Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre E

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Henri Plon (p. 225-257).
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E

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Eatuas ou Atouas, dieux subalternes des (Haïtiens, enfants de leur divinité suprême, Taroataihétoomoo, et du rocher Lépapa. Les Eatuas, dit-on, engendrèrent le premier homme.

Ces dieux sont des deux sexes : les hommes adorent les dieux mâles, et les femmes les dieux femelles. Ils ont des temples où les personnes d’un sexe différent ne sont pas admises, quoiqu’ils en aient aussi d’autres où les hommes et les femmes peuvent entrer.

Le nom d’Eatua ou Atoua est aussi donné à des oiseaux, tels que le héron et le martin-pêcheur. Les (Haïtiens et les insulaires leurs voisins honorent ces oiseaux d’une attention particulière ; ils ne les tuent point et ne leur font aucun mal ; mais ils ne leur rendent pourtant aucune espèce de culte, et paraissent n’avoir à leur égard que des idées superstitieuses relatives à la bonne ou mauvaise fortune ; ainsi le peuple à demi dégrossi en a chez nous sur le rouge-gorge, sur l’hirondelle et sur quelques autres oiseaux.

Les Otaïtiens croient que le grand Eatua lui-même est soumis en certains cas aux génies inférieurs à qui il a donné l’existence, qu’ils le dévorent souvent, mais qu’il a toujours le pouvoir de se recréer.

Eau. Presque tous les anciens peuples ont fait une divinité de cet élément, qui, suivant certains philosophes, était le principe de toutes choses. Les Guêbres le respectent ; un de leurs livres sacrés leur défend d’employer l’eau la nuit et de jamais emplir tout à fait un vase d’eau pour la faire bouillir, de peur d’en renverser quelques gouttes.

Les cabalistes peuplent l’eau d’ondins et de nymphes. Voy. ces mots.

Eau amère (Épreuve de l’). Elle avait lieu ainsi chez les anciens Juifs : lorsqu’un homme soupçonnait sa femme en mal, il demandait qu’elle se purgeât selon la loi. Le juge envoyait les parties à Jérusalem, au grand consistoire, composé de soixante vieillards. La femme était exhortée à bien regarder sa conscience, avant de se soumettre au hasard de boire les eaux amères. Si elle persistait à dire qu’elle était nette de péché, on la menait à la porte du Saint des saints, et on la promenait afin de la fatiguer et de lui laisser le loisir de songer en elle-même. On lui donnait alors un vêtement noir. Un prêtre était chargé d’écrire son nom et toutes les paroles qu’elle avait dites ; puis se faisant apporter un pot de terre, il versait dedans avec une coquille la valeur d’un grand verre d’eau ; il prenait de la poudre du tabernacle, avec du jus d’herbes amères, raclait le nom écrit sur le parchemin et le donnait à boire à la femme, qui, si elle était coupable, aussitôt blêmissait ; les yeux lui tournaient et elle ne tardait pas à mourir[1] ; mais il ne lui arrivait rien si elle était innocente.

Eau ardente, renommée chez les sorciers d’autrefois. Elle prenait feu au contact d’une allumette enflammée : ce que fait l’eau-de-vie à présent.

Eau bénite. C’est une coutume aussi ancienne que l’Église et de tradition apostolique[2], de bénir par des prières, des exorcismes et des cérémonies, l’eau dont on fait des aspersions sur les fidèles et sur les choses qui sont à leur usage. Par cette bénédiction, l’Église demande à Dieu de purifier du péché ceux qui s’en serviront, d’écarter d’eux les embûches de l’ennemi du salut et les fléaux de ce monde[3]. Dans les constitutions apostoliques, l’eau bénite est appelée un moyen d’expier le péché et de mettre en fuite le démon.

On se sert aussi au sabbat d’une eau particulière, que l’on ose appeler eau bénite. Le sorcier qui fait les fonctions sacrilèges qu’on appelle la messe du sabbat est chargé d’en asperger les assistants[4].

Eau bouillante (Épreuve de l’). On l’employait autrefois pour découvrir la vérité dans les tortures qu’on appelait témérairement jugements de Dieu. L’accusé plongeait la main dans un vase plein d’eau bouillante, pour y prendre un anneau suspendu plus ou moins profondément. Ensuite on enveloppait la main du patient avec un linge sur lequel le juge et la partie adverse apposaient leurs sceaux. Au bout de trois jours on les levait ; s’il ne paraissait point de marque de brûlure, l’accusé était renvoyé absous.

Eau d’ange. Pour faire de bonne eau d’ange, ayez un grand alambic dans lequel vous mettez les drogues suivantes : benjoin, quatre onces ; styrax, deux onces ; sandal citrin, une once ; clous de girofle, deux drachmes ; deux ou trois morceaux d’iris de Florence ; la moitié d’une écorce de citron ; deux noix muscades ; cannelle, demi-once ; deux pintes de bonne eau de roche ; chopine d’eau de fleurs d’orange ; chopine d’eau de mélilot ; vous mettez le tout dans un alambic bien scellé et vous distillez au bain-marie. Cette distillation sera une eau d’ange exquise[5], ainsi nommée parce que la recette en fut enseignée par un ange… Elle guérit beaucoup de maladies, disent ses prôneurs.

Eau froide (Épreuve de l’). Elle était fort en usage au neuvième siècle et s’étendait non-seulement aux sorciers et aux hérétiques, mais encore à tout accusé dont le crime n’était pas évident. Le coupable ou prétendu tel était jeté, la main droite liée au pied gauche, et la main gauche liée au pied droit, dans un bassin ou dans une grande cuve pleine d’eau, sur laquelle on priait pour qu’elle ne pût supporter un criminel : de façon que celui qui n’enfonçait pas était déclaré innocent.

Eau lustrale. Eau commune dans laquelle, chez les peuples païens, on éteignait un tison ardent tiré du foyer des sacrifices. Quand il y avait un mort dans une maison, on mettait à la porte un grand vase rempli d’eau lustrale, apportée de quelque maison où il n’y avait point de mort. Tous ceux qui venaient à la maison en deuil s’aspergeaient de cette eau en sortant. — Les druides employaient l’eau lustrale à chasser les maléfices.

Eau verte. On lit dans Delancre que les sorciers composaient de son temps une eau verte, dont le contact donnait la mort. Voy. Poisons.

Ébérard, archevêque de Trêves, mort en 1067. Ayant menacé les Juifs de les chasser de sa ville, si dans un certain temps qu’il leur accorda pour se faire instruire, ils n’embrassaient pas le christianisme, ces misérables, qui se disaient réduits au désespoir, subornèrent un sorcier qui, pour de l’argent, leur baptisa du nom de l’évêque une image de cire, à laquelle ils attachèrent des mèches et des bougies ; ils les allumèrent le samedi saint, comme le prélat allait donner le baptême. Pendant qu’il était occupé à cette sainte fonction, la statue étant à moitié consumée, Ébérard se sentit extrêmement mal ; on le conduisit dans la sacristie, où (dit la chronique) il expira bientôt après[6].

Éblis, nom que les mahométans donnent au diable. Ils disent qu’au, moment de la naissance de leur prophète, le trône d’Éblis fut précipité au fond de l’enfer et que les idoles des gentils furent renversées.

Ébroin. On lit ceci dans le B. Jacques de Varasc (legenda exiv) : — Une petite troupe de pieux cénobites regagnait de nuit le monastère. Ils arrivèrent au bord d’un grand fleuve et

s’arrêtèrent sur le gazon pour se reposer un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs rameurs qui descendaient le fleuve avec une grande impétuosité. L’un des moines leur demanda qui ils étaient : « Nous sommes des démons, répondirent les rameurs, et nous emportons aux enfers l’âme d’Ébroïn, maire du palais, qui tyrannisa la France et qui abandonna le monastère de Saint-Gai pour rentrer dans le monde. »

Ébron, démon honoré à Tournay, du temps de Glovis. On ne voyait que sa tête, qui se remuait pour répondre à ses dévots. Il est cité parmi les démons dans le roman de Godefroid de Bouillon, vieux poëme dont l’auteur était du Hainaut.

Écho. Presque tous les physiciens ont attribué la formation de l’écho à une répercursion de son, semblable à celle qu’éprouve la lumière quand elle tombe sur un corps poli. L’écho est donc produit par le moyen d’un ou de plusieurs obstacles qui interceptent le son et le font rebrousser en arrière. Il y a des échos simples et des échos composés. Dans les premiers, on entend une simple répétition du son, dans les autres on l’entend une, deux, trois, quatre fois et davantage. Il en est qui répètent plusieurs mots de suite les uns après les autres ; ce phénomène a lieu toutes les fois qu’on se trouve à une distance de l’écho telle qu’on ait le temps de prononcer plusieurs mots avant que la répétition du premier soit parvenue à l’oreille. Dans la grande avenue du château de Villebertain, à deux lieues de Troyes, on entend un écho qui répète deux fois un vers de douze syllabes. Quelques échos ont acquis une sorte de célébrité. On cite celui de la vigne de Simonetta, qui répétait quarante fois le même mot. A Woodstock, en Angleterre, il y en avait un qui répétait le même son jusqu’à cinquante fois. A quelques lieues de Glascow, en Écosse, il se trouve un écho encore plus singulier. Un homme joue un air de trompette de huit à dix notes ; l’écho les répète fidèlement, mais une tierce plus bas et cela jusqu’à trois fois, interrompues par un petit silence.

Il y eut des gens assez simples pour chercher des oracles dans les échos. Les écrivains du dernier siècle nous ont conservé quelques dialogues de mauvais goût sur ce sujet : — Un amant : Dis-moi, cruel amour, mon bonheur est-il évanoui ? L’écho : Oui. — L’amant : Tu ne parles pas ainsi quand tu séduis nos cœurs, et que tes promesses les entraînent dans de funestes engagements. L’écho : Je mens. — L’amant : Par pitié, ne ris pas de ma peine. Réponds— moi, me reste-t-il quelque espoir ou non ? L’écho : — Non. — L’amant : Eh bien, c’en est fait, tu veux ma mort, j’y cours. L’écho : Cours. — L’amant : La contrée, instruite de tes rigueurs, ne sera plus assez insensée pour dire de toi un mot d’éloges. L’écho : Déloge.

Les anciens Écossais croyaient que l’écho était un esprit qui se plaisait à répéter les sons. Les païens en avaient fait une nymphe. Voy. Lavisari.

Eckart (Le fidèle). Ce héros d’une tradition allemande vivait à la cour d’un duc de Bourgogne de la première dynastie. Dans un combat il sauva ce duc en exposant sa vie. Le prince reconnaissant le combla de faveurs et lui donna le nom de fidèle que la tradition lui maintient. Mais les courtisans, jaloux de son influence, parvinrent à le faire tomber en disgrâce. Le duc de Bourgogne le bannit et lui enleva ses deux fils, dont il n’eut plus de nouvelles qu’au bout de plusieurs années. Alors il apprit que l’ingrat prince avait fait périr ses deux fils, voulant anéantir sa race, et qu’il était lui-même en danger. Or il y avait dans un canton de l’Helvétie, qui reconnaissait alors l’autorité de ce duc, une montagne dite la Montagne de Freya (la Vénus des Germains). Un mystérieux joueur de guitare en sortait de temps en temps, et il tirait de sa guitare des sons d’une magie si puissante qu’ils entraînaient les passants dans une caverne dont on ne les voyait, plus sortir. Le fidèle Eckart s’était retiré non loin de là et connaissait ce sortilège. Un jour le duc de Bourgogne, égaré à la chasse où il avait perdu son cheval, se traînait épuisé dans le bois qui servait de refuge au fidèle Eckart. Le vieux serviteur eut pitié de son prince malgré son crime ; il le porta sur ses épaules à une cabane où il reçut des soins ; là il fut reconnu par le duc, qui lui rendit ses bonnes grâces et le nomma tuteur de ses fils. Il s’acquitta dignement de ses devoirs sans quitter sa retraite. Un soir qu’il se promenait avec eux, le joueur de guitare parut et les entraîna. Mais Eckart était avec eux : il combattit et mit en fuite les mauvais génies qui voulaient s’emparer des jeunes princes, les écarta de la caverne de Freya, et craignant que ce danger se renouvelât pour eux, il se dévoua à rester devant l’entrée’du repaire infernal pour en repousser tous ceux qui y seraient attirés ; il y est encore, mais on ne le voit pas.

Éclairs. On rendait autrefois une espèce de culte aux éclairs, en faisant du bruit avec la bouche ; et les Romains honoraient sous le nom de Papysma une divinité champêtre, pour qu’elle en préservât les biens de la terre. Les Grecs de l’Orient les redoutent beaucoup.

Éclipses. C’était une opinion générale chez les païens que les éclipses de lune procédaient de la vertu magique de certaines paroles par lesquelles on arrachait la lune du ciel, et on l’attirait vers la terre pour la contraindre à jeter sur les herbes une écume qui les rendait plus propres aux sortilèges des enchanteurs. Pour délivrer la lune de son tourment et pour éluder la force du charme, on empêchait qu’elle n’en entendît les paroles en faisant un bruit horrible.

Une éclipse annonçait ordinairement de grands malheurs, et on voit souvent dans l’antiquité des armées refuser de se battre à cause d’une éclipse. Au Pérou, quand le soleil s’éclipsait, les gens du pays disaient qu’il était fâché contre eux et se croyaient menacés d’un grand malheur. Ils avaient encore plus de crainte dans l’éclipsé de lune. Ils la croyaient malade lorsqu’elle paraissait noire ; ils comptaient qu’elle mourrait infailliblement si elle achevait de s’obscurcir ; qu’alors elle tomberait du ciel, qu’ils périraient tous et que la fin du monde arriverait. Ils en avaient une telle frayeur, qu’aussitôt qu’elle commençait à s’éclipser ils faisaient un bruit terrible avec des trompettes, des cornets et des tambours ; ils fouettaient des chiens pour les faire aboyer, dans l’espoir que la lune, qui avait de l’affection pour ces animaux, aurait pitié de leurs cris et s’éveillerait de l’assoupissement que sa maladie lui causait. En même temps, les hommes, les femmes et les enfants la suppliaient, les larmes aux yeux et avec de grands cris, de ne point se laisser mourir, de peur que sa mort ne fut cause de leur perte universelle. Tout ce bruit ne cessait que quand la lune reparaissant ramenait le calme dans les esprits épouvantés.

Les Talapoins prétendent que quand la lune s’éclipse, c’est un dragon qui la dévore ; et que quand elle reparaît, c’est le dragon qui rend son dîner. Dans les vieilles mythologies germaniques, deux loups poursuivaient sans cesse le soleil et la lune ; les éclipses étaient des luttes contre ces monstres. Les Européens, crédules aussi, regardaient autrefois les éclipses comme des signes fâcheux, une éclipse de soleil qui eut lieu le 13 août 1664 fut annoncée comme l’avant-coureur d’un déluge semblable à celui qui était arrivé du temps de Noé ou plutôt d’un déluge de feu qui devait amener la fin du monde. Cette prédiction épouvanta tellement les masses qu’un curé de campagne (c’est un petit conte que nous rapportons) ne pouvant suaire à confesser tous ses paroissiens, qui craignaient de mourir dans cette circonstance, et sachant que tout ce qu’il pourrait leur dire de raisonnable à cet égard ne prévaudrait pas contre les prédictions fâcheuses, fut contraint de leur annoncer au prône qu’ils ne se pressassent pas tant, et que l’éclipsé avait été remise à quinzaine[7].

Dans les Indes on est persuadé, quand le soleil ou la lune s’éclipse, qu’un certain démon aux griffes noires les étend sur l’astre dont il veut se saisir ; pendant ce temps on voit les rivières couvertes de têtes d’Indiens qui croient soulager l’astre menacé en se tenant dans l’eau jusqu’au cou, et jetant sans relâche avec leurs mains de l’eau au nez du soleil ou de la lune. Les Lapons sont convaincus aussi que les éclipses de lune sont l’ouvrage des démons. Les Chinois prétendaient, avant l’arrivée des missionnaires jésuites, qui les éclairèrent, que les éclipses étaient occasionnées par un mauvais génie, lequel cachait le soleil de sa main droite et la lune de sa main gauche. Cependant cette opinion n’était pas générale, puisque quelques-uns d’entre eux disaient qu’il y avait au milieu du soleil un grand trou, et que, quand la lune se rencontrait vis-à-vis, elle devait naturellement être privée de lumière. Dieu, disent les Persans, tient le soleil enfermé dans un tuyau qui s’ouvre et se ferme au bout par un volet. Ce bel œil du monde éclaire l’univers et l’échauffé par ce trou ; et quand Dieu veut punir les hommes par la privation de la lumière, il envoie l’ange Gabriel fermer le volet, ce qui produit les éclipses. Mais Dieu est si bon qu’il n’est jamais fâché longtemps.

Les Mandingues, nègres mahométans de l’intérieur de l’Afrique, attribuent les éclipses de lune à un chat gigantesque qui met sa patte entre la lune et la terre ; et pendant tout le temps que dure l’éclipsé, ils ne cessent de chanter et de danser en l’honneur de Mahomet. Les Mexicains effrayés jeûnaient pendant les éclipses. Les femmes se maltraitaient, et les filles se tiraient du sang des bras. Ils s’imaginaient que la lune avait été blessée par le soleil pour quelque querelle de ménage.

On racontait des habitants de l’Arcadie qu’ils étaient tellement ignorants qu’au moment d’une éclipse ils éventrèrent un âne qu’ils accusaient d’avoir mangé la lune, parce que l’image de la lune avait disparu dans l’eau où l’âne buvait à l’instant où l’éclipsé avait eu lieu.

Écregores, pères des géants, suivant un livre apocryphe d’Énoch. Les anges qu’il nomme ainsi s’assemblèrent sur le mont Hémon, du temps du patriarche Jared, et s’engagèrent par des anathèmes à ne se point séparer qu’ils n’eussent enlevé les filles des hommes.

Écriture. Art de juger les hommes par l’écriture, d’après Lavater. Tous les mouvements de notre corps reçoivent leurs modifications du tempérament et du caractère. Le mouvement du sage n’est pas celui de l’idiot, le port et la démarche diffèrent sensiblement du colérique au flegmatique, du sanguin au mélancolique.

De tous les mouvements du corps, il n’en est point d’aussi variés que ceux de la main et des doigts, et de tous les mouvements de la main et des doigts, les plus diversifiés sont ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre mot jeté sur le papier, combien de points, combien de courbes ne renferme-t-il point !… Il est évident encore, poursuit Lavater, que chaque tableau, que chaque figure détachée, et aux yeux de l’observateur et du connaisseur, chaque trait conservent et rappellent l’idée du peintre. — Que cent peintres, que tous les écoliers d’un même maître dessinent la même figure, que toutes ces copies ressemblent à l’original de la manière la plus frappante, elles n’en auront pas moins chacune un caractère particulier, une teinte et une touche qui les feront distinguer. Si l’on est obligé d’admettre une expression caractéristique pour les ouvrages de peinture, pourquoi voudrait-on qu’elle disparût entièrement dans les dessins et dans les figures que nous traçons sur le papier ? Chacun de nous a son écriture propre, individuelle et inimitable, ou qui du moins ne saurait être contrefaite que très-difficilement et très-imparfaitement. Les exceptions sont en trop petit nombre pour détruire la règle. Cette diversité incontestable des écritures ne serait-elle point fondée sur la différence réelle du caractère moral ?

On objectera que le même homme, qui

pourtant n’a qu’un seul et même caractère, peut diversifier son écriture. Mais cet homme, malgré son égalité de caractère, agit ou du moins paraît agir souvent de mille manières différentes. De même qu’un esprit doux se livre quelquefois à des emportements, de même aussi la plus belle main se permet dans l’occasion une écriture négligée ; mais alors encore celle-ci aura un caractère tout à fait différent du griffonnage d’un homme qui écrit toujours mal. On reconnaîtra la belle main du premier jusque dans sa plus mauvaise écriture, tandis que l’écriture la plus soignée du second se ressentira toujours de son barbouillage. Cette diversité de l’écriture d’une seule et même personne ne fait que confirmer la thèse ; il résulte de là que la disposition d’esprit où nous nous trouvons influe sur notre écriture. Avec la même encre, avec la même plume et sur le même papier, l’homme façonnera tout autrement son écriture quand il traite une affaire désagréable, ou quand il s’entretient cordialement avec son ami. Chaque nation, chaque pays, chaque ville a son écriture particulière, tout comme ils ont une physionomie et une forme qui leur sont propres[8]. Tous ceux qui ont un commerce de lettres un peu étendu pourront vérifier la justesse de cette remarque. L’observateur intelligent ira plus loin, et il jugera déjà du caractère de son correspondant sur la seule adresse (j’entends l’écriture de l’adresse, car le style fournit des indices plus positifs encore), à peu près comme le titre d’un livre nous fait connaître souvent la tournure d’esprit de l’auteur. Une belle écriture suppose nécessairement une certaine justesse d’esprit, et en particulier l’amour de l’ordre. Pour écrire avec une belle main, il faut avoir du moins une veine d’énergie, d’industrie, de précision et de goût, chaque effet supposant une cause qui lui est analogue. Mais ces gens dont l’écriture est si belle et si élégante, la peindraient peut-être encore mieux, si leur esprit était plus cultivé et plus orné. On distingue dans l’écriture la substance et le corps des lettres, leur forme et leur arrondissement, leur hauteur et leur longueur, leur position, leur liaison, l’intervalle qui les sépare, l’intervalle qui est entre les lignes, la netteté de récriture, sa légèreté ou sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une parfaite harmonie, il n’est nullement difficile de découvrir quelque chose d’assez précis dans le caractère fondamental de l’écrivain.

Une écriture de travers annonce un esprit faux, dissimulé, inégal. Il y a la plupart du temps une analogie admirable entre le langage, la démarche et l’écriture. Des lettres inégales, mal jointes, mal séparées* mal alignées, et jetées en quelque sorte séparément sur le papier, dénotent un naturel flegmatique, lent, peu ami de l’ordre et de la propreté. Une écriture plus liée, plus suivie, plus énergique et plus ferme accuse plus de vie, plus de chaleur, plus de goût. Il y a des écritures qui signalent la lenteur d’un homme lourd et d’un esprit pesant. Une écriture bien formée, bien arrondie, promet de l’ordre, de la précision et du goût. Une écriture extraordinairement soignée annonce plus de précision et de fermeté, mais peut-être moins d’esprit. Une écriture lâche dans quelques-unes de ses parties, serrée dans quelques autres, puis longue, puis étroite, puis soignée, puis négligée, laisse entrevoir un caractère léger, incertain et flottant. Une écriture lancée, des lettres jetées pour ainsi dire d’un seul trait, et qui dénotent la vivacité de l’écrivain, désignent un esprit ardent, du feu et des caprices. Une écriture un peu penchée sur la droite et bien coulante annonce de l’activité et de la pénétration. Une écriture bien liée, coulante et presque perpendiculaire, promet de la finesse et du goût. Une écriture originale et hasardée d’une certaine façon, sans méthode, mais belle et agréable, porte l’empreinte du génie, etc.

Il est inutile d’observer combien, avec quelques remarques judicieuses, ce système est plein de témérités et d’exagérations. Voy. Mimique et Physiognomonie.

Écrouelles. Delancre dit que ceux qui naissent légitimement septièmes mâles, sans mélanges de filles, ont le don inné de guérir les écrouelles en les touchant. Les anciens rois d’Angleterre, suivant certains auteurs, avaient ce pouvoir[9], mais d’une autre source. Quand Jacques II fut reconduit de Rochester à White-Hall, on proposa de lui laisser faire quelque acte de royauté, comme de toucher les écrouelles. Il ne se présenta personne. On attribua aussi aux rois de France le don d’enlever les écrouelles par l’imposition des mains, accompagnée du signe de la croix. Louis XIII en 1639 toucha à Fontainebleau douze cents scrofuleux, et les mémoires du temps attestent que plusieurs furent guéris. On fait remonter cette prérogative jusqu’à Glo vis. Voy. Lancinet, Crachat, Gréatrakes, etc.

Écume. On a remarqué que beaucoup de possédés écument de la bouche comme les chiens enragés. Une jeune fille que l’on amena à saint Vincent Ferrier, rendait par la bouche et par le nez une écume qui prenait successivement plusieurs nuances[10].

Ecureuils. Les chasseurs des monts Ourals ont pour la chasse de l’écureil une superstitieuse idée qu’on ne peut déraciner. Ils ne cherchent dans toute la journée les écureuils qu’au haut des sapins rouges, si le premier tué le matin s’est trouvé sur un arbre de cette espèce ; et ils sont fermement convaincus qu’ils’en chercheraient en vain ailleurs. Si c’est au contraire sur un sapin sylvestris qu’ils ont aperçu leur premier écureuil, ils ne porteront leurs regards que sur cette sorte d’arbres pendant tout le jour de la chasse.

Edda, livre des origines Scandinaves. Il est plein de rudes merveilles.

Edeline ou Adeline (Guillaume), docteur en théologie du quinzième siècle, prieur des Carmes de Saint-Germain en Laye. Il fut exposé et admonesté publiquement à Évreux pour s’être donné au diable, afin de satisfaire ses passions mondaines. Il avoua, sans y être poussé par la torture, qu’il s’était transporté au sabbat à cheval sur un balai[11] ; que de sa bonne volonté il avait fait hommage à l’ennemi, qui était là sous la forme d’un mouton ; qu’il lui avait alors baisé brutalement sous la queue son derrière en signe de révérence et d’hommage[12] Ce sabbat n’était composé que de Vaudois. Le jour du jugement étant arrivé, il fut conduit en place publique, ayant une mitre de papier sur la tête ; l’inquisiteur l’engagea à se repentir et lut la sentence qui le condomnait à la prison, au pain et à l’eau. « Lors ledit maître Guillaume commença à gémir et à condouloir de son méfait, criant merci à Dieu, à l’évêque et à justice[13]. » Quinzième siècle.

Edris, nom que les musulmans donnent à Enoch ou Hénoch, sur lequel ils ont forgé diverses traditions. Dans les guerres continuelles que se faisaient les enfants de Seth et de Caïn, Hénoch, disent-ils, fut le premier qui introduisit la coutume de faire des esclaves. Il avait reçu du ciel, avec le don de science et de sagesse, trente volumes remplis des connaissances les plus abstraites ; lui-même en composa beaucoup d’autres, aussi peu connus que les premiers. Dieu l’envoya aux Caïnites pour les ramener dans la bonne voie. Mais ceux-ci ayant refusé de l’écouter, il leur fit la guerre et réduisit leurs femmes et leurs enfants en esclavage. Les Orientaux lui attribuent l’invention de la couture et de l’écriture[14], de l’astronomie, de l’arithmétique, et encore plus particulièrement de la géomancie. On dit de plus qu’il fut la cause innocente de l’idolâtrie. Un de ses amis, affligé de son enlèvement, forma de lui, par l’instigation du démon, une représentation si vivement exprimée, qu’il s’entretenait des jours entiers avec elle, et lui rendait des hommages particuliers, qui peu à peu dégénérèrent en superstition. Voy. Hénoch.

Effrontés, hérétiques qui parurent dans la première moitié du seizième siècle. Ils niaient le Saint-Esprit, pratiquaient diverses superstitions, rejetaient le baptême et le remplaçaient par une cérémonie qui consistait à se racler le front avec un clou jusqu’à effusion de sang, puis à le panser avec de l’huile. C’est cette marque qui leur restait au front qui leur a fait donner leur nom d’effrontés.

Égérie, nymphe qui seconda Numa Pompilius dans son projet de civiliser les Romains. Les démonomanes en ont fait un démon succube, et les cabalistes un esprit élémentaire, une ondine selon les uns, une salamandre selon les autres, qui la disent fille de Vesta. Voy. Zoroastre et Numa.

Égipans, démons que les païens disaient habiter les bois et les montagnes, et qu’ils représentaient comme de petits hommes velus, avec des cornes et des pieds de chèvre. Les anciens parlent de certains monstres de Libye, auxquels on donnait le même nom ; ils avaient un museau de chèvre avec une queue de poisson : c’est ainsi qu’on représente le capricorne. On trouve cette même figure dans plusieurs monuments égyptiens et romains.

Égithe, sorte d’épervier boiteux, dont une idée bizarre avait répandu l’opinion chez les anciens que sa rencontre était du plus heureux présage pour les nouveaux mariés.

Église (l’) et les Sorciers. Les pauvres êtres accusés de sorcellerie n’ont jamais été traités par l’Église avec les cruautés des juges laïques. Voy. l’article Sorciers, à la fin.

Élaïs, une des filles d’Anios, d’Élée, magicienne qui changeait en huile tout ce qu’elle touchait.

Élasticité. Il y a des pierres élastiques et des grès flexibles. Une poutre en marbre, qui fait l’étonnement des curieux à la cathédrale de Lincoin, est élastique[15]. De telles raretés ont passé autrefois pour œuvres de féerie.

Éléazar, magicien, Juif de nation, qui attachait au nez des possédés un anneau où était enchâssée une racine dont Salomon se servait, et que l’on présume être la squille[16]. À peine le démon l’avait-ii flairée qu’il jetait le possédé par terre et l’abandonnait. Le magicien récitait ensuite des paroles que Salomon avait laissées par écrit ; et, au nom de ce prince, il défendait au démon de revenir dans le même corps ; après quoi il remplissait une cruche d’eau et commandait audit démon de la renverser. L’esprit malin obéissait ; ce signe était la preuve qu’il avait quitté son gîte.

Éléazar de Garniza, auteur hébreu qui a laissé divers ouvrages dont plusieurs ont été imprimés et d’autres sont restés manuscrits. On distingue de lui un Traité de l’âme, cité par Pic de la Mirandole dans son livre contre les astrologues, et un Commentaire cabalistique sur le Pentateuque.

Éléments. Les éléments sont peuplés de substances spirituelles, selon les cabalistes. Le feu est la demeure des salamandres ; l’air, celle des sylphes ; les eaux, celle des ondins ou nymphes, et la terre, celle des gnomes. Il est certain que les éléments, l’air surtout, sont abondamment peuplés de démons et d’esprits, et que les puissances de l’air ne le laissent pas vide.

Éléphant. On a dit des choses merveilleuses de l’éléphant. On lit encore dans de vieux livres qu’il n’a pas de jointures, et que, par cette raison, il est obligé de dormir debout, appuyé contre un arbre ou contre un mur ; que s’il tombe, il ne peut se relever. Cette erreur a été accréditée par Diodore de Sicile, par Strabon et par d’autres écrivains. Pline conte aussi que l’éléphant prend la fuite lorsqu’il entend un cochon : et, en effet, on a vu en 1769 qu’un cochon ayant été introduit dans la ménagerie de Versailles, son grognement causa une agitation si violente à un éléphant qui s’y trouvait qu’il eût rompu ses barreaux si l’on n’eût retiré aussitôt l’animal immonde. Mien assure qu’on a vu un éléphant qui avait écrit des sentences entières avec sa trompe, et même qui avait parlé. Christophe Acosta assure la même chose[17]. Dion Cassius prête à cet animal des sentiments religieux. Le matin, dit-il, il salue le soleil de sa trompe ; le soir il s’agenouille ; et quand la nouvelle lune paraît sur l’horizon, il rassemble des fleurs pour lui en composer un bouquet. On sait que les éléphants ont beaucoup de goût pour la musique ; Arrien rapporte qu’il y en a eu un qui faisait danser ses camarades au son des cymbales. On vit à Rome des éléphants danser la pyrrhique et exécuter des sauts périlleux sur la corde… Enfin, avant les fêtes données par Germanicus, douze éléphants en costume dramatique exécutèrent un ballet en action. On leur servit ensuite une collation ; ils prirent place avec décence sur des lits qui leur avaient été préparés. Les éléphants mâles étaient revêtus de la toge ; les femelles de la tunique. Ils se comportèrent avec toute l’urbanité de convives bien élevés, choisirent les mets avec discernement et ne se firent pas moins remarquer par leur sobriété que par leur politesse[18].

Au Bengale l’éléphant blanc a les honneurs de la divinité ; il ne mange jamais que dans la vaisselle de vermeil. Lorsqu’on le conduit à la promenade, dix personnes de distinction portent un dais sur sa tête. Sa marche est une espèce de triomphe, et tous les instruments du pays l’accompagnent. Les mêmes cérémonies s’observent lorsqu’on le mène boire. Au sortir de la rivière, un seigneur de la cour lui lave les pieds dans un bassin d’argent.

Voici sur l’éléphant blanc des détails plus étendus : « Un Européen, établi à Calcutta depuis deux ans, écrivait dernièrement au '


Sémaphore de Marseille une lettre dont le passage suivant rappelle une des plus étranges superstitions des peuples de l’Inde :

« Je vous envoie le récit que vient de me faire M. Smithson, voyageur anglais, arrivé tout récemment de Juthia, capitale du royaume de Siam. M. Smithson m’a beaucoup amusé aux dépens de ces Siamois qui continuent toujours à adorer leurs éléphants blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse était à la cour et parmi tous les habitants de Juthia : un seul éléphant blanc avait survécu à une espèce de contagion qui s’était glissée dans les écuries sacrées. Le roi fit publier à son de trompe qu’il donnerait dix esclaves, autant d’arpents de terre qu’un éléphant pourrait en parcourir dans un jour, et une de ses filles en mariage à l’heureux Siamois qui trouverait un autre éléphant blanc. — M. Smithson avait pris à son service, pour lui faire quelques commissions dans la ville, un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué de misère, qui s’appelle Tungug-Poura. Ce Tungug-Poura avait touché le cœur compatissant du voyageur anglais, qui l’avait fait laver, habiller, et le nourrissait dans sa cuisine. Tungug, malgré sa chétive et stupide apparence, nourrissait une vaste ambition dans sa chemise de toile, son unique vêtement ; il entendit la proclamation de l’empereur de Siam et vint, d’un air recueilli, se présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup en l’entendant lui déclarer qu’il allait chercher un éléphant blanc, et qu’il était décidé à mourir s’il ne trouvait pas l’animal sacré. Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smithson l’effet d’un chasseur bien habile : les éléphants blancs se trouvent en très-petit nombre dans des retraites d’eaux et de bois d’un accès difficile. Mais rien ne put changer la résolution de Tungug, qui, serrant avec reconnaissance une petite somme d’argent dont son maître le gratifia, partit avec un arc, des flèches et une mauvaise paire de pistolets. — M. Smithson, que je vais laisser parler, me disait donc l’autre soir : « Cinq mois après, je me réveillai au bruit de tous les tambours de l’armée du roi ; un tintamarre affreux remplissait la ville. Je m’habille et descends dans la rue, où des hommes, des femmes, des enfants couraient en poussant des cris de joie. Je m’informai de la cause de tous ces bruits ; on me répondit que l’éléphant blanc arrivait. Curieux d’assister à la réception de ce grand et haut personnage, je me rendis à la porte de la ville que précède une place immense entourée d’arbres et de canaux ; la foule la remplissait. Sous un vaste dais, des officiers richement vêtus attendaient le monarque, qui a bientôt paru avec tous ses ministres et ses esclaves. On agitait devant lui un vaste éventail de plume. — L’éléphant sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit sous une tente magnifique dont j’apercevais les banderoles. Peu après les gongs, les tambours, les cymbales retentirent avec leurs sons aigres et perçants. J’étais assez commodément placé. Un cortège de talapoins commença à défiler ; ces prêtres avaient l’air grave et s’avançaient lentement. Une triple rangée de soldats entourait le noble animal, qui avait un air maladif et marchait difficilement. — On cria à mes côtés : Voilà celui qui l’a pris. — Je regardai et vis un petit homme borgne et bossu qui tenait un des nombreux rubans dorés passés au cou de l’éléphant ; cet homme était mon domestique, Tungug-Poura. Le voilà donc gendre du roi. Il vint me voir un jour en palanquin et me parut fort content de sa nouvelle position. L’éléphant blanc qui a fait sa fortune se présenta à lui à cinquante journées de marche de Juthia, dans un marais où il était couché, abattu par une fièvre à laquelle les animaux de cette espèce sont sujets ; car leur couleur blanche est, comme on sait, le résultat d’une maladie. Tungug-Poura s’approcha de l’éléphant, le nettoya, versa de l’eau sur les plaies et les boutons du dos, et prodigua tellement ses soins et ses caresses à l’intelligente bête que celle-ci lécha Tungug de sa trompe et se mit à le suivre avec la docilité d’un petit chien. Tungug est ainsi parvenu, favorisé d’abord par un hasard presque inespéré, à s’emparer d’un éléphant blanc. Le pauvre bossu a maintenant des esclaves et possède la princesse dont le nom signifie en langue siamoise les yeux de la nuit. »

Éléphant-Dieu. Voy. Kosaks.

Elfdal, vallée des Elfes dans la Suède. Là on faisait subir des épreuves aux enfants qu’on voulait initier au sabbat. On les menaçait de les jeter dans des fondrières s’ils refusaient de renoncer à Dieu. Dans les procédures qui eurent lieu contre eux, plusieurs de ces enfants déclarèrent que souvent un ange blanc s’en venait au devant d’eux et leur défendait de faire ce que le démon leur demandait.


La reine des Elfes.

Elfes, génies Scandinaves. On croit aux bords de la Baltique qu’il y a un roi des Elfes, lequel règne à la fois sur l’île de Stern, sur celle de Mœ et sur celle de Rugen. Il a un char attelé de quatre étalons noirs. Il s’en va d’une île à l’autre en traversant les airs ; alors on distingue très-bien le hennissement de ses chevaux, et la mer est toute noire. Ce roi a une grande armée à ses ordres ; ses soldats ne sont autre chose que les grands chênes qui parsèment l’île. Le jour ils sont condamnés à vivre sous une écorce d’arbre ; mais la nuit ils reprennent leur casque et leur épée et se promènent fièrement au clair de la lune. Dans les temps de guerre, le roi les assemble autour de lui. On les voit errer au-dessus de la côte, et alors malheur à celui qui tenterait d’envahir le pays[19] ! La tradition des bons et des mauvais anges est sensible dans les fictions de l’Edda. Snorro Sterlason nous apprend que les elfs de la lumière, dont Ben Johnson a fait les esprits blancs de ses masques, séjournent dans Alf-Heim (demeure des Elfs), le palais du ciel, tandis que les swart elfs, elfs de la nuit, habitent’les entrailles de la terre. Les premiers ne seront pas sujets à la mort ; car les flammes de Surtur ne les consumeront pas, et leur dernière demeure sera Vid-Blain, le plus haut ciel des bienheureux ; mais les swart elfs sont mortels et sujets à toutes les maladies, quels que soient d’ailleurs leurs attributs. — Les Islandais modernes considèrent aussi le peuple elf comme formant une monarchie, ou du moins ils le font gouverner par un vice-roi absolu qui, tous les ans, se rend en Norvège avec une députation de pucks (lutins), pour y renouveler son serment d’hommage-lige au souverain seigneur qui réside dans la mère patrie. Il est évident que les Islandais croient que les elfs sont, comme eux, une colonie transplantée dans l’île[20]. Voy. Danses des esprits.

Elfland, le pays, l’île, le royaume des fées et des Elfes. Les fées et les Elfes, qui sont les fées du Nord, enlèvent quelquefois les enfants et les emportent dans l’Elfland pour le peupler. Quelques hommes faits y ont été transportés aussi, lorsqu’ils s’étaient endormis sur quelque montagne hantée par les fées ou les Elfes. Voy. Erceldoune.

Elf-Roi, le roi des Elfes. Voy. Nain-Laurin.

Élie. Les musulmans et la plupart des Orientaux font de ce grand prophète un puissant magicien[21] : ils l’appellent Khizzer.

Élie de Worms, rabbin juif allemand, qui passait au treizième siècle pour un magicien très-habile.

Éligor, démon, le même qu’Abigor. Voy. Abigor.

Élinas, roi d’Albanie, père de Mélusine. Voy. Mélusine.

Élingsor. Dans le poëme de Percival, c’est un magicien qui descend de la famille de Virgile. Il est né dans la Galabre ; il est initié à la magie par des Juifs. Il bâtit sur une montagne un palais enchanté où l’on voit un lit qui fuit devant celui qui veut y monter et qui lui lance des flèches s’il y parvient. C’est un vieux conte populaire qui remonte au temps où les Sarasins occupaient la Sicile et une partie du pays de Naples.

Élixir de vie. L’élixir de vie n’est autre chose, selon le Trévisan, que la réduction de la pierre philosophale en eau mercurielle ; on l’appelle aussi or potable. Il guérit toutes sortes de maladies et prolonge la vie bien au delà des bornes ordinaires. L’élixir parfait au rouge


change le cuivre, le plomb, le fer et tous les métaux en or plus pur que celui des mines. L’élixir parfait au blanc, qu’on appelle encore huile de talc, change tous les métaux en argent très-fin.

Voici la recette d’un autre élixir de vie. Pour faire cet élixir, prenez huit livres de suc mercuriel ; deux livres de suc de bourrache, tiges et feuilles ; douze livres de miel de Narbonne ou autre, le meilleur du pays ; mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon pour l’écumer ; passez-le par la chausse à hypocras et clarifiez-le. Mettez à part infuser, pendant vingt-quatre heures, quatre onces de racine de gentiane coupée par tranches dans trois chopines de vin blanc, sur des cendres chaudes, agitant de temps en temps ; vous passerez ce vin dans un linge sans l’exprimer ; mettez cette colature dans lesdits sucs avec le miel, faisant bouillir doucement le tout et cuire en consistance de sirop ; vous le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée, ensuite le déposerez dans des bouteilles que vous conserverez en un lieu tempéré, pour vous en servir, en en prenant tous les matins une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, rétablit la santé contre toutes sortes de maladies, même la goutte, dissipe la chaleur des entrailles ; et quand il ne resterait dans le corps qu’un petit morceau de poumon et que le reste serait gâté, il maintiendrait le bon et rétablirait le mauvais ; il guérit les douleurs d’estomac, la sciatique, les vertiges, la migraine et généralement les douleurs internes. Ce secret a été donné par un pauvre paysan de Galabre à celui qui fut nommé par Charles-Quint pour général de cette armée navale qu’il envoya en Barbarie. Le bonhomme était âgé de cent trente-deux ans, à ce qu’il assura à ce général, lequel était allé loger chez lui, et, le voyant d’un si grand âge, s’était informé de sa manière de vivre et de celle de plusieurs de ses voisins, qui étaient presque tous âgés comme lui[22].

On conte qu’un médecin charlatan apporta un jour à l’empereur de la Chine Li-kon-pan un élixir merveilleux et l’exhorta à le boire, en lui promettant que ce breuvage le rendrait immortel. Un ministre qui était présent, ayant tenté inutilement de désabuser le souverain, prit la coupe et but la liqueur. Li-kon-pan, irrité de cette hardiesse, condamna à mort le mandarin, qui lui dit d’un air tranquille : « Si ce breuvage donne l’immortalité, vous ferez de vains efforts pour me faire mourir ; et s’il ne la donne pas, auriez-vous l’injustice de me faire mourir pour un si frivole larcin ? » Ce discours calma l’empereur, qui loua la sagesse et la prudence de son ministre.

Éloge de l’enfer, ouvrage critique, historique et moral ; nouvelle édition ; la Haye, 1759, 2 vol. in-12, fig. — C’est un livre satirique très-pesamment écrit, dans un esprit très-médiocre.

Élossite, pierre qui a la vertu de guérir les maux de tête. On ne sait pas trop où elle se trouve.

Elpide, médecin qui vivait sous Théodoric, roi des Ostrogoths. Sa maison était hantée par des lutins qui lui jetaient souvent des pierres. Saint Césaire, d’Arles, étant venu à Ravenne, purifia cette maison avec de l’eau bénite, et dès lors elle ne fut plus infestée.

Elspeth-Rule, sorcière écossaise qui

florissait en 1708. Elle était signalée comme faisant mourir ceux qui la priaient et guérissant ceux qui la maltraitaient.

Elxai ou Elcesai, chef des elcésaïtes, hérétique du deuxième siècle, qui faisait du Saint-Esprit une femme, et qui proposait une liturgie dont les prières étaient des jurements absurdes.

Émaguinquilliers, race de géants, serviteurs d’Iamen, dieu de la mort chez les Indiens. Ils sont chargés de tourmenter les méchants dans les enfers.

Embarrer. Voy. Ligatures.

Embungala, prêtre idolâtre du Congo. Il passe, chez les noirs de ces contrées, pour un si grand sorcier, qu’il peut d’un coup de sifflet faire venir devant lui qui bon lui semble, s’en servir comme d’un esclave et le vendre même s’il le juge à propos.

Émeraude. La superstition a longtemps attribué à cette pierre des vertus miraculeuses, telles entre autres que celle d’empêcher les symptômes du mal caduc, et de se briser lorsque la crise est trop violente pour qu’elle puisse la vaincre. La poudre de franche émeraude arrêtait, disait-on, la dyssenterie et guérissait la morsure des animaux vénéneux. Les peuples de la vallée de Manta, au Pérou, adoraient une émeraude grosse comme un œuf d’autruche et lui offraient d’autres émeraudes.

Emma, fille de Richard II, duc de Normandie. Cette princesse épousa Ethelred, roi d’Angleterre, et en eut deux fils dont l’un régna après la mort de son père : c’est saint Édouard. Ce prince écoutait avec déférence les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux que l’histoire peint sous d’assez laides couleurs, Godwin, comte de Kent, qui était son ministre, et qui voyait avec peine son autorité partagée avec Emma, chercha à perdre cette princesse ; il l’accusa de différents crimes, et il eut l’adresse de faire appuyer son accusation par plusieurs seigneurs, mécontents comme lui du pouvoir d’Emma. Le r, oi dépouilla sa mère de’toutes ses richesses. La princesse eut recours à Ahvin, évêque de Winchester, son parent. Le comte de Kent, voulant écarter un protecteur aussi puissant, et ne reculant pas devant les moyens les « plus infâmes, accusa la princesse d’un commerce coupable avec ce prélat : cette odieuse accusation, appuyée impudemment par les ennemis de la princesse et du saint évêque, fit impression sur l’esprit d’Édouard : il eut la faiblesse de mettre sa mère en jugement ; elle fut condamnée à se purger par l’épreuve du feu. La coutume de ce temps-là en Angleterre voulait que l’accusé passât nu-pieds sur neuf contres de charrue rougis au feu ; et la condamnation portait qu’Emma ferait sur ces coutres neuf pas pour elle-même et cinq pour l’évêque de Winchester. Elle employa en prières la nuit qui précéda cette périlleuse épreuve ; puis raffermie, elle marcha sur les neuf coutres, au milieu de deux évêques, habillée comme une simple bourgeoise et les jambes nues jusqu’aux genoux. Le feu ne lui fit aucun mal ; de sorte que son innocence fut reconnue.

Émodès, l’un des démons qui possédaient Madeleine de la Palud.

Émole, génie que les basilidiens invoquaient dans leurs cérémonies magiques.

Empuse, démon de midi. Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, le représente comme un spectre horrible, qui prend diverses formes, de chien, de femme, de bœuf, de vipère, qui a le regard atroce, un pied d’âne et un pied d’airain, une flamme autour de la tête, et qui ne cherche qu’à faire du mal. Les paysans grecs et russes ont conservé des idées populaires attachées à ce monstre ; ils tremblent au temps des foins et des moissons à la seule pensée de l’Empuse, qui, dit-on, rompt bras et jambes aux faucheurs et aux moissonneurs, s’ils ne se jettent la face en terre lorsqu’ils l’aperçoivent. On dit même en Puissie que l’Empuse et les démons de midi, qui sont soumis à cet horrible fantôme, parcourent quelquefois les rues à midi en habits de veuve et rompent les bras à ceux qui osent les regarder en face. Le moyen de conjurer l’Empuse et de s’en faire obéir chez les anciens, c’était de lui dire les plus grandes injures. Chacun a ses goûts.

Vasco de Gama, cité par Leloyer[23], rapporte qu’il y a dans la ville de Calicut un temple consacré à des démons qui sont des espèces d’Empuses. Personne n’ose entrer dans ces temples, surtout le mercredi, qu’après que le midi est passé ; car si on y entrait à cette heure-là, on mourrait à l’instant même.

Énarque. Il revint de l’autre monde (ou d’une syncope) après avoir passé plusieurs jours en enfer, et raconta à Plutarque lui-même tout ce qui concernait Pluton, Minos, Éaque, les Parques, etc.[24].

Encelade, géant de la mythologie grecque. Il avait cent bras et donnait de grandes inquiétudes à Jupiter. Minerve, qui n’avait que deux bras, mais longs et solides, jeta sur le géant l’île de la Sicile ; et il est retenu sous l’Etna, où il soupire toujours. C’est là cette mythologie que Boileau admirait.

Encens. « En la région Sachalite, qui n’est autre que le royaume de Tartas, l’encens qui s’y recueillait se mettait à grands monceaux en certaine place, non loin du port où les marchands abordaient. Cet encens n’était gardé de personne, parce que le lieu était assez gardé des démons ; et ceux qui abordaient près de la place n’eussent osé, en cachette ni ouvertement, prendre un seul grain d’encens et le mettre en leur navire sans la licence et permission expresse du prince ; autrement leurs navires étaient retenus par la puissance secrète des démons, gardiens de l’encens et ne pouvaient se mouvoir ni partir du port[25]. »

Enchantements. On entend par enchantement l’art d’opérer des prodiges par des paroles chantées ; mais on a beaucoup étendu le sens de ce mot.

On voyait, au rapport de Léon l’Africain, tout au haut des principales tours de la citadelle de Maroc, trois pommes d’or d’un prix inestimable, si bien gardées par enchantement, que les rois de Eez n’y ont jamais pu toucher, quelques efforts qu’ils aient faits. Ces pommes d’or ne sont plus.

Marc Paul conte que les Tartares, ayant pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils étaient en guerre, se disposaient à les décapiter ; mais ils n’en purent venir à bout, parce que ces insulaires portaient au bras droit, entre cuir et chair, une petite pierre enchantée qui les rendait insensibles au tranchant du cimeterre : de sorte qu’il fallut les assommer pour les faire mourir. Voy. Paroles magiques, Charme, Fascination, Tour enchantée, etc.

On entend souvent par enchantement quelque chose de merveilleux. Les arts ont aussi produit des enchantements, mais naturels, et regardés comme œuvre de magie par ceux-là seuls qui attribuent à la magie tout ce qui est extraordinaire. — M. Van Estin, dit Decremps dans sa Magie blanche dévoilée, nous fit voir son cabinet de machines. Nous entrâmes dans une salle bien éclairée par de grandes fenêtres pratiquées dans le dôme. — Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j’ai pu rassembler de piquant et de curieux en mécaniques. Cependant nous n’apercevions de tous côtés que des tapisseries sur lesquelles étaient représentées des machines utiles, telles que des horloges, des pompes, des pressoirs, des moulins à vent, des vis d’Archimède, etc.

— Toutes ces pièces ont apparemment beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill ; elles peuvent récréer un instant la vue ; mais il paraît qu’elles ne produiront jamais de grands effets par leurs mouvements. M. Van Estin répondit par un coup de sifflet. Aussitôt les quatre tapisseries se lèvent et disparaissent ; la salle s’agrandit et nos yeux éblouis voient ce que l’industrie humaine a inventé de plus étonnant. D’un côté des serpents qui rampent, des fleurs qui s’épanouissent, des oiseaux qui chantent ; de l’autre, des cygnes qui nagent, des canards qui mangent et qui digèrent, des orgues jouant d’elles-mêmes, et des automates qui touchent du clavecin.

M. Van Estin donna un second coup de sifflet, et tous les mouvements furent suspendus.

Un instant après nous vîmes un canard nageant et barbotant dans un vase, au milieu duquel était un arbre. Plusieurs serpents rampaient autour du tronc et allaient successivement se cacher dans les feuillages. Dans une cage voisine étaient deux serins qui chantaient en s’accompagnant, un homme qui jouait de la flûte, un autre qui dansait, un petit chasseur et un sauteur chinois, tous artificiels et obéissant au commandement. Voy. Brioché, etc.

Enchiridion. Voy. Léon III.

Encre. Divination par la goutte d’encre. Voy. Harvis.

Endor (Pythonisse d’). Voy. Pythonisse.

Énergumène. On appelle énergumènes ceux qui sont possédés du démon. Voy. Possession.

Enfants. Croirait-on que des savants en démence et des médecins sans clientèle ont recherché les moyens de s’assurer du sexe d’un enfant qui n’était pas né, et qu’on a fait autour de ce thème absurde des livres niais qui trouvent de niais lecteurs ? Voy. Sexe.

Enfants du diable. Voy. Gambions.


Enfant volé par une Fée. — Page 238.


Enfants volés par les fées. On prétend dans le Nord que les fées enlèvent quelquefois les enfants qui leur plaisent et leur substituent de petits monstres nés d’elles. Pour les forcer à rendre l’enfant qu’elles ont pris, on expose l’enfant substitué sur une pelle et on le tourmente cruellement. En Danemark la mère chauffe le four et met l’enfant sur la pelle en menaçant de le lancer dans la flamme, ou bien elle le fouette avec des verges, elle le jette dans la rivière. En Suède et en Irlande on l’expose à la porte sur une pelle. Quelquefois on lui fait boire une potion de coquilles d’œufs. Dans le Glossaire provincial de Grose, on voit la mère d’un enfant volé casser une douzaine d’œufs et placer les vingt-quatre demi-coquilles devant l’enfant substitué, qui s’écrie : J’avais sept ans quand on me mit en nourrice, quatre ans se sont passés depuis, et je n’ai jamais vu de petits pots aussi blancs. » Le changement d’un enfant est toujours fait avant le baptême. Le moyen de prévenir ce malheur est de faire une croix sur la porte et sur le berceau, de mettre un morceau de fer auprès de l’enfant, de laisser une lumière allumée. En Thuringe on suspend au mur les culottes du père[26]. En Écosse on attribue le même crime de rapt aux elfes, et quand un enfant est sourd, muet, aveugle ou contrefait, ou le croit substitué.

Les sorcières, ce que les procédures ont établi, enlevaient aussi des enfants, ou pour les affilier au diable ou pour les lui sacrifier. Voy. Elfdal.

Enfants au sabbat.


Enfants dans la divination. Voy. Harvis.

Enfers, lieux inférieurs où les méchants subissent après leur mort le châtiment dû à leurs crimes. Nier qu’il y ait des peines et des récompenses après le trépas, c’est nier l’existence de Dieu, puisqu’il ne peut être que nécessairement juste. Mais les tableaux que certains poètes et d’autres écrivains nous ont faits des enfers ont été souvent les fruits de l’imagination. On doit croire ce que l’Église enseigne, sans s’égarer dans des détails que Dieu n’a pas jugé à propos de révéler. Les anciens et la plupart des modernes placent les enfers au centre de la terre. Le docteur Swinden, dans ses recherches sur le feu de l’enfer, prétend que l’enfer est dans le soleil, 44parce que le soleil est le feu perpétuel44. Quelques-uns ont ajouté que les damnés entretiennent ce feu dans une activité continuelle, et que les taches qui paraissent dans le disque du soleil après les grandes catastrophes ne sont produites que par l’encombrement.

Il serait très-long de rapporter les sentiments des différents peuples sur l’enfer[27]. Les Druses disent que tout ce qu’on mangera dans les enfers aura un goût de fiel et d’amertume, et que les damnés porteront sur la tête, en signe d’une éternelle réprobation, un bonnet de poil de cochon d’un pied et demi de long.

Ce que nous savons positivement, c’est que l’enfer a été fait pour les démons et pour ceux qui les suivent.

Enflure. L’enflure du corps est un symptôme de la possession. Un moine fut possédé au couvent de l’abbé Baithin, successeur de saint Colomban, en Écosse. Il était tout enflé. L’abbé offrit pour lui le saint sacrifice, le fit amener dans l’église et chassa le démon. Au moment où le démon sortit, l’enflure disparut tout à coup et la peau parut collée sur les os. Souvent l’enflure est mobile et passe d’une partie du corps à une autre, affectant diverses formes[28].

Engagements du sabbat. L’initié s’oblige par d’horribles serments à faire tout le contraire de ce que prescrit l’Église, à détruire tout ce qui est sacré, à séduire au moins une fois par mois un chrétien pour l’attacher au démon, à lui amener des enfants, en un mot à reculer devant tout ce qui est bien et à faire avec zèle tout ce qui est réprouvé. Ces excès ont été avoués dans presque toutes les procédures.

Engastrimisme, art des ventriloques. On l’attribuait autrefois à la magie.

Engastrimithes ou Engastrimandres, devins qui faisaient entendre leurs réponses dans leur ventre. Voy. Ventriloque, Cécile, etc.

Engelbrecht (Jean), visionnaire allemand, mort en 1642. Il était protestant et d’un naturel si mélancolique qu’il tenta souvent de s’ôter la vie. Un soir, vers minuit, il lui sembla que son corps était transporté, et il arriva à la porte de l’enfer où régnait une obscurité profonde, et d’où s’exhalait une puanteur à laquelle il n’y a rien à comparer sur la terre. De là il fut conduit en paradis. Quand il en eut goûté les délices, un ange le renvoya sur la terre, et il raconta sa vision. Il en eut d’autres ; il entendit pendant quarante nuits une musique céleste si harmonieuse qu’il ne put s’empêcher d’y joindre sa voix. Parcourant la basse Saxe, il prêchait, disait-il, comme il en avait reçu l’ordre d’en haut. Un jour qu’il racontait ses extases, il dit qu’il avait vu les âmes des bienheureux voltiger autour de lui, sous la forme d’étincelles, et que voulant se mêlera leur danse,


il avait pris le soleil d’une main et la lune de l’autre. Ces absurdités ne l’empêchèrent pas de faire des prosélytes parmi les réformés. Il a laissé divers volumes : 1o Véritable vue et histoire du ciel, Amsterdam, 1690, in-4o : c’est le récit de son excursion en enfer et en paradis ; 2o Mandat et ordre divin et céleste délivrés par la chancellerie céleste, Brème, 1625, in-4o ; cet écrit manque dans le recueil intitulé Œuvres, visions et révélations de Jean Engelbrecht, Amsterdam, 1680.

Énigme. On lit dans de vieilles histoires de Naples que, sous le règne de Robert Guiscard, on trouva une statue qui avait eu la tête dorée, et sur laquelle était écrit : Aux calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j’aurai la tête toute d’or. Robert chercha longtemps à deviner le sens de cette énigme ; mais ni lui ni les savants de son royaume ne purent la résoudre. Un prisonnier de guerre sarasin promit de l’interpréter si on lui accordait la liberté sans rançon. Il avertit donc le prince d’observer aux premiers jours de mai l’ombre de la tête de la statue au lever du soleil, et de faire bêcher la terre à l’endroit où tomberait cette ombre. Robert suivit ce conseil et trouva de grands trésors, qui lui servirent dans ses guerres d’Italie. Il récompensa le Sarasin, non-seulement en lui accordant la liberté, mais en lui donnant de bonnes sommes.

Il y a beaucoup d’énigmes dans les divinations. On peut voir le traité des énigmes du père Ménestrier, de la compagnie de Jésus, intitulé la Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus, et de la baguette. Lyon, 1694, in-12.

Enlèvement. Nous ne parlons ici que de ceux qui ont été enlevés par le diable. Une Allemande


avait contracté l’habitude de jurer et de dire des mots de corps de garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par quelques femmes de son pays, et il fallut un exemple qui arrêtât le désordre. Un jour qu’elle prononçait avec énergie ces paroles qui sont tristes, surtout dans la bouche d’une femme : Que le diable m’emporte !… le diable arriva en hussard et l’emporta[29]. On lit en beaucoup de livres qu’un certain comte de Mâcon, homme violent et impie, exerçait une espèce de tyrannie contre les ecclésiastiques et contre ce qui leur appartenait, sans se mettre en peine de cacher ni de colorer ses violences. Un jour qu’il était assis dans son palais, bien accompagné, on y vit entrer un inconnu à cheval, qui s’avança jusqu’auprès du comte, et lui dit : — Suivez-moi, j’ai à vous parler : — Le comte suit l’étranger, entraîné par un pouvoir surnaturel. Lorsqu’il arrive à la porte, il trouve un cheval, préparé, le monte et il est transporté dans les airs, criant d’une voix terrible à ceux qui étaient présents : — À moi ! au secours !… On le perdit de vue, et on ne put douter que le diable ne l’eût emporté[30]. Dans la même ville, il y eut un bailli qui fut aussi enlevé par le diable à l’heure de son dîner et porté trois fois autour de Mâcon, à la vue de tous les habitants, qui assurent ne l’avoir pas vu revenir[31]. Ce fait est raconté par un protestant. Voy. Agrippa, Carlostad, Gabrielle d’Estrées, Luther, etc., etc.

Ennoïa, la suprême intelligence chez quelques disciples de Simon le Magicien. Voy. Ménandre.

Énoch. Voy. Hénoch.

Enrico, comte allemand qui reparut en fantôme. Voy. Armées prodigieuses.

Enrôleurs de Satan. Ceux qui s’engagent au diable s’obligent à lui amener des recrues ; comme il se fait au reste dans toute société secrète. Voy. Engagements.

Ensalmadores. Voy. Saludadores.

Ensoph, dieu suprême de la cabale juive. Il est caché dans les plus profonds abîmes de l’être. Il est tout, et pourtant il n’est rien de ce qui est. C’est lui qui a tout créé par Menra, qui est son verbe. Et Menra a produit les trois grands séphiroths ; de ces trois sont sortis les séphiroths inférieurs. Ensoph s’est manifesté dans les dix sphères qui composent l’univers ; ses émanations s’étendent sur les quatre mondes, depuis les esprits les plus hauts jusqu’à la matière la plus infime. Dans ces émanations se trouvent diverses séries d’esprits ou démons que l’on rencontre partout ; des esprits particuliers sont chargés de surveiller les soixante-dix peuples. De ces esprits, les uns sont des esprits de lumière qui ont pour chef suprême Jézer-Job ; les autres sont des esprits de ténèbres qui obéissent à Jézer-Hara. Trois intelligences supérieures, Métraton, Sandalphon et Acatries, président les phalanges des bons esprits, qui se partagent en dix chœurs et ont pour séjours les trois cieux et les sept planètes. Le chef des esprits mauvais est Samaël ou Satan, qui a pour lieutenants Asmodée et Bédargon, et pour ministres les Schédim, les Sayrim, les Malache-Chabbalah. Ces mauvais esprits ou démons ont domicile dans les sept régions de l’enfer. Les esprits de la nature (sans doute les fées, les elfes, les follets et toutes les espèces de ce genre), sont dispersés entre les bons et les mauvais esprits des séjours invisibles. Ils pullulent dans notre atmosphère et se montrent à l’occasion[32].

Ensorcellement. Bien des gens se sont crus ensorcelés, qui n’étaient que le jouet de quelque hallucination. On lisait ce fait dans le Journal des Débats du 5 mars 1841. — « Il y a trois jours, M. Jacques Coquelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean, n° 21, à Paris, logé au troisième étage, rentrait chez lui vers onze heures du soir, la tête échauffée par le vin. Arrivé sur le palier du deuxième étage, il se croit dans son domicile ; il se déshabille tranquillement, jette une à une ses hardes par une large fenêtre donnant sur la cour et que dans son ivresse il prend pour son alcôve ; puis il se fait un bonnet de nuit avec sa cravate, et n’ayant plus que sa chemise sur le corps il se lance lui-même par la fenêtre, croyant se jeter sur son lit… Ce ne fut que le lendemain vers six heures du matin que les autres habitants de la maison s’aperçurent de ce malheureux événement. Le corps de l’infortuné Coquelin était étendu sans mouvement sur les dalles de la cour. Pourtant cet homme, âgé seulement de vingt-sept ans et doué d’une grande force physique, n’était pas mort, quoique son corps fût horriblement mutilé. Transporté chez lui, il vécut deux jours encore ; mais son état était désespéré, et il expira après soixante heures des plus cruelles souffrances. » — Dans d’autres temps ou dans d’autres pays, on eût vu là un ensorcellement. Voy. toutefois Sortilèges, Paroles, Bergers, etc., etc.

Enterrés vivants. Voy. Vampire, à la fin.

Enthousiastes. On a donné ce nom à certains sectaires qui, étant agités du démon, se croyaient inspirés.

Énus. Voy. Gunem.

Envie (L’), péché capital qui réjouit le démon, parce qu’il offense Dieu.

Envoûtement. Les sorciers font, dit-on, la figure en cire de leurs ennemis, la piquent, la tourmentent, la fondent devant le feu, afin que les originaux vivants et animés ressentent les mêmes douleurs. C’est ce que l’on appelle envoûter, du nom de la figure, vols ou voult. Voy. Vols.

Éon de l’Étoile. Dans le douzième siècle, un certain Éon de l’Étoile, gentilhomme breton, abusant de la manière dont on prononçait ces paroles : Per eum qui venturus est (on prononçait per Eon), prétendit qu’il était le fils de Dieu qui doit venir juger les vivants et les morts, se donna pour tel, eut des adhérents qu’on appela Éoniens, et qui se mirent, comme tous les novateurs, à piller les églises et les monastères.

Éons. Selon les gnostiques, les Éons sont les êtres vivants et intelligents que nous appelons des esprits. Les Grecs les nommaient démons ; ce mot a le même sens. Ces Éons prétendus étaient ou des attributs de Dieu personnifiés, ou des mots hébreux Lires de l’Écriture, ou des mots barbares forgés à discrétion. Ainsi de Pléroma, la plénitude ou la divinité, sortaient Sophia, la sagesse ; Nous, l’intelligence ; Sigé, le silence ; Logos, le verbe ; Achamoth, la prudence, etc. L’un de ces Éons avait formé le monde, l’autre avait gouverné les Juifs et fabriqué leur loi, un troisième était venu parmi les hommes sous le nom de Fils de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n’en coûtait rien pour les multiplier ; les uns étaient mâles et les autres femelles, et de leurs mariages il était sorti une nombreuse famille. Les Éons étaient issus de Dieu par émanation et par nécessité de nature. Les inventeurs de ces rêveries disaient encore que l’homme a deux âmes, l’une sensitive qu’il a reçue des Éons, et l’autre intelligente et raisonnable que Dieu lui a donnée pour réparer les bévues des Éons maladroits[33].

Épaule de mouton. Giraud, cité par M. Gautrel, dans son mémoire sur la part que les Flamands prirent à la conquête de l’Angleterre par les Normands, dit que les Flamands qui vinrent en Angleterre connaissaient l’avenir et le passé par l’inspection de l’épaule droite d’un mouton, dépouillée de la viande non rôtie, mais cuite à l’eau : « Par un art admirable et vraiment prophétique, ajoute le même écrivain, ils savent les choses qui dans le moment même se passent loin d’eux ; ils annoncent avec la plus grande certitude, d’après certains signes, la guerre et la paix, les massacres et les incendies, la maladie et la mort du roi. C’est à tel point qu’ils prévirent un an auparavant le bouleversement de l’État après la mort de Henri Ier, vendirent tous leurs biens et échappèrent à la ruine en quittant le royaume avec leurs richesses. » — Pourtant on voit dans les historiens du temps que ce fait avancé par Giraud n’est pas exact, et qu’il arriva au contraire à ces Flamands beaucoup de choses qu’ils n’avaient pas prévues.

Éphialtes ou Hyphialtes, Éphélès, nom grec


du cauchemar. Les Éoliens donnaient ce nom à une sorte de démons incubes qui étouffent[34].

Épicure. « Qui pourrait ne pas déplorer le sort d’Épicure, qui a le malheur de passer pour avoir attaché le souverain bien aux plaisirs des sens, et dont à cette occasion on a flétri la mémoire ? Si l’on fait réflexion qu’il a vécu soixantedix ans, qu’il a composé plus d’ouvrages qu’aucun des autres philosophes, qu’il se contentait de pain et d’eau, et que quand il voulait dîner avec Jupiter, il n’y faisait ajouter qu’un peu de fromage, on reviendra bientôt de cette fausse prévention. Que l’on consulte Diogène Laërce, on trouvera dans ses écrits la vie d’Épicure, ses lettres, son testament, et l’on se convaincra que les faits que l’on avance contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que l’on a mal pris sa doctrine ; en effet, il ne faisait pas consister la félicité dans les plaisirs du corps, mais dans ceux de l’âme, et dans la tranquillité que selon lui on ne peut obtenir que de la sagesse et de la vertu[35]. » Voilà ce que disent quelques critiques combattus par d’autres.

Épidémies démoniaques. Voy. Bourignon, Orphelines d’Amsterdam, Kentorp, etc.

Épilepsie. Les rois d’Angleterre ne guérissaient pas seulement les écrouelles ; ils bénissaient encore des anneaux qui préservaient de la crampe et du mal caduc. Cette cérémonie se faisait le vendredi saint. Le roi, pour communiquer aux anneaux leur vertu salutaire, les frottait entre ses mains. Ces anneaux, qui étaient d’or ou d’argent, étaient envoyés dans toute l’Europe comme des préservatifs infaillibles ; il en est fait mention dans différents monuments anciens[36]. Il y a d’autres moyens naïfs de traiter l’épilepsie, qui n’obligent pas à passer la mer. On croyait en guérir chez nos aïeux en attachant au bras du malade un clou tiré d’un crucifix. La même cure s’opérait en lui mettant sur la poitrine ou dans la poche les noms des trois mages, Gaspar, Balthazar, Melchior. Cette recette est indiquée dans des livres anciens :

Gaspar fert myrrham, Unis Melchior, Balthazar aurum,
Hœc tria qui secum portabit nomina regum
Solvitur a morbo, Christi a pietate, caduco.

Mais il y a encore bien d’autres remèdes. Le Journal du Cateau publiait dernièrement, sous le titre d’une tradition suédoise, les faits que voici : « Dans ce pays de Suède que j’habite depuis peu, la peine de mort consiste en la décollation par le moyen d’une hache, et à cet effet la tête du patient est posée sur un billot devant lequel on creuse une fosse où la tête tombe après avoir été coupée, et où l’on jette aussi le corps du supplicié ; après quoi on la remplit de manière qu’il n’en reste aucune trace à la surface du sol. Or, il existe parmi le peuple suédois une croyance déplorable ; à savoir, que le sang d’une personne décapitée, pris comme médicament interne, guérit radicalement l’épilepsie ; et ce qui est encore plus déplorable, c’est que l’autorité, d’après un usage immémorial, permette ou tolère que les spectateurs des exécutions recueillent ce sang. Dans une exécution qui a eu lieu ces jours-ci, après que la tête du criminel eut été séparée du corps, une paysanne d’un âge mûr, atteinte du haut mal, se précipita vers le lieu du supplice avec un morceau de pain à la main, pour le tremper dans le sang qui jaillissait du cadavre ; mais au moment où elle allait consommer cet acte, elle fut frappée d’une attaque de sa cruelle maladie, et elle tomba roide morte dans la fosse où venait de rouler la tête ensanglantée. Cet effet a produit sur l’opinion égarée un grand mouvement. La foule semblait frappée de terreur. Alors l’autorité, profitant de cette épouvante, s’est empressée de faire comprendre au public, par des affiches qui défendent à l’avenir un pareil usage, combien Dieu le réprouvait, puisqu’il le punissait de mort subite et faisait tomber les deux cadavres dans la même fosse. »

Épona, déesse des écuries chez les Romains. Son image était honorée dans les étables. Elle avait eu pour père Fulvius Stellus et pour mère une jument.

Époques diaboliques. On donna ce nom aux temps déplorables où la recrudescence des sorciers a produit le plus d’horreurs. Les manichéens albigeois ont présenté au treizième siècle une de ces époques sinistres. Le seizième siècle a vu renaître dans la guerre des paysans, dans les atrocités des premiers anabaptistes et ailleurs, une de ces époques. La guerre de trente ans, dont le héros était un manichéen affilié aux sociétés infernales, a failli jeter l’Europe dans la barbarie. Les triomphes de la philosophie séparée se sont presque toujours clos par un retour aux choses de Satan. Les États-Unis sont aujourd’hui avec leur spiritisme à une de ces époques que nous signalons.

Épreuves. L’épreuve gothique qui servait à reconnaître les sorciers a beaucoup de rapport avec la manière judicieuse que le peuple emploie pour s’assurer si un chien est enragé ou ne l’est pas. La foule se rassemble et tourmente autant que possible le chien qu’on accuse de rage. Si l’animal dévoué se défend et mord, il est condamné d’une voix unanime d’après ce principe, qu’un chien enragé mord tout ce qu’il rencontre. S’il tâche au contraire de s’échapper et de fuir à toutes jambes, l’espérance de salut est perdue sans ressource ; on sait de reste qu’un chien enragé court avec force et tout droit devant lui sans se détourner. La sorcière soupçonnée était plongée dans l’eau, les mains et les pieds fortement liés ensemble. Surnageait-elle, on l’enlevait aussitôt pour la précipiter dans un bûcher comme convaincue d’être criminelle, puisque l’eau des épreuves la rejetait de son sein. Enfonçait-elle, son innocence était dès lors irréprochable ; mais cette justification lui coûtait la vie[37].

Il y avait bien d’autres épreuves. Celle de la croix consistait généralement, pour les deux adversaires, à demeurer les bras étendus devant une croix, celui qui s’y tenait le plus longtemps gagnait sa cause. Mais le plus souvent les épreuves judiciaires se faisaient autrefois par l’eau ou le feu. Voy. Eau bouillante, Cercueil, Fer chaud, Ordalie, etc.

Épreuves du Sabbat. Voy. Elfdal.

Érard, vieillard de Césarée, dont la fille fut ensorcelée par un valet lui-même possédé. Saint Basile les délivra[38].

Erceldoune. Les aventures merveilleuses de Thomas d’Erceldoune sont l’une des plus vieilles légendes de fées que l’on connaisse. Thomas d’Erceldoune, dans le Lauderdale, surnommé le Rimeur, parce qu’il avait composé un roman poétique sur Tristrem et Yseult, roman curieux comme l’échantillon de vers anglais le plus ancien qu’on sache exister, florissait sous le règne d’Alexandre III d’Écosse. Ainsi que d’autres hommes de talent à cette époque, Thomas fut soupçonné de magie. On disait aussi qu’il avait le don de prophétiser, parce qu’il était entré un jour, dans le royaume des fées[39].

Érèbe, fleuve des enfers. On le prend aussi pour une partie de l’enfer et pour l’enfer même. Il y avait chez les païens un sacerdoce particulier pour les âmes qui étaient dans l’Érèbe.

Ergenna, devin d’Étrurie dans l’antiquité.

Éric au chapeau venteux. On lit dans Hector de Boëce que le roi de Suède Éric ou Henri, surnommé le Chapeau venteux, faisait changer les vents, en tournant son bonnet ou chapeau sur sa tête, pour montrer au démon avec qui il avait fait pacte de quel côté il les voulait ; et le démon était si exact à donner le vent que demandait ; le signal du bonnet, qu’on aurait pu en toute sûreté prendre le couvre-chef royal pour une girouette.

Erichtho, sorcière qui, dans la guerre entre César et Pompée, évoqua un mort lequel prédit toutes les circonstances de la bataille de Pharsale[40].

Erles, esprits ou génies qui donnent la peur en Allemagne. Goethe a fait sur eux une ballade.

Erleursortok, le diable au Groenland. Il est toujours aux aguets, et il se jette sur toute âme qui s’échappe de sa prison mortelle ; habituellement il la dévore, car il a toujours faim.

Erlik ou Erlig. Les Kalmouks croient que tout désastre leur est causé par un mauvais génie nommé Erlik ou le diable, qui, avec son nez en


trompe, flaire les mourants. Dès qu’un malade n’offre plus d’espoir, les guéloungs (leurs prêtres) ont recours à l’expédient du rachat, en présentant à l’Erlik, qui s’obstine à ne pas se montrer, une poupée d’argile comme offrande. Pour conserver la vie d’un kan ou de quelque autre chef important, si l’opiniâtreté de la maladie prouve clairement que l’Erlik est décidé à s’emparer du malade, on cherche parmi ses subordonnés un individu qui, par attachement, soit disposé à se sacrifier pour lui. Des exemples d’un pareil dévouement ne sont pas rares chez les Kalmouks. Celui qui se détermine à sauver des griffes de l’Erlik un chef atteint d’une affection mortelle reçoit le nom, les habillements les plus riches et l’armure complète du malade ; on tâche de lui donner extérieurement la plus grande ressemblance avec lui ; il monte son cheval favori, couvert d’une selle brillante ; et aux sons guerriers de la trompette et d’autres instruments, escorté par le peuple et les guélongs qui font les prières prescrites pour un tel cas, il est conduit autour de l’houroul (temple de l’idole), et puis on le poursuit à grands cris comme un andyne (exclu). L’andyne peut cependant se naturaliser dans un autre oulousse (village) ; il peut même s’y marier ; mais il conserve le nom d’andyne et le transmet à ses enfants. Toutefois cet usage se perd, et on substitue des andynes d’argile ou de farine aux andynes vivants. — Indépendamment de ces artifices, les guéloungs se servent d’autres expédients. Dans le but de satisfaire leur avidité, ils réussissent quelquefois à persuader au malade que son âme s’est déjà séparée du corps, et qu’il faut attribuer aux derniers efforts de sa force vitale ce qui lui reste encore de connaissance et de respiration. Cependant ils lui laissent l’espoir qu’il est possible de réunir son âme à son corps, alors que l’infortuné offre tout ce qu’il possède pour prolonger ses jours. Le guéloung semble faire des efforts pour rappeler l’âme, d’abord en faisant entendre le son d’instruments à vent ; puis il sort de la kibithé (tente), fait des signes à l’âme qui s’enfuit et l’invite en lui criant : « Reviens sur tes pas, si tu ne veux être dévorée par les loups. » Le malade, flottant entre la crainte et l’espérance, demande le résultat de ces efforts, et le guéloung répond : « Tout va bien ; l’âme se montre déjà dans le lointain et semble disposée à revenir. » Il continue ainsi à flatter son malade jusqu’à sa mort ou jusqu’à son rétablissement. Dans ce dernier cas il le félicite de l’heureux retour de son âme ; mais si l’événement est contraire, il assure aux parents du défunt que l’âme était sur le point de revenir, quand le méchant Erlik employa un artifice inattendu qu’il raconte en détail.

Si dans une maladie grave un homme tombe dans le délire et prononce des paroles inintelligibles, les assistants ne manquent pas de croire que l’Erlik le tourmente et veut lui ravir son âme. Alors ils font non-seulement dans la kibithé, mais aussi au dehors, un bruit effroyable ; ceux qui se trouvent auprès du malade s’arment de tout ce qui leur tombe sous les mains, courent de tous les côtés en jetant de grands cris, frappent l’air et s’efforcent de chasser le mauvais génie, encouragés d’ailleurs par l’exemple et les exhortations des guéloungs[41].

Erlik-Khan, prince des enfers ; il a une tête de buffle ornée de cornes et un collier de crânes autour du cou. Quelquefois il prend une tête d’homme, car il en a deux à son usage. Quand il fait l’homme, il tient dans l’une de ses quatre au pays mains un sceptre surmonté d’une tête de mort. Sa femme s’appelle Samorindo ou Samoundo.

Éroconopes, peuples imaginaires que Lucien représente comme d’habiles archers, montés sur des moucherons monstres.

Érocordacès, autre peuple imaginaire que le même auteur représente combattant avec des raves en guise de flèches.

Éromantie, une des six espèces de divinations pratiquées chez les Perses par le moyen de l’air. Ils s’enveloppaient la tête d’une serviette, exposaient à l’air un vase rempli d’eau et proféraient à voix basse l’objet de leurs vœux. Si l’eau venait à bouillonner, c’était un pronostic heureux.

Érotylos, pierre fabuleuse dont Démocrite et Pline après lui vantent la propriété pour la divination.

Erouniakcha. Dans la mythologie hindoue, c’est un fils de Diti, mère des génies malfaisants. Un jour il prit le monde et le jeta dans la mer. Nous ne chargeons pas, nous copions. Vichnou irrité revêtit pour le combattre la forme d’un sanglier ; ce qui est sa troisième incarnation. Il éventra le fils de Diti et remit le monde à sa place. Voilà des dogmes !

Erreurs populaires. Lorsque le Dante publia son Enfer, la simplicité de son siècle le reçut comme une véritable narration de sa descente dans les sombres manoirs. À l’époque où l’utopie de Thomas Morus parut pour la première fois, elle occasionna une plaisante méprise. Ce roman poétique donne le modèle d’une république imaginaire dans une île qui est supposée avoir été nouvellement découverte en Amérique. Comme c’était le siècle, dit Granger, Buddée et d’autres écrivains prirent le conte pour une histoire véritable et regardèrent comme une chose importante qu’on envoyât des missionnaires dans cette île. — Ce ne fut que longtemps après la publication des Voyages de Gulliver, par Swift, qu’un grand nombre de ses lecteurs demeurèrent convaincus qu’ils étaient fabuleux[42].

Les erreurs populaires sont en si grand nombre qu’elles ne tiendraient pas toutes dans ce livre. Nous ne parlerons pas des erreurs physiques ou des erreurs d’ignorance : nous ne nous élèverons ici que contre les erreurs enfantées par les savants. Ainsi Cardan eut des partisans lorsqu’il débita que, dans le nouveau monde, les gouttes d’eau se changent en petites grenouilles vertes. Cédrénus a écrit très-merveilleusement que tous les rois francs de la première race naissaient avec l’épine du dos couverte et hérissée d’un poil de sanglier. Le peuple croit fermement, dans certaines provinces, que la louve enfante, avec ses louveteaux, un petit chien qu’elle dévore aussitôt qu’il voit le jour. — Voy. la plupart des articles de ce dictionnaire.

Érus ou Er, fils de Zoroastre. Platon assure qu’il sortit de son tombeau douze jours après avoir été brûlé sur un bûcher, et qu’il conta beaucoup de choses sur le sort des bons et des méchants dans l’autre monde.

Escalibor, épée merveilleuse du roi Arthus.

Escamotage. On l’a pris quelquefois pour la sorcellerie ; le diable, dit Leloyer, s’en est souvent mêlé. Delrio (liv. II, quest.) rapporte qu’on punit du dernier supplice, à Trêves, une sorcière très-connue qui faisait venir le lait de toutes les vaches du voisinage en un vase placé dans le mur. Sprenger assure pareillement que certaines sorcières se postent la nuit dans un coin de leur maison, tenant un vase devant elles ; qu’elles plantent un couteau ou tout autre instrument dans le mur ; qu’elles tendent la main pour traire, en invoquant le diable, qui travaille avec elles à traire telle ou telle vache qui paraît la plus grasse et la mieux fournie de lait ; que le démon s’empresse de presser les mamelles de la vache et de porter le lait dans l’endroit où se trouve la sorcière, qui l’escamote aussi. Dans nos villages, les escamoteurs ont encore le nom de sorciers. Mais il y a mieux qu’eux :

« Faisant route de Bombay à Pounah (en 1839), dit M. Théodore Pavie[43], je m’arrêtai à Karli pour visiter le temple souterrain creusé dans la colline qui fait face au village ; et pendant la chaleur du jour je me reposais sous l’ombrage des cocotiers, si beaux en ce lieu, quand je vis s’avancer, au bruit d’instruments discordants, une bande d’Hindous. L’un d’eux tenait dans chaque main une cobra-capella, la plus terrible espèce de serpents dont l’Inde puisse se vanter, et en outre il portait en sautoir un énorme boa. Arrivé près de moi, le jongleur jeta ses serpents à terre, les fit courir, irrita les cobras, qui découlaient leurs anneaux d’une manière effrayante, embrassa son boa ; puis il se prit à les faire danser tous les trois au son d’un flageolet singulier qui se touchait comme une vielle, bien qu’il fût formé d’une calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes avaient disposé tout leur établissement sur la poussière ; le tambourin rassemblait les enfants du village, et bientôt se forma un cercle considérable de spectateurs de dix ans et au-dessous : les plus petits nus, les autres portant une ceinture, et tous accroupis dans l’attente des grandes choses qui se préparaient.

» Ce jongleur avait toute la volubilité d’expressions d’un saltimbanque européen. Il s’exprimait très-clairement, en bon hindoustani, bien qu’il se trouvât en pays mahratte ; mais le public semblait n’y rien perdre, tant ses gestes et ses gambades étaient inintelligibles. D’abord il posa par terre une marionnette, soldat portant le sabre et l’arc. À l’entendre, c’était un sipahi, un grand chasseur, un tueur de lions, de tigres, de gazelles… Bientôt, à son commandement, la marionnette lança une flèche et renversa le but disposé devant elle, non pas une fois, mais à plusieurs reprises, à la satisfaction évidente de la jeune assemblée.

» Ce n’était là qu’un préambule, les bagatelles de la porte ! Le jongleur prit une poignée de blé noir (djouari), la mit dans un manteau ; puis, quand on eut bien secoué le manteau, bien vanné le grain, il se trouva changé en un beau riz blanc, pur, prêt à faire un karry. Je n’y avais rien compris, et je commençais à rentrer dans mes habitudes de crédulité lorsque l’escamoteur ambulant étala une seconde marionnette

Escamoleur indien.


longue de six pouces au plus et de la grosseur du poignet. Cette informe poupée épouvanta grandement la partie la plus naïve du public ; mais quelle ne fut pas la surprise générale quand de ce morceau de bois caché sous un mouchoir sortirent successivement jusqu’à quatre gros pigeons ! Ils devaient y être contenus d’avance, à moins de sortilège… Quant à moi, j’aurais eu peine à y introduire quatre moineaux. Notre jongleur accompagnait ses tours de mantras (prières magiques) et traçait des cercles avec sa baguette. Mais il avait sur ses confrères d’Europe un avantage, ou plutôt une supériorité bien marquée ; car il opérait sur le sol, sans table ni gobelets, et complètement nu, sauf le turban et la ceinture que les Hindous ne quittent jamais : donc, pas de manches, pas de gibecière. Son cabinet consistait en quelques mauvais paniers de bambou, destinés à porter les serpents qu’il escamotait aussi et faisait paraître et disparaître avec une telle adresse que le plus fin n’y eût rien compris. Ainsi d’un mouchoir déroulé, secoué et mis au vent comme un pavillon, je le vis faire sortir une de ces cobras laissée dans un panier près de moi, à une très-grande distance du lieu où il se trouvait ; en sorte que, voyant le nid de l’animal entièrement vide, je soupçonnai qu’il s’était frayé un chemin sous terre.

» Cependant les tours de magie continuaient sans interruption. Le jongleur tenait à la main une cruche aussi impossible à vider que le tonneau des Danaïdes l’était à remplir : il versait l’eau à terre, la jetait dans son oreille et la rendait par la bouche, s’administrait des douches sur la tête, et toujours le vase était plein jusqu’au bord. Ensuite il tira de son sac une paire de pantoufles de bois plus larges que la plante de ses pieds. Après bien des discours et des charges, il finit par faire adhérer à ses talons nus ces semelles très-polies, et fit plus de gambades avec de telles chaussures que n’en pourraient faire à l’Opéra de jolis petits pieds chaussés d’élégants escarpins. Tantôt il s’élevait en l’air ; tantôt il frappait la pantoufle sur la terre, de manière à la faire tomber ; mais jamais elle ne glissait. Ce fut encore là une chose inexplicable pour moi ; car il n’avait appliqué à ses pieds aucune substance collante, et il pouvait à volonté lâcher ces pantoufles unies comme la glace.

» Enfin la séance se termina par une expérience plus surprenante encore que, par cette raison sans doute, notre magicien gardait pour la dernière. L’un des joueurs de tambourins, grand garçon d’une belle taille, se laissa attacher les pieds, lier les mains derrière le cou et enfermer dans un filet à poissons bien serré par une douzaine de nœuds. Dans cet état, après l’avoir promené autour du cercle des spectateurs, on le conduisit près d’un panier de deux pieds de haut sur quatorze pouces de large. « — Voulez-vous que je le jette dans l’étang ? demanda le chef de bande. C’est un vaurien ; le voilà bien lié ; l’occasion est bonne : j’ai envie de m’en défaire ! »

» Et l’auditoire crédule se tournait déjà du côté de cette pièce d’eau ombragée d’arbres magnifiques et creusée au bas de la pagode pour les ablutions et les besoins du village. — Non, dit en s’interrompant le jongleur, après une minute de réflexion ; je vais l’escamoter, l’envoyer… où vous voudrez : à Pounah, à Dehli, à Ahmed-Nagar, à Bénarès !

» Et sur-le-champ il enleva le patient, toujours incarcéré dans son filet, et le plaça au fond du panier, en rabattant le couvercle sur sa tête ; il s’en fallait de plus de trois pieds que les bords se joignissent. On jeta un manteau sur le tout.

» Insensiblement le volume diminua, s’affaissa ; on vit voler en l’air le filet et les cordes qui attachaient le jeune Hindou ; puis le panier se ferma de lui-même, et une voix qui semblait sortir des nues cria : — Adieu !

» — Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est envolé ; Our-Gaya ! Our-Gaya ! répéta le jongleur avec transport ; il ne saurait tenir dans un aussi petit espace (et cela paraissait physiquement impossible). Je vais donc attacher le panier et prendre congé de l’assemblée.

» Le paquet fut ficelé ; il ne restait plus qu’à le mettre sur le dos du buffle destiné à porter les bagages de la troupe. — Un instant ! reprit subitement le jongleur ; si pourtant il était dans le panier ! Qui sait ? — Et là-dessus, tirant un long sabre, il traversa le panier presque par le milieu… Le sang coula en abondance… l’anxiété était à son comble… lorsque tout à coup le couvercle se lève de nouveau, et d’un bond le grand garçon saute hors de sa niche frais et dispos, sans la moindre égratignure !

» Ce tour est simple, très simple, dira-t-on ; mais se débarrasser des cordes et du filet, se cacher dans un si petit espace, y rester un quart d’heure sans broncher, et de telle façon que le sabre ne puisse rencontrer quelque membre à entamer, ce sont là des prodiges de dextérité, de souplesse et de patience que l’on ne peut concevoir, surtout quand on les a vus.

» Après ce nec plus ultra de la science, les jongleurs firent leurs paquets et se mirent en marche vers Nagapour, leur patrie. Je les vis se perdre dans la foule de bœufs chargés que des troupes de mahrattes, tribus ambulantes traînant avec eux armes et bagages, femmes et enfants, conduisent dans l’intérieur. La foule se dispersa peu à peu[44]. » Escargots. On ne voit nulle part que ces honnêtes créatures aient jamais figuré au sabbat. Mais il paraît qu’elles ont aussi leur côté mystérieux, et qu’elles pourraient, quand les études dont s’occupent les savants auront abouti, faire concurrence au télégraphe électrique. On a donc proposé en 1850 un procédé qui se mûrit, c’est la boussole pasilalinique-sympathique. Si vous trouvez ce nom bizarre, l’agent de cette boussole ne l’est pas moins ; c’est l’escargot. Deux amis séparés par de grandes distances se seront munis chacun d’un escargot de même espèce, les auront magnétisés ensemble pour établir la sympathie ; puis l’ami resté à Paris chargera son


escargot des nouvelles qu’il veut transmettre à son ami installé à Pékin, et ce dernier répondra de la même manière ; par quels moyens faciles ? nous l’ignorons ; mais en mars de la présente année, les journaux disaient qu’on était à la veille de résultats satisfaisants, et les spiriles affirment que cette découverte se rattache à ce que nos pères appelaient la magie naturelle. Un Américain prétend même que les escargots magnétisés parleront, ou bien un esprit, de ceux qui tiennent aux tables, pourra parler pour eux.

Eschyle, tragique grec à qui on avait prédit qu’il mourrait de la chute d’une maison, ce qui fit qu’il s’alla loger en pleine campagne ; mais le conte ajoute qu’un aigle qui portait une tortue entre ses griffes la laissa tomber sur la tête chauve du poëte, pensant que ce fût un rocher, et la prédiction s’accomplit.

Esdras, pour les écrits cabalistiques qu’on lui attribue, voy. Pic de la Mirandole[45].

Eskthirnir, daim monstrueux des mythologies Scandinaves. C’est de ses cornes que s’échappent les fleuves qui circulent sur la terre.

Espagnet (Jean d’), philosophe hermétique, qui a fait deux traités intitulés, l’un Enchiridion de la physique l’établie, l’autre Secret de la philosophie hermétique[46] ; encore lui conteste-t-on ce dernier, que l’on attribue à un inconnu qui se faisait appeler le Chevalier Impérial[47]. Le Secret de la philosophie renferme la pratique du grand œuvre, et l’Enchiridion la théorie physique sur laquelle repose la transmutabilité des métaux. D’Espagnet est encore auteur de la préface qui précède le Traité de l’inconstance des démons de Pierre Delancre. On lit dans cette préface que les sorcières ont coutume de voler les petits enfants pour les consacrer au démon.

Espagnol (Jean l’), docteur en théologie, grand prieur de Saint-Remi de Reims, auteur d’un livre intitulé Histoire notable de la conversion des Anglais, etc., in-8o, Douai, 1614 — La vingtième annotation, qui commence à la page 206 et va jusqu’à la page 306, est un traité sur les apparitions des esprits, où avec des choses passables et médiocres on trouve de bonnes observations[48].

Esprits. Les anciens ont cru que les esprits, qu’ils appelaient démons ou génies, étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Apulée, même chaque famille et chaque homme, a son esprit qui le guide et qui veille sur sa conduite. Tous les peuples avaient du respect pour eux et les Romains les révéraient. Ils n’assiégeaient les villes et n’entreprenaient leurs guerres qu’après que leurs prêtres avaient invoqué le génie du pays. Caligula même fit punir publiquement quelques-uns de ceux qui les avaient maudits[49]. Des philosophes se sont imaginé que les âmes des morts, dès qu’elles étaient séparées de leurs corps, erraient incessamment sur la terre. Ce sentiment leur paraissait d’autant plus vraisemblable, qu’ils se vantaient de voir des spectres auprès des tombeaux, dans les cimetières et dans les lieux où l’on avait tué quelques personnes. « Les esprits, dit Wecker, sont les seigneurs de l’air ; ils peuvent exciter les tempêtes, rompre les nues et les transporter où ils veulent avec de grands tourbillons, enlever l’eau de la mer, en former la grêle et tout ce que bon leur semble. »

Il y a dans l’intérieur de l’Amérique septentrionale des peuplades sauvages qui croient que lorsqu’un homme est enterré sans qu’on place auprès de lui tout ce qui lui a appartenu, son esprit revient sous forme humaine, et se montre sur les arbres les plus près de sa maison armé d’un fusil ; on ajoute qu’il ne peut jouir du repos qu’après que les objets qu’il réclame ont été déposés dans sa tombe. Les Siamois admettent une multitude d’esprits répandus dans l’air ; leur puissance est fort grande et ils sont très-malfaisants. On trace certaines paroles magiques sur des feuilles de papier pour se prémunir contre leur malice. Lorsqu’on prépare une médecine, on garnit le bord du vase d’un grand nombre de ces papiers, de peur que les esprits n’emportent la vertu des remèdes. Les auteurs cabalistiques prétendent que les esprits sont des créatures matérielles, composées de la substance la plus pure des éléments ; que plus cette matière est subtile, plus ils ont de pouvoir et d’action. Ces auteurs en distinguent de deux sortes, de supérieurs et d’inférieurs : les supérieurs sont ou célestes ou aériens ; les inférieurs sont ou aquatiques ou terrestres. Ceux qui ont cru que ces esprits étaient des créatures matérielles les ont assujettis à la mort comme les hommes. Cardan dit que les esprits qui apparurent à son père lui firent connaître qu’ils naissaient et qu’ils mouraient comme nous ; mais que leur vie était plus longue et plus heureuse que la nôtre.

Voici de petits traits d’esprits : Guillaume de Paris écrit que, l’an 1447, il y avait un esprit à Poitiers dans la paroisse de Saint-Paul, lequel rompait vitres et verrières et frappait à coups de pierres sans blesser personne[50]. Caesarius raconte que la fille d’un prévôt de Cologne était si tourmentée d’un esprit malin qu’elle en devint frénétique. Le père fut averti de faire aller sa fille au delà du Rhin et de la changer de lieu, ce qu’il fit. L’esprit fut obligé d’abandonner la fille, mais il battit tant le père qu’il en mourut trois jours après[51]. Cet esprit pouvait bien être un corps. — Au commencement du règne de Charles IV, dit le Bel, l’esprit d’un bourgeois mort depuis quelques années parut sur la place publique d’Arles en Provence ; il rapportait des choses merveilleuses de l’autre monde. Le prieur des jacobins d’Arles, homme de bien, pensa que cet esprit pouvait être un démon déguisé. Il se rendit sur la place ; soudain l’esprit découvrit qui il était et pria qu’on le tirât du purgatoire. Ayant ainsi parlé, il disparut, et comme on pria pour son âme, il ne fut oncques vu depuis[52].

En 1750 un officier du prince de Conti, étant couché dans le château de l’Ile-Adam, sentit tout à coup enlever sa couverture. Il la retire ; on renouvelle le manège tant qu’à la fin l’officier ennuyé jure d’exterminer le mauvais plaisant, met l’épée à la main, cherche dans tous les coins et ne trouve rien. Étonné, mais brave, il veut avant de conter son aventure éprouver encore le lendemain si l’importun reviendra. Il s’enferme avec soin, se couche, écoute longtemps et finit par s’endormir. Alors on lui joue le même tour que la veille. Il s’élance du lit, renouvelle ses menaces et perd son temps en recherches. La crainte s’empare de lui ; il appelle un frotteur qu’il prie de coucher dans sa chambre, sans lui dire pour quel motif. Mais l’esprit, qui avait fait son tour, ne paraît plus. La nuit suivante il se fait accompagner du frotteur, à qui il raconte ce qui lui est arrivé, et ils se couchent tous deux. Le fantôme vient bientôt, éteint la chandelle qu’ils avaient laissée allumée, les découvre et s’enfuit. Comme ils avaient entrevu cependant un monstre difforme, hideux et gambadant, le frotteur s’écria que c’était le diable et courut chercher de l’eau bénite. Mais au moment qu’il levait le goupillon pour asperger la chambre, l’esprit le lui enlève et disparaît… Les deux champions poussent des cris ; on accourt, on passe la nuit en alarmes, et le matin on aperçoit sur le toit de la maison un gros singe qui, armé du goupillon, le plongeait dans l’eau de la gouttière et en arrosait les passants.

En 1210 un bourgeois d’Épinal, nommé Hugues, fut visité par un esprit qui faisait des choses merveilleuses, et qui parlait sans se montrer. On lui demanda son nom et de quel lieu il venait. Il répondit qu’il était l’esprit d’un jeune homme de Clérentine, village à sept lieues d’Épinal, et que sa femme vivait encore. Un jour Hugues ayant ordonné à son valet de seller son cheval et de lui donner à manger, le valet différa de faire ce qu’on lui commandait ; l’esprit fit son ouvrage au grand étonnement de tout le monde. Un autre jour Hugues, voulant se faire saigner, dit à sa fille de préparer des bandelettes. L’esprit alla prendre une chemise neuve dans une autre chambre, la déchira par bandes et vint la présenter au maître en lui disant de choisir les meilleures. Un autre jour la servante du logis ayant étendu du linge dans le jardin pour le faire sécher, l’esprit le porta au grenier et le plia plus proprement que n’aurait pu faire la plus habile blanchisseuse. Ce qui est remarquable, c’est que pendant six mois qu’il fréquenta cette maison, il n’y lit aucun mal à personne et ne rendit que de bons offices, contre l’ordinaire de ceux de son espèce. Voy. Hecdekin.

Sur la fin de l’année 1746 on entendit comme des soupirs qui partaient d’un coin de l’imprimerie du sieur Lahard, l’un des conseillers de la ville de Constance. Les garçons de l’imprimerie n’en firent que rire d’abord. Mais dans les premiers jours de janvier on distingua plus de bruit qu’auparavant. On frappait rudement contre la muraille, vers le même coin où l’on avait d’abord entendu des soupirs ; on en vint jusqu’à donner des soufflets aux imprimeurs et à jeter leurs chapeaux par terre. L’esprit continua son manège pendant plusieurs jours, donnant des soufflets aux uns, jetant des pierres aux autres ; en sorte que les compositeurs furent obligés d’abandonner ce coin de l’imprimerie. Il se fit alors beaucoup d’autres tours, dans lesquels les expériences de la physique amusante entrèrent probablement pour beaucoup, et enfin cette farce cessa sans explication. Voy. Revenants, Apparitions, Drolles, etc.

Voici l’histoire d’un esprit qui fut cité en justice : — En 1761 un fermier de Southams, dans le comté de Warwick (Angleterre), fut assassiné en revenant chez lui. Le lendemain un voisin vint trouver la femme de ce fermier et lui demanda si son mari était rentré ; elle répondit que non et qu’elle en était dans de grandes inquiétudes. — Vos inquiétudes, répliqua cet homme, ne peuvent égaler les miennes, car comme j’étais couché cette nuit sans être encore endormi, votre mari m’est apparu, couvert de blessures et m’a dit qu’il avait été assassiné par son ami John Dick et que son cadavre avait été jeté dans une marnière. La fermière alarmée fit des perquisitions. On découvrit dans la marnière le corps blessé aux endroits que le voisin avait désignés. Celui que le revenant avait accusé fut saisi et mis entre les mains des juges, comme violemment soupçonné de meurtre. Son procès fut instruit à Warwick ; les jurés l’auraient condamné aussi témérairement que le juge de paix l’avait arrêté, si lord Raymond, le principal juge, n’avait suspendu l’arrêt. — Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que vous donnez plus de poids au témoignage d’un revenant qu’il n’en mérite. Quelque cas qu’on fasse de ces sortes d’histoires, nous n’avons aucun droit de suivre nos inclinations particulières sur ce point. Nous formons un tribunal de justice, et nous devons nous régler sur la loi ; or je ne connais aucune loi existante qui admette le témoignage d’un revenant, et quand il y en aurait une qui l’admettrait, le revenant ne paraît pas pour faire sa déposition. Huissier, ajouta-t-il, appelez le revenant. Ce que l’huissier fit par trois fois sans que le revenant parût. — Messieurs, continua lord Raymond, le prisonnier qui est à la barre est, suivant le témoignage de gens irréprochables, d’une réputation sans tache, et il n’a point paru dans le cours des informations qu’il y ait eu aucune espèce de querelle entre lui et le mort. Je le crois absolument innocent, et comme il n’y a aucune preuve contre lui, ni directe ni indirecte, il doit être renvoyé. Mais par plusieurs circonstances qui m’ont frappé dans le procès, je soupçonne fortement la personne qui a vu le revenant d’être le meurtrier, auquel cas il n’est pas difficile de concevoir qu’il ait pu désigner la place, les blessures, la marnière et le reste sans aucun secours surnaturel ; en conséquence de ces soupçons, je me crois en droit de la faire arrêter jusqu’à ce que l’on fasse de plus amples informations. — Cet homme fut effectivement arrêté ; on fit des perquisitions dans sa maison ; on trouva les preuves de son crime, qu’il avoua lui-même à la fin, et il fut exécuté aux assises suivantes.

Esprits élémentaires. Les cabalistes, qui s’obstinent à ne reconnaître que quatre éléments : l’air, le feu, l’eau et la terre, peuplent ces éléments d’esprits divers. Les salamandres habitent le feu ; les sylphes, l’air ; les gnomes, la terre ; l’eau est le séjour des ondins ou nymphes. Voy. ces mots. Les cabalistes, cherchant les mystères du grand œuvre dans toutes les figures, les trouvent jusque dans les cartes. Suivant ces doctes, les carreaux sont les salamandres ; les cœurs, les sylphes ; les trèfles, les ondins, et les piques, les gnomes.

Esprits familiers. Scaliger, Cecco d’Ascoli, Cardan et plusieurs autres visionnaires ont eu, comme Socrate, des esprits familiers. Bodin dit avoir connu un homme qui était toujours accompagné d’un esprit familier, lequel lui donnait un petit coup sur l’oreille gauche quand il faisait bien et le tirait par l’oreille droite quand il faisait mal. Cet homme était averti de la même façon si ce qu’il voulait manger était bon ou mauvais, s’il se trouvait avec un honnête homme ou avec un coquin, etc. C’était très-avantageux.

Esprits follets. Voy. Feux follets.

Esprits frappeurs. Depuis les précédentes éditions de ce livre, des faits nouveaux sont venus jeter de grandes lumières sur les esprits. Tout le monde sait aujourd’hui qu’on peut les évoquer par divers procédés, et notamment au moyen de tables qu’ils animent. Ces tables dès lors frappent, tournent, s’agitent, marchent, gesticulent et répondent aux questions. C’est aux États-Unis que Dieu a permis d’abord ces manifestations. Elles ont éclaté bientôt partout, comme pour confirmer ces paroles de saint Paul, que nous vivons entourés des puissances de l’air contre lesquelles nous avons à lutter. Les consciencieux ouvrages de M. Eudes de Mirville et de M. des Mousseaux ont parfaitement donné l’histoire de ces nouveaux prodiges. Mais leurs savants écrits ne peuvent pas être mis indifféremment dans toutes les mains. Il y a danger à se jouer avec les démons, et quoique les esprits frappeurs et parleurs se donnent quelquefois pour de bons anges ou pour des âmes d’honnêtes défunts, il ne faut pas s’y tromper. On voit dans saint Thomas que souvent les esprits se font passer pour des âmes dont ils prennent frauduleusement le nom, afin de ne pas effrayer tout d’abord[53]. Aussi l’Église catholique a-t-elle partout défendu ces coupables tentatives qui appellent les démons.

Sur ces faits nouveaux qui déconcertent la science humaine, voici le jugement d’un savant médecin, publié dans la Revue médicale :

« En ma qualité de chrétien, je crois sur la parole de l’Évangile que la foi, cette force de l’homme par excellence, peut faire qu’un mûrier planté sur une rive du fleuve, aille se planter sur l’autre rive. Je crois, sur la parole de saint Paul, qu’il y a des puissances répandues dans l’air, des esprits, des intelligences intermédiaires dont Dieu, le diable et l’homme peuvent provoquer l’intervention, pour produire dans le monde physique des phénomènes dont le physicien aura le droit d’être fort étonné… Quant à la question spéciale du fait réalisé, la quantité, et dans cette quantité la qualité des témoins qui l’attestent, me paraît suffisante pour obliger à l’admettre. Les tables ont donc tourné et parlé. Mais après la question de réalité vient pour moi la question de l’utilité des tables tournantes au beau milieu du dix-neuvième siècle. Selon moi, si un fait comme celui-là n’était pas utile, il aurait beau être possible, il ne se serait pas réalisé. Je crois donc qu’à l’époque où des corps bruts et inertes ont exécuté des mouvements et reproduit des signes d’intelligence, il y avait utilité à ce que cela eût lieu ainsi. Je ne sais pas, ignorant que je suis, tout ce à quoi pouvaient servir ces manifestations ; mais je sais que, lorsqu’elles ont paru, la science selon nos savants n’existait que pour et par l’observation : la science était l’observation même et l’observation sensuelle la plus grossière ! L’intelligence avait failli, dans ces temps de lumière menteuse, devenir inutile et superflue… Je connais des savants de la veille qui n’osent plus prononcer le mot observation depuis qu’ils ont observé des tables tournantes. Le fait était donc utile pour le rétablissement des droits de l’intelligence. En un mot, je crois que les tables ont tourné pour la mystification des savants, qui avaient dégradé la science jusqu’à la réduire à ce qu’ils appelaient l’observation sensuelle… »

Voici un fait très-singulier et en même temps assez remarquable pour donner à réfléchir au lecteur ; il est raconté par M. de Mirville dans son livre sur la Question des esprits : « M. le baron de N***, occupant une position officielle et considérable dans un des ministères de Paris, en nous permettant, à M. des Mousseaux et à nous, de raconter les faits qui vont suivre, a bien voulu y joindre la permission de le nommer verbalement. Nous rappelant parfaitement ses expressions, nous croyons pouvoir les reproduire avec la plus grande fidélité. — Nourri, nous dit-il, ou plutôt saturé de tout le scepticisme du dix-huitième siècle, doublé au dix-neuvième de celui que je tenais de ma propre nature, j’avais et j’aurais défié tous les prédicateurs du monde de pratiquer la moindre brèche a une pareille forteresse… Mais arrivèrent les tables ; les manier, les écouter et deviner tout le mystère ne fut pas long pour moi. Vous dire quelle révolution cette conviction nouvelle opéra dans mon esprit serait une chose impossible. Dès le premier instant, j’entrevis à quelles extrémités tout cela devait infailliblement me conduire, et je ne le cachai pas à ces convertisseurs d’un nouveau genre. — Savez-vous bien, leur disais-je, que vous travaillez contre vous ? Savez-vous que vous me mènerez tout droit à confesse ? — Non, non, répondirent-ils. — Mais si, si. — Non. — Si. — Non, je t’en empêcherai bien. — Et comment pensez-vous vous y prendre ? — Tu le verras. Le fait est que je remportai la victoire et que j’allai tout droit à ce qui les révoltait tant. Mais à partir de ce moment, leur vengeance fut atroce : je devins leur table à mon tour ; ils s’emparèrent de moi et l’identification fut complète. Je ne pensais plus par moi-même ; ce n’était plus moi qui parlais ; je souffrais tous les tourments de l’enfer et littéralement j’étais fou ou plutôt possédé. Mon désespoir était extrême, et je ne sais ce que tout cela fût devenu, sans la grande et prudente vertu du directeur que je m’étais donné. Grâce à lui, à la paix, à l’obéissance, au redoublement de prière et de confiance dans lesquels il avait su me maintenir, la possession disparut, et le dernier de ces cruels hôtes me quitta en me disant : — Adieu, tu l’emportes, mais nous te retrouverons sur ton lit et à l’heure de la mort ; c’est là que nous sommes tout-puissants. Depuis lors, messieurs, je me regarde comme sauvé, et suis le plus heureux des hommes. Néanmoins, un jour, je voulus encore essayer de tirer d’eux quelques vérités et peut-être quelque bien. — Donnez-nous, leur disais-je, quelque idée de la bonté divine. — Comment le voudrais-tu, puisqu’elle est infinie ? — Elle est infinie, et cependant tu souffres, malheureux ! — Cruellement… — Et toujours ? — Toujours… — Mais, misérable comme tu parais l’être, et Dieu étant bon comme tu le dis, si tu essayais de le fléchir !… Qui sait ? — Tu demandes encore là une chose absolument impossible. — Et pourquoi ? — Il ne saurait me pardonner, puisque je ne le veux pas ? — Et s’il te proposait l’anéantissement complet, accepterais-tu ? Après quelque hésitation, l’un des esprits répond : — Oui, parce que l’être est le seul bien que je tienne encore de lui, et qu’alors, ne lui devant plus rien, je serais quitte envers lui. Quant à l’autre : — Non, je n’accepterais pas, dit-il, parce que je n’aurais plus la consolation de le haïr. — Tu hais donc bien !… — Si je hais ! Mais mon nom est : la haine. Je hais tout ; je me hais moi-même… Quant à l’authenticité du récit, nous ferons remarquer pour la dernière fois que la permission de nommer équivaut à l’acte de signer. »

Ce qui doit sembler prodigieux à tout esprit qui n’est pas détraqué, c’est que les pays protestants voient s’élever dans leur sein le culte des esprits à la hauteur d’une religion. Les démons, qui ont déjà des temples à Genève, à New-York et ailleurs, se flatte sans doute de ramener le paganisme au sein des sociétés que les philosophes ont égarées. C’est du reste la fin et la clôture de toutes les époques de philosophie.

Citons encore un petit trait fort original, rapporté dans le journal français de New-York :

« Un jeune homme, fiancé à une jeune fille de Bordentown, où il demeurait, mourut vendredi dernier. Les deux promis et leurs familles étaient les uns et les autres de fermes croyants dans l’existence et les manifestations des esprits, ce qui leur suggéra l’idée la plus bizarre dont on ait entendu parler. Il fut résolu d’un commun accord que le mariage ne serait pas suspendu par la mort du futur, mais que son esprit, dégagé de l’enveloppe terrestre, serait néanmoins uni à l’esprit incarné dans le corps de la fiancée.

» Dimanche, en effet, la cérémonie a été célébrée entre la jeune fille, pleine de vie et de jeunesse, et le cadavre inanimé de son adorateur, dont l’esprit avait guidé ces absurdes prescriptions.

» Heureusement cette mêmerie impie ne saurait avoir d’effet qu’autant que la survivante le trouvera bon, car il n’est pas de loi au monde qui reconnaisse un pareil mariage. Lors donc que la première exaltation sera calmée, elle sera libre encore de reconnaître efficacement que, si l’union des esprits a quelque chose de séduisant, c’est surtout lorsqu’ils ont des corps animés pour leur servir d’intermédiaires. » Voy. Drépano, Hudemullen, Spiritisme, Tables tournantes, Wesley, Bortisme, etc.

Esséniens, secte célèbre parmi les Juifs. Les Esséniens avaient des superstitions particulières. Leurs devins prétendaient connaître l’avenir par l’étude des livres saints faite avec certaines préparations. Ils y trouvaient même la médecine et toutes les sciences, par des combinaisons cabalistiques.

Esterelle, fée. Voy. Fées.

Étang de la vie. Au sortir du pont où se fait la séparation des élus et des réprouvés, les docteurs persans font descendre les bienheureux dans cet étang dont les eaux sont blanches et douces comme le miel. Pour la commodité des âmes, il y a tout le long de l’étang des cruches en forme d’étoiles, toujours pleines de cette eau ; les fidèles en boiront avant d’entrer dans le paradis, parce que c’est l’eau de la vie éternelle, et que si l’on en boit seulement une goutte, on n’a plus rien à désirer.

Éternité. Boëce définit l’éternité : l’entière, parfaite et complète possession d’une manière d’exister, sans commencement, sans fin, sans aucune succession. Le latin est plus rapide : Interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio. L’éternité n’a point de parties qui se succèdent ; elle ne va point par le présent du passé au futur, comme fait le temps ; elle est un présent continuel. Voilà pourquoi, comme le remarquent les théologiens, Dieu dit en parlant de lui-même : Ego sum qui sum. L’éternité n’appartient qu’à Dieu ; elle ne peut être communiquée à aucune créature, puisque ce qui est créé a un commencement. Mais pourtant on dit l’éternité, pour désigner la vie future des intelligences créées, vie qui n’aura point de fin. Dans ce sens il y aura dans le ciel l’éternité de bonheur pour les justes et dans l’enfer l’éternité de peines pour les réprouvés. C’est un dogme que les cerveaux impies ont combattu, mais qu’ils n’ont pu ébranler ; et saint Thomas d’Aquin en a démontré la nécessité équitable.

Éternument. On vous salue quand vous éternuez, pour vous marquer, dit Aristote, qu’on honore votre cerveau, le siège du bon sens et de l’esprit. Cette politesse s’étend jusque chez les peuples que nous traitons de barbares. Quand l’empereur du Monomotapa éternuait, ses sujets en étaient avertis par un signal convenu, et il se faisait des acclamations générales dans tous ses États. Le père Famien Strada prétend que, pour trouver l’origine de ces salutations, il faut remonter jusqu’à Prométhée ; que cet illustre contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un rayon solaire dans une petite boîte pour animer sa statue, le lui insinua dans les narines comme une prise de tabac, ce qui la fit éternuer aussitôt. Les rabbins soutiennent que c’est à Adam qu’il faut faire honneur du premier éternument. Dans l’origine des temps, c’était, dit-on, un mauvais pronostic et le présage de la mort. Cet état continua jusqu’à Jacob, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi légère, pria Dieu de changer cet ordre de choses ; et c’est de là qu’est venu, selon ces docteurs, l’usage de faire des souhaits heureux quand on éternue. On a trouvé une autre raison de cette politesse ; c’est que, sous le pontificat de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie une sorte de peste qui se manifestait par des éternuments ; tous les pestiférés éternuaient ; on se recommanda à Dieu, et c’est de là qu’est venue l’opinion populaire que la


coutume de se saluer tire son origine d’une maladie épidémique qui emportait ceux dont la membrane pituitaire était stimulée trop vivement.

En général l’éternument chez les anciens était pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part, suivant les temps, les lieux et les circonstances. Un bon éternument était celui qui arrivait depuis midi jusqu’à minuit, et quand la lune était dans les signes du Taureau, du Lion, de la Balance, du Capricorne et des Poissons ; mais s’il venait de minuit à midi, si la lune était dans le signe de la Vierge, du Verseau, de l’Écrevisse, du Scorpion ; si vous sortiez du lit ou de la table, c’était alors le cas de se recommander à Dieu[54]. L’éternument, quand on l’entendait à sa droite, était regardé chez les Grecs et les Romains comme un heureux présage. Les Grecs, en parlant d’une belle personne, disaient que les amours avaient éternué à sa naissance. Les Siamois admettent un enfer. Ils disent que, dans cet affreux séjour, il y a des juges qui écrivent sûr un grand livre tous les péchés des hommes, que leur chef est continuellement occupé à parcourir ce recueil, et que les personnes dont il lit l’article ne manquent jamais d’éternuer au même instant. De là, disent-ils, est venue la coutume de souhaiter une longue vie ou l’assistance divine à ceux qui éternuent. Lorsque le roi de Sennaar éternuait, ses courtisans lui tournaient le dos, en se donnant de la main une claque sur la fesse droite.

Étienne. Un homme qui s’appelait Étienne avait la mauvaise habitude de parler à ses gens comme s’il eût parlé au diable, ayant toujours le diable à la bouche. Un jour qu’il revenait de voyage, il appela son valet en ces termes : — Viens ça, bon diable, tire-moi mes chausses. À peine eut-il prononcé ces paroles qu’une griffe invisible délia ses caleçons, fit tomber ses jarretières et descendit ses chausses jusqu’aux talons. Étienne, effrayé, s’écria : — Retire-toi, Satan, ce n’est pas toi, mais bien mon domestique que j’appelle. Le diable se retira sans se montrer, et maître Étienne n’invoqua plus ce nom[55].

Pour un autre Étienne, Voy. Guido.

Etna. Le christianisme chassa de l’Etna et des îles de Lipari Vulcain, les Cyclopes et les Géants. Mais les démons se mirent à leur place ; et quand on institua la fête des morts, afin d’enlever au purgatoire et de rendre au paradis une foule d’âmes souffrantes, on entendit, comme le raconte un saint ermite, des bruits affreux dans l’Etna et des détonations étourdissantes dans les îles voisines. C’était Satan et toute sa cour, Satan et tout son peuple de démons qui hurlaient de désespoir et redemandaient à grands cris les âmes que la nouvelle foi venait de leur ravir[56].

Ethnophrones, hérétiques du septième siècle, qui joignaient au christianisme les superstitions païennes, l’astrologie, les augures, les expiations, les jours heureux et malheureux, les divinations diverses.

Étoiles. Mahomet dit que les étoiles stables et les étoiles qui filent sont les sentinelles du ciel ; elles empêchent les diables d’en approcher et de connaître les secrets de Dieu. Les Romains voyaient des divinités dans les étoiles. Les Étéens observaient, un certain jour de l’année, le lever de l’étoile Sirius : si elle paraissait obscure, ils croyaient qu’elle annonçait la peste.

Étraphill, l’un des anges des musulmans. Il se tient toujours debout : c’est lui qui embouchera la trompette pour annoncer le jour du jugement.

Étrennes. Dans les temps reculés, chez nos pères, loin de se rien donner mutuellement dans les familles le premier jour de l’an, on n’osait même rien prêter à son voisin. Mais chacun mettait à sa porte des tables chargées de viandes pour les passants. On y plaçait aussi des présents superstitieux pour les esprits. Peut-être était-ce un reste de ce culte que les Romains rendaient, le premier jour de l’année, aux divinités qui présidaient aux petits cadeaux d’amis. Quoi qu’il en soit, l’Église fut obligée, sous Charlemagne, d’interdire les présents superstitieux que nos ancêtres déposaient sur leurs tables. Les canons donnent à ces présents le nom d’étrennes du diable.

Etteilla. On a publié sous ce nom déguisé, qui est l’anagramme d’Alliette, plusieurs traités de cartomancie.

Eubius, auteur d’un livre intitulé Apparitions d’Apollonius, ou Démonstration des apparitions d’aujourd’hui, in-4o, Amsterdam, 1735 (en latin).

Eucharistie. « L’épreuve par l’Eucharistie se faisait en recevant la communion. Ainsi Lotaire, roi de Lotharingie, jura, en recevant la communion de la main du pape Adrien II, qu’il avait renvoyé Valdrade, sa concubine ; ce qui était faux. Comme Lothaire mourut un mois après, en 868, sa mort fut attribuée à ce parjure sacrilège. Cette épreuve fut supprimée par le pape Alexandre II[57]. »

Euchites. Voy. Satanaki.

Eumèces, caillou fabuleux, ainsi nommé de sa forme oblongue, et que l’on disait se trouver dans la Bactriane. On lui attribuait la vertu d’apprendre à une personne endormie ce qui s’était passé pendant son sommeil, si elle avait dormi avec cette pierre posée sur sa tête.

Eurynome, démon supérieur, prince de la mort, selon quelques démonomanes. Il a de grandes et longues dents, un corps effroyable tout rempli de plaies, et pour vêtement une peau


de renard. Les païens le connaissaient. Pausanias dit qu’il se repaît de charognes et de corps morts. Il avait dans le temple de Delphes une statue qui le représentait avec un teint noir, montrant ses grandes dents comme un loup affamé et assis sur une peau de vautour.

Évangile de saint Jean. On croit dans les campagnes que celui qui porte sur soi l’Évangile de saint Jean, In principio erat Verbum, écrit sur du parchemin vierge, et renfermé dans un tuyau de plume d’oie, le premier dimanche de l’année, une heure avant le lever du soleil, sera invulnérable et se garantira de quantité de maux[58]. Voy. Cléidomangie.

Ève. Les musulmans et les talmudistes lui donnent, comme à notre premier père, une taille d’une lieue[59]. Voy. Adam et une singulière facétie au mot Paniers.

Évêque marin. On lit dans la Grande Chronique des Pays-Bas, sous l’année 1433, qu’on pécha cette année-là dans la mer du Nord un poisson qui avait la forme d’un homme mal dégrossi, une mitre en tête formée d’écaillés, et les nageoires disposées de manière à présenter la ressemblance des autres ornements d’un évêque qui officie. On ajoute qu’il se pouvait dresser sur ses pieds, qu’il se laissait toucher sans témoigner d’effroi ; mais qu’il manifestait un extrême désir de retourner à la mer. Aldovrandus, dans son livre des poissons, décrit un être tout semblable à celui que la Grande Chronique des Pays-Bas appelle l’évêque marin. Est-ce un conte ? est-ce un phénomène ?

Évocations. Celui qui veut évoquer le diable lui doit le sacrifice d’un chien, d’un chat ou d’une poule, à condition que ces trois animaux soient sa propriété. Il jure ensuite fidélité et obéissance éternelles et reçoit une marque au moyen de laquelle il jouit d’une puissance absolue sur trois esprits infernaux, l’un de la terre, l’autre de la mer, le troisième de l’air[60]. On se flatte de faire venir le diable en lisant certaines formules du Grimoire. Voy. Conjurations. — Deux chevaliers de Malte avaient un esclave qui se vantait de posséder le secret d’évoquer les démons et de les obliger à découvrir les choses cachées. On le conduisit dans un vieux château où l’on soupçonnait des trésors enfouis. L’esclave descendit dans un souterrain, fit ses évocations : un rocher s’ouvrit, et il en sortit un coffre. Il tenta plusieurs fois de s’en emparer ; mais il n’en put venir à bout, parce que le coffre rentrait dans le rocher dès qu’il s’en approchait. Il vint dire aux chevaliers ce qui lui arrivait et demanda un peu de vin pour reprendre des forces. On lui en donna. Quelque temps après, comme il ne revenait point, on alla voir ce qu’il faisait ; on le trouva étendu mort, ayant sur toute sa chair des coups de canif représentant des croix. Les chevaliers portèrent son corps au bord de la mer et l’y précipitèrent avec une pierre au cou[61]. — Sur l’évocation des âmes, voy. Nécromancie, Tables tournantes, etc.

Exael, le dixième des premiers anges. Il apprit aux hommes, selon le livre d’Enoch, l’art de fabriquer les armes et les machines de guerre, les ouvrages d’or et d’argent qui plaisent aux femmes ; il leur enseigna l’usage des pierres précieuses et du fard.

Exagération. Il y en a beaucoup dans la plupart des juges laïques qui ont écrit sur les sorciers et qui ont vu trop généralement des crimes où il n’y avait souvent que démence ou maladie. Cependant le mal diabolique, malum dœmoniacum, était si répandu à certaines époques qu’il est permis de leur trouver là des excuses. Les juges ecclésiastiques ont pourtant toujours été beaucoup plus indulgents. Voy., à la fin de l’article Sorciers, les prescriptions de la cour romaine, et comparez-les au code des sorciers de Boguet.

Excommunication. Il y a eu quelquefois des abus de la part des hommes dans l’usage des excommunications ; et on est parti de là pour crier contre ces excommunications, qui ont rendu cependant de si grands services à la société dans des siècles barbares. Mais on ne trouverait pas facilement dans toute l’histoire un excommunié frappé régulièrement par le saint-siége qui ait prospéré jusqu’au bout[62]. On lit dans les Menées des Grecs, au 16 octobre, « qu’un religieux du désert de Scélé, ayant été excommunié par son supérieur pour quelque désobéissance, sortit du désert et vint à Alexandrie, où il fut arrêté par le gouvernement de la ville, dépouillé du saint habit, puis vivement sollicité de sacrifier aux faux dieux. Le solitaire résista généreusement ; il fut tourmenté en diverses manières, jusqu’à ce qu’enfin on lui tranchât la tête ; on jeta son corps hors de la ville. Les chrétiens l’enlevèrent la nuit, et l’ayant enveloppé de linceuls l’enterrèrent dans l’église comme martyr. Mais pendant le saint sacrifice de la messe le diacre ayant crié tout haut à l’ordinaire : « Que les catéchumènes et ceux qui ne communient pas se retirent », on vit tout à coup le tombeau s’ouvrir de lui-même et le corps du martyr se retirer dans le vestibule de l’église. Après la messe il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un pieux vieillard ayant prié pendant trois jours apprit par révélation que ce religieux avait encouru l’excommunication pour avoir désobéi à son supérieur, et qu’il demeurait lié jusqu’à ce que ce même supérieur lui eût donné l’absolution. On alla donc au désert ; on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le cercueil du martyr et lui donna l’absolution ; après quoi il demeura en paix dans son tombeau[63]. » C’est là un fait merveilleux que nous ne prétendons pas donner comme fréquent.

Dans le second concile de Limoges, tenu en 1031, l’évêque de Cahors raconte une aventure qui lui était particulière et qu’il présenta comme toute récente : « Un chevalier de notre diocèse, dit ce prélat, ayant été tué dans l’excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l’absolution : je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte ; il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l’assistance des prêtres, dans une église dédiée à saint Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans aucune marque qui prouvât qu’on y eût touché. Les gentilshommes qui l’avaient enterré n’y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé ; ils l’enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d’une énorme quantité de terre et de pierres. Le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même chose arriva jusqu’à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l’excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane ; ce qui remplit les seigneurs voisins d’une si grande terreur qu’ils vinrent tous demander la paix[64]. »

Jean Bromton raconte dans sa chronique que saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, ayant dit devant tout le peuple, avant de commencer la messe : « Que nul excommunié n’assiste au saint sacrifice ! » on vit sortir aussitôt de l’église un mort qui était enterré depuis longues années. Après la messe, saint Augustin, précédé de la croix, alla demander à ce mort pourquoi il était sorti. Le défunt répondit qu’il était mort dans l’excommunication. Le saint pria cet excommunié de lui dire où était enterré le prêtre qui avait porté contre lui la sentence. On s’y transporta. Augustin conjura le prêtre de se lever : il le fit ; à la demande du saint évêque, il donna l’absolution à l’excommunié, et les deux morts retournèrent dans leurs tombeaux. » Les Grecs schismatiques croient que les corps excommuniés ne pourrissent pas en terre, mais qu’ils s’y conservent noirs et puants.

En Angleterre, le tribunal des doctors commons excommunie encore ; et, en 1837, il a frappé de cette peine un marchand de pain d’épices, nommé Studberry, pour avoir dit une parole injurieuse à un autre paroissien, dans une sacristie anglicane. Voy. Interdit.

Excréments. On sait que le dalaï-lama, chef de la religion des Tartares indépendants, est regardé comme un dieu. Ses excréments sont conservés comme des choses vénérables. Après qu’on les a fait sécher et réduire en poudre, on les renferme dans des boîtes d’or enrichies de pierreries, et on les envoie aux plus grands princes. Son urine est un élixir propre à guérir toute espèce de maladie. Dans le royaume de Boutan, on fait sécher également les plus grossières déjections du roi, et après les avoir renfermées dans de petites boites, on les vend dans les marchés pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjections, Fiente, Tanchelm, Vache, etc.

Exorcisme, conjuration, prière à Dieu et commandement fait au démon de sortir du corps des personnes possédées. Souvent il est seulement destiné à les préserver du danger. On regarde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes ; cependant la conjuration n’est que la formule par laquelle on commande au démon de s’éloigner ; l’exorcisme est la cérémonie entière[65]. — Les gens qui s’occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. Voy. Conjurations.

Voici une légende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Césaire d’Hesterbach[66] que « Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec deux de ses moines, fut obligé de tenir tête à une possédée. Il fit à l’esprit malin des questions auxquelles celui-ci répondit comme il lui plut. Le diable faisant autant de mensonges que de réponses, l’abbé s’en aperçut et le conjura de dire la vérité ; il obéit. Il apprit au bon abbé comment se portaient plusieurs défunts dont il voulait savoir des nouvelles. Un des frères qui l’accompagnaient voulut lier conversation avec le diable.

— Tais-toi, lui dit l’esprit malin, tu as volé hier douze sous à ton abbé ; ces douze sous sont maintenant dans ta ceinture. — L’abbé, ayant entendu ces choses, voulut bien en donner l’absolution à son moine ; après quoi il ordonna au diable de quitter la possédée.

» — Où voulez-vous que j’aille ? demanda le démon. — Je vais ouvrir ma bouche, répondit l’abbé, tu entreras dedans, si tu peux. — Il y fait trop chaud, répliqua le diable ; vous avez communié. — Eh bien ! mets-toi ici. Et l’abbé, qui était gai, tendait son pouce. — Merci, vos doigts sont sanctifiés. — En ce cas, vas où tu voudras, mais pars. — Pas si vite, répliqua le diable ; j’ai permission de rester ici deux ans encore…

» L’abbé dit alors au diable : — Montre-toi a nos yeux dans ta forme naturelle. — Vous le voulez ? — Oui. — Voyez.

» En même temps la possédée commença de grandir et de grossir d’une manière effroyable. En deux minutes elle était déjà haute comme une tour de trois cents pieds ; ses yeux devinrent ardents comme des fournaises et ses traits épouvantables. Les deux moines tombèrent évanouis ; l’abbé, qui seul avait conservé du courage, adjura le diable de rendre à la possédée la taille et la forme qu’elle avait d’abord. Il obéit encore et dit à Guillaume : — Vous faites bien d’être pur : car nul homme ne peut, sans mourir, me voir tel que je suis, s’il est souillé. » Voy. Pactes, Possessions, etc.

Expiation. Les anciens Arabes coupaient l’oreille à quelque animal et le lâchaient au travers des champs en expiation de leurs péchés.

— Un juif, dit Saint-Foix, s’arme d’un couteau, prend un coq, le tourne trois fois autour de sa tête et lui coupe la gorge en lui disant : — Je te charge de mes péchés ; ils sont à présent à toi : tu vas à la mort, et moi je suis rentré dans le chemin de la vie éternelle.

Extases. L’extase (considérée comme crise matérielle) est un ravissement d’esprit, une suspension des sens causée par une forte contemplation de quelque objet extraordinaire et surnaturel. Les mélancoliques peuvent avoir des extases. Saint Augustin fait mention d’un prêtre qui paraissait mort à volonté et qui resta mort, très-involontairement sans doute, dans une de ses expériences. S’il fit le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nommait Prétextât ; il ne sentait rien de ce qu’on lui faisait souffrir pendant son extase.

Les démonomanes appellent l’extase un transport en esprit seulement, parce qu’ils reconnaissent le transport en chair et en os, par l’aide et assistance du diable. Une sorcière se frotta de graisse, puis tomba pâmée sans aucun sentiment ; et trois heures après elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu’elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite avérées[67]. Le magnétisme fait tout cela.

Cardan dit avoir connu un homme d’église qui tombait sans vie et sans haleine toutes les fois qu’il le voulait. Cet état durait ordinairement quelques heures ; on le tourmentait, on le frappait, on lui brûlait les chairs sans qu’il éprouvât aucune douleur. Mais il entendait confusément, et comme à une distance très-éloignée, le bruit qu’on faisait autour de lui. Cardan assure encore qu’il tombait lui-même en extase à sa volonté ; qu’il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu’il ne sentait aucunement les douleurs.

Le père de Prestantius, après avoir mangé un fromage maléficié, crut qu’étant devenu cheval il avait porté de très-pesantes charges, quoique son corps n’eût pas quitté le lit ; et l’on regarda comme une extase produite par sortilège ce qui n’était qu’un cauchemar causé par une indigestion.

« Saint Augustin distingue deux sortes d’extases[68], l’une naturelle et l’autre surnaturelle, et cite comme appartenant à la première l’exemple d’un prêtre nommé Restitut, de l’église de Talama. Toutes les fois qu’on imitait devant lui la voix d’un homme qui se plaint, il perdait l’usage de ses sens et devenait semblable à un mort ; de sorte qu’on pouvait le piquer, le pincer ou même le brûler sans qu’il le sentît. Sa respiration s’arrêtait. Cependant, si on lui parlait sur un ton élevé, il lui semblait, disait-il, entendre des voix lointaines[69]. » Les extases naturelles sont généralement périodiques ou amenées par des causes spéciales. L’extase surnaturelle est à son tour de deux sortes : L’extase chrétienne et l’extase diabolique. De la première on peut voir beaucoup de faits dans la vie des saints. L’autre est souvent exposée dans les procédures de ces malheureux qui ont abandonné la cité de Dieu pour entrer dans la cité du diable. C’était souvent dans des extases que les sorcières assistaient au sabbat. Bodin raconte dans sa Démonomanie qu’en 1571 une sorcière emprisonnée à Bordeaux ayant avoué qu’elle allait au sabbat toutes les semaines, le magistrat Bélot la pria d’y aller devant lui. Elle répondit qu’elle n’en avait pas le pouvoir. Il la mit donc en liberté. Aussitôt elle s’oignit tout le corps d’un onguent dont l’effet fut tel qu’elle tomba comme morte. Le magistrat ne la quitta point. Elle revint à elle au bout de cinq heures et raconta beaucoup de choses toutes actuelles des lieux qu’elle avait parcourus. On fit prendre sur-le-champ des informations, et les déclarations de la sorcière furent trouvées véritables. — Les âmes des somnambules magnétisés font la même chose. Ce qui est la preuve de l’existence des âmes, à part des corps qu’elles occupent. Voy. Elfdal.

Ézéchiel. Les musulmans disent que les ossements desséchés que ranima le prophète Ézéchiel étaient les restes de la ville de Davardan, que la peste avait détruite et qu’il releva par une simple prière[70].


  1. Leloyer, Histoire des spectres, liv. IV, ch. xxi.
  2. Le P. Lebrun, Explication des cérém., t. I, p. 76.
  3. Bergier, Dictionnaire théologique.
  4. Boguet, Discours des sorciers, ch. xxii, p. 441, et Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, etc., liv. IV, dise, ni, p. 457.
  5. Secrets du Petit Albert, p. 462.
  6. Histoire des archevêques de Trêves, ch. lvii.
  7. 1 Legall, Calend. véritable, p. 46.
  8. Quand Lavater écrivait, on n’avait pas encore introduit l’écriture mécanique, dite écriture anglaise ou américaine.
  9. Polydore Virgile.
  10. Gorres, Mystique, liv. VII, ch. xi, d’après la Demonomania de Georges Seiler.
  11. Edoctus scopam sumere, et inter femora equitis instar ponere, quo volebat brevi momento, etc. Gaguin, liv. X.
  12. 3 Monstrelet, Alain Chartier, à l’année 1453.
  13. Monstrelet, cité par M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 407.
  14. Voyez Cadmus.
  15. Monthly Magazine, oct. 1825, p. 224.
  16. 2 Bodin, Démonomanie, liv. I, ch. iii, p. 88.
  17. Thomas Brown, Essai sur les erreurs populaires, liv. III, ch. {{rom|i, p. 241.
  18. M. Salgues, Des erreurs, etc., t. III, p. 196.
  19. M. Marmier, Traditions de la Baltique.
  20. Traditions populaires, dans la Quarterly Review.
  21. Voyez sa légende dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  22. Admirables secrets du Petit Albert, p. 165.
  23. Histoire des spectres, liv. III, ch. xiv.
  24. M. Salgues : Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 313.
  25. Lelover, Dict. et hist. des spectres, p. 415.
  26. M. Dufau, Contes irlandais.
  27. Voyez les Légendes de l’autre monde, pour servir à l’histoire du paradis, du purgatoire et de l’enfer.
  28. Gorres, Mystique, liv. VII, ch. {{rom|xxn, extrait des Acta Sanctorum, 19 mai. S. Dunstan.
  29. Wierus, De prœst. dœm., lib. II ; Bodin, Démonomanie, liv. III, ch. i.
  30. C’est l’histoire du comte Guillaume III, qu’on peut voir, détaillée, dans les Légendes infernales.
  31. Jean de Chassanion, huguenot, Des grands et redoutables jugements de Dieu, advenus au monde, p. 116.
  32. Gorres, Mystique, liv. V, ch. ii. Tiré de l’histoire, doctrine et noms de toutes les sectes juives qui ont existé autrefois et existent encore aujourd’hui, par Beer.
  33. Bergier, Dict. théologique, au mot Gnostiques.
  34. Leloyer, Hist. des spectres, ou Apparitions des esprits, liv. II, ch. v ; p. 197.
  35. Brown, Essai sur les erreurs, etc., liv. VII, ch. xxvii, p. 329.
  36. Lebrun, Histoire des pratiques superstitieuses, t. II, p. 128.
  37. Goldsmith, Essai sur les mœurs.
  38. Voyez cette histoire : Un pacte à Césarée, dans les Légendes infernales.
  39. Voyez sa légende, dans les Légendes des esprits (lutins, fées et démons).
  40. Wierus, De prœstigiis, lib. II, cap. ix.
  41. Extrait d’un voyage fait en 1832 et 1833 au pays des Kalmouks, par Nésédieff.
  42. Bertin, Curiosités de la littérature, t. I, p. 304.
  43. Les harvis et les jongleurs, écrit daté de Pounah, chez les Mahrattes, le 25 décembre 1839, publié par la Revue des Deux-Mondes.
  44. Voici une anecdote d’escamotage rapportée par la Chronique de Courtrai du 25 avril 1843.

    « Dans une des baraques, sur la Grand’Place, hier, pendant qu’un escamoteur exécutait ses tours, il vit un des assistants dérober fort adroitement le mouchoir de son voisin et s’en écarter aussitôt en allant se placer d’un autre côté. Il trouva là une occasion superbe de se donner du relief. — Monsieur, dit l’escamoteur titulaire à la victime du larcin, prêtez-moi, s’il vous plaît, votre foulard, je vais faire un tour des plus surprenants. Celui-ci s’empressa de mettre la main dans sa poche, et tout ébahi s’écria qu’il était volé, en dirigeant ses regards accusateurs sur ceux qui l’entouraient. — Volé ! s’écria l’escamoteur tout étonné ; eh bien, tant mieux ! mon tour en sera plus beau. — De quelle couleur est votre foulard ? — Rouge et jaune. — Bon, soyez tranquille, s’il est encore dans la salle, il vous reviendra. Et faisant tourner sa baguette sur le bout de ses doigts, il en arrêta le mouvement dans la direction de l’escamoteur de contrebande, et lui dit : — Le foulard est dans ta poche, rends-le. Cette apostrophe consterna le voleur, qui cependant se remit aussitôt, affecta une grande surprise et passa le mouchoir à son propriétaire aux, acclamations des spectateurs saisis d’admiration. La police fut avertie, le filou mis en prison et l’art du devin, prôné par toutes les bouches, ne cessa d’attirer une foule considérable à sa baraque pendant toute la journée. »

  45. Voyez, dans les Légendes de l’Ancien Testament, la légende d’Esdras.
  46. Enchiridon physicœ restituée. Arcanum philosophiœ hermeticœ.
  47. Ce chevalier, très-révéré des alchimistes, est mentionné souvent dans la Trompette française, petit volume contenant une Prophétie de Bombart sur la naissance de Louis XIV. On a du Chevalier impérial le Miroir des alchimistes, avec instructions aux dames pour dorénavant être belles sans plus user de fards venimeux, 1609. In-16.
  48. Lenglet-Dufresnoy, Catalogue des auteurs qui ont écrit sur les apparitions.
  49. Discours sur les esprits follets, Mercure galant, 1680.
  50. Bodin, Démonomanie des sorciers, liv. III, p. 393.
  51. Bodin, Démonomanie des sorciers, liv. III, p. 393.
  52. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits.
  53. Pour mieux venir à bout de leurs mauvais desseins, les démons, dit saint Thomas, feignent souvent d’être les âmes des morts : Fréquenter dœmones simulant se esse animas mortuorum. [Summa, p. 4, quest. cxvii, art. 4.)
  54. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés. Quelques savants, entre autres Perkains et Voet, ont blâmé la coutume de saluer l’éternument, parce que cette coutume nous est venue des Juifs et des gentils, comme si nous devions rejeter tous les usages honnêtes qui nous sont venus des uns et des autres. Ils ajoutent qu’elles doivent passer pour criminelles, puisque les Pères de l’Eglise les ont condamnées. Mais, ajoute Chevreau, « ils n’ont condamné que la superstition et les augures que l’on tirait d’éternuer le soir, le matin ou à minuit, à certaines heures, à droite ou à gauche, une fois ou deux, sous le signe du Bélier, du Taureau, du Sagittaire, du Capricorne, etc. ; et il ne faut que le sens commun pour être assuré que cela ne présage ni bien ni mal. Mais si nous souhaitons bonheur et santé à nos parents et à nos amis quand ils s’embarquent pour un long voyage, ou qu’ils entreprennent une grande affaire, où est le mal de leur dire : Dieu vous soit en aide ! quand ils éternuent, puisque l’éternument est une espèce de convulsion et d’épilepsie de courte durée ; qu’il est nuisible quand il est violent et redoublé ; que nous savons, des historiens et des médecins, qu’il a été suivi de la mort en quelques rencontres, et qu’il en est même quelquefois un signe ? »
  55. Gregorii Magni Dialog., lib. III, cap. xx.
  56. M. Didron, Histoire du diable.
  57. Bergier, Dictionnaire théologique.
  58. Thiers, Traité des superstitions, t. I.
  59. Voyez la légende d’Eve et d’Adam, dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  60. Danœus Fortianis.
  61. D. Calmet et Guyot-Delamarre.
  62. Voyez, dans les Légendes des commandements de Dieu, la Légende du chanoine de Liège, et dans les Légendes des commandements de l’Église, le paragraphe intitulé Ne touchez pas au Pape.
  63. D. Calmet, Dissertation sur les revenants, p. 329.
  64. Concil., t. IX, p. 902.
  65. Bergier, Dictionnaire théologique.
  66. Caesarii Heisterbach miracul., liv. V, ch. xxix, et Schellen, De diabol., liv. VII.
  67. Bodin, dans la Démonomanie.
  68. La Cité de Dieu, liv. XIV, ch. xxiv.
  69. Gorres, Mystique, liv. IV, ch. v.
  70. Voyez cette légende dans les Légendes de l’Ancien Testament.