Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mahomet 1

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MAHOMET, fondateur d’une religion qui eut bientôt, et qui a encore une très-grande étendue (A), naquit à la Mecque dans l’Arabie, au VIe. siècle. On n’est point d’accord sur l’année de sa naissance (B), ni sur l’état de sa famille (C) ; mais personne ne nie qu’Abdalla son père, et Émina sa mère ne fussent pauvres. Abdala mourut deux mois avant la naissance de Mahomet[a]. Émina le suivit au bout de six ans, et Abdolmutleb, père d’Abdalla, mourut deux ans après elle. Il fallut que cet enfant fût élevé par Abutaleb, son oncle. Abutaleb et sa femme furent fort contens de la conduite de leur neveu[b] ; mais n’ayant pas assez de bien pour le marier, ils trouvèrent à propos de le placer au service d’une femme qui envoyait des marchandises dans la Syrie. Cette femme, nommée Chadighé, devint amoureuse de Mahomet son voiturier, ou le conducteur de ses chameaux, et l’épousa (D). Il avait alors vingt-cinq ans. Il eut de cette femme trois fils qui moururent fort jeunes, et quatre filles qui furent bien mariées[c]. Comme il était sujet au mal caduc, et qu’il voulut cacher à sa femme cette infirmité, il lui fit accroire qu’il ne tombait dans ces convulsions, qu’à cause qu’il ne pouvait soutenir la vue de l’ange Gabriel, qui lui venait annoncer de la part de Dieu plusieurs choses concernant la religion (E). Chadighé, ou trompée ou feignant de l’être, s’en allait dire de maison en maison que son mari était prophète, et par ce moyen elle tâchait de lui procurer des sectateurs[d]. Son valet et quelques autres personnes qu’il suborna, travaillèrent à la même chose ; et cela avec tant de succès, que les magistrats de la Mecque craignirent une sédition. Afin donc de prévenir les désordres que la naissance d’une secte a coutume de produire, ils résolurent de se défaire de Mahomet. Il en fut averti, et il prit la fuite. Le temps de cette évasion est l’époque des mahométans (F), et c’est de là qu’ils comptent les années de l’Hégire. Il se retira à Médine, accompagné de peu de gens ; mais il y fut joint bientôt après par plusieurs de ses disciples. Il ne tarda guère à faire éclater le dessein qu’il avait pris d’établir sa religion par les armes. Il donna son grand étendard à son oncle Hamza, et l’envoya en parti avec trente hommes[e]. Cette première tentative n’eut aucun succès. La seconde fut très-heureuse : il chargea avec 319 hommes une caravane d’environ mille Koréischites, et la battit. Le butin fut considérable. Il perdit quatorze hommes, qui ont été honorablement placés au martyrologe mahométan (G). Après plusieurs combats bien plus importans, il se rendit maître de la Mecque, l’an 8 de l’Hégire[f]. Il mourut trois ans après à Médine, à l’âge de soixante-trois ans, selon quelques historiens[g]. Il n’est pas aisé de savoir le vrai détail de ses actions ; car si les écrivains de sa secte ont inventé mille fables pour l’honorer, il n’y a point d’apparence que ses adversaires aient fait scrupule de débiter des mensonges contre lui. C’est une chose bien notable, qu’il disait lui-même qu’il ne faisait point de miracles, et cependant ses sectateurs lui en attribuent beaucoup (H). Ils prétendent même que sa naissance fut accompagnée de circonstances si miraculeuses, qu’on n’en saurait être assez étonné (I). Il y a des gens qui s’imaginent qu’il a pu croire ce qu’il disait (K), et qui désapprouvent que l’on débite qu’il n’attira tant de sectateurs, qu’à cause que sa morale s’accommodait à la corruption du cœur (L), et parce qu’il promettait aux hommes un paradis sensuel (M). La principale cause de ses progrès fut sans doute le parti qu’il prit de contraindre par les armes à se soumettre à sa religion (N) ceux qui ne le faisaient pas volontairement. Par-là nous conservons à la religion chrétienne l’une des preuves de sa divinité (O) : c’est celle qui est tirée de sa prompte propagation par toute la terre : mais nous perdons la preuve que son étendue avait fournie (P). Il ne faut plus s’étonner que ce faux prophète n’ait pas eu recours à un artifice dont tous les chefs de parti, en matière d’hérésies et de sectes, se sont servis[h] : il ne s’est point appuyé sur des intrigues de femme[i] ; et il n’a nullement mis le beau sexe dans ses intérêts (Q). Il a cru que la valeur de ses troupes lui suffirait. Peut-être ne redouta-t-il les Persanes (R), que parce qu’il voulut établir un code plein de dureté contre les femmes. Il en aimait pourtant furieusement la jouissance, et l’on conte des choses bien singulières de sa vigueur à cet égard (S). Sa lubricité fut sans doute cause qu’il permit la polygamie avec quelques bornes, et le concubinage sans aucunes bornes[j]. Il n’osa pas être le seul qui jouît de ce privilége, quoique pour l’inceste il ait eu l’audace de l’interdire à ses sectateurs, et de s’en donner la permission par un privilége spécial (T). M. Moréri rapporte un conte à quoi l’on a oublié de joindre une circonstance essentielle, c’est touchant cet homme qui fut accablé de pierres dans un puits sec (V). L’un des plus impertinens mensonges qu’on ait débités touchant Mahomet est de dire qu’il a été cardinal (X). Il y a eu, même dans la communion des protestans, quelques docteurs qui l’ont pris pour l’Antechrist (Y). Je ne saurais croire que son cadavre ait été mangé des chiens (Z), comme plusieurs le débitent ; et le père Louis Maracci a raison de remarquer que les chrétiens font des reproches à la secte de Mahomet, qui témoignent tant d’ignorance des faits véritables, que cela fait rire les infidèles, et les rend plus opiniâtres dans leur infidélité[k]. On a publié un Testament de Mahomet (AA), qui a bien la mine d’être une pièce supposée : c’est un traité de mutuelle tolérance, qui fut conclu, dit-on, entre lui et les chrétiens. On peut alléguer des preuves de fausseté tirées de la pièce même (BB). Quoi qu’il en soit, il est sûr qu’au commencement il eut pour eux plus d’humanité que pour les Juifs : ce qui est assez étrange ; car avec l’esprit de conquérant qu’il fit éclater, il était fort propre à se faire suivre par la nation judaïque, comme le Messie qu’elle attendait (CC). Les mahométans ont pour lui une très-grande vénération (DD), de quoi ils donnent des témoignages bien particuliers. Ils font des pèlerinages fort dévots à la ville de sa naissance, et à celle où est son tombeau. Il n’est pas vrai que ce tombeau soit suspendu (EE), comme plusieurs écrivains le disent en se copiant les uns les autres ; et il n’est pas trop certain qu’aucun architecte soit capable d’un tel ouvrage (FF). Il court plusieurs prédictions qui menacent le mahométisme depuis long-temps (GG), et l’on conte que Mahonet, interrogé combien durerait sa religion, montra ses doigts étendus, et l’on prétend que cela signifiait qu’elle durerait mille ans, et qu’ainsi elle finirait l’an 1639[l]. Je n’examine point si le calcul est bien juste, et ne m’amuse pas à réfuter de semblables choses. Je dois dire en faveur des auteurs chrétiens, que ce sont les sectateurs de cet imposteur qui ont débité de lui les fables les plus ridicules. Ce sont eux qui nous apprennent que le riz et la rose naquirent de sa sueur (HH) ; et que l’ange Gabriel lui enseigna la composition d’un ragoût qui lui donnait de grandes forces pour jouir des femmes (II). Au reste, la religion de ce faux docteur a été sujette au même inconvénient qu’on a remarqué à la naissance du christianisme, et à celle de la réformation de Luther ; car dès qu’il eut prophétisé, il s’éleva plusieurs faux prophètes (KK), et ses sectateurs se divisèrent bientôt. Je m’étonne moins de sa hardiesse à l’égard de la promesse du Paraclet, que de celle de quelques auteurs arabes, qui se vantent d’avoir lu des exemplaires de l’Évangile, qui contenaient des choses touchant Mahomet, qu’ils prétendent que les chrétiens ont effacées (LL). Je ne sais si l’on doit croire ce que disent quelques-uns, que Mahomet déclara qu’il n’y avait que le tiers de l’Alcoran qui fût véritable (MM).

Qui voudra voir une suite chronologique des actions et des aventures de ce faux prophète, soutenue de fort bonnes citations, et d’un beau détail de circonstances, n’aura qu’à lire l’ouvrage de M. Prideaux[m]. Il a été traduit d’anglais en français [n] depuis la première édition de ce Dictionnaire. On y voit entre autres choses beaucoup de preuves que Mahomet a été un imposteur, et qu’il a fait servir son imposture à sa cupidité[o]. L’une de ces preuves est tirée de ce que les variations de son esprit prophétique répondaient au changement de ses intérêts particuliers (NN). Ce qu’on rapporte de ses amours est assez étrange. Il était jaloux au souverain point, et il ne laissa pas de prendre patience par rapport aux galanteries de celle de ses épouses qui lui était la plus chère (OO). Il ne put jamais se résoudre à la renvoyer, et il fit intervenir les grandes machines de ses révélations, pour faire en sorte que l’on cessât de médire d’elle, et de se scandaliser de son amitié pour une épouse de mauvais bruit. Ses sectateurs crurent enfin qu’elle était honnête, car ils reçurent comme des oracles l’interprétation qu’elle donnait aux paroles de leur loi (PP). Quelques auteurs chrétiens débitent un conte fort ridicule touchant la crédulité des mahométans pour les miracles (QQ). On a blâmé M. Simon de certaines choses qu’il a publiées, qui tendent à exténuer l’infamie du mahométisme[p] : Voyez le dernier chapitre de son Histoire critique de la Créance et des Coutumes des Nations du Levant. Mais s’il a raison quant au fond, il mérite qu’on le loue ; car il ne faut point fomenter la haine du mal en le décrivant plus noir et plus haïssable qu’il ne l’est effectivement.

  1. Elmacin. apud Hottinger. Historiæ oriental., lib. II, cap. I, pag. 205.
  2. Abunazarus, pag. 161, apud Hottinger., ibid.
  3. Idem, apud eumdem Hottingerum. Ibid., pag. 210
  4. Voyez la remarque (E).
  5. Hottinger. Histor. oriental. pag. 269, ex Elmacino.
  6. Idem, pag. 271.
  7. Idem, ibid. pag. 273, ex Elmacino et Patricide.
  8. Conférez ce que dessus, remarque (D) de l’article Grégoire I, tome VII, pag. 216
  9. Exceptez, si vous voulez, les bons offices que sa femme Chadighé lui rendit au commencement, comme je l’ai marque ci-dessus.
  10. Voyez la remarque (Q).
  11. Esse etiam in illis dicit qui ex rerum turcicarum ignorantiâ in medium proferant quæ risum potiùs Mahumetanis excitent, ac in errore eos obstinatiores reddant. Lud. Maraccius, è congregatione clericorum regularium Matris Dei, in Prodromo ad Refutationem Alcorani, apud Acta Eruditorum Lips. 1692, pag. 329.
  12. Voyez Andréas Carolus, à la page 953 du Memorabilia eccles. sæculi XVII.
  13. Intitulé la Vie de Mahomet.
  14. La traduction française a été publiée à Amsterdam, l’an 1698.
  15. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 155.
  16. Voyez Difficultés proposées à mons. Steyaert, VIe. partie, depuis la page 303 jusques à la pag. 316.

(A) Sa religion eut bientôt, et a encore une très-grande étendue. ] Il ne faut pas croire ceux qui disent qu’elle occupe la moitié du monde ou plus[1] : il suffit de dire que si nous divisons les régions connues de la terre en trente parties égales, celle des chrétiens sera comme cinq, celle des mahométans comme six, et celle des païens comme dix-neuf[2]. Ainsi la mahométane est beaucoup plus étendue que la chrétienne ; car elle la surpasse de la trentième partie du monde connu : or cette trentième partie est un pays bien considérable.

(B) On n’est point d’accord sur l’année de sa naissance. ] Il naquit, selon quelques-uns, l’an 560[3], ou l’an 577[4] : selon d’autres, l’an 580 [5], ou l’an 593[6], ou l’an 600[7], ou l’an 620[8]. Mais l’opinion la plus vraisemblable est celle qui le fait naître l’an 571, ou l’an 572. C’est l’opinion d’Elmacin : vous voyez que même en ne s’attachant qu’à un seul auteur, on n’évite pas les variétés. Elmacin, si nous en croyons Hottinger [9], met la naissance de Mahomet à l’an 571 ; mais si nous en croyons Reiskius, il la met à l’an 572. Cùm nativitas Muhammedis inter arabes et christianos historicos valdè sit controversa, ex omnibus Elmacinum se sequi profitetur Reiskius, tanquàm antiquum in historiâ saracenicâ scripturem, et ex seculo post N. C. septimo superstitem. Emergit verò sic annus nativitatis post N. C. 572, diesque 22 mensis Nisan, h. e. aprilis. C’est ainsi que parlent les journalistes de Leipsic[10], dans l’extrait du Chronicon Saracenicum et Turcicum Wolfgangi Drechsleri, imprimé pour la première fois l’an 1550, et en dernier lieu à Leipsic, l’an 1689. N’est-ce pas une honte à l’homme, que l’on ait si mal observé l’année où naquit un faux prophète qui fit tant parler de lui pendant sa vie, et qui est devenu l’idole de tant de peuples après sa mort ?

(C) ..... ni sur l’état de sa famille. ] Une infinité d’auteurs ont écrit que ce faux prophète était d’une basse naissance, et que son père était païen, et sa mère juive. Mahometis Arabis vitam qui descripserunt multi fuerunt qui etsi non uno modo illius res tradunt, in eo tamen conveniunt omnes quòd eum è plebeio vilique genere ortum pauperibus parentibus, patre Ethnico, matre Judæâ affirmant [11]. M. Moréri a suivi ce sentiment, qui est peu conforme aux auteurs arabes : ils ne prétendent pas que le père de Mahomet fût riche : mas ils soutiennent qu’il était de grande naissance, et que la tribu de Koréischites, à laquelle il appartenait, surpassait en rang et en dignité toutes les autres tribus arabes[12]. Ibn Calican, auteur arabe, dit expressément qu’Émine était de cette tribu, et cela est fort vraisemblable, vu que les Arabes gardent encore aujourd’hui fort exactement la coutume de se marier avec des femmes de leur tribu[13].

(D) Chadighé devint amoureuse de Mahomet..... et l’épousa. ] Quelques-uns disent qu’il se servit de sortiléges pour se faire aimer de cette femme ; mais d’autres prétendent qu’il n’eut besoin que de sa jeunesse [14], et de sa vigueur naturelle qui était fort surprenante, comme on le verra ci-dessous. M. Chevreau dit une chose que la plupart des écrivains ne disent pas ; c’est que cette femme était mariée lorsque Mahomet servait chez elle. « Il fut vendu ou confié à Abdimonéphi, le plus riche marchand des Ismaëlites. Outre qu’il rendit à ce marchand d’assez grands services, il donna dans la vue de sa femme Chadijah : et le facteur avait peut-être des qualités qui manquaient au maître. Si l’on s’en rapporte à quelques auteurs, il avait la taille ramassée et médiocre, la tête grosse, le visage brun, la couleur vive, le regard modeste, l’air noble, le corps libre et dégagé, l’abord civil, la conversation insinuante, l’esprit fin et souple ; était éloquent, robuste, et méprisait ordinairement les dangers que craignent les autres[15]. » Voici un passage qui témoigne ce que j’ai dit de ses sortiléges. Tùm verò animi æquè ac corporis dotibus... ornatus, Chadigam heram suam in suî primum convertit amorem (præstigiis illud factum scribit Zonaras [* 1], habitum eum pro mago testantur Richardus in Confusione Alcorani, et non paucæ Acorani Azoaræ) cujus potitus matrimonio [* 2], et cum eâ divitiis amplissimis [* 3], ingentia moliri cæpit, et amplarum regionum imperium tantùm non deglutire[16].

(E) Il fit accroire à sa femme, qu’il ne tombait dans ces convulsions qu’à cause...... de l’ange Gabriel, qui lui venait annoncer...... des choses concernant la religion. ] Il avait quarante ans lorsqu’il commença à s’ériger en prophète, et il voulut que sa femme fût sa première prosélyte. Uxori suæ primum, [* 4] adjutus monachi illius Byzantini operâ, suas persuasit revelationes, Gabrielem angelum à DEO missum secum colloqui fingens ; et de diversis ad religionem spectantibus rebus monere ac instruere, cujus aspectum quod ferre nequiret, se obortâ ex metu vertigine, collabi, et humi procumbere ; hâc autem ratione comitialem morbum quo vexabatur, callidè excusabat [* 5]. Illa verò Chadiga circum cursitare, maritum suum ceu prophetam deprædicare, in eundemque errorem alias gentiles suas pertrahere, pari [* 6] etiam munere fungente servo Zeido, aliisque,[* 7] quos auro corruperat Muhammed[17]. S’il voulut commencer par la séduction de sa femme, ce ne fut pas dans la vue de se servir de l’artifice de presque tous les novateurs. Ils affectent d’avoir des dévotes, et d’employer les intrigues et le zèle de quelques femmes pour réussir dans leur dessein. Mahomet, comme on le verra ci-dessous,[18] négligea ce stratagème. Il eut des femmes et des concubines en fort grand nombre ; mais ce fut pour l’usage naturel, pour le remède de son incontinence, pour le plaisir vénérien, en un mot, et non pas pour la propagation de sa foi. Il ne gagna point l’affection de ses épouses, ce furent elles, dit-on, qui lui ôtèrent la vie[19]. Il leur était infidèle, et il les battait ; et il fit même une loi qui permettait aux maris de battre leurs femmes, quand cela serait nécessaire. Il allégua cet édit lorsqu’il eut battu l’une des siennes, et qu’il eut vu que les autres en murmuraient ; et de peur que cette raison ne suffit pas à les apaiser, il y joignit un plaisant sophisme, un distinguo ridicule. Je ne l’ai pas battue, dit-il, en tant qu’elle est mon épouse, mais en tant que c’est une très-méchante vieille. Licentiam verberandarum uxorum, ex proprio dabat exemplo, nam quùm aliquandò duriùs excepisset mulierum suarum aliquam, et cæteræ indignarentur, ipse tùm legis patrocinio usus fuit, tùm tali distinctione : quòd illam verberâsset, non quatenùs uxor ejus, sed quòd execranda esset vetula[20].

(F) Le temps de cette évasion est l’époque des mahométans. ] Ils la nomment hégire. Ce mot signifie fuite ; mais afin que leur époque portât un nom honorable, ils affectèrent de prendre ce mot dans un sens particulier, je veux dire pour un acte de religion, qui fait que l’on quitte sa patrie, et que l’on cède à la violence des persécuteurs de la foi[21]. Les Koréischites regardaient Mahomet comme un séditieux et comme un impie, qui s’enfuyait afin d’éviter le juste supplice qu’on lui préparait. Lui, au contraire, et les compagnons de son exil, prétendirent être de saints pèlerins et des fugitifs pour la religion et pour la cause du vrai Dieu. Il y avait déja long-temps que Mahomet faisait le prophète lorsqu’il abandonna sa patrie, et il avait passé bien des jours dans une caverne pour préparer ses prophéties. Quòd autem seditionem hinc metuerunt Mecchani, præveniendum his censuêre motibus novis Muhammedemque seditionis, sub religionis prætextu motæ, accusatum, convictum et condemnatum è medio tollere constituerant, nist Muhammed de periculo admonitus solum ac civitatem vertisset, quod anno ætatis ipsius quinquagesimo quarto contigit, cùm jam 15 per annos pseudoprophetiam in speluncâ Garberâ (uti Numa cum Egeriâ) propè Meccam, in quâ multos ad crepusculun usquè delituerat soles [* 8], partim conflâsset, partim in vulgus sparsisset[22]. Cette fuite tombe au 16 de juillet 622[23].

(G) Il perdit quatorze hommes, qui furent placés au martyrologe mahométan. ] Ce sont de plaisans martyrs que des gens qui sont tués au pillage d’une riche caravane, et en faisant le métier de miquelets et de bandits. Elmacin rapporte que Mahomet ne fit cette course que pour piller cette caravane. Audiverat antem Abusophianum filium Harethi in Syriam cum magnâ caravanâ Koreischitarum opibus onustâ contendere. Egressus igitur est eas direptum... Vicerunt Muslimini occidentes infidelium 70 totidemque capientes. Ex Musliminis verò tanquàm martyres occubuerunt 14[24]. Les auteurs arabes ont fort loué ce combat ; l’Alcoran même en fait mention plus d’une fois[25], comme d’une affaire où Dieu et ses anges protégèrent merveilleusement la bonne cause.

(H) Il disait lui-même qu’il ne faisait point de miracles, et cependant ses sectateurs lui en attribuent beaucoup. ] Grotius s’est servi de cet aveu pour combattre le mahométisme, aprés avoir observé que Mahomet ne nie point les miracles de Jésus-Christ. Jesus visum cæcis, claudis gressum, ægrotis sanitatem dedit, imo fatente Mahumete, etiam vitam mortuis. Mahumetes [* 9] se missum ait non cum miraculis, sed cum armis. Secuti tamen sunt, qui ei et miracula attribuerent, at qualia ? Nempè quæ aut arte humanâ facilè possunt effecta reddi, ut de columbâ ad aurem advolante : aut quorum nulli sunt testes, ut de camelo noctu ei locuto ; aut quæ suî absurditate refelluntur [* 10], ut de magnâ lunæ parte in manicam ipsius delapsâ, et ab ipso remissâ ad reddendam sideri rotunditatem[26]. Je m’étonne que M. Simon ait oublié le beau miracle dont Grotius vient de nous parler, cette portion de la lune qui était tombée dans la manche de Mahomet, et que Mahomet renvoya au ciel, afin que cet astre ne perdit rien de sa rondeur. Voici les paroles de M. Simon[27]. Les mahométans attribuent quelques miracles à leur législateur. Ils assurent qu’il fit sortir de l’eau de ses doigts, et qu’en marquant la lune de son doigt, il la fendit. Ils disent aussi que les pierres, les arbres, les bêtes le reconnurent pour le véritable prophète de Dieu, et qu’ils le saluèrent en ces termes : Vous êtes le véritable envoyé de Dieu. Ils affirment de plus, que Mahomet alla une nuit de la Mecque à Jérusalem, d’où il monta au ciel ; qu’il vit là le paradis et l’enfer ; qu’il parla avec Dieu, quoique cela soit réservé aux bienheureux après la mort ; qu’enfin il descendit du ciel cette même nuit, et qu’il se trouva dans la Mecque avant qu’il fût jour. Mais ne quittons pas cette matière sans rapporter la remarque d’un docte allemand. Il dit que quelques chrétiens, poussés d’un faux zèle contre Mahomet, l’accusent de s’être vanté de certains miracles que les écrivains arabes ne lui ont jamais donnés. « Il y a des auteurs arabes qui attribuent des miracles à Mahomet ; mais les autres les nient. Par exemple, les premiers font dire à Mahomet, que la lune s’étant approchée de lui, il la fendit en deux. M. Pfeiffer remarque, après Beidavi, que jamais Mahomet n’a dit cela ; mais seulement, qu’avant le dernier jour, on verra ce prodige dans le ciel. Ils lui font dire qu’à la prise de la ville de Chaibar, une femme juive lui ayant présenté un agneau empoisonné, l’agneau tout rôti l’avertit de ne le manger pas. Mais Abulfeda rapporte simplement cette histoire, comme si Mahomet, en ayant goûté un morceau, et s’étant aperçu qu’il était empoisonné, avait dit, après l’avoir craché contre terre : Cet agneau me dit qu’il est empoisonné ; c’est-à-dire, je sens que cela est empoisonné. En effet, il confesse souvent, dans l’Alcoran, qu’il ne pouvait faire de miracles. C’est pourquoi il faut regarder comme une fable ce qu’on dit du pigeon qui venait manger dans son oreille, et du taureau qui ne voulait rien manger qu’il ne le lui donnait de sa propre main. M. Pfeiffer[* 11] reconnaît que les Arabes n’ont jamais rien écrit de pareil, et que ce sont des productions du zèle déréglé de quelques chrétiens contre cet imposteur [28]. »

Ne pourrions-nous pas représenter à M. Pfeiffer que les chrétiens en ont usé à l’égard des mahométans, comme ceux de la religion en usent à l’égard des catholiques ? Il y a dans quelques légendaires plusieurs miracles dont les auteurs graves de la communion romaine ne parlent jamais, ou même dont ils se moquent. S’ensuit-il que les protestans soient des calomniateurs, ou des écrivains transportés de trop de zèle, lorsqu’ils reprochent aux catholiques l’absurdité de tels miracles ? Pourquoi ne dirions-nous pas que les chrétiens qui ont raillé les mahométans sur des miracles qu’on ne trouve point aujourd’hui dans les écrivains arabes, avaient lu quelques auteurs de néant qui s’étaient donné l’essor en l’honneur du faux prophète, comme font nos légendaires en l’honneur des saints ? Si l’on ne trouve pas dans les auteurs graves tout ce que M. Chevreau va nous dire, on le trouve peut-être dans des écrivains de mauvais aloi, et semblables à ceux qui publient les petits livrets couverts de bleu que les colporteurs vendent dans les rues. Laissons parler M. Chevreau [29] : « Quand les Koréischites de la Mecque l’eurent[30] prié de faire un miracle pour faire connaître ce qu’il était, il divisa la lune en deux pièces, entre lesquelles ils aperçurent une montagne. Ayant appelé deux arbres, ils se joignirent pour aller à lui, et se séparèrent, en se retirant, par le commandement qu’il leur en fit. Dans tous les endroits où il passa, il n’y avait ni arbre ni pierre qui ne le saluât avec respect, et qui ne lui dît : La paix soit sur vous, apôtre de Dieu. Il faisait sortir d’entre ses deux doigts des fontaines, qui, dans la plus grande sécheresse, fournissaient de l’eau à tous ses soldats, et à toutes les bêtes de charge de son armée qui était nombreuse. Avec un chevreau et quatre petites mesures d’orge, il contenta la faim de quatre-vingts hommes ; en nourrit un plus grand nombre avec quelques pains ; et une autre fois généralement toutes ses troupes avec peu de dattes qu’une jeune fille lui avait portées dans sa main. Un tronc de palmier, devant lequel il avait accoutumé de prier Dieu, eut une si grande passion pour lui, qu’en son absence on l’entendit crier plus haut qu’un chameau, et ne cria plus dès le moment qu’il s’en approcha.... S’il fallait compter ses miracles, on en compterait jusques à mille, selon quelques-uns ; jusques à trois mille, selon quelques autres. »

Je ne voudrais pas nier qu’à certains égards le zèle de nos disputeurs ne soit injuste ; car s’ils se servent des extravagances d’un légendaire mahométan, pour rendre odieux ou ridicule Mahomet même, ils violent l’équité que l’on doit à tout le monde, aux plus méchans, comme aux gens de bien. Il ne faut jamais imputer aux gens ce qu’ils n’ont point fait ; et par conséquent il n’est point permis d’argumenter contre Mahomet en vertu des rêveries que ses sectateurs content de lui, s’il n’est pas vrai qu’il les ait lui-même débitées. Il sera assez chargé, quand même on ne lui fera porter que ses propres fautes, sans le rendre responsable des sottises qu’un zèle indiscret et romanesque a fait couler de la plume de ses disciples.

(I)....... Ils prétendent que sa naissance fut accompagnée de circonstances si miraculeuses, qu’on n’en saurait être assez étonné. ] « Pourvu qu’on en croie quelques Arabes, voici les miracles qui précédèrent où qui accompagnèrent la naissance de Mahomet, et qui donnèrent de l’étonnement à tout le monde. Émine porta sans inquiétude, dans son ventre, ce nouveau prophète. Elle accoucha de lui sans douleur : et il tomba, quand il vint au monde, le visage contre terre pour honorer Dieu. En se relevant, et haussant la tête, il s’écria, qu’il n’y avait qu’un seul Dieu qui l’avait choisi pour son envoyé. Il naquit circoncis ; ce que la plupart des Juifs croient d’Adam, de Moïse, de Joseph et de David ; et les démons furent tous alors chassés du ciel. Sa nourrice Halima, ou la débonnaire, qui n’avait point de lait dans son sein, en eut quand elle s’offrit au nouveau-né. Quatre voix furent entendues aux quatre coins de la Caabah, et en publièrent les merveilles. Le feu des Perses, qui avait toujours éclairé, s’éteignit. Un palmier sec poussa des feuilles et du fruit. Des sages-femmes d’une beauté extraordinaire se trouvèrent là sans y avoir été appelées ; et il y eut même des oiseaux qui avaient pour bec des jacintes, dont l’éclat brillait depuis d’Orient jusqu’à l’Occident[31]. » Il n’y a rien de plus risible que ce qu’on veut qu’aient fait les anges gardiens de Mahomet. Ils le transportèrent sur une montagne, et ils lui fendirent le ventre ; ils lui lavèrent si bien les boyaux, qu’ils les rendirent plus blancs que la neige ; ils lui ouvrirent la poitrine, et lui ôtèrent du cœur le grain noir, ou la goutte noire, qui est une semence diabolique qui tourmente tous les autres hommes : ils lui firent tout cela sans qu’il sentît aucune douleur ; et ayant été ainsi lavé et nettoyé au dedans du corps, il s’en retourna de lui-même au logis. Notez qu’il n’avait alors que quatre ans[32].

(K) Il y a des gens qui s’imaginent qu’il a pu croire ce qu’il disait. ] Voici leur raisonnement. Tous les chrétiens demeurent d’accord que le diable est le vrai auteur du mahométisme, et qu’il ne s’est servi de Mahomet que comme d’un instrument pour établir dans le monde une fausse religion. Il faut donc dire que Mahomet fut livré au diable par la providence de Dieu, et que le pouvoir que Dieu donna au démon sur ce misérable fut beaucoup moins limité que celui qu’il eut sur Job ; car Dieu ne permit point au démon de pervertir l’âme de Job, comme il lui permit de se servir de âme de Mahomet pour tromper les hommes. Avec un si grand empire, qui de l’aveu de tous les chrétiens a été cause que le démon a poussé ce personnage à dogmatiser, n’a-t-il pas pu lui persuader que Dieu l’avait établi prophète ? Il aura pu lui inspirer le vaste dessein d’établir une religion ; il aura pu lui communiquer l’envie de se donner mille peines pour tromper le monde, et il n’aura pu le séduire ? Quelle raison peut-on avoir d’admettre l’un, et de nier l’autre ? Est-il plus difficile de pousser la volonté à de grands desseins, malgré les lumières opposées de l’entendement, que de tromper l’entendement par une fausse persuasion, ou que d’incliner la volonté vers une fausse lumière, en sorte qu’il y acquiesce comme à une vraie révélation ? J’avoue que l’une de ces deux choses ne me semble pas plus difficile que l’autre. Mais si le démon a pu séduire Mahomet, n’est-il pas très-vraisemblable qu’il l’a séduit effectivement ? Cet homme était plus propre à exécuter les desseins du diable, s’il était persuadé, que ne l’étant pas. On ne saurait me nier cela ; car toutes choses étant égales d’ailleurs, il est manifeste qu’un homme qui croit bien faire, sera toujours plus actif et plus empressé qu’un homme qui croit mal faire. Il faut donc dire que le démon, se conduisant avec une extrême habileté dans l’exécution de ses projets, n’a point oublié la roue la plus nécessaire à sa machine, ou la plus capable d’en augmenter le mouvement ; c’est-à-dire qu’il a séduit ce faux prophète. S’il l’a pu, il l’a voulu ; et s’il l’a voulu, il l’a fait : or on a prouvé ci-dessus qu’il l’a pu faire. Ajoutez à cela, disent ces messieurs, que l’Alcoran est l’ouvrage d’un fanatique ; tout y sent le désordre et la confusion ; c’est un chaos de pensées mal accordantes[33]. Un trompeur aurait mieux rangé ses doctrines : un comédien aurait eu plus de justesse. Et qu’on ne dise pas que le démon ne lui aurait point persuadé de combattre l’idolâtrie, ni de tant recommander l’amour du vrai Dieu et la vertu ; cela prouve trop : on en pourrait conclure que Mahomet n’a point été son instrument. Outre que nous pouvons dire, 1°. qu’il lui suffisait d’opposer au christianisme une fausse religion, encore qu’elle tendît à la ruine du paganisme ; 2°. qu’il n’est pas possible de faire accroire que l’on vient de la part de Dieu, si l’on ne produit de beaux dogmes de morale[34]. Il ne servirait de rien de dire que ce faux prophète se vante d’avoir un commerce avec l’ange Gabriel ; car puisque l’Écriture nous apprend que le démon se transfigure en ange de lumière, ne pouvons-nous pas prétendre qu’il s’est présenté à Mahomet sous le nom et sous la figure de l’ange Gabriel ? Mais Mahomet faisait accroire que cet ange lui venait parler à l’oreille sous la figure d’un pigeon ; or c’était un vrai pigeon que Mahomet avait dressé à lui venir béqueter l’oreille. Nous verrons bientôt[35] que c’est un conte dont les Arabes ne font aucune mention. Le célèbre Gisbert Voëtius ne doute point que Mahomet n’ait été un enthousiaste, et même un énergumène : voici ses paroles ; on y verra d’autres gens qui en ont jugé de la sorte. Non video cur hoc negandum sit (epilepsiæ, et maniacis deliriis aut enthusiasmis diabolicis Muhammedi adfuisse energema), si vitam et actiones ejus intueamur. Et exsertè de illo probat Johannes Andreas Maurus in Confusione sectæ Mahometicæ, cap. 1, eum à Meccanis civibus pro fatuo et obsesso, et à propriâ uxore pro phrenetico et à Satanæ tentationibus deluso fuisse habitum. Idem, ibid. et Philippus Guadagnolo in Apologiâ contrâ Achmedum Alabadin c. 10. sect. 1, ex libris Saracenicis Agar et Assifa probant eum ex vitâ eremiticâ, et nimio jejunio factum fuisse insomnem et furiosum, et in speluncâ commorantem audiisse voces et sermones, loquentem autem neminem vidisse. Ita cum furiosis et dæmoniacis enthusiastis, ac prophetis Monasteriensibus quos patrum nostrorum ætas vidit, in ea comparari posse[36].

Quelque spécieuses que puissent être ces raisons, j’aime mieux croire, comme l’on fait communément, que Mahomet a été un imposteur ; car, outre ce que je dirai ailleurs[37], ses manières insinuantes, et son adresse à s’acquérir des amis, témoignent qu’il ne se servait de la religion que comme d’un expédient de s’agrandir. Facetus moribus, voce suavi, visitandi et excipiendi vices talionis legi suis reddens, pauperes munerans, magnates honorans, conversans cum junioribus, petentem à se aliquid repulsâ nunquàm abigens, aut sermone facili non excipiens[38]. Un vrai fanatique eut-il jamais un tel caractère ? entend-il si bien son monde ? Un homme qui aurait cru pendant quelque temps que Dieu lui envoie son ange pour lui révéler la véritable religion, ne se désabuserait-il pas en éprouvant qu’il ne peut justifier sa mission par aucun miracle ? Or voilà l’état où Mahomet se trouva réduit. Les Koréischites lui offraient d’embrasser sa nouvelle religion, pourvu qu’il fît des miracles ; mais jamais il n’eut la hardiesse de leur en promettre : il éluda subtilement leur proposition, tantôt en disant que les miracles n’étaient plus nécessaires, tantôt en les renvoyant à l’excellence de l’Alcoran[39]. N’y avait-il point là de quoi se convaincre soi-même que l’on n’était pas appelé de Dieu extraordinairement pour fonder une nouvelle religion ? Voyez la remarque (N) à la fin.

(L).... Et qui désapprouvent qu’on débite qu’il n’attira tant de sectateurs que parce que sa morale s’accommodait à la corruption du cœur. ] Sur ce point-ci, je ne doute pas que les personnes dont je parle dans la remarque précédente ne soient mieux fondées, que quant à la prétendue bonne foi de Mahomet. Je ne vois point que ce faux prophète ait dérogé à la morale de l’Évangile[40], et je vois au contraire qu’à l’égard des cérémonies il aggrave notablement le joug des chrétiens. Il ordonne la circoncision, qui, pour les adultes, est une chose bien dure : il veut qu’on s’abstienne de certaines viandes ; c’est une servitude qui n’accommode guère les gens du monde : il interdit l’usage du vin ; or c’est un précepte qui, à la vérité, n’est pas aussi rude pour les peuples asiatiques que pour les nations septentrionales, et qui, à coup sûr, eût fait échouer les Willibrod et les Boniface : mais néanmoins il est incommode dans tous les pays où il croît du vin ; et l’on sait, par l’ancienne histoire et par la moderne, que cette liqueur ne déplaît pas aux Orientaux. Outre cela, Mahomet impose des jeûnes et des lavemens très-importuns, et une assiduité aux prières qui est bien pénible. Il veut qu’on fasse des pèlerinages : en un mot, vous n’avez qu’à considérer les quarante aphorismes de sa morale[41], vous y trouverez tout ce qui oppose le plus à la corruption du cœur ; le précepte de la patience dans l’adversité, celui de ne point médire de son prochain, celui d’être charitable, celui de renoncer à la vanité, celui de ne faire tort à personne, et enfin celui qui est l’abrégé de la loi et des prophètes [42], faites à votre prochain ce que vous voudriez qui vous fût fait [43].

C’est donc se faire illusion que de prétendre que la loi de Mahomet ne s’établit avec tant de promptitude, et tant d’étendue, que parce qu’elle ôtait à l’homme le joug des bonnes œuvres et des observances pénibles, et qu’elle lui permettait les mauvaises mœurs. Si je ne me trompe, les seules choses en quoi elle lâche le nœud que l’Évangile a serré, sont le mariage et la vengeance ; car elle permet la polygamie, et de rendre le mal pour le mal : mais les juifs et les païens n’y gagnaient guère ; ils étaient en possession d’un usage qui ne les gênait pas beaucoup à cet égard. Hottinger[44] nous donne une longue liste des aphorismes moraux, ou des apophthegmes des mahométans. On peut dire sans flatter cette religion, que les plus excellens préceptes qu’on puisse donner à l’homme pour la pratique de la vertu, et pour la fuite du vice, sont contenus dans ces aphorismes. Hottinger ne fait point difficulté de relever cette morale au-dessus de celle de plusieurs moines[45]. M. Simon n’a point parlé moins avantageusement de la religion mahométane, par rapport à la morale. Elle consiste, dit-il [46], à faire le bien, et éviter le mal : c’est ce qui fait qu’ils examinent avec soin les vertus et les vices, et leurs casuistes ne sont pas moins subtils que les nôtres. Après avoir rapporté quelques-uns de leurs principes touchant la nécessité de la foi, et la confiance en Dieu, et l’humilité, et la repentance, etc., il ajoute [47] : Je passe sous silence le reste de leur morale, d’autant que ce que j’en ai rapporte suffit pour montrer quelle elle est ; et je puis assurer, qu’elle n’est point si relâchée que celle de quelques casuistes de notre siècle. J’ajouterai seulement qu’ils ont quantité de beaux préceptes touchant les devoirs des particuliers envers leur prochain, où ils donnent même des règles de la civilité. Ils ont aussi écrit de la manière dont on se doit comporter envers son prince ; et une de leurs maximes est, qu’il n’est jamais permis de le tuer, ni même d’en dire du mal sous prétexte qu’il est un tyran.

(M)....... Et parce qu’il promettait aux hommes un paradis sensuel. ] faut convenir que cette promesse pouvait être un leurre pour les païens, qui n’avaient que des idées confuses du bonheur de l’autre vie : mais je ne sais si elle était propre à tenter les juifs, et je ne crois pas qu’elle ait pu rien opérer sur les chrétiens ; et cependant combien y eut-il de chrétiens que ce faux prophète fit tomber dans l’apostasie ? Je veux qu’il faille prendre à la lettre ce qu’il disait des voluptés de son paradis, que chacun y aurait la force de cent hommes pour se satisfaire entièrement avec les femmes, aussi bien que pour boire et pour manger[48] : cela ne balancerait point l’idée que l’Écriture nous donne du bonheur de l’autre vie ; car elle en parle[49] comme d’un état dont les délices surpassent tout ce que les yeux ont vu, tout ce que les oreilles ont ouï, et tout ce qui peut monter au cœur de l’homme. Dès qu’on ajoute foi à l’Écriture, on se représente le bonheur du paradis comme quelque chose qui surpasse l’imagination, on n’y donne point de bornes. Tâchez de vous fixer à quelque idée, vous n’en venez point à bout, vos espérances vous portent plus haut, elles s’élancent au delà de toutes bornes. Mahomet ne vous laisse point cette liberté : il vous renferme dans de certaines limites ; il multiplie cent fois le plaisir que vous avez éprouvé, et vous laisse là. Qu’est-ce que cent fois en comparaison d’un nombre où l’on ne trouve jamais le dernier terme ? Mais, dira-t-on, l’Écriture ne vous parle que de plaisir en général, et si elle se sert d’une image corporelle, si elle promet que l’on sera rassasié de la graisse de la maison de Dieu, que l’on sera abreuvé au fleuve de ses délices[50], vous êtes avertis tout aussitôt que ce sont des métaphores qui cachent un plaisir spirituel. Cela ne touche pas les âmes mondaines comme si on leur promettait les plaisirs des sens. Je réponds que les âmes les plus plongées dans la matière préféreront toujours le paradis de l’Évangile à celui de Mahomet, pourvu qu’elles ajoutent foi historiquement à la description de la vision béatifique, quand même elles ajouteraient la même foi à l’Alcoran [51]. Je m’explique par cette supposition : Représentons-nous deux prédicateurs, l’un chrétien, et l’autre mahométan, qui prêchent devant des païens. Chacun tâche de les attirer à soi par l’étalage des joies du paradis. Le mahométan promet des festins et de belles femmes ; et pour mieux toucher ses auditeurs, il leur dit qu’en l’autre monde les plaisirs des sens seront cent fois plus délicieux qu’ils ne le sont dans celui-ci. Le chrétien déclare que les joies du paradis ne consisteront ni à manger, ni à boire, ni dans l’union des deux sexes ; mais qu’elles seront si vives, que l’imagination d’aucun homme n’est capable d’y atteindre, et que tout ce que l’on se peut figurer en multipliant cent fois, mille fois, cent mille fois, etc., les plaisirs de cette vie, n’est rien en comparaison du bonheur que Dieu communique à l’âme en se faisant voir à elle face à face, etc. N’est-il pas vrai que les auditeurs les plus impudiques et les plus gourmands aimeront mieux suivre le prédicateur chrétien que l’autre, quand même on supposerait qu’ils ajoutent autant de foi aux promesses du mahométan qu’aux promesses du chrétien ? Ils feraient sans doute ce que l’on voit faire à un soldat qui sait les offres de deux capitaines dont chacun lève du monde. Quoiqu’il se persuade qu’ils sont tous deux bien sincères, c’est-à-dire qu’ils donneront tout ce qu’ils promettent, il ne laisse pas de s’enrôler sous celui qui offre le plus. Tout de même ces païens préféreraient le paradis de l’Évangile à celui de Mahomet, quand même ils seraient persuadés que l’un et l’autre de ces deux prédicateurs ferait trouver à ses disciples la récompense qu’il aurait promise[52]. Car il ne faut pas s’imaginer qu’un voluptueux aime les plaisirs des sens, uniquement parce qu’ils découlent de source : il les aimerait également s’ils venaient d’ailleurs. Faites-lui trouver plus de plaisir à humer l’air dans une caverne, qu’à manger de bons ragoûts, il quittera de bon cœur les meilleurs repas pour aller dans cette caverne[53]. Faites-lui trouver plus de plaisir à examiner un problème géométrique qu’à jouir d’une belle femme, il quittera volontiers cette belle femme pour ce problème : et par conséquent on serait déraisonnable si l’on supposait qu’un mahométan entraînerait après lui tous les auditeurs voluptueux : car puisqu’ils n’aiment les plaisirs des sens que parce qu’ils n’en trouvent point de meilleurs, il est clair qu’ils y renonceraient sans aucune peine pour jouir d’un bonheur encore plus grand. Que nous importe, diraient-ils, que le paradis des chrétiens ne fournisse pas les plaisirs de la bonne chère, la jouissance des belles femmes, etc., puisqu’il fournit d’autres plaisirs qui surpassent infiniment tout ce que les voluptés de la terre ont de plus sensible ? Je crois donc qu’il ne se faut pas imaginer que les espérances que Mahomet a données du bonheur de l’autre vie aient attiré à sa secte les chrétiens qui s’y engagèrent. Disons à peu près la même chose à l’égard des juifs ; car il paraît par plusieurs psaumes de David qu’ils se faisaient une idée merveilleuse du bonheur de l’autre vie. Les païens étaient plus aisés à leurrer, à cause que leur religion les laissait dans des ténèbres fort épaisses sur le détail des joies du paradis : mais ne tient-il qu’à dire aux gens qu’après cette vie ils jouiront des voluptés sensuelles avec beaucoup plus de satisfaction que dans ce monde ? Et qui êtes-vous, demanderait-on, qui nous promettez cela ? qui vous l’a dit ? d’où le savez-vous ? Il faut donc supposer avant toutes choses que Mahomet, indépendamment des promesses de son paradis, s’est établi sur le pied d’un grand prophète ; et qu’avant que de se laisser prendre à l’appât de ces voluptés, on a été persuadé qu’il avait une mission céleste pour l’établissement de la vraie foi. Ainsi les progrès de cette secte n’ont point eu pour cause les promesses d’un paradis sensuel : car ceux qui ne le croyaient pas envoyé de Dieu ne tenaient nul compte de ses promesses ; et ceux qui le croyaient un vrai prophète n’auraient pas laissé de le suivre, encore qu’il ne leur eût promis qu’un bonheur spirituel dans l’autre monde. Ne donnons point lieu aux libertins de rétorquer contre l’Évangile cette objection, comme s’il n’avait eu tant d’efficace pour convertir les païens, qu’à cause qu’il leur promettait un paradis, ou une félicité qui surpasse infiniment tout ce que l’on peut imaginer de délicieux. En particulier, abstenons-nous des railleries qui seraient fondées sur l’or et les pierreries, et sur tels autres ornemens du paradis de Mahomet ; car vous trouvez de telles choses, et autant d’espèces de pierres précieuses, que dans la boutique du plus fameux joaillier, dans la description que l’Apocalypse[54] nous donne du paradis. Et qu’on ne me dise pas qu’une âme charnelle et brutale croit plutôt les plaisirs grossiers que les plaisirs spirituels ; car s’il y a des choses qui lui paraissent incroyables, c’est principalement la résurrection ; de sorte que si Mahomet a pu lui persuader la résurrection, un chrétien lui eût pu persuader les joies spirituelles de l’autre monde. Voyez la note[55].

(N) Il prit le parti de contraindre par les armes à se soumettre à sa religion. ] Il ne faut point chercher ailleurs la cause de ses progrès ; nous l’avons ici toute entière. Je ne nie point que les divisions de l’église grecque, où les sectes s’étaient malheureusement multipliées, le mauvais état de l’empire d’Orient, et la corruption des mœurs, n’aient été une favorable conjoncture pour les desseins de cet imposteur ; mais enfin, comment résister à des armées conquérantes qui exigent des signatures ? Interrogez les dragons de France qui servirent à ce métier, l’an 1685 : ils vous répondront qu’ils se font fort de faire signer l’Alcoran à toute la terre, pourvu qu’on leur donne le temps de faire valoir la maxime, compelle intrare, contrains-les d’entrer. Il y a bien de l’apparence que si Mahomet eût prévu qu’il aurait de si bonnes troupes à sa dévotion, et si destinées à vaincre, il n’aurait pas pris tant de peine à forger des révélations, et à se donner des airs dévots dans ses écrits, et à rajuster ensemble plusieurs pièces détachées du judaïsme et du christianisme. Sans s’embarrasser de tout ce tracas, il eût été assuré d’établir sa religion partout où ses armes auraient pu être victorieuses ; et si quelque chose était capable de me faire croire qu’il y a eu bien du fanatisme dans son fait, ce serait de voir une infinité de choses dans l’Alcoran, qui ne peuvent sembler nécessaires qu’en cas qu’on ne veuille point user de contrainte. Or il y a beaucoup de choses dans cet ouvrage qui ont été faites depuis les premiers succès des armes de Mahomet.

(O) Nous conservons à la religion chrétienne l’une des preuves de sa divinité. ] L’Évangile, prêché par des gens sans nom, sans étude, sans éloquence, cruellement persécutés et destitués de tous les appuis humains, ne laissa pas de s’établir en peu de temps par toute la terre. C’est un fait que personne ne peut nier, et qui prouve clairement que c’est l’ouvrage de Dieu. Mais cette preuve n’aura plus de force dès que l’on pourra marquer une fausse église, qui ait acquis une semblable étendue par des moyens tout semblables ; et il est certain que l’on ruinerait cet argument, si l’on pouvait faire voir que la religion mahométane ne doit point à la violence des armes la promptitude de ses grands progrès. Comme donc ce sont deux choses également claires dans les monumens historiques, l’une que la religion chrétienne s’est établie sans le secours du bras séculier, l’autre que la religion de Mahomet s’est établie par voie de conquête, on ne peut former aucune objection raisonnable contre notre preuve, sous prétexte que cet infâme imposteur a inondé promptement de ses faux dogmes un nombre infini de provinces. Bien nous en prend d’avoir les trois premiers siècles du christianisme à couvert du parallèle ; car sans cela ce serait une folie que de reprocher aux mahométans la violence qu’ils ont employée pour la propagation de l’Alcoran : ils nous feraient bientôt taire ; ils n’auraient qu’à nous citer ces paroles de M. Jurieu [56] : Peut-on nier que le paganisme est tombé dans le monde par l’autorité des empereurs romains ? On peut assurer sans témérité que le paganisme serait encore debout, et que les trois quarts de l’Europe seraient encore païens, si Constantin et ses successeurs n’avaient employé leur autorité pour l’abolir[57]........ Les empereurs chrétiens ont ruiné le paganisme en abattant ses temples, en consumant ses simulacres, en interdisant le culte de ses faux dieux, en établissant les pasteurs de l’Évangile en la place des faux prophètes et des faux docteurs, en supprimant leurs livres, en répandant la saine doctrine. Voyez la VIIIe. lettre du Tableau du Socinianisme, à la page 501, où le même auteur assure que, sans l’autorité des empereurs, il est indubitable que les temples de Jupiter et de Mars seraient encore debout, et que les faux dieux du paganisme auraient encore un grand nombre d’adorateurs.

Il faut avouer la dette : les rois de France ont établi le christianisme dans le pays des Frisons, et dans celui des Saxons, par les voies mahométanes. On s’est servi de la même violence pour l’établir dans le Nord. Cela fait horreur aux gens modérés, quand ils le lisent dans l’ouvrage de M. Ornhialms[58]. On s’est servi des mêmes voies contre les sectes qui ont osé condamner le pape ; on s’en servira dans les Indes dès qu’on le pourra [59] : et de toute cette conduite il résulte manifestement qu’on ne peut plus former une preuve au préjudice de Mahomet de ce qu’il a étendu sa religion par la contrainte, je veux dire en ne voulant point souffrir les autres. Car voici ce qu’il pourrait dire en argumentant ad hominem : Si la contrainte était mauvaise de sa nature, on ne s’en pourrait jamais servir légitimement : or vous vous en êtes servis depuis le IVe. siècle jusques à cette heure, et vous prétendez n’avoir rien fait en cela que de très-louable ; il faut donc que vous avouiez que cette voie n’est point mauvaise de sa nature, et par conséquent j’ai pu m’en servir légitimement dès les premières années de ma vocation : car il est absurde de prétendre qu’une chose qui serait très-criminelle dans le Ier. siècle, devient juste dans le IVe. ; ou qu’une chose, qui est juste dans le IVe., ne l’est pas dans le Ier. On pourrait le prétendre, si Dieu faisait de nouvelles lois au IVe. siècle : mais ne fondez-vous pas la justice de votre conduite, depuis Constantin jusqu’au temps présent, sur ces paroles de l’Évangile Contrains-les d’entrer[60], et sur le devoir des souverains ? Vous auriez donc dû, si vous l’aviez pu, user de contrainte dès le lendemain de l’Ascension. Bellarmin, et plusieurs autres écrivains du parti de Rome, lui avoueraient cela ; car ils disent que [61] si les chrétiens ne déposèrent pas Néron et Dioclétien, c’est parce qu’ils n’avaient pas les forces temporelles pour le faire, et que quant au droit ils le pouvaient faire, étant tenus de ne point souffrir sur eux un roi qui n’est pas chrétien, s’il tâche de les détourner de la foi[62]. Ils étaient donc obligés à se donner un souverain qui établît l’Évangile, et qui ruinât le paganisme par la voie de l’autorité. M. Jurieu ne s’éloigne pas du sentiment de Bellarmin, il enseigne que la plupart des premiers chrétiens n’étaient patiens que par faiblesse et par impuissance[63] ; et quoiqu’il ne blâme pas la conduite qu’ils ont tenue de ne point prendre les armes contre leurs princes, il juge qu’ils avaient droit de le faire, et que s’ils les eussent prises, on ne les en pourrait pas blâmer. Il approuverait sans doute que, s’ils l’eussent pu, ils eussent mis sur le trône un Constantin et un Théodose dès le siècle de Néron. Notez, je vous prie, qu’il ne rapporte pas comme un simple fait la manière dont le paganisme a été ruiné, mais comme une chose juste : car il la compare avec la conduite des protestans, et avec celle que les princes catholiques tiendront bientôt, à ce qu’il prétend, pour ruiner l’église romaine. Les trois exemples qu’il donne de la voie de l’autorité légitimement employée, sont celui des rois d’Israël, celui des empereurs chrétiens, et celui des princes réformés[64]. Ceux-ci, dit-il [65], ont aboli le papisme dans leurs états en lui ôtant les chaires, en y mettant des docteurs sains en la doctrine, et purs pour les mœurs, en brûlant les images, en faisant enterrer les reliques, en interdisant tout culte idolâtre. Bien loin qu’en faisant cela ils aient fait contre la loi de Dieu, ils ont entièrement suivi ses ordres. Car c’est sa volonté que les rois de la terre dépouillent la bête et brisent son image. Jamais aucun protestant jusqu’ici n’y a trouvé à redire, et jamais aucun esprit droit ne comprendra la chose autrement. Les choses ont toujours été ainsi, et s’il plaît à Dieu, elles iront toujours de même, malgré nos libertins ou nos imprudens. Consultez la page 284 de son livre, vous y trouverez ces paroles mémorables : pour le petit profit que vous en tireriez aujourd’hui[66], l’église en souffrirait de grandes pertes, et vous-même peut-être, dans quelques années, seriez obligé de vous dédire, et vous le feriez sans doute. Car si les rois de France et d’Espagne venaient à se servir de leur autorité pour chasser le papisme de leurs états, comme ont fait les rois d’Angleterre et de Suède, bien loin de les blâmer et de le trouver mauvais, vous le trouveriez fort bon. Soyez assuré que cela doit arriver ainsi ; car le Saint-Esprit dit que les rois de la terre qui ont donné leur puissance à la bête la lui ôteront ; qu’ils la dépouilleront, et qu’ils mangeront sa chair. C’est l’autorité des rois de l’Occident qui a bâti l’empire du papisme, ce sera leur autorité qui le détruira. Et cela sera entièrement conforme au dessein de Dieu et à sa volonté : c’est pourquoi nous n’aurons aucun lieu d’y trouver à redire. Afin donc d’être toujours uniformes dans vos sentimens, soyez dans la vérité qui ne change jamais, et ne les réglez point selon les intérêts qui changent tous les jours. Vous voyez bien qu’il établit comme un principe immuable et de tous les temps, que la voie de l’autorité est juste pour la propagation de la foi. Il faudrait donc que, s’il entrait en dispute avec des mahométans, il renonçât aux argumens qu’a toujours fournis contre eux la manière dont leur religion s’est étendue ; car ce n’a pas été, dit-il[67], en mettant l’épée à la gorge des chrétiens pour leur faire abjurer le christianisme et leur faire embrasser le mahométisme, mais par la pauvreté, la bassesse, la misère et l’ignorance auxquelles ils ont réduit les chrétiens : voies beaucoup moins dures, et plus lentes, que celles dont il dit qu’on se servira très-justement pour abolir le papisme. Voyez la remarque (AA) à la fin.

(P)..... Mais nous perdons la preuve que son étendue avait fournie. ] Je ne quitte point encore cette matière : il me reste à faire une observation qui a quelque poids. Les pères se sont servis d’une preuve que l’on emploie mal à propos contre les réformateurs du XVIe. siècle. L’étendue de l’Évangile fournissait aux pères un bon argument contre les Juifs, et contre les sectes qui se formaient dans le sein du christianisme, parce qu’elle fusait voir l’accomplissement des oracles de l’Écriture, qui avaient prédit que la connaissance et le service du vrai Dieu sous le Messie ne seraient point renfermés comme auparavant dans un petit coin de la Palestine, mais qu’alors toutes les nations seraient le peuple de Dieu [68]. Ce raisonnement terrassait les juifs et les hérétiques, et a conservé toute sa force jusqu’au temps de Mahomet. Depuis ce temps-là il y fallut renoncer, puisqu’à ne considérer que l’étendue, la religion de ce faux prophète se pouvait attribuer les anciens oracles, tout de même que le christianisme se les était attribués. On ne saurait donc être assez surpris que les Bellarmin, et tels autres grands controversistes aient dit en général que l’étendue est la marque de la vraie église, et qu’ils aient prétendu par-là gagner leur procès contre l’église protestante. Ils ont eu même l’imprudence de mettre la prospérité entre les marques de la vraie église[69]. Il était facile de prévoir qu’on leur répondrait, qu’à ces deux marques l’église mahométane passera plus justement que la chrétienne pour la vraie église. La religion de Mahomet a beaucoup plus d’étendue que n’en a le christianisme, cela n’est pas contestable : ses victoires, ses conquêtes, ses triomphes ont incomparablement plus d’éclat que tout ce de quoi les chrétiens se peuvent glorifier en ce genre de prospérités. Les plus grands spectacles que l’histoire puisse produire, sont sans doute les actions des mahométans. Que peut-on voir de plus admirable que l’empire des Sarrasins, étendu depuis le détroit de Gibraltar jusques aux Indes ? Tombe-t-il ? voilà les Turcs d’un côté, et les Tartares de l’autre, qui conservent la grandeur et l’éclat de Mahomet. Trouvez-moi parmi les princes chrétiens des conquérans qui puissent tenir la balance contre les Saladin, les Gengis-Kan, les Tamerlan, les Amurat, les Bajazeth, les Mahomet II, les Soliman. Les Sarrasins ne resserrèrent-ils pas le christianisme jusqu’au pied des Pyrénées ? N’ont-ils pas fait cent ravages dans l’Italie, et jusques au cœur de la France[70] ? Les Turcs n’ont-ils pas poussé leurs conquêtes jusques aux confins de l’Allemagne, et jusques au golfe de Venise ? Les ligues et les croisades des princes chrétiens, ces grandes expéditions qui épuisaient d’hommes et d’argent l’église latine, ne doivent-elles pas être comparées à une mer qui pousse ses flots depuis l’occident jusqu’à l’orient, pour les briser à la rencontre des forces mahométanes, comme à la rencontre d’un rivage bien escarpé ? Il a fallu enfin céder à l’étoile de Mahomet, et au lieu de l’aller chercher dans l’Asie, on a compté pour un grand bonheur de se pouvoir battre en retraite dans le centre de l’Europe. Voyez ci-dessous [71] les monumens éternels que le christianise a élevés à la supériorité de la fortune mahométane. On peut appliquer aux mahométans et aux chrétiens ce que Salluste remarque des Athéniens et des Romains : Atheniensium res gestæ, sicut ego existimo, satis amplæ, magnificæque fuêre, verùm aliquantò minores tamen, quàm famâ feruntur : sed, quia provenêre ibi magna scriptorum ingenia, per terrarum orbem Atheniensium facta pro maximis celebrantur. Ita eorum qui ea fecêre, virtus tanta habetur, quantùm verbis ea potuêre extollere præclara ingenia. At populo R. nunquàm ea copia fuit : quia prudentissimus quisque negotiosus maximè erat. Ingenium nemo sinè corpore exercebat. Optimus quisque facere, quàm dicere ; sua ab aliis benefacta laudari, quàm ipse aliorum narrare, malebat[72]. Les mahométans, plus appliqués à la guerre qu’à l’étude, n’ont point composé d’histoires qui égalent leurs actions ; mais les chrétiens, fertiles en gens d’esprit, ont composé des histoires qui surpassent tout ce qu’ils ont fait. Ce manque de bons historiens n’empêche pas que ces infidèles ne sachent dire, que le ciel a de tout temps rendu témoignage à la sainteté de leur religion, par les victoires qu’ils ont remportées[73]. Il leur fallait laisser ce sophisme, et ne les point imiter mal à propos, comme a fait un père de l’oratoire[74]. Son ouvrage est scandaleux et de pernicieuse conséquence ; car il roule sur cette fausse supposition, que la vraie église est celle que Dieu a le plus enrichie de bénédictions temporelles. À vider par cette règle les disputes de religion, le christianisme perdrait bientôt son procès. La prudence ne souffre pas qu’on le mette en compromis, sans se retrancher sur les confessions de foi, et sans stipuler qu’on n’aura égard, ni à l’étendue, ni au plus grand nombre de victoires. Je ne sais si l’on devrait se hasarder à être jugé par les mœurs ; mais si les infidèles consentaient que l’on adjugeât la préférence à l’esprit, à l’érudition, et à la vertu militaire, il les faudrait prendre au mot, ils perdraient infailliblement leur cause à l’heure qu’il est. Ils sont fort au-dessous des chrétiens à l’égard de ces trois choses. Bel avantage que d’entendre beaucoup mieux qu’eux l’art de tuer, de bombarder, et d’exterminer le genre humain[75] ! Notez, je vous prie, que la religion mahométane a eu bonne part autrefois à la gloire temporelle, qui consiste dans la culture des sciences. Elles ont fleuri dans l’empire des Sarrasins avec un très-grand éclat[76]. On y a vu de beaux esprits, et de bons poëtes : on y a vu de grands philosophes, et de fameux astronomes, et des médecins très-illustres ; pour ne pas dire que plusieurs califes se sont acquis une très-belle réputation par leurs qualités morales, et par ces vertus de paix qui ne sont pas d’un moindre prix que les vertus militaires. Il n’y a donc aucune espèce de prospérité temporelle dont cette secte n’ait été favorisée avec une insigne distinction.

J'ai dit qu’il ne serait pas trop sûr de laisser juger par les mœurs si le christianisme est la vraie église. Cela demande une petite explication. Je ne prétends pas que les chrétiens soient plus déréglés quant aux mœurs que les infidèles ; mais je n’oserais affirmer qu’ils le soient moins. Les relations des voyageurs ne s’accordent pas : il y en a qui donnent beaucoup d’éloges à la probité, à la charité, à la dévotion des Turcs, et qui représentent les femmes turques comme la pudeur et la modestie mêmes : il y en a aussi qui parlent très-mal des mœurs de cette nation. Hottinger cite un auteur qui admire la vertu des Turques, et qui l’oppose à la conduite des chrétiennes. Certè mihi magna admiratio oritur quandò honestatem quam vidi in fœmineo sexu inter Turcos considero, et impudicissimos, improbos et damnatos mores fœminarum inter christianos conspicio [77]. Les femmes turques ne montrent jamais le visage, sortent peu, et croiraient se déshonorer si elles allaient à cheval. Les discours qu’un mari tient à sa femme dans son logis sont si modestes, qu’on n’y remarque rien de sensuel, non plus que dans sa contenance. Etiam in domibus propriis viri cum uxore nunquàm in actibus et motibus vel collocutione minimum indicium lasciviæ vel inhonestatis deprehendi potest [78]. M. Chardin nous apprend qu’en Perse on se marie sans se voir, et qu’un homme ne voit sa femme que quand il a consommé le mariage, et souvent il ne le consomme que plusieurs jours après qu’on l’a conduite chez lui, la belle fuyant et se cachant parmi les femmes, ou ne voulant pas laisser faire le mari. Ces façons arrivent souvent entre les personnes de qualité, parce qu’à leur avis cela sent la débauchée de donner sitôt la dernière faveur. Les filles du sang royal en usant particulièrement de la façon, il faut des mois pour les réduire [79]. Il parle tout autrement des Géorgiennes, qui font profession du christianisme ; car après avoir donné aux Géorgiens tous les défauts imaginables, il ajoute, les femmes ne sont ni moins vicieuses, ni moins méchantes ; elles ont un grand faible pour les hommes, et elles ont assurément plus de part qu’eux en ce torrent d’impureté qui inonde tout leur pays[80]. L’auteur cité par Hottinger n’élève pas moins les mœurs des Turcs au-dessus des mœurs des chrétiens, que la conduite des Turques au-dessus de la conduite des chrétiennes [81]. D’autres relations accusent les Turcs d’un extrême déréglement, et n’oublient pas la multitude de leurs concubines, qu’ils achètent au marché, et qu’ils visitent et touchent partout avant que de convenir du prix[82], tout comme font les bouchers, quand ils achètent quelque bête. Verè ut Pius II (lib. 1 Epist. 131 et Boskhierus ex eodem Philip. 10, pag. 362) de Turcis scripserit esse populum lambentem, fellatorem, lesbiatorem, fœminarum omnium concubitum gustantem et delibantem, addimus et verè fornicatorium, utpote, qui non tantùm virgines violant (scribente Bartholomæo Georgieviz.) (cap. 6 et 7) etiam antè ora patrum, sed etiam masculos captivos, indomitæ libidinis hi homines sibi substernunt (Boskhier. pag. 61 et 89.) In foro venales, nudosque exponunt viros, fœminasque, videndos et coram omnibus contrectandos, etiam quà pudor naturæ debetur, nudos currere, saltare jubent, quò vitia, sexus, ætas, corruptio vel integritas appareant[83]. Voilà un pape qui impute aux Turcs beaucoup de sales actions : mais ce que des écrivains catholiques ont écrit de la cour de Rome, et ce que l’on peut écrire de plusieurs nations chrétiennes, n’est pas meilleur : de sorte qu’il semble qu’on puisse assurer en général, que les chrétiens et les infidèles n’ont rien à se reprocher ; et que s’il y a quelque différence entre leurs mauvaises mœurs, c’est plutôt la diversité de climat qui en est la cause, que la diversité de religion.

(Q) Il n’a nullement mis le beau sexe dans ses intérêts. ] La permission qu’il accorde aux hommes d’avoir plusieurs femmes, et de les fouetter quand elles ne voudront pas obéir [84], et de les répudier si elles viennent à déplaire[85], est une loi très-incommode au beau sexe. Il se garda bien d’accorder aux femmes la permission d’avoir plusieurs hommes, et il ne voulut pas même qu’elles pussent quitter des maris fâcheux, à moins qu’ils n’y consentissent[86]. Il ordonna qu’une femme répudiée ne pût se remarier que deux fois, et que si elle était répudiée de son troisième mari, et que le premier ne la voulût point reprendre, elle renonçât au mariage pour toute sa vie[87]. Bien loin de leur permettre de montrer la gorge, ou du moins le cou, il ne voulut pas qu’on leur vît les pieds : leur mari seul pouvait avoir ce privilége. Mulieres itaque bonæ se curent, ne lunaticum aspiciant, suoque peplo tegentes collum et pectus, omnenque suam pulchritudinem, nisi quantùm apparere necessitas coget, celent omnibus, speciemque pedum etiam eundo nisi maritis suis[88]. Mais il est vrai qu’en cela il ne fit que retenir la coutume qui s’observait dans l’Arabie ; car nous apprenons de Tertullien que les femmes de ce pays-là couvraient tellement leur visage, qu’elles ne se pouvaient servir que d’un œil. Judicabunt vos Arabiæ fœminæ ethnicæ, quæ non caput, sel faciem quoque ita totam tegunt, ut uno oculo liberato contentæ sint dimidiam frui lucem, quàm totam faciem prostituere[89]. Je crois qu’on se trompe[90] quand on débite que Mahomet a permis aux hommes d’épouser autant de femmes qu’ils voudraient ; car il modifie sa proposition, et il la limite de telle sorte, qu’on voit bien qu’il a seulement voulu permettre qu’ils en épousassent jusqu’à quatre, s’ils se sentaient capables de les contenir en paix. Quotcunque placuerit, duas scilicet, aut tres vel quatuor uxores ducite, nisi timueritis eas pacificare posse [91]. Mais on ne se trompe point quand on assure qu’il ne leur a point limité le nombre des concubines. Aussi voit-on que les Turcs en peuvent avoir tout autant qu’ils sont capables d’en entretenir. La condition des quatre épouses n’est-elle pas déplorable, sous une loi qui donne droit au mari de leur ôter ce qui leur est dû et de le détourner sur de jolies esclaves, autant qu’il en pourra acheter ? Ce divertissement des fonds matrimoniaux ne réduit-il pas à l’indigence et à une extrême souffrance ? Qu’on ne me dise point que la loi y a pourvu, ayant accordé aux quatre épouses de coucher une fois chaque semaine avec le mari. De sorte que s’il s’en trouve quelqu’une qui ait passé une semaine entière sans jouir de ce privilége, elle est en droit de demander la nuit du jeudi de la semaine suivante, et peut poursuivre son mari en justice, en cas de refus [92]. Ce droit-là n’empêche point que la loi ne soit très-dure ; une loi, dis-je, qui réduit à de petites portions ce qui suffirait à peine s’il était entier, et qu’on peut enfreindre à si bon marché. Voilà une belle satisfaction pour la partie offensée ! une seule nuit, obtenue en réparation d’une semaine perdue, est bien peu de chose ; ce n’est pas la peine de se pourvoir devant les juges, et de s’engager à une poursuite si délicate, et si contraire à la pudeur. Et quel agrément peut-on trouver dans une chose de cette nature, quand on ne l’obtient qu’en exécution de la sentence du magistrat ? Ce ne doit pas être œuvre de commande, nihil hæc ad edictum prætoris. Quand on ne fait cela que par manière d’acquit, perfunctoriè, et dicis causâ, ce ne doit pas être un grand ragoût. Avouons donc que Mahomet ne ménageait guère le sexe.

Voici bien d’autres nouvelles. Il ne se contenta pas de le rendre malheureux en ce monde, il le priva même de la joie du paradis. Non-seulement il ne voulut pas l’y admettre, mais il voulut aussi que cette joie servît d’affliction aux femmes ; car on prétend qu’il a enseigné que les plaisirs du mariage, dont les hommes jouiront après cette vie, leur seront fourmis par des pucelles d’une beauté ravissante, que Dieu a créées au ciel, et qui leur ont été destinées de toute éternité ; et pour ce qui est des femmes, elles n’entreront pas dans le paradis, et ne s’en approcheront qu’autant qu’il faudra pour découvrir, à travers les palissades, ce qui s’y fera. C’est ainsi que leurs yeux seront témoins du bonheur des hommes, et du plaisir qu’ils prendront avec ces filles célestes. Que pouvait-on imaginer de plus incommode ? N’était-ce point être ingénieux à mortifier son prochain ? Lucrèce a dit quelque part qu’il est agréable de voir un naufrage que l’on ne craint pas[93] :

Quand on est sur le port à l’abri de l’orage[94],
On sent à voir l’horreur du plus triste naufrage
Je ne sais quoi de doux :
Non que le mal d’autrui soit un objet qu’on aime,
Mais nous prenons plaisir à voir que ce mal même
Est éloigné de nous[* 12]


C’est tout le contraire pour les femmes dans le système de Mahomet : la vue d’un bonheur dont elles seraient privées les affligerait, et leur serait plus douloureuse, tant parce qu’elle leur ferait connaître le bien d’autrui, que parce qu’elle leur ferait connaître le bien qui leur manque ; car le tourment de la jalousie vient beaucoup moins de ce que l’on est dans l’indigence, que de savoir que d’autres jouissent. J’ai ouï dire à bien des gens, et je pense même l’avoir lu, que les damnés auront une idée fort exacte du bonheur du paradis, afin que la connaissance des grands biens qu’ils ont manqué d’acquérir augmente leur désespoir[95], et que ce sera le diable qui se servira de cet artifice, pour les rendre plus malheureux. C’est bien entendre la méthode d’aggraver les peines d’un misérable. Disons donc encore un coup que Mahomet n’aurait pu faire connaître sa dureté plus malignement. Il voulait que l’on vît de loin ce qui n’était propre qu’à donner des tentations inutiles et des regrets insupportables.

Mais, pour dire les choses comme elles sont, je dois avertir que les habiles mahométans ne disent point que les femmes seront exclues du paradis[96] : j’ai cru néanmoins qu’il m’était permis de rapporter ce que j’avais lu dans plusieurs auteurs. Je n’en cite qu’un. Hasce mulieres statuunt non humanas atque ex hominibus genitas, sed ab æterno in hunc finem à Deo creatas, et cœlestes esse ; suas enim quas hic habuerunt Muhammedani mulieres statuunt exsortes fore paradysi, atque extrà eum foris constitutas, per cancellos eminùs virorum gaudia, et cum aliis sc. uxoribus congressus conspecturas. Longè plures ibi credunt fore mulieres, quàm viros, singulisque viris plures vel pauciores pro merito addendas, quibus non ad prolem, sed unicè ad lubitum et satietatem voluptatis usuri sint ; quin et vires iis subministrandas majores eum in finem, ut sæpiùs coïre possint, easque eundem in finem fore mundas à menstruis[97]. Cet auteur ne cite personne, et il venait de rapporter quelques passages de l’Alcoran, qui ne nous apprennent autre chose, sinon que les dames du paradis auront les yeux très-brillans, et de la grandeur d’un œuf, et qu’elles seront si modestes, qu’elles ne jetteront jamais la vue que sur leurs maris[98]. Ce n’est donc point dans l’Alcoran que l’on trouve ce que cet auteur rapporte touchant ces dames ; c’est qu’elles seront en plus grand nombre que les hommes, afin que chacun en puisse avoir deux ou trois, ou davantage à proportion de son mérite ; c’est qu’elles ne seront données que pour le plaisir, et non pas pour enfanter : c’est qu’elles seront toujours en état de contenter leurs maris, n’étant point sujettes au flux menstruel, comme l’appellent les médecins ; c’est qu’elles seront si belles, qu’il n’en faudrait qu’une pour éclairer toute la terre pendant la nuit ; c’est que si elles crachaient dans la mer, elles lui ôteraient son amertume. Tanta istarum puellarum deprædicatur pulchritudo et gratia, ut si istarum modò una aliquandò noctu in terrâ appareret, totam eam facilè esset collustratura ; vel si in mare fortè dispueret, totam ejus salsedinem extingueret, inque mel dulcissimum commutaret[99]. J’ai trouvé une partie de ces choses dans une lettre de Clénard ; mais ce n’est que l’opinion d’un particulier : cela ne donne point droit de les imputer à tout le corps du mahométisme. Audi, quæso, ce sont les paroles de Clénard, quod hic mihi narravit præceptor dùm legeremus locum Alcorani de Paradiso, ubi sic scriptum est, et in eo uxores habituri sunt mundas. Mundas, inquit, id est, liberas à menstruis, scilicet ut quovis tempore liceat coire. Quid, inquam, an in paradiso celebrabuntur nuptialia ? Quid ni ? Attamen non est futura proles, inquit. Nam voluptatis causâ illic erunt uxores, non propagandis liberis, quin et singulis viris complures illic futuræ sunt uxores, pro meritorum ratione. Deusque huic plus, illi minùs virium largiturus est, ut vel paucis, vel multis reddat debitum[100]. Faisons la même remarque touchant ce que je vais dire. On ne doit point l’imputer à Mahomet, comme fait Pierre Belon : ce sont des contes, ou de fausses gloses de quelques docteurs visionnaires ou burlesques. Apres que les Turcs auront beu et mangé leur saoul dedans ce paradis, alors les pages ornez de leurs joyaux et de pierres precieuses, et anneaux aux bras, mains, jambes, et aureilles, viendront aux Turcs chacun tenant un beau plat à la main, portans un gros citron ou poncire dedans, que les Turcs prendront pour odorer et sentir : et soudain que chaque Turc l’aura approché de son nez, il sortira une belle vierge bien aornée d’accoustremens, qui embrassera le Turc, et le Turc elle, et demeureront cinquante ans ainsi embrassans l’un l’autre, sans se lever ne separer l’un de l’autre, prenans ensemble le plaisir en toutes sortes que l’homme peut avoir avec une femme. Et après cinquante ans, Dieu leur dira, ô mes seviteurs, puis que vous avez fait grand’ chere en mon paradis, je vous veuil monstrer mon visage. Lors ostera le linge de devant sa face. Mais les Turcs tomberont en terre de la clarté qui en sortira, et Dieu leur dira : levez vous mes serviteurs, et jouïssez de ma gloire ; car vous ne mourrez jamais plus, et ne recevrez tristesse ni desplaisir. Et levans leurs testes, voirront Dieu face à face : et de là chacun reprenant sa vierge, la menera dedans sa chambre au palais, où il trouvera à boire et à manger : et faisant grand’ chere, en prenant plaisir avec sa vierge, passera son temps joyeusement sans avoir peur de mourir. Voilà que Mahomet a racompté de son paradis, avec plusieurs autres telles follies, dont nous semble que l’origine des serrails des Turcs provient de ce que Mahomet a dit des pages et des vierges du paradis, car il dit que les vierges chastes furent ainsi créées de Dieu en paradis, et sont bien gardées et renfermées de murailles. Et dit Mahomet, que si une d’elles sortoit hors du serrail de paradis à la minuict, elle donneroit lumiere à tout le monde, comme luit le soleil : et que si l’une d’elles crachoit dedans la mer, l’eau en deviendroit douce comme miel [101].

(R) Il redouta...... les Persanes. ] Un auteur moderne[102], sans citer personne, m’apprend que ce séducteur avoua que l’appréhension seule des femmes de Perse, était cause qu’il n’allait point en ce pays-là, puisqu’elles étaient si pleines d’attraits, que les anges mêmes en pourraient devenir amoureux, et s’assujettir à elles. Il craignit apparemment qu’elles ne réglassent sa plume, et ses prétendues révélations, pour lui faire prononcer des lois trop efféminées [103], qui l’eussent fort décrié ; car il sentait bien que ses actions impudiques donnaient bien du scandale. Voyez la note[104].

(S) On conte des choses bien singulières de sa vigueur à l’égard des femmes. ] Les auteurs ne sont pas d’accord sur le nombre des femmes ; mais on convient assez généralement qu’il en eut plusieurs à la fois, et qu’il s’acquittait de la fonction conjugale avec une grande force[105]. « L’on peut voir dans Abul-Farage qu’il eut, selon quelques-uns, jusqu’à dix-sept femmes, sans les maîtresses qu’il entretenait[106]... On n’aura pas trop de peine à le [107] croire saint à leur manière, quand on saura qu’il n’épousa que quatorze femmes ; et que cette grande dévotion n’était à peu près que de trois degrés au-dessous de celle de Mahomet qui eut dix-sept femmes, sans comprendre ses maîtresses, qui se faisaient un excès de joie de contribuer au divertissement de leur grand prophète. Il est vrai qu’Ali était moins ardent que son beau-père, qui se vantait de satisfaire toutes les nuits aux justes devoirs du mariage, et d’avoir reçu par un privilége particulier, la force de quarante hommes en cette rencontre. » Voyons la note du sieur Bespier sur ce que M. Ricaut a dit[108], que Mahomet avait eu neuf femmes, et Ali quatorze. Jean André, dans une même page, au commencement du VIIe. chap. de la Confusion de la secte de Mahomet, dit que Mahomet a eu neuf femmes ensemble, sans les esclaves ; et au même lieu il dit qu’il en a eu onze, et le prouve par un livre qu’il appelle l’Assameil, qui est, dit-il, le livre des bonnes coutumes de Mahomet [109]. Les paroles que Jean André cite de ce livre signifient que la force de Mahomet était si grande, que dans une heure il pouvait connaître ses onze femmes. Robur ejus, super eum pax, tantum erat ut visitaret (circumiret) uxores suas unius horæ spatio, licet undecim forent. Baudier[110] donne quinze femmes à Mahomet, sans les esclaves. Elmacin ne parle que de trois femmes de Mahomet : mais il omet la première, qui était morte avant qu’il épousât les trois autres. Je crois qu’il n’y a rien de bien assuré (c’est Bespier qui parle) à l’égard du nombre des femmes de Mahomet, et encore moins d’Ali, de qui jusques ici, je n’ai point lu qu’il eût épousé d’autres femmes que la seule fille de Mahomet, nommée Fatime[111]. M. Pfeiffer rapporte que ce faux prophète prit jusqu’à dix-sept femmes, selon quelques-uns, et jusqu’à vingt-une, selon les autres[112]. Cela serait peu étrange, mais ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est ce que Belon rapporte, et dont j’ai déjà parlé. Il est escrit dans un livre arabe, dit-il[113], intitulé des bonnes coustumes de Mahomet, le louant de ses vertus, et de ses forces corporelles, qu’il se vantoit de pratiquer ses onze femmes en une même heure, l’une après l’autre[114]. Plusieurs se souviendront ici du frère Fredon de Rabelais[115]. Je ne sais ce qu’il faut croire de ce qu’on conte, que Mahomet eut affaire avec son ânesse. Turcarum legislator Mahumetes asellam quâ vehebatur ex indomito libidinis ardore compressit [116].

(T) Il n’osa pas être le seul qui jouît du privilége de la polygamie, quoique pour l’inceste il ait eu l’audace... de se le réserver par un privilége spécial. ] Pour colorer son incontinence qui avait poussé à épouser plusieurs femmes, il supposa que Dieu lui avait révélé que cela était permis. Il fallut donc qu’il insérât cet article dans son Alcoran. Mais parce que ses servantes lui donnèrent dans la vue, et qu’il coucha avec elles, il eut besoin d’une nouvelle révélation en faveur de l’adultère ; il fallut donc qu’il fît un article exprès touchant le concubinage des maris. Il n’avait encore que deux femmes, lorsque Marina sa servante, créature très-jolie, lui plut si fort qu’il coucha avec elle sans attendre qu’elle fût en âge nubile. Ses femmes le surprirent en flagrant délit, et s’emportèrent, il leur jura qu’il n’y retournerait plus, si elles voulaient se taire ; mais comme il viola ce serment, elles firent beaucoup de bruit, et sortirent de chez lui. Pour remédier à ce grand scandale, il feignit une voix du ciel qui lui apprenait qu’il était permis d’avoir affaire avec ses servantes. Voilà comme cet imposteur commençait par faire le crime, et finissait par le convertir en loi générale. Cela ne sent point le fanatisme. Une bonne pierre de touche pour connaître si ceux qui se vantent d’inspirations, soit pour débiter de nouvelles prophéties, soit pour expliquer les anciennes, l’Apocalypse par exemple, y procèdent de bonne foi, est d’examiner si leur doctrine change de route à proportion que les temps changent, et que leur propre intérêt n’est plus le même qu’auparavant[117].[118] Id quoque notandum (je me sers de l’autorité d’un célèbre théologien) leges istas in suorum facinorum patrocinium, excogitatas ab ipso semper fuisse post commissa illa, non ante ; ut ita manifestissimè liqueat, ista in criminum suorum excusationen vel defensionem ab eo commenta dolo pessimo fuisse[119].... Tale istud quod de Muhamede narrant, eum cum puellâ formosâ, sed infrà ætatem, Marinâ in adulterio deprehensum, à conjugibus suis Aasâ et Chadigâ juramento adactum promisisse, modò tacerent, ab isthâc puellâ posthàc abstenturum, verùm quod non servârit : quarè illæ eum deseruerint, et ad patrias reversæ sint ædes. Quem tumultum ut sedaret iteràm more solito divinum commentus hoc responsum fuit, quo est cap. de prohibitione, quo datur viris cum ancillis congrediendi potestas (ancilla quippè Muhamedis erat etiam illa Marina,) quandò et quousquè libuerit, nequidquàm reclamantibus et æmulantibus uxoribus. Sed jam antè hanc confictam legem id facinus commiserat, et fidem de non committendo interposuerat, perjurus adulter et stuprator [120]. Avec une impudence dont on ne saurait s’étonner suffisamment, il supposa que Dieu défendait l’inceste aux autres hommes, mais qu’il le lui permettait par une grâce particulière. Aliis severè ipsè interdicit, cap. de mulieribus, ne quascunque et consanguineas ducant : ne commisceamini cum mulieribus, quæ cognitæ fuerunt a patribus vestris, quoniam turpe est et malum, et iniquum : prohibitæ sunt vobis matres vestræ, et filiæ fratris vestri, et filiæ sororis vestræ, etc. Sibi verò licentiam tribuit, quasi ex oraculo divino, quamlibet potiundi, cap. de hæresibus, vel sectis. O propheta, nos certè concedimus tibi, inquit ei Deus, potestatem in uxores tuas omnes quibus dederis mercedes suas, et quascunque acceperit manus tua, et filias patrui tui, et filias amitæ tuæ, et filias fratris matris tuæ, et filias materteræ tuæ, quæ peregrinatæ sunt tecum, et quamcunque mulierem credentem, quæ se tibi prophetæ prostituere voluerit, idque tibi speciatim, et singulariter conceditur ; non verò aliis quibuscunque. Dignum certè prophetâ privilegium ! Et post, copulare cum quâcunque ex illis tibi libuerit, et tecum fac inhabitare quamcunque volueris, et non erit tibi crimini, vel ad hanc accedere, vel ab illâ recedere. Hoc autem parùm est : verùm etiam gratum habeant ipsæ quidquid tibi libuerit, et non contristentur, et complaceant sibi de quâcunque re quam illis dederis. Propudium hominis ! sibi primas in promiscuâ et turpissimâ libidine explendâ concedens partes[121]. Il n’osa pas toujours étendre ses prérogatives ; car il se fit défendre d’enlever à l’avenir la femme de son prochain. Il se contenta d’apprendre au monde que Dieu approuvait le passé, à condition que l’on n’y retombât plus. Pour bien entendre ceci, il faut savoir que Mahomet, mari déjà de neuf femmes, en épousa une dixième qu’il avait ôtée à son valet. On en murmura ; le valet cria contre cette injure. Le faux prophète, pour faire cesser le scandale, fit semblant d’avoir envie de restituer ce qu’il avait pris ; mais, comme ce n’était pas sa pensée, il trouva bientôt le moyen de s’en dispenser. Il feignit que Dieu l’avait censuré de cette résolution, et lui avait ordonné de garder sa dixième femme, sans avoir la complaisance de déférer au scandale humain au préjudice de l’approbation céleste. Illam (uxorem servi sui Zaidis) constupratam mox quasi ex divino iterum oraculo desponsavit in urorem, quamvis novem aliis stipatus. Quare ut, tùm aliis hoc indignantibus factum, tùm servo Zaidi satisfaceret, introducit in Alkorano, capite citato, Deum se reprehendentem, quòd cogitâsset uxorem Zaido reddere, ob offensam, quam hinc nempe homines capiebant : et cùm diceres illi, cui Deus beneficia contulit, et tu quoque contulisti : accipe tibi uxorem tuam, et time Deum, et abscondebas in corde tuo quod Deus operabatur, et timebas homines, et Deus dignior est ut timeas eum. Cùm ergò Zaidus illam cognoverit, seu defloraverit eam, nos copulavimus eam tibi, ne sit fidelibus peccatum in uxoribus desideriorum eorum, cum cognoverint eas, et imperium Dei completum est : non est imputandum ad culpam prophetæ illud, quod Deus illi speciatim permisit [122]. Il s’aperçut bien que cela jetterait l’alarme dans l’âme de tous les maris ; c’est pourquoi il eut l’adresse de rassurer tout le monde : il publia qu’à l’avenir par ordre de Dieu il laisserait aux maris leurs femmes, encore qu’il en devînt amoureux [123].

(V) Un homme... fut accablé de pierres dans un puits sec. ] On verra cette aventure à la fin d’un long passage des Coups d’État qui va être rapporté, et qui contient plusieurs choses touchant notre faux prophète. [124] « Voyant qu’il était fort sujet à tomber du haut-mal, il s’avisa de faire croire à ses amis que les plus violens paroxismes de son épilepsie étaient autant d’extases et de signes de l’esprit de Dieu qui descendait en lui ; il leur persuada aussi qu’un pigeon blanc, qui venait manger des grains de blé dans son oreille, était l’ange Gabriel qui lui venait annoncer de la part du même Dieu ce qu’il avait à faire. Ensuite de cela, il se servit du moine Sergius pour composer un Alcoran, qu’il feignait lui être dicté de la propre bouche de Dieu. Finalement, il attira un fameux astrologue, pour disposer les peuples, par les prédictions qu’il faisait du changement d’état qui devait arriver, et de la nouvelle loi qu’un grand prophète devait établir, à recevoir plus facilement la sienne, lorsqu’il viendrait à la publier. Mais s’étant une fois aperçu que son secrétaire Abdala Ben-Salon, contre lequel il s’était piqué à tort, commençait à découvrir et publier telles impostures, il l’égorgea un soir dans sa maison, et fit mettre le feu aux quatre coins, avec intention de persuader le lendemain au peuple, que cela était arrivé par le feu du ciel, et pour châtier ledit secrétaire, qui s’était efforcé de changer et corrompre quelques passages de l’Alcoran. Ce n’était pas toutefois à cette finesse que devaient aboutir toutes les autres : il en fallait encore une qui achevât le mystère ; et ce fut qu’il persuada au plus fidèle de ses domestiques de descendre au fond d’un puits qui était proche d’un grand chemin, afin de crier lorsqu’il passerait en compagnie d’une grande multitude de peuple, qui le suivait ordinairement, Mahomet est le bien-aimé de Dieu ; Mahomet est le bien-aimé de Dieu : et cela étant arrivé de la façon qu’il avait proposé, il remercia soudain la divine bonté d’un témoignage si remarquable, et pria tout le peuple qui le suivait de combler à l’heure même ce puits, et de bâtir au-dessus une petite mosquée pour marque d’un tel miracle. Et par cette invention ce pauvre domestique fut incontinent assommé, et enseveli sous une grêle de cailloux, qui lui ôtèrent bien le moyen de jamais découvrir la fausseté de ce miracle ;

Excepit sed terra sonum, calamique loquaces[125]. »


On a oublié de nous apprendre comment le public a su que Mahomet suborna cet homme. Que n’a-t-on eu l’industrie de supposer que ce misérable avait révélé tout le secret à sa femme, qui ne manqua pas de le dire à ses voisines, et aux passans, dès qu’elle eut appris la fin tragique de son mari ? Les mots latins que Naudé cite ne sont qu’une ingénieuse application d’une circonstance de la fable de Midas ; mais elle n’éclaircit rien, et insinue qu’on ne s’est jamais avisé d’inventer un dénoûment, ou une cause de la découverte du pot aux roses. Quant au pigeon dont parle Naudé, je dois dire que Pocock, ayant lu ce conte au VIe. livre de Grotius, de Veritate Religionis Christianæ [126], pria Grotius de lui marquer d’où il avait pris une telle chose, qui ne se trouve dans aucun auteur arabe. On lui répondit qu’on ne l’avait débitée que sur la foi des auteurs chrétiens. Grotius nonnulla recensens columbæ ad Mohammedis aurem advolare solitæ meminit ; cujus cùm nullam apud eos mentionem repererim, ac clariss. virum eâ de re consulerem, se in hoc narrando non Mohammedistarum, sed nostrorum hominum fide nixum, dixit, ac præcipué Scaligeri, in cujus ad Manilium notis idem narratur[127]. Voyez la remarque (DD).

(X) On a dit... qu’il a été cardinal. ] « Benvenuto da Imola le dit expressément en ses Commentaires sur Dante[128]. » Ce qui n’est pas moins absurde que ce qu’a dit le glossateur du Droit Canonique, que Mahomet a été le chef des nicolaïtes. Glossatorem autem Corporis Canonici qui Nicolaum Mahometum fuisse dicit æquè absurdum esse notat ac Benevenutum Imolensem, qui Mahometum sanctæ romanæ ecclesiæ cardinalem fuisse asserit[129].

(Y) Il y a eu... quelques docteurs qui l’ont pris pour l’Antechrist. ] Voyez la Dissertation intitulée : Anti-Christus Mahometes, ubi non solùm per Sanctam Scripturam, ac reformatorun testimonia, verùm etiam per omnes alios probandi modos et genera, plenè, fusè, invictè, solidèque demonstratur MAHOMETEM esse unum illum verum, magnum, de quo in sacris fit mentio, Anti-Christum. Elle fut imprimée[130] l’an 1666. Corneille Uythagius, docteur en théologie, qui en est l’auteur, et qui témoigne beaucoup de zèle contre le papisme, assure dans sa préface, qu’il ne fait que développer et que prouver les sentimens de quelques réformateurs. Sunt, semperque fuerunt, dit-il, qui Mahometem pro Anti-Christo illo magno agnoverunt, et per Babylonem civitatem illam magnam Apoc. cap. 17, nobis descriptam, Constantinopolim, Romam novam intellexerunt, inter quos sunt, antiquissimus theologorum Arethas Cæsareæ Cappadociæ episcopus : Angelus Græcus, qui Constantinopoli vixit : Cælius secundus curio : Wenceslaus Budowez Cæsaris consiliarius, qui aliquamdiù Constantinopoli degit : Boskhierus ; et inter nostros reformatos magnus ille Melanchthon, Bucerus, Musculus, Zanchius ; et si qui cùm recentiores ; tùm antiqui cum illis. M. de Meaux nomme d’autres écrivains qui sont de ce sentiment. Voici ses paroles : « S’il fallait tout réserver à la fin du monde, et au temps de l’Antechrist, aurait-on permis à tant de savans hommes du siècle passé, à Jean Annius de Viterbe, à Jean Hanténius de Malines, à nos docteurs Josse Clitou, Génebrard, et Feuardent qui loue et qui suit ces graves auteurs, de reconnaître la bête et l’Antechrist dans Mahomet, et autre chose qu’Énoch et Élie dans les deux témoins de saint Jean [131] ? »

(Z) Je ne saurais croire que son cadavre ait été mangé des chiens. ] Camérarius a inséré ce conte dans le Ier. chapitre du livre III du premier tome de ses Méditations Historiques [132]. Il nous citera son auteur. Mahomet « avait prédit à ses disciples qu’il délogerait du monde l’an X de son règne, mais qu’au troisième jour il ressusciterait. Sur ce un sien disciple, voulant essayer s’il disait vrai, lui empoisonna son breuvage : l’ayant avalé, et se sentant près de la fin, il dit à ceux qui étaient autour de lui : par l’eau, vous recevrez la rémission des péchés ; puis tout soudain mourut. Ses disciples gardaient le corps, attendant l’issue de sa prédiction : mais son corps puait si fort, que ne pouvant supporter cette ordure, ils se tirèrent arrière, et revenant dix jours après, trouvèrent qu’il avait été mangé des chiens. J’ai bien voulu transcrire cette histoire de la chronique d’Espagne, dressée par Jean Vaséus, qui dit avoir suivi un auteur nommé Lucas de Tude, pour ce qu’il ne me souvient point l’avoir lue ailleurs. » J’ai vérifié que Vaséus rapporte cela sous l’an 628, et qu’il cite Lucas Tudensis avec quelque restriction, hæc ferè Lucas Tudensis, dit-il. Baronius a inséré dans ses Annales[133] un fragment de l’apologie d’Eulogius, auteur du VIIIe. Siècle. On trouve bien de petits contes dans ce fragment, et entre autres celui que je viens de rapporter. Il y est même avec une circonstance qui mérite d’être sue. C’est que Mahomet avait assuré ses disciples que l’ange Gabriel le viendrait ressusciter le troisième jour. Ils se tinrent tout ce temps-là autour du cadavre, après quoi ils se retirèrent, s’imaginant que leur présence faisait peur aux anges ; mais personne ne gardant le corps, les chiens l’allèrent manger : ils n’en laissèrent que peu de chose qui fut enterré par les disciples de l’imposteur, bien résolus de se venger de cette injure, en faisant mourir tous les ans beaucoup de chiens. Baronius nous renvoie à plusieurs volumes qui ont été composés sur la vie de Mahomet, et il avoue qu’il s’est abstenu d’autant plus facilement de s’en servir, qu’il y avait trouvé beaucoup de mensonges. Abstinuimus libentiùs quòd multa fabulosa in eis posita invenerimus[134]. Un auteur luthérien[135], que j’ai cité deux ou trois fois, et qui rapporte ce conte sans le croire, nous va nommer divers auteurs qui en font mention. Prenez garde à ses citations[* 13]. Cadaver aliquot diebus mansisse insepultum, quòd tertio die se resurrecturum dixisset, posteà verò à canibus arrosum scribunt Eulogius et Vincentius [* 14]. Sed cùm parcum semper fuisse Muhammedem in jactandis miraculis, et ferro, non prodigiosâ virtute suam propagandam esse scripserit sectam, hanc narrationem suis potiùs relinquimus autoribus. Le père Maracci n’a pas été si incrédule : il ne rejette point ceux qui ont dit que les disciples de Mahomet négligèrent tellement son corps, à cause qu’ils étaient en différent sur la primauté, que les chiens le déchirèrent. Il se fonde sur ce qu’il y a des relations qui portent, que le sépulcre de ce faux prophète ne contient qu’une petite portion de son cadavre. Exiguam corporis portionem in illo inveniri, colligit auctor noster, non absimile vero esse, quod graves scriptores prodiderunt, quùm post morten Mahumeti de imperio proceres certarent, cadaver ejus, nemine in tumultu custodiente, à canibus dilaceratum fuisse [136].

(AA) On a publié un testament de Mahomet. ] On imprima à Paris, en latin et en arabe, l’an 1630 un livre intitulé : Testamentum et Pactiones initæ inter Muhammedum et christianæ fidei cultores. Le père Pacifique Scaliger, capucin, en avait apporté le manuscrit de l’Orient. Gabriel Sionita est l’auteur de la traduction latine. Jean Fabrice publia ce testament en latin, à Rostoch, l’an 1638. M. Hinkelman, pasteur de Hambourg, l’a publié en latin et en arabe, l’an 1690[137]. Les sentimens des critiques sont partagés sur la question, si cet ouvrage est une pièce légitime. Grotius le croit supposé. Edidit Gabriel Sionita, dit-il[138], his diebus testamentum Muhammedis τοῦ ψευδοπροϕήτου, aut indultum potiùs ejus in gratiam christianorum, haud dubiè à christianis suppositum, ut sub obtentu tanti nominis musulmannis æquioribus uterentur. Ille tamen genuinum esse affirmat, et persuadet iis qui nasum non habent. Voétius[139], Hoornbeck[140], Bespier [141], et plusieurs autres ministres embrassent ce sentiment. Hottinger [142], qui n’avait point vu l’arabe, n’ose décider. Saumaise décide que l’ouvrage est légitime. Vidi nuper testamentum Muhammedis. De veritate ejus nullus dubito. Sed mollem ita reddidisset interpres. Nihil enim minus quàm testamentum. Fœdus est et pactio, quâ securitatem christianis dedit ; cujus et mentionem facere videtur Almachinus in Vitâ Muhammedis : ubi narrat ex historiis christianorum, addictum fuisse christianis illum impostorem et benevolum ; et eùm ad ipsum quidam christiani venissent, petentes securitatem, imposuisse eis tributum, atque in fidem eos suscepisse[143]. M. Hinkelman [144] est du sentiment de Saumaise. M. Ricaut l’est aussi ; car voulant prouver que Mahomet usa de ruse au commencement par de fausses apparences d’une intention sincère de vivre en paix avec les chrétiens, il dit[145] que ce faux prophète fit un traité avec eux, dont l’original a été trouvé dans le monastère des religieux du Mont-Carmel. Il ajoute ces paroles[146] : On dit que cet original[147] a été transporté de ce lieu-là en France, et mis dans la bibliothéque du roi. Comme il est ancien et curieux, je crois qu’il n’est pas hors de propos d’en mettre ici l’interprétation. Ayant rapporté toute la teneur de l’acte, il continue de cette manière[148] : Quoique les Turcs nient que ce traité soit de Mahomet, néanmoins il y a de très-bons auteurs qui croient qu’il est légitime ; et qu’il a été fait au temps qui est marqué à la fin, c’est à savoir lorsque l’empire de Mahomet était encore faible et dans son enfance ; car en ce temps-là il faisait la guerre aux Arabes, et craignait que les chrétiens ne se déclarassent contre lui. C’est pourquoi, pour n’être point attaqué de deux ennemis à la fois, il fit ce traité avec eux dans le monastère des moines du Mont-Carmel [149], d’où ces austères religieux tirent leur nom. Ce qu’il y a de bien sûr, est que dans le temps[150] où l’on suppose que Mahomet fit ces conventions avec les chrétiens, il était de la bonne politique de ne les pas irriter. Il y a un passage dans l’Alcoran qui promet aux infidèles la liberté de conscience : M. Ricaut le cite [151]. Il aurait pu citer un passage d’Elmacin, qui nous apprend que Mahomet traita fort humainement une troupe de chrétiens qui lui furent demander des sauvegardes[152]. Il expédia là-dessus des ordres qui les assuraient de sa protection. M. Ricaut est donc bien fondé à dire que Mahomet au commencement offrit la paix aux chrétiens : il n’est pas si bien fondé dans les raisons pour lesquelles il prétend qu’ils parurent redoutables à ce faux prophète. Les chrétiens, dit-il[153], se rendaient recommandables par leur zèle, par leur dévotion, et par la pratique de toutes sortes de vertus. Tout cela était joint à la pureté de leur doctrine, et à une sainte et ferme union dans la profession de la foi ; et comme les empereurs étaient chrétiens en ce temps-là, le christianisme ne se soutenait pas seulement par sa patience, par ses souffrances, et par son espérance, comme il avait fait dans les premiers siècles, il était encore appuyé par les armes et par la protection des empereurs. Cela est contraire au sentiment de tout le monde. On convient généralement que la désunion des chrétiens, leurs vices, et ceux de la cour impériale [154], facilitèrent extrêmement les progrès du mahométisme.

Je ne saurais passer à une autre chose, sans faire une réflexion sur celle-ci. Les mahométans, selon les principes de leur foi, sont obligés d’employer la violence pour ruiner les autres religions ; et néanmoins ils les tolèrent depuis plusieurs siècles. Les chrétiens n’ont reçu ordre que de prêcher et d’instruire ; et néanmoins de temps immémorial ils exterminent par le fer et par le feu ceux qui ne sont point de leur religion. Quand vous rencontrerez les infidèles, c’est Mahomet qui parle[155], tuez-les, coupez-leur la tête, ou prenez-les prisonniers, et les liez jusques à ce qu’ils aient payé leur rançon, où que vous trouviez à propos de les mettre en liberté. N’appréhendez point de les persécuter, jusques à ce qu’ils aient mis bas les armes, et qu’ils se soient soumis à vous. Il est pourtant vrai que les Sarrasins cessèrent d’assez bonne heure les voies de la violence, et que les églises grecques, tant la principale que les schismatiques, se sont conservées jusqu’à présent sous le joug de Mahomet. Elles ont leurs patriarches, leurs métropolitains, leurs synodes, leur discipline, leurs moines. Je sais bien qu’elles ont beaucoup à souffrir sous un tel maître ; mais après tout elles ont plus à se plaindre de l’avarice et des chicanes des Turcs, que de leur épée. Les Sarrasins étaient encore plus doux que ne sont les Turcs[156] : voyez les preuves que M. Jurieu en a données[157], et qu’il a prises d’Elmacin et d’Eutychius. On peut être très-assuré que si les chrétiens d’occident avaient dominé dans l’Asie, à la place des Sarrasins et des Turcs, il n’y resterait aujourd’hui aucune trace de l’église grecque, et qu’ils n’y eussent pas toléré le mahométisme, comme ces infidèles y ont toléré le christianisme. Il est bon d’entendre M. Jurieu[158]. « On peut dire avec vérité qu’il n’y a point du tout de comparaison entre la cruauté des Sarrasins contre les chrétiens, et celle du papisme contre les vrais fidèles. En peu d’années de guerre contre les Vaudois, ou même dans les seuls massacres de la Saint-Barthélemi, on a répandu plus de sang pour cause de religion, que les Sarrasins n’en ont répandu dans toutes leurs persécutions contre les chrétiens. Il est bon qu’on soit désabusé de ce préjugé, que le mahométisme est une secte cruelle, qui s’est établie en donnant le choix de la mort ou de l’abjuration du christianisme : cela n’est point, et la conduite des Sarrasins a été une débonnaireté évangélique, en comparaison de celle du papisme, qui a surpassé la cruauté des cannibales. Ce n’est donc pas la cruauté des mahométans qui a perdu le christianisme de l’orient et du midi, c’est leur avarice. Ils faisaient acheter bien cher aux chrétiens la liberté de conscience, ils imposaient sur eux de gros tributs, ils leur faisaient souvent racheter leurs églises, lesquelles ils vendaient quelquefois aux juifs, et après cela il fallut que les chrétiens les rachetassent : la pauvreté anéantit les esprits et abaisse les courages. Mais surtout le mahométisme a perdu le christianisme par ignorance. » Il a redit la même chose en moins de mots dans l’une de ses pastorales[159], supposant toujours que le christianisme est péri sous la domination des mahométans. Il se trompe, et il eût parlé autrement, s’il eût mieux consulté les historiens : mais ce n’est pas de quoi il s’agit. Passons outre, et remarquons qu’il nous enseigne clairement que des Sarrasins et les Turcs ont traité l’église chrétienne avec plus de modération que les chrétiens n’en ont eu ou pour les païens, ou les uns envers les autres ; car il observe que les empereurs chrétiens ont ruiné le paganisme en abattant ses temples, en consumant ses simulacres, en interdisant le culte de ses faux dieux ; et que les princes réformés ont aboli le papisme, en brûlant les images, en faisant enterrer les reliques, en interdisant tout culte idolâtre[160]. Il est visible que les souverains, qui interdisent tout d’un coup une religion, usent de plus de violence que les souverains qui lui laissent son exercice public, et qui se contentent de la tenir bas, selon les manières des Turcs envers les chrétiens.

La conclusion que je veux tirer de tout ceci, est que les hommes se conduisent peu selon leurs principes. Voilà les Turcs qui tolèrent toutes sortes de religions, quoique l’Alcoran leur ordonne de persécuter les infidèles ; et voilà les chrétiens qui ne font que persécuter quoique l’Évangile le leur défende. Ils feront un beau manège dans les Indes et dans la Chine, si jamais le bras séculier les y favorise : assurez-vous qu’ils s’y serviront des maximes de M. Jurieu. Ils l’ont déjà fait en quelques endroits. Lisez ce qui suit, vous y trouverez que les raisons ne suffisant pas à convertir les infidèles, on pria le vice-roi de Goa de secourir l’Évangile par des arrêts de confiscation, etc. Cùm necessarium esset, ut præter autoritatem ecclesiæ potestas principum virorum ad copiosam hanc frugem accederet, quæ obstacula omnia amoliretur, Deus dominus noster pro-rege tanquàm instrumento in multis usus est. Itaque ubi Brachmani rationibus se destitui viderant, ad defensionem satis esse putabant, ut quoquo modo de cassibus effugerent, quod se more majorum vivere profiterentur. Sed cùm pro innatâ animi pertinaciâ neque unquàm se victos agnoscerent, neque rationibus quamtùmlibet efficacibus crederent : pro-rex in compendium misso negotio malo huic nodo malum cuneum opponit, legem promulgat, ut intrà quadragesimum diem à decreti promulgatione Brachmanes cum suis omnibus, qui christiani fieri nollent, supellectili omni, quæque in ratis et censis haberent, intrà id tempus distractis in exilium abirent ; qui non parerent, jacturam ejus facturos, et ad triremes abreptum iri comminatus est[161]. Voyez la note[162].

(BB) On peut alléguer des preuves de fausseté tirées de la pièce même. ] Considérez un peu ces paroles de M. Prideaux : Grotius rejette cette capitulation comme une chose forgée : et il a raison d’en agir ainsi : car cette pièce est datée de la 4e. année de l’hégire, dans un temps où Mahomet n’était pas encore en état de parler le langage qu’on lui fait parler dans cet écrit ; son pouvoir dans ce temps-là n’étant pas non plus si formidable que d’exciter personne à le prier de lui accorder sa protection, vu qu’il avait été défait peu de temps auparavant à la bataille d’Ohud, où il avait été si furieusement battu que, dans le temps que cette capitulation fut datée, savoir dans le 4e. mois de cette année, il n’était pas encore tout-à-fait relevé du coup, se trouvant alors plus bas qu’il n’eût jamais été depuis qu’il avait pris l’épée pour la propagation de son imposture. Outre cela il y a encore une autre particularité qui en découvre la fausseté d’une manière tout-à-fait manifeste. Suivant cette pièce Moawias, fils d’Abu-Sophian, était alors secrétaire de Mahomet et avait dressé l’écrit ; cependant il est certain que Moawias, avec son père Abu-Sophian, portait alors les armes contre l’imposteur ; et ce n’était que dans le temps de la prise de la Mecque, qui fut quatre ans après, qu’ils furent se joindre à lui pour embrasser son imposture, afin de sauver leurs vies[163].

(CC) Il était fort propre à se faire suivre comme le Messie que les Juifs attendaient. ] Il y a des auteurs qui disent que Mahomet pendant quelque temps se débita pour le Messie, et qu’il s’appliqua les oracles du Vieux Testament qui avaient été accomplis en Notre-Seigneur[164]. Par cette adresse il attira beaucoup de Juifs : le mauvais état où était cette nation dans l’Arabie la rendait plus propre à être trompée. On dit qu’ils ne rompirent avec lui que lorsqu’il s’enfuit de la Mecque, et l’on ne donne guère de bonnes raisons de cette rupture : car de dire, comme font plusieurs, qu’ils se dégoûtèrent de lui, à cause qu’ils lui avaient vu manger d’un chameau, c’est nous conter des sornettes ; et je ne comprends pas même qu’ils l’aient pris quelque temps pour le Messie, puisque d’un côté l’Écriture dit formellement que le Messie sortirait de la famille de David, et que de l’autre il était notoire que Mahomet n’en descendait point, et qu’il était de race païenne. Quoi qu’il en soit, citons les auteurs qui ont dit ce que je rapporte. Et quidem primis temporibus Muhammed se ipsum apud Chadigam uxorem, Arabes, Judæosque venditabat pro Messiâ, quem Judæi expectarent, ut est apud Enustinum in Geneal. Mahom. p. 10. Abbas Urspergensis in Chronico p. m. 150. Hic erat pseudo-propheta, sed apud illos magnus æstimabatur, ita ut etiam in principio adventûs ejus æstimarent hunc esse illum, qui ab eis expectatur Christus [165] ...... Secuti hunc sunt complures Judæi, qui Muhammedum illicò pro vero agnovêre Messiâ. Theophanes aliique istius temporis scriptores scribunt, judæos adhæsisse Muhammedo usquè ad cædem illius : μέχρι τῆς σϕαγῆς αὐτοῦ. Pro σϕαγἧς rectiùs legi ϕυγῆς, usquè ad fugam illius, monet vir litterarum græcarum peritissimus Isaacus Vossius in allegatis Sibyllinis Oraculis, p. 24, asserens Theophanem aliosque pravam secutos fuisse lectionem. Itidem tradunt recessisse Judæos à Muhammedo, cùm eum cameli carnibus vescentem conspexissent. Alias alii afferunt separationis causas[166]. Il est indubitable que les Juifs n’ont point suivi Mahomet jusques à sa mort ; car il les persécuta à toute outrance, et par le fer et par la plume : il les déteste dans plusieurs endroits de son Alcoran, et la guerre qu’il leur fit fut très-sanglante, et très-funeste pour eux[167]. Les Turcs suivent admirablement en cela le génie de leur prophète ; car ils ont plus d’aversion pour les Juifs que pour aucun peuple du monde, et ils ne souffrent point qu’un Juif qui s’est fait mahométan soit enterré dans leurs cimetières [168]. Mais ce qu’on débite, qu’ils ne veulent pas qu’un Juif qui désire embrasser le mahométisme passe tout d’un coup à la profession de foi, et avant que de se faire chrétien, est faux[169].

(DD) Les mahométans ont pour Mahomet une très-grande vénération. ] J’en pourrais marquer un grand nombre de circonstances, mais je me contenterai de quelques-unes. Le grand-seigneur[170] envoie tous les ans en Arabie cinq cents sequins, un Alcoran couvert d’or, porté sur un chameau, et autant d’étoffe noire qu’il en faut pour servir de tente à la mosquée de la Mecque. Lorsqu’on met cette nouvelle couverture, on ôte celle de l’année précédente ; les pèlerins la mettent aussitôt en pièces, et chacun en emporte ce qu’il peut, qui plus, qui moins. Ils gardent chacun ce lambeau chez eux comme une relique, et comme une marque de leur pèlerinage..... Quand le chameau qui a porté l’Alcoran est de retour, on le pare de fleurs et d’autres ornemens ; et après avoir fait ce saint voyage, il est exempt tout le reste de sa vie de toute sorte de travail et de service[171]. Les Turcs[172] ont beaucoup de vénération pour le chameau : Et ils mettent au nombre des plus grands péchés de lui donner trop de charge, et de le faire travailler plus qu’un cheval. La raison de cela est que cette bête est fort commune dans les lieux saints de l’Arabie, et qu’elle a l’honneur de porter l’Acoran, lorsqu’on fait le pèlerinage de la Mecque. J’ai remarqué que ceux qui ont le soin de cet animal prennent de l’écume qui lui sort de la bouche, après l’avoir fait boire dans un bassin, et s’en frottent la barbe avec beaucoup de dévotion, comme si c’était quelque baume de grand prix, ce qu’ils font, en répétant quantité de fois d’un ton religieux, Hadgi Baba, Hadgi Baba, c’est-à-dire, ô père pèlerin, ô père pèlerin ! Voici un passage que je tire de la Mothe-le-Vayer [173] : « Partout où s’étend la fausse religion de Mahomet, ceux de sa lignée, qu’on nomme chérifs [* 15], y sont en telle vénération, qu’autres qu’eux n’oseraient porter le turban vert[174], et qu’ils sont même irréprochables en justice. Et comment les Turcs et les autres musulmans ne respecteraient-ils pas les descendans de cet imposteur, puisqu’ils estiment tellement jusques aux chevaux issus de la cavale qui le portait, qu’on n’oserait les battre, ni les maltraiter, comme nous l’apprenons de la relation du sieur de Brèves ? » Plusieurs pèlerins après avoir vu le sépulcre de Mahomet, se crèvent les yeux, comme si tout le reste du monde était devenu indigne de leurs regards, depuis la vue d’un tel objet. J’ai lu cela dans Brantôme : on sera bien aise de savoir à quel propos il en parle. Le jour venu, dit-il[175], que les ambassadeurs de Pologne [176] firent la révérence à la reine de Navarre, elle leur parut si belle et si superbement et richement parée et accoutrée, avec si grande majesté et grâce, que tous demeurèrent perdus d’une telle beauté ; et entre autres il y eut de Lasqui, l’un des principaux de l’ambassade, à qui je vis dire en se retirant, perdu d’une telle beauté : non, je ne veux rien plus voir après telle beauté ; volontiers je ferais comme font aucuns Turcs pèlerins de la Mecque, où est la sépulture de leur prophète Mahomet, qui demeurent si aises, si éperdus, si ravis, et transis, d’avoir vu si belle et si superbe mosquée, qu’ils ne veulent rien plus voir après, et se font brûler les yeux par des bassins d’airain ardent, qu’ils en perdent la vue, tant subtilement le savent-ils faire, disant qu’après cela rien ne se peut voir de plus beau, ni ne veulent plus rien après ; ainsi disait ce Polonais de la beauté admirable de cette princesse. Comme l’autorité de Brantôme ne suffirait pas, je citerai deux maronites qui ont dit [177] : Hinc factum est ut multi hujus loci desiderio patriam consanguineosque reliquerint : plerique etiam tali insaniâ dementiâque capti fuerint, ut sibi spontè oculos eruerint, ne scilicet quicquam mundanum, ut inquiunt, viderent : reliquum vitæ curriculum ibi peregerint. Cela me fait souvenir d’une pensée de M. Ogier : il employa pour composer l’oraison funèbre de Philippe IV, roi d’Espagne[178], tout ce que l’exercice et l’étude de plusieurs années pouvaient lui avoir acquis de science dans l’art de bien dire, et il se résolut après cet ouvrage de ne se plus mêler d’éloquence et de suivre l’exemple..... d’un seigneur des Pays-Bas, qui après avoir régalé Charles-Quint dans une de ses maisons, la fit isoler le lendemain en l’air avec de la poudre à canon, ne jugeant pas qu’aucun homme fût digne d’y être reçu après cet incomparable prince[179]. Je n’ai pas encore rapporté tous les honneurs qu’on rend aux bêtes pour l’amour de Mahomet. Il y a dans le territoire de la Mecque une infinité de pigeons ; car comme on s’imagine qu’ils descendent de celui qui s’approchait de l’oreille du faux prophète, on croirait faire un grand crime, non-seulement si on les tuait, mais même si on les prenait, ou si on les faisait fuir. Summa columbarum copia invenitur, quæ quia sunt de genere atque stirpe ejus quæ ad Mahomedis aures (ut Moslemanni nugantur) accedebat, eo pollent privilegio atque authoritate, ut non solùm eas occidere, sed aut capere aut fugare nefas esse existiment[180]. J’ai copié ce passage, afin démontrer qu’il y a des écrivains célèbres qui assurent que les musulmans font mention de cette colombe qui s’approchait de l’oreille de Mahomet, de quoi pourtant les auteurs arabes n’ont point parlé, si nous en croyons Pocock[181]. N’oublions pas le chameau, qui depuis la Mecque jusques à Médine porta Mahomet droit à la porte du logis de Jul, fameux capitaine turc que ce prophète s’était proposé de visiter, sans savoir l’endroit où était logé un si vaillant homme[182]. Les mahométans prétendent que ce chameau ressuscitera, et qu’il jouira du bonheur du paradis[183]. Que dirai-je de la chemise de Mahomet ? On la garde au Caire d’Égypte, et on la porte en procession à certains jours avec de grandes cérémonies[184].

Au reste, il est faux que les musulmans aient témoigné leur vénération pour Mahomet en lui érigeant des statues. Il y a donc un mensonge dans l’histoire de la Guerre Sainte, publiée par le père Mabillon[185]. L’auteur y parle d’une statue de Mahomet, trouvée dans une mosquée qu’il appelle le temple de Salomon[186]. « Il dit que Tancrède la trouva assise sur un trône fort élevé, et qu’elle était si pesante que six hommes des plus forts ne la pouvaient porter qu’à peine, et qu’il en fallait dix pour le moins pour la lever. Il fait faire par Tancrède une harangue tout-à-fait pathétique à cette statue, où reconnaissant que c’était celle de Mahomet, il s’écrie : C’est ce scélérat de Mahomet, qui a été le premier Antéchrist. Oh ! si l’Antechrist qui doit venir était présentement avec celui-ci ! ah ! vraiment, je l’aurais bientôt écrasé sous mes pieds. Ceux qui ont quelque connaissance des sentimens des mahométans, savent qu’ils ne tiennent aucunes images, ni dans leurs mosquées, ni dans leurs maisons. » C’est une question si les musulmans invoquent ce faux prophète, et s’ils croient qu’il est au ciel : bien des gens leur imputent cette croyance[187]. « Mais il n’y a aucune de leurs prières solennelles qui ne s’adresse directement à Dieu, qu’ils prient même pour Mahomet ; et ils soutiennent que toutes les âmes, celle du prophète comme celles des autres, sont jusqu’au jour du jugement dans les tombeaux, où leurs corps ont été ensevelis[188]…… L’âme de Mahomet est aussi renfermée dans son sépulcre, car il a refusé le ciel, où Dieu lui a offert de le recevoir, n’y voulant pas être sans ses fidèles. Cette âme conduira, au dernier jour, toutes les âmes mahométanes à la gloire céleste…. Afin que l’on voie qu’ils prient Dieu pour Mahomet, voici la conclusion de l’une de leurs prières : Ô mon Dieu, sois propice à Mahomet et au peuple mahométan, comme tu as été propice à Abraham et à son peuple, parce qu’on te loue et qu’on te glorifie. » Si l’on n’avait point de meilleures preuves que Mahomet n’est pas invoqué par ses sectateurs, je ne voudrais pas nier qu’il ne le fût ; car j’ai rapporté[189] un formulaire de prières qui montre qu’ils invoquent Dieu pour les mêmes saints qu’ils invoquent. Quant à leur respect pour l’Alcoran, voyez ce qu’en dit M. Pfeiffer dans le VIIe. volume de la Bibliothéque universelle[190]. Leur attachement au mahométisme est si fort, qu’on n’en peut presque convertir aucun à la religion chrétienne[191] ; et sans doute il y a bien plus de chrétiens qui se font mahométans, que de mahométans qui embrassent l’Évangile. Les païens sont plus faciles à convertir[192]. La distinction du moine Richard me paraît vaine. Il dit qu’un mahométan se ferait plutôt chrétien à l’article de la mort, que dans sa bonne santé ; et qu’un chrétien n’embrasserait point le mahométisme à l’article de la mort : qu’ils conviennent donc l’un et l’autre que la religion mahométane est plus commode pour vivre, et que la chrétienne est plus sûre pour mourir. Christianus quidem nunquàm in morte fieret Sarracenus, sed in vitâ ; Sarracenus autem potiùs in morte fit christianus, quàm in vitâ : uterque igitur horum potiùs eligit christianus mori, quàm Sarracenus[193]. Cette distinction est un avantage dont les catholiques romains et les réformés se vantent également. Voyez la remarque (E) de l’article Abulpharage. Mais la vérité est, qu’à la réserve d’un petit nombre de gens, chacun souhaite de mourir dans la religion où il a été élevé : s’il l’a quittée, ç’a été pour quelque avantage temporel ; quand il s’en va mourir, cet avantage lui est inutile ; il souhaite donc de mourir dans sa première communion. Un mahométan en est logé là tout comme les autres, s’il lui est arrivé pour des considérations humaines d’abjurer sa foi. L’ignorance fait dans le cœur de ces infidèles ce que la science produit dans le cœur d’un orthodoxe honnête homme, je veux dire un attachement invincible à ses opinions. Mais je dirai en passant que la religion mahométane n’est pas aussi dépourvue d’apologistes qu’on le croit ordinairement. Il y a des Arabes qui ont écrit en faveur de l’Alcoran, et contre la Bible, avec assez d’industrie pour fomenter les préjugés. Hottinger parle d’un auteur[194] qui épluche les contradictions apparentes de l’Écriture, et qui prétend même prouver par la Bible, la mission de Mahomet. Nous serions fort simples, si nous croyions qu’un Turc, qui examine cela, le trouve aussi faible que nous le trouvons. Il n’aperçoit aucune force dans les objections contre l’Alcoran ; il en aperçoit beaucoup dans les objections contre les chrétiens. Tant est grande la force des préjugés !

(EE) Il n’est pas vrai que son tombeau soit suspendu. ] Une infinité de gens disent et croient que le cercueil de Mahomet étant de fer, et sous une voûte de pierres d’aimant, se tient suspendu en l’air, et que cela passe pour un grand miracle dans l’esprit de ses sectateurs. C’est une fable qui les faut bien rire, quand ils savent que les chrétiens la racontent comme un fait certain[195]. Mais s’il s’était avisé d’une telle ruse, il n’aurait fait que renouveler une ambition assez vieille. Un roi d’Égypte avait eu dessein de procurer le même avantage à la statue de son épouse : sa mort et celle de l’architecte en empêchèrent l’exécution. Magnete lapide Dinochares architectus Alexandriæ Arsinoës templum concamerare inchoaverat, ut in eo simulacrum ejus è ferro pendere in aëre videretur. Intercessit mors et ipsius et Ptolemæi, qui id sorori suæ jusserat fieri[196]. Si nous en croyons Ausone, ce dessein fut exécuté ; car il en parle comme d’une chose qui existait actuellement ; mais les poëtes n’y regardent pas de si près : croyons plutôt ce que Pline en dit.

Conditor hic forsan fuerit Ptolemaïdos aulæ
Dinochares : quadro cui in fastisia cono
Surgit, et ipsa suas consumit Pyramis umbras,
Jussus ob incesti qui quondam fœdus amoris
Arsinoen Pharii suspendit in aëre templi.
Spirat enim tecti testudine vera magnetis,
Affictamque trahit ferrato crine puellam[197].


Saint Augustin ne doutait point que l’industrie de l’homme n’eût produit un tel spectacle : il ne marque pas en quel endroit[198] il dit seulement qu’on voyait dans un certain temple, une statue de fer au milieu de l’air, également éloignée du pavé et de la voûte, parce que la pierre d’aimant qui attirait par-dessous, et celle qui attirait par-dessus, étaient de même vertu. Quamobrem si tot et tanta tamque mirifica, dit-il, quæ μηχανήματα appellant, Dei creatura utentibus humanis artibus fiunt, ut ea qui nesciunt, opinentur esse divina, undè factum est, ut in quodam templo lapidibus magnetibus in solo et in camerâ proportione magnitudinis positis, simulachrum ferreum aëris illius medio inter utrumque lapidem, ignorantibus quid sursùm esset ac deorsùm, quasi numinis potestate penderet... Quanta magis Deus potens est facere, etc.[199] ? Il observe que le peuple, qui ne savait pas la cause de cet effet, l’attribuait à la puissance de Dieu. Il est apparent que le temple que saint Augustin ne nomme pas était celui de Séraphis à Alexandrie ; car voici ce que dit Ruffin, en racontant les fourberies que l’on découvrit dans ce temple, lorsque les chrétiens en furent les maîtres. Erat aliud fraudis genus hujusmodi, natura lapidis magnetis hujus virtutis perhibetur, ut ad se rapiat et attrahat ferrum. Signum solis ad hoc ipsum ex ferro subtilissimâ manu artificis fuerat fabricatum, ut lapis, cujus naturam ferrum ad se trahere diximus, desuper, in laquearibus fixus cùm temperatè sub ipso radio ad libram fuisset positum simulacrum, et vi naturali ad se raperet ferrum assurrexisse populo simulacrum, et in aëre pendere videretur[200], Prosper raconte la même chose, avec une circonstance dont Ruffin ne parle pas : il dit qu’un bon serviteur de Dieu, ayant su par inspiration en quoi consistait l’artifice, ôta de la voûte la pierre d’aimant, et qu’aussitôt cette statue tomba et se brisa en mille pièces. Apud Alexandriam in templo Serapidis hoc argumentum dæmonis fuit, quadriga ferrea nullâ basi suffulta, nullis uncis infixis parietibus colligata, in aëre pendens cunctis stuporem ac velut divinum subsidium oculis mortalium exhibebat, quùm tamen lapis magnes, qui ferrum sibimet attributum suspendit, eo loco cameræ affixus totam illam machinam sustentabat. Itaque cùm quidam Dei servus inspiratus id intellexisset, magnetem lapidem è camerâ substraxit, statimque omne illud ostentum cadens confractum comminutumque ostendit divinum non esse, quod mortalis homo firmaverat[201]. Si l’on en croit Cassiodore[202], il y avait au temple de Diane un Cupidon de fer ainsi suspendu. L’auteur anonyme des Annales de Trèves cite une lettre de Galba Viator, écrite au sophiste Licinias, où ce Galba fait savoir qu’il a vu à Trèves une statue de Mercure, faite de fer et fort pesante, qui demeurait suspendue entre le ciel et la terre, à cause de l’équilibre des forces qui l’attiraient en haut et en bas[203] : il y avait un morceau d’aimant au pavé, et un autre à la voûte, et l’on avait mis cette statue immédiatement au-dessus et au-dessous de ces deux morceaux d’aimant. J’ai bien de la peine à croire ces choses ; tant à cause de l’éloignement considérable qui était, dit-on, entre les statues de fer et les pierres qui les attiraient, qu’à cause des difficultés insurmontables que l’on trouverait à balancer si justement les attractions [204]. Je croirais plutôt ce que l’on a dit d’une statue de Mars, qui se collait à une Vénus d’aimant.

............. Ferrea Martis
Forma nitet, Venerem magnetica gemma figurat[205].
.........................
......... Cytherea maritum
Spontè rapit, cœlique toros imitata priores,
Pectora lascivo flatu Mavortia nectit.
Et tantum suspendit onus, galeæque lacertos
Implicat, et vivis totum complexibus ambit.
Ille, lacessitus longo spiraminis actu,
Arcanis trahitur gemmâ de conjuge nodis[206].


Mais au moins est-il bien sûr que le sépulcre de Mahomet ne doit pas être compté parmi ces merveilles. Ce faux prophète fut enterré à Médine où il était mort : quelques auteurs disent qu’on le mit dans le tombeau d’Aïcha [207] l’une de ses femmes, celle qui l’avait le plus aimé, celle que les musulmans qualifient la mère des croyans, ou la mère des fidèles, femme qui avait entendu les langues, et qui s’était appliquée diligemment à l’étude de l’histoire[208]. Ce tombeau est une urne de pierre : elle est par terre dans une chapelle où personne ne peut entrer ; car elle est entourée de barreaux de fer. Les pèlerins de la Mecque vont là avec une extrême dévotion, et baisent religieusement ces barreaux. C’est ce que vous trouverez dans un petit livre, De nonnullis Orientalium Urbibus, composé par Gabriel Sionita et par Jean Hesronita, et mis à la fin de la Geographia Nubiensis, dont ils publièrent une traduction latine, à Paris, l’an 1619. Voyez aussi la Dissertation du sieur Samuel André De Sepulchro Muhammedis. Nous verrons dans la remarque suivante ce que M. Bernier témoigne de la fausseté du conte qui regarde la suspension du tombeau.

Je ne quittera point cette matière sans rapporter un conte bien ridicule que j’ai lu dans les voyages de Monconys. « L’Oia de M. l’ambassadeur dit qu’il y avait une pierre à la Mecque, suspendue en l’air depuis que Mahomet y avait monté dessus pour monter de là sur le bouraq ; c’est un animal, selon l’Alcoran, plus petit qu’un mulet, et plus grand qu’un âne, que Dieu lui avait envoyé pour le porter au ciel. Comme la pierre le vit monter, elle le suivit ; mais lui s’en apercevant la fit arrêter, et elle demeura à l’endroit de l’air où elle se trouva alors ; d’autres disent que depuis, quelques femmes grosses passant dessous, de crainte qu’elle ne leur tombât dessus, s’étaient blessées, et qu’on y a mis des pierres dessous pour la soutenir, mais qu’elles n’y servent de rien, et que sans cela elle ne laisserait pas de demeurer suspendue en l’air[209]. »

(FF) ... Il n’est pas trop certain qu’aucun architecte soit capable d’un tel ouvrage. ] Je puis citer là-dessus une autorité qui n’est pas à mépriser : C’est la déclaration qu’a faite l’un des meilleurs disciples du fameux Gassendi. Rapportons ses paroles [210]. « Je ne dirai rien aussi de cette prétendue suspension du sépulcre de fer de Mahomet, à la Mecque, entre des aimans d’égale force, et arrangés comme dans une espèce de voûte, ce qui s’est dit autrefois du cheval de fer de Bellérophon ; car c’est une chose qui surpasse toute l’industrie humaine, ou qu’on ait plusieurs aimans d’une même force, ou qu’on les puisse appliquer d’une telle manière que le fer qui sera au milieu ne sente pas plus de force d’un côté que d’autre, ou que le fer soit partout de la forme, de l’épaisseur, et de la température qu’il faudrait pour être également attiré de partout ; et cependant il est constant que la moindre petite différence, soit dans l’aimant, soit dans le fer, soit à l’égard du lieu, ferait qu’une partie l’emporterait sur l’autre. Je pourrais ajouter, comme ayant été plus d’un mois à Gidda sur la mer Rouge, à une petite journée de la Mecque, que le sépulcre de Mahomet ne fut jamais à la Mecque, mais qu’il est à Médine à six ou sept journées de là, et qu’en ces quartiers-là on n’a jamais ouï parler ni de cette voûte d’aimant, ni de cette suspension. » M. Vallemont soutient la possibilité de la suspension d’un tombeau de fer. Voyons ses preuves[211] : Le père Cabéus dit qu’il plaça un jour deux aimans l’un au-dessus de l’autre, et distans d’environ quatre doigts : puis ayant pris par le milieu avec deux doigts une aiguille à coudre, il la porta doucement entre ces deux aimans, cherchant ce juste milieu, où l’aiguille n’étant pas plus attirée d’un aimant que de l’autre, elle demeurerait suspendue en l’air sans tenir à rien. Il faut un peu de temps, et beaucoup d’adresse, pour trouver justement ce point-là, et pour y laisser l’aiguille sans qu’elle tombe : ce qui arrive par la moindre agitation de l’air. Enfin cela réussit pourtant au père Cabéus. L’aiguille demeura en l’air entre les deux aimans, ne touchant à rien, et ce charmant spectacle dura autant de temps qu’il en faut pour réciter quatre grands vers. Mais comme il se levait, afin d’appeler quelques-uns de ses amis, le mouvement de l’air rompit, pour ainsi parler, ce charme innocent. Sur cela ce philosophe ne fait point de difficulté d’assurer qu’on pourrait par ce moyen suspendre dans le milieu de l’air un coffre de fer, dans une chambre dont les murailles seraient incrustées de pierres d’aimant. Testor me id fecisse. Potuisset etiam arca ferrea fieri, et in cubiculo magnete lapide parietato ita disponi in medio aëre, ut penderet. Cabeus, lib. 4, cap. 18, pag. 334 et 335. Ce jésuite dit cela à l’occasion de ce qu’on raconte si souvent, que les sectateurs de l’impie Mahomet ont mis son corps dans une bière de fer qui est suspendue dans le milieu de l’air par des aimans. Il ne doute point que ce ne soit une fable : comme c’en est une effectivement. M. Vallemont rapporte ensuite les dernières paroles du passage de M. Bernier, que l’on a vu ci-dessus, et le blâme d’avoir assuré que c’est une chose qui surpasse toute l’industrie humaine. Le raisonnement, continue-t-il[212], pourrait établir le contraire évidemment, et l’expérience du père Cabéus décide la chose contre M. Bernier. J’ose bien dire que cette expérience décide plutôt pour lui ; car elle demande beaucoup de patience et beaucoup d’adresse, et ne produit rien qui puisse durer ; et cependant il ne s’agit que d’une petite aiguille. Jugez par là des difficultés qu’il faudrait vaincre pour suspendre entre deux aimans un cercueil de fer. M. Prideaux croit la même chose que M. Vallemont ; car après avoir dit que le corps de Mahomet fut enterré à Médine [213], et y est encore aujourd’hui sans bière de fer, et sans pierres d’aimant, il ajoute ces paroles : Je ne prétends point nier la possibilité du fait ; je sais que Dinocrate[* 16], fameux architecte, bâtit autrefois d’aimant le dôme du temple d’Arsinoé, à Alexandrie, et par ce moyen l’image toute de fer de cette princesse était suspendue au milieu de son temple, sans que rien la soutînt. Mais on n’entreprit rien de semblable en faveur du cadavre de Mahomet. Voyez ci-dessus[214] ce qui concerne la statue d’Arsinoé.

(GG) Il court plusieurs prédictions qui menacent le mahométisme depuis long-temps. ] Bibliander[215] assure qu’il y a une prophétie célèbre parmi les mahométans, qui fait beaucoup de peur et aux hommes et aux femmes, et qui porte que leur empire sera ruiné par l’épée des chrétiens. Voici en quels termes est conçue cette prophétie, traduite de persan en latin par Georgievitz[216]. Imperator noster veniet, gentiliun regnum capiet, rubrum malum capiet, subjugabit septem usquè ad annos ; ethnicorum gladius si non resurrexerit, duodecim usquè ad annos in eos dominabitur, domum ædificabit, vineam plantabit, hortos sepe muniet, filium et filiam habebit : duodecim post annos christianorum gladius insurget, qui et Turcam retrorsùm profligabit. Sansovin[217] publia un livre l’an 1570, où il assure qu’il y a une prédiction que les lois de Mahomet ne dureront que mille ans, et que l’empire des Turcs finira sous le quinzième sultan[218]. il ajoute que Léon le philosophe, empereur de Constantinople, a dit dans l’un de ses livres, qu’une famille blonde avec ses compétiteurs mettra en fuite tout le mahométisme, et prendra celui qui possède les sept montagnes. Familia flava cum competitoribus totum Ismaëlem in fugam conjiciet, septemque colles possidentem cum ejus possessionibus capiet. Le même empereur fait mention d’une colonne qui était à Constantinople, et dont le patriarche du lieu expliqua les inscriptions de telle sorte, qu’elles signifient que les Vénitiens et les Moscovites prendront la ville de Constantinople, et qu’après quelques disputes ils éliront d’un commun accord, et couronneront un empereur chrétien[219]. Cette famille blonde, si fatale aux musulmans, me fait souvenir d’un passage de M. Spon que je m’en vais rapporter. « De tous les princes de la chrétienté, il n’y en a point que le Turc craigne tant que le grand czar de Moscovie... Aussi ai-je ouï dire à quelques Grecs, entre autres au sieur Manno-Mannéa, marchand de la ville d’Arta, homme d’esprit et d’étude pour le pays, qu’il y avait une prophétie parmi eux, qui portait que l’empire du Turc devait être détruit par une nation Chrysogenos, c’est-à-dire blonde, ce qui ne peut s’attribuer qu’aux Moscovites qui sont presque tous blonds[220]. » Il est parlé de ceci dans les Pensées diverses sur les Comètes[221], à l’occasion de je ne sais quelle tradition que l’on fait courir, que c’est aux Français que les destinées promettent la gloire de ruiner les Turcs[222]. Voyez la remarque (F) de l’article Marets (Jean des). La prophétie des Abyssins ne désigne qu’un roi chrétien, dont la patrie sera au septentrion. Mentionem facit Duret, hist. des Langues, fol. 575. cujusdam prophetiæ, quam magni æstimant Abyssini : quòd nempé, aliquandò Mecca, Medina, aliæque fœlicis Arabiæ urbes, destruentur, Mahometique et ejus symmystarum cineres dissipabuntur ; hæcque omnia facturus sit rex aliquis Christianus, in regionibus septentrionalibus natus ; qui pariter Ægyptum et Palæstinam sit occupaturus [223]. On prétend qu’il fut fait un livre en arabe touchant cette prophétie, avant la prise de Damiette, et que ce livre fut trouvé par les chrétiens [224]. Wallichius[225] rapporte que les Turcs trouvent dans leurs annales, que le règne de Mahomet subsistera jusqu’à l’arrivée des garçons blonds, dunec veniant figliuoli biondi, id est, flavi et albi filii ex Septentrione flavis et albis capillis. Quelques-uns veulent que cela désigne les Suédois ; mais Antoine Torquato, fameux astrologue, en faisait l’application au roi de Hongrie [226]. Je ne parle point de la prophétie qui courut sous l’impératrice Théodora, que la destruction des Sarrasins serait l’ouvrage des Macédoniens ; ce qui fut cause que l’empereur Monomaque fit lever des troupes dans la Macédoine, et les envoya au Levant[227]. Les suites n’ont point confirmé cette prophétie, ni le Commentaire sur les prédictions de l’empereur Sévère, et sur celles de l’empereur Léon, imprimées à Francfort avec des figures, l’an 1597. Ce commentaire avait promis que l’empire des Ottomans finirait sous le sultan Mahomet III[228]. Le commentaire de Philippe Nicolaï sur l’Apocalypse n’a pas été plus heureux que celui-là. Ce ministre luthérien avait prédit, en vertu de quelques paroles de saint Jean, que l’empire turc finirait l’an 1670[229]. Wolfius a inséré dans ses leçons mémorables [230] un écrit qui a pour titre : Discursus de futurâ et speratâ Victoriâ contrà Turcam, è sacris prophetiis, aliisque vaticiniis, prodigiis, et prognosticis depromptus, ac noviter in lucem datus per Joannem Baptistam Nazarum Brixiensem. Il fut imprimé l’an 1570. L’auteur discute plusieurs passages prophétiques de l’Écriture, et il trouve, de quelque façon qu’il les tourne et qu’il en calcule les lettres numérales, qu’ils marquent la ruine des Turcs, et par même moyen une paix universelle pour l’an 1572, ou pour l’an 1575. Les autres oracles qu’il consulte, certains auteurs fatidiques, les signes qui avaient paru au ciel, les constellations, tout cela lui fait conclure que l’empire turc et tout le mahométisme est à la veille de sa destruction ; qu’ils n’en peuvent pas échapper, et qu’on touche presque du bout du doigt le siècle d’or qui établira sur la terre la paix générale. Bésoldus est admirable[231] ; il fait mention de ce traité de Nazarus, et d’un autre[232] qui fut écrit l’an 1480, et imprimé à Paris environ l’an 1520. On y promettait aux chrétiens cent beaux triomphes, qui n’ont été que des chimères ; et néanmoins il assure que la fin du mahométisme approche : il se fonde sur ce que les sciences n’y fleurissent plus comme autrefois. Hæcque omnia, licet vana et fanatica multis videantur, ac etiam ratione temporis vel loci falli possint ; certum tamen multi habent, adpropinquare quoque sarracenicæ legis ruinam. Nam sanè jam diù est, quod disciplina et eruditio ab eâdem recessit[233]. Le sieur Konig nous apprend que M. Basire, chapelain de Charles Ier., roi d’Angleterre, déclara en passant par Leipsic, lorsqu’il en allait à Londres après le rétablissement de Charles II, que selon l’Apocalypse on aurait bientôt la guerre contre les Turcs ; que nous étions au temps de la sixième fiole ; que les Turcs seraient très-heureux dans cette guerre, et qu’ils attaqueraient la ville de Rome ; et qu’ensuite de cette victoire leur empire déclinerait et périrait, et que les sages de cette nation le croyaient ainsi[234]. On imprima un livre à Paris, l’an 1686, où l’on inséra quantité de prophéties funestes aux Orientaux[235], prononcées par l’abbé Joachim, par saint Nersès, patriarche des Arméniens, par saint Catal, évêque de Trente[236], par Saint-Ange, carme, par Bérobius[237], de Patras. L’auteur, prétendant que ces oracles ont en vue le roi très-chrétien, l’exhorte à faire la guerre aux Ottomans. Je ne répèterai point ce que j’ai dit en un autre lieu[238] ; qu’on y recoure. Je dirai seulement que parmi tant de prophètes, qui ont presque tous prononcé malheur, malheur, væ, væ, contre la puissance mahométane, il s’en est trouvé qui lui ont promis une grande bénédiction. Les astronomes de Tolède divulguèrent une prédiction, au XIIIe. siècle, que dans sept ans il s’élèverait des disputes entre les Sarrasins, et qu’ils abandonneraient leur religion, et embrasseraient l’Évangile. Un théologien de Franeker[239] représenta à Coménius la fausseté de cet oracle, en lui citant une thèse où Samuel Desmarets avait dit qu’il serait facile de prouver, par l’Écriture, que les Turcs et les Tartares ne seront point convertis ; mais que se joignant aux restes de l’Antechrist, ils tâcheront de ruiner le christianisme : que Dieu par ses miracles les en empêchera, et qu’ils seront abîmés de fond en comble au second avénenent de Jésus-Christ. Ce n’est pas le compte des millénaires que Samuel Desmarets avait à combattre : ils prétendent que les Turcs se convertiront. Rapportons ce qui regarde les astronomes de Tolède. Ac prout eventu caruit illa Astronomorum Toletanorum prædictio ante 400 annos edita, quæ ex Wendovero refertur in Additamentis Matthæi Parisiensis ex edit. Londinensi anni 1632, et juxtà quam intrà septennium ab edito illo Oraculo oritura erat dubietas inter Saracenos, et erant relicturi Mahumerias suas, et futuri unum cum christianis ; ita non debemus nos facilè lactare novâ spe conversionis Turcarum, quæ nusquàm in Dei verbo promissa est[240]. Il se trouve aussi des gens qui prédisent de grandes conquêtes aux Turcs : ils feront des courses, dit-on, jusqu’en Flandre et en Picardie. Lisez ce que je vais copier. Je mets en note les citations de l’auteur sans y rien changer. Quam (senectutem imperii Turcici) etiamsi nondùm agnoscant plurimi Cogiticam priùs expectantes irruptionem, vel militiæ Turcicæ coloniam usquè[* 17] deductionem, tùm Picardiæ, Flandriæ et Brabantiæ [* 18], imò omnium omninò regionum [* 19] per Turcas, præcessuras incursiones ; nos tamen de turcicâ senectute præsenti non vaticinia tantùm, sed alia etiam indicia reddunt certissimos [241]. Vous trouverez un supplément de tout ceci dans la remarque (B) de l’article Torquato (Antoine).

Si nous voulions attribuer toutes ces menaces prophétiques à une seule cause, nous nous tromperions. L’envie de se consoler par l’espérance de la ruine d’un furieux persécuteur, fait trouver facilement cette ruine dans les prédictions de l’Écriture, ou dans quelques autres sources. Voilà donc des gens qui prédisent par crédulité et par illusion. L’envie de consoler les peuples, et de dissiper leurs craintes, oblige certaines gens à supposer que l’Écriture, les prodiges et plusieurs autres pronostics promettent la prochaine ruine de la puissance que l’on redoute. Voilà donc des gens qui prédisent par politique. Ceux qui le font afin de rendre plus courageuses les troupes qu’on met sur pied, sont des prophètes de la même classe. Il y en a qui le font afin d’exciter les soulèvemens dans le pays ennemi ; par exemple, afin d’animer les Grecs, qui reconnaissent le grand Turc pour leur souverain, à prendre les armes contre leur maître. Ceux-ci appartiennent à une autre classe ; il les faut nommer prophètes de sédition. Mettez dans la classe qu’il vous plaira, peu m’importe, les païens dont parle saint Augustin, qui firent courir une prophétie selon laquelle le christianisme devait périr après qu’il aurait duré trois cent soixante-cinq ans. Excogitaverunt nescio quos versus græcos, tanquàm consulenti cuidam divino oraculo effusos, ubi Christum quidem ad hujus tanquàm sacrilegii crimine faciunt innocentem : Petrum autem maleficia fecisse subjungunt, ut coleretur Christi nomen per 365 annos : deindè completo memorato numero annorumt, sinè morâ sumeret finem[242]. Saint Augustin trouve qu’en comptant ces trois cent soixante-cinq années depuis la résurrection de Jésus-Christ, elles expirèrent un an avant que le paganisme reçût, pour ainsi dire, le coup mortel par la destruction de ses temples. Sequenti anno, consule Manlio Theodoro, quandò jam secundùm illud oraculum dæmonum aut figmentum hominum, nulla esse debuit religio christiana, quid per alias terrarum partes forsitan factum sit, non fuit necesse perquirere. Interim quod scimus, in civitate notissimâ et eminentissimâ Carthagine Aphriæ Gaudentius et Jovius comites imperatoris Honorii, quarto decimo calendas aprilis falsorum deorum templa everterunt, et simulacra fregerunt[243]. Saint Augustin remarque que plusieurs païens furent convertis par la réflexion qu’ils firent sur la fausseté de cet oracle. Quant aux motifs de ceux qui le divulguèrent, voyez ce que je cite de Baronius[244].

Quelques-uns de ceux qui ont promis de grandes conquêtes aux Turcs y ont été peu à peu déterminés par la haine qu’ils avaient conçue contre la maison d’Autriche : soit que cette haine les eût rendus fanatiques, soit qu’ils fissent seulement semblant d’avoir des visions. Mais quelques autres n’ont été conduits que par le système qu’ils s’étaient fait sur les prophéties de l’Apocalypse, sur Gog et Magog, etc. On m’a dit depuis peu deux choses : 1°. Qu’un fameux ministre d’Amsterdam avait prêché pendant le siége de Vienne, en 1683, que les Turcs prendraient la ville, se fondait sur quelques passages de l’Écriture ; 2°. que la levée de ce siége lui causa tant de chagrin qu’il en mourut. Ce n’est pas qu’il souhaitât, comme aurait fait Drabicius, que les Turcs fissent des progrès dans l’Allemagne ; mais il fut marri de s’être trompé. Quoi qu’il en soit, nous pouvons conclure que ceux qui se mêlent de nous révéler l’avenir, par rapport au Turc, prennent mal leur temps : quand ils l’ont menacé de ruine, il a triomphé ; quand ils lui ont promis des conquêtes, il a perdu des batailles et des provinces, comme on l’a vu depuis l’année 1683[245]. Mais observons qu’au temps même de Drabicius, il y eut des gens en Hollande qui promirent que le Turc serait détruit. On publia à Leyde, l’an 1664, deux écrits bien différens. Le premier avait pour titre : de Tartarorum irruptione succincta Dissertatio[246] ; et l’autre était une Parænesis ad Christianos, suggerens consilium ad eos liberandos, et opprimendos Turcas. Dans le premier, la Hollande est menacée des irruptions des Tartares, si elle ne fournit beaucoup d’argent pour la levée des troupes qui sont nécessaires à la guerre contre les Turcs. On promet dans l’autre la conquête de l’empire turc, pourvu qu’il se fasse de grandes levées d’hommes et de deniers, et l’on marque de quelle façon il faudra que cette conquête soit partagée.

(HH) Le riz et la rose naquirent de sa sueur. ] Voici les paroles de deux savans maronites[247]. Ineptè Mohamedis sequaces confabulantur, ortam esse (orizam) ex ipsius Mohamedis sudore antequàm mundo se manifestaret, mundum infestaret penè dixerim, cùm thronus Dei circuibat in paradiso : Deus enim conversus respexit eum ; Mohamedes præ pudore sudavit, tergensque digite sudorem, sex extrà paradisum guttas misit, ex quarum unâ rosa, ex alterâ oriza productæ sunt, ex reliquis quatuor, quatuor Mohamedis socii nati sunt. Voilà qui surpasse les plus absurdes visions des légendaires chrétiens. Mahomet, disent ses sectateurs, faisait le tour du trône de Dieu dans le paradis, avant que de se montrer aux hommes. Dieu se tourna vers lui et le regarda : Mahomet en eut tant de honte qu’il en sua, et ayant essuyé sa sueur avec ses doigts, il en fit tomber six gouttes hors du paradis, l’une desquelles produisit la rose, une autre le riz, les quatre autres formèrent les quatre compagnons du prophète. Que dites-vous, monsieur, de la vision des Arabes, ces paroles sont de Balzac, qui ont ôté la rose à la déesse Vénus, pour la donner au prophète Mahomet, et qui tiennent (c’est Busbéquius qui le dit dans ses relations) que les premières roses sont nées de la sueur de ce grand prophète ? N’admirez-vous point leur chronologie, qui ne veut pas qu’il y ait eu de roses dans le monde, avant l’empire d’Héraclius [248] ?

(II) L’ange Gabriel lui enseigna la composition d’un ragoût qui lui donnait de grandes forces pour jouir des femmes. ] Il se vantait d’avoir appris de l’ange Gabriel que la vertu de ce ragoût[249] était de fortifier les reins. En ayant mangé une fois par l’ordre de l’ange, il eut la force de se battre contre quarante hommes ; dans une autre occasion, il eut affaire quarante fois avec des femmes sans en être fatigué[250]. Mohamedes…. affirmabat…. hoc pulmentum à Gabriele angelo se edoctum fuisse, et utilitatem ejus, eodem angelo teste, in eo consistere ut renes corroboret. Quandoque angeli jussu Mohamedes ex eo edens unâ nocte pugnavit adversùs quadraginta viros, aliàsque quadragies indefatigatus rem cum feminis habuit. Sanè hæc, anuum delirantium fabellas, aut alicujus moslemanicæ sectæ osoris calumnias esse opinaremur, nisi præfatum authorem [251] juris peritissinum, eundemque obsequentissimum Mohamedis sectatorem, ea omnia disertè arabico stylo, capite de quorundam ciborum delectu et utilitate videremus referentem. Nous avons ici un auteur grave parmi les mahométans, qui raconte ces infamies de son prophète : on ne doit donc pas soupçonner que les chrétiens ou les juifs aient inventé ces contes pour noircir cet imposteur ; et ainsi, encore que nous ne lisions pas dans l’Alcoran que les plaisirs de l’union entre les deux sexes dureront chaque fois soixante ans entiers, il ne faut pas douter que ce ne soit une tradition mahométane. Mais, afin de donner lieu à un chacun de mieux juger de cela, il faut que je rapporte un passage qui nous apprend que M. Pocock, si versé dans la lecture des auteurs mahométans, ne rapporte point cette tradition. Voici une note du sieur Bespier, sur ce que M. Ricaut dit[252] que le faux prophète promettait un paradis où il y aurait de belles femmes, dont la jouissance donnerait des plaisirs excessifs... et qui dureraient soixante ans entiers sans discontinuation [253]. « L’Alcoran ne parle nulle part du temps de ces plaisirs. Baudier ne fait point de difficulté de l’étendre jusques à cinquante ans, page 661 de son Histoire de la religion des Turcs. C’est ce qu’il a pris de Vigenère, page 208 de ses Illustrations sur Chalcondyle, ou qu’ils ont pris l’un et l’autre de Jean André, pag. 72, où il dit la même chose. Je ne trouverais pas mauvais qu’ils l’eussent copié en une infinité d’endroits, comme ils ont fait, et surtout sur les délices du paradis, où ils ont presque pris mot pour mot quatre ou cinq pages ; mais ce que je ne puis approuver, est que ni l’un ni l’autre ne le nomme en pas un des endroits où il le copie. Au reste, je ne sais si la Zune parle de ces cinquante ans, comme l’assure Jean André ; mais Pocock, qui a été fort exact à décrire tout ce que les mahométans disent des délices du paradis, ne parle ni des cinquante ans de Jean André, de Baudier et de Vigenère, ni des soixante ans de notre auteur ; il dit seulement que ces infidèles assurent qu’il y aura cent divers degrés de plaisirs dans le paradis, dont le moindre sera si grand, qu’afin que les fidèles les puissent goûter sans en être accablés, Dieu leur donnera à chacun la force de cent hommes. Rouat miat ragiol. »

Admirons ici la faiblesse humaine, Mahomet, pratiquant et enseignant la plus excessive impudicité, a néanmoins fait accroire à un grand nombre de gens que Dieu l’avait établi le fondateur de la vraie religion. Sa vie ne réfutait-elle pas fortement cette imposture ? Car selon la remarque de Maimonides, le principal caractère d’un vrai prophète est de mépriser les plaisirs des sens, et surtout celui qu’on nomme vénérien. « Liceat hic adscribere quæ habet Maimonides in Morch, lib. 2, cap. 40, ubi quomodò probandi sint pseudoprophetæ, docet his verbis : Modus autem talem probandi, est ut perfectionem personæ ipsius animadvertas, et in facta ejus inquiras ; et conversationem observes ; signum autem præcipuum quo dignoscatur est, si abdicaverit voluptates corporeas et eas contemptui habuerit, (hic siquidem primus est gradus scientiâ præditorum, multò magis prophetarum) imprimis verò sensum illum qui juxtà Aristotelem opprobrio nobis est, ac turpitudinem rei venereæ ; ideòque hoc indicio detexit Deus omnes falso de afflatu prophetico gloriabundos, ut ita patefieret veritas eam iudagantibus, et ne in errorem inducantur [254]. » Qu’on ne dise point que personne ne s’y trompa, et que ceux qui s’attachèrent à Mahomet, ne le firent que par amour-propre et en connaissant ses impostures. Ce serait une prétention insoutenable. La plupart de ses disciples rejetèrent la nouvelle de sa mort comme un mensonge, qui ne pouvait compatir avec sa mission céleste ; et il fallut, pour les détromper, qu’on leur prouvât par l’Alcoran qu’il devait mourir [255]. Ils s’étaient donc laissé séduire par ses paroles. Or, quand une fois on est prévenu de l’opinion qu’un certain homme est prophète ou un grand serviteur de Dieu, on croit plutôt que les crimes ne sont point crimes quand il les commet, que l’on ne se persuade qu’il fait un crime. C’est là la sotte prévention de plusieurs petits esprits. Sénèque lui-même ne disait-il pas qu’on prouverait plus facilement que l’ivrognerie est louable, que non pas que Caton commît un péché en s’enivrant [256] ? Les sectateurs de Mahomet disaient de même en leur cœur, il vaut mieux croire que l’impudicité n’est pas un vice, puisque notre grand prophète y est sujet, que de croire que puisqu’il y est sujet, il n’est pas un grand prophète. Tous les jours on voit des diminutifs de ce préjugé : un homme s’est-il acquis une fois la réputation de grand zélateur de l’orthodoxie, s’est-il signalé dans les combats contre l’hérésie, offensivement et défensivement, vous trouvez plus de la moitié du monde si prévenue en sa faveur, que vous ne pouvez leur faire avouer qu’il ait tort en faisant des choses qu’ils condamneraient si un autre les faisait. Saint Paul a dit seulement que la femme infidèle serait sanctifiée dans le mari fidèle[257] ; mais s’il eût parlé selon le goût de ces gens-là, il aurait dit que tout ce qui appartient à l’homme fidèle, à l’homme orthodoxe, et tout ce qu’il fait, est sanctifié en lui.

(KK) Il s’éleva plusieurs autres faux prophètes. ] Je me souviens de l’exorde d’un sermon de M. Daillé : il roulait sur cette pensée, qu’aussitôt que Dieu fait annoncer aux hommes sa vérité, de diable suscite de faux docteurs qui annoncent des hérésies. Il suscita au temps des apôtres, un Cérinthus, un Ebion, etc., et au temps des réformateurs, un Jean de Leyde, un David George, un Servet et un Socin. Le but du démon est de traverser les progrès de la vérité ; car il était naturel de croire que les juifs et les païens mépriseraient l’Évangile, dès qu’ils verraient plusieurs sectes parmi ceux qui l’annonceraient. Pareillement il y avait lieu de croire que les catholiques mépriseraient et insulteraient la réformation, dès qu’ils verraient Luther, Zwingle, Muncer, Calvin, marcher par diverses routes, et soutenir des disputes contre plusieurs chefs de parti, qui, à leur exemple, sortiraient de la communion romaine. Il vient d’abord deux objections dans l’esprit ; 1°. si ces gens-là étaient inspirés de Dieu, ils parleraient le même langage ; 2°. posé le cas qu’il fallût quitter l’ancienne doctrine, quel parti choisirions-nous parmi tant de sectes nouvelles ? Il vaut mieux demeurer où l’on se trouve que de discuter si l’une d’elles est véritable, et laquelle c’est. L’événement ne confirma pas ces conjectures selon toute leur étendue, car, quoiqu’on ne puisse nier que la multitude de faux docteurs qui s’élevèrent dans le premier siècle, et qui formèrent tant de partis dans le sein de l’Évangile naissant, n’aient fait beaucoup de tort à la bonne cause, il s’en faut beaucoup que cela n’ait fait tout le mal que le démon en avait pu espérer. Le pyrrhonisme y gagna fort peu de chose ; j’en ai déjà dit les raisons [258]. On peut appliquer cette remarque aux temps de Luther et de Calvin. Ces deux grands réformateurs ne firent pas tous les progrès qu’ils auraient faits, s’ils eussent été réunis dans les mêmes sentimens, et si tous ceux qui combattaient l’église romaine avaient tenu le même langage. Leur désunion fut un préjugé qui retint plusieurs personnes dans la communion du pape : néanmoins la religion protestante ne laissa pas de s’augmenter en peu de temps, et d’acquérir une consistance durable. Quoi qu’il en soit, tout le monde peut comprendre que le démon suit fort bien ses intérêts, s’il traverse les progrès d’une nouvelle orthodoxie, comme M. Daillé le suppose : mais il n’est pas facile de concevoir qu’ayant suscité Mahomet pour établir une fausse religion, il lui oppose les mêmes obstacles qu’aux apôtres de Jésus-Christ. D’où vient donc que de faux prophètes, émissaires de Satan, s’efforcent de perdre le mahométisme dans sa naissance ? D’où vient que Mahomet a des émules qui se vantent de l’inspiration céleste aussi bien que lui[259] ? D’où vient que Muséiléma, son disciple, l’abandonne afin de faire une secte à part[260] ? D’où vient qu’un Asouad, un Taliha, un Almoténabhi, s’érigent en prophètes, et attirent à eux autant qu’ils peuvent de sectateurs[261] ? Il n’est point facile de donner raison de ces phénomènes, si l’on ne suppose que la division n’est pas moins grande entre les mauvais anges qu’entre les hommes, ou que les hommes, sans l’instigation du démon, entreprennent de fonder de fausses sectes. Les chefs de parti que j’ai nommés traitaient Mahomet de faux prophète ; mais il s’en éleva d’autres après sa mort, qui, sans révoquer en doute son autorité, disputaient à qui entendait mieux l’Alcoran. Les deux grandes sectes qui se formèrent d’abord, celle d’Ali et celle d’Omar, subsistent encore. Souffrir cela, n’était-ce point travailler au dommage du mahométisme ? Était-ce l’intérêt du démon ?

Quelque grande que paraisse cette difficulté, on y peut faire diverses réponses. On peut dire qu’il importe peu au démon qu’un faux prophète soit traversé par de faux prophètes, et que chacun de ces imposteurs débauche les sectateurs de ses concurrens : le démon n’y perd rien ; on est à lui également, soit qu’on suive Mahomet, soit qu’on suive Muséilémi ou Almoténabhi. Les combats, les guerres, les désordres de toute nature que ces divisions produisent, sont un spectacle plus divertissant pour l’ennemi du genre humain, que ne le serait le cours tranquille et heureux d’une seule fausse secte. D’ailleurs c’est une chose très-capable de flatter l’orgueil d’un esprit ambitieux, que de faire voir qu’il peut établir le mahométisme en dépit de cent obstacles. Ne peut-il pas espérer que s’il donne de merveilleux accroissemens à cette secte, quoiqu’elle soit combattue dans sa naissance par d’autres sectes, il y marquera un caractère de divinité, et il se rendra le singe de Dieu, qui n’a jamais fait paraître plus sensiblement la force de sa protection sur l’Évangile, qu’en empêchant les mauvais effets des hérésies et des schismes du premier siècle ?

(LL) Quelques auteurs arabes... se vantent d’avoir lu des exemplaires de l’Évangile, qui contenaient des choses touchant Mahomet que les chrétiens ont effacées. ] Les plus incrédules sont ébranlés quand ils voient des auteurs graves qui affirment certaines choses avec un grand attirail de circonstances, et comme les ayant vues de leurs propres yeux. Il est donc utile de faire voir par des exemples notables que ces sortes d’affirmations sont quelquefois illusoires. Quel plus grand exemple pourrais-je citer que celui qu’on va lire ? On y verra un mahométan qui assure qu’un chrétien lui a montré un exemplaire de l’Évangile, où se trouvent quantité de choses claires et précises touchant Mahomet, et qu’il n’y a qu’un autre exemplaire au monde qui soit semblable à celui-là. Inter nomina seu titulos blasphemi impostoris Paracletum numerant, teste Al-Jannabio : quin et aliàs in loco non uno, antè Evangelia à christianis corrupta expressam ejus factam mentionem sibi facilè persuadent, idque ab ipsis christianis edocti, ut refert auctor modò laudatus ; Mohammedem scil. Al-Selencium, nescio quem à sacerdote quodam magni inter christianos nominis didicisse nullibi extare Evangelii exemplar incorruptum, quàm apud se unum, ac Parisiis alterum, atque è suo multa coram ipsis legisse, in quibus multa et perspicua de Mohammede narrarentur [262].

(MM) Quelques-uns disent que Mahomet déclara qu’il n’y avait que le tiers de l’Alcoran qui fût véritable. ] Le père Joseph de Sainte-Marie, carme déchaussé, missionnaire apostolique dans le royaume de Malabar, assure[263] que les habitans de Mascati se piquent d’être les plus fidèles observateurs de la loi de Mahomet, et qu’ils prétendent que Mahomet déclara que, de douze mille paroles qui se trouvent dans l’Alcoran, il n’y en a que quatre mille de véritables. Quand on les réfute sur quelque point, et qu’ils ne savent comment se défendre, ils le mettent au nombre des huit mille faussetés. Voilà qui est bien commode pour se tirer de tout mauvais pas dans la dispute.

(NN) Les variations de son esprit prophétique répondaient au changement de ses intérêts particuliers. ] Servons-nous des paroles de M. Prideaux [264]. « Presque tout son Alcoran a été[* 20] de cette manière formé pour répondre à quelque dessein particulier qu’il avait, suivant que l’occasion le requérait. S’il y avait quelque chose de nouveau à mettre sur pied ; quelque objection contre lui, ou contre sa religion, à répondre ; quelque difficulté à résoudre ; quelque mécontentement parmi le peuple, à apaiser ; quelque scandale à ôter ; ou quelque autre chose à faire pour le bien de ses desseins, il avait ordinairement recours à l’Ange Gabriel pour quelque nouvelle Révélation ; et d’abord, il faisait paraître dans son Alcoran quelque augmentation propre à répondre aux fins qu’il se proposait alors. De manière qu’il a presque tout été composé en des occasions de cette nature, pour produire dans son parti l’effet qu’il se proposait. Et tous ses Commentateurs avouent assez la chose en faisant voir avec exactitude les raisons pour lesquelles chaque chapitre leur avait été envoyé du ciel. Mais cela fut cause des contradictions qui sont entrées en abondance dans ce livre. Car à mesure que les affaires et les desseins de l’imposteur variaient, il se trouvait aussi obligé de faire varier ses prétendues révélations, ce qui est si bien connu parmi ceux de sa secte, qu’ils confessent tous que cela est vrai ; c’est pourquoi là où ces contradictions sont telles qu’ils ne peuvent pas les sauver, ils veulent qu’on révoque un de ces endroits qui se contredisent. Et ils comptent, dans tout l’Alcoran, plus[* 21] de 150 versets ainsi révoqués, ce qui est le meilleur expédient qu’ils puissent prendre pour en sauver les contradictions, et les incompatibilités. Mais en cela ils découvrent extrêmement la légèreté et l’inconstance de celui qui en était l’auteur. » Cette preuve d’imposture a beaucoup de force : j’en ai déjà parlé ci-dessus[265] ; mais je dois ajouter ici qu’on lui donnerait trop d’étendue, si l’on s’en voulait servir sans exception contre tous les explicateurs de l’Apocalypse, qui changent leurs hypothèses à proportion que les affaires générales prennent un train différent [266]. Il se peut faire quelquefois qu’il n’y ait que du fanatisme dans l’inconstance de ces gens-là, et que n’étant point capables de s’apercevoir du mauvais état de leur tête, ils n’aient pas moins de bonne foi lorsqu’ils varient, que s’ils ne varient pas. Employons donc une distinction : disons seulement que ceux qui changent leur système apocalyptique selon les nouvelles de la gazette, et toujours conformément au but général de leurs écrits, débitent des faussetés, ou sans le savoir, ou le sachant bien. Leur conduite est très-souvent une imposture, mais non pas toujours.

(OO) Il était jaloux au souverain point, et il ne laissa pas de prendre patience par rapport aux galanteries de celle de ses épouses qui lui était la plus chère. ] « Comme il s’était rendu brutalement esclave de l’amour des femmes, il était aussi extrêmement jaloux de celles qu’il avait épousées. Ainsi pour les détourner de ce qu’il craignait[* 22], il les menaçait d’un châtiment une fois plus grand que celui des autres femmes, tant dans ce monde que dans celui qui est à venir, supposé qu’elles lui fussent infidèles. Et lorsque quelques-uns de ses sectateurs fréquentaient trop sa maison, et y conversaient avec quelques-unes de ses femmes, il en était si fâché que, pour empêcher que cela n’arrivât plus, il fit paraître comme de la part de Dieu, ces versets de l’Alcoran[* 23], où il leur dit qu’ils ne devaient pas entrer dans la maison du prophète sans permission, et que s’ils étaient invités à dîner chez lui, ils devaient en sortir immédiatement après le repas, sans entrer en conversation avec ses femmes ; que quoique le prophète eût honte de leur dire de s’en aller, cependant Dieu n’avait pas honte de leur dire la vérité. Et dans le même chapitre il défend à ses femmes de parler à aucun homme, à moins qu’elles n’aient le visage couvert d’un voile. Enfin il porta cette jalousie jusqu’au delà du tombeau. Car ne pouvant souffrir qu’aucun autre eût affaire avec ses femmes, quoiqu’après sa mort[* 24], il défendit sévèrement à tous ses sectateurs d’aller jamais vers elles tant qu’elles vivraient. De sorte que quoique toutes les autres femmes répudiées ou devenues veuves eussent la liberté de se remarier, cependant toutes ses femmes se trouvaient exclues de ce privilége. C’est pourquoi toutes celles qu’il laissa en mourant[* 25] restèrent toujours veuves, quoiqu’il y en eût de bien jeunes, comme particulièrement Ayesha, qui n’avait pas alors tout-à-fait vingt ans, et qui vécut encore plus de quarante-huit ans après : ce qu’on regardait dans ce pays chaud, comme une contrainte où elles se trouvaient sévèrement réduites[267]. »

Vous voyez dans ces paroles de M. Prideaux, que la même femme que nous avons appelée ci-dessus Aaisce [268], s’appelle ici Ayesha. Les deux auteurs que j’ai cités en cet endroit-là s’expriment mal : ils disent que Mahomet fut enterré dans le tombeau d’Aaisce : mais comme elle vécut plus que lui, ils eussent mieux fait de dire qu’il fut enterré dans la chambre de cette femme. C’est ainsi que M. Prideaux s’est exprimé[269]. Il nous apprend[270] qu’Ayesha, fille de Abu-Beker, était celle de toutes ses femmes que Mahomet aimait le plus tendrement ; ..... et quoique ce fût une[* 26] femme galante, toujours occupée de quelque intrigue, Mahomet ne put jamais se résoudre à la renvoyer. Il composa donc le 24e. chapitre de l’Alcoran pour innocenter sa femme, et pour se disculper en même temps de ce qu’il la gardait. Il y déclare donc à ses musulmans de la part de Dieu, que tous ces bruits qui couraient au désavantage d’Ayesha étaient des impostures, de noires calomnies, leur défend d’en plus parler, et menaçant en même temps de peines terribles en cette vie et en l’autre ceux qui oseraient médire des femmes de bien. Mahomet l’ayant épousée jeune[* 27] prit soin de la faire instruire dans toutes les sciences qui avaient cours en Arabie, surtout dans l’élégance et la politesse du langage, et la connaissance de leurs antiquités ; elle profita extrêmement des soins de son mari, et devint polie et savante[* 28]. Elle haïssait Ali avec fureur, parce que ce fut lui qui découvrit son incontinence et ses désordres à Mahomet. Voici une autre preuve de la tendresse avec laquelle elle était aimée de son mari :« Sewda était celle des femmes[* 29] de Mahomet, qu’il aimait le moins ; il avait même résolu de la renvoyer ; mais elle le fléchit par l’empressement avec lequel elle lui demanda qu’elle pût continuer à jouir du nom de femme de Mahomet, lui promettant qu’elle n’exigerait rien de plus, et que quand son tour viendrait de coucher avec lui, elle le céderait à Ayesha. L’amour de Mahomet pour Ayesha le fit consentir très-volontiers à ce traité, ainsi Sewda demeura dans sa maison pendant qu’il vécut, aux conditions qu’elle s’était imposées [271]. »

On croira peut-être que je parle improprement, lorsque j’assure que Mahomet prit patience par rapport aux galanteries de l’épouse qu’il aimait avec le plus de tendresse : car on s’imaginera qu’il la crut très-innocente ; et en ce cas-là il ne le faut plus considérer comme un mari tendre et jaloux, et en même temps insensible aux infidélités conjugales. Où sera donc cette singularité de caractère dont j’ai parlé ? Je réponds qu’il n’y a nulle apparence qu’il ait douté des galanteries d’Ayesha. Il les apprit par le rapport de son gendre Ali, et ne discontinua point d’avoir pour lui autant d’amitié et de confiance qu’auparavant ; et sans doute il n’en aurait point usé de cette manière, s’il l’eût pris pour un calomniateur dans un point aussi délicat que celui-là. Croyons donc qu’il fut convaincu de la vérité du rapport, et considérons de plus que si les intrigues amoureuses de sa femme n’eussent pas été certaines, on n’en eût point fait de contes et de médisances, qui obligèrent le faux prophète à recourir à l’autorité céleste pour en arrêter le cours. Ses sectateurs, s’étant une fois laissé persuader qu’il leur parlait de la part de Dieu, avaient du respect, non-seulement pour sa personne, mais aussi pour ses femmes et pour ses enfans. Ils n’étaient donc pas capables de forger une satire calomnieuse contre Ayesha, mais ils l’étaient bien de connaître les désordres effectifs de sa conduite, et d’en murmurer, et de s’en plaindre comme d’un scandale insupportable qui déshonorait l’homme de Dieu. Et il faut noter que la jalousie n’est pas toujours uniforme dans ses causes et dans ses effets : elle s’écarte de ses règles, ou de sa route ordinaire plus souvent que l’on ne pense. Il y a des gens qui seraient jaloux, s’ils étaient moins amoureux : le souverain degré de la tendresse produit dans leur cœur une confiance qu’un moindre degré n’y produirait pas. Il y a des jaloux qui cessent d’aimer quand ils se croient trahis. Il y en a d’autres qu’une infidélité connue ne guérit pas[272]. Mahomet pouvait bien être de cette dernière classe à l’égard de la plus chère de ses femmes. Il faut bien se souvenir qu’il l’aima toujours, et c’est principalement ce qu’on doit considérer ; car s’il l’eût seulement gardée afin d’éviter le ridicule à quoi il aurait pu s’exposer par le divorce, il ne faudrait lui attribuer qu’une patience politique, assez ordinaire dans le genre humain. Le nombre de ceux qui préfèrent à l’éclat d’une rupture une continuation de communauté de vie avec un objet odieux, n’est pas petit.

(PP) ... Ses sectateurs reçurent comme des oracles l’interprétation qu’elle donnait aux paroles de leur loi. ] Son crédit, après la mort du faux prophète, fut assez grand pour empêcher qu’Ali ne devînt calife. Elle le haïssait pour la raison qu’on a vue dans la remarque précédente. Sa haine fut longue ; car quoique Ali [273] eût droit au trône vacant, étant gendre de l’imposteur, il en fut exclus trois fois consécutives. Le trône vaqua pour la 4e. fois, et Ali y parvint enfin : mais Ayesha parut en armes contre lui, et quoiqu’elle ne réussit point par cette voie, elle le perdit néanmoins en suscitant et en fomentant cette révolte qui à la longue ruina Ali et sa famille[* 30]. Ayesha survécut quarante-huit ans entiers à Mahomet ; elle jouit d’une grande réputation dans sa secte qui l’appelait la prophétesse et la mère des fidèles. Elle était l’oracle vivant de sa secte, qui la consultait dans tous les points difficiles de la loi, pour apprendre d’elle quel avait été le sens du législateur. Quelles que fussent ses réponses, elles[* 31] étaient reçues comme des oracles, et ont toujours passé depuis parmi eux, pour des traditions authentiques. Toutes leurs traditions qui composent leur Sunnah, viennent selon eux d’Ayesha, ou de quelqu’un des dix compagnons de Mahomet, c’est ainsi qu’ils appellent ces dix hommes qui se joignirent les premiers à ce séducteur. Mais le témoignage d’Ayesha rend une tradition très-authentique. Abdorrahman Ebn-Auf tient le second rang. Notez que ce ne fut point à elle que Mahomet [274] donna en garde la cassette de son apostolat ; mais à Haphsa, fille d’Omar. Cela est un peu étrange ; car cette fille d’Omar n’avait que le second[* 32] rang dans le cœur de son mari Mahomet. « Dans cette cassette étaient tous les originaux de ses révélations prétendues, lesquels serviront de matériaux à la composition de l’Alcoran.... Après que ce livre fut fini, Abu-Beker [* 33] en donna l’original à Haphsa, pour le garder dans la même cassette. Ce qui sert à découvrir l’erreur de Jean André, qui prétend [* 34] que c’était Ayesha qui la gardait. En effet cette charge étant si considérable parmi les mahométans, quelle apparence que, si Ayesha en eût été mise en possession par l’impositeur lui-même, Abu-Beker eût entrepris de l’en déposséder, surtout étant sa propre fille ? Mais Haphsa, étant beaucoup plus vieille que Ayesha, lui fut apparemment préférée pour cette raison, pour veiller à la garde de ce précieux dépôt[275]. »

Il y a quelque sujet de s’étonner que la religion mahométane soit si peu avantageuse au sexe féminin [276], puisqu’elle a été fondée par un homme extraordinairement lascif, et que ses lois furent mises en dépôt entre les mains d’une femme, et qu’une autre femme leur pouvait donner l’interprétation qu’elle voulait. Nous venons de voir qu’Ayesha fut considérée comme une prophétesse, et comme un oracle : ce fut une véritable papesse parmi les musulmans. M. Herbelot rapporte[277] qu’elle eut parmi eux une fort grande autorité, même en matière de doctrine et de religion, et qu’on recourait souvent à elle pour apprendre quelque tradition de Mahomet, et qu’elle entreprit de condamner elle-même le calife Othman d’impiété. Elle eût donc dû mettre les choses sur un pied très-favorable à son sexe. D’où vient donc qu’elle ne le fît pas ? Était-elle de l’humeur de certaines femmes, qui sont les premières et les plus ardentes à médire de leur sexe ? Peut-on la considérer comme une preuve de ce qu’on dit quelquefois, que l’autorité des hommes n’est jamais plus grande, que lorsqu’une femme est sur le trône ; et que celle des femmes n’est jamais plus grande, que lorsque le sceptre est entre les mains d’un homme ? Je n’en sais rien. Que les spéculatifs s’exercent tant qu’il leur plaira sur cette question. Mais considérez, je vous prie, les influences du sexe sur la fondation du musulmanisme, et comment les passions de femme y répandirent bientôt les semences de la discorde. Suivez à la trace le schisme d’Ali, vous en trouverez la source dans les impudicités d’Ayesha dont il fut le délateur. Cette femme ne le lui pardonna jamais, et l’empêcha trois fois de suite de parvenir à la dignité de calife, et après qu’enfin il y fut monté, elle se ligua contre lui[278], et se mit à la tête de trente mille hommes. Elle perdit la bataille, et y fut prise, et fut renvoyée à Médina où elle mourut, et fut enterrée auprès de Mahomet : mais la ligue qu’elle avait formée pour venger la mort d’Othman ne mourut pas avec elle. Ali fut enfin tué sous ce prétexte, et de là naquit un grand schisme qui subsiste encore.

Je ne puis finir sans remarquer un petit défaut d’exactitude dans la Bibliothéque orientale de M. Herbelot. Il dit dans l’article d’Aischah que cette veuve de Mahomet entreprit de condamner elle-même le calife Othman d’impiété : mais dans un autre endroit[279] il raconte qu’ayant été consultée par la faction qui portait des plaintes contre ce calife, elle répondit qu’on devait le recevoir à pénitence, et qu’elle le soutint depuis à Ali. Je n’objecte point cela comme une contradiction, mais comme un récit incomplet partout. Il faut croire, 1°. que cette femme jugea la cause d’Othman, et qu’elle le condamna d’impiété ; 2°. qu’elle prononça qu’il fallait se contenter de sa pénitence. M. Herbelot devait joindre ces deux faits dans l’article d’Aischah, et dans l’article d’Othman, et non pas les désunir dans l’un et dans l’autre, en mettant le premier sans le second en un endroit, et le second sans le premier en un autre lieu. Cet avis est important à tous les auteurs de dictionnaire, et il leur est très-malaisé de ne tomber pas dans cette faute. Je crains bien qu’elle ne me soit échappée plus d’une fois.

(QQ) Un conte fort ridicule touchant la crédulité des mahométans pour les miracles. ] Un bénédictin du Pays-Bas publia un livre[280] en latin et en flamand, à Deventer, l’an 1524, où il débita bien des sottises, et entre autres celle-ci : un Génois eut une si grande curiosité de voir ce que les Maures ou les Sarrasins pratiquent dans leurs mosquées, qu’il y entra furtivement, quoiqu’il sût fort bien leur coutume de faire mourir tous les chrétiens qui y entrent, ou de les contraindre d’abjurer le christianisme. Il se trouva environné d’une telle foule, qu’il ne put sortir, lorsqu’un accident lui survint qui demandait qu’il fût hors de là, car une nécessité naturelle le pressait beaucoup. Il n’en fut point le maître, et il se vit peu après en danger de mort, vu que la mauvaise odeur qui se répandait autour de lui fit connaître son aventure. Il se tira de ce mauvais pas, en faisant entendre qu’ayant été constipé depuis longtemps, il était venu se recommander à Mahomet, et qu’aussitôt il avait été soulagé. Là-dessus on prit ses chausses : on les appendit à la mosquée ; on cria miracle ! miracle ! Voici les termes de ce moine : Cùm ibi esset in medio maximæ multitudinis, et non posset exire, necessitasque ei venisset superfluum pondus corporis deponendi, stercorizavit in femoralibus. Cùm autem fœtor esset in illâ moschæâ, omnes circumspiciebant qui hujus fœtoris causa fuisset. Inveneruntque ipsum Januensem, quem volentes occidere, ille, qui fortè linguam eorum sciebat, cis dixit, vel per interpretem mendacium hoc significavit, scilicet, quòd cùm ipse non posset per longum tempus habere beneficium ventris, intravit templum, ut Mahometo se commendaret, et statim habuit beneficium ventris. Hoc autem audientes et credentes illi homines bestiales, acceperunt femoralia illa stercore infecta, et suspenderunt in moschæâ, clamantes, miraculum ! miraculum[281] ! Voilà comment la moitié du monde se moque de l’autre ; car sans doute les mahométans n’ignorent pas tout ce qui se dit de ridicule touchant les moines ; et s’il était vrai qu’ils n’en sussent rien, on ne laisserait pas de pouvoir croire raisonnablement, qu’ils font courir des mensonges et des fables impertinentes contre les sectes chrétiennes. S’ils savaient le conte du bénédictin flamand, ils diraient peut-être : ces bons forgerons de miracles nous en fabriquent de bien grossiers ; ce n’est pas qu’ils n’en sachent inventer de bien subtils, mais ils les gardent pour eux ; ils boivent le vin, et nous envoient la lie.

  1. (*) Tom. 3, pag. 127. b.
  2. (*) Zonaras, l. c. Cedren., p. 347, ad A. 21. Heracl.
  3. (*) Eutrop. coutin. rerum R l. 18, pag. 255.
  4. (*) Zonaras, tom. 3 in Heraclio, p. m. 127. b. Cedren, p. 347.
  5. (*) Cedren., anno 21 Heracl., pag. m. 347, It. Anastasius bibliothecarius et alii ap. Baron., ad A. 630, n. 2.
  6. (*) Cedr. c. 1. Eutrop. contin. rerum Rom. l. 18, pag. 255.
  7. (*) Elmac. Hist. Sar., l. 1. c. 1, apud Hotting. l. 1, pag. 257.
  8. (*) Joh. Andreæ, l. 1, p. 15.
  9. (*) Azoara iii, xiv, xvii, xxx, lxxi.
  10. (*) Azoara LXIV. Vide latiùs hanc fabulam ex capite Ceramur, apud Cantacuzenum oratione in Mahumetem, n. 23
  11. (*) Pag. 272, 273.
  12. (*) Ces vers sont en effet de la IIe. part. de cet ouvrage, pag. 36, édit. de Hollande, 1672. Rem. crit.
  13. (*) Hott., Hist. Or., l. 2, c. 4, pag. 273.
  14. (*) Apud Baron., A. 630, n. 9, l. 23, c. 47, ap. Magdeb., cent. 7, vs. 5, f. m. 364. Confer. Acta Mahometis, Francofurti cum iconibus edita anno 1597, pag. 261.
  15. (*) Léon d’Afrique.
  16. (*) Plin., lib. 34, cap. 14.
  17. (*) Methodius, apud Wolf., rer. memor., T. 2, A. 1571.
  18. (*) Claromontanus, ap. Wolf., l. 1.
  19. (*) Secundum prophetiam Hebræam à Bemecho Paterensi episcopo in latinum translatam. Notez que dans Wolfius, pag. m. 886, cet auteur est appelé Béméchobus.
  20. (*) Richardi Confutatio, c. 12.
  21. (*) Johannes Andreas Guadagnol., tract. 2, c. 7, sect. 3.
  22. (*) Alcoran, c. 33.
  23. (*) Alcoran, c. 33.
  24. (*) Alcoran, c. 33.
  25. (*) Johannes Andreas, c. 7.
  26. (*) Disputatio Christiani, c. 6. Comment., in Alcoran., cap. 24.
  27. (*) Appendix ad Geograph. Nubiens, c. 8.
  28. (*) Disput. Christiani, c. 6. Elmacin., lib. 1, c. 4. Abul-Faraghius, Abul-Feda, etc.
  29. (*) Gentius, in notis ad Musladin. Sadum, pag. 568.
  30. (*) Car elle mourut la 58e. année de l’Hégire, Elmacin, lib. 1, c. 5.
  31. (*) Johannes Andreas, c. 3.
  32. (*) Johannes Andreas, c. 7.
  33. (*) Abul-Feda. Hottingeri Biblioth. orient., c. 2. Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 362.
  34. (*) Johannes Andreas, de Confusione Sectæ Mahometanæ, c. 2.
  1. Postel, in præfat. Grammat. Arabicæ. Ludovicus Regius, de Vicissitud. Rerum, lib. VIII, in fine, cités par Brérewood, Recherches sur la Diversité des langues, chap. XIV, p. 203.
  2. Brérewood, là même.
  3. Freherus, in Chronologiâ ad Jus Græco-Romanum Leunclavii.
  4. Pfeiffer, ubi infrà, citation (28), p. 267.
  5. Erpenius, Orat. II de Ling. arabicâ, pag. 42, apud Hottinger., Historia oriental., p 145.
  6. Scindlerus, in Lexico, apud Hoornb. Summa Controv., pag. m. 76.
  7. Vide Genebr. Chronol.
  8. Joh. Andreas, in Confusione Sectæ Muhammedicæ, apud Hotting., Historia oriental., pag. 145.
  9. Histor. orient., pag. 145.
  10. Acta Eruditor. Lips., 1689, pag. 377.
  11. Ludovicus Godofredus, in Archontol. Cosmogr., apud Hotting., Histor. oriental., pag. 136.
  12. Hottinger., ibidem, pag. 137.
  13. Ibidem, pag. 136.
  14. Conférez ce qui a été dit d’Apulée, dans la remarque (I) de son article, tom. III, p. 213
  15. Chevreau, Histoire du monde, liv. V, chap. I, pag. 10 du IIIe. tome, édit. de Hollande, 1687.
  16. Samuel Schultetus, in Ecclesiâ Muhammedanâ, pag. 13, 14. C’est une thèse soutenue à Strasbourg, l’an 1667, sous Dannhawerus
  17. Schultetus, in Eccles. Muhammed., pag. 14.
  18. Dans la remarque (Q).
  19. Mahumedes... dolo suarum uxorum periit anno Heraclii 22, Christi 632. Joannes Cluverus, Historiar. totius mundi epitome : in Heraclio, pag. m. 346. Il cite Paulus Diac., lib. 18. Ildeph.
  20. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 162.
  21. Hotting., Hist. orient., pag. 261.
  22. Schultet., in Eccles. Muhammed., p. 14.
  23. Hotting., Hist. orient., pag. 262.
  24. Elmacin., pag. 5, apud Hotting., pag. 269.
  25. Voyez Hottinger, ibidem, pag. 269, 270.
  26. Grotius, de Veritate Religionis Christianæ, lib. VI, pag. m. 202. Il cite Azoara v, xiii.
  27. Simon, Histoire critique de la Créance des Nations du Levant, chap. XV, pag. 167.
  28. Augustus Pfeifferus, dans le VIIe. volume de la Bibliothéque universelle, pag. 257. Le livre dont l’extrait se trouve dans ce volume est intitulé : Theologiæ... Judaicæ atque Muhammedicæ principia sublesta et fructus pestilentes.
  29. Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, tom. III, pag. 8.
  30. C’est-à-dire, Mahomet.
  31. Chevreau, Histoire du Monde, pag. 7. Voyez aussi Hotting., Histor. orient, pag. 149 et seq., et Hoornb., Summa Controv., p. 77, 78.
  32. Hoornbeek, ibid., pag. 78. Il cite Job. Andream, Confus. Sectæ Muhammed., cap. I, et Alcoranum Germanicum, cap. IV.
  33. .....Rudis indigestaque moles :
    Nec quicquam nisi pondus iners, congestaque eodem
    Non benè junctarum discordia semina rerum.
    Ovid., Metam., lib I, vs 7.

  34. Voyez les Pensées diverses sur les Comètes, num. 190.
  35. Dans la remarque (V).
  36. Voët., Disputat., tom. I, pag. 1057, 1058.
  37. Dans les remarques (T) et (NN).
  38. Elmacin, apud Hottinger., Hist. orient., pag. 241.
  39. Voyez Hottinger., là même, pag. 302, 303.
  40. Voyez Hottinger., là même, pag. 247 et seq.
  41. Vous les trouverez dans Hottinger, ibid., pag. 248 et seq.
  42. Évangile de saint Matthieu, chap. VII, vs. 12.
  43. Si tandem feceris alii quicquid gratum esset, si tibi fieret. Hottinger., Histor. orient., pag. 250.
  44. Hottinger., ubi suprà, pag. 315 et seq.
  45. Ipsi judicent adversarii ex illis quæ ex Arabum nunc monumentis afferemus, nonne majus sæpè et virtutum studium et vitiorum odium præ se ferant Muhammedani, quàm pontificiorum plerique religiosi. Idem, p. 314.
  46. Histoire critique du Levant, pag. 173.
  47. Là même, pag. 175, 176.
  48. Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, tom. III, pag. 14. Voyez les remarques (Q) et (II).
  49. Le Corinth., chap. II, vs. 9.
  50. Psaume XXXVI, vs. 9. Voyez Gassendi, Ethicæ lib. I, cap. II, pag. m. 679, qui s’attachant à la force de l’hébreu, rapporte ainsi ce passage : Inebriabuntur ab ubertate domùs tuæ, et de torrente voluptatis tuæ potabis eos.
  51. Prenez garde à la note suivante.
  52. Ceci se doit entendre en mettant à part la doctrine de la grâce, selon laquelle il faut dire que c’est par un don de Dieu, et par la faveur du Saint-Esprit, que l’on choisit la vraie église. Nous parlons ici selon la supposition où l’on ne considère que les motifs d’intérêt ou d’amour-propre, qui détermineraient les gens au choix d’une religion.
  53. ... Trahit sua quemque voluptas.
    Virgilius, eclog. II, vs. 65.

  54. Dans le chap. XXI.
  55. On ne prétend pas nier que Mahomet n’ait proposé un grand leurre aux Sarrasins en leur permettant la polygamie ; car ils étaient fort enclins à l’acte vénérien. Incredibile est quo ardore apud eos in Venerem uterque solvitur sexus. Ammian. Marcellin., lib. XIV, cap IV, pag. m. 14.
  56. Jurieu, Droits des deux Souverains, p. 280. Il dit, pag. 297, 298, que jamais le papisme ne sera aboli que par l’autorité des princes qui l’ont établi, et que le paganisme serait encore vivant et régnant à l’ombre du dogme de la tolérance.
  57. Là même, pag. 289.
  58. Intitulé : Historiæ Suecoram Gothorumque ecclesiasticæ libri IV. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, mois de novembre 1690, pag. 109 et suiv.
  59. Voyez, dans la remarque (AA), les paroles du jésuite Frois.
  60. Voyez, sur tout ceci, le Commentaire philosophique sur Contrains-les d’entrer, Ire. part., chap. VII.
  61. Bellarmin, de Rom. Pont., lib. V, cap. VII, § quod si, cité par Daillé, Réplique à Adam, IIe. part., chap. XXI, pag. 125.
  62. Bellarmin., ibidem, § probatur hujus, cité par Daillé, là même.
  63. IXe. lettre pastorale de l’an 16, pag. 202, édit. in-12.
  64. Droits des deux Souverains, pag. 281.
  65. Là même.
  66. C’est-à-dire, de ce que la cour de France serait persuadée qu’il faut tolérer les fausses religions.
  67. IXe. lettre pastorale de l’an 1688, pag. 196.
  68. Voyez le père Thomassin, de l’Unité de l’Église, tom. II.
  69. Elmacini Historia Saracenica luculentissimè quos brevi tempore Muhammedica pestis habuerit progressus, quos contrà christianos successus. Adeo ut mirari lubeat quid animi fuerit Bellarmino, cùm ad ejusmodi lapsus est nugas, Hotting., Hist. orient., pag. 339.
  70. Voyez l’article d’Abdérame, tom. I, pag. 28.
  71. Dans l’article suivant, remarque (D).
  72. Sallust., in Bell. Catilin., pag. m. 14
  73. Voyez l’article suivant, remarque (D).
  74. Thomas Bozius, de Ruinis Gentium.
  75. Voyez les Pensées sur les Comètes, num. 141.
  76. Voyez l’Histoire ecclésiastique d’Hotting.
  77. Septem Castrensis, cap. XII, apud Hotting., Histor. orient., pag. 311. Septem Castrensis est un moine qui fut longtemps prisonnier parmi les Turcs.
  78. Idem, ibidem.
  79. Nouvelles de la République des Lettres, octobre 1686, pag. 1139, dans l’Extrait des Voyages de M. Chardin.
  80. La même, pag. 1129.
  81. Septem Castrensis, de Turcarum Moribus, cap. VIII, pag. 38, apud Hotting., Hist. orient., pag. 304.
  82. Conférez ce qu’on cite de Suétone, tom. VI, pag. 621, citation (64) de l’article Fulvie.
  83. Cornelius Uythagius, in Antichristo Mahomete, pag. 276.
  84. Quæ si fortè præcepta non observaverint, à vobis correctæ et castigatæ, in domibus lectisve datentæ verberentur, usquè quo vestris nutibus et præceptis pareant. Alcor., surat. IX.
  85. Quandò illæ non ampliùs tibi placent, commutare eas licet. Ibid., surat. VIII.
  86. Mulier ad fugam se præparans invito marito recuperetur ab eo. Alcoran., surat. III.
  87. Alcoran, surat. III.
  88. Ibid., surat. XXXIV.
  89. Tertull., de Virginibus velandis.
  90. Voyez Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. XXI, et les Notes de Bespier.
  91. Alcor., surat. VIII.
  92. Ricaut, État de l’Empire ottoman, pag. 457.
  93. Suave mari magno turbantibus æquora ventis,
    E terrâ, magnum alterius spectare laborem.
    Non quia vexari quemquam est jucunda voluptas,
    Sed quibus ipse malis careas, quia cernere suave est.
    Lucret., lib. II, init.

  94. Sentimens de Cléanthe, pag. m. 36.
  95. On pourrait appliquer ici ces vers de Perse, sat. VIII, vs. 36 :

    Magne pater divùm, sævos punire tyrannos
    Haud aliâ ratione velis, cùm dira libido
    Moverit ingenium, ferventi tincta veneno :
    Virtutem videant, intabescantque relictâ.

  96. Voyez l’article Hali-beig, tom. VII, pag. 479, remarque (C).
  97. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 175.
  98. Fruentur fœminis quibus oculi clarissimi grandesque ut ova quos non ad alios quàm maritos suos erigent. Surat. XLVIII, Ducturi virgines decentissimas cum oculis immensis atque pudibundis nusquàm nisi tandem al maritos suos flectendis. Surat LXII.
  99. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 175.
  100. Clenard, Epist., lib. I, pag. 42.
  101. Pierre Belon, Observations de plusieurs Singularités, liv. III, chap. IX, pag. 392.
  102. La Mothe-le-Vayer, lettre CXIV, tom. XII, pag. 11, 12.
  103. C’est-à-dire, trop favorables aux femmes, comme on le dit de quelques lois de Justinien dont l’épouse avait un fort grand crédit.
  104. On trouve ces paroles dans Brantôme, Dames palantes, tome I, pag. 304. Les Mores par un ancien et commun proverbe, disent que leur prophète Mahomet ne voulut jamais aller à Schiras, de crainte que s’il y eût vu une fois ces belles femmes, jamais après sa mort son âme ne fût entrée au paradis.
  105. Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, pag. m. 14.
  106. Là même, pag. 19.
  107. C’est-à-dire Ali.
  108. État présent de l’Empire ottoman, tom. II, pag. 456.
  109. Bespier, Remarques curieuses, tom. II, pag. 681.
  110. De la Religion des Turcs, liv. I, chap. II, cité par Bespier, là même, pag. 682.
  111. Bespier, là même.
  112. Pfeiffer, in Theologiæ Mohammedicæ principiis sublestis, dans la Bibliothéque universelle, tom. VII, pag. 257.
  113. Belon, Observations de plusieurs Singularités, liv. III, chap. X, pag. m. 404, et non pas chap. IX, comme le cite la Mothe-le-Vayer, lettre XC, pag. 272 du tome XI.
  114. Voyez la remarque (II).
  115. Par ledit serment qu’avait fait, quantes fois de bon compte ordinairement le faites-vous par jour ? F. six. Pan. Et de nuit ? Fr. dix Cancre, dit frère Jean, le paillard ne daignerait passer seize, il est honteux. Rabelais, liv. V, chap. XXVIII.
  116. Balthasar Bonifacius, Historia ludicra lib. II, cap. VII, pag. 39. Il cite Bonfinius decis. (apparemment il voulait dire decad.) i, lib. 8.
  117. Voyez la remarque (NN).
  118. Hoornbeek, Summa Controvers., p. 117.
  119. Idem, ibidem, pag. 118.
  120. L’auteur nous renvoie à Jean André, Confus. Muham, c. 7 à Philippo Guadagnol. contra Ahmedam Persam, c. 5, sect. 4, et c. 10. sect. 2 et 4. et à Vincent de Lerins Specul. Histor., I, 24. Il fallait dire Vincent de Beauvais.
  121. Hoornbeek, Summa Controv., p. 116.
  122. Idem, ibidem, pag. 117.
  123. Non licebit tibi posthàc, O Mahomet, ut auferas uxores à viris suis, etiamsi earum pulchritudine captus fueris. Apud eumdem, ibid.
  124. Naudé, Coups d’État, chap. III, pag. m. 322.
  125. L’histoire de cet homme, accablé de pierres dans un puits, se trouve dans un autre livre de Naudé, savoir, dans l’Apologie des grands hommes accusés de Magie, pag. 232, 233.
  126. Pag. m. 202.
  127. Eduard. Pocockius, Not. in Specim. Histor. Arabum, pag. 186, 187.
  128. Naudé, Dialogue de Mascurat, pag. 45.
  129. Thomas Ittigius, de Hæresiarchis ævi Apostolici, apud Acta Eruditor. Lips, ann. 1690, pag. 307, 308.
  130. À Amsterdam, apud Joannem Ravesteyenium, in 12.
  131. M. de Meaux, Préface sur l’Apocalypse, num. 13, pag. m. 32, 33.
  132. Pag. 204, 205 : je me sers de la traduction de Simon Goulart.
  133. Ad ann. 620, num. 9 et seq.
  134. Ibidem, num. 12.
  135. Samuel Schultetus, in eccles. Mahumed., pag. 17.
  136. Ludov. Maraccius, in Prodromo ad Refutat. Alcorani, apud Acta Eruditor. Lips., 1692, pag. 331.
  137. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, octobre 1690, pag. 80.
  138. Grotius, Epist. ad Gallos, pag. 239, apud Hotting., Hist. orient., lib. II, cap. II, pag. 237.
  139. Voetius, Disp. Theolog., tom. II, pag. 668.
  140. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 88.
  141. Bespier, Remarques sur Ricaut, tom. II, pag. 623.
  142. Hotting., Hist. orient, pag. 237.
  143. Salmas., epist. XX, lib. I, pag. 44.
  144. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, octobre 1690, pag. 80.
  145. Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. II, pag. 307.
  146. Idem, ibidem, pag. 308.
  147. Il n’a point su que cet ouvrage eût vu le jour à Paris, l’an 1630, et à Rostoch, l’an 1638.
  148. Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. II, pag. 316, 317.
  149. Bespier fait ici cette remarque. Il n’y a nulle apparence à cela, et même ce Traité est signé à Médine, comme on le voit ici. Il ne peut donc avoir été fait dans le monastère du Mont-Carmel, qui est à plus de deux cents lieues de Médine.
  150. C’est l’an 4 de l’Hégire.
  151. État de l’Empire ottoman, liv II, chap. II, pag. 307. Voyez les Pensées sur les Comètes, num. 244.
  152. Securitatem petituri... securitati instrumentum scripsit. Je me sers d’une version libre. Voyez Hotting., Hist. orient. pag. 236, citant Elmacin., Hist. Sarac., pag. 11.
  153. Pag. 305.
  154. Voyez Hottinger, Hist. orient., p. 239.
  155. Dans le chapitre IX de l’Alcoran. Voyez Ricaut, liv. II, chap. II, pag. 318.
  156. Voyez Ricaut, là même, et chap. III.
  157. Jurieu, Apologie pour la Réformation, tom. II, pag. 55 et suiv., édit. in-4°. Voyez aussi les Pensées sur les Comètes, pag. 738.
  158. Jurieu, là même.
  159. La IXe. de l’an 1688, pag. 196. J’ai cité ses paroles, ci-dessus, remarque (O), citation (56).
  160. Voyez ce que j’ai cité des Droits des deux Souverains, ci-dessus, remarque (O), citation (65).
  161. Ludovicus Frois, in epistolâ ad fratres in Europâ degentes scriptâ Goâ primo die decembris 1560, apud Dannhawerum, in Vale triumphali, pag. 10.
  162. Les barbaries que les Espagnols ont exercées dans l’Amérique sont horribles.
  163. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 158, 159. édition d’Amsterdam, 1698.
  164. Pleraque Veteris instrumenti loca ad Messiam pertinentia impleverit, uti olim jam observatum Petro Cluniacensi apud Isaacum Vossium in scripto de Sibyllinis oraculis, pag. 25. Joh. à Lent. de Judæor. Pseudo-Messiis, pag. 28, 29.
  165. Joh. à Lent, de Judæorum Pseudo-Messiis, pag. 29.
  166. Ibidem, pag. 30.
  167. Voyez Hottinger, Histor. orient., pag. 214 et seq. Johan. à Lent. de Pseudo-Messiis Judæorum, pag. 30, ex Elmacino, pag. 6.
  168. Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. III, pag. 325.
  169. Là même.
  170. Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. XXIII, pag. m. 482.
  171. J’ai lu dans la Relation de l’entrée de Clément VIII à Ferrare, que la haquenée ou mule qui sert à de telles cérémonies ne travaille plus.
  172. Ricaut, liv. II, chap. XXVI.
  173. La Mothe-le-Vayer, tom. VIII, pag. 364.
  174. M. Spon, Voyage, tom. II, pag. 16, assure que ceux qui sont nés lorsque leur mère faisait le voyage de la Mecque, ont le même privilége de porter le turban vert.
  175. Vies des Dames illustres, au discours de la reine Marguerite, pag. 205.
  176. Ceux qui offrirent la couronne au duc d’Anjou, frère de Charles IX.
  177. Gabr. Sionita et Jo. Hesronita, in Tractatu de nonnullis Oriental. Urbibus, p. 26.
  178. Journal des Savans, du 22 de février 1666, pag. m. 160, 161.
  179. Conférez avec ceci le passage de Térence, rapporté tom. V, pag. 493, citation (11) de l’article Diagoras athlète ; et celui de Pline, rapporté citation (67) de l’article Hercule, tom. VIII, pag. 88.
  180. Gabr. Sionita et Jo. Hesronita, in Tractatu de nonnullis Oriental. Urbibus, cap. VII, pag. 21.
  181. Voyez ci-dessus la remarque (V).
  182. Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, tom. III, pag. 14.
  183. Là même.
  184. La Mothe-le-Vayer, lettre CXVI, tom. XII, pag. 33. Il cite le Voyage de Gouz.
  185. Dans le IIe. tome du Musæum Italicum.
  186. Cap. CXXV. Voyez la Bibliothéque universelle, tom VII, pag. 177.
  187. Bibliothéque universelle, tom. X, pag. 98, dans l’extrait d’un livre publié par M. Barrow, intitulé : Abrégé de la Foi et de la Religion des Turcs.
  188. Bibliothéque universelle, t. X, p. 100.
  189. Dans l’article Fatime, tom. VI, pag. 410, remarque (D).
  190. Pag. 264.
  191. Experientia hactenùs docuit, et quotidiè etiamnum nostrates docel in Indiæ Orientalis Moluccis, regno Tarnatano, etc., ab ethnicismo plures posse converti, à muhammedismo ferè nullos aut paucissimos. Gisb. Voëtius, disputat., tom. II, pag. 668.
  192. Voyez les paroles de Voëtius que je viens de rapporter.
  193. Richardus, Confutat. Legis Sarracen., cap. X, apud Hoornb. Summa Controv., pag. 208.
  194. Il s’appelle Ahmed Abulabbas, ben Edris Senhagbius Melkita, Voyez Hotting., Hist orient., pag. 337.
  195. Undè igitur nobis Mohammedes cistæ ferreæ inclusus et magnetum vi in aëre pendulus ? Hæc cùm Mohammedistis recitantur, risu exploduntur, ut nostrorum in ipsorum rebus inscitiæ argumentum. Pocockius, Specim. Hist. Arabum, pag. 180.
  196. Plinius, lib. XXXIV, cap. XIV, in fine, pag. m. 150.
  197. Ausonius, edyllio X de Mosellâ, vs. 311.
  198. Le père Hardouin, in Plinium, lib. XXXIV, cap. XIV, ne devait pas dire que saint Augustin assure cela d’une statue qui était au temple de Sérapis.
  199. Augustin., de Civit. Dei, lib. XXI, cap. VI.
  200. Ruffinus, lib. II, Histor. eccles., cap. XXIII, apud Coquæum Notis in August., de Civit. Dei, lib. XXI, cap. VI, pag. m. 961.
  201. Prosper, de Prædict., part. III, cap. XXXVIII, apud eumdem Coquæum Augustin., de Civit. Dei, lib. XXI, cap. VI, pag. 961.
  202. Cassiodor. Variar., lib. I, epist. XLV, pag. m. 45.
  203. Voyez l’Ausone Variorum de Tollius, pag. 403.
  204. Voyez Gassendi, Operum tom. II, pag. 134, qui fait mention du cheval de Bellérophon duquel on contait la même fable que du sépulcre de Mahomet. Il rejette tout cela.
  205. Claudian., de Magnete, vs. 25, pag. m. 79.
  206. Idem, ibid., vs. 31.
  207. Gabr. Sionita et Jo. Esronita, ubi infrà, pag. 25. Voyez la remarque (OO), nous critiquons cette expression.
  208. Gabr. Sionita et Jo. Esronita, de nonnullis Oriental. Urbibus, pag. 23.
  209. Voyages de Monconys, Ire. part., in-4°., pag. 464, 465, à l’ann. 1648.
  210. Bernier. Abrégé de la Philosophie de Gassendi, tom. V, pag. 322, 323.
  211. Vallemont, Description de l’aimant trouvé à Chartres, pag. 167.
  212. Là même, pag. 170.
  213. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 134.
  214. Citation (196).
  215. De Ratione communi omnium Linguar., apud Besoldum, Considerat. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 47.
  216. Apud Besoldum, ibidem, pag. 47.
  217. Voyez Wolfius, Lect. Memorab., tom. II, pag. 803.
  218. C’est Sélim II, qui régnait alors.
  219. Wolfius, Lect. Memorab., tom. II, pag. 803.
  220. Spon, Voyages, tom. I, pag. 270, édition de Hollande.
  221. Pag. 783.
  222. Voyez plusieurs autorités là-dessus, dans les Pensées sur les Comètes, pag. 781.
  223. Besoldus, Consider. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 48.
  224. Voyez Hottinger, in Thesauro Philologico.
  225. In Vitâ Mahometis, pag. 158, apud Schultetum, Eccles., Muhammedan., pag. 22.
  226. Apud Leunclaviun, in fin. epist., fol. 844, citante Schulteto, ibid. Voyez l’article Torquato (Antoine), tom. XIV.
  227. Cedrenus, pag. 9515, apud Schultelum, pag. 22.
  228. Ibidem.
  229. Idem, ibid., pag. 21.
  230. Tom. II, pag. 884 et seq.
  231. Consider. Legis et Sectæ Sarracenorom, pag. 48.
  232. De futuris Christianorum Triomphis in Sarracenos. L’auteur l’appelle Magister Johannes Viterbiensis.
  233. Besoldus, Consider. Legis et Sectæ Sarracenorum, pag. 48.
  234. Konig., Biblioth vet. et nova, pag. 90, ex epist. Lipsiâ scriptâ die 24 august. 1661.
  235. Voyez le Journal de Leipsic, mois de février 1683, pag. 81, dans l’Extrait du Théâtre de la Turquie, par le sieur Michel le Fèvre.
  236. S. Catalii episcopi Tridentini. Act. Lips., ibid. Il eût fallu dire S. Cataldi episcopi Tarentini.
  237. C’est, je crois, le même que le Béméchobus de la citation (*1), à la col. suivante.
  238. Dans l’article Herlicius, tom. VIII, pag. 97, remarque (F).
  239. Nicolaus Arnoldus, Discurs. theolog. contrà Comenium, imprimé à Franeker, l’an 1660.
  240. Maresus, disp. III, th. XVIII, apud Arnoldum, Discurs theolog. contrà Comenium, pag. 91, 92.
  241. Schulterus, in Ecclesiâ Muhammedanâ, pag. 21.
  242. Augustinus, de Civitat. Dei, lib. XVIII, cap. LIII. Voyez M. de Meaux, Explication de l’Apocalypse, chap. XIX, pag. 231, édition de Hollande.
  243. Idem, August., ibidem, cap. LIV.
  244. Tantâ gloriâ ejus (Christi) Ecclesia aucta.… accidit ut gentiles qui viderent ecclesiam christianam tantâ gloriâ auctam, adeòque immensâ claritudine illustratam, invidiâ tabescentes, quo solatio aliquo lenirent de Christianorum gaudio et incrementis conceptum mœrorem et amicorum acerbitatem, novum oraculum confinxerunt, atque ore omnium diffamârunt Græcis quibusdam versibus præcinentes christianam religionem 365 annis duraturam quorum 313 jam propè elapsi essent. Baronius, ad ann. 313, num. 17, pag. m. 130.
  245. Voyez l’article Kottérus, tom. VIII, pag. 594-600, remarques (A) et (G).
  246. La version flamande est è regione.
  247. Gabriel Sionita et Joannes Esronita, de nonnullis Oriental. Urbibus, pag. 5.
  248. Balzac, entretien V, chap. II, pag. m. 85. Conférez la remarque (DD) de l’article Junon, tom. VIII, pag. 525.
  249. En voici la composition. Solent (Arabes) frequenter nutriri pulmento quodam Herise dicto, quod ex tritico priùs decocto conficiunt, post soli exsiccandum exponitur tùm in urnâ contunditur donec emundetur, postremò pingui carne simul coquitur, donec caro consumatur, quod sanè palato non est ingratum. Gabr. Sionita et Jo. Esronita, de nonnullis Oriental. Urbibus.
  250. Gabriel Sion. et Jo. Esron., ibid.
  251. C’est-à-dire, si je ne me trompe, Mohamedes Ben-Casem, duquel ils citent, pag. 2, Hortus reram delectabilium.
  252. Ricaut, État de l’Empire ottoman, pag. 322.
  253. Bespier, Remarques curieuses, p. 625.
  254. Eduardus Pocockius, Notis in Specimen Historiæ Arabum, pag. 181.
  255. Voyez Pocock, ibid., pag. 178, 180.
  256. Catoni ebrietas objecta est : at facilius efficiet quisquis objecerit, hoc crimen honestum, quam turpem Catonem. Seneca, de Tranquillitate Animi, cap. XV. pag. m. 674.
  257. Ire. aux Corinth., chap. VII, vs. 14.
  258. Dans l’article de Luther, tom. IX, p. 274, remarque (CC).
  259. Voyez Hottinger, Histor. orient., lib. II, cap. III, pag. 258.
  260. Idem, ibidem.
  261. Idem, pag. 259.
  262. Pocockius, in Specim Histor. Arabum, pag. 185, 186.
  263. Dans le livre intitulé : Prima Speditione all’ Indie Orientali, imprimé à Rome. Le Journal d’Italie, du 31 de mars 1668, en fait mention.
  264. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 155.
  265. Dans la remarque (T).
  266. Voyez la Cabale Chimérique, à la page 89 de la seconde édition.
  267. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 153 et seq.
  268. Dans la remarque (EE), citation (207).
  269. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 134.
  270. Là même, pag. 139.
  271. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 143.
  272. Tout le monde se souvient encore de la chanson qui commence par cette complainte d’un amant :

    Une infidélité cruelle
    N’efface point les traits d’une infidèle, etc.

  273. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 140.
  274. Prideaux, pag. 142.
  275. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 142.
  276. Voyez la remarque (Q).
  277. Herbelot, Biblioth. orient, au mot Aischah, pag. 80.
  278. Herbelot, là même, et au mot Ali, pag. 89 et 90.
  279. Dans l’article Othman, pag. 696.
  280. Intitulé, Prognosticon Anti-Christi.
  281. Pragnosticon Anti-Christi, pag. 38, apud Revium, in Historiâ Daventriensi, pag. 228, 229.

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