Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre F

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Henri Plon (p. 257-290).
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F

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Faal, nom que les habitants de Saint-Jean d’Acre donnent à un recueil d’observations astrologiques, qu’ils consultent dans beaucoup d’occasions.

Faber (Albert-Othon), médecin de Hambourg au dix-septième siècle ; il a écrit quelques rêveries sur l’or potable.

Faber (Abraham) ; de simple soldat, il devint maréchal de France, et il s’illustra sous Louis XIV. C’était alors si extraordinaire qu’on l’accusa de devoir ses succès à un commerce avec le diable. Ce qui a pu donner lieu à cette prévention, c’est qu’il croyait à l’astrologie judiciaire.

Fabre (Pierre-Jean), médecin de Montpellier, qui fit faire des pas à la chimie au commencement du dix-septième siècle. Il y mêlait un peu d’alchimie. Il a écrit sur cette matière et sur la médecine spagyrique. Son plus curieux ouvrage est l’Alchimiste chrétien (Alchimista christianus), in-8o ; Toulouse, 1632. Il a publié aussi l’Hercules piochymicus, Toulouse, 1634, in-8o, livre où il soutient que les travaux d’Hercule ne sont que des emblèmes qui couvrent les secrets de la philosophie hermétique.

Fabricius (Jean-Albert), bibliographe allemand, né à Leipzig en 1668. Il y a des choses curieuses sur les superstitions et les contes populaires de l’Orient dans son recueil des livres apocryphes que l’Église a repoussés de l’Ancien et du Nouveau Testament[1].


Fadhel-ben-Sahal.

Fadhel-ben-Sahal, vizir du kalife Almamon, était aussi grand astrologue, et on cite de lui des horoscopes et des prévisions surprenantes, si elles sont vraies. Il est certain que sa prudence habile tira souvent son maître d’embarras[2].

Faim diabolique. Il y a des possédés chez lesquels le démon s’est plu à produire une faim insatiable. Brognoli délivra un enfant qui mangeait sans s’arrêter du matin au soir et ne pouvait se rassasier. Gorres, auchap. xx du livre VII de sa Mystique, cite beaucoup d’exemples de cette faim enragée, entre autres un enfant qui buvait d’un seul coup un seau d’eau. Ce qui est digne de remarque, c’est que ces affreuses maladies n’ont jamais été guéries que par l’exorcisme.

Fairfax (Edouard), poëte anglais du seizième siècle, auteur d’un livre intitulé la Démonologie, où il parle de la sorcellerie avec assez de crédulité.

Fairfolks, espèce de farfadets qui se montrent en Écosse, et qui sont à peu près nos fées.

Fairies. C’est le nom qu’on donne aux fées en Angleterre.

Fakir. Voy. Faquir.

Fakone, lac du Japon, où les habitants placent une espèce de limbes habités par tous les enfants morts avant l’âge de sept ans. Ils sont persuadés que les âmes de ces enfants souffrent quelques supplices dans ce lieu-là, et qu’elles y sont tourmentées jusqu’à ce qu’elles en soient rachetées par les passants. Les bonzes vendent des papiers sur lesquels sont écrits les noms de Dieu. Comme ils assurent que les enfants éprouvent allégement lorsqu’on jette ces papiers sur l’eau, on en voit les bords du lac couverts. — Il est aise de reconnaître dans ces usages des traditions altérées de l’Église.

Falcon. L’annaliste allemand Archenolz, mort

Le docteur Falcon.


en 1812, raconte ce qui suit, dans son Tableau de l’Angleterre, publié à Paris en 1788 : « Il y a à Londres un homme extraordinaire qui depuis trente ans est célèbre dans les annales ca » balistiques. Il se nomme Caïn Chenul Falk, et il est connu généralement sous le nom de docteur Falcon. Un certain comte de Ranzow, mort depuis peu au service de France comme maréchal de camp, assure dans ses mémoires cabalistiques, magiques, etc., avoir vu ce Falk dans le pays de Brunswick, sur une des terres de son père, en présence de beaucoup de personnes connues, qu’il nomme toutes et qu’il prend à témoin de la vérité de ce qu’il avance. (Il évoquait les esprits.) Falk s’est-il servi dans cette opération de la méthode de Schropfer ? Je n’en sais rien, ce qu’il y a de certain, c’est que cet homme vit actuellement à Londres. Lorsqu’il sort, ce qui arrive très-rarement, il est toujours revêtu d’un long talar, qui va très-bien avec sa longue barbe et sa figure sérieuse et intéressante. Il est actuellement âgé de soixante-dix ans à peu près. Je ne me donnerai pas la peine de rapporter, ici toutes les choses incroyables et extraordinaires qu’on raconte de ce vieillard… » Voy. Schopfer.

Falconet (Noël), médecin, mort en 1734.

Falconet.


Nous ne citerons de ses ouvrages que ses Lettres et ses remarques sur l’or prétendu potable ; elles sont assez curieuses.

Fanatisme. L’Église l’a toujours condamné, comme elle condamne tous les excès. Les actes de fanatisme des conquérants du nouveau monde étaient commis par des scélérats, contre lesquels le clergé s’élevait de toutes ses forces. On peut le voir dans la vie et dans les écrits de Barthélemi de Las Casas. Les écrivains philosophes ont souvent appelé fanatisme ce qui ne l’était pas. Ils se sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par exemple, ils ont attribué le massacre politique de la Saint-Barthélemi à la religion, qui y fut étrangère ; lorsqu’ils ont défendu les fanatiques des Cévennes, qui exterminaient tout autour d’eux, etc.

Il y a eu très-souvent du fanatisme outré dans les hérésies et même dans la sorcellerie. Sous le règne de Louis XII, un écolier de l’université de Paris, persuadé que la religion d’Homère était la bonne, arracha la sainte hostie des mains d’un prêtre qui la consacrait et la foula aux pieds. Voilà du fanatisme. Les Juifs en ont fourni de nombreux exemples, et un très-grand fanatisme distingue beaucoup de philosophes modernes. « Il y a un fanatisme politique, un fanatisme littéraire, un fanatisme guerrier, un fanatisme philosophique[3]. » On a nommé d’abord fanatiques les prétendus devins qui rendaient leurs oracles dans les temples, fana. Aujourd’hui on entend par fanatisme tout zèle aveugle.

Fannius (Gaius), historien qui mourut de peur en composant un ouvrage contre Néron. Il en avait terminé trois livres, et il commençait le quatrième, lorsque Néron, dont il avait l’imagination remplie, lui apparut en songe, et, après avoir parcouru les trois premiers livres de son ouvrage, se retira sans toucher au quatrième qui était en train. Ce rêve frappa Fannius ; il crut y voir que son ouvrage ne serait pas achevé, et il mourut en effet peu après.

Fantasmagoriana, titre d’un recueil de contes populaires, où les apparitions et les spectres jouent les premiers rôles. Ces contes prolixes sont, pour la plupart, traduits de l’allemand, 2 vol. in-12 ; Paris, 1812.

Fantasmagorie, spectacle d’optique, du genre des lanternes magiques perfectionnées, et qui, aux yeux des ignorants, peut paraître de la sorcellerie.

Fantômes, esprits ou revenants de mauvais augure, qui effrayaient fort nos pères, quoiqu’ils sussent bien qu’on n’a aucunement peur des fantômes, si l’on tient dans sa main de l’ortie avec du millefeuille[4]. Les Juifs prétendent que le fantôme qui apparaît ne peut reconnaître la personne qu’il doit effrayer, si elle a un voile sur le visage ; mais quand cette personne est coupable, ils croient, au rapport de Buxtorf, que le masquetombe, afin que l’ombre puisse la voir et la poursuivre. Des fantômes sont venus quelquefois annoncer la mort ; un spectre se présenta pour cela aux noces du roi d’Écosse, Alexandre III, qui


mourut peu après. Camerarius rapporte que de son temps on voyait quelquefois dans les églises


des fantômes sans tête, vêtus en moines et en religieuses, assis dans les stalles des vrais moines et des sœurs qui devaient bientôt mourir. — Un chevalier espagnol avait osé concevoir une passion criminelle pour une religieuse. Une nuit qu’il traversait l’église du couvent dont il s’était procuré la clef, il vit des cierges allumés et des prêtres, qui lui étaient inconnus, occupés à célébrer l’office des morts autour d’un tombeau. Il s’approcha de l’un d’eux et demanda pour qui on faisait le service. « Pour vous, » lui dit le prêtre. Tous les autres lui firent la même réponse ; il sortit effrayé, monta à cheval, s’en retourna à sa maison, et deux chiens l’étranglèrent à sa porte[5].

Une dame voyageant dans une chaise de poste fut surprise par la nuit près d’un village où l’essieu de sa voiture s’était brisé. On était en automne, l’air était froid et pluvieux ; il n’y avait point d’auberge dans le village ; on lui indiqua le château. Comme elle en connaissait le maître, elle n’hésita pas à s’y rendre. Le concierge alla la recevoir, et lui dit qu’il y avait au château dans ce moment beaucoup de monde qui était venu célébrer une noce, et qu’il allait informer le seigneur de son arrivée. La fatigue, le désordre de sa toilette et le désir de continuer son voyage engagèrent la voyageuse à prier le concierge de ne point déranger son maître. Elle lui demanda seulement une chambre. Toutes étaient occupées, à l’exception d’une seule, dans un coin écarté du château, qu’il n’osait lui proposer à cause de son délabrement ; mais elle lui dit qu’elle s’en contenterait, pourvu qu’on lui fît un bon lit et un bon feu. Après qu’on eut fait ce qu’elle désirait, elle soupa légèrement, et s’étant bien réchauffée, elle se mit au lit. Elle commençait à s’endormir, lorsqu’un bruit de chaînes et des sons lugubres la réveillèrent en sursaut. Le bruit approche, la porte s’ouvre, elle voit, à la clarté de son feu, entrer un fantôme couvert de lambeaux blanchâtres ; sa figure pâle et maigre, sa barbe longue et touffue, les chaînes qu’il portait autour du corps, tout annonçait un habitant d’un autre monde. Le fantôme s’approche du feu, se couche auprès tout de son long, se tourne de tous côtés en gémissant, puis, à un léger mouvement qu’il entend près du lit, il se relève promptement et s’en approche. Quelle amazone eût bravé un tel adversaire ? Quoique notre voyageuse ne manquât pas de courage, elle n’osa l’attendre, se glissa dans la ruelle du lit, et, avec une agilité dont la frayeur rend capables les moins légères, elle se sauve en chemise à toutes jambes, enfile de longs et obscurs corridors, toujours poursuivie par le terrible fantôme, dont elle entend le frottement des chaînes contre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible clarté, et, reconnaissant la porte du concierge, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil. Il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit et lui prodigue tous les secours qui sont en son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était arrivé. Hélas ! s’écria le concierge, notre fou aura brisé sa chaîne et se sera échappé ! Ce fou était un parent du maître du château, qu’on gardait depuis plusieurs années. Il avait effectivement profité de l’absence de ses gardiens, qui étaient à la noce, pour détacher ses chaînes, et le hasard avait conduit ses pas à la chambre de la voyageuse, qui en fut quitte pour une grande peur[6]. Voy. Apparitions, Visions, Hallucinations, Esprits, Revenants, Spectres, Deshoulières, etc., etc.

Fantôme volant. On croit, dans la BasseBretagne, entendre dans les airs, lorsqu’il fait un orage, un fantôme volant qu’on accuse de déraciner les arbres et de renverser les chaumières. Voy. Voltigeur hollandais.

Fapisia, herbe fameuse chez les Portugais, qui l’employaient comme un excellent spécifique pour chasser les démons[7].

Faquir ou Fakir. Il y a dans l’Inde des fakirs qui sont d’habiles jongleurs. On lit ce qui suit dans l’ouvrage de M. Osborne, intitulé la Cour et le camp de Rundjet-Sing : « À la cour de ce prince indien, la mission anglaise eut l’occasion de voir un personnage appelé spécialement le Fakir, homme enterré et ressuscité, dont les prouesses avaient fait du bruit dans les provinces du Punjaub. Ce Fakir est en grande vénération parmi les Sihks, à cause de la faculté qu’il a de s’enterrer tout vivant pendant un temps donné. Nous avions ouï raconter de lui tant d’histoires, que notre curiosité était excitée. Depuis plusieurs années, il fait le métier de se laisser enterrer. Le capitaine Wade me dit avoir été témoin d’une de ses résurrections, après un enterrement de quelques mois. La cérémonie préliminaire avait eu lieu en présence de Rundjet-Sing, du général Ventura et des principaux sirdars. Les préparatifs avaient duré plusieurs jours, on avait arrangé un caveau tout exprès. Le Fakir termina ses dispositions finales en présence du souverain ; il se boucha avec de la cire les oreilles, le nez et tous les autres orifices par lesquels l’air aurait pu entrer dans son corps. Il n’excepta que la bouche. Cela fait, il fut déshabillé et mis dans un sac de toile, après qu’il se fut retourné la langue pour fermer le passage de la gorge, et qu’il se fut posé dans une espèce de léthargie ; le sac fut fermé et cacheté du sceau de RundjetSing et déposé dans une boîte de sapin, qui, fermée et scellée également, fut descendue dans le caveau. Par-dessus on répandit et on foula de la terre, on sema de l’orge et on plaça des sentinelles permanentes.

» Il paraît que le maha-rajah, très-sceptique sur cette mort, envoya deux fois des gens fouiller la terre, ouvrir le caveau et visiter le cercueil. On trouva chaque fois le Fakir dans la même position et avec tous les signes d’une suspension de vie. Au bout de dix mois, terme fixé, le capitaine Wade accompagna le maha-rajah pour assister à l’exhumation : il examina attentivement par lui-même l’intérieur de la tombe ; il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et porter la boîte ou cercueil au grand air. Quand on en tira le Fakir, les doigts posés sur son artère et sur son cœur ne purent percevoir aucune pulsation. La première chose qui fut faite pour le rappeler à la vie, et la chose ne se fit pas sans peine, fut de ramener sa langue à sa place naturelle. Le capitaine Wade remarqua que l’occiput était brûlant, mais le reste du corps très-frais et très-sain. On l’arrosa d’eau chaude, — et au bout de deux heures le ressuscité était aussi bien que dix mois auparavant.

» Il prétend faire dans son caveau les rêves les plus délicieux : aussi redoute-t-il d’être réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses cheveux cessent de croître : sa seule crainte est d’être entamé par des vers ou des insectes ; c’est pour s’en préserver qu’il fait suspendre au centre du caveau la boîte où il repose. Ce Fakir eut la maladroite fantaisie de faire l’épreuve de sa mort et de sa résurrection devant la mission anglaise, lorsqu’elle arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une cruelle méfiance, proposèrent de lui imposer quelques précautions de plus : ils montrèrent des cadenas à eux appartenant, et parlèrent de mettre au tombeau des factionnaires européens. Le Fakir fit d’abord de la diplomatie ; il se troubla et finalement refusa de se soumettre aux conditions britanniques. Rundjet-Sing se fâcha. — Je vois bien, dit le Fakir au capitaine Osborne, que vous voulez me perdre, et que je ne sortirai pas vivant de mon tombeau. Le capitaine, ne désirant pas du tout avoir à se reprocher la mort du pauvre charlatan, renonça à l’épreuve. » Voy. Jamambuxes.

Farfadets, esprits, lutins ou démons familiers, que les personnes simples croient voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se montrent sous des figures d’animaux ; le plus grand nombre restent invisibles. Ils passent généralement pour rendre de bons offices. Des voyageurs content que les Indes sont pleines de ces esprits bons ou mauvais, et qu’ils ont un commerce habituel avec les hommes du pays.

Voici l’histoire d’un farfadet : En l’année 1221, vers le temps des vendanges, le frère cuisinier d’un monastère de Cîteaux chargea deux serviteurs de garder les vignes pendant la nuit. Un soir, l’un de ces deux hommes, ayant grande envie de dormir, appela le diable à haute voix et promit de le bien payer s’il voulait garder la vigne à sa place. Il achevait à peine ces mots, qu’un farfadet parut. — Me voici prêt, dit-il à celui qui l’avait demandé. Que me donneras-tu si je remplis ta charge ? — Je te donnerai un panier de raisin, répondit le serviteur, et du bon, à condition que tu veilleras jusqu’au matin. — Le farfadet accepta l’offre ; et le domestique rentra à la maison pour s’y reposer. Le frère cuisinier, qui était encore debout, lui demanda pourquoi il avait quitté la vigne ? — Mon compagnon la garde, répondit-il, et il la gardera bien. — Va, va, reprit le cuisinier, qui n’en savait pas davantage, ton compagnon peut avoir besoin de toi. — Le valet n’osa répliquer et sortit ; mais il se garda bien de paraître dans la vigne. Il appela l’autre valet, lui conta le procédé dont il s’était avisé ; et tous deux, se reposant sur la bonne garde du lutin, entrèrent dans une petite grotte qui était près de là et s’y endormirent. Les choses se passèrent aussi bien qu’on pouvait l’espérer ; le farfadet fut fidèle à son poste jusqu’au matin, et on lui donna le panier de raisin promis. — Ainsi finit le conte[8]. Voy. Berbiguier, Bérith, Esprits, Feux follets, Hecdekin, Orthon, etc.

Farfarelli. C’est le nom qu’on donne aux farfadets en Italie.

Farmer (Hugues), théologien anglican, mort en 1787. On a de lui un Essai sur les démoniaques du Nouveau Testament, 1775, où il cherche à prouver, assez gauchement, que les maladies attribuées à des possessions du démon sont l’effet de causes naturelles, et non l’effet de l’action de quelque malin esprit.

Fascination, espèce de charme qui fait qu’on ne voit pas les choses telles qu’elles sont. Un bohémien sorcier, cité par Boguet, changeait des bottes de foin en pourceaux, et les vendait comme tels, en avertissant toutefois l’acheteur de ne laver ce bétail dans aucune eau. Un acquéreur de la denrée du bohémien, n’ayant pas suivi ce conseil, vit, au lieu de pourceaux, des bottes de foin nager sur l’eau où il voulait décrasser ses bêtes.

Delrio conte qu’un certain magicien, au moyen d’un certain arc et d’une certaine corde tendue à cet arc, tirait une certaine flèche, faite d’un certain bois, et faisait tout d’un coup paraître devant lui un fleuve aussi large que le jet de cette flèche. Et d’autres rapportent qu’un sorcier juif, par fascination, dévorait des hommes et des charretées de foin, coupait des têtes et démembrait des personnes vivantes, puis remettait tout en bon état.

Dans la guerre du duc Vladislas contre Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sorcière dit à son beau-fils, qui suivait le parti de Vladislas, que son maître mourrait dans la bataille, avec la plus grande partie de son armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver du carnage en faisant ce qu’elle lui conseillerait ; c’est-à-dire, qu’il tuât le premier qu’il rencontrerait dans la mêlée ; qu’il lui coupât les deux oreilles, et les mît

Le bonnet magique.


dans sa poche ; puis qu’il fît, avec la pointe de son épée, une croix sur la terre entre les pieds de devant de son cheval, et qu’après avoir baisé cette croix il se hâtât de fuir. Le jeune homme, ayant accompli toutes ces choses singulières, revint sain et sauf de la bataille où périrent Vladislas et le plus grand nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans la maison de sa marâtre, ce jeune guerrier trouva sa femme, qu’il chérissait uniquement, percée d’un coup d’épée, expirante et sans oreilles…

Mais beaucoup et la plupart des fascinations ne sont généralement que des tours d’adresse. On lit dans les Aventures de Till l’espiègle des fascinations de ce genre. Un jour, dans une foire, il paria avec un grand seigneur que, sur un signe magique qu’il allait faire, une marchande de faïence briserait toute sa boutique, ce qui eut lieu. Mais il avait payé d’avance les pots cassés. Il joua un autre tour semblable en payant un festin, au moyen de son chapeau, qu’il disait magique, et qu’il faisait pirouetter sur son doigt pour solder l’addition. Le dîner pareillement se trouvait payé d’avance.

Les femmes maures s’imaginent qu’il y a des sorciers qui fascinent par leur seul regard, et tuent les enfants. Cette idée leur est commune avec les anciens Romains, qui honoraient le dieu Fascinus, à qui l’on attribuait le pouvoir de garantir les enfants des fascinations et maléfices. Voy. Yeux, Zilon, Prestiges, etc.

Les faïences brisées


Fatalisme, doctrine de ceux qui reconnaissent une destinée inévitable. Si quelqu’un rencontre un voleur, les fatalistes disent que c’était sa destinée d’être tué par un voleur. Ainsi cette fatalité a assujetti le voyageur au fer du voleur, et a donné longtemps auparavant au voleur l’intention et la force, afin qu’il eût, au temps marqué, la volonté et le pouvoir de tuer celui-ci. Et si quelqu’un est écrasé par la chute d’un bâtiment, le mur est tombé parce que cet homme était destiné à être enseveli sous les ruines de sa maison Dites plutôt qu’il a été enfoui sous les ruines parce que le mur est tombé[9]. Où serait la liberté des hommes, s’il leur était impossible de se soustraire à une fatalité aveugle, à une destinée inévitable ? Est-il rien de plus libre que de se marier, de suivre tel ou tel genre de vie ? Est-il rien de plus fortuit que de périr par le fer, de se noyer, d’être malade ?… L’homme vertueux, qui parvient par de grands efforts à vaincre ses passions, n’a donc plus besoin de s’étudier à bien faire, puisqu’il ne peut être vicieux ?… C’est un peu la détestable doctrine de Calvin.

Faunes, dieux rustiques inconnus aux Grecs. On les distingue des satyres et sylvains, quoiqu’ils aient aussi des cornes de chèvre ou de bouc, et la forme d’un bouc depuis la ceinture jusqu’en bas. Mais ils ont les traits moins hideux, une figure plus gaie que celle des satyres, et moins de brutalité. D’anciens Pères les regardent comme des démons incubes[10] ; et voici l’histoire qu’en donnent les docteurs juifs : « Dieu avait déjà créé les âmes des faunes et des satyres, lorsqu’il fut interrompu par le jour du sabbat, en sorte qu’il ne put les unir à des corps, et qu’ils restèrent ainsi de purs esprits et des créatures imparfaites. Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent le jour du sabbat, et se cachent dans les ténèbres jusqu’à ce qu’il soit passé ; ils prennent quelquefois des corps pour épouvanter les hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Cependant ils peuvent approcher si près des intelligences célestes, qu’ils leur dérobent quelquefois la connaissance de certains événements futurs, ce qui leur a fait produire des prophéties, au grand étonnement des amateurs. »

Faust (Jean), célébrité allemande dans la magie. Il brilla au commencement du seizième siècle. Un génie plein d’audace, une curiosité indomptable, un immense désir de savoir, telles étaient, disent ses panégyristes, ses qualités prononcées. Il apprit la médecine, la jurisprudence, la théologie ; il approfondit la science des astrologues ; quand il eut épuisé les connaissances naturelles, il se jeta dans la magie. — On l’a confondu souvent avec Faust, l’associé de Guttenberg dans l’invention de l’imprimerie ; on sait que quand les premiers livres imprimés parurent, on cria à la sorcellerie ; on soutint qu’ils étaient l’ouvrage du diable ; et sans la protection de Louis XI et de la Sorbonne, l’imprimerie en naissant était étouffée à Paris.

Faust et Méphistophélès.

Mais l’histoire de Faust ne sera jamais bien connue dans ses détails intimes. Ceux qui l’ont vu poétiquement le font naître à Weimar, ou à Anhalt, ou dans la Souabe, ou dans la Marche de Brandebourg. On ne peut guère trouver rien de positif sur cet homme que dans Trithème et dans Mélanchthon. Il était né à Gundling, dans le Wurtemberg, à la fin du quinzième siècle. Son père était un paysan ; il avait des parents riches à Wittemberg ; il y alla, y fit ses études et connut là Luther, Mélanchthon et plusieurs autres philosophes avancés. On voit, dit Philippe Camerarius, qu’il alla, à dix-neuf ans, étudier la magie à Cracovie, où l’on donnait alors des leçons de sciences occultes. Il reparut ensuite, se disant le chef des nécromanciens, le premier astrologue, le second dans la magie, dans la chiromancie et les autres divinations. Ayant hérité alors des biens considérables que laissait un oncle qu’il avait à Wittemberg, il se livra sans frein à la débauche et s’adonna entièrement à l’évocation des esprits et aux sortilèges. Il se procura tous les livres magiques, prit des leçons d’un célèbre cristallomancien (Christophe Kayllinger), et rechercha tous les arts défendus. On dit qu’il se vanta de faire d’aussi grands miracles que le Christ. Ce qui paraît incontestable, c’est qu’à vingt-sept ans il conjura le démon et fit avec lui un pacte qui devait durer vingt-quatre ans, au bout desquels il s’obligeait à livrer son âme. Il reçut pour serviteur assidu le démon Méphistophélès, et dès lors il fit tout ce qu’il voulut. De graves historiens rapportent les fascinations étonnantes qu’il produisit à la cour de l’empereur Maximilien et à la cour de Charles-Quint. Il prétendait que les armées impériales lui devaient toutes leurs victoires, Mélanchthon, qui le connaissait personnellement, le peint comme la bête la plus immonde, le cloaque des hôtes de l’enfer, chassé de partout par les magistrats. Il raconte qu’ayant tenté de voler, comme Simon le magicien, il fut à demi écrasé en tombant. Au terme de son pacte, il fut étranglé par le démon, auprès de Rimlich, et l’écrivain que nous citons parle de cette fin horrible comme d’un fait notoire.

Dans l’étude publiée par M. François Hugo sur le Faust anglais (Revue française du 10 mai 1858), Faust est l’imprimeur. Le Parlement de Paris le tient emprisonné, mais il s’évade et gagne Mayence. Il évoque le diable, qui paraît sous diverses formes, de dragon, de griffon, d’étoile, de poutre de feu, enfin de moine gris. Il s’accorde avec lui et va le visiter en enfer. Sa visite lui est rendue assez vite, et sept princes de l’enfer arrivent chez lui : Belzébub, habillé en bœuf ; Lucifer en homme couleur des glands du chêne rouge ; Astaroth en serpent, avec deux petits pieds jaunes ; Satan en âne, avec une queue de chat ; Anabry en chien noir et blanc, avec des oreilles de quatre aunes ; Dythican en perdrix ; Drac en flamme bleue, avec une queue rouge ; Bélial en éléphant, riche d’une trompe démesurée.

On a recueilli, sous le nom de triple ban de l’enfer de Faust, une sorte de rituel infernal qui donne des formules de la dernière stupidité pour évoquer toute espèce de démons. On y voit qu’il faut écrire des sommations à comparaître sur du papier noir avec du sang de corbeau. Voy. {{DIv|Pactes. — Wagner, disciple de Faust, Videman et plusieurs autres, ont écrit l’histoire de Faust. Goethe en a fait un poëme singulier[11].

Fechner (Jean), auteur d’un traité latin sur la pneumatique, ou doctrine des esprits selon les plus célèbres philosophes de son temps. Breslau, in-12, 1698.

Fécondité. De graves écrivains affirment que le vent produit des poulains et des perdrix. Varron dit qu’en certaines saisons le vent rend fécondes les juments et les poules de Lusitanie. Virgile, Pline, Columelle, ont adopté ce conte, et le mettent au nombre des faits constamment vrais, quoiqu’on n’en puisse dire la raison. On a soutenu autrefois beaucoup d’impertinences de ce genre, qui aujourd’hui sont reconnues des erreurs. On a publié un arrêt donné en 1537 par le parlement de Grenoble, qui aurait reconnu la fécondité d’une femme produite par la seule puissance de l’imagination. Cet arrêt supposé n’est qu’une assez mauvaise plaisanterie.

Fécor, compagnon d’Anarazel. Voy. ce mot.

Fées. Si les histoires des génies sont anciennes dans l’Orient, la Bretagne a peut-être le droit de réclamer les fées et les ogres. Nos fées ou fades (fatidicœ) sont assurément les druidesses de nos pères. Chez les Bretons, de temps immémorial, et dans tout le reste des Gaules, pendant la première race des rois francs, on croyait généralement que les druidesses pénétraient les secrets de la nature, et disparaissaient du monde visible. Elles ressemblaient en puissance aux magiciennes des Orientaux. On en a fait des fées. On disait qu’elles habitaient au fond des puits, au bord des torrents, dans des cavernes sombres. Elles avaient le pouvoir de donner aux hommes des formes d’animaux, et faisaient quelquefois dans les forêts les mêmes fonctions que les nymphes du paganisme. Elles avaient une reine qui les convoquait tous les ans en assemblée générale, pour punir celles qui avaient abusé de leur puissance et récompenser celles qui avaient fait du bien.

Dans certaines contrées de l’Écosse, on dit que les fées sont chargées de conduire au ciel les âmes des enfants nouveau-nés, et qu’elles aident ceux qui les invoquent à rompre les maléfices de Satan. On voit dans tous les contes et dans les vieux romans de chevalerie, où les fées jouent un très-grand rôle, que, quoique immortelles, elles étaient assujetties à une loi qui les forçait à prendre tous les ans, pendant quelques jours, la forme d’un animal, et les exposait, sous cette métamorphose, à tous les hasards, même à la mort, qu’elles ne pouvaient recevoir que violente. On les distinguait en bonnes et méchantes fées ; on était persuadé que leur amitié ou leur haine décidait du bonheur ou du malheur des familles. À la naissance de leurs enfants, les Bretons avaient grand soin de dresser dans une chambre écartée une table abondamment servie, avec trois couverts, afin d’engager les mères ou fées à leur être favorables, à les honorer de leur visite, et à douer le nouveau-né de quelques qualités heureuses. Ils avaient pour ces êtres mystérieux le même respect que les premiers Romains pour les carmentes, déesses tutélaires des enfants, qui présidaient à leur naissance, chantaient leur horoscope et recevaient des parents un culte.

On trouve des fées chez tous les anciens peuples du Nord, et c’était une opinion partout adoptée que la grêle et les tempêtes ne gâtaient pas les fruits dans les lieux qu’elles habitaient. Elles venaient le soir, au clair de la lune, danser dans les prairies écartées ; elles se transportaient aussi vite que la pensée partout où elles souhaitaient, à cheval sur un griffon, ou sur un chat d’Espagne, ou sur un nuage. On assurait que, par un caprice de leur destin, les fées étaient aveugles chez elles et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu’il y avait entre les fées, comme parmi les hommes, inégalité de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes on voit souvent une bonne fée vaincue par une méchante qui a plus de pouvoir.

Les cabalistes ont aussi adopté l’existence des fées, mais ils prétendent qu’elles sont des sylphides, ou esprits de l’air. On vit, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les légendaires appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées. Corneille de Kempen assure que, du temps de Lothaire, il y avait en Frise quantité de fées qui séjournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu’au clair de la lune. Olaùs Magnus dit qu’on en voyait beaucoup en Suède de son temps. « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs dans le plus profond des forêts ; elles se montrent quelquefois, parlent à ceux qui les consultent, et s’évanouissent subitement. » On voit dans Froissart qu’il y avait

Fée des cavernes.


également une multitude de fées dans l’île de Céphalonie ; qu’elles protégeaient le pays contre tout méchef, et qu’elles s’entretenaient familièrement avec les femmes de l’île. Les femmes blanches de l’Allemagne sont encore des fées ; mais celles-là étaient presque toujours dangereuses.

Leloyer conte que les Écossais avaient des fées, ou fairs, ou fairfolks, qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fées paraissent être les striges, ou magiciennes, dont parle Ausone. Hector de Boëce, dans ses Annales d’Ecosse, dit que trois de ces fées prophétisèrent à Banquo, chef des Stuarts, la grandeur future de sa maison. Skakspeare, dans son Macbeth, en a fait trois sorcières. Il reste beaucoup de monuments de la croyance aux fées : telles sont ces grottes du Chablais qu’on appelle les grottes des fées. On n’y aborde qu’avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont l’eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L’eau qui distille dans la grotte supérieure, à travers le rocher, a formé, sous la voûte, la figure d’une poule qui couve ses poussins. À côté du bassin on voit un rouet, ou tour à filer, avec la quenouille. Les femmes des environs, dit un écrivain du dernier siècle, prétendent avoir vu autrefois, dans l’enfoncement, une femme pétrifiée au-dessus du rouet. Aussi on n’osait guère approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu on est devenu moins timide. Auprès de Ganges, en Languedoc, on montre une autre grotte des fées, ou grottes des demoiselles, dont on fait des contes merveilleux. On voit à Merlingen, en Suisse, une citerne noire qu’on appelle le puits de la fée. Non loin de Bord-Saint-Georges, à deux lieues de Chambon, on respecte encore les débris d’un vieux puits qu’on appelle aussi le puits des fées ou fades, et sept bassins qu’on a nommés les creux des fades. On voit près de là, sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : l’une est celle du pied de saint Martial, l’autre appartient, suivant la tradition, à la reine des fées, qui, dans un moment de fureur, frappa si fortement le rocher de son pied droit qu’elle en laissa la marque. On ajoute que, mécontente des habitants du canton, elle tarit les sources minérales qui remplissaient les creux des fées, et les fit couler à Évaux, où elles sont encore. On voyait près de Domremy l’arbre des fées : Jeanne d’Arc fut même accusée d’avoir eu des relations avec les fées qui venaient danser sous cet arbre.

On remarque dans la petite île de Concourie, à une lieue de Saintes, une haute butte de terre qu’on appelle le Mont des fées. La Bretagne est pleine de vestiges semblables : plusieurs fontaines y sont encore consacrées à des fées, lesquelles métamorphosent en or. en diamant, la main des indiscrets qui souillent l’eau de leurs sources[12]. Le mail d’Amiens, appelé aujourd’hui promenade de la Hautoye, était autrefois le mail des fées.

Le comte d’Angeweiller épousa une fée, comme le rapporte Tallemant des Réaux ; elle lui donna un gobelet, une cuiller et une bague, trois merveilleux objets qui restèrent dans sa famille comme gages de bonheur. On lit aussi dans la légende de saint Armentaire, écrite en l’an 1300, quelques détails sur la fée Esterelle, qui vivait auprès d’une fontaine où les Provençaux lui apportaient des offrandes. Elle donnait des breuvages enchantés aux femmes. Le monastère de Notre-Dame de l’Esterel était bâti sur le lieu qu’avait habité cette fée. Mélusine était encore une fée ; il y avait dans son destin cette particularité, qu’elle était obligée tous les samedis de : prendre la forme d’un serpent dans la partie inférieure de son corps. La fée qui épousa le seigneur d’Argouges, au commencement du quinzième siècle, l’avait, dit-on, averti de ne jamais parler de la mort devant elle ; mais un jour qu’elle s’était fait longtemps attendre, son mari, impatienté, lui dit qu’elle serait bonne à aller chercher la mort. Aussitôt la fée disparut en’laissant les traces de ses mains sur les murs, contre lesquels elle frappa plusieurs fois de dépit. C’est depuis ce temps que la noble maison d’Arj gouges porte dans ses armes trois mains posées en pal, et une fée pour cimier. L’époux de Mé ! I usine la vit également disparaître pour n’avoir, pu vaincre la curiosité de la regarder à travers la porte dans sa métamorphose du samedi L La reine des fées est Titania, épouse du roi ; Obéron, qui a inspiré à Wieland un poëme céi lèbre en Allemagne.

Felgenhaver (Paul), visionnaire allemand du dix-septième siècle. Il se vantait d’avoir reçu de Dieu la connaissance du présent, du passé et de l’avenir ; il prêchait un esprit astral, soumis aux régénérés (ses disciples), lequel esprit astral est celui qui a donné, dit-il, aux prophètes et aux apôtres le pouvoir d’opérer des prodiges et de chasser les démons. Ayant été mis en prison à cause de quelque scandale qu’il avait causé, il composa un livre où il prouvait là divinité de sa mission par ses souffrances. Il y raconte une révélation dont le Seigneur, à ce qu’on disait, l’avait favorisé. Ses principaux ouvrages sont :

Chronologie ou efficacité des années du monde, sans désignation du lieu d’impression, 1620, in-4o. Il prétend y démontrer que le monde est de deux cent trente-cinq ans plus vieux qu’on ne le croit : que Jésus-Christ est né l’an ! |235 de la création : et il trouve de grands mystères dans ce nombre, parce que le double septénaire y est contenu[13]. Or, le monde ne pouvant pas subsister plus de six mille ans, il n’avait plus, en 1620, à compter que sur une durée de cent quarante-cinq ans. Le jugement dernier était très-proche, et Dieu lui en avait révélé l’époque, qui était 1765. 2° Miroir des temps, dans lequel, indépendamment des admonitions adressées à tout le monde, on expose aux yeux ce qui a été et ce qui est parmi tous les États écrit par la grâce de Dieu et par l’inspiration du Saint-Esprit…, 1620, in-A° ; 3° Postillon ou Nouveau calendrier et pronosticon-astrologico-propheticum, présenté à tout l’univers et à toutes les créatures, 1636, in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résumé, nous paraît avoir été un rival de Matthieu Laensberg.

Femmes. Il y eut une doctrine adoptée par quelques hérétiques, que les femmes étaient des brutes, mulieres non esse homines. Les prélats, au second concile de Mâcon, foudroyèrent cette extravagance, qui venait des rabbins. Nous ne rapporterons pas ici toutes les mille et une erreurs qu’on a débitées contre les femmes. Delancre et Bodin assurent qu’elles sont bien plus aptes que les hommes à la sorcellerie, et que c’est une terrible chose qu’une femme qui s’entend avec le diable. D’anciens philosophes disent aussi que la présence des femmes en certains jours fait tourner le lait, ternit les miroirs, dessèche les campagnes, engendre des serpents et rend les chiens enragés. Les philosophes sont bien niais.

Femmes blanches. Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux


nymphes et à des fées qui se montraient en Allemagne, protégeant les enfants et s’intéressant à quelques fa milles. D’autres entendent par là certains fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches dans les bois et les prairies ; quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées dont elles laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu’elles peignent et qu’elles tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. En Bretagne, des femmes blanches, qu’on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.

Érasme parle d’une femme blanche célèbre en Allemagne et dont voici le conte : — « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche, qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s’est montré à la mort de la plupart des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd’hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tant que le château de Neuhaus sera debout. Elle y apparaît non-seulement quand quelqu’un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage ou qu’il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c’est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne aussi avoir ouï dire au baron d’Ungenaden, ambassadeur de l’empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir lorsqu’elle prédit en Bohême la mort de quelqu’un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s’étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l’une après l’autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s’est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui leur sont alliées. À l’égard de ses manières d’agir, elle passe quelquefois très-vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S’il arrive que quelqu’un la salue, pourvu qu’on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, une gravité de personne noble, et, après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s’en va. Elle n’adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle s’est fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours inconvenants tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre bonne envers les pauvres et se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques lorsque, après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu’elle a institué de son vivant. Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu’à ce qu’enfin un d’eux rappelât aux autres qu’il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fées.

Femmes-cygnes. Il y a des femmes-cygnes dans les légendes Scandinaves : ce sont des ondines ; mais elles ont quelque chose d’humain, quoiqu’elles ne soient pas de l’espèce, tandis que chez les Tartares de l’Altaï ce sont probablement des démons. On en voit une se déguiser en renard noir pour égarer les héros. Il paraît qu’elles sont au nombre de quarante. Un jour trente de ces femmes se métamorphosèrent en un seul loup-garou. Quelquefois elles concentrent leur quarante perfidies pour constituer une seule femme-cygne dont la malice est alors effroyable. Pour se défatiguer, elle avale du sang trois fois plein sa main, après quoi elle peut courir quarante ans sans désemparer[14].

Femmes vertes. Les Écossais donnent ce nom à des fées qui paraissent, aux lieux déserts, habillées de robes vertes éclatantes.

Fenris. Le loup Fenris est un des monstres de l’enfer Scandinave, né de Loke et de la géante Angerbode. Il est assez fort pour ébranler la terre. Il doit, à la fin du monde, dévorer Odin. Jusque-là il est enchaîné.

Fer chaud (épreuve du). Celui qui voulait se justifier d’une accusation, ou prouver la vérité d’un fait contesté, et que l’on condamnait pour cela à l’épreuve du fer chaud, était obligé de porter à neuf ou douze pas une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette épreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. Emma. Un mari de Didymotèque, soupçonnant la fidélité de sa femme, lui proposa d’avouer son crime ou de prouver son innocence par l’attouchement d’un fer chaud. Si elle avouait, elle était morte ; si elle tentait l’épreuve, elle craignait d’être brûlée. Elle eut recours à l’évêque de Didymotèque, prélat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la réparer. L’évêque, assuré de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue l’innocence, lui dit qu’elle pouvait sans crainte se soumettre à l’épreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois fois le tour d’une chaise, l’ayant toujours à la main ; et le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzène.

Sur la côte du Malabar, l’épreuve du fer chaud était aussi en usage. On couvrait la main du criminel d’une feuille de bananier, et l’on y appliquait un fer rouge ; après quoi le surintendant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de l’accusé avec une serviette trempée dans de l’eau de riz ; il la liait avec des cordons ; puis le roi appliquait lui-même son cachet sur le nœud. Trois jours après on déliait la main et on déclarait le prévenu innocent, s’il ne restait aucune marque de brûlure ; mais s’il en était autrement, il était envoyé au supplice. — Au reste, l’épreuve du fer chaud est fort ancienne ; car il en est question dans l’Electre de Sophocle.

Ferdinand IV, dit l’Ajourné, roi de Castille et de Léon, né en 1285. Ayant condamné à mort deux frères que l’on accusait d’avoir assassiné un seigneur castillan au sortir du palais, il voulut que la sentence fût exécutée, quoique les accusés protestassent de leur innocence et quoiqu’il n’y eût aucune preuve solide contre eux. Alors, disent les historiens de ce temps, les deux frères, en montant le rocher du haut duquel ils devaient être précipités, ajournèrent Ferdinand à comparaître dans trente jours au tribunal du juge des rois ; et, précisément trente jours après, le roi, s’étant retiré après le dîner pour dormir, fut trouvé mort dans son lit. Voy. Ajournement.

Fernand (Antoine), jésuite espagnol, auteur d’un commentaire assez curieux sur les visions et révélations de l’Ancien Testament, publié en 1617.

Ferragus, géant dont parle la Chronique de l’archevêque Turpin. Il avait douze pieds de haut et la peau si dure qu’aucune lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut vaincu par l’un des preux de Charlemagne.

Ferrier (Auger), médecin et astrologue, auteur d’un livre peu connu intitulé Jugements d’astronomie sur les nativités, ou horoscopes, in-16, qu’il dédia à la reine Catherine de Médicis. — Auger Ferrier a laissé encore un petit traité latin, De somniis, imprimé à Lyon en 1549, avec le traité d’Hippocrate sur les insomnies.

Féry (Jeanne), jeune fille de Sore, sur la Sambre, qui, ayant été maudite par son père, fut obsédée d’un démon dès l’âge de quatre ans. Il lui donnait du pain blanc et des pommes et faisait qu’elle ne sentait pas les coups qu’on lui appliquait comme châtiment. Lorsqu’elle fut grande, il la démoralisa peu à peu ; il lui fit signer un papier où elle renonçait à son baptême, à l’Église et au Christ. Elle avala ensuite ce papier dans une orange, et, livrée au démon, elle commit tous les péchés imaginables, profanations, sacrilèges, blasphèmes, abominations. Elle était transportée aux réunions diaboliques, où elle adora plusieurs démons ; elle en nomma quelques-uns dans sa confession : l’un s’appelait Charme, un autre Ninus, un autre Esprit de Sang, un autre Béléal, etc. Lorsqu’elle eut vingt-cinq ans, on remarqua à beaucoup de signes qu’elle était possédée. L’archevêque de Cambrai, Louis de Berlaimont, la fit exorciser. Mais ces exorcismes, où de grandes horreurs furent révélées, durèrent près de deux ans ; et une foule de témoignages très-graves ne permettent pas de contester cette histoire, dont les détails nombreux sont reproduits par Gôrres au livre VIII de sa Mystique, chap. xii. La malheureuse Jeanne fut délivrée enfin par la protection spéciale de sainte Marie Madeleine qu’elle invoquait ardemment.

Festins du sabbat. Le sel n’y paraît jamais. Le pain n’est pas fait de farine de blé, mais de farine de pois. Les viandes sont de la chair de chien ou de chat volé. Si elle est en putréfaction, c’est un régal. On mange des cadavres d’enfants. En quelques lieux, les habitués du sabbat ont déterré le corps d’un des leurs décédé et l’ont mangé à toutes sauces. Dans les procès des sorciers, on voit des sorcières convaincues d’avoir mis à la broche des enfants dérobés. On ne boit que des liqueurs. Le vin, l’huile, le sel et tout ce que l’Église bénit est exclu dans ces hideuses fêtes.

Fêtes dans l’Inde. Nous donnons ici une idée du culte public en un pays où les Anglais, depuis cent ans, auraient porté la lumière s’ils étaient restés catholiques : c’est la fête que les Hindous célèbrent au commencement d’octobre, en l’honneur de la déesse Dourga, épouse de Siva, appelée aussi Bhavani, et de sa fille Cali, née de son œil, appelée encore Mohakali, la noire, la grande noire, et Roudrani, la mère des larmes. Cette fête est l’une des plus magnifiques, des plus coûteuses et des plus populaires du culte hindou. Voici les détails que donne, à propos de ces cérémonies religieuses, l’India, de J.-Th. Stocqueler :

Les préliminaires seuls prennent plus de temps que l’adoration, qui dure cependant trois jours.

Pendant toute cette période, les affaires sont suspendues, et chacun se livre sans mesure au plaisir et à la gaieté. Le premier jour on donne la vue et l’existence à l’idole destinée à devenir l’objet de la vénération générale. Un brahmes en acquitte en touchant les joues, les yeux, la poitrine et le front de la divinité, en disant : « Puisse l’âme de Dourga être longtemps heureuse dans ce corps ! » D’autres cérémonies, ainsi que l’immolation d’un grand nombre de bestiaux, tels que des bisons, des moutons, des chèvres, etc., succèdent à celle-là. La chair et le sang des victimes sont offerts en holocauste aux images de la déesse et des divinités qui l’entourent. Les cérémonies et les sacrifices qui s’accomplissent le deuxième et le troisième jour sont presque semblables à ceux du premier. À la fin, lorsque tous les animaux ont été immolés, la multitude se couvre de boue et de sang coagulé, puis danse avec frénésie au lieu même où elle s’est prosternée. Le lendemain des fêtes, l’idole est dépouillée de ses pouvoirs par le même brahme qui l’en avait revêtue.

Cette statue, l’une des plus révoltantes qu’on puisse imaginer, représente Dourga ou Cali, personnifiant la mort : c’est une horrible femme très-noire, quelquefois bleue, qui tient d’une de ses quatre mains un cimeterre, de l’autre une tête de géant qu’elle a saisie par les cheveux ; de la troisième, étendue tout ouverte, elle semble bénir, et de la quatrième elle défend d’avoir peur. Ses boucles d’oreilles sont deux squelettes ; son collier une rangée de crânes. Sa langue tombe jusqu’au bas de son menton, en témoignage de la honte qu’elle éprouve en s’apercevant que, dans sa fureur indomptable, elle a foulé aux pieds son mari Siva. Des têtes de géants coupées entourent sa taille d’une ceinture, et ses nattes tombent jusque sur ses talons. Comme elle a bu le sang des géants qu’elle a tués pendant le combat, ses sourcils ont pris la couleur du breuvage qui l’a désaltérée, et un ruisseau vermeil, de la même nature, s’échappe de sa poitrine ; ses yeux sont rouges comme ceux d’un ivrogne ; elle est debout, un pied sur la poitrine de son mari, l’autre sur sa cuisse.

Cette statue est placée par les prêtres sur une estrade de bambous et transportée, accompagnée d’une foule immense, au bruit des tambours, des cornets et d’autres instruments hindous, sur la rive du fleuve sacré ; on la précipite dans les flots, en présence d’un concours de tous rangs et de toutes conditions, tandis que les prêtres invoquent la déesse et lui demandent la vie, la santé et la prospérité, la suppliant, elle, leur mère universelle, comme ils disent, de retourner momentanément dans ses domaines, pour revenir plus tard au milieu d’eux.

Pendant ces trois jours d’adoration, les maisons des riches Hindous sont splendidement illuminées la nuit, et ouvertes le jour à tout venant.

Mais tout n’est pas fini : le jour suivant on apporte des villages, souvent fort éloignés du fleuve, des idoles que l’on vient y jeter, et le tumulte, la confusion qui règnent alors sont indescriptibles. Les statues exhibées en pareille occasion sont faites de foin, de morceaux de bois, d’argile, et quelques-unes atteignent dix à douze pieds de haut.

Ces fêtes absorbent des sommes immenses ; une partie, et c’est la plus considérable, est distribuée en aumônes, employées à nourrir et à vêtir les prêtres et les mendiants ; le reste est consacré aux réjouissances publiques et à enrichir les bayadères qui dansent devant la déesse.

Les Anglais n’ont jamais porté la lumière dans ces hideuses ténèbres ; et ils n’ont rien fait pour empêcher ces abominations.

Fétiches, divinités des nègres de Guinée. Ces divinités varient : ce sont des animaux desséchés, des branches d’arbres, des arbres mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. Ils en ont de petits qu’ils portent au cou ou au bras, souvent des coquillages. Ils honorent un arbre qu’ils appellent l’arbre des fétiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Cet arbre est un oracle que l’on consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaître sa réponse par l’organe d’un chien noir, qui est le diable, selon nos démonographes. — Un énorme rocher nommé Tabra, qui s’avance dans la mer en forme de presqu’île, est le grand fétiche du cap Corse. On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fétiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation à son principal fétiche, qui est souvent une défense d’éléphant.

Nous empruntons ce qui suit à la Revue coloniale:

« Dans les deux Guinées règne partout un affreux fétichisme, avec un cortège de superstitions ridicules, dégradantes et parfois cruelles. La métempsycose, la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et même souvent l’anthropophagie sont consacrés par la religion.

» Pour comprendre la force et l’influence des idées et des pratiques superstitieuses de ces peuples, il est bon de faire observer qu’elles font partie intégrante de leur état social, et que les fétichistes, pas plus que les mahométans, n’établissent de distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux. Chez eux les idées et les pratiques religieuses sont l’essence de leur état social. Aussi le culte de leurs fétiches ou génies protecteurs se révèle partout, dans la vie publique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fétiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de l’individu.

» C’est au nom du fétiche que les chefs gouvernent, qu’ils jugent les litiges, qu’ils règlent le commerce et même l’usage des aliments. C’est au nom du fétiche que le maître exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient l’aliment de l’homme. C’est au fétiche supposé irrité qu’on immole des victimes humaines pour l’apaiser.

» Les formes sous lesquelles le fétiche est honoré varient selon les pays. Tantôt c’est sous la figure d’un animal, tel que le lézard, le cheval, l’hyène, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent ; tantôt c’est sous la forme d’un arbre ou d’une plante dont l’espèce devient sacrée ; tantôt, enfin, c’est sous l’image d’une statuette de bois à figure humaine. »

Feu. Plusieurs nations ont adoré cet élément. En Perse, on faisait des enclos fermés de murailles et sans toit, où l’on entretenait du feu. Les grands y jetaient des essences et des parfums. Quand un roi de Perse était à l’agonie, on éteignait le feu dans les villes principales du royaume, pour ne le rallumer qu’au couronnement de son successeur. Certains Tartares n’abordent jamais les étrangers qu’ils n’aient passé entre deux feux pour se purifier ; ils ont bien soin de boire la face tournée vers le midi, en l’honneur du feu. Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu’il existe dans le feu un être qui dispense le bien et le mal ; ils lui offrent des sacrifices perpétuels.

On sait que, selon les cabalistes, le feu est l’élément des Salamandres. Voy. ce mot.

Parmi les épreuves superstitieuses qu’on appelait jugements de Dieu, l’épreuve du feu ne doit pas être oubliée. Voy. Fer chaud, Eau bouillante, etc.

Feu de la Saint-Jean. En 1634, à Quimper, en Bretagne, les habitants mettaient encore des sièges auprès des feux de joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents morts pussent en jouir à leur aise. — On réserve, en ce pays, un tison du feu de la Saint-Jean pour se préserver du tonnerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se marier dans l’année, sont obligées de danser autour de neuf feux de joie dans cette même nuit : ce qui n’est pas difficile, car ces feux sont tellement multipliés dans la campagne qu’elle paraît illuminée. On conserve ailleurs la même opinion qu’il faut garder des tisons du feu de Saint-Jean comme d’excellents préparatifs qui, de plus, portent bonheur. — À Paris, autrefois, on jetait deux douzaines de petits chats (emblèmes du diable sans doute) dans le feu de la Saint-Jean[15] parce qu’on était persuadé que les sorciers faisaient leur grand sabbat cette nuit-là. — On disait aussi que la nuit de la Saint-Jean était la plus propre aux maléfices, et qu’il fallait recueillir alors le trèfle à quatre feuilles, et toutes les autres herbes dont on avait besoin pour les sortilèges.

Feu grégeois. Du terrible feu grégeois et de la manière de le composer. « Ce feu est si violent qu’il brûle tout ce qu’il touche, sans pouvoir être éteint, si ce n’est avec de l’urine, de fort vinaigre ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du tartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentréole et de l’huile commune ; on fait bien bouillir le tout, jusqu’à ce qu’un morceau de toile qu’on aura jeté dedans soit consumé ; on le remue avec une spatule de fer. Il ne faut pas s’exposer à faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour ; parce que si le feu prenait, on serait très-embarrassé pour l’éteindre[16]. » Ce n’est sans doute pas là le feu grégeois d’Archimède.

Feu Saint-Elme, ou Feu Saint-Germain, ou Feu Saint-Anselme. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, parle d’un feu qui parut plusieurs fois au haut du grand mât du vaisseau sur lequel il était monté ; il le nommait feu Saint-Germain ; d’autres, feu Saint-Elme, et feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce prodige à Castor et Pollux, parce que quelquefois il paraît double. Les physiciens disent que ce n’est qu’une exhalaison enflammée. Mais les anciens croyaient y voir quelque chose de surnaturel et de divin[17].

Feux follets. On appelle feux follets, ou esprits follets, ces exhalaisons enflammées que la terre, échauffée par les ardeurs de l’été, laisse échapper de son sein, principalement dans les longues nuits de l’Avent ; et, comme ces flammes roulent naturellement vers les lieux bas et les


marécages, les paysans, qui les prennent pour de malins esprits, s’imaginent qu’ils conduisent au précipice le voyageur égaré que leur éclat éblouit, et qui prend pour guide leur trompeuse lumière. Olaùs Magnus dit que les voyageurs et les bergers de son temps rencontraient des esprits follets qui brûlaient tellement l’endroit où ils passaient qu’on n’y voyait plus croître ni herbe ni verdure[18]. Chez les Russes et chez les Polonais, les feux follets sont les âmes des morts.

Un jeune homme, revenant de Milan pendant une nuit fort noire, fut surpris en chemin par un orage ; bientôt il crut apercevoir dans le lointain une lumière et entendre plusieurs voix à sa gauche ; peu après il distingua un char enflammé qui accourait à lui, conduit par des bouviers dont les cris répétés laissaient entendre ces mots : Prends garde à toi ! Le jeune homme épouvanté pressa son cheval ; mais plus il courait, plus le char le serrait de près. Enfin, après une heure de course, il arriva, en se recommandant à Dieu de toutes ses forces, à la porte d’une église où tout s’engloutit. Cette vision, ajoute Cardan, était le présage d’une grande peste qui ne tarda pas à se faire sentir, accompagnée de plusieurs autres fléaux. Cardan était enfant lorsqu’on lui raconta cette histoire, de sorte qu’il peut aisément l’avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut la vision n’avait que vingt ans ; il était seul, il avait éprouvé une grande frayeur. Quant à la peste qui suivit, elle était occasionnée, aussi bien que l’exhalaison, par une année de chaleurs extraordinaires. Voy. Elfs, Jack of Lantern, etc.

Un des habitants de Cardigan, en Écosse, eut une vision de follets qui ne paraît pas tant une illusion. Elle est rapportée par Barter, dans son livre De la certitude des esprits. S’étant réveillé une nuit après minuit sonné, il vit entrer successivement, un à un, dans sa chambre, douze feux follets qui avaient forme de femmes portant de petits enfants. Sa chambre en était parfaitement éclairée. Les follets, après avoir dansé, s’assirent autour d’un tapis et parurent se disposer à souper. Ils l’invitèrent même à venir manger avec eux ; et comme il priait pendant cette vision, une voix lui dit de n’avoir pas peur. Au bout de quatre heures la vision disparut. Celui qui l’avait eue jura qu’il était bien éveillé et qu’il n’était pas le jouet d’une illusion. C’était un homme de bon sens et qui méritait confiance.

Féval (Paul), auteur de la belle légende intitulée la Femme blanche des marais, de la Fée des grèves et Du fils du diable. 1846. Ce dernier ouvrage est moins recommandable.

Fèves. Pythagore défendait à ses élèves de manger des fèves, légume pour lequel il avait une vénération particulière, parce qu’elles servaient à ses opérations magiques et qu’il savait bien qu’elles étaient animées. On dit qu’il les faisait bouillir ; qu’il les exposait ensuite quelques nuits à la lune, jusqu’à ce qu’elles vinssent à se convertir en sang, dont il se servait pour écrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il faisait voir à ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, tout ce qu’il avait écrit sur son miroir… Pythagore avait puisé ses idées sur les fèves chez les Égyptiens, qui ne touchaient pas à ce légume, s’imaginant qu’il servait de refuge à certaines âmes, comme les oignons servaient de logement à certains dieux. On conte qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver à travers un champ de fèves. C’est du moins une légende borgne très-répandue. Quoi qu’il en soit, on offrait chez les anciens des fèves noires aux divinités infernales.

Il y avait en Égypte, aux bords du Nil, de petites pierres faites comme des fèves, lesquelles mettaient en fuite les démons. N’étaient-ce pas des fèves pétrifiées ? Festus prétend que la fleur de la fève a quelque chose de lugubre, et que le fruit ressemble exactement aux portes de l’enfer… Dans l’ Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincue, page 263, Delancre dit qu’en promenant une fève noire, avec les mains nettes, par une maison infestée, et la jetant ensuite derrière le dos en faisant du bruit avec un pot de cuivre et priant neuf fois les fantômes de fuir, on les force de vider le terrain. Les jeunes filles de Venise pratiquaient avec des fèves noires une divination qui n’est pas encore passée de mode. Quand on veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le plus fidèle, on prend des fèves noires, on leur donne à chacune le nom d’un des jeunes gens par qui on est recherchée, on les jette ensuite sur le carreau : la fève, qui se fixe en tombant, annonce le cœur certain ; celles qui s’écartent avec bruit sont des poursuivants volages.

Fey, nom que l’on donne en Écosse à toute personne que l’on croit ensorcelée.

Fian, docteur en médecine, qui, selon les procédures, était associé ou affilié aux sorcières du temps du roi Jacques. Voy. Jacques.

Fiard (l’abbé), auteur de Lettres philosophiques sur la magie, du livre intitulé la France trompée par les démonolâtres, d’un autre intitulé les Précurseurs de l’Antéchrist, d’un autre intitulé Superstitions et prestiges des philosophes ou les démonolâtres du siècle de lumières, mort à Paris en 1818. On l’a beaucoup critiqué, parce qu’il voyait dans les ennemis de Dieu des serviteurs du diable. C’est pourtant conforme à l’adage divin : qui n’est pas pour moi est contre moi. Il disait que Voltaire était un démon ; mais Thomas l’a dit avant lui.

Ficino (Marsile), philosophe florentin, né en 1433. Un jour qu’il disputait avec Michel Mercati, son disciple, sur l’immortalité de l’âme, comme ils ne s’entendaient pas, ils convinrent que le premier qui partirait du monde en viendrait donner des nouvelles à l’autre. Peu après ils se séparèrent. Un soir que Michel Mercati, bien éveillé, s’occupait de ses études, il entendit le bruit d’un cheval qui venait en toute hâte à sa porte, et en même temps la voix de Marsile Ficino qui lui criait : — Michel, rien n’est plus vrai que ce qu’on dit de l’autre vie. — Michel Mercati ouvrit la fenêtre et vit son maître Ficino, monté sur un cheval blanc, qui s’éloignait au galop. Il lui cria de s’arrêter ; mais Marsile Ficino continua sa course jusqu’à ce qu’on ne le vit plus. Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt chez Ficino et apprit qu’il venait d’expirer.

Marsile Ficino a publié sur l’astrologie, sur l’alchimie, sur les apparitions et sur les songes, divers ouvrages devenus rares.

Fidélité. On lit dans Les admirables secrets d’Albert le Grand qu’en mettant un diamant sur la tête d’une femme qui dort, on connaît si elle est fidèle ou infidèle ; parce que, si elle est infidèle, elle s’éveille en sursaut et de mauvaise humeur ; si, au contraire, elle est fidèle, elle a un réveil gracieux. Le Petit Albert dit qu’on peut être bien sûr de la fidélité d’une femme, quand on lui a fait manger de la moelle de l’épine du dos d’un loup[19].

Fien (Thomas), Anversois, auteur d’un livre curieux sur les effets prodigieux de l’imagination, De viribus imaginationis, Londres, 1657.

Fientes. Des vertus et propriétés de plusieurs sortes de fientes. — « Comme l’homme est la plus noble créature, ses excréments ont aussi une propriété particulière pour guérir plusieurs maladies. Dioscoride et Galien en font cas et assurent qu’ils enlèvent les maux de gosier ou esquinancies. Voici la manière de les préparer. On donnera à manger à un jeune homme de bon tempérament des lupins pendant trois jours et du pain bien cuit, où il y aura du levain et du sel ; on lui fera boire du vin clairet, et on gardera les excréments qu’il rendra après trois jours de ce régime. On les mêlera avec autant de miel, et on les fera boire et avaler comme de l’opiat, ou bien, si le malade n’est pas ragoûté d’un tel condiment, on les appliquera comme un cataplasme : le remède est infaillible. » Nous ne dirons pas s’il est agréable.

Fiente de chien. — « Si on enferme un chien et qu’on ne lui donne pendant trois jours que des os à ronger, on ramassera sa fiente, qui, séchée et réduite en poudre, est un admirable remède contre la dyssenterie. On prendra des cailloux de rivière qu’on fera chauffer ; ensuite on les jettera dans un vaisseau plein d’urine, dans lequel on mettra un peu de cette fiente de chien réduite en poudre ; on en donnera à boire au malade deux fois la journée, pendant trois jours, sans qu’il sache ce qu’on lui donne… Cette fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs pour les vieux ulcères malins et invétérés… »

Fiente de loup. — « Comme on sait que cet animal dévore souvent les os avec tel chair de sa proie, on prendra les os que l’on trouvera parmi sa fiente, parce que, pilés bien menus, bus dans du vin, c’est un spécifique contre la colique. »

Fiente de bœuf et de vache. — « La fiente de bœuf et de vache, récente et nouvelle, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de chou, et chauffée dans les cendres, guérit les inflammations causées par les plaies. La même fiente apaise la sciatique. Si on la mêle avec du vinaigre, elle a la propriété de faire suppurer les glandes scrofuleuses et écrouelles. Galien dit qu’un médecin de Mysie guérissait toutes sortes d’hydropisies en mettant sur l’enflure de la fiente chaude de vache. Cette fiente aussi appliquée sur la piqûre des mouches à miel, frelons et autres, en enlève aussitôt la douleur. »

Fiente de porc. — « Cette fiente guérit les crachements de sang. On la fricasse avec autant de crachats de sang du malade, y ajoutant du beurre frais, et on la lui donne à avaler (s’il en a le courage). »

Fiente de chèvre. — « La fiente de chèvre a la vertu de faire suppurer toutes sortes de tumeurs. Galien guérissait fort souvent ces tumeurs et les duretés des genoux, mêlant cette fiente avec de la farina d’orge et de l’oxycrat, et l’appliquant en forme de cataplasme sur la dureté ; elle est admirable pour les oreillons, mêlée avec du beurre frais et de la lie d’huile de noix. Ce secret semblera ridicule ; mais il est véritable, car on a guéri plus de vingt personnes de la jaunisse, leur faisant boire tous les matins, pendant huit jours, à jeun, cinq petites crottes de chèvre dans du vin blanc… »

Fiente de brebis. — « Il ne faut jamais prendre cette fiente par la bouche comme celle des autres animaux, mais l’appliquer extérieurement sur le mal : elle a les mêmes propriétés que la fiente de chèvre. Elle guérit toutes sortes de verrues, de furoncles durs et de clous, si on la détrempe avec du vinaigre, et qu’on l’applique sur la douleur. »

Fiente des pigeons ramiers et des pigeons domestiques. — « Pour les douleurs de l’os ischion, la fiente des pigeons ramiers ou domestiques est admirable, étant mêlée avec de la graine de cresson d’eau ; et lorsqu’on veut faire mûrir une tumeur ou une fluxion, on peut user d’un cataplasme dans lequel entre une once de cette fiente, deux drachmes de graine de moutarde et de cresson, une once d’huile distillée de vieilles tuiles. Il est sûr que plusieurs personnes ont été guéries par cette fiente, mêlée avec de l’huile de noyaux de pêches. » Galien dit que la fiente d’oie est inutile à cause de son âcreté ; mais on est certain qu’elle guérit aussi de la jaunisse, lorsqu’on la détrempe dans du vin blanc et qu’on en boit pendant neuf jours. « Dioscoride dit que la fiente de poule ne peut être efficace que pour guérir de la brûlure, lorsqu’elle est mêlée avec de l’huile rosat ; mais Galien et Éginette assurent que, jointe avec de l’oxymel, cette fiente apaise la suffocation et soulage ceux qui ont mangé des champignons, car elle fait vomir tout ce qui embarrasse le cœur. Un médecin du temps de Galien guérissait la colique avec cette fiente, détrempée d’hypocras fait de miel et de vin. La fiente de souris, mêlée avec du miel, fait revenir le poil lorsqu’il est tombé, pourvu qu’on en frotte l’endroit avec cette mixtion… »

« Pour conserver la beauté, voici un secret très-important au beau sexe : c’est une manière de faire le fard. On prendra de la fiente de petits lézards, du tartre de vin blanc, de la raclure de corne de cerf, du corail blanc et de la farine de riz, autant de l’un que de l’autre ; on broiera le tout dans un mortier, bien menu, on le fera tremper ensuite dans de l’eau distillée d’une semblable quantité d’amandes, de limaces de vigne ou de jardin, et de fleurs de bouillon-blanc, après cela on y mêlera autant de miel blanc, et l’on broiera encore le tout ensemble. Cette composition doit être conservée dans un vase d’argent ou de verre, et l’on s’en servira pour se frotter le visage et les mains[20]… » Voilà, convenez-en, une singulière pharmacopée.

Fièvre. Quelques personnes croient encore se guérir de la fièvre en buvant de l’eau bénite la veille de Pâques ou la veille de la Pentecôte. En Flandre, on croyait autrefois que ceux qui sont nés un vendredi ont reçu de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre[21].

Figuier (M. Louis), auteur d’études curieuses sur le merveilleux dans les temps modernes. Trop sceptique.

Figures du diable. Le diable change souvent de formes, selon le témoignage de quantité de sorcières. Marie d’Aguerre confessa qu’il sortait en figure de bouc d’une cruche placée au milieu du sabbat. Françoise Secrétain déclara qu’il avait la mine d’un grand cadavre. D’autres sorcières ont dit qu’il se faisait voir sous les

Une des figures du diable.


traits d’un tronc d’arbre, sans bras et sans pieds, assis dans une chaire, ayant cependant quelque forme de visage humain. Mais plus généralement c’est un bouc ayant deux cornes par devant et deux par derrière. Lorsqu’il n’a que trois cornes, on voit une espèce de lumière dans celle du milieu, laquelle sert à allumer les bougies noires du sabbat. Il a encore une manière de bonnet ou chapeau au-dessus des cornes. Il s’est montré aussi en squelette.

On a prétendu que le diable se présente souvent sous l’accoutrement d’un homme qui ne veut pas se laisser voir clairement, et qui a le visage rouge de feu[22]. D’autres disent qu’il a deux visages à la tête, comme Janus. Delancre rapporte que, dans les procédures de la Tournelle, on l’a représenté en grand lévrier noir, et parfois ressemblant à un bœuf d’airain couché à terre. Il prend encore la forme d’un dragon, ou bien c’est un gueux qui porte les livrées de la misère, dit Leloyer. D’autres fois il abuse de la figure des prophètes ; et, du temps de Théodose, il prit celle de Moïse pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer à pied sec[23]. Le commentateur de Thomas Valsingham rapporte que le diable sortit du corps d’un diacre schismatique sous la figure d’un âne, et qu’un ivrogne du comté de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin déguisé en grenouille. Leloyer cite quelque part un démon qui se montra à Laon sous la figure d’une mouche ordinaire. Ces métamorphoses diverses que se donnent les démons pour se faire voir aux hommes sont multipliées à l’infini. Quand ils apparaissent avec un corps d’homme, on les reconnaît à leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs griffes et à leurs cornes, qu’ils peuvent bien cacher en partie, mais qu’ils ne déposent jamais entièrement.

Cœsarius d’Heisterbach ajoute à ce signalement qu’en prenant la forme humaine, le diable n’a ni dos ni derrière, de sorte qu’il se garde de montrer ses talons. (Miracul. lib. III.) Les Européens représentent ordinairement le diable avec un teint noir et brûlé ; les nègres au contraire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un officier français se trouvant au dix-septième siècle dans le royaume d’Ardra, en Afrique, alla faire une visite au chef des prêtres du pays. Il aperçut dans la chambre du pontife une grande poupée blanche et demanda ce qu’elle représentait. On lui répondit que c’était le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Français, le diable est noir. — C’est vous qui êtes dans l’erreur, répliqua le vieux prêtre ; vous ne pouvez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tous les jours, et je vous assure qu’il est blanc comme vous[24]. Voy. à leurs articles particuliers les principaux démons. Voy. aussi Formes.

Fil de la Vierge. Les bonnes gens croient que ces flocons blancs cotonneux qui nagent dans l’atmosphère et descendent du ciel sont des présents que la sainte Vierge nous fait, et que c’est de sa quenouille céleste qu’elle les détache. Ils annoncent le beau temps. Le physicien Lamarck prétend que ce ne sont pas des toiles d’araignées ni d’autres insectes fileurs, mais des filaments atmosphériques qui se remarquent dans les jours qui n’ont pas offert de brouillard. Selon le résultat des observations de ce savant, le fil de la Vierge n’est qu’un résidu des brouillards dissipés, et en quelque sorte réduits et condensés par l’action des rayons solaires, « de sorte qu’il ne nous faudrait qu’une certaine suite de beaux soleils et de brouillards secs pour approvisionner nos manufactures et nous fournir un coton tout filé, beaucoup plus beau que celui que nous tirons des pays chauds[25]. »

Filiat-Chout-Chi, dieu des Kamtschadales, père de Touita.

Filles du diable. Voy. Mariage du diable.

Fin du monde. Hérodote a prédit que le monde durerait 10, 800 ans ; Dion, qu’il durerait 13, 984 ans ; Orphée, 120, 000 ; Cassander, 1, 800, 000. Il serait peut-être mieux de croire à ces gens-là, dont les prédictions ne sont pas encore démenties, qu’à une foule de prophètes, maintenant réputés sots dans les annales astrologiques. Tels furent Aristarque, qui prédisait la débâcle générale du genre humain en l’an du monde 3384 ; Darétès en l’an 5552 ; Arnauld de Villeneuve, en l’an de Notre-Seigneur 1395 ; Jean Hilten, Allemand, en 1651. L’Anglais Wistons, explicateur de l’Apocalypse, qu’il voulait éclaircir par la géométrie et l’algèbre, avait conclu, après bien des supputations, que le jugement dernier aurait lieu en 1715, ou au plus tard en 1716. On nous a donné depuis bien d’autres frayeurs. Le 18 juillet 1816 devait être le dernier jour. M. de Krudener l’avait remis à 1819, M. de Libenstein à 1823, M. de Sallmard-Montfort à 1836, et d’autres prophètes, sans plus de succès, au 6 janvier 1840. Attendons ; mais si nous sommes sages, tenons-nous prêts.

Non loin d’Avignon et, village qui est auprès de Villefranche en Languedoc, est un petit monticule situé au milieu d’une des plus fertiles plaines de l’Europe ; au haut de ce monticule sont placées les pierres de Naurause, c’est-à-dire deux énormes blocs de granit qui doivent avoir été transportés là du temps des druides. Or, il faut que vous sachiez (tous les gens du pays vous le diront) que quand ces deux pierres viendront à se baiser, ce sera le signal de la fin du monde. Les vieilles gens disent que depuis un siècle elles se sont tellement rapprochées qu’un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, tandis qu’il y a cent ans un homme à cheval y passait sans difficulté. Voy. Bernard de Thuringe, Felgenhaver, Éclipses, etc.

Finnes. On lit dans Albert Krantz[26] que les Finnes ou Finlandais sont sorciers, qu’ils ont le pouvoir de connaître l’avenir et les choses cachées ; qu’ils tombent en extase ; que, dans cet état, ils font de longs voyages sans que leur corps se déplacent qu’à leur réveil ils racontent ce qu’ils ont vu, apportant en témoignage de la vérité une bague, un bijou que leur âme a pris en voyageant dans les pays éloignés. Delancre dit que ces sorciers du Nord vendent les vents, dans des outres, aux navigateurs, lesquels se dirigent alors comme ils veulent. Mais un jour un maladroit, qui ne savait ce que contenaient ces outres, les ayant crevées, il en sortit une si furieuse tempête que le vaisseau y périt. Olaùs Magnus rapporte que certains de ces magiciens vendaient aux navigateurs trois nœuds magiques serrés avec une courroie. En dénouant le premier de ces nœuds, on avait des vents doux et favorables ; le second en élevait de plus véhéments ; le troisième excitait les plus furieux ouragans.

Finskgalden, espèce de magie en usage chez les Islandais ; elle a été apportée en Islande par un magicien du pays, qui avait fait à ce dessein un voyage en Laponie. Elle consiste à maîtriser un esprit, qui suit le sorcier sous la forme d’un ver ou d’une mouche, et lui fait opérer des merveilles.

Fioravanti (Léonard), médecin, chirurgien et alchimiste du seizième siècle. On remarque parmi ses ouvrages, qui sont nombreux, le Résumé des secrets qui regardent la médecine, la chirurgie et l’alchimie[27]. Venise, 1571, in-8o, 1666 ; Turin, 1580.

Fiorina. Voy. Florine.

Fischer (Gertrude). M. l’abbé David, du diocèse de Liège, a conté l’histoire de cette fille, à la suite d’un récit très-remarquable intitulé le Million de l’usurière : « L’histoire d’une personne nommée Gertrude, fille de Fischer, bourgeois de Lubus, qui vivait au seizième siècle, prouve que l’amour de l’argent nous dispose quelquefois à recevoir les influences du démon. Gertrude n’avait qu’à prendre quelqu’un par son habit, ou par sa manche, ou par sa barbe, pour être sûre d’attraper toujours de l’argent ; puis elle le mettait aussitôt dans sa bouche, le mâchait et l’avalait, si on ne l’en empêchait. Plusieurs habitants de sa ville natale ont conservé longtemps des pièces de monnaie qui leur étaient venues d’elle. Son contemporain, le trop fameux docteur Martin Luther, fut consulté sur l’état de Gertrude. Il conseilla de la conduire au sermon et de prier Dieu pour elle. Les pasteurs protestants n’ayant rien pu pour la soulager, le père de Gertrude Fischer s’adressa à un prêtre catholique, qui reconnut en elle une véritable possession du démon de l’avarice, et la délivra par l’exorcisme. Gertrude servit, après sa guérison, comme domestique dans une maison où l’on n’eut qu’à se louer de sa conduite.

» Voici comment Gertrude avait été séduite par le démon. Elle était tourmentée du désir de posséder de l’or et de l’argent. Une nuit elle entend pendant son sommeil une voix qui lui dit : — De grandes richesses te seront données ; lève-toi. Gertrude obéit et voit devant elle un homme qui lui dit : — Si tu veux être mon esclave, tu posséderas tous mes trésors qui sont dans la terre. Elle avait eu l’imprudence de répondre, poussée par l’avarice : — Qui que tu sois, tu es mon maître. — Tout à coup l’apparition avait pris une forme terrible, et Gertrude était possédée. L’histoire de cette fille offre des circonstances bizarres qu’il est inutile de raconter[28]. Qu’on sache seulement qu’avant que le démon, chassé de son corps par les prières de l’Église, l’eût définitivement quittée, elle exerçait sur les métaux une attraction inimaginable. Gardons-nous (Jonc de l’avarice, qui, corroborée par des influences sataniques, peut nous attirer le même sort. »

Flade, recteur de l’université de Trêves, grand ennemi des sorciers, en fit brûler plusieurs ; après quoi, reconnu sorcier lui-même et vendu aux démons que ses cruautés servaient, il fut brûlé publiquement lui-même dans sa ville, en l’an 1586. Temps et pays de réforme !

Flaga, fée malfaisante des Scandinaves.


Quelques-uns disent que ce n’était qu’une magicienne qui avait un aigle pour monture.

Flambeaux. Trois flambeaux allumés dans la même chambre sont un présage de mort. Ayez donc soin d’en avoir deux ou quatre.

Flamel (Nicolas), célébrité du quatorzième siècle. On ne sait précisément ni la date ni le lieu de sa naissance, que l’on suppose avoir eu lieu à Paris ou à Pontoise. Il fut écrivain public aux charniers des Innocents, poêle, peintre, architecte. De pauvre qu’il était, il devint extrêmement riche, et on attribua sa fortune au bonheur qu’il avait eu de trouver la pierre philosophai. Les uns disent qu’elle lui fut révélée par un esprit dont on ne déclare pas l’espèce ; Quelques-uns les autres qu’il la dut à une certaine prière cabalistique que plusieurs curieux ont récitée sans profit, et qu’il parvint à changer le cuivre en or.

Dans un livre que M. Aug. Vallet, de l’École des chartes, a analysé, Flamel conte qu’il trouva, à force d’aides et d’application, le secret du grand œuvre. Il devint riche à cinq millions, qui en valaient plus de cinquante d’aujourd’hui. Mais ce ne sont là que des fables. L’abbé Vilain a démontré que Flamel était un simple bourgeois qui devint riche par le travail opiniâtre, et qui fit de bonnes œuvres. Toutefois bien des amateurs voient encore en lui le plus habile des philosophes hermétiques ; et il se trouve des gens, même de nos jours, qui croient que, grâce à la pierre philosophale, qui est aussi l’élixir de vie, Nicolas Flamel n’est pas mort.

Voici toutefois sa légende : « Une nuit, dit-on, pendant son sommeil, un ange lui apparut, tenant un livre assez remarquable, couvert de cuivre bien ouvragé, les feuilles d’écorce déliée, gravées d’une très-grande industrie, et écrites avec une pointe de fer. Une inscription en grosses lettres dorées contenait une dédicace faite à la gent des Juifs, par Abraham le Juif, prince, prêtre, astrologue et philosophe. — Flamel, dit l’ange, vois ce livre auquel tu ne comprends rien : pour bien d’autres que toi il resterait inintelligible ; mais tu y verras un jour ce que tout autre n’y pourrait voir. — À ces mots Flamel tend les mains pour saisir ce présent précieux ; mais l’ange et le livre disparaissent, et il voit des flots d’or rouler sur leur trace. Il se réveilla ; et le songe tarda si longtemps à s’accomplir, que son imagination s’était beaucoup refroidie, lorsqu’un jour, dans un livre qu’il venait d’acheter en bouquinant, il reconnut l’inscription du même livre qu’il avait vu en songe, la même couverture, la même dédicace et le même nom d’auteur. Ce livre avait pour objet la transmutation métallique, et les feuillets étaient au nombre de vingt et un, « qui font la mystérieuse combinaison cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit à étudier ; et, ne pouvant comprendre les figures, il fit un vœu, disent les conteurs hermétiques ? pour posséder l’interprétation d’icelles, qu’il n’obtint pourtant que d’un rabbin. Le pèlerinage à Saint-Jacques, qui était son vœu, eut lieu aussitôt ; Flamel en revint tout à fait illuminé. Et voici, selon les mêmes conteurs, la prière qu’il avait faite pour obtenir l’intelligence : — « Dieu tout-puissant, éternel, père de la lumière, de qui viennent tous les biens et tous les dons parfaits, j’implore votre miséricorde infinie ; laissez-moi connaître votre éternelle sagesse ; c’est elle qui environne votre trône, qui a créé et fait, qui conduit et conserve tout. Daignez me l’envoyer du ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre gloire, afin qu’elle soit et qu’elle travaille en moi ; car c’est elle qui est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes, qui possède la science et l’intelligence de toutes choses. Faites qu’elle m’accompagne dans toutes mes œuvres ; que par son esprit j’aie la véritable intelligence ; que je procède infailliblement dans l’art noble auquel je me suis consacré, dans la recherche de la miraculeuse pierre des sages que vous avez cachée au monde, mais que vous avez coutume au moins de découvrir à vos élus ; que ce grand œuvre que j’ai à faire ici-bas je le commence, je le poursuive et je l’achève heureusement ; que, content, j’en jouisse à toujours. Je vous le demande par Jésus-Christ, la pierre céleste, angulaire, miraculeuse et fondée de toute éternité, qui commande et règne avec vous[29], etc. »

Cette prière eut tout son effet, puisque Flamel convertit d’abord du mercure en argent, et bientôt du cuivre en or. Il ne se vit pas plutôt en possession de la pierre philosophale qu’il voulut que des monuments publics attestassent sa piété et sa prospérité. Iï n’oublia pas aussi de faire mettre partout ses statues et son image, sculptées, accompagnées d’un écusson où une main tenait une écritoire en forme d’armoirie. Il fit graver, de plus, le portrait de sa femme, Pernelle, qui l’accompagna dans ses travaux alchimiques.

Flamel fut enterré dans l’église de Saint-Jacques de la Boucherie, à Paris. Après sa mort, plusieurs personnes se sont imaginé que toutes les sculptures allégoriques de cette église étaient autant de symboles cabalistiques qui renfermaient un sens qu’on pouvait mettre à profit. Sa maison, vieille rue de Marivaux, n° 16, passa dans leur imagination pour un lieu où l’on devait trouver des trésors enfouis : un ami du défunt s’engagea, dans cet espoir, à la restaurer gratis ; il brisa tout et ne trouva rien.

D’autres ont prétendu que Flamel n’était pas mort, et qu’il avait encore mille ans à vivre : il pourrait même vivre plus, en vertu du baume universel qu’il avait découvert. Quoi qu’il en soit, le voyageur Paul Lucas affirme, dans une de ses relations, avoir parlé à un derviche ou moine turc, qui avait rencontré Nicolas Flamel et sa femme s’embarquant pour les Indes.

On ne s’est pas contenté de faire de Flamel un adepte, on en a fait un auteur. En 1561, cent quarante-trois ans après sa mort, Jacques Gohorry publia, in-18, sous le titre de Transformation métallique, trois traités en rhythme française : la Fontaine des amoureux des sciences ; les Remontrances de nature à l’alchimiste errant, avec la réponse, par Jean de Meung, et le Sommaire philosophique attribué à Nicolas Flamel. On met aussi sur son compte le Désir désiré, ou Trésor de philosophie, autrement le Livre des six paroles, qui se trouve avec le Traité du soufre, du Cosmopolite, et l’œuvre royale de Charles VI, Paris, 1618, 1629, in-8o. On le fait encore auteur du Grand éclaircissement de la pierre philosophale pour la transmutation de tous métaux, in-8o, Paris, 1628. L’éditeur promettait la Joie parfaite de moi, Nicolas Flamel, et de Pernelle, ma femme, ce qui n’a point paru. On a donné enfin la Musique chimique, opuscule très-rare, et d’autres fatras qu’on ne recherche plus.

Au résumé, Flamel était un homme laborieux qui sut acquérir de la fortune en travaillant avec les juifs, et comme il en fit mystère, on l’attribua à des moyens merveilleux. L’abbé de Villars métamorphose Flamel, dans le Comte de Gabalis, en un chirurgien qui commerçait avec les esprits élémentaires. On a débité sur lui mille contes singuliers ; et de nos jours un chercheur de dupes, ou peut-être un plaisant, répandit en mai 1818, dans les cafés de Paris, une espèce d’avertissement où il déclarait qu’il était le fameux Nicolas Flamel qui recherchait la pierre philosophale au coin de la rue Marivaux, à Paris, il y a plus de quatre cents ans ; qu’il avait voyagé dans tous les pays du monde, et qu’il prolongeait sa carrière depuis quatre siècles par le moyen de l’élixir de vie qu’il avait le bonheur de posséder. Quatre siècles de recherches l’avaient rendu, disait-il, très-savant et le plus savant des alchimistes. Il faisait de l’or à volonté. Les curieux pouvaient se présenter chez lui, rue de Cléry, no 22, et y prendre une inscription qui coûtait trois cent mille francs, moyennant quoi ils seraient initiés aux secrets du maître, et se feraient sans peine un million huit cent mille francs de rente.

Flaque (Louis-Eugène), sorcier jugé à Amiens en 1825. On l’accusa d’escroqueries à l’aide d’opérations magiques et cabalistiques, de complicité avec Boury, teinturier, logé rue des HautesCornes, audit Amiens, et encore avec François Russe, laboureur de Conti. — Au mois de mars 1825, la cour royale d’Amiens confirma un jugement par lequel il appert que les trois individus susnommés ont, par des manœuvres frauduleuses, persuadé à des particuliers l’existence d’un pouvoir mystérieux surnaturel ; sur quoi, et pour en user, l’un de ces crédules particuliers remit à Boury la somme de cent quatre-vingt-douze francs ; Boury présenta le consultant à un individu déguisé en démon, dans le bois de Naours. Le démon promit au particulier huit cent mille francs, qui n’arrivèrent jamais. Boury, Flaque et Russe n’en gardèrent pas moins les cent quatre-vingt-douze francs ; mais le bailleur les poursuivit. Boury fut condamné à quinze mois de prison, Flaque et Russe à une année, à l’amende de cinquante francs, et au remboursement des frais, etc.

Voici ce qu’on apprit dans les débats. Boury exerçait l’état de chirurgien dans la commune de Mirvaux ; n’étant pas toujours heureux dans ses cures, il persuadait à ses malades que l’on avait jeté un sort sur eux ; il leur conseillait de chercher un devin plus savant que lui ; cependant il se faisait payer et se retirait. Ces escroqueries n’étaient que le prélude de facéties plus graves. En 1820, le charron Louis Pâque, ayant besoin d’argent, se rendit à Amiens ; là il en emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la chose, dit qu’il procurerait de l’argent à meilleur compte, moyennant quelques avances. Le charron alla le trouver ; Boury lui déclara que le meilleur moyen d’avoir des fonds était de se vendre au diable" ; et voyant que Pâque ne reculait pas à une telle proposition, il lui demanda deux cents francs pour assembler le conseil infernal ; Louis Pâque les donna. Boury s’arrangea de façon à toucher ainsi pour frais préliminaires sept à huit mille francs. Enfin il fut convenu qu’en donnant encore quatre louis, Pâque obtiendrait cent mille francs ; malheureusement il s’était fort dépouillé ; il n’en put donner que deux. Il partit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef sorcier, et un sieur de Noyencourt, pour le bois de Saint-Gervais. Boury tira d’une de ses poches un papier écrit qu’il fit tenir aux assistants, chacun par un coin. Il était minuit. Flaque fit aussitôt trois conjurations. Le diable ne parut pas. Noyencourt et Boury dirent alors que le diable était occupé ce jour-là ; on prit un autre rendez-vous au bois de Naours. Pâque à cet autre rendez-vous mena sa fille avec lui ; pauvre fille ! Mais Boury lui avait dit qu’il fallait que son premier-né assistât à l’opération. Flaque et Boury appelèrent le diable en latin. Le diable enfin parut. Il avait une redingote rouge-bleuâtre, un chapeau galonné. Il portait un sabre. Sa taille était d’environ cinq pieds six pouces. Le nom de ce démon était Robert, et celui du valet qui l’accompagnait Saday. Boury dit au diable : — Voici un homme que je te présente ; il désire avoir quatre cent mille francs pour quatre louis, peux-tu les lui donner ? — Le diable répondit : — Il les aura. — Pâque lui présenta l’argent ; et le diable lui fit faire le tour du bois en quarante-cinq minutes, avec Boury et Flaque, avant de bailler les quatre cent mille francs. L’un des sorciers perdit même un de ses souliers dans la course. Pâque, à son détour, aperçut une table et des chandelles dessus ; il poussa un cri : — Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout perdu ; l’affaire est manquée. — Le stupide charron s’enfuit à travers le bois ; puis reprenant courage, il revint devant le diable, qui lui dit : — Scélérat, tu as traversé le bois au lieu d’en faire le tour. Retire-toi sans te retourner, ou je te tords le cou…

Mais ce n’était pas fini. Une autre opération eut encore lieu dans le même bois ; quand Pâque cette fois demanda l’argent, le diable lui dit : — Adresse-toi au bureau. — C’était un buisson… Comme il n’y avait rien dans ce buisson, le démon promit que la somme se trouverait le lendemain dans la cave même du charron ; Pâque s’y rendit le lendemain, avec sa femme et celle du bonhomme qui avait donné les cent quatre-vingt-douze francs pour la première affaire. Mais néant encore ; et pour surcroît, Boury, qu’ils prenaient à partie, les menaça de se plaindre au procureur du roi… Pâque reconnut qu’il était trompé, et se retira avec son argent perdu… Nous sommes cependant dans le dix-neuvième siècle, et nous avons les lumières du dix-huitième !…

Flauros, grand général aux enfers. Il se fait voir sous la figure d’un terrible léopard. Lorsqu’il prend la forme humaine, il porte un visage

affreux, avec des yeux enflammés. Il connaît le passé, le présent et l’avenir, soulève tous les démons ou esprits contre ses ennemis les exorcistes, et commande vingt légions[30].

Flavia-Veneria-Bessa, femme qui fit bâtir une chapelle en l’honneur des anciens monarques de l’enfer, Pluton et Proserpine, par suite d’un avertissement qu’elle avait eu en songe[31].

Flavin, auteur d’un ouvrage intitulé l’État des âmes trépassées, in-8o, Paris, 1579.

Flaxbinder. Le professeur Hanov, bibliothécaire à Dantzig, après avoir combattu les apparitions et les erreurs des différents peuples touchant les revenants et les spectres, raconte toutefois le fait suivant :

« Flaxbinder, plus connu sous le nom de Johannes de Curiis, passa les années de sa jeunesse dans l’intempérance et la débauche. Un soir, tandis qu’il se plongeait dans l’ivresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un spectre qui ressemblait si fort, par la figure et la contenance, à son fils qu’elle le prit pour lui-même. Ce spectre était assis près d’un bureau couvert de livres, et paraissait profondément occupé à méditer et à lire tour à tour. Persuadée qu’elle voyait son fils, et agréablement surprise, elle se livrait à la joie que lui donnait ce changement inattendu, lorsqu’elle entendit dans la rue la voix de ce même Flaxbinder, qui lui semblait être dans la chambre. Elle fut horriblement effrayée. On le serait à moins. Cependant ayant observé que celui qui jouait le rôle de son fils ne parlait pas, qu’il avait l’air sombre, hagard et taciturne, elle conclut que ce devait être un spectre ; et, cette conséquence redoublant sa terreur, elle se hâta de faire ouvrir la porte au véritable Flaxbinder. Il entre, il approche ; le spectre ne se dérange pas. Flaxbinder, pétrifié à ce spectacle, forme, en tremblant, la résolution de s’éloigner du vice, de renoncer à ses désordres, d’étudier enfin et d’imiter le fantôme. À peine a-t-il conçu ce louable dessein que le spectre sourit d’une manière un peu farouche, comme font les savants, ferme les livres et s’envole… »

Flèches. Voici une divination qui se pratique chez les Turcs par le moyen des flèches. S’ils doivent aller à la guerre, entreprendre un voyage, ou acheter quelque marchandise, ils prennent quatre flèches qu’ils dressent en pointe l’une contre l’autre, et qu’ils font tenir par deux personnes, c’est-à-dire par quatre mains ; puis ils mettent sur un coussin une épée nue devant eux, et lisent un certain chapitre du Koran. Alors les flèches se battent durant quelque temps, et enfin les unes montent sur les autres. Si, par exemple, les victorieuses ont été nommées chrétiennes (car dans les divinations relatives à la guerre ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et donnent aux deux autres le nom de leur ennemi), c’est signe que les chrétiens vaincront ; si autrement, c’est une marque du contraire[32]Voy. Bélomancie.

Fleurs. On a eu aussi des idées mystérieuses sur les fleurs. On donnait des vertus à leurs pétales, surtout quand ils sont au nombre de cinq. On croyait guérir la fièvre quotidienne avec un pétale, la fièvre tierce avec trois, la fièvre quarte avec quatre.

Flins. Les anciens Vandales adoraient sous ce nom une grosse pierre qui représentait la Mort couverte d’un long drap, tenant un bâton à la main et portant une peau de lion sur les épaules. Ces peuples croyaient que cette divinité, lorsqu’elle était de bonne humeur, pouvait les ressusciter après leur trépas.

Florent de Villiers. Voy. Villiers.

Florimond de Rémond, conseiller au parlement de Bordeaux, mort en 1602. Il s’était jeté dans la réforme de Calvin. Les révélations d’une possédée qu’il vit exorciser le firent rentrer dans l’Église. Il a écrit sur l’Antéchrist et sur les hérésies, et ses ouvrages présentent de précieuses recherches. Mais les protestants qu’il avait désertés se sont efforcés de l’amoindrir.

Florine, Fiorina et Florinde, nom d’un démon familier qui, au rapport de Pic de la Mirandole, fréquenta longtemps un sorcier nommé Pinet.

Floron, démon familier de Cecco d’Ascoli. Il est de l’ordre des chérubins damnés.

Flotilde. Ce personnage est inconnu ; mais ses Visions ont été conservées. On les trouve dans le Recueil de Duchesne[33].

Flots. Gambry parle d’un genre de divination assez curieux, qui se pratique dans les environs de Plougasnou : des devins interprètent les mouvements de la mer, les flots mourants sur la plage, et prédisent l’avenir d’après cette inspection[34].

Fluide. « Cette force souveraine, et simple ou composée, que le vulgaire nomme fluidique, elle est nommée ; donc elle existe, cette force ! elle fonctionne ; elle est connue de toute antiquité. Verrons-nous se former et naître d’elle, — on nous le dit, — le lien qui noue le magnétisme à la magie, l’âme au corps, notre personne à d’autres esprits que le nôtre, nos âmes et ces esprits enfin aux êtres divers de la création, avec lesquels je ne sais quelle nécessité de nature les oblige à communiquer[35] ? » Des hommes sérieux pensent que le fluide nerveux est l’agent qui met les hommes en communication avec les esprits. Voy. Magnétisme, Panthéisme, Esprits frappeurs, Spiritisme, etc.

Fo ou Foé, l’un des principaux dieux des Chinois. Il naquit dans les Indes, environ mille ans avant notre ère. Sa mère, étant enceinte de lui, songea qu’elle avalait un éléphant blanc, conte qui peut-être a donné lieu aux honneurs que les rois indiens rendent aux éléphants de cette couleur. Il finit ses jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes assurent qu’il est né huit mille fois, et qu’il a passé successivement dans le corps d’un grand nombre d’animaux avant de s’élever à la divinité. Aussi est-il représenté dans les pagodes sous la forme d’un dragon, d’un éléphant, d’un singe, etc. Ses sectateurs l’adorent comme le législateur du genre humain.

Focalor, général aux enfers. Il se montre sous les traits d’un homme ayant des ailes de griffon. Sous cette forme il tue les bourgeois et les jette dans les flots. Il commande à la mer, aux vents, et renverse les vaisseaux de guerre. Il espère rentrer au ciel dans mille ans ; mais il se trompe. Il commande à trente légions, et obéit en rechignant à l’exorciste[36].

Foi. Un ministre suisse de la secte des dissidents méthodistes, persuadé que tout est possible à la foi et à l’esprit de Dieu, deux grâces qu’il se flattait vaniteusement de posséder, se vanta en 1832 qu’il marcherait sur le lac de Constance. Le résultat de cette épreuve insensée a été ce qu’on pouvait prévoir, sans que cette étrange confiance ait pu s’ébranler dans le cœur de celui qui s’y livrait. Il en tira la conséquence que sa foi était trop faible, que son cœur n’avait’pas assez ressenti l’efficacité de l’esprit de Dieu ; et il remit à l’année suivante de recommencer sa tentative. Cette seconde épreuve faite en 1833 s’est terminée comme la première. Le ministre a pris un bain[37] ; et il a pu apprendre là 1o que la foi vraie ne s’amuse pas à tenter Dieu ; 2o qu’il ne se fait pas de miracles dans les branches séparées de l’Église. Voy. Raison.

Folgar, fête des nègres du Sénégal, avec les âmes de leurs parents. Voy. Lézards.

Folie. Voy. Possession.

Follet. Voy. Feux follets, Lutins, Farfadets, etc.

Fong-Chwi, opération mystérieuse qui se pratique en Chine dans la disposition des édifices, et surtout des tombeaux. Si quelqu’un bâtit par hasard dans une position contraire à ses voisins, et qu’un coin de sa maison soit opposé au côté de celle d’un autre, c’est assez pour faire croire que tout est perdu. Il en résulte des haines qui durent aussi longtemps que l’édifice. Le remède consiste à placer dans une chambre un dragon ou quelque autre monstre de terre cuite, qui jette un regard terrible sur le coin de la fatale maison, et qui repousse ainsi toutes les influences qu’on en peut appréhender. Les voisins qui prennent cette précaution contre le danger ne manquent pas chaque jour de visiter plusieurs fois le magot chargé de veiller à leur défense. Ils brûlent de l’encens devant lui, ou plutôt devant l’esprit qui le gouverne, et qu’ils croient sans cesse occupé de ce soin.

Fong-Onhang, oiseau fabuleux auquel les Chinois attribuent à peu près les mêmes propriétés qu’au phénix. Les femmes se parent d’une figure de cet oiseau, qu’elles portent en or, en argent ou en cuivre, suivant leurs richesses et leurs qualités.

Fonséca (le P. Pierre de). Dans sa métaphysique estimée il établit que les âmes des saints, qui reviennent en ce monde, peuvent prendre un corps et le rendre visible.

Fontaines. On prétend encore dans la Bretagne que les fontaines bouillonnent quand le prêtre chante la préface le jour de la Sainte-Trinité[38]. Voy. Hydromancie. Il y avait au château de Coucy, en Picardie, une fontaine appelée Fontaine de la Mort, parce qu’elle se tarissait lorsqu’un seigneur de Coucy devait mourir.

Fontenelle. Son Histoire des oracles est loin d’être exacte. File a été réfutée par le P. Baltus. Ses Entretiens sur la pluralité des mondes sont un jeu d’esprit.

Fontenettes (Charles), auteur d’une Dissertation sur une fille de Grenoble qui depuis quatre ans ne boit ni mange, 1737, in-4o, prodige qu’on attribuait au diable, et dont Fontenettes explique les causes moins ténébreuses.

Foray ou Morax. Voy. Morax.

Forças, Forras ou Furcas, chevalier, grand président des enfers ; il apparaît sous la forme d’un homme vigoureux, avec une longue barbe et des cheveux blancs ; il est monté sur un grand


cheval et tient un dard aigu. Il connaît les vertus des harbes et des pierres précieuses ; il enseigne la logique, l’esthétique, la chiromancie, la pyromancie et la rhétorique. Il rend l’homme invisible, ingénieux et beau parleur. Il fait retrouver les choses perdues ; il découvre les trésors, et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de démons[39].

Force. Milon de Crotone n’eut pas seul une force prodigieuse. Louis de Boufïlers, surnommé le Fort, au quatorzième siècle, possédait une force et une agilité extraordinaires, s’il faut en croire les récits du temps. Quand il avait croisé ses deux pieds, il était impossible de le faire avancer ou reculer d’un pas. Il brisait sans peine un fer à cheval ; et lorsqu’il saisissait un taureau par la queue, il l’entraînait où il voulait. Il enlevait un cheval et l’emportait sur ses épaules. On l’a vu souvent, armé de toutes pièces, sauter à cheval sans s’appuyer et sans mettre le pied dans l’étrier. Sa vitesse à la course n’était pas moins remarquable, puisqu’il dépassait le cheval d’Espagne le plus léger, dans un espace de deux cents pas. Un certain Barsabas, qui servait au commencement du dix-huitième siècle dans les armées françaises, emporta un jour, devant Louis XIV, un cheval chargé de son cavalier. Il alla trouver une autre fois un maréchal ferrant ; il lui donna un fer de cheval à forger. Celui-ci s’étant un peu éloigné, Barsabas prit l’enclume et la cacha sous son manteau. Le maréchal se retourne bientôt pour battre le fer ; il est tout étonné de ne plus trouver son enclume, et bien plus surpris encore de voir cet officier la remettre sans difficulté à sa place. Un Gascon, que Barsabas avait offensé dans une compagnie, lui proposa un duel : — Très-volontiers, lui répondit Barsabas ; touchez là. — Il prit la main du Gascon, et la lui serra si fort que tous les doigts en furent écrasés. Il le mit ainsi hors d’état de se battre. Le maréchal de Saxe était de même calibre. — Dans les anciens jours, on regardait comme favorisés par le diable les gens doués d’une force extraordinaire.

Forêts. Les forêts sombres sont des lieux où, comme dit Leloyer[40], les diables se mêlent avec les sorciers. Ces diables y font leurs orgies commodément sous la feuillée, et il n’y a pas de lieux où ils se rendent plus volontiers visibles.

Formes du diable. « Le démon, quand il veut approcher de l’homme, prend diverses


formes, à l’exception de celles de l’agneau et, de la colombe que Dieu semble lui avoir interdites. Il prend souvent la forme du bouc. S’il veut se


rendre familier, il prend celle d’un chat ou d’un chien ; celle d’un cheval, s’il veut emporter quelqu’un ; celle d’une souris ou d’une fouine, s’il faut passer par un lieu étroit ; celle d’un bourdon, s’il veut empêcher de parler ; celles d’un loup, d’un vautour, d’un renard, d’un hibou, d’une araignée, d’un dragon, s’il prétend effrayer. Quelquefois il prend une tête d’homme sur un corps de bête. Les coqs alors le devinent et s’en effrayent. Sil paraît en homme, la contrefaçon ne peut jamais être parfaite ; il est donc toujours sale, puant, laid ; son nez est incorrect ; ses yeux sont enfoncés, ses mains et ses pieds ont des griffes ; il boite d’une jambe quand il ne boite pas des deux. Sa voix semble sortir d’une pierre creuse ou d’un tonneau[41]… »

M. Didron, en tête de sa curieuse Histoire du diable (Histoire archéologique), fait remarquer que « dans l’Inde le diable, avec ses formes

monstrueuses, ne se compose que de membres confus d’animaux féroces ou perfides ; il a

généralement plusieurs têtes et plusieurs bras. En Occident, le diable a le plus souvent la forme humaine, mais laide et repoussante. » Le savant archéologue induit de l’Apocalypse que le chef des démons est Satan ; il est représenté par saint Jean avec sept têtes, dix cornes, sept couronnes et une queue immense. Il a deux lieutenants : l’un, qui règne sur les mers, a pareillement sept têtes, dix cornes et dix couronnes, trois de plus

que le maître, avec un corps de léopard, des pieds d’ours et une queue de lion ; l’autre, qui règne sur la terre, estime bête à deux cornes qui n’a que le nom de la Bête. Les démons subalternes ont d’autres formes de bêtes monstrueuses. Voy. Figures.

Fornéus, marquis infernal, semblable à un monstre marin. Il instruit l’homme dans les plus hautes affaires, fait du bien à ses amis et du mal à ses ennemis ; il a sous son pouvoir vingt-neuf légions de Trônes et d’Anges[42].

Forras. Voy. Forças.

Fortes-épaules. Le peuple de Dijon croit à l’existence d’une espèce de lutin de ce nom qui porte des fardeaux, et qui rappelle le Forte-échine de madame d’Aulnoy, dans le conte du Chevalier Fortuné.

Fosite. Saint Willibrord, au septième siècle, apôtre des Frisons, jeté par une tempête dans une petite île des côtes de la Frise, l’île d’Alemand, appelée alors Fositeland[43], vit avec douleur que ces pauvres peuples adoraient là le démon P’osite, qui donnait son nom au pays. Il y recevait un culte étendu. On regardait comme impie et sacrilège quiconque aurait osé tuer les animaux qui y vivaient, manger quelque chose de ce qu’elle produisait, et parler en puisant de l’eau à une fontaine qui y était. Le saint voulut détromper ces peuples, aveuglés d’une superstition si grossière. Il fit tuer quelques animaux que lui et ses compagnons mangèrent ; et il baptisa trois enfants dans la fontaine, en prononçant à haute voix les paroles prescrites par l’Église. Les insulaires s’attendaient à voir les saints punis de mort ; mais ils durent reconnaîtreque leur dieu Fosite ne pouvait rien contre eux. Le roi frison, Radbod, furieux de l’audace des missionnaires, ordonna de tirer au sort trois jours de suite et trois fois chaque jour, déclarant qu’il ferait périr celui sur qui le sort tomberait. Il tomba sur un compagnon du saint, qui fut sacrifié à la superstition, et mourut martyr de la vérité. Mais il ne tomba jamais sur saint Willibrord.

Fossiles. Ce qu’on a découvert des fossiles, dans ce premier feuillet de la géologie, que nous n’avons encore tourné qu’à demi, est venu démolir toutes les tours de Babel que dressaient les philosophes du dernier siècle. Et Cuvier, qui n’est pas allé loin, a déjà fait voir aux pauvres têtes étroites, qui n’ont pas place pour loger un peu de foi, que Moïse ne pouvait pas être attaqué. — Attendons.


Fossoyeur des catacombes.

Fossoyeur. Dans beaucoup de villages peu avancés, les bonnes gens ont une certaine peur


du fossoyeur ; on le croit en communication avec les morts ; et on n’ose pas trop l’aller visiter la nuit ; les âmes des corps qu’il a mis en terre pourraient vaguer autour de sa demeure. — On oublie trop que la fonction de fossoyeur doit être entourée, quand elle est dignement remplie, de respect et non de crainte, et que dans les catacombes elle était un des ordres mineurs établis par l’Église. Les fossoyeurs préparaient les tombes ; ils prenaient soin des vases où l’on recueillait le sang des martyrs, et des lampes qui éclairaient les saintes funérailles.

Lampe éclairant les funérailles.


Foudre. L’empereur Auguste gardait soigneusement une peau de veau marin pour se mettre à l’abri de la foudre. — Tibère portait dans la même vue une couronne de laurier. — Quand la foudre partait de l’orient, et que, n’ayant fait qu’effleurer quelqu’un, elle retournait du même côté, c’était le signe d’un bonheur parfait. Les Grecs modernes chassent les chiens et les chats quand il tonne, parce que leur présence est censée attirer la foudre sur les maisons.

Fougère. « Personne n’ignore les mauvaises et diaboliques façons dont on se sert pour cueillir la fougère aux maléfices. Le 23 juin, veille de la Saint-Jean-Baptiste, après un jeûne de quarante jours, plusieurs sorciers, conduits par Satan, recueillent pendant cette nuit la graine de cette herbe, qui n’a ni tige, ni fleur, ni semence, et qui renaît de la même racine ; qui plus est, le malin se joue de ces misérables sorciers en leur apparaissant cette nuit-là, au milieu des tempêtes, sous quelques formes monstrueuses, pour les épouvanter davantage. Ils croient s’en défendre par leurs exorcismes, par les cercles et caractères qu’ils font sur la terre autour d’eux ; ensuite ils mettent une nappe neuve de fin lin ou de chanvre sous la fougère qu’ils croient voir fleurir en une heure, pour en recevoir, la graine. Ils la plient dans un taffetas ou dans un parchemin vierge, et la gardent soigneusement pour deviner les songes et faire paraître les esprits. Le démon, par ses malices et menteries, leur persuade que cette semence n’est pas seulement propre à deviner, et que si on met de l’or ou de l’argent dans la bourse où l’on doit garder la semence de fougère, le nombre en sera doublé le jour suivant. Si l’événement n’a pas lieu, les magiciens vous accuseront de mauvaise foi, ou ils diront que vous avez commis quelque crime, tant nous nous laissons aller à ces abominables impostures de Satan[44]. » Des sorciers anglais prétendaient avoir un secret’par lequel, au moyen de la graine de fougère, ils se rendaient invisibles.

Foulques. Au temps de la guerre des Albigeois, vivait un méchant comte Foulques, lequel avait la coutume détestable de jurer et maugréer. Un jour qu’étant à cheval, il blasphémait furieusemant, il fut jeté à bas de sa monture et ne se releva point. On pensa qu’il avait été assommé par le diable, son grand ami.

Fourberies. Voy. Sorciers, Sabbat, etc. — Voy. aussi les divers imposteurs.

Fourmis. Les Thessaliens honoraient ces animaux, dont ils croyaient tirer leur origine. Les Grecs étaient si sottement vains qu’ils aimaient mieux descendre des fourmis de la forêt d’Égine, que de reconnaître qu’ils étaient des colonies de peuples étrangers. — La fourmi était un attribut de Cérès ; elle fournissait matière aux observations des augures.

Fourner (Catherine). Voy. Possédées de Flandre.

Fous. On sait le respect superstitieux que les musulmans ont pour les fous. Ils les croient des saints. Voy. Possession.

Francs-maçons. Les francs-maçons font remonter leur origine jusqu’au temps de Salomon et l’entourent de contes merveilleux. C’est un ordre qui paraît avoir pris naissance en Angleterre, et qui avait pour but dans le principe la construction des églises. Maintenant ce goût de maçonnerie est purement allégorique, et il a bien changé de destination : former le cœur, régler l’esprit, rappeler le bon ordre, voilà, disent les maçons, ce qu’on entend par le compas et l’équerre. Mais la vérité est que la franc-maçonnerie, comme société secrète, créée au commencement du dernier siècle par un Anglais, lord Montague, n’est autre chose que le protestantisme parvenu à l’état d’indifférence, et une sourde conspiration contre le Catholicisme. — Quand la franc-maçonnerie, qui détruit à présent, construisait, il n’y avait qu’un seul grand maître, qui résidait en Angleterre ; aujourd’hui chaque pays a le sien. Les assemblées des maçons se nomment communément loges. Une loge doit être au moins composée de sept membres. Le président de la loge porte le nom de vénérable. Il a au-dessous de lui deux surveillants, qui font exécuter les règlements de l’ordre. — Dans les assemblées solennelles, chaque frère a un tablier de peau ou de soie blanche, dont les cordons sont blancs aussi et d’étoffe pareille à celle du tablier ; les apprentis le portent tout uni, les compagnons l’entourent des couleurs de la loge, les maîtres y font broder une équerre, un compas, deux colonnes et les divers ornements de l’ordre. Les maîtres portent aussi un cordon bleu, auquel pendent une équerre et un compas. — Dans les repas, les lumières doivent être en triangle ; la table servie a trois, cinq, sept, neuf couverts et plus, suivant le nombre des convives, mais toujours en nombre impair. Tous les termes qu’on y emploie sont empruntés de l’artillerie, comme ceux qu’on emploie dans les travaux sont empruntés de l’architecture. On porte la première santé au prince à qui on obéit, la seconde au grand maître, la troisième au vénérable de la loge. On boit ensuite aux surveillants, aux nouveaux reçus et à tous les frères. — Le fils d’un franc-maçon est Loufton[45] ; il peut être reçu à quatorze ans. Le fils d’un profane (celui qui n’est pas franc-maçon) ne peut l’être qu’à vingt et un ans. Entre plusieurs signes mystérieux qui se voient dans les loges, on remarque au milieu de Y étoile flamboyante, un G, première lettre de God (en anglais Dieu). — Il y a dans la maçonnerie trois principaux grades. Il faut être apprenti avant d’être compagnon, et compagnon avant d’être maître. Les maîtres n’entrent en loge qu’avec le geste de l’horreur[46], et cela en mémoire de la mort d’Adoniram ou Hiram, dont on raconte diversement l’histoire. — Cette histoire ou ce conte n’est que pour amuser les niais. On peut appeler ainsi ceux qui se parent des trois grades dont nous venons de parler, et qui ne sont pas initiés aux grands secrets réservés aux dignitaires supérieurs. — Les uns vous diront que dans ce récit il s’agit de Hiram, roi de Tyr, qui fit alliance avec Salomon, et lui fut d’un grand secours pour la construction du temple. — D’autres content que ce Hiram était un excellent ouvrier en or, en argent et en cuivre ; qu’il était fils d’un Tyrien et d’une femme de la tribu de Nephtali[47] ; que Salomon le fit venir de Tyr pour travailler aux ornements du temple, comme on le voit au quatrième livre des Rois ; qu’entre autres ouvrages, il construisit, à l’entrée du temple, deux colonnes de cuivre, qui avaient chacune dix-huit coudées de haut et quatre de diamètre ; qu’il donna le nom de Jahin à l’une, près de laquelle on payait les apprentis, et le nom de Booz à l’autre, près de laquelle on payait les compagnons, etc. Mais voici l’histoire d’Adoniram[48] ou de Hiram, suivant l’opinion la plus commune chez les francs-maçons. Ils prétendent qu’elle a été puisée dans le Talmud, où on lit que le vénérable Hiram donna l’habit et le caractère de maçon à Salomon, qui se fit honneur de le porter.

Adoniram, que Salomon avait chargé de diriger les travaux de son temple, avait un si grand nombre d’ouvriers à payer, qu’il ne pouvait les connaître tous. Pour ne pas risquer de payer l’apprenti comme le compagnon, et le compagnon comme le maître, il convint avec les maîtres de mots et d’attouchements qui serviraient à les distinguer de leurs subalternes, et donna pareillement aux compagnons des signes de reconnaissance qui n’étaient point connus des apprentis. — Trois compagnons, peu satisfaits de leur paye, formèrent le dessein de demander le mot de maître à Adoniram, dès qu’ils pourraient le trouver seul, ou de l’assassiner s’il ne voulait pas le leur dire. Ils l’attendirent un soir dans le temple, et se postèrent, l’un au nord, l’autre ail midi, le troisième à l’orient. Adoniram étant entré seul par la porte de l’occident, et voulant sortir par celle du midi, un des trois compagnons lui demanda le mot de maître, en levant sur lui le marteau qu’il tenait à la main. Adoniram lui dit qu’il n’avait pas reçu le mot de maître de cette façon-là. Aussitôt le compagnon lui porta sur la tête un coup de marteau. Le coup n’ayant pas été assez violent pour le renverser, Adoniram s’enfuit vers la porte du nord, où il trouva le second, qui lui en fit autant. Cependant ce second coup lui laissant encore quelques forces, il tenta de sortir par la porte de l’orient, où le troisième, après lui avoir fait la même demande que les deux premiers, acheva de l’assommer. Les assassins enfouirent le corps sous un tas de pierres, et quand la nuit fut venue, ils le transportèrent sur un monticule où ils l’enterrèrent ; et, afin de pouvoir reconnaître l’endroit, ils plantèrent une branche d’acacia sur la fosse. — Salomon, ayant été sept jours sans voir Adoniram, ordonna à neuf maîtres de le chercher. Ces neuf maîtres exécutèrent fidèlement l’ordre. Après de longues et vaines recherches, trois d’entre eux, qui se trouvaient fatigués, s’étant assis par hasard à l’endroit où Adoniram avait été enterré, l’un, des trois arracha machinalement la branche d’acacia, et s’aperçut que la terre, en cet endroit, avait été remuée depuis peu. Les trois maîtres, curieux d’en savoir la cause, se mirent à fouiller et trouvèrent le corps d’Adoniram. Alors ils appelèrent les autres, et ayant tous reconnu leur chef, dans la pensée que quelques compagnons pouvaient bien avoir commis le crime, et qu’ils avaient peut-être tiré d’Adoniram le mot de maître, ils le changèrent sur-le-champ[49], et allèrent rendre compte à Salomon de cette aventure. Ce prince en fut touché ; il ordonna à tous les maîtres de transporter le corps d’Adoniram dans le temple, où on l’enterra en grande pompe. Pendant la cérémonie, tous les maîtres portaient des tabliers et des gants de peau blanche, pour marquer qu’aucun d’eux n’avait souillé ses mains du sang de leur chef. ;

Telle est l’histoire d’Adoniram. — L’ordre des francs-maçons a des prétentions à la gravité, quoiqu’il soit pétri et nourri de ridicules. Ce serait peu s’il n’avait pas en religion de pernicieuses tendances. Aussi le Saint-Siège, par quatre actes différents, a-t-il formellement condamné la franc-maçonnerie. Les mystérieuses jongleries de leurs loges leur ont donné la réputation de sorciers dans les campagnes. — Outre les ordres de chevalerie qu’ils ont créés pour leur amusement, il y a chez eux plusieurs schismes, et on citerait beaucoup de sociétés secrètes de ce genre plus ou moins absurdes. Les mopses, en Allemagne, étaient des francs-maçons qui avaient pour emblème un bouledogue. Une autre secte s’appelle l’ordre de la liberté, et ceux-là regardent Moïse comme leur fondateur. Les chevaliers prussiens font remonter leur origine à la tour de Babel ; d’autres à Noé.

On ne reçoit les femmes chez les francs-maçons que dans les loges dites d’adoption, loges où l’on fait bals et festins. On change alors les mots et les signes d’argot, pour ne pas exposer les secrets de l’ordre. — Insulte de plus aux femmes[50].

Frank (Christian), visionnaire qui mourut en 1590 ; il changea souvent de religion, ce qui le fit surnommer la Girouette. Il croyait la religion japonaise meilleure que les autres, parce qu’il avait lu que ses ministres avaient des extases.

Frank (Sébastien), autre visionnaire du seizième siècle, sur la vie duquel on a peu de données positives, quoiqu’il ait dans son temps excité l’attention du public. Il donna en 1531 un traité de l’Arbre de la science du bien et du mal, dont Adam a mangé la mort, et dont encore aujourd’hui tous les hommes la mangent. Le péché d’Adam n’est selon lui qu’une allégorie, et l’arbre que la personne, la volonté, la science, la vie d’Adam. Frank mourut en 1545.

On a encore de lui une traduction allemande de l’Eloge de la folie, par Érasme ; le Traité de la vanité des sciences, et l’Éloge de l’âne, traduits d’Agrippa en allemand ; Paradoxa ou Deux cent quatre-vingts discours miraculeux, tiré de l’Écriture sainte, Ulm, 1533, in-8o. Témoignage de l’Écriture sur les bons et les mauvais anges, 1535, in-8o, etc. N’était-il pas le père du précédent ?

Franzotius, auteur d’un ouvrage intitulé : De la divination des anges, in-4o, Francfort ou Venise, 1632.

Frappeurs. On cite dans le pays de Galles des esprits dits frappeurs qui habitent les mines. Louis Merris a écrit deux lettres sur ces esprits dans le troisième volume du Gentleman s magazine. Ces esprits ont peu de rapports avec ceux qui parlent aujourd’hui par les tables. Voy. Esprits frappeurs.

Fratricelles, ramas de vagabonds qui formaient au treizième et au quatorzième siècle une société occulte, opposée à l’Église, mais alliée à ceux qu’on appelait vaudois ou sorciers. Ils avaient des orgies, où hommes et femmes se jetaient de main en main un enfant jusqu’à ce qu’il fût mort. Celui entre les mains duquel il expirait, on le proclamait grand prêtre. Il brûlait l’enfant mort ; quand il était réduit en cendres, il noyait ces cendres dans du vin et faisait boire cette potion à tous ceux qui voulaient être initiés.

Frayeur. Piron racontait souvent qu’il avait environ dix ans lorsqu’un soir d’hiver, soupant en famille chez son père, on entendit des cris affreux qui partaient de chez un tonnelier voisin ; on alla voir ce que c’était. Un petit garçon, transi de peur, conduisit les curieux dans la chambre d’où venaient les cris, qui redoublèrent bientôt. — Ah ! messieurs, dit le tonnelier tremblant, couché en travers sur son lit, daignez au plus tôt faire appeler un chirurgien, car je sens que je n’ai pas longtemps à vivre. — Le père de Piron, après avoir chargé un domestique de remplir les intentions du prétendu malade, s’étant approché de lui, et l’ayant interrogé sur la cause de sa maladie : — Vous voyez, mon cher voisin, répondit le tonnelier, l’homme le plus misérable ! Ah ! maudite femme ! on m’avait bien dit que ses liaisons avec la plus détestable sorcière de la Bourgogne ne tarderaient guère à m’être fatales… — Ces propos faisant soupçonner que la tête de cet homme était dérangée, on attendit que le chirurgien fût arrivé. — Monsieur, s’écria le tonnelier lorsqu’il le vit entrer, j’implore votre secours, je suis un homme mort ! — Sachons d’abord, lui dit le chirurgien, de quoi il s’agit. — Ah ! faut-il que je sois forcé, en vous disant d’où partent mes douleurs, de déshonorer ma femme même ! répondit le pauvre homme. Maiselle le mérite, et, dans mon état, je n’ai plus rien à ménager. Apprenez donc qu’en rentrant chez moi ce soir, après avoir passé deux heures au plus chez le marchand de vin du coin, ma femme, qui me croit toujours ivre, m’ayant trop poussé à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me coucher en paix, d’être un peu rude à son égard ; sur quoi, après m’avoir menacé de sa vengeance, elle s’est sauvée du logis ; je me suis déshabillé pour gagner mon lit ; mais au moment d’y monter… Dieu ! la méchante créature ! une main, pour ne pas dire une barre de fer, plus brûlante qu’un tison, est tombée sur ma fesse droite, et la douleur que j’en ai ressentie, jointe à la peur qui m’a saisi, m’a fait manquer le cœur, au point que je ne crois pas y survivre !… Mais vous en riez, je crois ? Eh bien, messieurs, voyez si toute autre main que celle de Lucifer même put jamais appliquer une pareille claque ! Au premier aspect de la plaie, de sa noirceur et des griffes qui semblaient y être imprimées, la plupart des assistants furent saisis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais on rassura le malade sur les idées qu’il avait conçues, tant contre sa femme que contre la prétendue sorcière ; le chirurgien lui appliqua les remèdes convenables : on le laissa un peu dans son effroi, ce qui le corrigea légèrement de son ivrognerie. Ce remède avait été employé par la femme (au moyen d’un parent qu’elle avait fait cacher dans la maison) pour corriger l’intempérance du tonnelier. Voici une autre anecdote assez connue : Un homme, couché dans une hôtellerie, avait pour voisinage, sans qu’il le sût, une compagnie de chèvres et de boucs ; une cloison fort mince et ouverte par plusieurs trous les séparait de son appartement. Notre homme, très-fatigué, s’était couché sans examiner son gîte et dormait depuis deux heures d’un sommeil tranquille, lors qu’il fut troublé par la visite d’un bouc, son voisin, qui avait profité d’une grande ouverture pour le venir voir. Le bruit de ses sabots éveilla aisément notre voyageur, qui fut fort inquiet et prit l’animal pour un voleur de nuit ; le bouc, après plusieurs tours de chambre, vint au lit et mit les deux pieds dessus. Le pauvre homme, en ce moment, balançant entre le choix d’une prompte retraite ou d’une attaque vigoureuse, prit le parti de se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui les premiers se présentent à lui, l’intriguent ; mais il est bien plus surpris, lorsque mettant sa main sur la face pointue de cet animal, il y trouve une grande barbe, et plus haut des cornes. Persuadé alors que ce ne pouvait être que le diable, il sauta de son lit tout troublé, et passa le reste de la nuit à genoux, en prières et dans une continuelle frayeur. Le jour, qui dissipa enfin les ténèbres, fit voir à cet homme son prétendu diable.

Frédéric Barberousse. On croit en Allemagne qu’il n’est pas mort, mais endormi dans un souterrain du vieux château de Kiffhausen, devant une table de marbre, que sa barbe, qui pousse toujours, a déjà enveloppée de trois tours. Il apparaît quelquefois sur sa montagne, et il est l’objet de beaucoup de légendes[51].

Frédéric Barberousse.


Frêne. Get arbre passe, dans le Nord, pour avoir une vertu qui éloigne les esprits malfaisants.

Fribourg. M. Lucien Brun, dans un piquant récit, a conté comment un jour le vieux Conrad de Blumenthal, alors bourgmestre de Fribourg en Brisgaw, ayant dit à propos des privilèges de sa ville que l’on entamait, cette imprudente parole : — Je veux que Satan nous emporte et avec nous la moitié de notre bonne cité, si dès hier je n’y ai mis quelque ordre ! — C’était une bravade. Deux démons, qui l’entendaient sans être vus, enlevèrent aussitôt la moitié de Fribourg en Brisgaw et s’en allèrent la poser sur le flanc d’une montagne de la vieille Helvétie. — Telle est l’origine de Fribourg en Suisse[52].

Frisson des cheveux. On disait autrefois, dans certaines provinces, que le frisson des cheveux annonçait la présence ou le passage d’un démon.

Front. Divination par les rides du front. C’est la métoposcopie.

Cardan publia au seizième siècle un traité de Métoposcopie, dans lequel jl fait connaître au public une foule de découvertes curieuses. Le front, dit-il, est de toutes les parties du visage la plus importante et la plus caractéristique ; un physionomiste habile peut, sur l’inspection du front seul, deviner les moindres nuances du caractère d’un homme. En général, un front très-élevé, avec un visage long et un menton qui se termine en pointe, est l’indice de la nullité des moyens. Un front très-osseux annonce un naturel opiniâtre et querelleur. Si ce front est aussi


très-charnu, il est le signe de la grossièreté. Un front carré, large, avec un œil franc sans effronterie, indique du courage uni à la sagesse. Un front arrondi et saillant par le haut, qui descend ensuite perpendiculairement sur l’œil, et qui paraît plus large qu’élevé, annonce du jugement, de la mémoire, de la vivacité, mais un cœur froid. Des rides obliques au. front, surtout si elles se trouvent parallèles, annoncent un esprit soupçonneux. Si ces rides parallèles sont presque droites, régulières, pas très-profondes, elles promettent du jugement, de la sagesse, un esprit net. Un. front qui serait bien ridé dans sa moitié supérieure, et sans rides dans sa moitié inférieure, serait l’indice de quelque stupidité. Les rides ne se prononcent qu’avec les années. Mais avant de paraître, elles existent dans la conformation du front ; le travail quelquefois les marque dans l’âge tendre. Il y a au front sept rides ou lignes principales qui le traversent d’une tempe à l’autre. La planète de Saturne préside à la première, c’est-à-dire la plus haute ; Jupiter préside à la seconde ; Mars préside à la troisième ; le Soleil à la quatrième ; Vénus à la cinquième ; Mercure à la sixième ; la Lune à la septième, qui est la dernière, la plus basse et la plus voisine des sourcils. Si ces lignes sont petites, tortueuses, faibles, elles annoncent un homme débile et dont la vie sera courte. Si elles sont interrompues, brisées, inégales, elles amènent des maladies, des chagrins, des misères ; également marquées, disposées avec grâce ou prononcées fortement, c’est l’indice d’un esprit juste et l’assurance d’une vie longue et heureuse. Remarquons cependant que chez un homme à qui le travail ou des revers ont sillonné le front de rides profondes, on ne peut plus tirer de ce signe les mêmes conséquences ;


car alors ces lignes étant forcées, ce n’est plus que l’indice de la constance. Quand la ligne de Saturne n’est pas marquée, on peut s’attendre à des malheurs que l’on s’attirera par imprudence. Si elle se brise au milieu du front, c’est une vie agitée. Prononcée fortement, c’est une heureuse mémoire, une patience sage. La ride de Jupiter,


quand elle est brisée, présage qu’on fera des sottises. Si elle n’est pas marquée, esprit faible, inconséquent, qui restera dans la médiocrité. Si elle se prononce bien, on peut espérer les honneurs et la fortune. La ligne de Mars brisée promet un caractère inégal. Si elle ne paraît point, c’est un homme doux, timide et modeste. Fortement prononcée, elle contient de l’audace, de la colère, de l’emportement. Quand la ligne du Soleil manque tout à fait, c’est le signe de l’avarice. Brisée et inégale, elle dénote un bourru maussade et avare, mais qui a de meilleurs moments. Fortement prononcée, elle annonce de la modération, de l’urbanité, du savoir-vivre, un penchant à la magnificence. La ride de Vénus fortement prononcée est le signe d’un homme porté aux plaisirs. Brisée et inégale, cette ride promet des retours sur soi-même. Si elle n’est presque pas marquée, la complexion est froide. La ride de Mercure bien prononcée donne de l’imagination, les inspirations poétiques, l’éloquence Brisée, elle n’amène plus que l’esprit de conversation, le ton de la société. Si elle ne paraît pas du tout, caractère nul. Enfin la ride de la Lune, lorsqu’elle est très-apparente, indique un tempérament froid, mélancolique. Inégale et brisée, elle promet des moments de gaieté entremêlés de tristesse. Si elle manque tout à fait, c’est l’enjouement et la bonne humeur. L’homme qui a une croix sur la ride de Mercure se consacrera aux lettres et aux sciences. Deux lignes parallèles et perpendiculaires sur le front annoncent qu’on se mariera deux fois, trois fois si ces lignes sont au nombre de trois, quatre fois si elles sont au nombre de quatre, et toujours ainsi. Une figure qui aura la forme d’un C, placée au haut du front sur la ligne de Saturne, annonce une grande mémoire. Ce signe était évident sur le front d’un jeune Corse dont parle Muret, qui pouvait retenir en un jour et répéter sans effort dix-huit mille mots barbares qu’il n’entendait pas. Un C sur la ligne de Mars présage la force du corps. Ce signe était remarquable sur le front du maréchal de Saxe, qui était si robuste qu’il cassait des barres de fer aussi aisément qu’un paysan ordinaire casse une branche d’arbre ou un bâton de bois blanc. Un C sur la ligne de Vénus promet de mauvaises affaires. Un C sur la ligne de Mercure annonce un esprit mal fait, un jugement timbré. Un C entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la Lune, annonce un naturel prompt à s’emporter, une humeur vindicative. Les hommes qui portent cette figure sont ordinairement des duellistes, des boxeurs. Les époux qui ont le front chargé de ce signe se battent en ménage…

Ces aphorismes sont bien hardis. Celui qui aura entre les deux sourcils, sur la ligne de la Lune, la figure d’un X, est exposé à mourir au champ d’honneur dans une grande bataille. Celui qui porte au milieu du front, sur la ligne du Soleil, une petite figure carrée ou un triangle,’fera fortune sans peine. Si ce signe est à droite, il promet une succession. S’il est à gauche, il annonce des biens mal acquis. Deux lignes partant du nez et se recourbant des deux côtés sur le front, au-dessus des yeux, annoncent des procès. Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu’elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d’être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger… Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux. Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d’une goutte remontée. La figure du chiffre 3 sur la ligne de Saturne annonce des coups de bâton ; sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif ; sur la ligne de Mars, commandement d’un corps d’armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu’il mourra malheureusement, s’il ne réprime sa passion pour le vol. La figure d’un V sur la ligne de Mars annonce qu’on sera soldat et qu’on mourra caporal. La figure d’un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu’on sera persécuté pour des opinions politiques. La figure d’un P est le signe, partout où elle paraît, d’un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes. Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur : c’est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l’estime générale et une bonne mort. Toutes bénédictions que je vous souhaite.

Frothon. On lit dans Albert Krantz que Frothon, roi de Danemark, fut tué par une sorcière transformée en vache. Ce roi croyait à la magie et entretenait à sa cour une insigne sorcière qui prenait à son gré la forme des animaux. Elle avait un fils aussi méchant qu’elle, avec qui elle déroba les trésors du roi, et se retira ensuite. Frothon, s’étant aperçu du larcin et ayant appris que la sorcière et son fils s’étaient absentés, ne douta plus qu’ils n’en fussent coupables. Il résolut d’aller dans la maison de la vieille. La sorcière, voyant entrer le roi chez elle, eut recours aussitôt à son art, se changea en vache et son fils en bœuf. Le roi s’étant baissé pour contempler la vache plus à son aise, pensant bien que c’était la sorcière, la vache se rua avec impétuosité sur lui et lui donna un si grand coup dans les flancs qu’elle le tua sur-le-champ[53].

Fruit défendu. Voy. Tabac, Pomme d’Adam, etc.

Fruitier. Celui qui fait le fromage et le beurre dans le Jura est le docteur du canton. On l’appelle le fruitier ; il est sorcier, comme de juste. La richesse publique est dans ses mains ; il peut à volonté faire avorter les fromages, et en accuser les éléments. Son autorité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays les sources du Pactole ; on sent quelle considération ce pouvoir doit lui donner, et quels ménagements on a pour lui ! Si vous ajoutez à cela qu’il est nourri dans l’abondance, et qu’une moitié du jour il n’a rien à faire qu’à songer au moyen d’accaparer encore plus de confiance ; qu’il voit tour à tour, en particulier, les personnes de chaque maison, qui viennent faire le beurre à la fruiterie ; qu’il passe avec elles une matinée tout entière ; qu’il peut les faire jaser sans peine, et par elles apprendre, sans même qu’elles s’en doutent, les plus intimes secrets de leurs familles ou de leurs voisins ; si vous pesez bien toutes ces circonstances, vous ne serez point étonné d’apprendre qu’il est presque toujours sorcier, au moins devin ; qu’il est consulté quand on a perdu quelque chose, qu’il prédit l’avenir, qu’il jouit enfin dans le canton d’un crédit très-grand, et que c’est l’homme qu’on appréhende le plus d’offenser[54].

Fume-Bouche, démon invoqué, nous ne savons à quel titre, dans les litanies du sabbat.

Fumée. Dans toutes les communes du Finistère, on voit à chaque pas, dit Cambry, des usages antérieurs à la religion catholique. Quand un individu va cesser d’être, on consulte la fumée. S’élève-t-elle avec facilité, le mourant doit habiter la demeure des bienheureux. Est-elle épaisse, il doit descendre dans les antres du désespoir, dans les cavernes de l’enfer. — C’est une espèce de proverbe en Angleterre que la fumée s’adresse toujours à la plus belle personne. Et quoique cette opinion ne semble avoir aucun fondement dans la nature, elle est pourtant fort ancienne. Victorin et Casaubon en ont fait la remarque, à l’occasion d’un personnage d’Athénée, où un parasite se dépeint ainsi : — « Je suis toujours le premier arrivé aux bonnes tables, d’où quelques-uns se sont avisés de m’appeler soupe. Il n’y a point de porte que je n’ouvre comme un bélier ; semblable à un fouet, je m’attache à tout, et, comme la fumée, je me lie toujours à la plus belle[55]. » On dit en Champagne que la fumée du foyer, quand elle s’échappe, s’adresse aux plus gourmands.

Fumée (Martin), sieur de Génillé ; il a publié, comme traduit d’Athénagore, un roman dont il est l’auteur, intitulé Du vrai et parfait amour. Tout insipide qu’est ce roman, Fumée trouva le moyen de le faire rechercher des adeptes alchimistes, par diverses allusions, et surtout par un passage curieux où, sous le voile de l’allégorie, il peint la confection du grand œuvre. Ce passage, devenu célèbre chez les enfants de l’art, se trouve à la page 345 de l’édition de 1612, moins rare que la première, ainsi que dans l’Harmonie mystique de David Laigneau, Paris, 1636, in-8o.

Fumigations. Quelques doctes pensent que les bonnes odeurs chassent les démons, gens qui puent et qui ne peuvent aimer, comme a dit une grande sainte. Les exorcistes emploient diverses fumigations pour chasser les démons ; les magiciens les appellent également par des fumigations de fougère et de verveine ; mais ce ne sont que des cérémonies accessoires.

Funérailles. Voy. Deuil.

Furcas (le même que Forcas). Voy. ce nom.


Furfur.

Furfur, comte aux enfers. Il se fait voir sous la forme d’un cerf avec une queue enflammée ; il ne dit que des mensonges, à moins qu’il ne soit enfermé dans un triangle. Il prend souvent la figure d’un ange, parle d’une voix rauque et entretient l’union entre les maris et les femmes. Il fait tomber la foudre, luire les éclairs et gronder le tonnerre dans les lieux où il en reçoit l’ordre. Il répond sur les choses abstraites. Vingt-six légions sont sous ses ordres[56].

Furies, divinités infernales chez les anciens, ministres de la vengeance des dieux, et chargées d’exécuter les sentences des juges de l’enfer.

Fusely (Henri), célèbre artiste anglais. Il ressemblait un peu à nos peintres de l’école romantique : il affectionnait les sujets hideux et sauvages. C’est pour cela, sans doute, qu’il aimait beaucoup la mythologie barbare des Scandinaves : il l’a prouvé par plusieurs tableaux, la Descente d’Odin au Nastrund ; Lock, dieu des jours noirs, dévorant des victimes humaines, etc. Fusely avait tant de prédilection pour son Thor combattant le serpent, qu’il le présenta à l’Académie royale, comme son tableau d’admission. Il était embarrassé quand il avait à peindre la beauté tranquille ou les grâces paisibles. Dans les sujets chrétiens, il introduisait toujours Satan ou Lucifer. Son goût pour les sujets effrayants était si connu de ses confrères qu’ils l’avaient surnommé le peintre ordinaire du diable. Il en riait lui-même en causant avec eux. — C’est vrai, disait-il, le diable a souvent posé pour moi, et si j’avais pu le rendre comme je l’ai vu, j’aurais surpassé Michel-Ange, et vous seriez tous morts de peur et d’admiration.


  1. Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, collectus, castigatus, testimoniisque censuris et animadversionibus illustratus. In-8°. Hambourg et Leipzig, 1715. — Codex apocriphus Novi Testamenti, etc. Hambourg, 1719. In-8°.
  2. Voyez son histoire, dans les Légendes de l’esprit prophétique.
  3. Bergier, Dictionnaire théologique.
  4. Les admirables secrets d’Albert le Grand.
  5. Torquemada, Hexaméron.
  6. Spectriana, p. 79.
  7. Delancre, Tableau de l’inconstance de démons, etc., itv. IV, p> 297.
  8. Cœsarius Heisterbacheensis ill. miracul., lib. V.
  9. Barclai, l’Argenis.
  10. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, etc., p. 214.
  11. Voyez la légende de Faust et de Méphistophélès, dans les Légendes infernales.
  12. Le Quimpérois racontait, il y a quinze ans, une singulière aventure arrivée auprès de Châteaulin :

    « Le bateau à vapeur le Parisien, revenant du pardon de Sainte-Philomène à Landévénec, coula dan ? la rivière de Chàteaulin. Il faisait nuit ; les dames j qui se trouvaient à bord furent débarquées comme les autres passagers sur la plage. Elles se dirigèrent vers une métairie située à quelque distance pour y demander l’hospitalité. Le fermier, qui était couché, vint à leur appel ouvrir sa porte. Mais aussitôt qu’il les eut vues dans leurs élégantes et blanches parures, il ferma vivement son huis et refusa obstinément de les re revoir, les prenant pour des fées ou pour des fantômes. Le jour, toute la ferme eût été à leur disposition, elles y eussent été reçues comme des reines ; la nuit, elles en furent chassées comme des esprits malfaisants. Si pareille aventure arrivait à tel de nos poètes ou antiquaires celtiques, on les verrait sans doute moins épris des naïves et touchantes superstitions de la Bretagne. »

  13. C’est de la cabale : comme en a fait dans l’almanach prophétique M. Eug. Bareste : 4.235 se composent de quatre chiffres qu’on additionne :
    4
    2
    3
    5
    --
    14 ou deux fois 7.

    Mais 4.136 donnent le même résultat, aussi bien qu’une foule d’autres combinaisons de quatre chiffres, par exemple. 3.245. 2.453. etc. à moins qu’on ne veuille prendre le premier et le troisième chiffre qui font 7. comme le second avec le quatrième ; ce qui ne fait que diminuer le nombre des combinaisons.

  14. M. Elie Reclus, Légendes tartares, dans la Revue germanique, 34 août 1860.
  15. Voyez l’article Chat.
  16. Admirables secrets du Petit Albert, p. 88.
  17. DomCalmet, Dissert. sur les apparitions, p. 88.
  18. Dom Calmet, Dissert. sur les apparitions, p. 109.
  19. Le solide trésor du Petit Albert, p. 24.
  20. Secrets d’Albert le Grand, p. 467.
  21. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincue, p. 457.
  22. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. II, p. 70.
  23. Socrate, Hist. eccl, liv. VII, ch. xxviii.
  24. Anecdotes africaines de la côte des Esclaves, p. 57.
  25. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. III, p. 484.
  26. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. IV, p. 450.
  27. Compendio dei secreti, etc.
  28. Gorres, dans sa Mystique, en rapporte quelques-unes, t. V, p. 384.
  29. Hydrolicus sophicus seu aquarium sapient. Bibl. chim. de Manget, t. II, p. 557.
  30. Wierus, Deprœstigiis dœmon., p. 929.
  31. Leloyer, Hist. des spectres ou apparitions, t. IV,
  32. Lebrun, Histoire des pratiques superstitieuses, t. II, p. 405.
  33. Flotildœ visiones, in t. II Script. Hist franc, And. Duchesne, 1836.
  34. Voyage dans le Finistère, t. I, p. 495.
  35. M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, La magie au dix-neuvième siècle, p. 499.
  36. Wierus, Deprœstigiis dœm., p. 926.
  37. Le libre examen, journal protestant. Janvier 1834.
  38. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 45.
  39. Wierus, De prœstigiis, p. 924.
  40. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions, ch. iv, p. 344.
  41. Gorres, Mystique, liv. VII, ch. xxvi.
  42. Wierus, De prœstigiis.
  43. Land, dans l’idiome néerlandais, veut dire pays.
  44. Delancre, Tab. de l’Inconstance des démons, etc., p. 454.
  45. La plupart des Français disent improprement Louveteau.
  46. Les lamentations des maîtres sur la mort de Hiram, décédé il y a bientôt trois mille ans, rappellent, en quelque sorte, les fêtes funèbres d’Adonis chez les païens.
  47. Salomon tulit Hiram de Tyro, filium mulieris viduee de tribu Nephtali, artificem aerarium, etc. [Reg., lib. IV.)
  48. L’Écriture nous apprend que celui qui conduisait les travaux du temple de Salomon s’appelait Adoniram. Josèphe, dans son Histoire des Juifs, le nomme Adoram.
  49. Le mot de maître était Jehovah. Celui qu’on a pris depuis signifie, selon les francs-maçons, le corps est corrompu.
  50. Voyez le livre intitulé Jacquemin le franc-maçon, légendes des sociétés secrètes.

    Le Journal de Bruxelles a obtenu d’un illustre franc-maçon communication d’un diplôme à lui délivré par les puissants et souverains grands inspecteurs généraux trente — troisième degré et dernier du rite écossais. En voici la description :

    « L’immense parchemin déroulé sous nos regards nous a presque éblouis par son luxe. De doubles aigles déployées portant une épée dans les serres, un drapeau parsemé de petits carrés autour du lion néerlandais avec la devise : Je maintiendrai, trois sceaux suspendus par des cordons de couleurs différentes, tout cela était de nature à inspirer le respect. On y remarque trois mots en majuscules : Santé, Stabilité, Pouvoir. Les signataires déclarent écrire sous la voûte céleste du zénith ; ils se qualifient de « puissants, souverains grands inspecteurs généraux, membres du suprême conseil. Et les lettres de créance sont adressées : « À nos très-illustres, très » vaillants et sublimes Princes du royal secret, Chevaliers K.• H.• Illustres princes et chevaliers » grands, ineffables et sublimes, libres et acceptés ma » çons de tous grades anciens et modernes sur la sur » face des deux hémisphères. »

    M. Verhaegen, chef de Y Université libre de Bruxelles, et l’auteur du manifeste contre les évêques, a obtenu un diplôme tout semblable, où lesdits puissants et souverains grands inspecteurs déclarent ce qui suit :

    « Nous certifions et proclamons qu’il est : maître des loges symboliques, — maître secret, — maître parfait, — secrétaire intime, — maître anglais, — maître par curiosité, — prévôt et juge, — maître irlandais, — intendant des bâtiments, — maître en Israël, — maître élu des neuf, — illustre élu des quinze, — sublime chevalier élu, — grand maître architecte, — royale arche, — grand élu, — grand écossais, — sublime maçon, — chevalier de l’Orient ou de l’épée, — prince de Jérusalem, — chef des loges régulières, — chevalier d’Orient et d’Occident. — chevalier du Pélican et de Saint-André, — souverain prince rose-croix, — grand pontife, — sublime écossais, — vénérable grand maître des loges symboliques, — grand maître ad vitam, — Noachite, — chevalier prussien, « — royale hache, — grand patriarche, — prince du Liban, — chef du tabernacle, — prince de Mercy, — chevalier du Serpent d’airain, — grand commandeur du Temple, — chevalier de l’Aigle et du Soleil, — prince adepte, — grand écossais de Saint-André, — patriarche des croisades, — grand élu, — chevalier de l’Aigle blanc et noir, — chevalier Kadosch, — grand inspecteur inquisiteur, commandeur chevalier de Saint-André. »

  51. Voyez-en quelques-unes dans les Légendes de l’autre monde.
  52. Voyez les Légendes des esprits et démons.
  53. Leloyer, Des spectres, etc., p. 142.
  54. Lequinio, Voyage dans le Jura, t. II, p. 366.
  55. Thomas Brown, Essai sur les erreurs, etc., ch. xxii, p. 80.
  56. Wierus, in Pseudomonarchia dœm.