comme plusieurs. IIe. Corinth., chap. II, vs. 17.
  74. O nimiùm faciles qui tristia crimine cœdis
    Flumineâ tolli posse putatis aquâ.
    Ovidius, Fastor., lib. II, vs. 27.

  75. Guillet, Histoire de Mahomet II, tom. I, pag. 461 et suiv., à l’ann. 1461.
  76. C’est ignorer, ce me semble, que cette lettre se trouve dans les éditions des Lettres de Pie II.

◄  Mahomet
Mahomet Galadin  ►