Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre M

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Henri Plon (p. 423-486).
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Ma, nom japonais de l’esprit malin ; on le donne au renard, qui cause de grands ravages au Japon, où des sectaires n’admettent qu’une espèce de démons, qui sont les âmes des méchants, lesquelles, après la mort, sont uniquement destinées à animer les renards.

Mab. C’est en Irlande la reine des fées, appelée aussi Titania.

Maberthe. On lit dans l’Histoire des possédés de Flandre, tome II, page 275, qu’il y avait, en quelque royaume de l’Europe, une jeune fille nommée Maberthe, menant une vie qui semblait céleste ; qu’elle fut reçue en pitié dans la maison du seigneur de Swert, l’an 1618. Elle se faisait passer pour sainte et se vantait que son Dieu lui parlait souvent. Mais elle refusa de conférer de ces merveilles avec un évêque, ce qui parut suspect ; et comme on disait qu’un jour le diable l’avait prise par la main et s’était promené avec elle, le seigneur de Swert insista pour qu’elle en parlât audit évêque, ce qu’enfin elle accorda. Après la conférence, qui embarrassa tout le monde sans rien éclaircir, elle s’en alla de la maison en disant : « S’ils savaient que je sais ce que je sais, ils diraient que je suis une sorcière. » On finit par découvrir de grandes abominations dans cette fille. Mais elle était effrontée ; et lorsqu’on lui parlait de se convertir, elle répondait : « J’y penserai ; il y a vingt-quatre heures au jour. » On croit qu’elle finit par être brûlée.

Mac-Allan (Fanny). Voy. Cercueil.

Mac-Alzéan (Euphémie), accusée de sorcellerie parce qu’elle était catholique. Voy. {{DIv|Jacques I[[er}}}.

Mac-Carthy. Les légendes irlandaises racontent l’histoire d’un certain Charles Mac-Carthy qui, après une jeunesse très-dissipée, mourut un jour et ressuscita au moment où on allait l’enlever pour le cimetière. Il raconta des détails curieux sur l’autre monde. Était-ce une léthargie avec rêve ou une grâce spéciale ? C’est ce que nous ne décidons pas.

Mac-Donald (Archibald), voyant célèbre. Il voyait à dix lieues un homme qui passait, et le décrivait avec toutes les singularités qui pouvaient le faire reconnaître[1].

Macha-Halla ou Messa-Hala, astrologue arabe du huitième siècle de notre ère. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. Les principaux ont été traduits en latin : 1o Un Traité des éléments et des choses célestes ; 2o un autre, De la révolution des années du monde ; 3o un troisième, De la signification des planètes pour les nativités, Nuremberg, 1549. La bibliothèque Bodléienne a parmi ses manuscrits une traduction hébraïque de ses Problèmes astrologigues, faite par Aben-Ezra.

Machines. Des savants ont produit par la mécanique des machines compliquées où de bonnes gens ont vu de la magie, parce qu’ils ne savaient pas. Voy. Albert le Grand.

Descartes avait fait, dit-on, avec beaucoup d’industrie, une machine automate pour prouver démonstrativement que les bêtes n’ont point d’âme, et que ce ne sont que des machines bien composées qui se remuent à l’occasion des corps étrangers qui les frappent et leur communiquent une partie de leur mouvement. Ce philosophe ayant mis cette machine sur un vaisseau, le capitaine eut la curiosité d’ouvrir la caisse dans laquelle elle était enfermée ; surpris des mouvements qu’il remarqua dans cette machine, qui agissait comme si elle eût été animée, il la jeta dans la mer, croyant que c’était le diable. Au reste, la raison que donnait Descartes pour établir que les bêtes n’ont point d’âmes, c’est qu’elles sont à jamais incapables de progrès. Ce qui est prouvé depuis le commencement du monde.

Machlyes, peuple fabuleux d’Afrique, que Pline prétend avoir eu les deux sexes et deux mamelles, la droite semblable à celle d’un homme, et la gauche à celle d’une femme.

Mac-Intos. Voy. Cercueil.

Macreuses, oiseaux de la famille des canards, qui sont très-communs sur les côtes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Ils ont été le sujet de bien des contes. Plusieurs auteurs ont assuré que ces oiseaux sont produits sans œufs : les uns les font venir des coquilles qui se trouvent dans la mer ; d’autres ont avancé qu’il y a des arbres semblables à des saules, dont le fruit se change en macreuses, et que les feuilles de ces arbres qui tombent sur la terre produisent des oiseaux, pendant que celles qui tombent dans l’eau deviennent des poissons. Il est surprenant, dit le P. Lebrun, que ces pauvretés aient été si souvent répétées, quoique divers auteurs aient remarqué et assuré que les macreuses étaient engendrées de la même manière que les autres oiseaux. Albert le Grand l’avait déclaré en termes précis ; et depuis, un voyageur a trouvé, au nord de l’Écosse, de grandes troupes de macreuses et les œufs qu’elles devaient couver, dont il mangea.

« Il n’y a pas longtemps qu’un journal de Normandie nous racontait sérieusement, dit M. Salgues[2], qu’on venait de pêcher, sur les côtes de Granville, un mât de vaisseau qui dormait depuis plus de vingt ans sous les eaux ; que l’on fut fort étonné de le trouver enveloppé d’une espèce de poisson fort singulier, que les Normands nomment bernacle ou bernache. Or, ce bernache ou bernacle est un long boyau rempli d’eau jaunâtre, au bout duquel se trouve une coquille qui renferme un oiseau, lequel produit une macreuse. Cette absurde nouvelle se répandit, et les Parisiens, ajoute M. Salgues, furent bien étonnés d’apprendre qu’il y avait des oies qui naissaient au bout d’un boyau, dans une petite coquille. »

Johnston, dans sa Taumatographie naturelle, rapporte que les macreuses se forment dans le bois pourri ; que le bois pourri se change en ver et le ver en oiseau… Hector de Boëce est l’homme dont l’autorité lui paraît la plus imposante. Or, ce savant rapporte qu’en 1490 on pécha sur les côtes d’Écosse une pièce de bois pourri ; qu’on l’ouvrit en la présence du seigneur du lieu, et qu’on y trouva une quantité énorme de vers ; mais ce qui surprit singulièrement l’honorable baronnet et les spectateurs, c’est que plusieurs de ces vers commençaient à prendre la forme d’oiseau, que les uns avaient des plumes, et que les autres étaient encore tout rouges. Ce phénomène parut si étonnant, que l’on déposa la pièce de bois dans l’église voisine, où elle fut conservée. Boëce ajoute à ce conte, et pour le faire tenir debout, qu’il fut lui-même témoin d’un prodige semblable ; que le ministre d’une paroisse voisine des bords de la mer ayant péché une grande quantité d’algues et de roseaux, il aperçut à l’extrémité de leurs racines des coquillages singuliers, qu’il les ouvrit et y trouva au lieu de poissons des oiseaux. L’auteur assure que le pasteur lui fit part de cette merveille, et il répète qu’il fut lui-même témoin de la vérité du fait…

Mac-Rodor, médecin écossais dont voici l’aventure :« En l’année 1514, un nommé TroisRieux s’obligea envers un médecin écossais, nommé Mac-Rodor (tous deux habitants de Bordeaux), de lui servir de démon après sa mort ; c’est-à-dire que son esprit viendrait lui obéir en toutes choses et lui faire connaître ce qui était caché aux hommes. Pour parvenir à ces fins, ils signèrent un pacte en lettres de sang sur un parchemin vierge. — Ce Mac-Rodor était regardé comme sorcier et magicien ; il eut une fin misérable, ainsi que toute sa famille. On surprit chez lui l’obligation que nous venons de mentionner, avec une platine de cuivre ronde, de médiocre grandeur, sur laquelle étaient gravés les sept noms de Dieu, sept anges, sept planètes et plusieurs autres figures, caractères, lignes, points, tous inconnus[3]. »

Maczocha, gouffre célèbre en Pologne par l’aventure d’un condamné qui, jeté là du temps des hussites, en fut tiré par un monstrueux dragon, sur le dos duquel il se glissa. Voy. Obesslik.

Madeleine de la Croix, religieuse de Cordoue, qui mena mauvaise vie au seizième siècle, s « e disant sorcière et se vantant d’avoir pour familier un démon. François de Ïorre-Blanca raconte qu’elle avait à volonté des roses en hiver, de la neige dans le mois d’août, et qu’elle passait à travers les murs, qui s’ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée par l’inquisition ; mais ayant tout confessé, elle fut admise à pénitence ; car les inquisiteurs n’ont jamais eu la férocité que leur prêtent certains livres ultra-menteurs.

Magares, sorciers de Mingrélie, fort redoutés des gens du pays, parce qu’ils nouaient l’aiguillette. Aussi la cérémonie du mariage, en ce pays, se faisait toujours en secret, et sans qu’on en sût le jour, de peur que ces prétendus sorciers ne jetassent quelques sortilèges fâcheux sur les époux. Voy. Ligatures.

Mages, sectateurs de Zoroastre, adorateurs du feu et grands magiciens. C’est d’eux, disent les démonomanes, que la magie ou science des mages tire son nom. Ils prêchaient la métempsycose astronomique ; c’est-à-dire que, selon leur doctrine, les âmes, au sortir de ce monde, allaient habiter successivement toutes les planètes avant de revenir sur la terre.

Magie et Magiciens. La magie est l’art de produire dans la nature des choses au-dessus du pouvoir des hommes, par le secours des démons, ou en employant certaines cérémonies que la religion interdit. Celui qui exerce cet art est appelé magicien. On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cœlestialis, qui est l’astrologie judiciaire, et la cœremonialis. Cette dernière consiste dans l’invocation des démons, en conséquence d’un pacte formel ou tacite fait avec les puis » sances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, l’enchantement, le sortilège, l’évocation des morts et des esprits malfaisants, la découverte des trésors cachés et des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des termes magiques et par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, de préserver de tous maux, de tous dangers, au moyen d’amulettes, de talismans ; la fréquentation du sabbat, etc.[4]

La magie naturelle, selon les démonographes, est l’art de connaître l’avenir et de produire des effets merveilleux par des moyens naturels, mais au-dessus de la portée du commun des hommes. La magie artificielle est l’art de fasciner les yeux et d’étonner les spectateurs, ou par des automates, ou par des escamotages, ou par des tours de physique. La magie blanche est l’art de faire des opérations surprenantes par l’évocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune évocation. Dans le premier cas, on prétend que Salomon en est l’inventeur ; dans le second, la magie blanche est la même chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle. La magie noire ou diabolique, enseignée par le diable, et pratiquée sous son influence, est l’art de commercer avec les démons, en conséquence d’un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministère pour opérer des effets au-dessus de la nature. C’est de cette magie que sont accusés ceux qu’on appelle proprement magiciens. Cham en a été, dit-on, l’inventeur ou plutôt le conservateur ; car Dieu n’envoya le déluge, disent les démonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient. Cham enseigna la magie et la sorcellerie à son fils Misraïm, qui, pour les grandes merveilles qu’il faisait, fut appelé Zoroastre. On a dit qu’il avait composé cent mille vers sur ce sujet, et qu’il fut emporté par le diable en présence de ses disciples.

En fait, la magie existe ; et l’Église n’a pu se tromper en la considérant comme une apostasie et un enrôlement dans les phalanges de Satan. Il n’est pas nécessaire d’établir ici la vérité des faits rapportés dans l’Écriture sainte sur la magie et les magiciens. Ils ne sont contestés que par la mauvaise foi des incrédules qui ont leur parti pris de nier. Mais tous les peuples ont reconnu l’existence de la magie ; et les plus forts des esprits forts ne la nieront pas, s’ils ont vu quelques-unes des merveilles du magnétisme. Nous ne parlons ici que des faits et non de la manière de les interpréter. Disons toutefois qu’on a attribué à cet art noir bien des accidents qui n’en ont pas été les produits. Il est constant que les écrivains des siècles passés ont entouré les histoires de faits magiques d’une crédulité trop étendue. La magie, disent-ils, donne à ceux qui la possèdent une puissance à laquelle rien ne peut résister : d’un coup de baguette, d’un mot, d’un signe, ils bouleversent les éléments, changent l’ordre immuable de la nature, livrent le monde aux puissances infernales, déchaînent les tempêtes, les vents et les orages ; en un mot, font le froid et le chaud. Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portés par l’air d’un très-léger mouvement, vont où ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait çà et là en haute mer, sans esquif ni navire

On conte qu’un magicien coupa la tête d’un valet en présence de plusieurs personnes qu’il voulait divertir ; toutefois il coupait cette tête avec le dessein de la remettre ; mais pendant qu’il se disposait à la rétablir, il vit un autre magicien qui s’obstinait à le contre-carrer, quelque prière qu’il lui adressât ; il fit naître tout d’un coup un lis sur une table, et en ayant abattu la tête, son ennemi tomba par terre sans tête et sans vie. Puis il rétablit celle du valet et s’enfuit. Ce sont là des contes. Or, ces contes sur l’histoire la chargent sans l’anéantir.

Un autre magicien, en 1284, délivra la ville d’Hameln des rats innombrables qui infestaient ; il opéra cette merveille au moyen d’une flûte enchantée dont les sons attiraient invinciblement les rats. Mais, après ce service rendu, les magistrats d’Hameln refusèrent au magicien le prix convenu. Il s’en vengea, au moyen d’une autre flûte qui, par ses vibrations, entraîna tous les enfants de la ville. On ne les revit plus ; et des documents établissent qu’ils furent transportés en Transylvanie. Des monuments appuient ce trait d’histoire[5], dont Gustave Nieritz a fait un conte de fantaisie[6].

Mouchemberg, dans la suite de l’Argenis, va plus loin. Il raconte les aventures bizarres du magicien Lexilis. Ce magicien ayant été mis en prison par ordre du souverain de Tunis (le fait a eu lieu quelque temps avant la splendeur de Rome), il arriva dans ces entrefaites une chose étrange au fils du geôlier de la prison où Lexilis était détenu. Ce jeune homme venait de se marier, et les parents célébraient les noces hors de la ville. Le soir venu, on joua au ballon. Pour avoir la main plus libre, le jeune marié ôta de son doigt l’anneau nuptial ; il le mit au doigt d’une statue qui était près de là. Après avoir bien joué, il retourne vers la statue pour reprendre son anneau ; mais la main s’était fermée, et il lui fut impossible de le retirer. Ce fait se retrouve dans plusieurs légendes du moyen âge. Le jeune homme ne dit rien d’un tel prodige ; mais quand tout le monde fut rentré dans la ville, il revint seul devant la statue, trouva la main ouverte et étendue comme auparavant, toutefois sans la bague qu’il y avait laissée. Ce second événement le jeta dans une grande surprise. Il n’en alla pas moins rejoindre sa famille. Mais il voulut inutilement se rapprocher de sa femme. Un corps solide se plaçait continuellement devant lui. « C’est moi que tu dois embrasser, lui dit-on enfin, puisque tu m’as épousée aujourd’hui : je suis la statue au doigt de laquelle tu as mis ton anneau. » Le jeune époux effrayé révéla la chose à ses parents. Son père lui conseilla d’aller trouver Lexilis dans son cachot ; il lui en remit la clef. Le jeune homme s’y rendit et trouva le magicien endormi sur la table. Après avoir attendu longtemps qu’il s’éveillât, il le tira doucement par le pied : le pied avec la jambe lui demeura dans les ! mains… Lexilis, s’éveillant alors, poussa un cri : la porte du cachot se referma d’elle-même. Le marié tremblant se jeta aux genoux du magicien, lui demanda pardon de sa maladresse et implora son assistance. Le magicien promit de le débarrasser de la statue, moyennant qu’on le mît en liberté. Le marché fait, il rajusta sa jambe à sa place et sortit. Quand il fut libre, Lexilis écrivit une lettre qu’il donna au jeune homme : « Va-t’en à minuit, lui dit-il, dans le carrefour voisin où aboutissent quatre rues ; attends debout et en silence ce que le hasard t’amènera. Tu n’y seras pas longtemps sans voir passer plusieurs personnages, chevaliers, piétons, gentilshommes : les uns armés, les autres sans armes ; les uns tristes, les autres gais. Quoi que tu voies et que tu entendes, garde-toi de parler ni de remuer. Après cette troupe, suivra un certain, puissant de taille, assis sur un char ; tu lui remettras ta lettre, sans dire un mot, et tout ce que tu désires arrivera. » Le jeune homme fit ce qui lui était prescrit et vit passer un grand cortège. Le maître de la compagnie venait le dernier, monté sur un char triomphal. Il passa devant le fils du geôlier, et, jetant sur lui des regards terribles, il lui demanda de quel front il osait se trouver à sa rencontre ? Le jeune homme, mourant de peur, eut pourtant le courage d’avancer la main et de présenter sa lettre. L’esprit, reconnaissant le cachet, la lut aussitôt et s’écria : « Ce Lexilis sera-t-il longtemps encore sur la terre !… » Un instant après, il envoya un de ses gens ôter l’anneau du doigt de la statue, et le jeune époux cessa d’être troublé.

Cependant le geôlier fit annoncer au souverain de Tunis que Lexilis s’était échappé. Tandis qu’on le cherchait de toutes parts, le magicien entra dans le palais, suivi d’une vingtaine de jeunes filles qui portaient des mets choisis pour le prince. Mais, tout en avouant qu’il n’avait rien mangé de si délicieux, le roi de Tunis n’en renouvela pas moins l’ordre d’arrêter Lexilis. Les gardes, voulant s’emparer de lui, ne trouvèrent à sa place qu’un chien mort, sur le ventre duquel ils avaient tous la main,… prestige qui excita la risée générale. Après qu’on se fut calmé, on alla à la maison du magicien ; il était à sa fenêtre, regardant venir son monde. Aussitôt que les soldats le virent, ils coururent à sa porte, qui se ferma incontinent. De par le roi, le capitaine des gardes lui commanda de se rendre, le menaçant d’enfoncer la porte s’il refusait d’obéir. « Et si je me rends, dit Lexilis, que ferez-vous de moi ? — Nous vous conduirons courtoisement au prince. — Je vous remercie de votre courtoisie ; mais par où irons-nous au palais ? — Par cette rue, » reprit le capitaine en la montrant du doigt. En même temps il aperçut un grand fleuve qui venait à lui en grossissant ses eaux et remplissait la rue qu’il venait de désigner, tellement qu’en moins de rien ils en eurent jusqu’à la gorge. Lexilis, riant, leur criait : « Retournez au palais, car pour moi je ne me soucie pas d’y aller en barbet. »

Le prince, ayant appris ceci, résolut de perdre sa couronne plutôt que de laisser le magicien impuni : il s’arma lui-même pour aller à sa poursuite et le trouva dans la campagne qui se promenait paisiblement. Les soldats l’entourèrent pour le saisir ; mais Lexilis faisant un geste, chaque soldat se trouva la tête engagée entre deux piquets, avec deux cornes de cerf qui l’empêchaient de se retirer. Ils restèrent longtemps dans cette posture, pendant que des enfants leur donnaient de grands coups de houssine sur les cornes… Le magicien sautait d’aise à ce spectacle, et le prince était furieux. Ayant aperçu à terre, aux pieds de Lexilis, un morceau de parchemin carré, sur lequel étaient tracés des caractères, le roi de Tunis se baissa et le ramassa sans être vu du magicien. Dès qu’il eut ces caractères dans la main, les soldats perdirent leurs cornes, les piquets s’évanouirent, Lexilis fut pris, enchaîné, mené en prison, et de là sur l’échafaud pour y être rompu. Mais ici il joua encore un tour de son métier ; car, comme le bourreau déchargeait la barre de fer sur lui, le coup tomba sur un tambour plein de vin, qui se répandit sur la place, et Lexilis ne reparut plus à Tunis…

Voici une autre histoire contée par Wierus : « Un magicien de Magdebourg gagnait sa vie en faisant des tours de son métier, des enchantements, des fascinations et des prestiges sur un théâtre public. Un jour qu’il montrait, pour quelque monnaie, un petit cheval auquel il faisait exécuter, par la force de sa magie, des choses incroyables, après qu’il eut fini son jeu, il s’écria qu’il gagnait trop peu d’argent avec les hommes et qu’il allait monter au ciel… Ayant donc jeté son fouet en l’air, ce fouet commença de s’enlever. Le petit cheval ayant saisi avec sa mâchoire l’extrémité du fouet, s’enleva pareillement. L’enchanteur, comme s’il eût voulu retenir son bidet, le prit par la queue et fut emporté de même. La femme de cet habile magicien empoigna à son tour les jambes de son mari qu’elle suivit ; enfin la servante s’accrocha aux pieds de sa maîtresse, le valet aux jupes de la servante, et bientôt le fouet, le petit cheval, le sorcier, la femme, la cuisinière, le laquais, s’enlevèrent si haut qu’on ne les vit plus. Pendant que tous les assistants demeuraient stupéfaits d’admiration, il survint un homme qui leur demanda pourquoi ils bayaient aux corneilles, et quand il le sut : « Soyez en paix, leur dit-il, votre sorcier n’est pas perdu, je viens de le voir à l’autre bout de la ville, qui descendait à son auberge avec tout son monde[7]… » Voy. Harvis.

On raconte qu’Hemmingius, théologien célèbre, cita un jour deux vers barbares dans une de ses leçons, et ajouta, pour se divertir, qu’ils pouvaient chasser la fièvre, parce qu’ils étaient magiques. L’un de ses auditeurs en fit l’essai sur son valet et le guérit. Puis après on fit courir le remède, et il arriva que plusieurs fébricitants s’en trouvèrent bien. Hemmingius, après cela, se crut obligé de dire qu’il n’avait parlé de la sorte qu’en riant, et que ce n’était qu’un jeu d’esprit. Dès lors le remède tomba ; mais il y en eut beaucoup qui ne voulurent point se dédire de la confiance qu’ils y avaient ajoutée. Les maladies n’existent souvent que dans l’imagination : telle personne guérira avec un charlatan en qui elle a confiance ; telle autre ne guérira point avec un excellent médecin de qui elle se défie.

La magie a reparu en Suède en 1859 avec une sorte d’épidémie diabolique. Voici ce qu’on écrivait alors :

« Une superstition étrange, qui a pris la forme d’une véritable épidémie, a sévi pendant l’été dernier dans quelques contrées de la Suède. Le prévôt du chapitre de Leksand, le docteur Hvaser, chargé de faire une enquête, a consigné dans son rapport les faits suivants :

« Cette superstition a beaucoup de ressemblance avec celles des sorcières du moyen âge qui croyaient avoir assisté au sabbat du diable, ce qui s’appelait en Suède aller à Blokulla. Mais cette fois, et c’est ce qu’il y a de plus curieux, ce ne sont presque que des enfants qui sont en proie à ces hallucinations. En outre, ce n’est plus à Blokulla qu’on est censé aller, mais à Josefsdal, qui doit être près de Stockholm.

» Voici ce que les enfants racontent sur leurs pérégrinations. D’abord ils sont changés en vers, et ils s’échappent au dehors à travers un trou pratiqué dans la fenêtre ; ensuite ils prennent la forme de pies, et, quand ils se sont rassemblés, ils redeviennent enfants. Alors ils montent sur des peaux de veaux ou de vaches à travers les airs vers un clocher, où ils se vouent au diable.

» Anciennement on enlevait des parcelles du métal de la cloche en prononçant ces mots : « Que mon âme n’arrive jamais au règne de Dieu avant que ce métal redevienne une cloche. » Aujourd’hui la farine a remplacé le métal, et arrivé à Josefsdal, on en prépare une bouillie appelée welling, qu’on mange en société avec le malin esprit, qui s’appelle Nordsgubb (le vieux du Nord).

» En dansant, il porte des bottes fourrées dont il se débarrasse quand il s’est échauffé. Presque tous les enfants des deux communes de Gagnef et de Mockjards sont affectés de ces hallucinations. Quelques-uns en souffrent, d’autres restent bien portants. Les parents, qui croient leurs enfants perdus et vendus au prince des ténèbres, s’en désolent. D’autres, et ce ne sont pas les moins superstitieux, quand leurs enfants ne veulent pas faire des aveux, les tourmentent d’une manière incroyable.

» Un petit garçon nommé Grabo Pehr, qui affirmait avoir été plusieurs fois à Josefsdal, prétendait y avoir vu une petite fille, et lorsque la mère de celle-ci interrogeait Grabo Pehr, il indiquait pour preuve qu’en mangeant à Josefsdal, la petite fille s’était éclaboussée à la figure, d’où il serait résulté une blessure qui ne pourrait jamais guérir. La petite fille, en effet, souffrait, tout près de l’œil, d’une plaie de mauvaise nature et dont on ignorait l’origine. On peut croire quelle impression fâcheuse une telle coïncidence apparente faisait sur sa pauvre mère. La petite fille, cependant, n’avait aucune idée de Josefsdal, ni du welling, et par conséquent ne put jamais faire aucune révélation.

» Heureusement cette épidémie, dans ces deux villages, s’est calmée un peu au bout de quelques mois ; mais les esprits de la population n’en sont pas moins extrêmement agités, et des symptômes alarmants se montrent dans les contrées voisines. »

Il y a eu de tout temps, chez tous les peuples peu éclairés, grand nombre de magiciens, et on a beaucoup écrit contre eux. Nous citerons ici quelques-uns des mille et un volumes qui traitent de cette matière ex professo : 1° le Traité de la magie blanche, ou de l’escamotage, de Decremps ; 2° la Magie naturelle, de Porta ; 3° la Véritable magie noire, ou le Secret des secrets, manuscrit trouvé à Jérusalem dans le sépulcre de Salomon, contenant quarante-cinq talismans, avec la manière de s’en servir et leurs merveilleuses propriétés ; plus, tous les caractères— ma— giques connus jusqu’à ce jour, traduit du mage Iroé-Grego, Rome, 1750. Cet ouvrage stupide est donné comme un écrit de Salomon. On y trouve surtout des conjurations. 4° Trinum magicum, ou Traité des secrets magiques, contenant des recherches sur la magie naturelle, artificielle et superstitieuse ; les talismans, les oracles de Zoroastre, les mystères des Égyptiens, Hébreux, Chaldéens, etc., in-8o, Francfort, 1673 ; 5° Lettres de Saint-André, conseiller médecin ordinaire du roi, à quelques-uns de ses amis, au sujet de la magie, des maléfices et des sorciers, etc., Paris, in-12, 1725 ; 6° Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, etc. ; par M. Daugis ; Paris, in-12, 1732. De nos jours on a vu paraître sur ces matières quelques ouvrages d’esprit divers. M. Jules Garinet a donné en 1818 une Histoire de la magie en France, pleine de faits curieux, mais trop sceptiques. Plus récemment, M. Alfred Maury a écrit sur la magie pour la nier. M. Louis Figuier a voulu ainsi expliquer le merveilleux sans trop l’admettre. L’abbé Fiard, dont on s’est raillé, a été peut-être un peu crédule aux yeux du vulgaire ; mais il n’a pas toujours vu faux. M. Eudes de Mirville a parfaitement démontré l’existence palpable des esprits. M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, dans son savant livre intitulé la Magie au dix-neuvième siècle, a solidement établi les faits magiques, dans le passé et de nos jours, ainsi que le concours actif des démons autour de nous[8]. Enfin, la Mystique divine, naturelle et diabolique, de Görres, est aussi un livre que les négations ne tueront pas. Voy. Bodin, Delrio, Delancre, Leloyer, Boguet, Wierus, etc.

Magie islandaise. La première magie de ces peuples, devenus aujourd’hui plus sensés, consistait autrefois à évoquer des esprits aériens, et à les faire descendre sur la terre pour s’en servir. Elle était regardée comme la magie des grands. Cependant ces derniers en avaient une seconde, qui consistait à interpréter le chant des oiseaux, surtout des corneilles, les oiseaux les plus instruits dans la connaissance des affaires d’État et les plus capables de prédire l’avenir. Mais comme il n’en existe point en Islande, les corbeaux remplissaient cet office : les rois ne faisaient pas même scrupule de se servir de cette magie.

Magnétisme, science longtemps occulte. Cependant elle a été pratiquée par l’hérétique Marc, plus récemment par Mesmer et Cagliostro. Voici ce qu’écrivait à Bruxelles, en 1839, dans un recueil périodique intitulé le Magnétophile, un écrivain qui pouvait être M. Jobard ou M. Victor Idgiez :

« Le nom de magnétiseurs ne désignait autrefois que quelques mesmériens ou illuminés et quelques songe-creux. Aujourd’hui le magnétisme a fraternisé avec les sciences physiques, qui seules pouvaient éclairer ses données ; il forme la souche principale dont les autres sciences ne sont que les rameaux… Ses progrès sont liés plus immédiatement au profit de la société qu’elle ne semble le penser, dans la préoccupation de ses mesquines passions, de sa vie tumultueuse et agitée. Sous quelque point de vue qu’on le considère, son importance éclate et grandit chaque jour ; mais son immensité nuit encore à ses progrès, parce que personne, isolément, n’a encore le pouvoir d’embrasser son étendue. Le magnétisme est un problème qui se débat depuis près d’un siècle en Europe, dont l’Académie de médecine, en France, a ranimé l’énergie sans en donner la solution, et qui se complique, au contraire, chaque jour davantage par des phénomènes plus merveilleux. On l’a vu concentré d’abord entre les mains de quelques adeptes ignorants ou fanatiques ; de grandes expériences ont été faites ensuite, appuyées sur des noms qui ont porté la conviction dans quelques esprits. Aujourd’hui des savants le rejettent encore, il est vrai ; mais un savant se décide si difficilement à désapprendre ! Une innovation l’épouvante, car elle l’humilie et le détrône. Les doctrines cartésiennes ont lutté longtemps en France contre les vieilles universités avant d’obtenir leur droit de cité ; plus tard elles repoussèrent elles-mêmes les principes de la philosophie newtonienne ; celle-ci rejetait les découvertes d’Huygens ; Beaumé et Lesage niaient les belles théories de la chimie moderne ; Romé-Delisle persiflait l’interprète des phénomènes électro-magnétiques. D’ailleurs, le tabac, le café, l’émétique, la vaccine et jusqu’aux pommes de terre, n’ont-ils pas éprouvé leur temps de persécution ? L’Académie de médecine ne se constitua-t-elle pas formellement opposée à ce que la chimie, cette corne d’abondance des sociétés modernes, fût enseignée dans Paris, comme étant, pour bonnes causes et considérations, défendue et censurée par arrêt du parlement ? L’établissement des banques, des écoles, des voitures publiques, ne rencontra-t-il pas également une opposition formidable dans ce même parlement ? Jacquart ne vit-il pas brûler en place publique, par ordre des prud’hommes de Lyon, ses métiers, qui devaient faire cependant la prospérité et la fortune de cette seconde capitale de la France ? Franklin ne fut-il pas tourné en ridicule quand il apprit aux campagnards l’art de fertiliser les champs avec du plâtre ? Christophe Colomb ne fut-il pas chassé de toutes les cours quand son génie lui fit apparaître un monde dont il voulait doter sa patrie[9] ?… Pitheas, Wedel, Cook, Billinghausen, Biscoé et autres voyageurs célèbres, ne furent-ils pas taxés d’imposture ? Averrhoès, Volta, Fui Ion, Salomon de Caus, Davy, Arkwright, Gall, Lavater et tous ceux qui se sont présentés, une découverte à la main, à la porte de ce vaste Charenton qu’on appelle le monde, n’ont-ils pas été reçus à coups de sifflets ?…

» Cependant le magnétisme voit aussi son triomphe. Déjà il a détruit les doctrines impies de l’école médicale physiologique de Broussais, qui prétendait ramener aux seuls organes matériels du corps les nobles facultés de l’intelligence ; mission d’autant plus grande que là sont les bases de toute société, la clef de voûte et le ciment de tout édifice social. Le premier et le plus bel apanage du magnétisme est donc de devenir une arme toute-puissante contre les partisans de la matière, une preuve irrésistible, irréfragable, évidente, palpable, de l’existence de l’âme indépendante du secours des sens… »

Sans oser juger ici le magnétisme, et sans pouvoir nier ses effets, qui sont évidents, bornons-nous à dire que le magnétisme existe ; que c’est une nouvelle branche de merveilles plus incompréhensible encore que le galvanisme ; qu’on n’en pourra jamais sans doute établir les éléments, mais qu’on en doit tirer un immense parti en médecine. L’Académie des sciences, qui s’obstinait à le nier lorsqu’elle n’était composée en majorité que de matérialistes, le reconnaît aujourd’hui. Les juges religieux n’ont condamné que ses abus. Voy. Somnambulisme. Voy. aussi Mesmer.

Les plus sûrs ouvrages à consulter pour connaître impartialement le magnétisme sont les livres spéciaux de M. Aubin Gauthier, surtout son Traité pratique du magnétisme, in-8o, Paris, 1845. On peut voir aussi le livre de M. l’abbé Loubers et le remarquable ouvrage de M. de Mirville sur les esprits.

Magoa, l’un des plus puissants démons, roi de l’Orient. On l’évoque par l’oraison suivante prononcée au milieu d’un cercle. Elle peut servir tous les jours et à toute heure, dit un grimoire:« Je te conjure et invoque, ô puissant Magoa, roi de l’Orient; je te fais commandement d’obéir à ce que tu aies à venir ou m’envoyer sans retardement Massayel, Asiel, Satiel, Arduel, Acorib, et sans aucun délai, pour répondre à tout ce que je veux savoir et faire. »

Magog. Schradérus, dans son lexique « Scandinave, fait le géant Magog chef des anciens Scythes, inventeur des runes, espèces d’hiéroglyphes ou caractères dont se sont servis les peuples septentrionaux, et dont l’usage a précédé en Europe celui des lettres grecques. Voy. Og.

Mahomet, imposteur suffisamment connu. On peut voir le plus curieux de ses faits extraordinaires, son voyage au paradis, dans les Légendes de l’autre monde.

Maillat (Louise), petite démoniaque, qui vivait en 1598 ; elle perdit l’usage de ses membres ; on la trouva possédée de cinq démons qui s’appelaient loup, chat, chien, joly, griffon. Deux de ces démons sortirent d’abord par sa bouche en forme de pelotes de la grosseur du poing ; la première rouge comme du feu ; la deuxième, qui était le chat, sortit toute noire ; les autres partirent avec moins de violence. Tous ces démons, étant hors du corps de la jeune personne, firent plusieurs tours devant le foyer et disparurent. On a su que c’était Françoise Secrétain qui avait fait avaler ces diables à cette petite fille dans une croûte de pain de couleur de fumier[10].

Maimon, chef de la neuvième hiérarchie des démons, capitaine de ceux qui sont tentateurs, insidiateurs, dresseurs de pièges, lesquels se tortillent autour de chaque personne pour contrecarrer le bon ange[11].

Main. On s’est moqué avec raison des borborites, secte hérétique des premiers siècles de l’Église, qui avaient des idées absurdes en théologie, et qui disaient que la main est toute la civilisation de l’homme ; que sans la main l’homme ne serait qu’un cheval ou un bœuf ; que l’esprit ne serait bon à rien avec des pieds fourchus ou des mains de corne ou des pattes à longues griffes. Ils faisaient un système d’origines ; ils contaient que l’homme, dans le commencement, n’avait que des pattes comme les chiens ; que tant qu’ils n’eurent que des pattes, les hommes, comme des brutes, vécurent dans la paix, l’heureuse ignorance et la concorde ; mais, ajoutaient-ils, un génie prit les hommes en affection et leur donna des mains. Dès lors nos pères se trouvèrent adroits ; ils se firent des armes, ils subjuguèrent les autres animaux, ils imaginèrent, ils produisirent avec leurs mains des choses surprenantes, bâtirent des maisons, taillèrent des habits et firent des peintures. Ôtez à l’homme ses mains, disaient-ils, et, avec tout son esprit, vous verrez ce qu’il deviendra.

Mais nous avons les mains, et c’est Dieu qui nous les a données. Quoique nous n’en possédions que deux, la loi de l’égalité si vantée, cette loi impossible, a échoué aussi dans nos mains. Il y a de l’aristocratie jusque-là. La main droite se croit bien au-dessus de la main gauche ; c’est un vieux préjugé qu’elle a de temps immémorial. Aristote cite l’écrevisse comme un être privilégié, parce qu’il a la patte droite beaucoup plus grosse que la gauche. Dans les temps anciens, les Perses et les Mèdes faisaient comme nous leurs serments de la main droite. Les nègres regardent la main gauche comme la servante de l’autre ; elle est, disent-ils, faite poulie travail, et la droite seule a le droit de porter les morceaux à la bouche et de toucher le visage. Un habitant du Malabar ne mangerait pas d’aliments que quelqu’un aurait touchés de la main gauche. Les Romains donnaient une si haute préférence à la droite que, lorsqu’ils se mettaient à table, ils se couchaient toujours sur le côté gauche pour avoir l’autre entièrement libre. Ils se défiaient tellement de la main gauche, qu’ils ne représentaient jamais l’amitié qu’en la figurant par deux mains droites réunies. Chez nous, toutes ces opinions ont survécu. Les gens superstitieux prétendent même qu’un signe de croix fait de la main gauche n’a aucune valeur. Aussi on habitue les enfants à tout faire de la main droite et à regarder la gauche comme nulle, tandis que peut-être il y aurait avantage à se servir également des deux mains.

Puisqu’on attache à la main une si juste importance, on doit voir sans surprise que des savants y aient cherché tout le sort des hommes. On a écrit d’énormes volumes sous le titre de chiromancie ou divination par la main. Cette science bizarre présente une foule d’indices qui sont au moins curieux ; c’est toute la science des bohémiennes, que nos pères regardaient ordinairement comme des prophétesses et que l’on écoute encore dans les campagnes. De tout temps, dit-on, l’homme fut de glace pour les vérités et de feu pour les mensonges ; il est surtout ami du merveilleux. Si Peau d’Âne m’était conté, a dit la Fontaine, j’y prendrais un plaisir extrême. Voilà la cause de la crédulité que nos bons aïeux accordaient aux bohémiennes ; et voici les principes de l’art de dire la bonne aventure dans la main, science célèbre parmi les sciences mystérieuses, appelée par les adeptes chiromancie, xeiromancie et chiroscopie.

Il y a dans la main plusieurs parties qu’il est important de distinguer : la paume ou dedans de


la main, le poing ou dehors de la main lorsqu’elle est fermée, les doigts, les ongles, les jointures, les lignes et les montagnes. — Il y a cinq doigts : le pouce, l’index, le doigt du milieu, l’annulaire, l’auriculaire ou petit doigt. Il y a quinze jointures : trois au petit doigt, trois à l’annulaire, trois au doigt du milieu, trois à l’index, deux au pouce et une entre la main et le bras. Il y a quatre lignes principales. La ligne de la vie, qui est la plus importante, commence au haut de la main, entre le pouce et l’index, et se prolonge au bas de la racine du pouce jusqu’au milieu de la jointure qui sépare la main du bras ; la ligne de la santé et de l’esprit, qui a la même origine que la ligne de vie, entre le pouce et l’index, coupe la main en deux et finit au milieu de la base de la main, entre la jointure du poignet et l’origine du petit doigt ; la ligne de la fortune ou du bonheur, qui commence à l’origine de l’index, finit sous la base de la main, " en deçà de la racine du petit doigt ; enfin la ligne de la jointure, qui est la moins importante, se trouve sous le bras, dans le passage du bras à la main ; c’est plutôt un pli qu’une ligne. On remarque une cinquième ligne qui ne se trouve pas dans toutes les mains ; elle se nomme ligne du triangle, parce que, commençant au milieu de la jointure, sous la racine du pouce, elle finit ! sous la racine du petit doigt. Il y a aussi sept tubérosités ou montagnes, qui portent le nom des sept planètes. Nous les désignerons tout à l’heure. Pour la chiromancie, on se sert toujours de la main gauche, parce que la droite, étant


plus fatiguée, quoique plus noble, présente quelquefois dans les lignes des irrégularités qui ne sont point naturelles. On prend donc la main gauche lorsqu’elle est reposée, un peu fraîche et sans aucune agitation, pour voir au juste la couleur des lignes et la forme des traits qui s’y trouvent. La figure de la main peut déjà donner une idée, sinon du sort futur des personnes, au moins de leur naturel et de leur esprit. En général, une grosse main annonce un esprit bouché, à moins que les doigts ne soient longs et un peu déliés. Une main potelée, avec des doigts qui se terminent en fuseau, comme on se plaît à en souhaiter aux femmes, n’annonce pas un esprit très-étendu. Des doigts qui rentrent dans la main sont le signe non équivoque d’un esprit lent, quelquefois d’un naturel enclin à la fourberie. Des doigts qui se relèvent au-dessus de la main annoncent des qualités contraires. Des doigts aussi gros à l’extrémité qu’à la racine n’annoncent rien de mauvais. Des doigts plus gros à la jointure du milieu qu’à la racine n’annoncent rien que de bon.

Nous donnons sérieusement ces détails, ne pensant pas qu’il soit nécessaire de les réfuter.

Une main large vaut mieux qu’une main trop étroite. Pour qu’une main soit belle, il faut qu’elle porte en largeur la longueur du doigt du milieu. Si la ligne de la jointure, qui est quelquefois double, est vive et colorée, elle annonce un heureux tempérament. Si elle est droite, également marquée dans toute sa longueur, elle promet des richesses et du bonheur. Si la jointure présentait quatre lignes visibles, égales et droites, on peut s’attendre à des honneurs, à des dignités, à de riches successions. Si elle est traversée de trois petites lignes perpendiculaires ou marquée de quelques points bien visibles, c’est le signe certain qu’on sera trahi. Des lignes qui partent de la jointure et se perdent le long du bras annoncent qu’on sera exilé. Si ces lignes se perdent dans la paume de la main, elles présagent de longs voyages sur terre et sur mer. Une femme qui porte la figure d’une croix sur la ligne de la jointure est chaste, douce, remplie d’honneur et de sagesse ; elle fera le bonheur de son époux. Si la ligne de vie, qui se nomme aussi ligne du cœur, est longue, marquée, égale, vivement colorée, elle présage une vie exempte de maux et une belle vieillesse. Si cette ligne est sans couleur, tortueuse, courte, peu apparente, séparée par de petites lignes transversales, elle annonce une vie courte, une mauvaise santé. Si cette ligne est étroite, mais longue et bien colorée, elle désigne la sagesse, l’esprit ingénieux. Si elle est large et pâle, c’est le signe quelquefois de la sottise. Si elle est profonde et d’une couleur inégale, elle dénote la malice, le babil, la jalousie, la présomption. Lorsqu’à son origine, entre le pouce et l’index, la ligne de vie se sépare en deux, de manière à former la fourche, c’est le signe de l’inconstance. Si cette ligne est coupée vers le milieu par deux petites lignes transversales bien apparentes, c’est le signe d’une mort prochaine. Si la ligne de vie est entourée de petites rides qui lui donnent la forme d’une branche chargée de rameaux, pourvu que ces rides s’élèvent vers le haut de la main, c’est le présage des richesses. Si ces rides sont tournées vers le bas de la main, elles annoncent la pauvreté. Toutes les fois que la ligne de vie est interrompue, brisée, c’est autant de maladies.

La ligne de la santé et de l’esprit est aussi appelée ligne du milieu. Lorsqu’elle est droite, bien marquée, d’une couleur naturelle, elle donne la santé et l’esprit, le jugement sain, une heureuse mémoire et une conception vive. Si elle est longue, on jouira d’une santé parfaite. Si elle est tellement courte qu’elle n’occupe que la moitié de la main, elle dénote la timidité, la faiblesse, l’avarice. Si la ligne de santé est tortueuse, elle donne le goût du vol ; droite, au contraire, c’est la marque d’une conscience pure et d’un cœur juste. Si cette ligne s’interrompt vers le milieu pour former une espèce de demi-cercle, c’est le présage qu’on sera exposé à de grands périls avec les bêtes féroces. La ligne de la fortune ou du bonheur commence, comme nous l’avons dit, sous la racine de l’index, et se termine à la base de la main, en deçà de la racine du petit doigt : elle est presque parallèle à la ligne de santé. Si la ligne de la fortune est égale, droite, assez longue et bien marquée, elle annonce un excellent naturel, la force, la modestie et la constance dans le bien. Si, au lieu de commencer sous la racine de l’index, entre l’index et le doigt du milieu, elle commence presque au haut de la main, c’est le signe de


l’orgueil. Si elle est très-rouge dans sa partie supérieure, elle dénote l’envie. Si la ligne de la fortune est chargée de petites lignes formant des rameaux qui s’élèvent vers le haut de la main, elle présage des dignités, le bonheur, la puissance et les richesses ; mais si cette ligne est absolument nue, unie, sans rameaux, elle prépare la misère et l’infortune. S’il se trouve une petite croix sur la ligne de la fortune, c’est la marque d’un cœur libéral, ami de la véracité, bon, affable, orné de toutes les vertus. Si la ligne du bonheur ou de la fortune, au lieu de naître où nous l’avons dit, prend racine entre le pouce et l’index, au même lieu que la ligne de santé, de façon que les deux lignes forment ensemble un angle aigu, on doit s’attendre à de grands périls, à des chagrins. Si la ligne de santé ne se trouvait pas au milieu de la main, et qu’il n’y eût que la ligne de vie et la ligne de la fortune et du bonheur réunies à leur origine, de manière à former un angle, c’est le présage qu’on perdra la t[ete à la bataille ou qu’on sera blessé mortellement dans quelque affaire. Si la ligne de la fortune est droite et déliée dans sa partie supérieure, elle donne le talent de gouverner sa maison et de faire face honnêtement à ses affaires. Si cette ligne est interrompue vers le milieu par de petites lignes transversales, elle indique la duplicité. Si la ligne de la fortune est pâle dans toute sa longueur, elle promet la pudeur et la chasteté. La ligne du triangle manque dans beaucoup de mains, ^ans qu’on en soit plus malheureux. Si la ligne du triangle est droite, apparente (car ordinairement elle paraît peu) et qu’elle s’avance jusqu’à la ligne de la santé, elle promet de grandes richesses. Si elle se prolonge jusque vers la racine du doigt du milieu, elle donne les plus heureux succès. Mais si elle se perd au-dessous de la racine du petit doigt, vers le bas de la main, elle amène des rivalités. Si elle est tortueuse, inégale, de quelque côté qu’elle se dirige, elle annonce qu’on ne sortira pas de la pauvreté.

L’éminence ou gonflement charnu qui se trouve à la racine du pouce et s’étend jusqu’à la ligne de la vie se nomme la montagne de Vénus. Quand cette tubérosité est douce, unie, sans rides, c’est l’indice d’un heureux tempérament. Si cette montagne est ornée d’une petite ligne parallèle à la ligne de vie et voisine de cette ligne, c’est le présage des richesses. Si le pouce est traversé dans sa longueur de petites lignes qui se rendent de l’ongle à la jointure, ces lignes promettent un grand héritage. Mais si le pouce est coupé de lignes transversales, comme le pli des jointures, c’est le signe qu’on fera des voyages longs et périlleux. Si le pouce ou la racine du pouce présente des points ou des étoiles, c’est la gaieté.

L’éminence qui se trouve à la racine de l’index se nomme la montagne de Jupiter. Quand cette tubérosité est unie et agréablement colorée, c’est le signe d’un heureux naturel et d’un cœur porté à la vertu. Si elle est chargée de petites lignes doucement marquées, on recevra des honneurs et des dignités importantes. La tubérosité qui s’élève dans la paume de la main, à la racine du doigt du milieu, se nomme la montagne de Saturne. Si cette éminence est unie et naturellement colorée, elle marque la simplicité et l’amour du travail ; mais si elle est chargée de petites rides, c’est le signe de l’inquiétude, c’est l’indice d’un esprit prompt à se chagriner. Si la jointure qui sépare la main du doigt du milieu présente des plis tortueux, elle désigne un jugement lent, un esprit paresseux, une conception dure. Une femme qui aurait sous le doigt du milieu, entre la seconde jointure et la jointure voisine de l’ongle, la figure d’une petite croix, porterait là un signe heureux pour l’avenir.

La tubérosité qui se trouve à la racine du doigt annulaire se nomme la montagne du Soleil. Si cette montagne est chargée de petites lignes naturellement marquées, elle annonce un esprit vif et heureux, de l’éloquence, des talents pour les emplois, un peu d’orgueil. Si ces lignes ne sont qu’au nombre de deux, elles donnent moins d’éloquence, mais aussi plus de modestie. Si la racine du doigt annulaire est chargée de lignes croisées les unes sur les autres, celui qui porte ce signe sera victorieux sur ses ennemis et l’emportera sur ses rivaux. L’éminence qui s’élève dans la main à la racine du petit doigt se nomme la montagne de Mercure. Si cette éminence est unie, sans rides, on aura un heureux tempérament, de la constance dans l’esprit et dans le cœur ; pour les hommes, de la modestie ; pour les femmes, de la pudeur. Si cette éminence est traversée par deux lignes légères qui se dirigent vers le petit doigt, c’est la marque de la libéralité.

L’espace qui se trouve sur le bord inférieur de la main au-dessous de la montagne de Mercure, depuis la ligne du bonheur jusqu’à l’extrémité de la ligne de l’esprit, se nomme la montagne de la Lune. Quand cet espace est uni, doux, net, il indique la paix de l’âme et un esprit naturellement tranquille. Lorsqu’il est fort


coloré, c’est le signe de la tristesse, d’un esprit chagrin et morose, et d’un tempérament mélancolique. Si cet espace est chargé de rides, il annonce des voyages et des dangers sur mer.

L’espace qui se trouve au bord inférieur de la main, en deçà de la montagne de la Lune, depuis l’extrémité de la ligne de l’esprit jusqu’à l’extrémité inférieure de la ligne de la jointure, se nomme la montagne de Mars. Quand cet espace est uni, doux et net, il est le caractère du vrai courage et de cette bravoure que la prudence accompagne toujours. S’il est fortement coloré, il désigne l’audace, la témérité. Lorsque la montagne de Mars est chargée de grosses rides, ces rides sont autant de dangers plus ou moins grands, suivant leur profondeur et leur longueur ; c’est aussi le présage d’une mort possible entre les mains des brigands, si les lignes sont livides ; elles sont l’indice d’un trépas funeste si elles sont fort rouges, d’une mort glorieuse au champ de bataille si elles sont droites. Des croix sur la montagne de Mars promettent des dignités et des commandements.

N’oublions pas les signes des ongles. De petits signes blanchâtres sur les ongles présagent des craintes ; s’ils sont noirs, ils annoncent des frayeurs et des dangers ; s’ils sont rouges, ce qui est plus rare, des malheurs et des injustices ; s’ils sont d’un blanc pur, des espérances et du bonheur. Quand ces signes se trouvent à la racine de l’ongle, l’accomplissement de ce qu’ils présagent est éloigné. Ils se rapprochent avec le temps, et se trouvent à la sommité de l’ongle quand les craintes et les espérances se justifient par l’événement.

Pour qu’une main d’homme ou de femme soit très-heureuse, il faut qu’elle ne soit pas trop potelée, qu’elle soit un peu longue, que les doigts ne soient pas trop arrondis, que l’on distingue les nœuds des jointures. La couleur en sera fraîche et douce, les ongles plus longs que larges ; la ligne de la vie, bien marquée, égale, fraîche, ne sera point interrompue et s’éteindra dans la ligne de la jointure. La ligne de la santé occupera les trois quarts de l’étendue de la main. La ligne de la fortune sera chargée de rameaux et vivement colorée.

On voit, dans tous les livres qui traitent de la chiromancie, que les doctes en cette matière reconnaissaient deux sortes de divinations par le moyen de la main : la chiromancie physique, qui, par la simple inspection de la main, devine le caractère et les destinées des personnes ; et la chiromancie astrologique, qui examine les influences des planètes sur les lignes de la main, et croit pouvoir déterminer le caractère et prédire ce qui doit arriver en calculant ces influences. Nous nous sommes plus appesanti sur les principes de la chiromancie physique, parce que c’est la seule qui soit encore en usage. C’est aussi la plus claire et la plus ancienne.

Aristote regarde la chiromancie comme une science certaine ; Auguste disait lui-même la bonne aventure dans la main. Mais les démonomanes pensent qu’on ne peut pas être chiromancien sans avoir aussi un peu de nécromancie, et que ceux qui devinent juste en vertu de cette science sont inspirés souvent par quelque mauvais esprit[12].

« Gardez-vous, en chiromancie, dit M. Salgues[13], des lignes circulaires qui embrasseraient la totalité du pouce ; les cabalistes les nomment l’anneau de Gygès, et Adrien Sicler nous prévient que ceux qui les portent courent risque qu’un jour un lacet fatal ne leur serre la jugulaire. Pour le prouver, il cite Jacquin Caumont, enseigne de vaisseau, qui fut pendu, ne s’étant pas assez méfié de cette funeste figure. Ce serait bien pis si ce cercle était double en dehors et simple en dedans : alors nul doute que votre triste carrière ne se terminât sur une roue. Le même Adrien Sicler a connu à Nîmes un fameux impie qui fut roué en 1559, et qui portait ce signe mortel à la première phalange.

» Il n’est pas possible de vous tracer toutes les lignes décrites et indiquées par les plus illustres chiromanciens pour découvrir la destinée et fixer l’horoscope de chaque individu ; mais il est bon que vous sachiez qu’Isaac Kim-Ker a donné soixante-dix figures de mains au public ; le docte Mélampus, douze ; le profond Compotus, huit ; Jean de Hagen, trente-sept ; le subtil Romphilius, six ; l’érudit Corvæus, cent cinquante ; Jean Cirus, vingt ; Patrice Tricassus, quatre-vingts ; Jean Belot, quatre ; Traisnerus, quarante, et Perrucho, six ; ce qui fait de bon compte quatre cent vingttrois mains sur lesquelles votre sagacité peut s’exercer. Mais, dites-vous, l’expérience et les faits parlent en faveur de la chiromancie. Un Grec prédit à Alexandre de Médicis, duc de Toscane, sur l’inspection de sa main, qu’il mourrait d’une mort violente ; et il fut en effet assassiné par Laurent de Médicis, son cousin. De tels faits ne prouvent rien ; car, si un chiromancien rencontra juste une fois ou deux, il se trompa mille fois. À quel homme raisonnable persuadera-t-on en effet que le soleil se mêle de régler le mouvement de son index (comme le disent les maîtres en chiromancie astrologique) ? que Vénus a soin de son pouce, et Mercure de son petit doigt ? Quoi ! Jupiter est éloigné de vous immensément ; il est quatorze cents fois plus gros que le petit globe que vous habitez, et décrit dans son orbite des années de douze ans, et vous voulez qu’il s’occupe de votre doigt médius !… »

Le docteur Bruhier, dans son ouvrage des Caprices de l’imagination, rapporte qu’un homme de quarante ans, d’une humeur vive et enjouée, rencontra en société une femme qu’on avait fait venir pour tirer des horoscopes. Il présente sa main ; la vieille le regarde en soupirant : — Quel dommage qu’un homme si aimable n’ait plus qu’un mois à vivre ! — Quelque temps après, il s’échauffe à la chasse, la fièvre le saisit, son imagination s’allume, et la prédiction de la bohémienne s’accomplit à la lettre. »

Un personnage important du dernier siècle, M. Raillon, racontait souvent que, dans sa jeunesse, s’étant fait dire sa bonne aventure par une bohémienne, elle lui avait surtout conseillé de prendre garde à l’échafaud, qui lui serait funeste. Son état et sa conduite le mettaient certainement à l’abri de toute crainte à cet égard. Cependant, le triste horoscope s’est malheureusement accompli, quoique d’une manière bien différente du sens que l’on attribue à ce mot pris en mauvaise part. Étant à Paris, et se faisant bâtir un hôtel, il voulut voir par lui-même si les ouvriers exécutaient bien ses ordres. Monté sur un échafaud mal construit, qui cassa sous lui, il tomba de trente pieds de hauteur, et resta mort sur le coup.

Main de gloire. Ce que les sorciers appellent main de gloire est la main d’un pendu, qu’on prépare de la sorte : on l’enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, en la pressant bien, pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait y être resté ; puis on la met dans un vase de terre, avec du sel, du salpêtre, du zimat et du poivre long, le tout bien pulvérisé. On la laisse dans ce pot l’espace de quinze jours ; après quoi on l’expose au grand soleil de la canicule, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement desséchée : si le soleil ne suffit pas, on la met dans un four chauffé de fougère et de verveine. On compose ensuite une espèce de chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge et du sésame de Laponie ; et on se sert de la main de gloire, comme d’un chandelier, pour tenir cette merveilleuse chandelle allumée. Dans tous les lieux où l’on va avec ce funeste instrument, ceux qui y sont demeurent immobiles, et ne peuvent non plus remuer que s’ils étaient morts.

Il y a diverses manières de se servir de la main de gloire ; les scélérats les connaissent bien ; mais, depuis qu’on ne pend plus chez nous, ce doit être chose rare. Deux magiciens, étant venus loger dans un cabaret pour y voler, demandèrent à passer la nuit auprès du feu, ce qu’ils obtinrent. Lorsque tout le monde fut couché, la servante, qui se défiait de la mine des deux voyageurs, alla regarder par un trou de la porte pour voir ce qu’ils faisaient. Elle vit qu’ils tiraient d’un sac la main d’un corps mort, qu’ils en oignaient les doigts de je ne sais quel onguent, et les allumaient, à l’exception d’un seul qu’ils ne purent allumer, quelques efforts qu’ils fissent, et cela parce que, comme elle le comprit, il n’y avait qu’elle des de gloire, quand on a eu la précaution de frotter le seuil de la porte avec un onguent composé de fiel de chat noir, de graisse de poule blanche et de sang de chouette, lequel onguent doit être fait dans la canicule[14].

Main invisible. Gaspard Schott, dans sa Magie universelle, livre IV, page 407, rapporte le fait suivant, dont il a été témoin dans son enfance, et qu’il a entendu raconter à des témoins plus âgés que lui. Deux compagnons sortaient d’une ville, armés et portant leur bagage, pour aller travailler dans une contrée. L’un d’eux ayant trop bu attaque l’autre, qui refuse de se battre avec un homme ivre ; mais il reçoit un coup à la tête. Voyant couler son sang, il riposte et perce de part en part le malheureux ivrogne. On accourt aussitôt de la ville, et parmi les assistants se trouve la femme même du mort. Dans le moment qu’elle donnait des soins à son époux, le meurtrier, qui s’enfuyait, se sentit saisi par une main invisible et fut entraîné « auprès du magistrat, lequel le fit mettre en prison. Qu’était-ce que cette main invisible ? Celle du mort qui revenait dégrisé.

Mainfroi ou Manfred, roi de Naples, qui régna dans les Deux-Siciles de 1254 à 1266, fils naturel de l’empereur Frédéric II.

Malgré les secours qu’il reçut des Sarasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. — Page 436.


Lorsqu’il fut excommunié pour ses crimes, il s’occupa, dit-on, de magie. Pic de la Mirandole conte que Mainfroi, étant en guerre contre Charles d’Anjou, voulut savoir des démons l’événement de la bataille qu’il allait lui livrer, et que le démon, pour le tromper, ne lui répondit qu’en paroles ambiguës, quoique cependant il lui prédît sa mort ; et en effet, malgré les secours qu’il reçut des Sarasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. On remarque que Charles d’Anjou écrivit à Mainfroi, avant la bataille, ces singulières paroles : « Aujourd’hui, je t’enverrai en enfer si tu ne m’envoies pas en paradis. » On a attribué à Manfred un livre latin intitulé la Pomme philosophique, où il traite de la science de l’alchimie, qu’il dit être la sœur germaine de îa magie[15].

Maison ensorcelée. À la fin de nivôse an xiii (1805), il s’est passé à Paris, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans une ancienne maison dont on avait dépouillé des religieuses cordelières, une scène qui fit quelque bruit. On vit tout à coup voler en l’air des bouteilles depuis la cave jusqu’au grenier ; plusieurs personnes furent blessées ; les débris de bouteilles restèrent entassés dans le jardin, sans que la foule des curieux pût découvrir d’où provenait ce phénomène. On consulta des physiciens et des chimistes, ils ne purent pas même dire de quelle manufacture venaient les bouteilles qu’on leur montra. Les gens du quartier se persuadèrent qu’elles venaient de la manufacture du diable, et que cette aventure ne pouvait être que l’ouvrage des sorciers ou des revenants ; les personnes plus instruites, tout aussi crédules, ne surent que penser. La police découvrit enfin que ces revenants n’étaient que des habitants de la maison voisine, aidés d’un physicien de leurs amis, qui, au moyen de l’électricité et d’un trou imperceptible pratiqué dans le mur, parvenait à faire mouvoir à leur gré les meubles de la maison prétendue ensorcelée. Ils avaient pour objet d’empêcher le nouveau propriétaire de la vendre ; ils se vengeaient en même temps d’une personne dont ils croyaient avoir à se plaindre[16]. Voy. Alessandro, Athénodore, Ayola, Bolacré, Chambre infestée, Revenants, etc.

Malache-Chabbalah. On nomme ainsi, dans la cabale juive, les démons qui sont aux ordres de Samaël. Ils remplissent « les sept régions de l’enfer ».

Malades. « Divers sont les jugements qui se font d’aucuns, si un malade doit vivre ou mourir ; mais je publierai ce présent signe infaillible, duquel se pourra servir un chacun, et en faire un ferme jugement : Prenez une ortie et la mettez dans l’urine du malade, incontinent après que le malade l’aura faite, et avant qu’elle soit corrompue ; laissez l’ortie dans ladite urine l’espace de vingt-quatre heures ; et après, si l’ortie se trouve verte, c’est un signe de vie[17]. »

Si l’ortie se trouve verte, c’est un signe de vie. — Page 436.

Delancre[18] nous conseille de ne pas admettre l’opinion des gnostiques, qui disent que chaque maladie a son démon, et d’éviter l’erreur populaire qui prétend que tous ceux qui tombent du haut mal sont possédés. Les maladies ont souvent causé de grands désordres. Le P. Lebrun rapporte l’exemple d’une femme attaquée d’une maladie de l’œil qui lui faisait voir une foule d’images bizarres et effrayantes ; elle se crut ensorcelée : un habile oculiste l’opéra, et guérit en même temps son œil et son imagination. Plusieurs des sorciers, loups-garous et possédés n’étaient que des malades ; mais il est des cas où les maladies sont des effets de possessions. Voy. Hallucination.

Malafar. Voy. Valafar.

Malaingha, nom général des anges du premier ordre chez les habitants de Madagascar. Ces anges font mouvoir les deux, les étoiles, les planètes, et sont chargés du gouvernement des saisons : les hommes sont confiés à leur garde, ils veillent sur leurs jours, détournent les dangers qui les menacent et écartent les démons.

Malatasca. C’est le nom que sainte Catherine de Sienne donnait au diable.

Mal caduc. Pour guérir ce mal, on se sert d’un anneau dont voici la recette : « Vous ferez un anneau de pur argent, dans le chaton duquel vous enchâsserez un morceau de corne de pied d’élan ; puis vous choisirez un lundi du printemps auquel la lune sera en aspect bénin ou en conjonction avec Jupiter ou Vénus, et à l’heure favorable de la constellation, vous graverez en dedans de l’anneau ce qui suit : Dabi, Habi, Haber, Habi. Soyez assuré qu’en portant habituellement cet anneau au doigt du milieu de la main, il vous garantira du mal caduc[19]. » Si vous n’y croyez pas, moi non plus.

Maldonat, célèbre jésuite, né en 1534, à Casas de la Reina dans l’Estramadure. Il étudia à Salamanque et entra chez les jésuites de Rome en 1562. Deux ans après, il ouvrit, au collège de Glermont, à Paris, un cours de philosophie, dans lequel il obtint les plus brillants succès, quoiqu’il n’eût encore que trente ans. Ayant formé le dessein de travailler à un commentaire sur les quatre évangélistes, il crut voir, pendant quelques nuits, un homme qui l’exhortait à finir promptement cet ouvrage, et qui l’assurait qu’il l’achèverait, mais qu’il survivrait peu de jours à sa conclusion ; cet homme lui marquait en même temps un certain endroit du ventre, qui fut le même où Maldonat sentit les vives douleurs dont il mourut en 1583, peu de temps après avoir achevé son ouvrage.Male-Bête, monstre qui passait autrefois, dans l’opinion du peuple de Toulouse, pour courir les rues la nuit. La superstition avait fait croire que tous ceux qui rencontraient ou envisageaient la male-bête mouraient le lendemain.

Malebranche (Nicolas), savant prêtre de l’Oratoire, né à Paris en 1638, mort en 1715. On trouve dans sa Recherche de la vérité d’assez bonnes choses sur la sorcellerie, qu’il regarde comme une maladie d’imagination : ce qui est vrai assez souvent. On dit qu’en un certain temps il n’osait pas se moucher, parce qu’il était persuadé qu’il lui pendait un gigot de mouton au bout du nez. On ne le guérit de cette hallucination qu’en faisant semblant de couper le gigot avec un rasoir : c’est du moins ce qui a été raconté[20]. Voy. Mallebranche.

Maléfices. On appelle maléfices toutes pratiques superstitieuses employées dans le dessein de nuire aux hommes, aux animaux ou aux fruits de la terre. On appelle encore maléfices les maladies et autres accidents malheureux causés par un art infernal, et qui ne peuvent s’enlever que par un pouvoir surnaturel. Il y a sept principales sortes de maléfices employés par les sorciers:1° ils mettent dans le cœur une passion criminelle; 2° ils inspirent des sentiments de haine ou d’envie à une personne contre une autre ; 3° ils jettent des ligatures ; 4° ils donnent des maladies ; 5° ils font mourir les gens ; 6° ils ôtent l’usage de la raison ; 7° ils nuisent dans les biens et appauvrissent leurs ennemis. Les anciens se préservaient des maléfices à venir en crachant dans leur sein. En Allemagne, quand une sorcière avait rendu un homme ou un cheval impotent et maléficié, on prenait les boyaux d’un autre homme ou d’un cheval mort, on les traînait jusqu’à quelque logis, sans entrer par la porte commune, mais par le soupirail de la cave, ou par-dessous terre, et on y brûlait ces intestins. Alors la sorcière qui avait jeté le maléfice sentait dans ses entrailles une violente douleur, et s’en allait droit à la maison où l’on brûlait les intestins pour y prendre un charbon ardent, ce qui faisait cesser le mal. Si on ne lui ouvrait promptement la porte, la maison se remplissait de ténèbres avec un tonnerre effroyable, et ceux qui étaient dedans étaient contraints d’ouvrir pour conserver leur vie[21]. Les sorciers, en ôtant un sort ou maléfice, sont obligés de le donner à quelque chose de plus considérable que l’être ou l’objet à qui ils l’ôtent : sinon, le maléfice retombe sur eux. Mais un sorcier ne peut ôter un maléfice s’il est entre les mains de la justice : il faut pour cela qu’il soit pleinement libre.

On a regardé souvent les épidémies comme des maléfices. Les sorciers, disait-on, mettent quelquefois sous le seuil de la bergerie ou de l’étable qu’ils veulent ruiner une touffe de cheveux ou un crapaud, avec trois maudissons, pour faire mourir étiques les moutons et les bestiaux qui passent dessus : on n’arrête le mal qu’en ôtant le maléfice. Delancre dit qu’un boulanger de Limoges voulant faire du pain blanc suivant sa coutume, sa pâte fut tellement charmée et maléficiée par une sorcière, qu’il fit du pain noir, insipide et infect. Une magicienne ou sorcière, pour gagner le cœur d’un jeune homme marié, mit sous son lit, dans un pot bien bouché, un crapaud qui avait les yeux fermés ; le jeune homme quitta sa femme et ses enfants pour s’attacher à la sorcière ; mais la femme trouva le maléfice, le fit brûler, et son mari revint à elle[22]. Un pauvre jeune homme ayant quitté ses sabots pour monter à une échelle, une sorcière y mit quelque poison sans qu’il s’en aperçût, et le jeune homme, en descendant, s’étant donné une entorse, fut boiteux toute sa vie[23]. Une femme ensorcelée devint si grasse, dit Delrio, que c’était une boule dont on ne voyait plus le visage, ce qui ne laissait pas que d’être considérable. De plus, on entendait dans ses entrailles le même bruit que font les poules, les coqs, les canards, les moutons, les bœufs, les chiens, les cochons et les chevaux, de façon qu’on aurait pu la prendre pour une basse-cour ambulante.

Une sorcière avait rendu un maçon impotent et tellement courbé, qu’il avait presque la tête entre les jambes. Il accusa la sorcière du maléfice qu’il éprouvait ; on l’arrêta, et le juge lui dit qu’elle ne se sauverait qu’en guérissant le maçon. Elle se fit apporter par sa fille un petit paquet de sa maison, et, après avoir adoré le diable, la face en terre, en marmottant quelques charmes, elle donna le paquet au maçon, lui commanda de se baigner et de le mettre dans son bain, en disant : Va de par le diable ! Le maçon le fit, et guérit. Avant de mettre le paquet dans le bain, on voulut savoir ce qu’il contenait ; on y trouva trois petits lézards vifs ; et quand le maçon fut dans le bain, il sentit sous lui comme trois grosses carpes, qu’on chercha un moment après sans rien trouver[24].

Les sorciers mettent parfois le diable dans des noix, et les donnent aux petits enfants, qui deviennent maléficiés. Un de nos démonographes (c’est, je pense, Boguet) rapporte que, dans je ne sais quelle ville, un sorcier avait mis sur le parapet d’un pont une pomme maléficiée, pour un de ses ennemis, qui était gourmand de tout ce qu’il pouvait trouver sans desserrer la bourse. Heureusement le sorcier fut aperçu par des gens expérimentés, qui défendirent prudemment à qui que ce fût d’oser porter la main à la pomme, sous peine d’avaler le diable. Il fallait pourtant l’ôter, à moins qu’on ne voulût lui donner des gardes. On fut longtemps à délibérer, sans trouver aucun moyen de s’en défaire ; enfin il se présenta un champion qui, muni d’une perche, s’avança à distance de la pomme et la poussa dans la rivière, où étant tombée, on en vit sortir plusieurs petits diables en forme de poissons. Les spectateurs prirent des pierres et les jetèrent à la tête de ces petits démons, qui ne se montrèrent plus… Boguet conte encore qu’une jeune fille ensorcelée rendit de petits lézards, lesquels s’envolèrent par un trou qui se fit au plancher. Voy. Charmes, Enchantements, Magiciens, Sorciers, etc.

Maletena (Domingina), femme des environs de Fontarabie, qui allait au sabbat et qui fit un jour le pari de sauter plus loin que ses compagnes ; elle le gagna en montant sur le mont de la Rhune et de là exécutant, devant témoins, un saut qui l’emporta à deux lieues[25].

Malheur. En beaucoup de lieux, détruire le nid d’une hirondelle, tuer un roitelet, un grillon du foyer, un chien devenu caduc au service de la famille, et quelques autres faits de ce genre portent malheur. Et pourquoi pas, puisque ce sont des actions mauvaises ?

Malices des démons. On trouve sur ce chapitre des légendes bien naïves. Il y avait à Bonn, dit Gésaire d’Heisterbach, un prêtre remarquable par sa pureté, sa bonté et sa dévotion. Le diable se plaisait à lui jouer de petits tours de laquais ; lorsqu’il lisait son bréviaire, l’esprit malin s’approchait sans se laisser voir, mettait sa griffe sur la leçon du bon curé et l’empêchait de finir ; une autre fois il fermait le livre, ou tournait le feuillet à contre-temps. Si c’était la nuit, il soufflait la chandelle. Le diable espérait se donner la joie de mettre sa victime en colère ; mais le bon prêtre recevait tout cela si bien et résistait si constamment à l’impatience, que l’importun esprit fut obligé de chercher une autre dupe[26].

Cassien parle de plusieurs esprits ou démons de la même trempe qui se plaisaient à tromper les passants, à les détourner de leur chemin et à leur indiquer de fausses routes, le tout par malicieux divertissement[27].

Un baladin avait un démon familier qui jouait avec lui et se plaisait à lui faire des espiègleries. Le matin il le réveillait en tirant les couvertures, quelque froid qu’il fît ; et quand le baladin dormait profondément, son démon l’emportait hors du lit et le déposait au milieu de la chambre[28]. Pline parle de quelques jeunes gens qui furent tondus par le diable. Pendant que ces jeunes gens dormaient, des esprits familiers, vêtus de blanc, entraient dans leurs chambres, se posaient sur leur lit, leur coupaient les cheveux proprement, et s’en allaient après les avoir répandus sur le plancher[29].

Malin. C’est une des épithètes qu’on donne volontiers au démon, appelé souvent l’esprit malin : elle est prise dans son plus mauvais sens.

Malina. Voy. Anninga.

Mallebranche, marqueur du jeu de paume, demeurant en la rue Sainte-Geneviève, à Paris, lequel fut, le 11 décembre 1618, visité par un revenant. C’était sa femme, morte depuis cinq ans. Elle lui donna de bons conseils qui redressèrent sa mauvaise vie, mais parla sans se montrer. On a fait là-dessus une brochure in-12, intitulée Histoire nouvelle et remarquable de l’esprit d’une femme qui s’est apparue au faubourg Saint-Marcel, après qu’elle a demeuré cinq ans entiers ensevelie : elle a parlé à son mari, lui a commandé de faire prier pour elle, ayant commencé de parler le mardi 11 décenbre 1618. Paris, in-12, 1618[30].

Malphas, grand président des enfers, qui apparaît sous la forme d’un corbeau. Quand il se montre avec la figure humaine, le son de sa voix est rauque ; il bâtit des citadelles et des tours inexpugnables, renverse les remparts ennemis, fait trouver de bons ouvriers, donne des esprits familiers, reçoit des sacrifices et trompe les sacrificateurs : quarante légions lui obéissent.

Malphas.


Mambrés, célèbre enchanteur de l’Égypte, un de ceux que Moïse confondit par ses miracles.

Mammon, démon de l’avarice : c’est lui, dit Milton, qui, le premier, apprit aux hommes à déchirer le sein de la terre pour en arracher les trésors.

Mammon.


Mammouth, animal dont la race est perdue. Voici sur ce monstre une tradition des indigènes de l’Amérique du Nord :

« Il y a dix mille lunes que cette terre était couverte de forêts épaisses. Des bandes de bêtes féroces et des hommes aussi libres qu’elles étaient les seuls maîtres du pays. Il existait une race d’animaux grands comme un précipice, cruels comme des panthères, légers comme l’aigle ; les chênes craquaient sous leurs pieds, et le lac diminuait quand ils venaient y éteindre leur soif. C’est en vain qu’on tirait contre eux le fort javelot ; la flèche aiguë était également inutile. Les forêts étaient dévastées et réduites en farine. On entendait de tous côtés les gémissements des animaux expirants, et des contrées entières habitées par des hommes étaient détruites. Les clameurs qu’excitait cette désolation s’étendaient de tous côtés, jusque dans la région de la paix, qui est à l’ouest.

» L’esprit bon s’interposa pour sauver les malheureux : un éclair fourchu brilla et un trèsgrand coup de tonnerre ébranla le monde ; les feux du ciel furent lancés seulement contre les cruels destructeurs, et les échos des montagnes retentirent des mugissements de la mort. Tous furent tués, excepté un mâle, le plus féroce de la race, contre lequel les traits du ciel frappèrent en vain. L’animal monta sur le sommet le plus bleu d’où sort la source du Monangohela, et par ses terribles rugissements, il bravait toute vengeance : la foudre rouge cassa un très-gros chêne et lança contre lui les éclats de cet arbre ; mais à peine effleurèrent-ils la peau du monstre enragé. À la fin, la fureur le rendit fou ; il fit un grand saut par-dessus les vagues de l’ouest, et il règne maintenant monarque absolu du désert ; il règne malgré la toute-puissance divine[31]. »

Man, ennemi de Sommona-Kodom. Les Siamois le représentent comme une espèce de monstre, avec une tête hérissée de serpents, un visage fort large et des dents horriblement grandes.

Mancanas, imposteur qui, dans les îles Mariannes, s’attribuait le pouvoir de commander aux éléments, de rendre la santé aux malades, de changer les saisons et de procurer une récolte abondante ou d’heureuses pêches.

Manche à balai. Quand les sorciers et les démons faisaient leur sabbat, les sorcières s’y rendaient souvent à cheval sur un manche.

Mandragores, démons familiers assez débonnaires ; ils apparaissent sous la figure de petits hommes sans barbe, avec les cheveux épars. Un jour qu’une mandragore osa se montrer à la requête d’un sorcier qu’on tenait en justice, le juge ne craignit pas de lui arracher les bras et de les jeter dans le feu. Ce qui explique ce fait, c’est qu’on appelle aussi mandragores de petites poupées dans lesquelles le diable se loge, et que les sorciers consultent en cas d’embarras. On lit dans le Petit Albert que, voyageant en Flandre et passant, par Lille, l’auteur de cet ouvrage fut invité par un de ses amis à l’accompagner chez une vieille femme qui passait pour une grande devineresse, et dont il découvrit la fourberie. Cette vieille conduisit les deux amis dans un cabinet obscur, éclairé seulement par une lampe, à la lueur de laquelle on voyait, sur une table couverte d’une nappe, une espèce de petite statue ou mandragore, assise sur un trépied, ayant la main gauche étendue et tenant de cette main un cordon de soie très-délié, au bout duquel pendait une petite mouche de fer bien poli. On avait placé au-dessous un verre de cristal, en sorte que la mouche se trouvait suspendue au-dessus de ce verre. Le mystère de la vieille consistait à commander à la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que l’on voulait savoir. Ainsi elle disait, en s’adressant à la statue :« Je t’ordonne, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que si monsieur doit être heureux dans le voyage qu’il va faire, tu fasses frapper trois fois la mouche contre le verre. » La mouche frappait aussitôt les trois coups demandés, quoique la vieille ne touchât aucunement ni au verre, ni au cordon de soie, ni à la mouche, ni à la statue ; ce qui surprenait les spectateurs. Et afin de mieux duper les gens parla diversité de ses oracles, la vieille faisait de nouvelles questions à la mandragore et lui défendait de frapper si telle ou telle chose devait ou ne devait pas arriver ; alors la mouche restait immobile. Voici en quoi consistait tout l’artifice de la vieille : la mouche de fer, qui était suspendue dans le verre, étant fort légère et bien aimantée, quand la vieille voulait qu’elle frappât contre le verre, elle mettait à un de ses doigts une bague dans laquelle était enchâssé un gros morceau d’aimant. On sait que la pierre d’aimant a la vertu d’attirer le fer : l’anneau de la vieille mettait en mouvement la mouche aimantée, et la faisait frapper autant de fois qu’elle voulait contre le verre. Lorsqu’elle désirait que la mouche ne frappât point, elle ôtait la bague de son doigt, sans qu’on s’en aperçût. Ceux qui étaient d’intelligence avec elle avaient soin de s’informer des affaires de ceux qu’ils lui menaient, et c’est ainsi que tant de personnes furent trompées.

Les Germains avaient aussi des mandragores qu’ils nommaient Alrunes : c’étaient des figures de bois qu’ils révéraient, comme les Romains leurs dieux lares, et comme les nègres leurs fétiches. Ces figures prenaient soin des maisons et des personnes qui les habitaient. On les faisait des racines les plus dures, surtout de la mandragore. On les habillait proprement, on les couchait mollement dans de petits coffrets ; toutes les semaines on les lavait avec du vin et de l’eau, et à chaque repas on leur servait à boire et à manger, sans quoi elles auraient jeté des cris comme des enfants qui souffriraient la faim et la soif, ce qui eût attiré des malheurs ; enfin on les tenait renfermées dans un lieu secret, d’où on ne les retirait que pour les consulter. Dès qu’on avait le bonheur d’avoir chez soi de pareilles figures (hautes de huit à neuf pouces), on se croyait heureux, on ne craignait plus aucun danger, on en attendait toutes sortes de biens, surtout la santé et la guérison des maladies les plus rebelles. Mais ce qui était encore plus admirable, c’est qu’elles faisaient connaître l’avenir : on les agitait pour cela, et on croyait attraper leurs réponses dans des hochements de tête que le mouvement leur imprimait. On dit que cette superstition des anciens Germains subsiste encore aujourd’hui parmi le peuple de la basse Allemagne, du Danemark et de la Suède.

Les anciens attribuaient de grandes vertus à la plante appelée mandragore. Les plus merveilleuses de ces racines étaient celles qui avaient pu être arrosées de l’urine d’un pendu ; mais on ne pouvait l’arracher sans mourir. Pour éviter ce malheur, on creusait la terre tout autour, on y fixait une corde attachée par l’autre extrémité au cou d’un chien ; ensuite ce chien, étant chassé, arrachait la racine en s’enfuyant ; il succombait à l’opération, mais l’heureux mortel qui ramassait alors cette racine ne courait plus le moindre danger et possédait un trésor inestimable contre les maléfices. Voy. Bouchey, Brioché, etc.

Mâné-Raja. C’est le Noé de la mythologie indienne, qui n’est qu’une tradition horriblement altérée de l’Écriture sainte. Il fut sauvé au jour du déluge universel, en récompense des vertus qu’il avait seul pratiquées au milieu de la corruption de son temps. Un jour qu’il se baignait, Dieu se présenta à lui sous la forme d’un petit poisson et lui dit de le prendre : Màné l’ayant fait, et le voyant grossir dans sa main, le mit dans un vase où il grossit encore avec tant de promptitude, que le raja fut contraint de le porter dans un grand bassin, de là dans un étang, puis dans le Gange, et enfin dans la mer. Alors le poisson lui apprit que tous les hommes allaient être noyés dans les eaux du déluge, à l’exception de lui, Mâné. Il lui ordonna en conséquence de prendre une barque qui se trouvait attachée au rivage, de l’amarrera ses nageoires, et de se mettre dedans à sa remorque. Mâné, ayant obéi, fut sauvé de la sorte, et le poisson disparut quand les eaux se retirèrent. Le déluge indien ne dura que sept jours.

Mânes, dieux des morts, qui présidaient aux tombeaux chez les anciens. Plus souvent encore les mânes sont les âmes des morts. Le nom de mânes en Italie était particulièrement attribué aux génies bienfaisants et secourables. Les mânes pouvaient sortir des enfers, avec la permission de Summanus, leur souverain. Ovide rapporte que, dans une peste violente, on vit les mânes se lever de leurs tombeaux et errer dans la ville et les champs en jetant des hurlements affreux. Ces apparitions ne cessèrent avec la peste, suivant ce poëte, que quand on eut rétabli les fêtes férales, établies par Numa, et qu’on eut rendu aux ombres le culte ordinaire qu’on avait depuis quelque temps interrompu. Lorsque les mânes étaient nommés Lémures ou Rémures, on les regardait comme des génies irrités, malfaisants et ardents à nuire. Leloyer[32] dit que les mânes n’étaient que des démons noirs et hideux, comme les diables et les ombres infernales. Voy. Lémures.

Manfred. Voy. Mainfroi.

Mang-Taar, espèce d’enfer des Yakouts, habité par huit tribus d’esprits malfaisants ; ces esprits ont un chef, dont le nom est Achardi Rioho, le puissant. Le bétail dont le poil est entièrement blanc est sacré pour les Yakouts, comme dévoué au grand Acharaï. Les Yakouts croient que, dès que leurs schamanes meurent, ils se réunissent à ces esprits. Ces schamanes sont des sorciers, ou prétendus tels, qui font auprès de leurs idoles l’office de prêtres.

Manichéens, sectateurs de l’hésésiarque Manès, né dans la Perse en 240. Ils reconnaissaient deux principes également puissants, également éternels, Dieu, auteur du bien, et le diable, auteur du mal.

Manie. Il y a des manies féroces qu’on n’explique plus. Nos pères y voyaient une possession, et peut-être n’avaient-ils pas si tort. Le 24 octobre 1833, un fermier de Habershausen (Bavière), nommé Joseph Raas, sans doute possédé, tua sa femme par fanatisme ; il la croyait elle-même possédée du démon, il voulait le chasser du corps de cette malheureuse ; à cet effet il la frappa à coups redoublés d’une croix de métal qui lui ôta la vie. Pendant cette affreuse opération, quatre de ses enfants étaient présents et priaient, par son ordre, pour l’heureuse délivrance de leur mère. Aux cris de la victime, les voisins accoururent ; mais malheureusement il était trop tard : l’infortunée venait d’expirer.

Dernièrement, à Paris, un homme d’une quarantaine d’années, ayant une visite à faire dans le quartier Saint-Marcel, s’aperçut que sa barbe était plus longue qu’il ne convenait, et entra, pour se faire raser, chez le sieur R., perruquier dans une petite rue du quartier Mouffetard. Le barbier silencieux barbouilla de mousse de savon le visage de sa pratique et commença son office. Quand il en fut arrivé au cou du patient, il s’arrêta tout à coup et alla fermer à double tour la porte d’entrée, dont il mit la clef dans sa poche. Il revint alors vers son homme, qui l’avait regardé avec étonnement, et lui mettant le rasoir sur la gorge : « Monsieur, lui dit-il, je suis sous la dépendance d’un esprit qui est toujours invisible près de moi et qui vient de réordonner de vous couper le cou. » Trouvant la plaisanterie assez déplacée, le monsieur regarda le perruquier et remarqua que ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Quoique commençant à s’effrayer, il ne perdit pas son sang-froid, et d’un air dégagé il répondit : « Vous me laisserez au moins le temps de faire ma prière. — C’est juste, répond le barbier, et pour que ma présence ne vous dérange pas, je vais me retirer. » Il entra en effet dans l’arrière-boutique et en ferma la porte sur lui. Le monsieur courut alors à la devanture, Brisa un carreau et appela du monde. La porte ayant été enfoncée, on pénétra dans l’arrière-boutique, et on trouva le perruquier étendu sanglant sur le parquet ; il s’était à lui-même coupé la gorge avec le rasoir. Depuis quelques jours cet homme donnait des signes d’aliénation mentale ; mais on était loin de supposer qu’il atteindrait d’une manière si subite le paroxysme de la folie.

Manifestations fluidiques. Voy. Tables tournantes.

Manipa, idole adorée dans les royaumes de Tangut et de Barantola, en Tartarie. Elle a neuf têtes, qui s’élèvent en pyramide. Tous les ans, des jeunes gens armés, saisis d’une rage enthousiaste, courent la ville et tuent tout ce qu’ils rencontrent, en l’honneur de Manipa, croyant se faire ainsi de grands droits à ses faveurs.


Manitou. C’est le nom que les nègres donnent au diable. Voy. Matchi-Manitou.

Manto, sibylle thessalienne, à qui on attribue cette prophétie, appliquée à Notre-Seigneur Jésus-Christ:a Celui qui est grand viendra ; il traversera les montagnes et les eaux du ciel; il régnera dans la pauvreté et dominera dans le silence, et il naîtra d’une vierge[33]. »

Mansote (La). Voy. Berbiguier.

Many, faux prophète et peintre célèbre parmi les Orientaux, qui fonda en Perse une secte, dont l’existence des deux principes éternels du bien et du mal, la métempsycose, l’abstinence des viandes, la prohibition du meurtre de tout animal, sont les dogmes principaux. C’est, dit-on, le même que Manès.

Maoun, troisième ciel des musulmans, peuplé d’anges qui ont la figure du vautour.

Maoridath, préservatif contre les enchantements. C’est le nom que les musulmans donnent aux deux derniers chapitres du Koran, qu’ils récitent souvent pour se garantir des sortilèges et de toutes autres mauvaises rencontres.

Marais. Dans le Pallène, contrée du Septentrion que nous ne connaissons pas, les conteurs anciens signalent un marais non moins ignoré, où ceux qui se baignaient neuf fois recevaient le plumage d’un cygne et la facullé de voler.

Marat, monstre qui éclata chez nous en 1793 et qui était sans doute un démon incarné, probablement le démon du massacre ; au moins il en était possédé, et il était Prussien. À sa mort, on lui rendit un culte à Paris. Son buste était sur une sorte d’autel à la place du Carrousel, et les passants devaient lui faire hommage en se mettant à genoux devant sa figure. De plus, on lui éleva une chapelle dans son club, et on se

recommandait en ce lieu au cœur de Marat… Il est vrai que, peu de jours après, on jeta son buste et ce qui restait de lui dans l’égout de la rue Montmartre[34].

Marbas ou Barbas, grand président des enfers ; il se montre sous la forme d’un lion furieux. Lorsqu’il est en présence d’un exorciste, il prend la figure humaine et répond sur les choses cachées. Il envoie les maladies ; il donne la connaissance des arts mécaniques ; il change l’homme en différentes métamorphoses ; il commande trente-six légions[35].

Marc. L’hérésiarque Valentin eut entre autres disciples un nommé Marc, qui exerçait une espèce de magnétisme par lequel il prétendait communiquer le don de prophétie. Quand une femme à qui il avait promis ce don lui disait : Mais je ne suis pas prophétesse, il faisait sur elle des invocations afin de l’étonner, et il ajoutait : Ouvre la bouche à présent et dis tout ce qui te viendra, tu prophétiseras. La pauvre femme se hasardait et se croyait prophétesse. Il donnait dans la cabale ; et sans doute ses sectateurs tenaient de lui cette doctrine que les vingt-quatre lettres de l’alphabet sont vingt-quatre éons ou esprits qui dirigent toutes choses. On ajoute que dans ses prestiges, car il faisait aussi de la magie, il était secondé par le démon Azazel.

Marc de café (Art de dire la bonne aventure par le). Les préparatifs de l’art de lire les choses futures dans le marc de café sont fort simples. Vous laisserez dans la cafetière le marc que le café y a déposé ; qu’il soit vieux ou frais, il a des résultats, pourvu qu’il soit à peu près sec quand vous voudrez l’employer. Vous jetterez un verre d’eau sur ce marc ; vous le ferez chauffer jusqu’à ce qu’il se délaye. Vous aurez une assiette blanche, sans tache, essuyée et séchée. Vous remuerez d’abord le marc avec une cuiller,’vous le verserez sur l’assiette, mais en petite quantité et de façon qu’il n’emplisse l’assiette qu’à moitié. Vous l’agiterez en tous sens, avec légèreté, pendant une minute ; ensuite vous répandrez doucement tout le liquide dans un autre vase. Par ce moyen il ne reste dans l’assiette que des particules de marc de café disposées de mille manières, et formant une foule de dessins hiéroglyphiques. Si ces dessins sont trop brouillés, que le marc soit trop épais, que l’assiette ne ressemble à rien, vous recommencerez l’opération. On ne peut lire les secrets de la destinée que si les dessins de l’assiette sont clairs et distincts, quoique pressés. Les bords sont ordinairement plus épais ; il y a même souvent des parties embrouillées dans le milieu ; mais on ne s’en inquiète point ; on peut deviner quand la majeure partie de l’assiette est déchiffrable. Des sibylles prétendent qu’on doit dire certaines paroles mystérieuses[36] en versant l’eau dans la cafetière, en remuant le marc avec la cuiller devant le feu, en le répandant sur l’assiette. C’est peut-être une supercherie. Les paroles n’ont pas ici de vertu. Si on les ajoute, ce n’est que pour donner à l’œuvre quelque solennité et pour contenter les gens qui veulent que tout se fasse en cérémonie.

Le marc de café, après qu’on l’a versé dans l’assiette, y laisse donc diverses figures. Il s’agit de les démêler ; car il y a des courbes, des ondulations, des ronds, des ovales, des carrés, des triangles, etc., etc. Si le nombre des ronds ou cercles, plus ou moins parfaits, l’emporte sur la quantité des autres figures, ce signe annonce qu’on recevra de l’argent. S’il y a peu de ronds, il y a de la gêne dans les finances de la personne qui consulte. Des figures carrées annoncent des désagréments, en raison de leur nombre. Des figures ovales promettent du succès dans les affaires, quand elles sont nombreuses ou distinctement marquées. Des lignes grandes ou petites, pourvu qu’elles soient saillantes ou multipliées, présagent une vieillesse heureuse. Les ondulations ou lignes qui serpentent annoncent des revers et des succès entremêlés. Une croix au milieu des dessins de l’assiette promet une mort douce. Trois croix présagent des honneurs. S’il se trouve dans l’assiette un grand nombre de croix, on reviendra à Dieu après la fougue des passions : il eût été mieux de ne pas le quitter. Un triangle promet un emploi honorable. Trois triangles à peu de distance l’un de l’autre sont un signe heureux ; en général, cette figure est de bon présage. Une figure qui aurait la forme d’un H annonce un empoisonnement. Un carré long bien distinct promet des discordes dans le ménage. Si vous apercevez au milieu des dessins de l’assiette une raie dégagée, c’est un chemin qui annonce un voyage. Il sera long, si ce chemin s’étend ; facile si le chemin est net ; embarrassé si le chemin est chargé de points ou de petites lignes. Un rond dans lequel on trouve quatre points promet un enfant. Deux ronds de cette sorle en promettent deux, et ainsi de suite. Vous découvrez dans l’assiette la figure d’une maison à côté d’un cercle ? Attendez-vous à posséder cette maison. Elle sera à la ville, car vous voyez un X dans le voisinage. Elle serait à la campagne si vous distinguiez auprès de ce signe la forme d’un arbre, d’un arbuste ou d’une plante quelconque. Cette maison vous sera donnée, ou du moins vous l’aurez par héritage, lorsqu’elle est accompagnée de triangles. Vous y mourrez si elle est surmontée d’une croix. Vous trouverez peut-être la forme d’une couronne ; elle vous promet des succès à la cour. On rencontre souvent la figure d’un ou de plusieurs petits poissons ; ils annoncent qu’on sera invité à quelque bon dîner. La figure d’un animal à quatre pattes promet des peines. La figure d’un oiseau présage un coup de bonheur. Si l’oiseau semble pris dans un filet, c’est un procès. La figure d’un reptile annonce une trahison. La figure d’une rose donne la santé ; la forme d’un saule pleureur, une mélancolie ; la figure d’un buisson, des retards. La forme d’une roue est le signe d’un accident. Une fenêtre ou plusieurs carrés joints ensemble de manière à former une espèce de croisée vous avertissent que vous serez volé. C’est bon à savoir. Si vous voyez une tête ou une forme de chien à côté d’une figure humaine, vous avez un ami. Si vous voyez un homme monté sur un cheval ou sur tout autre quadrupède, un homme estimable fait pour vous de grandes démarches. Quand vous apercevez trois figures l’une auprès de l’autre, attendez quelque emploi honorable. Si vous distinguiez une couronne de croix, un homme de vos parents mourrait dans l’année. Une couronne de triangles ou de carrés annonce la mort d’une de vos parentes également dans l’année qui court. Un bouquet composé de quatre fleurs ou d’un plus grand nombre est le plus heureux de tous les présages. — Voilà.

Marceau, l’un des généraux les plus renommés de la première république française. La Gazette de Cologne a publié récemment l’histoire suivante, qui lui a été communiquée par son correspondant de Coblentz, et qui forme encore dans cette ville le sujet de toutes les conversations.

On sait qu’au-dessous du fort Empereur-François, auprès de la route de Cologne, se trouve le monument du général français républicain Marceau, qui tomba à Altenkirchen et fut enseveli à Coblentz, sur le mont Saint-Pierre, où se trouve mainténant la partie principale du fort sus-mentionné. Le monument du général, qui est une pyramide tronquée, fut plus tard enlevé, lorsqu’on commença les fortifications de Coblentz. Toutefois, sur l’ordre exprès du feu roi Frédéric-Guillaume III, il fut reconstruit à la place où il se trouve maintenant.

M. de Stramberg, qui, dans son Rheinnischen antiquarius, donne une biographie très-détaillée de Marceau, raconte, en faisant mention du monument de ce dernier, que des personnes prétendent avoir vu le général, de nuit, à différentes reprises, après sa mort, monté sur un cheval blanc et couvert d’un manteau de même couleur (des chasseurs français), se dirigeant vers le mont Saint-Pierre.

Dernièrement, un soldat qui était en faction à minuit sur ce mont dit avoir vu venir à lui un spectre blanc monté sur un cheval gris. N’ayant reçu aucune réponse à son interpellation, le soldat a fait feu trois fois. Une patrouille, étant arrivée au bruit de ces décharges, a trouvé la sentinelle étendue sur le sol, presque évanouie et dans un affreux paroxysme de fièvre. Elle a été transportée à l’hôpital, où elle est tombée dangereusement malade, et où, au milieu du délire, elle n’a parlé que de l’apparition susmentionnée.

Marcellus, médecin en Pamphylie, contemporain de l’empereur Marc-Aurèle, a composé un poëme sur la lycanthropie, mélancolie diabolique qui frappe ceux qui en sont atteints de l’idée qu’ils sont changés en loups. Des fragments de ce poëme sont conservés dans le Corpus poetarum de Maittaire. Londres, 1713 à 1722, 27 v. in-12.

Marchocias, grand marquis des enfers. Il se montre sous la figure d’une louve féroce, avec des ailes de griffon et une queue de serpent : sous ce gracieux aspect le marquis vomit des femmes. Lorsqu’il prend la figure humaine, on


croit voir un grand soldat. Il obéit aux exorcistes, est de l’ordre des Dominations et commande trente légions[37].

Marcionites, hérétiques du cinquième siècle qui avaient pour chef Marcion. Ils étaient dualistes et disaient que Dieu avait créé nos âmes, mais que le diable, jaloux, avait aussitôt créé nos corps, dans lesquels il avait emprisonné lesdites âmes.

Mardi. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un R, comme le mardi, le mercredi et le vendredi, les bonnes gens disent qu’il viendra des envies aux doigts.

Maréchal de salon. Voy. Michel.

Marentakein, arbrisseau des spectres. Voy. Guthevl.

Margaritomancie, divination par les perles. On en pose une auprès du feu ; on la couvre d’un vase renversé, on l’enchante en récitant les noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a été dérobé, au moment où le nom du larron est prononcé, laverie bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir ; c’est ainsi qu’on reconnaît le coupable[38].

Marguerite, Hollandaise qui vivait au treizième siècle. Ayant refusé brutalement l’aumône à une pauvre femme qui avait plusieurs enfants, et lui ayant reproché sa fécondité, cette pauvresse lui prédit qu’elle-même aurait autant d’enfants qu’il y a de jours dans l’an. Elle accoucha en effet de trois cent soixante-cinq enfants, qui furent présentés au baptême, tous les garçons, gros comme le doigt, avec le nom de Jean, et toutes les filles, aussi mignonnes, avec le nom de Marie, sur deux grands plats que l’on garde toujours à Loosduynea, près de la Haye, où cette histoire n’est, pas mise en douté. Avec les deux plats bien conservés, on montre le tombeau des trois cent soixante-cinq enfants, morts tous aussitôt après leur baptême[39].

Marguerite, Italienne qui avait un esprit familier. Lenglet-Dufresnoy rapporte ainsi son histoire


sur le témoignage de Cardan : « Il y avait à Milan une femme nommée Marguerite, qui publiait partout qu’elle avait un démon ou esprit familier qui la suivait et l’accompagnait partout, mais qui pourtant s’absentait deux ou trois mois de l’année. Elle trafiquait de cet esprit ; car souvent elle était appelée en beaucoup de maisons, et incontinent qu’on lui avait fait commandement d’évoquer son esprit, elle courbait la tête ou l’enveloppait "de son tablier et commençait à l’appeler et adjurer en sa langue italienne. Il se présentait soudain à elle et répondait à son évocation ; la voix de cet esprit ne s’entendait pas auprès d’elle, mais loin, comme si elle fut sortie de quelque trou de muraille ; et si quelqu’un se voulait approcher du lieu où la voix de cet esprit résonnait, il était étonné qu’il ne l’entendait plus en cet endroit, mais en quelque autre coin de la maison.

» Quant à la voix de l’esprit, elle n’était point articulée ni formée de manière qu’on la pût bien entendre ; elle était grêle et faible, de sorte qu’elle se pouvait dire plutôt un murmure qu’un son de voix. Après que cet esprit avait sifflé ainsi et murmuré, la vieille lui servait de truchement et faisait entendre aux autres ce qu’il avait dit. Elle a demeuré en quelques maisons où les femmes, qui ont observé ses façons de faire, disent, qu’elle enferme quelquefois cet esprit en un linceul, et qu’il a coutume de lui mordre la bouche tellement qu’elle a presque toujours les lèvres ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde, à cause de cet esprit, qu’elle ne trouve personne qui la veuille loger ni qui consente à fréquenter avec elle[40]. » Nous n’avons pas besoin d’ajouter que c’était là un tour de ventriloquie.

Marguerite de Navarre. Cette reine, malade, vit la nuit une grande lumière, et, apprenant que c’était une comète, elle regarda cette apparition comme l’annonce de sa mort. Quoiqu’elle ne se sentît pas trop mal, elle s’y prépara, frappée, et mourut en effet trois jours après.

Mariacho de Molères, insigne sorcière qui fut accusée par une jeune fille nommée Marie Aspiculette, âgée de dix-neuf ans, de l’avoir menée au sabbat, l’emportant sur son cou après s’être frottée d’une eau épaisse et verdâtre, dont elle se graissait les mains, les hanches et les genoux[41].

Mariage. On a plusieurs moyens de connaître quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conte qu’en Russie les jeunes filles curieuses de connaître si elles seront mariées dans l’année forment un cercle dans lequel chacune répand devant soi une pincée de grains d’avoine. Cela fait, une femme placée au centre, et tenant un coq enveloppé, tourne plusieurs fois sur elle-même en fermant les yeux et lâche l’animal, qu’on a eu soin d’affamer ; il ne manque pas d’aller picoter le grain. Celle dont l’avoine a été la première entamée peut compter sur un prochain mariage. Plus le coq y met d’avidité, et plus promptement l’union pronostiquée doit se conclure.

S’il est naturel à une jeune fille russe de désirer le mariage, il ne l’est pas moins qu’elle souhaite de connaître celui qui sera son époux. Le moyen suivant satisfait sa curiosité. Elle se rend à minuit dans une chambre écartée où sont préparés deux miroirs placés parallèlement vis-à-vis l’un de l’autre et éclairés de deux flambeaux. Elle s’assied et prononce par trois fois[42] ces mots : Kto môy soujnoy kto moy riajnoy, tôt pobajetsia mnie. « Que celui qui sera mon époux m’apparaisse ! » Après quoi elle porte ses regards sur l’un des miroirs, et la réflexion lui présente une longue suite de glaces ; sa vue doit se fixer sur un espace éloigné et plus obscur, où l’on prétend que se fait l’apparition. On conçoit que plus le lieu observé paraît éloigné, plus il est facile à l’imagination déjà préoccupée de se faire une illusion. On se sert du même procédé pour savoir ce que font des personnes absentes.

Ceux qui désirent apprendre ( toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientôt font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacées, et le mettent sous son chevet sans qu’elle s’en aperçoive. Le lendemain on demande ce qu’elle a vu en songe ; si elle raconte avoir passé un pont avec un jeune homme, c’est un signe infaillible qu’elle lui sera unie la même année. Cette divination s’appelle en russe most mastite[43].

On lit dans les Admirables secrets du Petit Albert cette manière de connaître avec qui on s’unira. Il faut avoir du corail pulvérisé et de la poudre d’aimant, les délayer ensemble avec du sang de pigeon blanc ; on fera un petit peloton de pâte qu’on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu ; on se le pendra au cou ; on mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu’on doit épouser. Les filles ou veuves obtiennent le même résultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous leur chevet, et se frottant les tempes, avant de dormir, d’un peu de sang de huppe.

On croit aussi dans plusieurs provinces, et on le croit sur nombre d’exemples, que les époux qui mangent ou boivent avant la célébration de leur mariage ont des enfants muets.

Les coutumes superstitieuses qui en Écosse précèdent et suivent les mariages sont innombrables ; le peuple croit que les évocations, accompagnées de certaines paroles magiques, ont la puissance de faire apparaître l’ombre des futurs époux, et que des noisettes jetées au feu indiquent, par les divers pétillements de la flamme, si leur union sera heureuse. Un savant regrette de n’avoir pu découvrir l’origine certaine et la signification des présents échangés entre les fiancés. L’anneau est le symbole de l’esclavage qui pèse sur la femme, et on a cru qu’il était placé au quatrième doigt de la main gauche, parce qu’une veine conduit de ce doigt au cœur. Cette opinion était répandue chez les Égyptiens et chez les Grecs. Un anneau de mariage avec un diamant présageait une union malheureuse, parce que l’interruption du cercle annonçait que l’attachement des époux ne serait pas de durée, on a donc adopté un cercle d’or.

On entend dire encore de nos jours que quand deux mariages se font à la même messe, l’un des deux n’est pas heureux.

Mariage du diable. Gôrres, dans le chapitre xiv de la sixième partie de sa Mystique, rapporte une allégorie que voici : « L’idée vint un jour au diable de prendre femme, afin de propager sa race. Il s’adressa donc à l’Impiété, et après l’avoir épousée il en eut sept filles. Il les maria bientôt, l’Orgueil aux puissants de la terre, l’Avarice aux marchands, l’Avidité déloyale aux mercenaires, l’Hypocrisie aux fourbes, l’Envie aux artistes, la Vanité aux efféminés. L’Impureté lui restait ; car, réflexion faite, il sétait décidé à la garder chez lui pour que ceux qui désireraient l’avoir vinssent la chercher. Il comptait sur un grand nombre de visites, et il ne fut pas trompé dans ses prévisions.

Mariagrane (Marie), sorcière qui dit avoir vu souvent le diable, et qui se trouve citée dans Delancre.

Marigny ( Enguerrand de), ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, femme d’Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa sœur, furent accusées d’avoir eu recours aux sortilèges pour envoûter le roi, messire Charles, son frère, et autres barons, et d’avoir fait des maléfices pour faire évader Enguerrand, qui était emprisonné. On fit arrêter les deux dames. Jacques Dulot, magicien, qui était censé les avoir aidées de ses sortilèges, fut mis en prison ; sa femme fut brûlée et son valet pendu. Tous ces gens étaient des bandits. Dulot, craignant pareil supplice, se tua dans son cachot. Le comte de Valois, oncle du roi, fit considérer à ce prince que la mort volontaire du magicien était une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire ; il se laissa persuader et déclara qu’il ôtait sa main de Marigny et qu’il l’abandonnait à son oncle. On assembla aussitôt quelques juges ; la délibération ne fut pas longue : Marigny fut condamné, malgré sa qualité de gentilhomme, à être pendu comme sorcier. L’arrêt fut exécuté la veille de l’Ascension, et son corps fut attaché au gibet de Montfaucon, qu’il avait fait relever durant son ministère. Le peuple, que l’insolence du ministre avait irrité, se montra touché de son malheur. Les juges n’osèrent condamner sa femme et sa sœur ; le roi lui-même se repentit d’avoir abandonné Marigny à ses ennemis. Dans son testament il laissa une somme considérable à sa famille, en considération, dit-il, de la grande infortune qui lui était arrivée[44].

Marionnettes. On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits démons. Voy. Brioché, Bouchey, Mandragores, etc.

Marissane. Un jeune homme de quinze ou seize ans, nommé Christoval de la Garrade, fut enlevé, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorcière, laquelle le porta si loin et si haut à travers les airs, qu’il ne put reconnaître le lieu du sabbat ; mais il avoua qu’il avait été bien étrillé pour n’avoir pas voulu prendre part audit sabbat, et sa déposition fut une des preuves qui firent brûler la sorcière. Pourtant il pouvait n’avoir fait qu’un rêve. Voy. Raide.

Marius. Il menait avec lui une sorcière scythe qui lui pronostiquait le succès de ses entreprises.

Marle (Thomas de), comte d’Amiens et sire de Coucy, dont on peut lire les crimes dans les chroniques du règne de Louis le Gros. À sa mort, il recula sur ses forfaits et voulut se réconcilier avec Dieu ; mais comme il refusait de réparer une des plus sombres actions de sa vie[45], lorsqu’il se souleva pour recevoir la sainte communion qu’il avait demandée, Suger atteste qu’une main invisible lui tordit le cou.

Marlowe, poëte anglais de la fin du seizième siècle, né en février 1563, tué en duel le 15 juin 1593 à l’âge de trente ans. C’était un débauché, si on s’en rapporte à son épitaphe. Il a laissé un poëme de Faust, antérieur de deux siècles à celui de Gœthe[46].

Marot. Mahomet cite l’histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la défense qu’il fait de boire du vin. « Dieu, dit-il, chargea Arot et Marot d’une commission sur la terre. Une jeune dame les invita à dîner, et ils trouvèrent le vin si bon qu’ils s’enivrèrent. Ils remarquèrent alors que leur hôtesse était belle, s’éprirent d’amour et se déclarèrent. Cette dame, qui était sage, répondit qu’elle ne les écouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Dès qu’elle les sut, elle s’éleva jusqu’au trône de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une étoile brillante (c’est l’étoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes à demeurer jusqu’au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel, que les pèlerins musulmans vont visiter encore auprès de Bagdad.

Marque du diable. On sait que les sorcières qui vont au sabbat sont marquées par le diable, et ont particulièrement un endroit insensible que les juges ont fait quelquefois sonder avec de longues épingles. Lorsque les prévenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance, elles sont réputées sorcières et condamnées comme telles, parce que c’est une preuve évidente de leur transport au sabbat. Delancre[47] ajoute que toutes celles qui ont passé par ses mains ont avoué toutes ces choses lorsqu’elles furent jetées au feu. Bodin prétend que le diable ne marque point celles qui se donnent à lui volontairement et qu’il croit fidèles ; mais Delancre réfute cette assertion, en disant que toutes les plus grandes sorcières qu’il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit à l’œil, soit ailleurs. Ces marques ont d’ordinaire la forme d’un petit croissant ou d’une griffe, ou d’une paire de cornes qui font la fourche.

Marquis de l’enfer. Les marquis de l’enfer, comme Phœnix, Cimeriès, Andras, sont, ainsi que chez nous, un peu supérieurs aux comtes. On les évoque avec fruit (dans le sens diabolique) depuis trois heures du soir jusqu’à la chute du jour[48].

Marsay. Voy. Obereit.

Martibel (Sarena ou Séréna), sorcière du diocèse de Soissons au quinzième siècle. Des témoins déclarèrent l’avoir vue danser au sabbat avec quatre crapauds habillés, l’un sur son épaule gauche, l’autre sur son épaule droite, et les deux autres sur ses poings, où ils se tenaient comme les faucons ou les éperviers sur le poing d’un chasseur.

Martin (Saint), Un jour que saint Martin de Tours disait la messe, le diable entra dans l’église avec l’espoir de le distraire. C’est une naïve historiette de la Légende dorée ; elle est représentée dans une église de Brest. Elle parut à Grosnet un trait si joli qu’il le mit en vers. Le diable était, selon cet ancien poëte, dans un coin de l’église écrivant sur un parchemin les caquets des femmes et les propos inconvenants qu’on tenait à ses oreilles pendant les saints offices. Quand sa feuille fut remplie, comme il avait encore bien des notes à prendre, il mit le parchemin entre ses dents et le tira de toutes ses forces pour l’allonger ; mais la feuille se déchira, et la tête du diable alla frapper contre un pilier qui se trouvait derrière, lui. Saint Martin, qui se retournait alors pour le Dominus vobiscum, se mit à rire de la grimace du diable et perdit ainsi le mérite de sa messe, au jugement du moins de l’esprit malin, qui toutefois se hâta de fuir…

Martin (Marie), sorcière du bourg de la Neufville-le-Roi, en Picardie, qui fut arrêtée pour avoir fait mourir des bêtes et des hommes par sortilège ou plutôt par maléfice, car au moins ce mot veut dire mauvaise action. Un magicien qui passait parla la reconnut, et, sur son avis, la sorcière fut rasée. On lui trouva la marque du diable, ayant l’empreinte d’une palte de chat. Elle dit au juge qu’elle se reconnaissait coupable. Traduite à la prévôté, elle avoua qu’elle était sorcière, qu’elle jetait des sorls au moyen d’une poudre composée d’ossements de trépassés ; que le diable Cerbérus lui parlait ordinairement. Elle nomma les personnes qu’elle avait ensorcelées et les chevaux qu’elle avait maléficiés. Elle dit encore que, pour plaire à Cerbérus, elle n’allait pas à la messe deux jours avant de jeter ses sorts ; elle conta qu’elle était allée au chapitre tenu par Cerbérus, et qu’elle y avait été conduite la première fois par Louise Morel, sa tante. Dans son second interrogatoire, elle déclara que la dernière fois qu’elle était allée au sabbat c’était à Varipon, près Noyon ; que Cerbérus, vêtu d’une courte robe noire, ayant une barbe noire, ceiffé d’un chapeau à forme haute, tenait son chapitre près des haies dudit Varipon, et qu’il appelait là par leurs noms les sorciers et les sorcières. Elle fut condamnée par le conseil de la ville de Montdidier à être pendue, le 2 juin 1586. Elle en appela au parlement de Paris, qui rejela le pourvoi. Son exécution eut lieu le 25 juillet même année[49].

Martin (Thomas), laboureur de Gaillardon en Beauce, qui eut, dans un de ses champs, le 15 janvier 1816, vers deux heures de l’après-midi, une vision d’un personnage vêtu de blanc, lequel le chargea d’une mission pour le roi Louis XVIII. Il eut beau s’en défendre, la vision se représenta tant de fois qu’on le fit partir pour


Paris, où, après avoir été minutieusement examiné par les plus habiles médecins, il fut admis devant le roi, avec qui il s’entretint seul à seul pendant une heure. Quelques-uns ont cru que Martin était un halluciné, ce qui n’a pu être établi. On a publié cette aventure plusieurs fois. La meilleure relation est celle qui a été éditée chez Hivert, à Paris, en 1831, petit in-8o.

Martinet, démon familier, qui accompagnait les magiciens et leur défendait de rien entreprendre sans sa permission, ni de sortir d’un lieu sans le congé de maître Martinet. Quelquefois aussi il rendait service aux voyageurs, en leur indiquant les chemins les plus courts, ce qui était de la complaisance.

Martre. On croit, en Russie, que la peau de martre est un préservatif assuré contre les charmes, sortilèges et maléfices.

Martym ou Batym, duc aux enfers, grand et fort : il a l’apparence d’un homme robuste, et au derrière une queue de serpent. Il monte un cheval d’une blancheur livide. Il connaît les vertus des herbes et des pierres précieuses. Il transporte les hommes d’un pays dans un autre avec une vitesse incroyable. Trente légions lui obéissent.

Mascarades. Les Gaulois croyaient que Mythras présidait aux constellations ; ils l’adoraient comme le principe de la chaleur, de la fécondité et des bonnes et mauvaises influences. Les initiés à ses mystères étaient partagés en plusieurs confréries, dont chacune avait pour symbole une constellation ; les confrères célébraient leurs fêtes et faisaient leurs processions et leurs festins déguisés en lions, en béliers, en ours, en chiens, etc., c’est-à-dire sous les figures qu’on suppose à ces constellations. Voilà sans doute, selon Saint-Foix, l’origine de nos mascarades.

On lit, sur les mascarades, cette plaisanterie ingénieuse dans Montesquieu :

On demandait à un Turc, revenu d’Europe, ce qu’il y avait vu de remarquable. « À Venise, répondit-il, ils deviennent fous pendant un temps de l’année ; ils courent déguisés par les rues, et cette extravagance augmente au point que les ecclésiastiques sont obligés de l’arrêter ; dé savants exorcistes font venir les malades un certain jour (le mercredi des Cendres), et, aussitôt qu’ils leur ont répandu un peu de cendre sur la tête, le bon sens leur revient, et ils retournent à leurs affaires. »

Massaliens ou Messaliens, illuminés des premiers siècles qui croyaient que chaque homme tire de ses parents et apporte en lui un démon qui ne le quitte pas. Ils faisaient de longues prières pour le dompter ; après quoi ils dansaient et se livraient à des contorsions et à des gambades en disant qu’ils sautaient sur le diable. Une autre secte de massaliens, au dixième siècle, admettait deux dieux nés d’un premier être ; le plus jeune gouvernait le ciel, l’aîné présidait à la terre ; ils nommaient le dernier Sathan, et supposaient que les deux frères se faisaient une guerre continuelle, mais qu’un jour ils devaient se réconcilier[50].

Mastication. Les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne sait pas s’ils les entendaient mâcher ; mais il est certain qu’il faut attribuer à l’idée qui conservait aux morts la faculté de manger l’habitude des repas funèbres qu’on servait de temps immémorial, et chez tous les peuples, sur la tombe du défunt.

L’opinion que les spectres se nourrissent est encore répandue dans le Levant. Il y a longtemps que les Allemands sont persuadés que les morts mâchent comme des porcs dans leurs tombeaux, et qu’il est facile de les entendre grogner en broyant ce qu’ils dévorent. Philippe Rherius, au dix-septième siècle, et Michel Raufft, au commencement du dix-huitième, ont même publié des Traités sur les morts qui mâchent dans leurs sépulcres[51]. Ils disent qu’en quelques endroits de l’Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton ; ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite pièce d’argent, et d’autres leur serrent fortement la gorge avec un mouchoir. Ils citent ensuite plusieurs morts qui ont dévoré leur propre chair dans leur sépulcre. On doit s’étonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funérailles du comte Henri de Salm, on entendit dans l’église de l’abbaye de Haute-Seille, où il était enterré, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognement d’une personne qui mâche ; et le lendemain, le tombeau du comte ayant été ouvert, on le trouva mort, mais renversé et le visage en bas, au lieu qu’il avait été inhumé sur le dos. On l’avait enterré vivant, comme on en a enterré tant d’autres.

On doit attribuer à une cause semblable l’histoire, rapportée par Raufft, d’une femme de Bohême, qui, en 1345, mangea, dans sa fosse, la moitié de son linceul sépulcral. Dans le dernier siècle, un pauvre homme ayant été inhumé précipitamment au cimetière, on entendit pendant la nuit du bruit dans son tombeau : on l’ouvrit le lendemain, et on trouva qu’il s’était mangé les chairs des bras. Cet homme, ayant bu de l’eau-de-vie avec excès, avait été enterré vivant. Une demoiselle d’Augsbourg étant tombée en léthargie, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans être couvert de terre. On entendit bientôt quelque bruit dans son tombeau ; mais on n’y fit pas attention. Deux ou trois ans après, quelqu’un de la famille mourut : on ouvrit le caveau, et l’on trouva le corps de la demoiselle auprès de la pierre qui en fermait l’entrée. Elle avait inutilement tenté de déranger cette pierre, et elle n’avait plus de doigts à la main droite, qu’elle s’était dévorée de désespoir. Voy Vampires.

Mastiphal. C’est le nom qu’on donne au prince des démons, dans un livre apocryphe cité par Cédrénus et qui a pour titre : la Petite Genèse.

Matchi-Manitou, esprit malfaisant, auquel les sauvages de l’Amérique septentrionale attribuent tous les maux qui leur arrivent. Ce mauvais génie n’est autre que la lune. Plusieurs de ces sauvages s’imaginent que les orages sont causés par l’esprit de la lune. Ils jettent à la mer ce qu’ils ont de plus précieux dans leurs canots, espérant apaiser par ces offrandes l’esprit irrité.

Matière. C’est le culte de la matière qui a donné naissance à la cabale et à toutes les sciences occultes.

Matignon (Jacques Goyon de), gentilhomme, qui servit Henri III et Henri IV. Ses envieux, apparemment pour le décrier, disaient que l’esprit, l’habileté, la prudence, le courage n’étaient point naturellement en lui, mais qu’ils lui venaient d’un pacte qu’il avait fait avec le diable. Il fallait que ce diable fût une bonne créature, dit SaintFoix, puisque Matignon donna, dans toutes les occasions, des marques d’un caractère plein de douceur et d’humanité[52].

Matignon (le P. A. de), de la compagnie de Jésus, a publié en 1861 la Question du surnaturel, vol. in-12, qui traite du merveilleux et notamment du spiritisme, et, en 1862, les Morts et les Vivants, entretiens sur les communications d’outre-tombe, vol. in-12, qui se rattache au précédent.

Matthieu Laensberg, Liégeois célèbre qui passe parmi le peuple pour le plus grand mathématicien, astrologue et prophète des temps modernes. C’était un bon chanoine, qui donnait dans l’astrologie. Ses prédictions trouvent encore, dans les campagnes, de bonnes gens qui se feraient scrupule d’en douter, et qui, quand son almanach prédit de la pluie pour un jour de beau temps, se contentent de dire : « Il pleut ailleurs. » Le premier almanach de Matthieu Laensberg a paru en 1636[53].

Matzou, divinité chinoise. C’était, suivant quelques auteurs, une magicienne.

Maupertuis. Voy. Hallucination.

Maurice, empereur, couronné en 582. On lit dans sa vie qu’étant petit enfant, il fut enlevé et emporté plusieurs fois, par les esprits appelés Gelions ; mais qu’ils ne lui purent faire aucun mal, à cause de son baptême.

Maury (Alfred), savant de notre temps qui a écrit avec une grande érudition sur la magie et l’astrologie, mais pour nier la magie, malgré ses évidences. Nous n’entendons ici par la magie que les relations avec les mauvais esprits qui nous entourent.

Maury (Jean-Siffrein). Un colporteur, en 1792, pour mieux piquer la curiosité du peuple de Paris, criait, en vendant ses pamphlets : Mort de l’abbé Maury ! L’abbé passe, s’en approche, lui donne un soufflet et lui dit : « Tiens, si je suis mort, au moins tu croiras aux revenants. »

Mécanique. Ainsi que toutes les sciences compliquées, la mécanique a produit des combinaisons surprenantes qui ont été reçues autrefois comme des prodiges. Ce qui a le plus étonné les esprits, c’est l’automate qu’on appelait aussi androïde. Nous avons parlé de l’androïde d’Albert le Grand, qui passa aux yeux de ses contemporains pour une œuvre de magie. Jean Muller, savant du quinzième siècle, plus connu sous le nom de Regiomontanus, fit, dit-on, un aigle automate qui avait la faculté de se diriger dans les airs ; il devançait le canard automate de Vaucanson, qui barbotait, voltigeait, cancanait et digérait. Aulu-Gelle rapporte qu’Architas, dans l’antiquité, avait construit un pigeon qui prenait son vol, s’élevait à une certaine hauteur et revenait à sa place. On attribue à Roger Bacon une tête qui prononçait quelques paroles. Vaucanson fit


un joueur de flûte qui exécutait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain, fit au dernier siècle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le même temps, l’abbé Mical construisit deux têtes de bronze qui, comme l’androïde de Roger Bacon, prononçaient des paroles. Mais ce qui fit plus d’effet encore, ce fut le joueur d’échecs du baron de Kempelen. C’était un automate mû par des ressorts, qui jouait aux échecs contre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai, que le mécanisme était dirigé par un homme caché dans l’armoire à laquelle l’automate était adossé. Mais ce n’en était pas moins un travail admirable.

Autrefois, nous le répétons, on ne voyait dans les androïdes que l’œuvre d’une science occulte. Aujourd’hui, par un revirement inconcevable, on semble faire peu de cas de ces efforts du génie de la mécanique. On a laissé périr tous les automates célèbres, et nos musées et nos conservatoires, qui sont encombrés de tant de futilités, ne possèdent pas d’androïdes.

Mécasphins, sorciers chaldéens qui usaient d’herbes, de drogues particulières et d’os de morts, pour leurs opérations superstitieuses.

Méchant. Le diable est appelé souvent le méchant, le mauvais et le malin. Il est le principe en effet et le père de la méchanceté.

Mechtilde (sainte). Elle parut environ cent ans après sainte Hildegarde. Elle était sœur de sainte Gertrude. Ses visions et révélations ont été imprimées en 1513. C’est un recueil assez curieux et assez rare, qui contient le livre du Pasteur et les Visions du moine Vetin, réimprimées depuis par le père Mabillon, au quatrième livre de ses Actes de l’ordre de saint Benoît, partie première. On y trouve aussi les révélations de sainte Elisabeth de Schonaw, qui contiennent cinq livres, aussi bien que celles de sainte Mechtilde. Celles de sainte Gertrude viennent ensuite, et sont suivies des visions du frère Robert, dominicain, qui vivait en 1330. Sainte Mechtilde est morte en l’an 1284 ou 1286. On trouve dans ce recueil beaucoup de descriptions de l’enfer.

Médecine. Si la médecine et la chirurgie ont fait quelque progrès en Turquie et en Égypte, lisait-on, il y a six ou sept ans, dans la Revue britannique, c’est grâce aux efforts de quelques Européens actifs et éclairés ; les Persans en sont encore réduits, dans toutes les maladies graves, aux prédictions des astrologues et aux incantations mystiques de leurs hakkims ; souvent l’infortuné patient meurt faute de soins, lorsque l’emploi des moyens convenables lui aurait facilement conservé la vie. Celui qui ferait en ce pays des expériences chimiques passerait pour être en correspondance avec le diable et serait immédiatement regardé comme un magicien ; ainsi les préjugés des Persans s’opposent à toute espèce de progrès.

Médée, enchanteresse de Colchide qui rendit Jason victorieux de tous les monstres et guérit Hercule de sa fureur par certains remèdes magiques. Elle n’est pas moins célèbre par ses vastes connaissances en magie que parle meurtre de ses enfants (récit qui, selon Elien, est une calomnie). Les démonographes remarquent qu’elle pouvait bien êire grande magicienne, parce qu’elle avait appris la sorcellerie de sa mère, Hécate. Les songe-creux lui attribuent un livre de conjuration qui porte en effet son nom. Voy. Mélye.

Médie. On trouvait, dit-on, chez les Mèdes, des pierres merveilleuses, noires ou vertes, qui rendaient la vue aux aveugles et guérissaient la goutte, appliquées sur le mal dans une compresse de lait de brebis.

Meerman, homme de mer. Les habitants des bords de la mer Baltique croient à l’existence de ces hommes de mer ou esprits des eaux, qui ont la barbe verte et les cheveux tombants sur les épaules comme des tiges de nénuphar[54]. Ils chantent le soir parmi les vagues, appelant les pêcheurs. Mais malheur à qui se laisse séduire par eux ; leur chant précède les tempêtes.

Mégalanthropogénésie, moyen d’avoir de beaux enfants et des enfants d’esprit. — On sait quels sont les effets de l’imagination sur les intelligences qui s’y laissent emporter ; ces effets sont surtout remarquables dans les femmes enceintes, puisque souvent l’enfant qu’elles portent dans leur sein est marqué de quelqu’un des objets dont leur imagination a été fortement occupée pendant la grossesse. Quand Jacob voulut avoir des moutons de diverses couleurs, il présenta aux yeux des brebis des choses bigarrées, qui les frappèrent assez pour amener le résultat qu’il en espérait. L’effet que l’imagination d’une brebis a pu produire doit agir plus sûrement encore sur l’imagination incomparablement plus vive d’une femme. Aussi voyons-nous bien plus de variété dans les enfants des hommes que dans les petits des animaux. On a vu des femmes mettre au monde des enfants noirs et velus ; et lorsque l’on a cherché la cause de ces effets, on a découvert que, pendant sa grossesse, la femme avait l’esprit occupé de quelque tableau monstrueux. Les statues de marbre et d’albâtre sont quelquefois dangereuses. Une jeune épouse admira une petite statue de l’Amour de marbre blanc. Cet Amour était si gracieux, qu’elle en demeura frappée ; elle conserva plusieurs jours les mêmes impressions, et accoucha d’un enfant plein de grâces, parfaitement semblable à l’Amour de marbre, mais pâle et blanc, comme lui. Torquemada rapporte qu’une Italienne des environs de Florence, s’étant frappé l’esprit d’une image de Moïse, mit au monde un fils qui avait une longue barbe blanche. On peut se rappeler, sur le même sujet, une foule d’anecdotes non moins singulières ; peut-être quelques-unes sont-elles exagérées. Voy. Accouchements.

En 1802, une paysanne enceinte, arrivant à Paris pour la première fois, fut menée au spectacle par une sœur qu’elle avait dans la capitale. Un acteur qui jouait le rôle d’un niais la frappa si fortement, que son fils fut idiot, stupide et semblable au personnage forcé que la mère avait vu avec trop d’attention.

Puisque l’imagination des femmes est si puissante sur leur fruit, c’est de cette puissance qu’il faut profiter, disent les professeurs de mégalanthropogénésie. Ornez la chambre des femmes de belles peintures durant toute la grossesse ; n’occupez leurs regards que de beaux anges et de sujets gracieux ; évitez de les conduire aux spectacles de monstres, etc. A Paris, où les salons de peinture occupent les dames, les enfants ont été longtemps plus jolis que dans les villages, où l’on voit rarement des choses qui puissent donner une idée de la beauté. Si aujourd’hui la population parisienne est généralement laide, on le doit aux caricatures qui s’étalent partout et s’appliquent à tout. C’est un goût qui nous vient des Anglais ; mais les iVnglais ne font pas autant de laideurs que nous. Chez les Cosaques, où tout est grossier, tous les enfants sont hideux comme leurs pères. Pour obtenir des enfants d’esprit, il n’est pas nécessaire que les parents en aient, mais qu’ils en désirent, qu’ils admirent ceux qui en ont, qu’ils lisent de bons livres, que la mère se frappe des avantages que donnent l’esprit, la science, le génie ; qu’on rarle souvent de ces choses, qu’on s’occupe peu de sottises. Voy. Imagination.

On a publié il y a quelques années un traité de Mégalanthropogénésie qui est un peu oublié, et qui mérite de l’être davantage, 2 vol. in-8o.

Mehdi.

Mehdi.

Les journaux d’avril 1841 annonçaient l’apparition en Arabie d’un nouveau prophète appelé Mehdi. « Ceux qui croient en lui (disaient ces journaux), et ils sont nombreux, comptent la nouvelle ère mahométane du jour de son apparition. Ils disent qu’il entrera à la Mecque dans sa quarantième année, que de là il ira à Jérusalem et régnera avec puissance et grandeur jusqu’à ce que Dedschail, le démon du mal, se soit levé contre lui et l’ait vaincu. Alors Jésus, le prophète des chrétiens, viendra à son secours avec soixante-dix mille anges. Toute la terre reconnaîtra Mehdi, et après la conversion des païens, des juifs et des chrétiens à l’islamisme, commencera l’empire des mille et mille années. Ce prophète a fait battre des monnaies, sur lesquelles il s’intitule Imam des deux continents et des deux mers. » Toutefois, on ne parla de ce Mehdi qu’un moment. C’était ce qu’on appelle un canard de journal ; et voici l’origine de celui-là:Les Persans disent qu’il y a eu douze grands imams ou guides. Ali fut le premier ; ses successeurs furent les enfants qu’il eut de Fatimé, sa glorieuse épouse, fille de Mahomet. Le dernier a été retiré par Dieu de ce monde corrompu; et les hommes sont restés sans imam visible. Il s’appelle le Mehdi, c’est-à-dire celui qui est conduit et dirigé par Dieu. Il doit reparaître sur la terre à la fin du monde.

Meigmalloch, esprit de l’espèce des Brownies. Il paraît toujours sous la forme d’une jeune fille et semble se plaire en Écosse.

Mélampus, auteur d’un Traité de l’art de juger les inclinations et le sort futur des hommes par l’inspection des seings ou grains de beauté. Voy. Seings. Mélanchthon, disciple de Luther, mort en 1568. Il croyait aux revenants comme son maître, et ne croyait pas à l’Église. Il rapporte, dans un de ses écrits, que sa tante, ayant perdu son mari lorsqu’elle était enceinte, vit un soir, étant assise auprès de son feu, deux personnes entrer dans sa chambre, l’une ayant la figure de son époux défunt, l’autre celle d’un franciscain de la ville. D’abord elle en fut effrayée ; mais son défunt mari la rassura et lui dit qu’il avait quelque chose d’important à lui communiquer. Ensuite il fit signe au franciscain de passer un moment dans la pièce voisine, en attendant qu’il eût fait connaître ses volontés à sa femme ; alors il la pria de lui faire dire des messes et l’engagea à lui donner la main sans crainte ; elle donna donc la main à son mari, et elle la retira sans douleur, mais brûlée, de sorte qu’elle en demeura noire tout le reste de ses jours. Après cela, le spectre rappela le franciscain, et tous deux disparurent…

Mélancolie. Les anciens appelaient la mélancolie le bain du diable, à ce que disent quelques démonomanes. Les personnes mélancoliques étaient au moins maléficiées, quand elles n’étaient pas démoniaques ; et les choses qui dissipaient l’humeur mélancolique, comme faisait la musique sur l’esprit de Saùl, passaient pour des moyens sûrs de soulager les possédés.

Melchisédech. Plusieurs sectes d’hérétiques, qu’on appela melchisédéchiens, tombèrent dans de singulières erreurs à propos de ce patriarche. Les uns crurent qu’il n’était pas un homme, mais la grande vertu de Dieu et supérieur à JésusChrist ; les autres dirent qu’il était le Saint-Esprit. Il y en eut qui soutinrent qu’il était JésusChrist même. Une de ces sectes avait soin de ne toucher personne, de peur de se souiller.

Melchom, démon qui porte la bourse ; il est aux enfers le payeur des employés publics.

Melchom.


Melek-al-Mout. C’est le nom que les anciens Persans donnent à l’ange de la mort. Les Persans modernes l’appellent aussi l’ange aux vingt mains, pour faire entendre comment il peut suffire à expédier toutes les âmes. Il paraît être l’ange Azraël des Juifs et le Mordad des mages, appelé encore Asuman.

Melissa. Voy. Abeilles.

Mélèze, arbre maudit chez les Tartares.Mélusine, fée célèbre qui épousa le chef de la maison de Lusignan, à condition qu’il n’entrerait jamais, le samedi, dans la chambre où elle mélancolie se retirait. C’est qu’elle était obligée tous les samedis de passer ce jour dans sa forme naturelle, moitié femme et moitié serpent. Il vécut longtemps avec elle et en eut plusieurs enfants, surmontant jusque-là sa curiosité. Mais un jour, qu’il n’en fut pas le maître, c’était un samedi, il alla, par une fente de la porte, épier sa femme, et il la vit telle qu’elle était. La fée s’aperçut de l’indiscrétion, s’envola et ne se remontra plus à son mari.

On dit, dans le Poitou, qu’elle vient la nuit battre des mains et pousser des cris autour du château de Lusignan, toutes les fois qu’un de ses descendants doit mourir[55].

Melye. Il y avait chez les fées, comme chez les hommes, une inégalité de moyens et de puissance. On voit dans les romans de chevalerie et dans les contes merveilleux que souvent une fée bienfaisante était gênée dans ses bonnes intentions par une méchante fée dont le pouvoir était plus étendu.

Melye était une méchante fée. Voy. Urgande.

Menah. C’est une vallée mystérieuse à quatre lieues de la Mecque. Les pèlerins qui la parcourent doivent y jeter sept pierres par-dessus leur épaule. On en trouve trois raisons chez les docteurs musulmans : c’est, selon les uns, pour renoncer au diable et le rejeter, à l’imitation d’Ismaël, qu’il voulut tenter au moment où son père Abraham allait le sacrifier (car ils confondent Ismaël avec Isaac). Ismaël, disent-ils, fit fuir le démon en lui jetant des pierres.

Mais d’autres docteurs disent que le diable tenta Abraham lui-même, voulant l’empêcher d’égorger Ismaël. Il ne put rien gagner, ni sur le patriarche, ni sur Ismaël, ni même sur Agar : ces trois personnages l’éloignèrent à coups de pierres. Le troisième sentiment diffère : cette cérémonie aurait lieu en mémoire des pierres qu’Adam jeta au diable lorsqu’il vint l’aborder effrontément après lui avoir fait commettre le péché originel.

Ménandre, disciple de Simon le Magicien ; il profita des leçons de son maître et enseigna la même doctrine que lui. Il professait la magie. Simon se faisait appeler la Grande Vertu. Ménandre dit que, quant à lui, il était envoyé sur la terre par les puissances invisibles pour opérer le salut des hommes. Ainsi Ménandre et Simon doivent être mis au rang des faux messies plutôt qu’au rang des hérétiques. L’un et l’autre enseignaient que la suprême intelligence, qu’ils nommaient Ennoïa, avait donné l’être à un grand nombre de génies qui avaient formé le monde et la race des hommes. Valentin, qui vint plus tard, trouva là ses éons[56]. Ménandre donnait un baptême qui devait rendre immortel…

Menasseh ben Israël, savant juif portugais, né vers 1604. Il a beaucoup écrit sur le Thalmud. Il y a quelques faits merveilleux dans ses Trois livres de la résurrection des morts[57]. Son ouvrage de l’Espérance d’Israël[58] est curieux. Un juif converti de Villaflor en Portugal, Antoine Montesini, étant venu à Amsterdam vers 1649, publia qu’il avait vu dans l’Amérique méridionale de nombreuses traces des anciens Israélites. Menasseh ben Israël s’imagina là-dessus (avait-il tort ?) que les dix tribus enlevées par Salmanasar étaient allées s’établir dans ce pays-là, et que telle était l’origine des habitants de l’Amérique ; il publia son Spes Israelis pour le prouver. Dans la troisième partie de son livre, Souffle de vie[59], il traite des esprits et des démons, selon les idées des rabbins de son temps, et, dans la quatrième partie, de la métempsycose, qui est pour beaucoup de juifs une croyance. Il avait commencé un traité de la science des thalmudistes et un autre de la philosophie rabbinique, qui n’ont pas été achevés.

Ménestrier (Claude-François), jésuite, auteur d’un livre intitulé la Philosophie des images énigmatiques y où il traite des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus et baguette divinatoire, in-12, Lyon, 1694.

Meneurs de loups. Près du château de Lusignan, ancienne demeure de Mélusine, on rencontre de vieux bergers, maigres et hideux comme des spectres : on dit qu’ils mènent des troupeaux de loups. Cette superstition est encore accréditée dans quelques pays, entre autres dans le Nivernais[60].

Menippe, compagnon d’Apollonius de Tyane. Visité d’une lamie ou démon succube, il en fut délivré par Apollonius[61].

Menjoin, sorcier. Voy. Chorropique.

Menra ou le Verbe. C’est le Créateur dans la doctrine des cabalistes.

Mensonge. Le diable est appelé dans l’Évangile le père du mensonge.

Méphistophélès, démon de Faust ; on le reconnaît à sa froide méchanceté, à ce rire amer qui insulte aux larmes, à la joie féroce que lui cause l’aspect des douleurs. C’est lui qui, par la raillerie, attaque les vertus, abreuve de mépris les talents, fait mordre sur l’éclat de la gloire la rouille de la calomnie. Il n’était pas inconnu à Voltaire, à Parny et à quelques autres. C’est, après Satan, le plus redoutable meneur de l’enfer[62]. Voy. Faust.

Mercana, branche de la cabale qui donne la science des choses surnaturelles.

Mercati (Michel). Voy. Ficino.

Mercier, auteur d’un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, et de Songes philosophiques, où l’on trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants.

Mercredi. Ce jour est celui où les sorciers jouent au sabbat leurs mystères et chantent leurs litanies. Voy. Litanies du sabbat. Les Persans regardent le mercredi comme un jour blanc, c’est-à-dire heureux, parce que la lumière fut créée ce jour-là ; pourtant ils exceptent le dernier mercredi du mois de séphar, qui répond à février ; ils appellent celui-là le mercredi du malheur ; c’est le plus redouté de leurs jours noirs.

Mercure. Il est chargé, dans l’ancienne mythologie, de conduire les âmes des morts à leur destination dernière.

Mères. C’est le nom qu’on donne souvent aux fées en Bretagne ; et comme on croit qu’elles se changent fréquemment en oies, on appelle quelquefois les contes de fées, Contes de ma mère l’oie.

Merle, oiseau commun, dont la vertu est admirable. Si l’on pend les plumes de son aile droite avec un fil rouge au milieu d’une maison où l’on n’aura pas encore habité, personne n’y pourra sommeiller tant qu’elles y seront pendues. Si l’on met son cœur sous la tête d’une personne endormie et qu’on l’interroge, elle dira tout haut ce qu’elle aura fait dans la journée. Si on le jette dans l’eau de puits, avec le sang d’une huppe, et qu’on frotte de ce mélange les tempes de quelqu’un, il tombera malade et en danger de mort. On se sert de ces secrets sous une planète favorable et propre, comme celles de Jupiter et de Vénus, et quand on veut faire du mal, celles de Saturne et de Mars[63]… Le diable s’est quelquefois montré sous la forme de cet oiseau. On sait aussi qu’il y a des merles blancs.

Merlin. Merlin n’est pas né en Angleterre, comme on le dit communément, mais en basse Bretagne, dans l’île de Sein. Il était fils d’un démon et d’une druidesse, fille d’un roi des bas Bretons. Les cabalistes disent que le père de Merlin était un sylphe. Que ce fût un sylphe ou un démon, il éleva son fils dans toutes les sciences et le rendit habile à opérer des prodiges. Ce qui a fait croire à quelques-uns que Merlin était Anglais, c’est qu’il fut porté dans ce pays quelques jours après sa naissance. Voici l’occasion de ce voyage:

Wortigern, roi d’Angleterre, avait résolu de faire bâtir une tour inexpugnable où il pût se mettre en sûreté contre les bandes de pirates qui dévastaient ses États. Lorsqu’on en jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous les travaux de la journée. Ce phénomène se répéta tant de fois que le roi assembla les magiciens pour les consulter. Ceux-ci déclarèrent qu’il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d’un petit enfant qui fût né sans père. Après beaucoup de recherches, dans le pays et hors du pays, on apprit qu’il venait de naître dans l’île de Sein un petit enfant d’une druidesse, qui n’avait point de père connu. C’était Merlin. Il présentait les qualités requises par les magiciens ; on l’enleva et on l’amena devant le roi Wortigern. Merlin n’avait que seize jours. Cependant il n’eut pas plutôt entendu la décision des magiciens qu’il se mit à disputer contre eux avec une sagesse qui consterna tout l’auditoire. Il annonça ensuite que, sous les fondements de la tour que l’on voulait bâtir, il y avait un grand lac, et dans ce lac deux dragons furieux. On creusa; les deux dragons parurent:l’un, qui était rouge, représentait les Anglais ; l’autre, qui était blanc, représentait les Saxons. Ces deux peuples étaient alors en guerre, et les deux dragons étaient leurs génies protecteurs. Ils commencèrent, à la vue du roi et de sa cour, un combat terrible, sur lequel Merlin se mit à prophétiser l’avenir des Anglais. On pense bien qu’après ce qui venait de se passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa à le reconduire dans son pays et on l’invita à visiter quelquefois l’Angleterre. Merlin pria qu’on ne s’occupât point de lui ; il frappa la terre, et il en sortit un grand oiseau sur lequel il se plaça ; il fut en moins d’une heure dans les bras de sa mère, qui l’attendait sans inquiétude, parce qu’elle savait ce qui se passait. Merlin fut donc élevé dans les sciences et dans l’art des prodiges par son père et par les conseils de sa mère, qui était prophétesse ; on croit même qu’elle était fée. Quand il fut devenu grand, il se lia d’amitié avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour rendre plus solennelle l’entrée de ce prince dans sa capitale, il fit venir d’Irlande en Angleterre plusieurs rochers qui accompagnèrent en dansant le cortège royal, et formèrent en s’arrêtant une espèce de trophée à la gloire du monarque. On voit encore ces rochers à quelques lieues de Londres, et on assure qu’il y a des temps où ils s’agitent par suite du prodige de Merlin ; on dit même que pour ce roi, son ami, il bâtit un palais de fées en moins de temps que Satan ne construisit le Pandémonium des enfers.

Après une foule de choses semblables, Merlin, jouissant de la réputation la plus étendue et de l’admiration universelle, pouvait étonner le monde et s’abandonner aux douceurs de la gloire ; il aima mieux agrandir ses connaissances et sa sagesse. Il se retira dans une forêt de la Bretagne, s’enferma dans une grotte et s’appliqua sans relâche à l’étude des sciences mystérieuses. Son père le visitait tous les sept jours et sa mère plus fréquemment encore; il fit, sous eux, des progrès étonnants et les surpassa bientôt l’un et l’autre. On a lu dans les histoires de la chevalerie héroïque les innombrables aventures de Merlin. Il purgea l’Europe de plusieurs tyrans ; il protégea les dames, et bien souvent les chevaliers errants bénirent ses heureux secours. Las de parcourir le monde, il se condamna à passer sept ans dans l’île de Sein. C’est là qu’il composa ses prophéties, dont quelques-unes ont été publiées. On sait qu’il avait donné à l’un des chevaliers errants qui firent la gloire de la France une épée enchantée avec laquelle on était invincible ; un autre avait reçu un cheval indomptable à la course. Le sage enchanteur avait aussi composé pour le roi Arthus une chambre magique, où ne pouvaient entrer que les braves, une couronne transparente qui se troublait sur la tête d’une coquette, et une épée qui jetait des étincelles dans les mains des guerriers intrépides.

L’épée d’Artus

Quelques-uns ont dit que Merlin mourut dans une extrême vieillesse ; d’autres qu’il fut emporté par le diable ; mais l’opinion la plus répondue aujourd’hui en Bretagne, c’est que Merlin n’est pas mort ; qu’il a su se mettre à l’abri de la fatalité commune, et qu’il est toujours plein de vie dans une forêt du Finistère nommée Brocéliande, où il est enclos et invisible à l’ombre d’un bois d’aubépine. On assure que messire Gauvain et quelques chevaliers de la Table-Ronde cherchèrent vainement partout ce magicien célèbre ; Gauvain seul l’entendit, mais ne put le voir, dans la forêt de Brocéliande.

La science donne à Merlin le nom de Myrdhinn[64].

Mérovée, troisième roi des Francs, dont la naissance doit être placée vers l’an 410 ; il monta sur le trône en 440 et mourut en 458. Il siégeait dans les provinces belgiques. Des chroniqueurs rapportent ainsi sa naissance :« La femme de Clodion le Chevelu, se promenant un jour au bord de la mer, fut surprise par un monstre qui sortit des flots ; elle en eut un fils qui fut nommé Mérovée, et qui succéda à Clodion. » Sauvai croit que cette fable fut inventée par Mérovée lui-même, pour imprimer du respect dans l’esprit des siens en s’attribuant une origine si extraordinaire. Des chroniqueurs ont dit que son nom Meer-Wech signifie veau marin

Merveilles. Pline assure que les insulaires de Minorque demandèrent un secours de troupes à l’empereur Auguste contre les lapins qui renversaient leurs maisons et leurs arbres. Aujourd’hui, dit un critique moderne, on demanderait à peine un secours de chiens. Un vieux chroniqueur conte qu’il y avait à Cambaya, dans l’Hindoustan, un roi qui se nourrissait de venin, et qui devint si parfaitement vénéneux, qu’il tuait de son haleine ceux qu’il voulait faire mourir.

On lit dans Pausanias que, quatre cents ans après la bataille de Marathon, on entendait toutes les nuits dans l’endroit où cette grande lutte avait eu lieu des hennissements de chevaux et des bruits de gens d’armes qui se battaient. Et ce qui est admirable, c’est que ceux qui y veriaient exprès n’entendaient rien de ces bruits : ils n’étaient entendus que de ceux que le hasard conduisait là.

Albert le Grand assure qu’il y avait en Allemagne deux enfants jumeaux dont l’un ouvrait les portes les mieux fermées en les touchant avec son bras droit ; l’autre les fermait en les touchant avec son bras gauche.

Paracelse dit qu’il a vu beaucoup de sages passer vingt années sans manger quoi que ce fût. Si on veut se donner cette satisfaction, qu’on enferme, dit-il, de la terre dans un globe de verre, qu’on l’expose au soleil jusqu’à ce qu’elle soit pétrifiée, qu’on se l’applique sur le nombril, et qu’on la renouvelle quand elle sera sèche, on se passera de manger et de boire sans aucune peine. Paracelse assure intrépidement avoir fait lui-même cette expérience pendant six mois. Voy. la plupart des articles de ce Dictionnaire.

Mesmer (Antoine), médecin allemand, fameux par la doctrine du magnétisme animal, né à Mesburg en 1734, mort en 1815. Il a laissé plusieurs ouvrages dans lesquels il soutient que les corps célestes, en vertu de la même force qui produit leurs attractions mutuelles, exercent une influence sur les corps animés, et principalement sur le système nerveux, par l’intermédiaire d’un fluide subtil qui pénètre tous les corps et remplit tout l’univers. Il alla s’établir à Vienne, et tenta de guérir par le magnétisme minéral en appliquant des aimants sur les parties malades. Ayant trouvé un rival dans cet art, il se restreignit au magnétisme animal, c’est-à-dire à l’application des mains seulement sur le corps, ce qui le fit regarder à tort comme un fou et un visionnaire par les différentes académies de médecine où il présenta ses découvertes. Mais les académies nous prouvent tous les jours qu’elles ne sont pas infaillibles. Il vint à Paris : le peuple et la cour furent surpris de ce nouveau genre de cures. On nomma des docteurs pour examiner le magnétisme animal, et on publia des écrits si violents contre Mesmer qu’il fut contraint de quitter la France. Il alla vivre incognito en Angleterre, ensuite en Allemagne, où il mourut. Il reste de lui : 1° De l’influence des planètes, Vienne, 1766, in-12 ; 2° Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, Paris, 1779, in-12 ; 3° Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal, jusqu’en avril 1781, Londres, 1781, in-8o ; 4° Histoire abrégée du magnétisme animal, Paris, 1783, in-8o ; 5° Mémoire de F.-A. Mesmer sur ses découvertes, Paris, an vu (1799), in-8o. Voy. Magnétisme.

Messa-Hala. Voy. Macha-Halla.

Messe du diable. On a vu, par différentes confessions de sorciers, que le diable fait aussi dire des messes au sabbat. Pierre Aupetit, prêtre apostat du village de Fossas, en Limousin, fut brûlé pour y avoir célébré les mystères. Au lieu de dire les saintes paroles de la consécration, on dit au sabbat : Belzébuth, Belzèbuth, Belzébuth. Le diable vole sous la forme d’un papillon autour de celui qui dit la messe et qui mange une hostie noire, qu’il faut mâcher pour l’avaler[65]. Voy. Sabbat.

Messie des juifs. Comme ils n’ont pas reconnu le vrai, plusieurs faux messies se sont offerts à eux : Dosithée, André, Bar-Kokébas, le faux Moïse, Julien, Alruy, Sabataï-Zévi, etc. Pour prévenir de nouvelles tentatives d’imposteurs vulgaires, les rabbins ont représenté le messie qu’ils attendent avec une apparence et des entourages si gigantesques qu’on ne peut les simuler. Ainsi se prépare pour son festin, où seront appelés tous les juifs, un bœuf qui mange chaque jour le foin de mille montagnes, un poisson qui occupe de sa masse tout un océan, et un oiseau qui couvrirait Paris de sa queue[66].

Métamorphoses. La mythologie des païens avait ses métamorphoses variées ; nous avons aussi les transformations gracieuses des fées et les transformations plus brutales des sorciers. Les sorciers qu’on brûla à Vernon, en 1566, s’assemblaient dans un vieux château, sous des formes de chats. Quatre ou cinq hommes, un peu plus hardis qu’on ne l’était alors, résolurent d’y passer la nuit ; mais ils se trouvèrent assaillis d’un si grand nombre de chats que l’un d’eux fut tué et les autres grièvement blessés. Les chats, de leur côté, n’étaient pas invulnérables ; et on en vit plusieurs le lendemain qui, ayant repris leur figure d’hommes et de femmes, portaient les marques du combat qu’ils avaient soutenu. Voy. Loups-garous.

Spranger conte qu’un jeune homme de l’île de Chypre fut changé en âne par une sorcière, parce qu’il avait un penchant pour l’indiscrétion. Si les sorcières étaient encore puissantes, bien des jeunes gens d’aujourd’hui auraient les oreilles longues. On dit quelque part qu’une sorcière métamorphosa en grenouille un cabaretier qui mettait de l’eau dans son vin. Voy Fées, Urgande, Sorciers, etc.

Métatron, une des trois intelligences de la cabale ; les deux autres sont Acatriel et Sandalphon.

Métempsycose. La mort, suivant cette doctrine, n’était autre chose que le passage de l’âme dans un autre corps. Ceux qui croyaient à la métempsycose disaient que les âmes, étant sorties des corps, s’envolaient, sous la conduite de Mercure, dans un lieu souterrain où étaient d’un côté le Tartare et de l’autre les champs Élysées. Là, celles qui avaient mené une vie pure étaient heureuses, tandis que les âmes des méchants se voyaient tourmentées par des furies. Mais, après un certain temps, les unes et les autres quittaient ce séjour pour habiter de nouveaux corps, même ceux des animaux ; et afin d’oublier entièrement tout le passé, elles buvaient de l’eau du fleuve Léthé, On peut regarder les Égyptiens comme les premiers auteurs de cette ancienne opinion de la métempsycose, que Pythagore a répandue dans la suite. Les manichéens croient à la métempsycose, tellement que les âmes, selon eux, passent dans les corps de l’espèce qu’elles ont le plus aimée dans leur vie précédente ou qu’elles ont le plus maltraitée. Celui qui a tué un rat ou une mouche sera contraint, par punition, de laisser passer son âme dans le corps d’un rat ou d’une mouche. L’état où l’on sera mis après sa mort sera pareillement opposé à l’état où l’on est pendant la vie : celui qui est riche sera pauvre, et celui qui est pauvre deviendra riche. C’est cette dernière croyance qui, dans les temps, multiplia un peu le parti des manichéens. Voy. Ghilcul et Transmigration.

Métoposcopie. Art de connaître les hommes par les rides du front. Voy. Front.

Meurtre. « Dans la nuit qui suivit l’ensevelissement du comte de Flandre Charles le Bon, ses meurtriers, selon la coutume des païens et


des sorciers, firent apporter du pain et un vase plein de cervoise. Ils s’assirent autour du cadavre, placèrent la boisson et le pain sur le linceul, comme sur une table, buveant et mangeant sur le mort, dans la confiance que par cette action ils empêcheraient qui que ce fût de venger le meurtre commis[67]. » Année 1127.

Meyer, professeur de philosophie à l’université de Halle, auteur d’un Essai sur les apparitions, traduit de l’allemand par F.-Ch. de Baer, 1748, in-12. L’auteur convient qu’on est sur un mauvais terrain lorsqu’on écrit sur les spectres. Il avoue qu’il n’en a jamais vu et n’a pas grande envie d’en voir. Il observe ensuite que l’imagination est pour beaucoup dans les aventures d’apparitions.

« Supposons, dit-il, un homme dont la mémoire est remplie d’histoires de revenants ; car les nourrices, les vieilles et les premiers maîtres ne manquent pas de nous en apprendre ; que cet homme pendant la nuit soit couché seul dans sa chambre, s’il entend devant sa porte une démarche mesurée, lourde et traînante, ce qui marche est peut-être un chien, mais il est loin d’y songer, et il a entendu un revenant, qu’il pourra même avoir vu dans un moment de trouble. » L’auteur termine en donnant cette recette contre les apparitions: 1° qu’on tâche d’améliorer son imagination et d’éviter ce qui pourrait la faire extravaguer ; 2° qu’on ne lise point d’histoires de spectres; car un homme qui n’en a jamais lu ni entendu n’a guère d’apparitions. « Qu’un spectre soit ce qu’il voudra, ajoute Meyer, Dieu est le maître, et il nous sera toujours plus favorable que contraire. »

Michael (Éliacim). Jean Desmarets, sieur de Saint-Sorlin, avait publié des Avis du Saint-Esprit au roi. Mais le plus éclatant et le plus important des avis de cette sorte est celui qui fut apporté un peu plus tard par le grand prophète Éliacim Michael. Il nous avertissait, dit Baillet, que dans peu de temps on verrait une armée de cent quarante mille hommes de troupes sacrées sous les ordres du roi, qui aurait pour lieutenants les quatre princes des anges. Il ajoutait que Louis XIV, avec cette armée, exterminerait absolument tous les hérétiques et tous les mahométans, mais que tous ses soldats merveilleux seraient immolés[68] .

Michaélis (Sébastien), dominicain, né au diocèse de Marseille en 1543. Il a écrit l’Histoire véritable de ce qui s’est passé dans l’exorcisme de trois filles possédées au pays de Flandre, avec un Traité des sorciers et des magiciens, 2 vol. in-12, très-rares, imprimés à Paris en 1623, cinq ans après la mort de l’auteur. Il dit dans cet ouvrage que les tribunaux sensés ne considéraient la confession de magie et d’assistance au sabbat que comme preuves chimériques, et qu’ils ne condamnaient la magie que si elle était aggravée par la circonstance d’un attentat contre les hommes ou contre leurs biens.

Michel (Mont Saint-). Il y a sur le mont Saint-Michel, en Bretagne, cette croyance que les démons chassés du corps des hommes sont enchaînés dans un cercle magique au haut de cette montagne. Ceux qui mettent le pied dans ce cercle courent toute la nuit sans pouvoir s’arrêter : aussi la nuit on n’ose traverser le mont Saint-Michel[69] .

Michel, maréchal ferrant de Salon en Provence, eut une singulière aventure en 1697. Un spectre, disait-on, s’était montré à un bourgeois de la ville et lui avait ordonné d’aller parler à Louis XIV, qui était alors à Versailles, en lui recommandant le secret envers tout autre que l’intendant de la province, sous peine de mort. Ce bourgeois effrayé conta sa vision à sa femme et paya son indiscrétion de sa vie. Quelque temps après, la même apparition s’étant adressée à un autre habitant de Salon, il eut l’imprudence à son tour d’en faire part à son père, et il mourut comme le premier. Tous les alentours furent épouvantés de ces deux tragédies. Le spectre se montra alors à Michel, le maréchal ferrant ; celui-ci se rendit aussitôt chez l’intendant, où il fut d’abord traité de fou ; mais ensuite on lui accorda des dépêches pour le marquis de Barbezieux, lequel lui facilita les moyens de se présenter au premier ministre du roi. Le ministre voulut savoir les motifs qui engageaient ce bonhomme à parler au prince en secret. Michel, à qui le spectre apparut de nouveau à Versailles,

Le spectre.


assura qu’au risque de sa vie il ne pouvait rien divulguer, et, comme il était néanmoins pressé de parler, il dit au ministre que, pour lui prouver qu’il ne s’agissait pas de chimères, il pouvait demander à Sa Majesté si, à sa dernière chasse de Fontainebleau, elle-même n’avait pas vu un fantôme ? si son cheval n’en avait pas été troublé ? s’il n’avait pas pris un écart ? et si Sa Majesté, persuadée que ce n’était qu’une illusion, n’avait pas évité d’en parler à personne ? Le marquis et le ministre ayant informé le roi de ces particularités, Louis XIV voulut voir secrètement Michel le jour même. Personne n’a jamais pu savoir ce qui eut lieu dans cette entrevue. Mais Michel, après avoir passé trois jours à la cour, s’en revint dans sa province, chargé d’une bonne somme d’argent que lui avait donnée Louis XIV, avec l’ordre de garder le secret le plus rigoureux sur le sujet de sa mission. On ajoute que, le roi étant un jour à la chasse, le duc de Duras, capitaine des gardes du corps, ayant dit qu’il n’aurait jamais laissé approcher Michel de la personne du roi, s’il n’en avait reçu l’ordre, Louis XIV répondit : « Il n’est pas fou, comme vous le pensez, et voilà comme on juge mal. » Mais on n’a pu découvrir autre chose de ce mystère.

Michel de Sahourspe, sorcier du pays de Saxe, qui déclara qu’il avait vu au sabbat un grand et un petit diable ; que le grand se servait du petit comme d’un aide de camp ; et que le derrière du grand maître des sabbats était un visage.

Michel l’Écossais, astrologue du seizième siècle. Il prédit qu’il mourrait dans une église ; ce qui arriva, dit Granger. Comme il était un jour à l’office, il lui tomba sur la tête une pierre de la voûte qui le tua.

Michel le Bohémien, médecin empirique du seizième siècle, accusé d’avoir eu des relations avec le diable. On le cite souvent sous le nom de Michel Boemius[70].

Midas. Lorsque Midas, qui fut depuis roi de Phrygie, était encore enfant, un jour qu’il


dormait dans son berceau, des fourmis emplirent sa bouche de grains de froment. Ses parents voulurent savoir ce que signifiait ce prodige : les devins consultés répondirent que ce prince serait le plus riche des hommes. Ce qui n’a été écrit qu’après qu’il l’était devenu.

Midi. Voy. Démon de midi.

Migalena, sorcière du pays de Labourd, qui fut arrêtée à l’âge de soixante et un ans et traduite devant les tribunaux, en même temps que Bocal, son fils, sorcier du même terroir. Migalena avoua qu’elle avait été au sabbat, qu’elle y avait fait des choses abominables, qu’elle y avait assisté aux mystères en présence de deux cents sorciers. Pressée par son confesseur de prier Dieu, elle ne put réciter une prière couramment : elle commençait le Pater et l’Ave, sans les achever, comme si le diable, qu’elle servait, l’en eût empêchée formellement[71].

Mikado, l’un des deux empereurs du Japon. Il est spécialement chargé du spirituel. Aux yeux de ses sujets, disent les voyageurs, le mikado n’est pas un homme, c’est un dieu ; c’est même bien plus qu’un dieu, car tous les autres dieux de la mythologie japonaise, tous les kamis (ainsi les nomme-t-on) sont d’un rang inférieur au mikado ; ils le craignent, ils lui obéissent, et ils viennent, tous les ans, passer un mois à sa cour. Il est vrai qu’ils ne sont visibles qu’à l’œil du mikado. Pendant ce mois, les temples restent déserts ; les dieux n’y résidant plus, personne ne vient en troubler la solitude.

Le mikado ne touche jamais la terre de son pied sacré ; notre planète est indigne d’un tel honneur. Toujours porté sur les épaules de ses valets, ce monarque ne sort jamais de sa demeure ; nul regard profane ne saurait venir le souiller. Tout ce qui pourrait ressembler à une mutilation de sa personne auguste est défendu ; c’est lorsqu’il dort qu’on lui coupe les cheveux, que l’on rogne ses ongles. Il peut épouser neuf fois neuf femmes, mais habituellement il juge que neuf c’est bien assez pour un dieu japonais. On ne l’approche qu’à genoux, on le consulte sur toutes les affaires importantes, mais on ne lui accorde, après tout, qu’un vain titre et de riches revenus. Sa race est impérissable ; s’il advient cependant qu’il ne devienne point père, le ciel y pourvoit ; on trouve un matin sous un arbre du jardin un bel enfant que des mains surnaturelles y ont déposé durant la nuit : c’est le mikado présomptif. Le mikado actuel est le cent dixseptième de la troisième dynastie, et la première dynastie monta sur le trône, suivant les chronologistes japonais les plus exacts, 836794 ans avant notre ère. C’est une date qu’on peut débattre.

C’est dans le corps du mikado que s’est incarné le dieu Ama-terasu-oo-Kami, l’arbitre souverain des hommes et des choses ; il s’occupe à fixer les jours auxquels doivent se célébrer certaines fêtes mobiles ; il détermine les couleurs propres à effrayer les mauvais esprits ; il passe, chaque vingt-quatre heures, un assez long espace de temps assis sur son trône, dans une immobilité complète. S’il faisait, de droite ou de gauche, * le moindre mouvement, on ne doute point qu’il n’amenât d’affreuses catastrophes sur ce côté réprouvé de l’empire. Lorsqu’il est demeuré ainsi comme pétrifié durant trois heures, il se lève et s’en va. Le reste du temps, la couronne impériale occupe sa place ; elle doit se conformer air même principe d’immobilité absolue durant vingt heures.

Le mikado ne porte jamais deux fois le même vêtement ; tout ce qui a touché sa personne sacrée est brûlé aussitôt qu’il s’en dépouille ; les verres, les plats, les assiettes, qui paraissent sur sa table sont brisés immédiatement après le dessert; nul profane ne pourra s’en servir.

L’empereur temporel s’appelle le Taïcoun.

Milan, oiseau qui a des propriétés admirables. Albert le Grand dit que, si l’on prend sa tête et qu’on la porte devant son estomac, on se fera aimer de tout le monde. Si on l’attache au cou d’une poule, elle courra sans relâche jusqu’à ce qu’elle l’ait déposée ; si on frotte de son sang la crête d’un coq, il ne chantera plus. Il se trouve dans ses rognons une pierre qui, mise dans la casserole où cuit la viande que doivent manger

Milan.

deux ennemis, les rend bons amis et les fait vivre en bonne intelligence…

Millénaires. On a donné ce nom : 1° à des gens qui croyaient que Notre-Seigneur, à la fin du monde, régnera mille ans sur la terre ; 2° à d’autres qui pensaient que la fin du monde arriverait en l’an mil ; 3° à d’aucuns encore qui avaient imaginé que, de mille ans en mille ans, il y avait pour les damnés une cessation des peines de l’enfer.

Miller. Le prophète américain Miller, qui avait commencé en 1833 ses prédictions de la fin prochaine du monde, et qui les a continuées pendant dix ans sans que les démentis qu’il recevait périodiquement parussent altérer sa confiance imperturbable, est mort le 20 décembre 184/i à Hampton, dans le comté de Washington (État de New-York), à l’âge de 68 ans. Ses calculs du millenium étaient fondés sur l’interprétation d’un passage de l’Apocalypse qui a déjà occasionné les commentaires les plus extravagants. Cet illuminé ne comptait pas moins de 30 ou 40,000 disciples. Leurs rêveries ont donné lieu à plusieurs contestations judiciaires, dont les journaux américains ont rendu compte.

Les millénaires, persuadés qu’ils n’avaient plus que peu de temps à vivre, s’empressaient de vendre leurs biens, et surtout croyaient pouvoir se dispenser de payer leurs dettes. Le dernier délai de rigueur irrévocable et sans remise, fixé à un certain jour de l’année 1843, s’est écoulé sans autre phénomène qu’une éclipse totale de lune annoncée dans tous les almanachs. Depuis ce temps, la crédulité des adeptes du prophète a été fort ébranlée, et, s’il reste encore des illusions à quelques-uns d’entre eux, la mort même du prophète a dû les faire évanouir. Il avait annoncé que lui et un très-petit nombre d’élus devaient survivre à la catastrophe, afin de prononcer l’oraison funèbre du genre humain et de solliciter la clémence céleste lors du jugement dernier, que Miller appelait le jour de l’épreuve.

Millo, vampire de Hongrie au dix-huitième siècle. Une jeune fille, nommée Stanoska, s’étant couchée un soir en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit toute tremblante, jetant des cris affreux, et disant que le jeune Millo, enterré depuis neuf semaines, avait failli l’étrangler. Cette fille mourut au bout de neuf jours. On pensa que Millo pouvait être un vampire ; il fut déterré, reconnu pour tel et décapité après avoir eu le cœur percé d’un clou. Ses restes furent brûlés et jetés dans la rivière. Voy. Vampires.

Milon, athlète grec, dont on a beaucoup vanté la force prodigieuse. Galien, Mercurialis et d’autres disent qu’il se tenait si ferme sur une planche huilée, que trois hommes ne pouvaient la lui faire abandonner. Athénée ajoute qu’aux jeux Olympiques il porta longtemps sur ses épaules un bœuf de quatre ans, qu’il mangea le même jour tout entier ; fait aussi vrai que le trait de Gargantua, lequel avala six pèlerins dans une bouchée de salade[72] .

Milton. Dans son beau poëme du Paradis perdu, il a pompeusement peint les démons. Satan figure aussi dans son Paradis reconquis.

Mimer. En face de Kullan, on aperçoit une colline couverte de verdure, qu’on appelle la colline d’Odin. C’est là, dit-on, que le dieu Scandinave a été enterré. Mais on n’y voit que le tombeau du conseiller a’Élat Schimmelinann, qui était un homme fort paisible, très-peu soucieux, je crois, de monter au Valhalla et de boire le miœd avec les valkyries. Cependant une enceinte d’arbres protège l’endroit où les restes du dieu suprême ont été déposés ; une source d’eau limpide y coule avec un doux murmure. Les jeunes filles des environs, qui connaissent leur mythologie, disent que c’est la vraie source de la sagesse, la source de Mimer, pour laquelle Odin sacrifia un de ses yeux. Dans les beaux jours d’été, elles y viennent boire<ref>Marmier, Souvenirs danois.<ref>.

Mimi. Voy. Zozo.

Mimique, art de connaître les hommes par leurs gestes, leurs habitudes. C’est la partie la moins douteuse peut-être de la physiognomonie. La figure est souvent trompeuse, mais les gestes et les mouvements d’une personne qui ne se croit pas observée peuvent donner une idée plus ou moins parfaite de son caractère. Rien n’est plus significatif, dit Lavater, que les gestes qui accompagnent l’attitude et la démarche. Naturel ou affecté, rapide ou lent, passionné ou froid, uniforme ou varié, grave ou badin, aisé ou forcé, dégagé ou roide, noble ou bas, fier ou humble, hardi ou timide, décent ou ridicule, agréable, gracieux, imposant, menaçant, le geste est différencié de mille manières. L’harmonie étonnante qui existe entre la démarche, la voix et le geste, se dément rarement. Mais pour démêler le fourbe, il faudrait le surprendre au moment où, se croyant seul, il est encore lui-même et n’a pas eu le temps de faire prendre à son visage l’expression qu’il sait lui donner. Découvrir l’hypocrisie est la chose la plus difficile et en même temps la plus aisée : difficile tant que l’hypocrite se croit observé, facile dès qu’il oublie qu’on l’observe. Cependant on voit tous les jours que la gravité et la timidité donnent à la physionomie la plus honnête un aperçu de malhonnêteté. Souvent c’est parce qu’il est timide, et non point parce qu’il est faux, que celui qui vous fait un récit ou une confidence n’ose vous regarder en face. N’attendez jamais une humeur douce et tranquille d’un homme qui s’agite sans cesse avec violence ; et en général ne craignez ni emportement ni excès de quelqu’un dont le maintien est toujours sage et posé.

Avec une démarche alerte, on ne peut guère être lent et paresseux ; et celui qui se traîne nonchalamment à pas comptés n’annonce pas cet esprit d’activité qui ne craint ni dangers ni obstacles pour arriver au but. Une bouche béante et fanée, une attitude insipide, les bras pendants et la main gauche tournée en dehors, sans qu’on en devine le motif, annoncent la stupidité naturelle, la nullité, le vide, une curiosité hébétée.

La démarche d’un sage est différente de celle d’un idiot, et un idiot est assis autrement qu’un homme sensé. L’attitude du sage annonce la méditation, le recueillement ou le repos. L’imbécile reste sur sa chaise sans savoir pourquoi ; il semble fixer quelque chose, et son regard ne porte sur rien ; son assiette est isolée comme lui-même. La prétention suppose un fond de sottise. Attendez-vous à rencontrer l’une et l’autre dans toute physionomie disproportionnée et grossière, qui affecte un air de solennité et d’autorité. Jamais l’homme sensé ne se donnera des airs, ni ne prendra l’attitude d’une tête éventée. Si son attention excitée l’oblige à lever la tête, il ne croisera pourtant pas les bras sur le dos ; ce maintien suppose de l’affectation, surtout avec une physionomie qui n’a rien de désagréable, mais qui n’est pas celle d’un penseur. Un air d’incertitude dans l’ensemble, un visage qui, dans son


immobilité, ne dit rien du tout, ne sont pas des signes de sagesse. Un homme qui, réduit à son néant, s’applaudit encore lui-même avec joie, qui rit


comme un sot sans savoir pourquoi, ne parviendra jamais à former ou à suivre une idée raisonnable.

La crainte d’être distrait se remarque dans la bouche. Dans l’attention elle n’ose respirer.

Un homme vide de sens qui veut se donner des airs met la main droite dans son sein et la gauche dans la poche de sa culotte, avec un’maintien. affecté et théâtral. Une personne qui est toujours aux écoutes ne promet rien de bien distingué. Quiconque sourit sans sujet avec une lèvre de


travers, quiconque se tient souvent isolé sans aucune direction, sans aucune tendance déterminée, quiconque salue le corps roide, n’inclinant que la tête en avant, est un fou.

Si la démarche d’une femme est sinistre, non-seulement désagréable, mais gauche, impétueuse, sans dignité, se précipitant en avant et de côté d’un air dédaigneux, soyez sur vos gardes. Ne vous laissez éblouir ni par le charme de la beauté, ni par les grâces de son esprit, ni même par l’attrait de la confiance qu’elle pourra vous témoigner ; sa bouche aura les mêmes caractères que sa démarche, et ses procédés seront durs et faux comme sa bouche ; elle sera peu touchée de tout ce que vous ferez pour elle et se vengera de la moindre chose que vous aurez négligée. Comparez sa démarche avec les lignes de son front et les plis qui se trouvent autour de sa bouche, vous serez étonné du merveilleux accord de tous ces signes caractéristiques.

Ayez le plus de réserve possible en présence de l’homme gras et d’un tempérament colère qui semble toujours mâcher, roule sans cesse les yeux autour de soi, ne parle jamais de sens rassis, s’est donné cependant l’habitude d’une politesse affectée, mais traite tout avec une espèce de désordre et d’impropreté. Dans son nez rond, court, retroussé, dans sa bouche béante, dans les mouvements irréguliers de sa lèvre inférieure,


de son front saillant et plein d’excroissances, dans sa démarche, qui se fait entendre de loin, vous reconnaîtrez l’expression du mépris et de la dureté, des demi-talents avec la prétention d’un talent accompli, de la méchanceté sous une gauche apparence de bonhomie.

Fuyez l’homme dont la voix tendue, toujours montée, toujours haute et sonore, ne cesse de décider ; dont les yeux, tandis qu’il décide, s’agrandissent, sortent de leur orbite ; dont les sourcils se hérissent, les veines se gonflent, la lèvre inférieure se pousse en avant, dont les mains se tournent en poings, mais qui se calme tout à coup, qui reprend le ton d’une politesse froide, qui fait rentrer dans un calme apparent ses yeux et ses lèvres, s’il est interrompu par la présence imprévue d’un personnage important qui se trouve être votre ami. — L’homme dont les traits et la couleur du visage changent subitement, qui cherche avec soin à cacher cette altération soudaine et sait reprendre aussitôt un air calme ; celui qui possède l’art de tendre et détendre les muscles de sa bouche, de les tenir pour ainsi dire en bride, particulièrement lorsque l’œil observateur se dirige sur lui : cet homme a moins de probité que de prudence ; il est plus courtisan que sage et modéré. Rappelez-vous les gens qui glissent plutôt qu’ils ne marchent, qui reculent en s’avançant, qui disent des grossièretés d’une voix basse et d’un air timide, qui vous fixent hardiment dès que vous ne les voyez plus et n’osent jamais vous regarder tranquillement en face, qui ne disent du bien de personne, sinon des méchants, qui


trouvent des exceptions à tout et paraissent avoir toujours contre l’assertion la plus simple une contradiction toute prête ; fuyez l’atmosphère où ces gens respirent. Celui qui relève la tête et la porte en arrière (que cette tête soit grosse ou singulièrement petite) ; celui qui se mire dans ses pieds mignons de manière à les faire remarquer ; celui qui, voulant montrer de grands yeux


encore plus grands qu’ils ne sont, les tourne exprès de côté comme pour regarder tout pardessus l’épaule ; celui qui, après vous avoir prêté longtemps un silence orgueilleux, vous fait ensuite une réponse courte, sèche et tranchante, qu’il accompagne d’un froid sourire ; qui, du moment qu’il aperçoit la réplique sur vos lèvres, prend un air sourcilleux et murmure tout bas d’un ton propre à vous ordonner le silence : cet homme a pour le moins trois qualités haïssables, avec tous leurs symptômes, l’entêtement, l’orgueil, la dureté ; très-probablement il y joint encore la fausseté, la fourberie et l’avarice. Le corps penché en avant annonce un homme prudent et laborieux. Le corps penché en arrière annonce un homme vain, médiocre et orgueilleux.

Les borgnes, les boiteux et surtout les bossus, dit Albert le Grand, sont rusés, spirituels, un peu malins et passablement méchants.

L’homme sage ne rit aux éclats que rarement


et peu. Il se contente ordinairement de sourire. Quelle différence entre le rire affectueux de l’humanité et le rire infernal qui se réjouit du mal d’autrui ! Il est des larmes qui pénètrent les cieux ; il en est d’autres qui provoquent l’indignation et le mépris.

Remarquez aussi la voix (comme les Italiens le font dans leurs passe-ports et dans leurs signalements) ; distinguez si elle est haute ou basse, forte ou faible, claire ou sourde, douce ou rude, juste ou fausse. Le son de la voix, son articulation, sa faiblesse et son étendue, ses inflexions dans le haut et dans le bas, la volubilité et l’embarras de la langue, tout cela est infiniment caractéristique. Le cri des animaux les plus courageux est simple, dit Aristote, et ils le poussent sans effort marqué. Celui des animaux timides est beaucoup plus perçant. Comparez à cet égard le lion, le bœuf, le coq qui chante son triomphe, avec le cerf et le lièvre ; ceci peut s’appliquer aux hommes. La voix grosse et forte annonce un homme robuste ; la voix faible un homme timide. La voix claire et sonnante dénote quelquefois un menteur ; la voix habituellement tremblante indique souvent un naturel soupçonneux. L’effronté et l’insolent ont la voix haute. La voix rude est un signe de grossièreté. La voix douce et pleine, agréable à l’oreille, annonce un heureux naturel.

Un homme raisonnable se met tout autrement qu’un fat ; une femme pieuse, autrement qu’une coquette. La propreté et la négligence, la simplicité et la magnificence, le bon et le mauvais goût, la présomption et la décence, la modestie et la fausse honte : voilà autant de choses qu’on distingue à l’habillement seul. La couleur, la coupe, la façon, l’assortiment d’un habit, tout cela est expressif encore et nous caractérise. Le sage est simple et uni dans son extérieur ; la simplicité lui est naturelle. On reconnaît bientôt un homme qui s’est paré dans l’intention de plaire, celui qui ne cherche qu’à briller et celui qui se néglige, soit pour insulter à la décence, soit pour se singulariser.

Il y aurait aussi des remarques à faire sur le choix et l’arrangement des meubles, dit Lavater. Souvent d’après ces bagatelles on peut juger l’esprit et le caractère du propriétaire ; mais on ne doit pas tout dire. Voy. Physiognomonie. Mineurs (Démon). Il y a de malins esprits qui, sous les formes de satyres, de boucs et de chèvres, vont tourmenter les mineurs ; on dit qu’ils apparaissent souvent aux mines métalliques et battent ceux qui tirent les métaux. Cependant ces démons ne sont pas tous mauvais, puisqu’on en cite qui, au contraire, aident les ouvriers. Olaùs Magnus dit que ces derniers se laissent voir sous la forme de nains, grands d’un demi-mètre ; qu’ils aident à scier les pierres, à creuser la terre ; mais que malgré cela ils ont toujours une tendance aux tours malicieux, et que les malheureux mineurs sont souvent victimes de leurs mauvais traitements. Au reste, on a distingué six sortes d’esprits qui fréquentent les mines et sont plus ou moins méchants. Quelques-uns disent qu’ils en ont vu dans les mines d’Allemagne, pays où les démons semblent assez se complaire, et que ces malins esprits ne laissaient aucun repos aux travailleurs, tellement qu’ils étaient contraints d’abandonner le métier. Entre autres exemples qu’ils donnent de la malignité de cette engeance infernale, nous ne signalerons qu’un démon mineur qui tua douze artisans à la fois : ce qui fit délaisser une mine d’argent très-productive[73]. Voy. Anneberg, Montagnards, etc.

Mingrélie. Le christianisme dans ce pays de schisme grec est très-corrompu. On y voit des prêtres baptiser les enfants distingués avec du vin. Lorsqu’un malade demande des secours spirituels, le prêtre ne lui parle pas de confession ; mais il cherche dans un livre la cause de sa maladie et l’attribue à la colère de quelqu’une de. leurs images, qu’il faut apaiser par des offrandes.

Minoson, démon qui fait gagner à toutes sortes de jeux ; il dépend de Baël, l’un des plus puissants chefs de l’enfer[74].

Minuit. C’est à cette heure-là que se fait généralement le sabbat des sorciers, et que les spectres et les démons apparaissent. Cependant le diable n’aime pas uniquement l’heure de minuit, car il peut tenir sabbat à midi, comme l’ont avoué plusieurs sorcières, telles que Jeannette d’Abadie et Catherine Naguille[75].

Mirabel (Honoré), fripon qui fut condamné aux galères perpétuelles, après avoir été appliqué à la question, par arrêt du 18 février 1729. Il avait promis à un de ses amis, nommé Auguier, de lui faire trouver des trésors par le moyen du diable. Il fouilla, après maintes conjurations, dans des ruines près de Marseille, et dit qu’il y avait là un sac de pièces portugaises que lui avait indiqué un spectre. Il tira, en présence de plusieurs personnes et d’un valet nommé Bernard, un paquet enveloppé d’une serviette ; l’ayant emporté chez lui, il le délia et y trouva un peu d’or, qu’il donna à Augier, lui en promettant davantage et le priant de lui prêter quarante francs ; ce qui doit sembler assez singulier. L’ami lui prêta cette somme, lui passa un billet par lequel il reconnaissait lui devoir vingt mille livres, et lui remettait les quarante francs. Le billet fut signé le 27 septembre 1726. Quelque temps après, Mirabel demanda le payement du

billet ; comme on le refusa, parce que le sorcier n’avait donné que des espérances qui ne s’étaient pas réalisées, il eut la hardiesse d’intenter un procès ; mais, en fin de cause, il se vit, comme on l’a dit, condamné aux galères, par messieurs du parlement d’Aix[76].

Mirabilis liber. On attribue la plus grande part de ce livre à saint Césaire. C’est un recueil de prédictions dues à des saints et à des sibylles. Ce qui peut surprendre les esprits forts, c’est que dans l’édition de 1522 on voit annoncés les événements qui ont clos si tragiquement le dernier siècle, l’expulsion et l’abolition de la noblesse, les persécutions contre le clergé, la suppression des couvents, le mariage des prêtres, le pillage des églises, la mort violente du roi et de la reine, etc. On y lit ensuite que l’aigle venant des pays lointains rétablira l’ordre en France[77]

Miracles. Un certain enchanteur abattit une bosse en y passant la main. ; on cria au miracle !… La bosse était une vessie enflée[78]. Tels sont les miracles des charlatans. Mais parce que les charlatans font des tours de passe-passe qui singent les faits surnaturels proprement appelés miracles (et il n’y a de miracles que ceux qui viennent de Dieu), il est absurde de les nier. Nous vivons entourés de miracles qui ne se peuvent expliquer, quoiqu’ils soient constants. Nous ne pouvons parler ici que des faux miracles, œuvre de Satan, ou fourberies des imposteurs qui servent ainsi la cause de l’esprit du mal. Ce qui est affligeant, c’est que les jongleries ont souvent plus de crédit chez les hommes fourvoyés que les faits extraordinaires dont la vérité est établie, comme les superstitions ont plus de racines que les croyances religieuses dans les têtes détraquées[79].

On raconte l’anecdote suivante pour prouver que les plus grandes absurdités trouvent des partisans. Deux charlatans débutaient dans une petite ville de province, au temps où Cagliostro et d’autres personnages importants venaient de se présenter à Paris à titre de docteurs qui guérissaient toutes les maladies. Ils pensèrent qu’ils fallait quelque chose de plus relevé pour accréditer leur savoir-faire. Ils s’annoncèrent donc comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts ; et, afin qu’on n’en pût douter, ils déclarèrent qu’au bout de trois semaines, jour pour jour, ils rappelleraient à la vie, publiquement, dans le cimetière indiqué, le mort dont on leur montrerait la sépulture, fût-il enterré depuis dix ans. Ils demandent au juge du lieu qu’on les garde à vue pour s’assurer qu’ils ne s’échapperont pas, mais qu’on leur permette en attendant de vendre des drogues et d’exercer leurs talents. La proposition paraît si belle qu’on n’hésite pas à les consulter. Tout le monde assiège leur maison ; tout le monde trouve de l’argent pour payer de tels médecins. Le grand jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avait moins d’audace, témoigna ses craintes à l’autre, et lui dit : — Malgré toute votre habileté, je crois que vous nous exposez à être lapidés ; car enfin vous n’avez pas le talent de ressusciter les morts. — Vous ne connaissez pas les hommes, lui répliqua le docteur, je suis tranquille.

L’événement justifia sa présomption. Il reçut d’abord une lettre d’un gentilhomme du lieu ; elle était ainsi conçue : « Monsieur, j’ai appris que vous deviez faire une grande opération qui me fait trembler. J’avais une méchante femme ; Dieu m’en a délivré ; et je serais le plus malheureux des hommes si vous la ressuscitiez. Je vous conjure donc de ne point faire usage de votre secret dans notre ville, et d’accepter un petit dédommagement que je vous envoie, etc. » Une heure après, les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens qui leur présentèrent une autre gratification, sous la condition de ne point employer leur talent à la résurrection d’un vieux parent dont ils venaient d’hériter. Ceux-ci furent suivis par d’autres, qui apportèrent aussi leur argent pour de pareilles craintes, en faisant la même supplication. Enfin le juge du lieu vint lui-même dire aux deux charlatans qu’il ne doutait nullement de leur pouvoir miraculeux, qu’ils en avaient donné des preuves par une foule de guérisons ; mais que l’expérience qu’ils devaient faire le lendemain dans le cimetière avait mis d’avance toute la ville en combustion ; que l’on craignait de voir ressusciter un mort dont le retour pourrait causer des révolutions dans les fortunes ; qu’il les priait de partir, et qu’il allait leur donner une attestation comme quoi ils ressuscitaient réellement les morts. Le certificat fut signé, paraphé, légalisé, dit le conte ; et les deux compagnons parcoururent les provinces, montrant partout la preuve légale de leur talent surnaturel….

Mirage, déception des sens, causée par certains phénomènes de l’atmosphère, qui fait voir des aspects enchanteurs, soit sur les mers, soit sur les déserts de sables, tandis qu’il n’y a rien. Certains voyageurs ont cru voir là des charmes magiques.

Mirak. Voy. Agraféna.

Miroir. Lorsque François I er faisait la guerre à Charles-Quint, on conte qu’un magicien apprenait aux Parisiens ce qui se passait à Milan en écrivant sur un miroir les nouvelles de cette ville et l’exposant à la lune, de sorte que les Parisiens lisaient dans cet astre ce que portait le miroir. Ce secret est perdu comme tant d’autres. Voy. Pythagore. Pour la divination par le miroir, voy. Cristallomancie. En Bretagne, se regarder la nuit dans un miroir, c’est le moyen de devenir laide ou d’être ornée d’un visage de loup.


Mirville (J. Eudes de), auteur de travaux remarquables sur les Esprits, leurs faits incontestables et leur réalité.

Miscaun-Marry. On donne ce nom, en Irlande, au feu follet, ignis fatum.

Misraïm, fils de Gham. Voy. Magie.

Mœnsklint. Les riverains de la mer Baltique vous montrent avec orgueil une grande masse de roc toute blanche, taillée à pic, surmontée de quelques flèches aiguës et couronnée d’arbustes. Mais voyez, ce que le géologue appelle pierre calcaire, ce n’est pas la pierre calcaire, et ce qui s’élève au haut de cette montagne sous la forme d’un massif d’arbres, ce n’est pas un massif d’arbres. Il y a là une jeune fée très-belle qui règne sur les eaux et sur l’île. Ce roc nu, c’est sa robe blanche qui tombe à grands replis dans les vagues et se diapré aux rayons du soleil ; cette pyramide aiguë qui le surmonte, c’est son sceptre ; et ces rameaux de chêne, c’est sa couronne. Elle est assise au haut du pic qu’on appelle le Dronnings Stol (le siège de la Reine). De là elle veille sur son empire, elle protège la barque du pêcheur et le navire du marchand. Souvent la nuit on a entendu sur cette côte des voix harmonieuses, des voix étranges qui ne ressemblent pas à celles qu’on entend dans le monde. Ce sont les jeunes fées qui chantent et dansent autour de leur reine, et la reine est là qui les regarde et leur sourit. Oh ! le peuple est le plus grand de tous les poëtes. Là où la science analyse et discute, il invente, il donne la vie à la nature animée, il spiritualise les êtres que le physicien regarde comme une matière brute. Il passe le long d’un lac, et il y voit des esprits ; il passe au pied d’un roc de craie, il y voit une reine et il l’appelle le Mœnsklint (le rocher de la Jeune Fille)[80].

Mog. De ce nom peut-être est venu le mot magus, magicien. On retrouve encore dans l’Arménie l’ancienne région des Mogs. « Le nom de Mog, dit M. Eugène Boré[81], est un mot zend et pehlvi qui a passé dans la langue chaldéenne à l’époque où le symbole religieux de la Perse fut adopté par le peuple de Babylone. 11 représentait la classe pontificale, initiée sans doute à des doctrines secrètes dont l’abus et l’imposture firent tomber ensuite ce titre en discrédit. Les prêtres ainsi désignées étaient ces anciens desservants du temple de Bélus, qu’avait visités et entretenus Hérodote, et qu’il nomme Chaldéens aussi bien que le prophète Daniel. Ils avaient encore le nom de sages ou philosophes, de voyants et d’astronomes. Lorsqu’ils mêlèrent aux principes élevés de la science et de la sagesse les superstitions de l’idolâtrie et toutes les erreurs de l’astrologie et de la divination, ils furent appelés enchanteurs, interprètes de songes, sorciers, en un mot magiciens. » Mais, au dixième siècle, Thomas Ardzérouni, cité par M. Boré, appelle encore la contrée qu’ils habitaient le pays des Mogs. Les Mogols viendraient-ils des Mogs ?

Mogol. Delancre dit qu’un empereur mogol guérissait certaines maladies avec l’eau dans laquelle il lavait ses pieds.

Mohra, bourg célèbre dans la Suède pour les sorciers qu’il a produits. En 1559, pendant les débuts de la réforme, on y arrêta soixante-dix sorcières qui avaient séduit trois cents enfants.

Moine bourru. Voy. Bourru.

Moines. On lit partout ce petit conte. Un moine qu’une trop longue abstinence faisait souffrir s’avisa un jour, dans sa cellule, de faire cuire un œuf à la lumière de sa lampe. L’abbé, qui faisait sa ronde, ayant vu le moine occupé à sa petite cuisine, l’en reprit ; le bon religieux, pour s’excuser, dit que c’était le diable qui l’avait tenté et lui avait inspiré cette ruse. Tout aussitôt parut le diable lui-même, lequel était caché sous la table, et s’écria en s’adressant au moine : « Tu en as menti par ta barbe ; ce tour n’est pas de mon invention, et c’est toi qui viens de me l’apprendre. » Césaire d’Heisterbach donne cet autre petit fait. « Le moine Herman, comparant la rigoureuse abstinence de son ordre aux bons ragoûts que l’on mange dans le monde, vit entrer dans sa cellule un inconnu de bonne mine qui lui offrit un plat de poisson. Il reçut ce présent, et lorsqu’il voulut accommoder son poisson, il ne trouva plus sous sa main qu’un plat de fiente de cheval. Il comprit qu’il venait de recevoir une leçon, et fut plus sobre[82].

Mois. Divinités de chaque mois chez les païens. — Junon présidait au mois de janvier ; Neptune, à février ; Mars, au mois qui porte son nom ; Vénus, au mois d’avril ; Phébus, au mois de mai ; Mercure, au mois de juin ; Jupiter, à juillet ; Cérès, au mois d’août ; Vulcain, à septembre ; Pallas, au mois d’octobre ; Diane, à novembre ; Vesta, à décembre.

Anges de chaque mois. Selon les cabalistes, janvier est le mois de Gabriel ; février, le mois de Barchiel ; mars, le mois de Machidiel ; avril, le mois d’Asmodel ; mai, le mois d’Ambriel ; juin, le mois de Muriel ; juillet, le mois de Verchiel ; août, le mois d’Hamaliel ; septembre, le mois d’Uriel ; octobre, le mois de Barbiel ; novembre, le mois d’Adrachiel ; décembre, le mois d’Hanaël.

Démons de chaque mois. Janvier est le mois de Bélial ; février, le mois de Léviathan ; mars, le mois de Satan ; avril, le mois d’Astarté ; mai, le mois de Lucifer ; juin, le mois de Baalberith ; juillet, le mois de Belzébuth ; août, le mois d’Astaroth ; septembre, le mois de Thamuz ; octobre, le mois de Baal ; novembre, le mois d’Hécate; décembre, le mois de Moloch. Animaux de chaque mois. La brebis est consacrée au mois de janvier ; le cheval, au mois de février ; la chèvre, au mois de mars ; le bouc, au mois d’avril ; le taureau, au mois de mai ; le chien, au mois de juin ; le cerf, au mois de juillet ; le sanglier, au mois d’août ; l’âne, au mois de septembre ; le loup, au mois d’octobre ; la biche, au mois de novembre ; le lion, au mois de décembre.

Oiseaux de chaque mois. Le paon est consacré au mois de janvier ; le cygne, au mois de février ; le pivert, au mois de mars ; la colombe, au mois d’avril ; le coq, au mois de mai ; l’ibis, au mois de juin ; l’aigle, au mois de juillet ; le moineau, au mois d’août ; l’oie, au mois de septembre ; la chouette, au mois d’octobre ; la corneille, au mois de novembre ; l’hirondelle, au mois de dédécembre.

Arbres de chaque mois. Le peuplier est l’arbre de janvier ; l’orme, de février ; le noisetier, de mars ; le myrthe, d’avril ; le laurier, de mai ; le coudrier, de juin ; le chêne, de juillet ; le pommier, d’août ; le buis, de septembre ; l’olivier, d’octobre ; le palmier, de novembre ; le pin, de décembre.

Moïse. Les talmudistes et les Orientaux ont surchargé l’histoire de Moïse de beaucoup de légendes et de contes prodigieux[83]. En kok, un imposteur, selon les uns, le diable lui-même, selon les autres, se présenta aux Israélites de Candie, en leur disant qu’il était Moïse, ressuscité pour les ramener en Palestine. La multitude se laissa séduire et suivit son prétendu chef jusqu’à la mer, comptant bien qu’elle allait s’ouvrir de nouveau pour lui livrer passage ; mais il n’y eut pas de miracle. La mer furieuse engloutit vingt mille Juifs, s’il faut en croire les historiens, et le faux Moïse ne se retrouva plus.

Moiset. C’est le nom que prit le démon ou le fourbe qui se donnait pour tel, et qui engagea pour le sabbat et la sorcellerie Pierre Bourget et Michel Verdung.

Mokissos, génies révérés des habitants de Loango, mais subordonnés au Dieu suprême. Ils pensent que ces génies peuvent les châtier et même leur ôter la vie s’ils ne sont pas fidèles à leurs obligations. Lorsqu’un homme est heureux et bien portant, il est dans les bonnes grâces de son mokisso. Est-il malade ou éprouve-t-il des revers, il attribue cette calamité à la colère de son génie. Ces peuples donnent le même nom à leur souverain, auquel ils croient une puissance divine et surnaturelle, comme de pouvoir faire tomber la pluie et d’exterminer en un instant des milliers d’hommes, etc. Les mokissos sont des figures de bois qui représentent ou des hommes grossièrement faits, ou des quadrupèdes, ou des oiseaux. On leur offre des vœux et des sacrifices pour les apaiser. Voy. Fétiches.

Molitor (Ulrich), auteur d’un livre rare intitulé Traité des lamies et des pythonisses : Tractatus de lamiis et pythonicis, Constance, l489, in-4o. Paris, 1561, in-8o. On y voit des choses singulières, qui ne sont pourtant pas des fables, car l’auteur est circonspect et critique sérieux.

Moloch, prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. Il était adoré par les Ammonites sous la figure d’une statue de bronze assise


dans un trône de même métal, ayant une tête de veau surmontée d’une couronne royale. Ses bras étaient étendus pour recevoir les victimes humaines : on lui sacrifiait des enfants. Dans Milton, Moloch est un démon affreux et terrible couvert des pleurs des mères et du sang des enfants.

Les rabbins prétendent que, dans l’intérieur de la statue du fameux Moloch, dieu des Ammonites, on avait ménagé sept espèces d’armoires. On en ouvrait une pour la farine, une autre pour les tourterelles, une troisième pour une brebis, une quatrième pour un bélier, la cinquième pour un veau, la sixième pour un bœuf, la septième pour un enfant. C’est ce qui a donné lieu de confondre Moloch avec Mithras, et ses sept portes mystérieuses avec les sept chambres. Lorsqu’on voulait sacrifier des enfants à Moloch, on allumait un grand feu dans l’intérieur de cette statue. Mais afin qu’on n’entendît pas leurs cris plaintifs, les prêtres faisaient un grand bruit de tambours et d’autres instruments autour de l’idole. Voy. Mystères.

Momies. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, raconte une chose singulière dont il a été le témoin. Il avait acheté en Égypte deux momies, l’une d’homme et l’autre "de femme, et les avait enfermées secrètement en des caisses qu’il fit mettre dans son vaisseau lorsqu’il partit d’Alexandrie pour revenir en Europe. Il n’y avait que lui et ses deux domestiques qui sussent ce que contenaient les caisses, parce que les Turcs alors permettaient difficilement qu’on emportât les momies, croyant que les chrétiens s’en servaient pour des opérations magiques. Lorsqu’on fut en mer, il s’éleva une tempête qui revint à plusieurs reprises avec tant de violence, que le pilote désespérait de sauver le navire. Tout le monde était dans l’attente d’un naufrage prochain et inévitable. Un bon prêtre polonais, qui accompagnait le prince de Radzivill, récitait les prières convenables à une telle circonstance ; le prince et sa suite y répondaient. Mais le prêtre était tourmenté, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux, qui le harcelaient et le menaçaient. On crut d’abord que la frayeur et le danger du naufrage lui avaient troublé l’imagination. Le calme étant revenu, il parut tranquille ; mais le tumulte des éléments reparut bientôt ; alors ces fantômes le tourmentèrent plus fort qu’auparavant, et il n’en fut délivré que quand on eut jeté les deux momies à la mer, ce qui fit en même temps cesser la tempête<ref>Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions.<ref>. »

Ajoutons que de nos jours les marins du Levant conservent cette opinion que les momies attirent les tempêtes, et on ne peut les embarquer qu’à leur insu.

Monarchie infernale. Elle se compose, selon Wierus, d’un empereur, qui est Belzébuth ; de sept rois, qui régnent aux quatre points cardinaux, et qui sont Baël, Pursan, Byleth, Paymon, Belial, Asmoday, Zapan ; de vingt-trois ducs, savoir:Agarès, Busas, Gusoyn, Bathym, Eligor, Valefar, Zepar, Sytry, Bime, Berith, Astaroth, Vepar, Ghax, Pricel, Murmur, Focalor, Gomory, Amduscias, Aym, Orobas, Vapula, Hauros, Alocer ; de treize marquis, Aamon, Loray, Naberus, Forneus, Ronève, Marchocias, Sabnac, Gamigyn, Arias, Andras, Androalphus, Cimeries, Phœnix ; de dix comtes, Barbatos, Botis, Morax, Ipès, Furfur, Raym, Halphas, Vine, Decarabia, Zalcos ; de onze présidents, Marbas, Buer, Glasialabolas, Forças, Malphas, Gaap, Caym, Volac, Oze, Amy, Haagenti, et de plusieurs chevaliers, comme Furcas, Bifrons, etc.

Les forces deja monarchie infernale se composent de 6666 légions, chacune de 6666 démons; ce qui ne fait que 44, 635, 566 combattants. Mais chacun de ces démons a sous lui des bandes. Voy. Cour.

Monde. Voy. Origines.

Monkir et Nékir, anges qui, selon la croyance des musulmans, interrogent le mort aussitôt qu’il est dans le sépulcre, et commencent leur interrogatoire par cette demande : — Qui est votre seigneur, et qui est votre prophète ? — Leurs fonctions sont aussi de tourmenter les réprouvés. Ces anges ont un aspect hideux et une voix aussi terrible que le tonnerre. Après qu’ils ont reconnu que le mort est dévoué à l’enfer, ils le fouettent avec un fouet moitié fer et moitié feu. Les mahométans ont tiré cette idée du Talmud.

Monsieur de Laforêt. C’est le nom qu’on donnait autrefois au fantôme plus connu sous le titre de grand Veneur de la forêt de Fontainebleau. Voy. Veneur.

Sa résidence ordinaire était dans cette forêt ; mais il s’en écartait quelquefois. Delancre rapporte qu’un enfant qui vivait en Allemagne fut trouvé vêtu d’une peau deïoup et courant comme un petit Ioup-garou ; il dit que c’était M. de Laforêt qui lui avait donné sa peau ; que son père s’en servait aussi. Dans un interrogatoire, cet enfant avoua que si M. de Laforêt lui apparaissait, il pouvait le mettre en fuite par des signes de croix. Il ajouta que M. de Laforêt lui demandait quelquefois s’il voulait être à lui, et qu’il lui offrait pour cela de grandes richesses.

Monstres. Méry, célèbre anatomiste et chirurgien-major des Invalides, Vit et disséqua, en 1720, un petit monstre né à six mois de terme, sans tête, sans bras, sans cœur, sans poumons, sans estomac, sans reins, sans foie, sans rate, sans pancréas, et pourtant né vivant. Cette production extraordinaire fut suivie d'une fille bien organisée, qui tenait au petit monstre par un cordon ombilical commun. Son observation est consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences. Comment la circulation du sang s'opérait-elle dans cet individu dépourvu de cœur ?

Mery essaya de l’expliquer dans une dissertation[84]. En d’autres temps, on eût tout mis sur le compte du diable, et qui sait ? Voy. Imagination.

Torquemada rapporte qu’Alexandre le Grand lorsqu’il faisait la guerre des Indes, vit plus de cent trente mille hommes ensemble qui avaient


des têtes de chiens et aboyaient comme eux; ce qui ne se voit de nos jours que dans les caricatures. Il dit aussi que certains habitants du mont Milo avaient huit doigts aux pieds et les pieds tournés en arrière, ce qui rendait ces hommes extrêmement légers à la course.

On voit dans de vieilles chroniques qu’il y avait au nord des hommes qui n’avaient qu’un œil au milieu du front ; en Albanie, des hommes dont les cheveux devenaient blancs dès l’enfance, et qui voyaient mieux la nuit que le jour (conte produit par les Albinos) ; des Indiens qui avaient des têtes de chien ; d’autres sans cou et sans tête, ayant les yeux aux épaules, et, ce qui surpasse ton le admira Lion, un peuple dont le corps était velu et couvert de plumes comme les oiseaux, et qui se nourrissait seulement de l’odeur des fleurs. On a pourtant ajouté foi à ces fables.

N’oublions pas celles qui se trouvent consignées dans le Journal des voyages de Jean Struys, qui dit avoir vu de ses propres yeux les habitants de l’île de Formose ayant une queue au derrière, comme les bœufs. Il parle aussi d’une espèce de concombre, qui se nourrit, dit-on, des plantes voisines. Cet auteur ajoute que ce fruit surprenant a la figure d’un agneau, avec les pieds, la tête et la queue de cet animal distinctement formés ; d’où on l’appelle, en langage du pays, banaret ou bonarez, qui signifie agneau. Sa peau est couverte d’un duvet fond blanc, aussi délié que la soie. Les ïartares en font grand cas, et la plupart le gardent avec soin dans leurs maisons, où cet auteur en a vu plusieurs. Il croît sur une tige d’environ trois pieds de haut. L’endroit par où il tient à sa tige est une espèce de nombril, sur lequel il se tourne et se baisse vers les herbes qui lui servent de nourriture, se séchant et se flétrissant aussitôt que ces herbes lui manquent. Les loups l’aiment et le dévorent avec avidité, parce qu’il a le goût de la chair d’agneau ; et l’auteur ajoute qu’on lui a assuré que cette plante a effectivement des os, du sang et de la chair : d’où vient qu’on l’appelle encore dans le pays zoaphité, c’est-à-dire plante animale[85].

Montagnards,

Montagnards


démons qui font leur séjour dans les mines sous les montagnes, et tourmentent les mineurs. Ils ont trois pieds de haut, un visage horrible, un air de vieillesse, une camisole et un tablier de cuir, comme les ouvriers dont ils prennent souvent la figure. Ils sont soumis à un esprit géant ; ce qui fait contraste. On dit que ces démons autrefois n’étaient pas malfaisants, qu’ils entendaient même la plaisanterie ; mais une insulte leur était sensible, et ils la souffraient rarement sans se venger. Un mineur eut l’audace de dire des injures à un de ces démons. Le démon indigné sauta sur le mineur et lui tordit le cou. L’infortuné n’en mourut pas, mais il eut le cou renversé et le visage tourné par derrière tout le reste de sa vie. Il y a eu des gens qui l’ont vu en cet état, dit le narrateur… Ils avaient de bons yeux. Voy. Mineurs.

Montalembert (Adrien de), aumônier de François I er, auteur d’un ouvrage intitulé La merveilleuse Histoire de l’esprit qui depuis naguère s’est apparu au monastère des religieuses de Saint-Pierre de Lyon. Paris, 1528, in-/i° ; Rouen, 1529 ; Paris, 1580, in-12. C’est l’histoire d’Alice de Télieux.

Montan, chef des hérétiques montanistes au onzième siècle. C’était un eunuque phrygien. Il avait des attaques d’épilepsie, et il les fit passer pour des extases où il s’entretenait avec Dieu. Il reconnaissait que le Saint-Esprit était venu, mais il le distinguait du Paraclet, et il disait : C’est moi qui suis le Paraclet. Les montanistes admettaient les femmes à la prêtrise.

Montanay, sorcier. Voy. Galigaï.

Montézuma. Voy. Présages.

Monture des esprits. Dans les idées de l’Irlande et de plusieurs autres peuplades du Nord, les esprits, fées ou lutins, qui ont à voyager enfourchent un jonc, un brin d’herbe, un tronc de

choux, et toute autre chose ; sur cette monture ils parcourent des distances incroyables en un quart d’heure.

Mopsus, devin de l’antiquité, qui se montra plus habile que Calchas et le fit mourir de jalousie.

Morail, démon qui a la puissance de rendre invisible, selon les Clavicules de Salomon.

Morax ou Forai, capitaine, comte et président de plusieurs bandes infernales ; il se fait voir sous la forme d’un taureau. Lorsqu’il prend la figure humaine, il instruit l’homme dans l’astronomie et dans tous les arts libéraux. Il est le prince des esprits familiers qui sont doux et sages.

Il a sous ses ordres trente-six légions.

Mordad, l’ange de la mort chez les mages.

Moreau, chiromancien du dix-neuxième siècle, qui, dit-on, prédit à Napoléon sa chute et ses malheurs. Bien d’autres furent aussi sorciers que lui. Il exerçait à Paris, où il est mort en 1825.

Morel (Louise), sorcière, tante de Marie Martin. Voy. Martin.

Morgane, sœur du roi Arthus, élève de Merlin, qui lui enseigna la magie ; elle est fameuse dans les romans de chevalerie par ses enchantements et par les tours qu’elle joua à Genièvre, sa belle-sœur. C’est dans la Bretagne une grande fée, l’une des prophétesses de l’île de Sein, et la plus puissante des neuf sœurs druidesses. Les Bretons l’appellent la Chanteuse des mers, et il y a dans ce pays des pêcheurs qui prétendent descendre d’elle.

Pour plusieurs, Morgane est un mirage ; Morgiane, chez les Orientaux, est une péri qu’ils appellent aussi Mergiann.

Morin (Jean-Baptiste), médecin de mademoiselle de Guise, né au Mans en 1615, et mort en 1705. Il pronostiquait comme Luc Gauric. On dit qu’il annonça le sort de Gustave-Adolphe et du jeune Cinq-Mars, et qu’il fixa, à quelques légères différences près, le jour et l’heure où moururent le cardinal de Richelieu et le connétable de Lesdiguières. On lui attribue à tort la réponse adroite de cet astrologue qui, interrogé par Louis XI s’il connaissait lui-même l’époque de sa propre mort, répondit : — Oui, prince, trois jours avant la vôtre.

Sous le règne de Louis XIII, on était très-infatué de l’astrologie judiciaire. Morin ayant prédit que tel jour le roi était menacé de quelque malheur, on respecta assez sa prédiction pour recommander au roi de ne pas sortir. Il garda effectivement l’appartement toute la matinée ; mais s’ennuyant l’après-midi, il voulut prendre l’air et tomba. — Qu’on ne parle pas de cela à Morin, dit le prince ; cet accident le rendrait trop glorieux.

Morin (Simon), visionnaire fanatique du dixseptième siècle, né vers 1623, qui voulut rétablir la secte des illuminés, et qui annonçait que Notre-Seigneur Jésus-Christ s’était incarné en lui. Il fit quelques prosélytes ; mais à la suite de plusieurs détentions à la Bastille, il fut condamné à être brûlé, après avoir fait amende honorable comme accusé de conspiration contre le roi ; il monta sur le bûcher le 14 mars 1663. C’était un agitateur fanatique qui eût bien voulu une petite révolution.

Mort. « La mort, si poétique, parce qu’elle touche aux choses immortelles, si mystérieuse à cause de son silence, devait avoir mille manières de s’énoncer pour le peuple. Tantôt un trépas se faisait prévoir par le tintement d’une cloche qui sonnait d’elle-même, tantôt l’homme qui devait mourir entendait frapper trois coups sur le plancher de sa chambre. Une religieuse de Saint-Benoît, près de quitter la terre, trouvait une couronne d’épines blanches sur le seuil de sa cellule. Une mère perdait-elle son fils dans un pays lointain, elle en était instruite à l’instant par ses songes. Ceux qui nient les pressentiments ne connaîtront jamais les routes secrètes par où deux cœurs qui s’aiment communiquent d’un bout du monde à l’autre. Souvent le mort chéri, sortant du tombeau, se présentait à son ami, lui recommandait de dire des prières pour le racheter des flammes et le conduire à la félicité des élus[86]. »

De tous les spectres de ce monde, la mort est le plus effrayant. Dans une année d’indigence, un paysan se trouve au milieu de quatre petits enfants qui portent leurs mains à leur bouche, qui demandent du pain, et à qui il n’a rien à donner… La démence s’empare de lui ; il saisit un couteau ; il égorge les trois aînés ; le plus jeune, qu’il allait frapper aussi, se jette à ses pieds et lui crie : — Ne me tuez pas, je n’ai plus faim.

Dans les armées des Perses, quand un simple soldat était malade à l’extrémité, on le portait en quelque forêt prochaine, avec un morceau de pain, un peu d’eau et un bâton pour se défendre contre les bêtes sauvages, tant qu’il en aurait la force. Ces malheureux étaient ordinairement dévorés. S’il en échappait quelqu’un qui revînt chez lui, tout le monde le fuyait comme si c’eût été un démon ou un fantôme ; on ne lui permettait de communiquer avec personne qu’il n’eût été purifié. On était persuadé qu’il devait avoir eu de grandes liaisons avec les démons, puisque les bêtes ne l’avaient pas mangé, et qu’il avait recouvré ses forces sans aucun secours.

Les anciens attachaient tant d’importance aux cérémonies funèbres, qu’ils inventèrent les dieux mânes pour veiller aux sépultures. On trouve dans la plupart de leurs écrits des traits frappants qui nous prouvent combien était sacré parmi eux ce dernier devoir que l’homme puisse rendre à l’homme. Pausanias conte que, certains peuples de l’Arcadie ayant tué inhumainement quelques jeunes garçons qui ne leur faisaient aucun mal, sans leur donner d’autre sépulture que les pierres avec lesquelles ils les avaient assommés, et leurs femmes, quelque temps après, se trouvant atteintes d’une maladie qui les faisait toutes avorter, on consulta les oracles, qui commandèrent d’enterrer au plus vite les enfants si cruellement privés de funérailles.

Les Égyptiens rendaient de grands honneurs aux morts. Un de leurs rois, se voyant privé d’héritiers par la mort de sa fille unique, n’épargna rien pour lui rendre les derniers devoirs et tâcha d’immortaliser son nom par la plus riche sépulture qu’il put imaginer. Au lieu d’un mausolée, il lui fit bâtir un palais ; et on ensevelit le corps de la jeune princesse dans un bois incorruptible, qui représentait une génisse Couverte de lames d’or et revêtue de pourpre. Cette figure était à genoux, portant entre ses cornes un soleil d’or massif, au milieu d’une salle magnifique et entourée de cassolettes où brûlaient continuellement des parfums odoriférants.

Les Égyptiens embaumaient les corps et les conservaient précieusement ; les Grecs et les Romains les brûlaient. Cette coutume de brûler les morts est fort ancienne. Les Égyptiens, avant de rendre à leurs rois les honneurs funèbres, les jugeaient devant le peuple et les privaient de sépulture s’ils s’étaient conduits en tyrans.

Quand le roi des Tartares mourait, on mettait son corps embaumé dans un chariot, et on le promenait dans toutes ses provinces. Il était permis à chaque gouverneur de lui faire quelque outrage, pour se venger du tort qu’il en avait reçu. Par exemple, ceux qui n’avaient pu obtenir audience maltraitaient les oreilles, qui leur avaient été fermées ; ceux qui avaient été indignés de ses débauches s’en prenaient aux cheveux, qui étaient sa principale beauté, et lui faisaient mille huées, après l’avoir rasé, pour le rendre laid et ridicule. Ceux qui se plaignaient de sa trop grande délicatesse lui déchiraient le nez, croyant qu’il n’était devenu efféminé que parce qu’il avait trop aimé les parfums. Ceux qui décriaient son gouvernement lui brisaient le front, d’où étaient sorties toutes ses ordonnances tyranniques ; ceux qui en avaient reçu quelque violence lui mettaient les bras en pièces. Après qu’on l’avait ramené au lieu où il était mort, on le brûlait avec une de ses femmes, un échanson, un cuisinier, un écuyer, un palefrenier, quelques chevaux et cinquante esclaves[87].

Quand un Romain mourait, on lui fermait les yeux pour qu’il ne vît point l’affliction de ceux qui l’entouraient. Lorsqu’il était sur le bûcher, on les lui rouvrait pour qu’il pût voir la beauté des cieux qu’on lui souhaitait pour demeure. On faisait faire ordinairement la figure du mort, ou en cire, ou en marbre, ou en pierre ; et cette figure accompagnait le cortège funèbre, entourée de pleureuses à gages. Chez plusieurs peuples de l’Asie et de l’Afrique, aux funérailles d’un homme riche et de quelque distinction, on égorge et on enterre avec lui cinq ou six de ses esclaves. Chez les Romains, dit Saint-Foix, on égorgeait aussi des vivants pour honorer les morts ; on faisait combattre des gladiateurs devant le bûcher, et on donnait à ces massacres le nom de jeux funéraires. En Égypte et au Mexique, dit le même auteur, on faisait toujours marcher un chien à la tête du convoi funèbre. En Europe, sur les anciens tombeaux des princes et des chevaliers, on voit communément des chiens à leurs pieds.

LesParthes, les Mèdes et les Ibériens exposaient les corps, ainsi que chez les Perses, pour qu’ils fussent au plus tôt dévorés par les bêtes sauvages, ne trouvant rien de plus indigne de l’homme que la putréfaction. Les Bactriens nourrissaient, pour ce sujet, de grands chiens dont ils avaient un soin extrême. Ils se faisaient autant de gloire de les nourrir grassement que les autres peuples de se bâtir de superbes tombeaux. Un Bactrien faisait beaucoup d’estime du chien qui avait mangé son père. Les Barcéens faisaient consister le plus grand honneur de la sépulture à être dévorés par les vautours ; de sorte que toutes les personnes de mérite et ceux qui mouraient en combattant pour la patrie étaient aussitôt exposés dans les lieux où les vautours pouvaient en faire curée. Quant à la populace, on l’enfermait dans des tombeaux, ne la jugeant pas digne d’avoir pour sépulture le ventre des oiseaux sacrés.

Plusieurs peuples de l’Asie eussent cru se rendre coupables d’une grande impiété en laissant pourrir les corps ; c’est pourquoi, aussitôt que quelqu’un était mort parmi eux, ils le mettaient en pièces et le mangeaient en grande dévotion avec les parents et les amis. C’était, lui rendre honorablement les derniers devoirs. Pythagore enseigna la métempsycose des âmes ; ceux-ci pratiquaient la métempsycose des corps, en faisant passer le corps des morts dans celui des vivants. D’autres peuples, tels que les anciens Hiberniens, les Bretons et quelques nations asiatiques, faisaient encore plus pour les vieillards : ils les égorgeaient dès qu’ils étaient septuagénaires et en faisaient pareillement un festin. C’est ce qui se pratique encore chez quelques peuplades sauvages.

Les Chinois font publier le convoi, pour que le concours du peuple soit plus nombreux. On fait marcher devant le mort des drapeaux et des bannières, puis des joueurs d’instruments, suivis de danseurs revêtus d’habits fort bizarres, qui sautent tout le long du chemin avec des gestes ridicules. Après cette troupe viennent des gens armés de boucliers et de sabres, ou de gros bâtons noueux. Derrière eux, d’autres portent des armes à feu dont ils font incessamment des décharges. Enfin, les prêtres, criant de toutes leurs forces, marchent avec les parents, qui mêlent à ces cris des lamentations épouvantables ; le cortège est fermé par le peuple. Cette musique enragée et ce mélange burlesque de joueurs, de danseurs, de soldats, de chanteuses et de pleureurs donnent beaucoup de gravité à la cérémonie. On ensevelit le mort dans un cercueil précieux, et on enterre avec lui, entre plusieurs objets, de petites figures horribles, pour faire sentinelle près de lui et effrayer les démons ; après quoi on célèbre le festin funèbre, où l’on invite de temps en temps le défunt à manger et à boire avec les convives. Les Chinois croient que les morts reviennent en leur maison une fois tous les ans, la dernière nuit de l’année. Pendant toute cette nuit, ils laissent leur porte ouverte, afin que les âmes de leurs parents trépassés puissent entrer ; ils leur préparent des lits et mettent dans la chambre un bassin plein d’eau pour qu’ils puissent se laver les pieds. Ils attendent jusqu’à minuit. Alors, supposant les morts arrivés, ils leur font compliment, allument des cierges, brûlent des odeurs et les prient, en leur faisant de profondes révérences, de ne pas oublier leurs enfants et de leur obtenir des dieux la force, la santé, les biens et une longue vie.

Les Siamois brûlent les corps et mettent autour du bûcher beaucoup de papiers où sont peints des jardins, des maisons, des animaux, des fruits, en un mot, tout ce qui peut être utile et agréable dans l’autre vie. Ils croient que ces papiers brûlés deviennent réellement de qu’ils représentent. Ils croient aussi que tout être, dans la nature, quel qu’il soit, un habit, une flèche, une hache, un chaudron, etc., a une âme, et que cet âme suit dans l’autre monde le maître à qui la chose appartenait dans ce monde-ci. On aurait dit sérieusement pour eux ces vers burlesques :

      J’aperçus l’ombre d’un cocher Qui,
      tenant l’ombre d’une brosse,
      En frottait l’ombre d’un carrosse[88].

Le gibet, qui nous inspire tant d’horreur, a passé chez quelques peuples pour une telle marque d’honneur que souvent on ne l’accordait qu’aux grands seigneurs et aux souverains. Les Tibaréniens, les Suédois, les Goths suspendaient les corps à des arbres et les laissaient se défigurer ainsi peu à peu, et servir de jouet aux vents. D’autres emportaient dans leurs maisons ces corps desséchés et les pendaient au plancher comme des pièces de cabinet[89]. Les Groënlandais, habitant le pays du monde le plus froid, ne prennent pas d’autres soins des morts que de les exposer nus à l’air, où ils se gèlent et se durcissent aussitôt comme des pierres ; puis, de peur qu’en les laissant au milieu des champs ils ne soient dévorés par les ours, les parents les enferment dans de grands paniers qu’ils suspendent aux arbres. Les Troglodytes exposaient les corps morts sur une éminence, le derrière tourné vers les assistants ; de sorte qu’excitant, par cette posture, le rire de toute l’assemblée, on se moquait du mort au lieu de le pleurer ; chacun lui jetait des pierres, et quand il en était couvert, on plantait au-dessus une corne de chèvre et on se retirait. Les habitants des îles Baléares dépeçaient le corps en petits morceaux et croyaient honorer infiniment le défunt en l’ensevelissant dans une cruche. Dans certains pays de l’Inde, la femme se brûle sur le bûcher de son mari.

Lorsqu’elle a dit adieu à sa famille, on lui apporte des lettres pour le défunt, des pièces de toile, des bonnets, des souliers, etc. Quand les présents cessent de venir, elle demande jusqu’à trois fois à l’assemblée si l’on n’a plus rien à lui apporter et à lui recommander, ensuite elle fait un paquet de tout et l’on met le feu au bûcher. Dans le royaume de Tonquin, il est d’usage, parmi les personnes riches, de remplir la bouche du mort de pièces d’or et d’argent, pour ses besoins dans l’autre monde. On revêt l’homme de sept de ses meilleurs habits et la femme de neuf robes. Les Galates mettaient dans la main du mort un certificat de bonne conduite.

Chez les Turcs, on loue des pleureuses qui accompagnent le convoi, et on porte des rafraîchissement auprès du tombeau pour régaler les passants, qu’on invite à pleurer et à pousser des cris lamentables. Les Gaulois enterraient avec le corps mort ses armes, ses habits, ses animaux, et même ceux de ses esclaves qu’il avait paru le plus chérir. Quand on découvrit le tombeau de Childéric, père de Clovis, à Tournay, on y trouva des pièces d’or et d’argent, des boucles, des agrafes, des filaments d’habits, la poignée d’une épée, le tout d’or ; la figure en or d’une tête de bœuf, qui était, dit-on, l’idole qu’il adorait ; les os, le mors, un fer et quelques restes du harnais d’un cheval, un globe de cristal dont il se servait pour deviner, une pique, une hache d’armes, un squelette d’homme en entier, une autre tête moins grosse, qui paraissait avoir été celle d’un jeune homme, et apparemment de l’écuyer qu’on avait tué, selon la coutume, pour accompagner et aller servir là-bas son maître. On voit qu’on avait eu soin d’enterrer avec lui ses habits, ses armes, de l’argent, un cheval, un domestique, des tablettes pour écrire, en un mot tout ce qu’on croyait devoir lui être nécessaire dans l’autre monde. Quelquefois même on enterrait avec les grands personnages leur médecin. La belle Austregilde obtint en mourant, du roi Gontran, son mari, qu’il ferait tuer et enterrer avec elle les deux médecins qui l’avaient soignée pendant sa maladie. « Ce sont, je crois, les seuls, dit Saint-Foix, qu’on ait inhumés dans le tombeau des rois ; mais je ne doute pas que plusieurs autres n’aient mérité le même honneur. »

On observait anciennement en France une coutume singulière aux enterrements des nobles : on faisait coucher dans le lit de parade qui se portait aux enterrements un homme armé de pied en cap pour représenter le défunt. On trouva dans les comptes de la maison de Polignac : Donné cinq sous à Blaise, pour avoir fait le chevalier mort, à la sépulture de Jean, fils de Randonnet Armand, vicomte de Polignac.

Quelques peuples de l’Amérique enterraient leurs morts assis et entourés de pain, d’eau, de fruits et d’armes. À Panuco, dans le Mexique, on regardait les médecins comme de petites divinités, à cause qu’ils procuraient la santé, qui est le plus précieux de tous les biens. Quand ils mouraient, on ne les enterrait pas comme les autres ; on les brûlait avec des réjouissances publiques ; les hommes et les femmes dansaient pêle-mêle autour du bûcher. Dès que les os étaient réduits en cendres, chacun tâchait d’en emporter dans sa maison et les buvait ensuite avec du vin, comme un préservatif contre toutes sortes de maux. Quand on brûlait le corps de quelque empereur du Mexique, on égorgeait d’abord sur son bûcher l’esclave qui avait eu soin, pendant sa vie, d’allumer ses lampes, afin qu’il lui allât rendre les mêmes devoirs dans l’autre monde. Ensuite on sacrifiait deux cents esclaves, tant hommes que femmes, et parmi eux quelques nains et quelques bouffons pour son divertissement. Le lendemain, on enfermait les cendres dans une petite grotte voûtée, toute peinte en dedans, et on mettait au-dessus la figure du prince, à qui l’on faisait encore de temps en temps de pareils sacrifices, car le quatrième jour après qu’il avait été brûlé, on lui envoyait quinze esclaves en l’honneur des quatre saisons, afin qu’il les eût toujours belles ; on en sacrifiait cinq le vingtième jour, afin qu’il eût, toute l’éternité, une vigueur pareille à celle de vingt ans ; le soixantième, on en immolait trois autres, afin qu’il ne sentît aucune des principales incommodités de la vieillesse, qui sont la langueur, le froid et l’humidité. Enfin, au bout de l’année, on lui en sacrifiait encore neuf, qui est le nombre le plus propre à exprimer l’éternité, pour lui souhaiter une éternité de plaisir.

Quand les Indiens supposent qu’un de leurs chefs est près de rendre le dernier soupir, les savants de la nation se rassemblent. Le grand prêtre et le médecin apportent et consultent chacun la figure de la divinité, c’est-à-dire de l’esprit bienfaisant de l’air et de celui du feu. Ces figures sont en bois, artistement taillées, et représentent un cheval, un cerf, un castor, un cygne, un poisson, etc. Tout autour sont suspendues des dents de castor, des griffes d’ours et d’aigle. Leurs maîtres se placent avec elles dans un coin écarté de la cabane pour les consulter ; il existe ordinairement entre eux une rivalité de réputation, d’autorité, de crédit ; s’ils ne tombent pas d’accord sur la nature de la maladie, ils frappent violemment ces idoles les unes contre les autres, jusqu’à ce qu’une dent ou une griffe en tombe. Cette perte prouve la défaite de l’idole qui l’a éprouvée et assure par conséquent une obéissance formelle à l’ordonnance de son compétiteur.

Aux funérailles du roi de Méchoacan, le corps était porté par le prince que le défunt avait choisi pour son successeur ; la noblesse et le peuple le suivaient avec de grandes lamentations. Le convoi ne se mettait en marche qu’à minuit, à la lueur des torches. Quand il était arrivé au temple, on faisait quatre fois le tour du bûcher ; après quoi on y déposait le corps et on amenait les officiers destinés à le servir dans l’autre monde ; entre autres, sept jeunes filles, l’une pour serrer ses bijoux, l’autre pour lui présenter sa coupe, la troisième pour lui laver les mains, la quatrième pour lui donner la serviette, la cinquième pour lui faire sa cuisine, la sixième pour mettre son couvert, la septième pour laver son linge. On mettait le feu au bûcher, et toutes ces malheureuses victimes, couronnées de fleurs, étaient assommées à grands coups de massue et jetées dans les flammes.

Chez les sauvages de la Louisiane, après les cérémonies des obsèques, quelque homme notable de la nation, mais qui doit n’être pas de la famille du mort, fait son éloge funèbre. Quand il a fini, les assistants vont tout nus, les uns après les autres, se présenter devant l’orateur, qui leur applique à chacun, d’un bras vigoureux, trois coups d’une lanière large de deux doigts, en disant : « Souvenez-vous que pour être un bon guerrier comme l’était le défunt, il faut savoir souffrir. »

Les protestants luthériens n’ont point de cimetière et enterrent indistinctement les morts dans un champ, dans un bois, dans un jardin. « Parmi nous, dit Simon de Paul, l’un de leurs prédicants, il est fort indifférent d’être enterré dans les cimetières ou dans les lieux où l’on écorche les ânes. — Hélas, disait un vieillard du Palatinat, faudra-t-il donc qu’après avoir vécu avec honneur, j’aille demeurer après ma mort parmi les raves, pour en être éternellement le gardien ? »

Les Circassiens lavent les corps des morts, à moins que le défunt ne soit mort loyalement dans une bataille pour la défense du pays, auquel cas on l’enterre dans son harnais, sans le laver, supposant qu’il sera reçu d’emblée en paradis[90].

Les Japonais témoignent la plus grande tristesse pendant la maladie d’un des leurs, et la plus grande joie à sa mort. Ils s’imaginent que les maladies sont des démons invisibles, et souvent ils présentent requête contre elles dans les temples. Ces mêmes Japonais poussent quelquefois si loin la vengeance, qu’ils ne se contentent pas de faire périr leur ennemi ; mais ils se donnent encore la mort pour aller l’accuser devant leur dieu et le prier d’embrasser leur querelle ; on conte même que des veuves, non contentes d’avoir bien tourmenté leurs maris pendant leur vie, se poignardent pour avoir le plaisir de les faire enrager après leur mort.

Quand un Caraïbe est mort, ses compagnons viennent visiter le corps et lui font mille questions bizarres, accompagnées de reproches sur ce qu’il s’est laissé mourir, comme s’il eût dépendu de lui de vivre plus longtemps : « Tu pouvais faire si bonne chère ! il ne te manquait ni manioc, ni patates, ni ananas ; d’où vient donc que tu es mort ? Tu étais si considéré ! chacun avait de l’estime pour toi, chacun t’honorait, pourquoi donc es-tu mort ?… Tes parents t’accablaient de caresses : ils ne te laissaient manquer de rien ; dis-nous donc pourquoi tu es mort ? Tu étais si nécessaire au pays ! tu t’étais signalé dans tant de combats ! tu nous mettais à couvert des insultes de nus ennemis ; d’où vient donc que tu es mort ? » Ensuite on l’assied dans une fosse ronde ; on l’y laisse pendant dix jours sans l’enterrer ; ses compagnons lui apportent tous les matins à manger et à boire ; mais enfin, voyant qu’il ne veut point revenir à la vie, ni toucher à ces viandes, ils les lui jettent sur la tête, et, comblant la fosse, ils font un grand feu, autour duquel ils dansent avec des hurlements.

Les Turcs en enterrant les morts leur laissent les jambes libres, pour qu’ils puissent se mettre à genoux quand les anges viendront les examiner ; ils croient qu’aussitôt que le mort est dans la fosse, son âme revient dans son corps et que deux anges horribles se présentent à lui et lui demandent : « Quel est ton dieu, ta religion et ton prophète ? » S’il a bien vécu, il répond : « Mon dieu est le vrai Dieu, ma religion est la vraie religion, et mon prophète est Mahomet. » Alors on lui amène une belle figure, qui n’est autre chose que ses bonnes actions, pour le divertir jusqu’au jour du jugement, où il entre en paradis. Mais si le défunt est coupable, il tremble de peur et ne peut répondre juste. Les anges noirs le frappent aussitôt avec une massue de feu et l’enfoncent si rudement dans la terre que tout le sang qu’il a pris de sa nourrice s’écoule par le nez. Là-dessus vient une figure très-vilaine (ses mauvaises actions) qui le tourmente jusqu’au jour du jugement, où il entre en enfer. C’est pour délivrer le mort de ces anges noirs que les parents lui crient sans cesse : « N’ayez pas peur et répondez bravement. » Ils font une autre distinction des bons et des méchants, qui n’est pas moins absurde. Ils disent qu’au jour du jugement Mahomet viendra dans la vallée de Josaphat, pourvoir si Jésus-Christ jugera bien les hommes ; qu’après le jugement il prendra la forme d’un mouton blanc ; que tous les Turcs se cacheront dans sa toison, changés en petite vermine, qu’il se secouera alors, et que tous ceux qui tomberont seront damnés, tandis que tous ceux qui resteront seront sauvés, parce qu’il les mènera en paradis. Des docteurs musulmans exposent encore autrement la chose : Au jugement dernier, Mahomet se trouvera à côté de Dieu, monté sur le Borak et couvert d’un manteau fait des peaux de tous les chameaux qui auront porté à la Mecque le présent que chaque sultan y envoie à son avènement à l’empire. Les âmes des bienheureux musulmans se transformeront en puces, qui s’attacheront aux poils du manteau du prophète, et Mahomet les emportera dans son paradis avec une rapidité prodigieuse ; il ne sera plus question alors que de se bien tenir, car les âmes qui s’échapperont, soit par la rapidité du vol, soit autrement, tomberont dans la mer, où elles nageront éternellement.

Parmi les juifs modernes, aussitôt que Te malade est abandonné des médecins, on fait venir un rabbin, accompagné, pour le moins, de dix personnes. Le juif répare le mal qu’il a pu faire ; puis il change de nom, pour que l’ange de la mort, qui doit le punir, ne le reconnaisse plus ; ensuite il donne sa bénédiction à ses enfants, s’il en a, et reçoit celle de son père, s’il ne l’a pas encore perdu. De ce moment on n’ose plus le laisser seul, de peur que l’ange de la mort, qui est dans sa chambre, ne lui fasse quelque violence. Ce méchant esprit, disent-ils, avec l’épée qu’il a dans sa main, paraît si effroyable que le malade en est tout épouvanté. De cette épée, qu’il tient toujours nue sur lui, découlent trois gouttes d’une liqueur funeste : la première qui tombe lui donne la mort, la seconde le rend pâle et difforme, la dernière le corrompt et le fait devenir puant et infect Aussitôt que le malade expire, les assistants jettent par la fenêtre toute l’eau qui se trouve dans la maison ; ils la croient empoisonnée, parce que l’ange de la mort, après avoir tué le malade, y a trempé son épée pour en ôter le sang. Tous les voisins, dans la même crainte, en font autant. Les juifs racontent que cet ange de la mort était bien plus méchant autrefois ; mais que, par la force du grand nom de Dieu, des rabbins le lièrent un jour et lui crevèrent l’œil gauche ; d’où vient que, ne voyant plus si clair, il ne saurait plus faire tant de mal. Dans leurs cérémonies funèbres, les juifs sont persuadés que, si on omettait une seule des observations et des prières prescrites, l’âme ne saurait être portée par les anges jusqu’au lit de Dieu, pour s’y reposer éternellement ; mais que, tristement obligée d’errer çà et là, elle serait rencontrée par des troupes de démons qui lui feraient souffrir mille peines. Ils disent qu’avant d’entrer en paradis ou en enfer, l’âme revient pour la dernière fois dans le corps et le fait lever sur ses pieds ; qu’alors l’ange de la mort s’approche avec une chaîne, dont la moitié est de fer et l’autre moitié de feu, et lui en donne trois coups : au premier, il disjoint tous les os et les fait tomber confusément à terre ; au second, il les brise et les éparpille, et au dernier, il les réduit en poudre. Les bons anges viennent ensuite et ensevelissent les cendres. Les juifs croient que ceux qui ne sont point enterrés dans la terre promise ne pourront point ressusciter ; mais que toute la grâce que Dieu leur fera, ce sera de leur ouvrir de petites fentes au travers desquelles ils verront le séjour des bienheureux. Cependant le rabbin Juda, pour consoler les vrais israélites, assure que les âmes des justes enterrées loin du pays de Chanaan rouleront par de profondes cavernes, qui leur seront pratiquées sous terre, jusqu’à la montagne des Oliviers, d’où elles entreront en paradis.

En Bretagne, on croit que tous les morts ouvrent la paupière à minuit[91]. Et à Plouerden, près Landernau, si l’œil gauche d’un mort ne se ferme pas, un des plus proches parents est menacé sous peu de cesser d’être[92]. On dit ailleurs que tout le monde voit les démons en mourant, et que la sainte Vierge fut seule exempte de cette vision. Le jour de la Commémoration des trépassés, les Bretons ne balayent pas leurs maisons pour ne pas troubler les morts, qui y reviennent ce jour-là en grandes troupes.

Les Arméniens frottent les morts d’huile, parce qu’ils s’imaginent qu’ils doivent lutter corps à corps avec de mauvais génies. Chez les chrétiens schismatiques de l’archipel Grec, si le corps d’un mort n’est pas bien roide, c’est un signe que le diable y est entré, et on le met en pièces pour empêcher ses fredaines. Les Tonquinois de la secte des lettrés rendent un culte religieux à ceux qui sont morts de faim ; les premiers jours de chaque semaine, ils leurs présentent du riz cuit qu’ils ont été mendier par la ville.

Chez les anciens, celui qui rencontrait un cadavre était obligé de jeter sur lui, par trois fois, de la poussière, sous peine d’immoler à Cérès la victime que l’on nommait porca prœcidanea ; on regardait même comme maudits ceux qui passaient devant un cadavre sans lui rendre ce dernier devoir.

Voici sur les morts des anecdotes d’un autre genre. Méhémet Almédi, roi de Fez, prince ambitieux, rusé, hypocrite, eut une longue guerre à soutenir contre des peuples voisins qui refusaient de se soumettre à lui. Il remporta sur eux quelques victoires ; mais ayant perdu une bataille, où il avait exposé ses troupes avec une fureur aveugle, elles refusèrent de retourner à l’ennemi. Pour les ranimer, il employa un stratagème. Il offrit à un certain nombre de ses officiers, ceux qui lui étaient le plus affectionnés, des récompenses considérables, s’ils voulaient se laisser enfermer quelques heures dans des tombeaux, comme s’ils fussent morts à la bataille. — J’ai fait pratiquer à ces tombeaux, leur dit-il, des ouvertures par lesquelles vous pourrez respirer et vous faire entendre ; car je disposerai les esprits, et, quand l’armée passera, je vous interrogerai ; vous répondrez que vous avez trouvé ce que je vous avais promis, c’est-à-dire une félicité entière et parfaite, récompense de votre dévouement, bonheur réservé à tous ceux qui combattront avec vaillance. Le tout s’exécuta comme l’avait proposé Méhémet Almédi. Il cacha parmi les morts ses plus fidèles serviteurs, les couvrit de terre, leur laissant un petit soupirail pour respirer et se faire entendre. Ensuite il rentra au camp, et faisant assembler les principaux chefs au milieu de la nuit : — Vous êtes, leur dit-il, les soldats de Dieu, les défenseurs de la loi et les protecteurs de la vérité. Disposez-vous à exterminer nos ennemis, qui sont aussi ceux du Très-Haut ; comptez que vous ne retrouverez jamais une occasion aussi certaine de lui plaire. Mais comme il pourrait se trouver parmi vous des cœurs pusillanimes qui ne s’en rapporteraient pas à mes paroles, je veux les convaincre par un grand prodige. Allez au champ de bataille ; interrogez ceux de nos frères qui ont été tués aujourd’hui ; ils vous assureront qu’ils jouissent du plus parfait bonheur, pour avoir perdu la vie dans la guerre sainte. Il conduisit alors ses guerriers sur le champ de bataille, où il cria de toute sa force : — Assemblée des fidèles martyrs, faites-nous savoir ce que vous avez vu des merveilles du Dieu Très-Haut. Les compères enfouis répondirent : — Nous avons reçu du Tout-Puissant des récompenses infinies et qui ne peuvent être comprises par des vivants. Les chefs, surpris du prodige de cette réponse, coururent la publier dans l’armée et réveillèrent le courage dans le cœur de tous les soldats. Pendant que le camp s’agitait, le roi, feignant une extase occasionnée par le miracle qui venait d’avoir lieu, était demeuré près des tombeaux où ses serviteurs ensevelis attendaient leur délivrance. Mais il boucha les soupiraux par lesquels ils respiraient et les envoya recueillir, par ce barbare stratagème, les récompenses qu’il venait d’annoncer à leurs frères.

Disons un mot de la peur que tous les hommes ont pour les morts. Trois mauvais sujets de musiciens, au retour d’une partie de débauche, passaient devant un cimetière ; ils y entrent ; après s’être permis, pour s’encourager, de mauvaises plaisanteries sur les morts qui habitaient là, une idée folle leur vint. Ils portaient avec eux leurs instruments de musique. Ils trouvent original de donner un concert à un tas d’ossements rassemblés en faisceau dans l’une des extrémités de ce champ du repos. Ils n’ont pas plutôt commencé leur affreuse sérénade, qu’un cri part du fond de l’ossuaire ; tous les ossements qui le composent se meuvent, s’agitent, s’entrechoquent avec bruit, semblent se réunir et se ranimer pour punir les audacieux qui bravent ainsi l’empire de la mort. Les concertants sont tellement effrayés que deux d’entre eux tombent morts à l’instant, et l’autre, à demi écrasé, reste longtemps sans connaissance. En reprenant ses sens il demeura si vivement frappé qu’il se fit ermite. — Voici le secret de l’aventure. Un pauvre mendiant, qui n’avait pas d’asile, s’était réfugié derrière le monceau d’ossements, pour y passer la nuit ; cette musique inattendue Lui avait fait une telle frayeur, en le réveillant en sursaut, qu’il s’était enfui et qu’en se sauvant il avait fait crouler la pyramide fatale.

Voy. Nécromancie, Vampires, Revenants, etc.

Mortemart. Un seigneur de cette famille célèbre perdit sa femme qu’il chérissait. Tandis qu’il se livrait à son désespoir, le diable lui apparut et lui offrit de ranimer la défunte s’il voulaitse donner à lui. Le mari, dit-on, y consentit ; la femme revécut. Mais un jour qu’on prononça devant elle le nom de Jésus, elle retomba morte, et ce fut tout de bon.

Most-Mastite. Voy. Mariage.

Motelu, démon que l’on trouve cité dans le procès intenté à Denise de Lacaille.

Motogon, le dieu créateur en Australie. « Les Australiens disent que le Motogon, qu’ils croient un hommè très-fort, très-grand, très-sage, de leur couleur et de leur pays, quand il créa le soleil, la terre, les arbres, le kangarou, etc., usa de cette parole : « Terre, parais dehors ! » ) et il souffla, et la terre fut créée. « Eau, parais dehors ! » il souffla, et l’eau fut créée. Ainsi de tous les autres êtres. C’est une tradition assurément de la formule de la Genèse[93]. » Chez ces peuples, le démon se nomme Cienga.

Mouche. Le diable apparaît quelquefois en forme de mouche ou de papillon. On le vit sortir sous cette forme de la bouche d’un démoniaque de Laon[94]. Les démonomanes appellent Belzébuth seigneur des mouches ; les habitants de Ceylan appellent le diable Achov, qui signifie en leur langue dieu des mouches ou chasse-mouches ; ils lui offrent des sacrifices pour être délivrés de ces insectes, qui causent quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses ; ils disent qu’elles meurent aussitôt qu’on a sacrifié à Achor[95]. M. Éméric David, à propos de Jupiter, dit que les ailes de mouches qui, dans quelques monuments, forment (à ce qu’on prétend) la barbe de Jupiter, sont un hommage au feu générateur,

les mouches étant produites par la canicule

Voy. Granson, Myagorus, etc.

Moult (Thomas-Joseph), astrologue napolitain, inférieur à Matthieu Laensberg ; il a laissé des prédictions populaires.

Mouni, esprits que reconnaissent les Indiens, quoique aucun de leurs livres sacrés n’en fasse mention ; ils leur attribuent les qualités que les Européens accordent aux esprits follets. Ces esprits n’ont point de corps, mais ils prennent la forme qui leur plaît, ils rôdent la nuit pour faire mal aux hommes, tâchent de conduire les voyageurs égarés dans des précipices, des puits ou des rivières, se transformant en lumière et cachant le péril où ils les entraînent. C’est pour se les rendre propices que les Indiens élèvent en leur honneur de grossières statues colossales, auxquelles ils vont adresser des prières.

Mouton. Le diable s’est montré plusieurs fois


sous la forme d’un mouton. Le sorcier Aupelit, qui fut condamné à être brûlé vif, avoua qu’il s’était présenté à lui sous la figure d’un mouton plus noir que blanc, et qu’il lui avait dit que toutes les fois qu’il verrait dans les nuages un mouton, ce serait le signal du sabbat[96]. Quand vous rencontrez dans un voyage des moutons qui viennent à vous, c’est un signe que vous serez bien reçu ; s’ils fuient devant vous, ils présagent un triste accueil. Voy. Morts.

Mouzouko, nom que les habitants du Monomotapa donnent au diable, qu’ils représentent comme fort méchant[97]. Il n’est bon nulle part.

Mozart. Tout le monde sait les circonstances singulières de la mort de ce célèbre compositeur. Un inconnu vint lui demander, à haut prix, une messe de Requiem pour un grand personnage qu’il ne voulut pas lui nommer. Le mystère dont s’entourait cet inconnu, sa figure peut-être, l’impossibilité de découvrir qui il était, troublèrent l’esprit de Mozart. Il traîna assez longtemps le travail promis, se figurant que ce serait sa dernière œuvre. Il mourut après l’avoir terminé.

Mozart.

Saliéri, son rival, qu’il ne connaissait pas, avoua, en mourant à son tour, que c’était lui qui avait jouéie personnage de l’inconnu ; et il s’accusa ainsi de la mort de Mozart, dont il était envieux.

Mugeta d’Essen, sorcière lorraine qui fut condamnée au bûcher. Avant d’y monter, elle déclara que l’esprit impur défend à ses adhérents de se laver le matin et qu’il a la propreté en horreur. En conséquence, elle conseilla à son mari, s’il voulait faire reculer les démons, de se laver tous les matins les mains et la figure et de se recommander à Dieu dès son réveil[98].

Muhazimim, nom que les Africains donnent à leurs possédés. Ils font des cercles, impriment des caractères sur le front de ces muhazimim, et le diable qui les possède déloge aussitôt[99].

Mulet. C’est sous cette forme que se montre le lutin Odet.

Muller (Jean), astronome et astrologue, plus connu sous le nom de Regiomontanus, né en 1436, en Franconie, mort à Rome en 1476. Il paraît qu’il prophétisait aussi, puisqu’on dit qu’il annonça la fin du monde en même temps que Sto filer. Ces deux hommes firent tant de bruit que les esprits faibles crurent que le monde finirait infailliblement en 1588. On dit qu’il construisit deux automates merveilleux : 1° un aigle qui volait et qui alla au-devant de l’Empereur, lors de son entrée à Ratisbonne ; 2° une mouche de fer, qui faisait le tour d’une table en bourdonnant à l’oreille de chaque convive, et revenait se poser sur sa main. Ses contemporains voyaient dans ces deux objets, dont on exagère la perfection, des œuvres de magie.

Mullin, démon d’un ordre inférieur, premier valet de chambre de Belzébuth. Il y a aussi dans quelques procès de sorciers un certain maître Jean Mullin, qui est le lieutenant du grand maître des sabbats.

Mummol. En 578, Frédégonde perdit un de ses fils, qui mourut de la dyssenterie. On accusa le général Mummol, qu’elle haïssait, de l’avoir fait périr par des charmes et des maléfices. Il avait eu l’imprudence de dire à quelques personnes qu’il connaissait une herbe d’une efficacité absolue contre la dyssenterie[100]. Il n’en fallut pas davantage pour qu’il fût soupçonné d’être sorcier. La reine fit arrêter plusieurs femmes de Paris, qui confessèrent qu’elles étaient sorcières, qu’elles avaient tué plusieurs personnes, que Mummol devait périr, et que le prince avait été sacrifié pour sauver Mummol. De ces sorcières, qui étaient coupables de meurtres, les unes furent brûlées, d’autres noyées ; quelques-unes expirèrent sur la roue. Après ces exécutions, Frédégonde partit pour Compiègne et accusa Mummol auprès du roi[101]. Ce prince le fit venir ; on lui lia les mains derrière le dos ; on lui demanda quel maléfice il avait employé pour tuer le prince ; il ne voulut rien avouer de ce qu’avaient déposé les sorcières ; mais il convint qu’il avait souvent charmé des onguents et des breuvages, pour gagner la faveur du roi et de la reine. Quand il fut retiré de la torture, il appela un sergent et lui commanda d’aller dire au roi qu’il n’avait éprouvé aucun mal. Chilpéric, entendant ce rapport, s’écria : « Il faut vraiment qu’il soit sorcier pour n’avoir pas souffert de la question !… » En même temps il fit reprendre Mummol ; on l’appliqua de nouveau à la torture ; mais quand on se préparait à lui trancher la tête, la reine lui fit grâce de la vie, se contentant de prendre ses biens. On le plaça sur une charrette attelée pour le conduire à Bordeaux, où il était né ; il ne devait point y mourir, tout son sang se perdit pendant la route, et il expira d’épuisement. On brûla tout ce qui avait appartenu au jeune prince, autant à cause des tristes souvenirs qui s’y attachaient, que pour anéantir tout ce qui portait avec soi l’idée du sortilège[102].

Muncer (Thomas),


Muncer (Thomas).


d’abord disciple de Luther, puis son rival. Il se donna comme inspiré de l’Esprit-Saintpour renverser tous les trônes et rendre tous les hommes égaux. Il pratiquait la prophétie, racontait ses visions ; et il charma si bien les masses qu’il rassembla une armée de quarante mille hommes. Comme il saccageait non-seulement les églises et les objets sacrés, mais les châteaux des princes, ceux-ci s’armèrent contre lui. Il marcha à la bataille en annonçant que l’esprit qui l’inspirait lui assurait pleine victoire et qu’il recevrait dans sa manche tous les boulets qu’on allait lancer contre ses fidèles. Mais il s’en tint si loin qu’il n’en put recevoir aucun. Cependant on lui tua sept mille hommes et on dispersa ses bandes. Lui-même, pris à Mulhouse, monta sur l’échafaud en 1525 et alla rejoindre l’esprit qui le possédait.

Munnings, vieille Anglaise qu’on amena aux juges, comme sorcière^ en 1694. Un témoin jura que, sortant du cabaret vers neuf heures du soir, et regardant chez elle par sa fenêtre, il l’avait vue tirer de son panier deux petits démons, l’un blanc et l’autre noir. La pauvre femme eut beau protester que le démon blanc était un fuseau de laine blanche qu’elle allait filer, et que le démon noir n’en était que l’ombre, elle n’en fut pas moins pendue. C’était la justice laïque. L’Église romaine, qui n’envoyait les vrais sorciers ni à la potence ni au feu, et qui se contentait de les exorciser avec l’eau bénite et la prière, n’a jamais vu ces barbaries qu’avec horreur.

Munster. « Si l’on en croit le témoignage de quelques contemporains, des signes précurseurs avaient annoncé les calamités qui frappèrent Munster (de 1531 à 1535, sous la domination des anabaptistes). Dès 1517, la veille des ides de janvier, on vit trois soleils à la fois, que perçaient d’outre en outre des glaives lumineux. Quelques jours après, trois lunes ; on ne dit pas qu’elles aient été traitées aussi cruellement que les soleils. Mais les étoiles ne furent point épargnées. De petites épées qu’on apercevait çà et là dans les nues semblaient les poignarder :In nubïbus sparsim gladioli, quasi stellas transfigentes. N’oublions point un bras qui ne tenait à rien, étendu vers le nord et armé d’un sabre nu, ni des éclipses de soleil et de lune, ni une comète, ni des feux errants pendant la nuit. Ajoutons à ces prodiges des enfantements monstrueux. En plein jour, un homme céleste traversa les airs ; il avait une couronne d’or sur la tête, un glaive dans une main, une verge dans l’autre. Mais qu’était-ce, en comparaison d’un spectre hideux, vu pareillement en l’air, tenant dans ses mains décharnées des entrailles palpitantes, qu’il comprimait si réellement, que le sang en dégoutta sur le toit de plusieurs maisons ?

« L’auteur que je suis est trop sage pour garantir ces tristes merveilles, et je me borne comme lui à les donner pour ce qu’elles valent. Il en est une cependant qui mérite plus d’attention, parce que l’historien assure qu’il en fut témoin, prœsente me, dit-il. La fille d’un tailleur, nommé Tomberg, âgée de quinze à seize ans, timide et parlant difficilement, fut tout à coup saisie d’un enthousiasme terrible, parla trois heures de suite avec une sorte de fureur, annonçant à la ville les malheurs dont elle était menacée. Sa prédiction finie, elle tomba morte. Ce trait ressemble assez au juif du siège de Jérusalem[103]. » Voy. Jean de Leyde.

Muraille du diable. C’est cette fameuse muraille qui séparait autrefois l’Angleterre de l’Ecosse, et dont il subsiste encore diverses parties que le temps n’a pas trop altérées. La force du ciment et la dureté des pierres ont persuadé aux habitants des lieux voisins qu’elle a été faite de la main du diable ; et les plus superstitieux ont grand soin d’en recueillir jusqu’aux moindres débris, qu’ils mêlent dans les fondements de leurs maisons, pour leur communiquer la même solidité. Elle a été bâtie par l’empereur Adrien. Un jardinier écossais, ouvrant la terre dans son jardin, trouva une pierre d’une grosseur considérable, sur laquelle on lisait, en caractères du pays, qu’elle était là pour la sûreté des murs du château et du jardin, et qu’elle y avait été apportée de la grande muraille dont elle avait fait autrefois partie ; mais qu’il serait aussi dangereux de la remuer qu’il y aurait d’avantage à la laisser à sa place. Le seigneur de la maison, moins crédule que ses ancêtres, voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour l’exposer à la vue, comme un ancien monument. On entreprit de la faire sortir de terre à force de machines, et on en vint à bout, comme on l’aurait fait d’une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou, pendant que la curiosité y fit descendre le jardinier, plusieurs domestiques, les deux fils du gentilhomme, qui s’amusèrent quelques moments à creuser encore le fond. La pierre fatale, qu’on avait négligé apparemment de placer dans un juste équilibre, prit ce temps pour retomber au fond du trou, et écrasa tous ceux qui s’y trouvaient. Ce n’était là que le prélude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune épouse de l’aîné des deux frères apprit ce qui venait d’arriver. Elle courut au jardin ; elle y arriva dans le temps que les ouvriers s’empressaient de lever la pierre, avec quelque espérance de trouver un reste de vie aux infortunés qu’elle couvrait. Ils l’avaient levée à demi, et l’on s’aperçut en effet qu’ils respiraient encore, lorsque l’imprudente épouse, perdant tout soin d’elle-même, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers, saisis de son action, lâchèrent malheureusement les machines qui soutenaient la pierre et l’ensevelirent ainsi avec les autres. Cet accident confirma plus que jamais la superstitieuse opinion des Écossais :on ne manqua pas de l’attribuer à quelque pouvoir établi pour la conservation du mur d’Écosse et de toutes les pierres qui en sont détachées.

Murmur, grand-duc et comte de l’empire infernal, démon de la musique. Il paraît sous la forme d’un soldat monté sur un vautour et accompagné d’une multitude de trompettes ; sa tête est ceinte d’une couronne ducale ; il marche précédé du bruit des clairons. Il est de l’ordre des Anges et de celui des Trônes[104].

Murzanti. Une jeune Italienne de Poncini était possédée d’un esprit qui se donnait pour l’âme d’un homme appelé Murzanti, lequel avait été assassiné dans une partie de jeu. L’esprit, interpellé, déclara qu’il quitterait le corps de cette jeune fille lorsqu’on aurait fait dire des prières et des messes pour le repos de son âme. On le fit, et la possédée fut guérie.

Muschat. En Écosse, près d’Edimbourg et des rochers de Salisbury, on remarque une élévation appelée « la butte de Muschat, » ainsi nommée parce que là même un scélérat nommé Muschat coupa la gorge à sa femme. Les témoins indignés le lapidèrent sur le lieu même où il venait de commettre son crime ; et la butte s’est formée, dit-on, de l’immense quantité de pierres amoncelées sur l’assassin et sa victime. Or, on prétend dans la contrée que Muschat et sa femme sont toujours là-dessous, que la femme a recousu son gosier et qu’ils se querellent encore.

Musique céleste. Entre plusieurs découvertes surprenantes que fit Pythagore, on admire surtout cette musique céleste que lui seul entendait. Il trouvait les sept tons de la musique dans la distance qui est entre les planètes :de la terre à la lune, un ton ; de la lune à Mercure, un demiton ; de Mercure à Vénus, un demi-ton ; de Vénus au soleil, un ton et demi ; du soleil à Mars, un ton ; de Mars à Jupiter, un demi-ton ; de Jupiter à Saturne, un demi-ton, et de Saturne au zodiaque, un ton et demi. C’est à cette musique des corps célestes qu’est attachée l’harmonie de toutes les parties qui composent l’univers. Nous autres, dit Léon l’Hébreu, nous ne pouvons entendre cette musique, parce que nous en sommes trop éloignés, ou bien parce que l’habitude continuelle de l’entendre fait que nous ne nous en apercevons point, comme ceux qui habitent près de la mer ne s’aperçoivent plus du bruit des vagues, parce qu’ils y sont accoutumés.

Muspelheim. Les Scandinaves nomment ainsi un monde lumineux, ardent, inhabitable aux étrangers. Surtur le Noir y tient son empire ; dans ses mains brille une épée flamboyante. Il viendra à la fin du monde, vaincra tous les dieux et livrera l’univers aux flammes.

Musucca, nom du diable chez quelques peuples de l’Afrique. Ils en ont une très-grande peur et le regardent comme l’ennemi du genre humain ; mais ils ne lui rendent aucun hommage. C’est le même que Mouzouko.

Mutisme. Souvent les possédés sont privés passagèrement ou longtemps de l’usage de la parole ; dans le cas surtout où réside en eux l’esprit qu’on appelle le démon muet. On exorcisa à Laon, en 1566, une femme par la bouche de laquelle le démon parlait, tandis que la langue de la possédée était retirée dans sa gorge.


Mycale.
Mycale, magicienne qui faisait descendre la lune par la force de ses charmes. Elle fut mère de deux célèbres Lapithes, Brotéas et Orion.

Myagorus, génie imaginaire auquel on attribuait la vertu de chasser les mouches pendant les sacrifices. Les Arcadiens avaient des jours d’assemblée, et commençaient par invoquer ce dieu et le prier de les préserver des mouches. Les Éléens encensaient avec constance les autels de Myagorus, persuadés qu’autrement des essaims de grosses mouches viendraient infester leur pays sur la fin de l’été et semer la peste. Voy. Achor, Belzébuth.


Myoam, génie invoqué par les basilidiens.

Myomancie, divination par les rats ou les souris ; on tirait des présages malheureux ou de leur cri, ou de leur voracité. Elien raconte que le cri aigu d’une souris suffit à Fabius Maximus


pour l’engager à se démettre de la dictature ; et, selon Varron, Cassius Flaminius, sur un pareil présage, quitta la charge de général de cavalerie. Plutarque dit qu’on augura mal de la dernière campagne de Marcellus, parce que des rats avaient rongé quelques dorures du temple de Jupiter. Un Romain vint un jour, fort effrayé, consulter Caton, parce que les rats avaient rongé un de ses souliers. Caton lui répondit que c’eût été un tout autre prodige si le soulier avait rongé un rat.

Myricæus, surnom donné à Apollon, comme présidant à la divination par les tiges de bruyère, à laquelle on donnait l’épithète de prophétique, On lui mettait alors à la main une tige de cette plante

Mystères. Nonnus dit que chez les Romains il fallait passer par quatre-vingts épreuves différentes pour être initié dans les mystères de Mithras ou du Soleil. D’abord on faisait baigner le candidat, puis on l’obligeait à se jeter dans le feu ; ensuite on le reléguait dans un désert, où il était soumis à un jeûne rigoureux de cinquante jours ; après quoi on le fustigeait durant deux jours ; on le mettait vingt autres jours dans la neige. Ce n’était qu’après ces épreuves, sur l’observation rigoureuse desquelles veillait un prêtre, et dans lesquelles le récipiendiaire succombait souvent, qu’on était admis aux mystères. Il y avait d’autres cérémonies très-bizarres aux mystères d’Éleusis, de Trophonius, de la grande déesse, etc.

Mythologie. Contentons-nous de citer ici quelques fragments de Benjamin Binet dans son Traité des dieux et des démons du paganisme :

« Si l’on fixait la théologie païenne à ce que les poètes nous en débitent, et à ce que le vulgaire a cru, il y aurait d’abord de quoi s’étonner en voyant comment l’homme, qui a conservé quelques linéaments de l’image de Dieu et qui en a une idée naturelle, s’est abandonné à des superstitions si absurdes. Les païens, qui n’avaient point d’autre guide que la mèche fumante de leur raison, sont tombés dans une espèce de délire en faisant autant de monstres de dieux qu’il y avait de créatures. Il est juste, avant d’examiner la croyance des philosophes, de vous décrire succinctement combien la croyance du vulgaire était grossière.

» Leurs dieux les plus vénérés, tels que les poètes nous les dépeignent, étaient plus propres à faire rire qu’à exciter la dévotion. Ils en avaient de ronds, de carrés, de triangulaires, d’informes, de boiteux, de borgnes, d’aveugles. Combien d’extravagances ne leur attribuait-on pas ! Les poètes nous parlent d’une manière bouffonne des amours d’un Anubis impudique et de la Lune ; ils nous apprennent que Diane avait été fouettée ; nous y lisons la précaution pieuse d’un Jupiter qui, étant sur le point de mourir, fit son testament ; nous y voyons les dieux en guerre au siège de Troie, l’attentat des Titans contre Jupiter, la terreur qu’ils donnèrent à tous les dieux, terreur qui leur fit quitter leur domicile et interrompre leurs fonctions pour aller se cacher en Égypte, et s’y métamorphoser en crocodiles et en oignons. Ils nous dépeignent la faim pressante des trois Hercules, les accents lugubres du Soleil déplorant le malheur de son fils foudroyé par Jupiter, les soupirs d’une Cybèle lascive qui se plaint de l’indifférence d’un berger insensible à ses flammes. Hercule vidait du fumier. Apollon était bouvier ; Neptune se loua à Laomédon pour bâtir les murs de Troie, et fut en cela d’autant plus malheureux qu’il n’en fut pas payé. Jupiter, le plus grand des dieux, prenait d’étranges formes pour séduire et ravir les femmes : il se changeait tantôt en pluie d’or, tantôt en cygne, tantôt en taureau.

» Pour ce qui est des fonctions des dieux, Arnobe reproche aux païens qu’ils en avaient dont les uns étaient drapiers, les autres matelots, ménétriers, gardes du bétail ; que l’un était musicien, l’autre servait de sage-femme, l’autre savait l’art de deviner, l’un était médecin, l’autre présidait à l’éloquence, l’un se mêlait des armes, l’autre était forgeron. » Enfin, saint Augustin, parlant des charges que les païens attribuaient à leurs dieux, conclut que « cela sent plutôt la bouffonnerie de théâtre que la majesté de Dieu (De Civit. Dei, lib. III, cap. v ».)

« Mais afin de vous montrer combien la théologie des païens était grossière, il faut vous en donner un petit abrégé plus exact. Évhémérus de Messine, qui a recueilli l’histoire de Jupiter et des autres dieux avec leurs titres, leurs épitaphes et leurs inscriptions, trouvées dans les temples les plus anciens, et particulièrement dans celui de Jupiter Triphilin, qui possédait une colonne où Jupiter avait lui-même gravé ses actions ; cet Évhémérus dit en substance que Saturne prit Ops pour femme ; que Titan, qui était l’aîné de ses enfants, voulut régner : mais que Vesta, leur mère, et Céres et Ops, leurs sœurs, conseillèrent à Saturne de ne point céder l’empire. Ce que voyant, Titan, qui se sentait le plus faible, s’accorda avec Saturne, à condition que, s’il engendrait des enfants mâles, il ne les élèverait point, afin que l’empire revînt à ses enfants : ainsi ils tuèrent le premier fils qui naquit à Saturne ; qu’ensuite naquirent Jupiter et Junon, dont ils ne montrèrent que Junon, et donnèrent Jupiter à Vesta pour le nourrir en cachette ; qu’après vint Neptune, que l’on cacha aussi, et enfin Pluton et Glauca ; que l’on montra Glauca, qui mourut bientôt après, et que Pluton fut nourri, comme Jupiter, en cachette. Or, cela étant parvenu aux oreilles de Titan, il assembla ses enfants, et mit Saturne et Ops au cachot. Mais Jupiter, étant devenu grand, combattit contre les Titans, les vainquit, et mit son père et sa mère hors de prison. Cependant, ayant découvert que son père, qu’il avait rétabli, était jaloux de lui et attentait à sa vie, il s’empara de l’État et le relégua en Italie. (Lactant., lib. I, cap. xiv.)

» Les païens distinguaient leurs dieux en divers ordres ; les uns étaient majores ou communes, comme Virgile les appelle (Æneid., lib. xii), parce qu’ils étaient reconnus et servis pour tels par toutes les nations sujettes à l’empire romain. On les nommait aussi œviterni. Ces grands dieux composaient une espèce de cour souveraine et étaient au nombre de douze, compris en ces deux vers d’Ennius : "

      Juno, Vesta, Minerva, Ceres, Diana, Venus, Mars,
      Mercurius, Jupiter, Neptunus, Vulcanus, Apollo.

» Les autres dieux passaient pour des divinités moyennes, célestes, terrestres, aquatiques et infernales, auxquelles on confiait le gouvernement de certaines parties de l’univers. Il y en avait d’autres que l’on ne reconnaissait que pour des dieux nouveaux qui avaient été ou engendrés des hommes et des dieux, ou déifiés par l’apothéose, à cause des bienfaits que l’on en avait reçus. Ces dieux s’appelaient indigetes, semidei. Tels étaient Hercule, Castor, Pollux, Esculape, et tous ceux que leurs mérites avaient élevés au ciel. Sur quoi Cicéron dit agréablement que le ciel est peuplé du genre humain. Il y en avait encore d’autres que l’on ne considérait que comme des dieux ou barbares et étrangers, ou incertains et inconnus, que l’on invoquait d’une manière douteuse, si tu es dieu, si tu es déesse, ou en général, sans les nommer, comme fait le bouffon comique de Plaute : Fassent, dit-il, tous les dieux grands ou petits, et les dieux des pots (Plaut., Cist., act. ii), etc. Ce sont ces divinités qu’Ovide appelle la populace des dieux, les Faunes, les Satyres, les Lares, les Nymphes.

» De tous ces dieux, il y en avait de bons et de mauvais, auxquels on sacrifiait afin qu’ils ne fissent point de mal (Aul. Gell., lib. v). Ces divinités hautes, moyennes et basses, n’étaient pas toutes également vénérées : on rendait à celles du premier ordre un culte suprême et universel, à celles du second un service subalterne. Que l’on adore, dit Cicéron, les dieux et ceux qui ont toujours été estimés célestes, et ceux que leurs mérites ont élevés au ciel (De leg., lib. ii). Mais pour les dieux inférieurs, étrangers, incertains et particuliers, on ne leur déférait qu’un honneur arbitraire, ou proportionné à leur faible pouvoir, qui ne s’étendait que sur certaines parties du monde, dont on leur avait donné le gouvernement.

» Je ne dirai rien de cette multitude de divinités païennes dont le nom seul est ridicule : tels étaient les dieux Vagitonus, Robigus, Picus, Tiberinus, Pilumnus, Consus ; telles étaient les déesses Cloacina, Educa, Potina, Volupia, Febris, Fessonia, Flora, etc. Je ne vous en rapporterai point mille histoires absurdes pour vous prouver que ce que l’on contait des dieux ne venait que des fictions des poètes, que le peuple, naturellement superstitieux, avait adoptées comme conformes à ses préjugés. »


  1. Cité, à propos de la seconde vue, dans le t. III de la Mystique de Görres.
  2. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 448.
  3. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. II, p. 474.
  4. « Je ne sais si je dois vous dire que l’on compte d’ordinaire six espèces principales de magie : la nécromancie, la pyromancie, l’aéromancie, l’hydromancie, la géomancie et la chiromancie. Mais peut-être ne serez-vous pas fâché que j’observe que ces diverses espèces de divination étaient bien sacrées en substance, quand les lois les autorisaient comme autant de mystères, mais qu’elles étaient abominables lorsque d’autres que le collège des prêtres s’en mêlaient ; parce que l’on s’imaginait qu’il n’y avait que les prêtres qui eussent le droit, en vertu des lois, de consulter les bons démons ; et que, par conséquent, les magiciens, qui n’étaient que des personnes particulières sans vocation, n’agissaient que par illusion, ou tout au plus par le commerce des mauvais démons, qui ne demandaient pas mieux que de donner par leur ministère des marques de leur malignité.

     » C’est pourquoi les païens, qui avaient en horreur le seul nom de magie, donnèrent à leurs mystères celui de divination, et afin d’y mettre une différence plus réelle, ils en changèrent, autant qu’ils le purent, les divers sujets, et en augmentèrent les espèces. »

    (Binet, Traité historique des dieux et des démons du paganisme, lettre troisième.)
  5. Voyez cette curieuse tradition dans les Légendes des Commandements de Dieu.
  6. Le sifflet magique, traduit de l’allemand en français, par J. B. J. Champagnac. 1 vol. in-12.
  7. Wierus, De prœst., lib. ii, cap. vii.
  8. La magie au dix-neuvième siècle, ses agents, ses vérités, ses mensonges, par le chevalier Gougenot des Mousseaux, etc. Beau vol. in-8o, Henri Pion, éditeur, 1861.}}
  9. Cet écrivain, se trompant comme tant d’autres, cite Galilée. Voyez Galilée.
  10. M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 162.
  11. Delanere, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. I, p. 22.
  12. Hexameron de Torquemada, quatrième journée.
  13. Des erreurs et des préjugés, etc., t. II, p. 49 et suivantes.
  14. Le solide trésor du Petit Albert.
  15. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. IV, p. 303.
  16. Salgues, Des erreurs et des préjugés.
  17. Le Petit Albert.
  18. Tableau de l’inconstance des démons, sorciers et magiciens, liv. IV, p. 284.
  19. Le Petit Albert, p. 156.
  20. M. l’abbé Blampignon, dans la remarquable vie de Malebranche, qu’il a mise en avant de sa précieuse étude sur ce grand homme, n’a pas cité ce fait.
  21. Bodin, Démonomanie, liv. IV.
  22. Delrio, Disquisitions magiques.
  23. Delancre, De l’inconstance, etc.
  24. Bodin, Démonomanie.
  25. Rapporté par Pierre Delancre.
  26. Cœsarii Heisterb. miracul., lib. V, cap. liii.
  27. Cassiani collat. VII, cap. xxxii.
  28. Guillelmi Parisiensis partis II princip., cap. viii.
  29. Plin., lib. XVI, epist. xxvii.
  30. Voyez cette aventure résumée dans les Légendes des esprits et démons.
  31. M. Ferdinand Denis. Le monde enchante.
  32. Histoire des spectres, etc.
  33. Magnus veniet, et transibit montes et aquas cœli, regnabit in paupertate et in silentio dominabitur, nasceturque ex utero virginis.
  34. Voyez la légende de Sylvain Mareschal dans les Légendes de l’autre monde.
  35. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon.
  36. Les voici. En jetant l’eau sur le marc :Aqua boraxit venias carajos; en remuant le marc avec la cuiller :Fixatur et patrîcam explinabit tornare; en répandant le marc sur l’assiette :Hax verlicaline, pax fantas marobum, max destinatus, veida porol. Ces paroles ne signifiant rien, ne s’adressant à personne, pourraient bien être sans utilité.
  37. Wierus, in Pseudomonarchia dæmon.
  38. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, p. 270.
  39. Voyez cette légende dans les Légendes des vertus théologales.
  40. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnov, t. I, p. 156.
  41. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., tiv. II, p. 416.
  42. Les Russes supposent au nombre trois une vertu particulière. Bog tionbit troitzon est un dicton populaire qui signifie : Dieu aime le nombre trois.
  43. M. Chopin, De l’état actuel de la Russie, ou coup d’œil sur Saint-Pétersbourg, p. 82.
  44. M. Garinet, Histoire de la magie en France.
  45. Il tenait sa belle-mère enfermée dans un cachot ignoré de tous, connu de lui seul ; il s’obstina en mourant à ne pas révéler son affreux secret…
  46. M. François Hugo nous a fait connaître le poëme de Marlowe, dans la Revue française, mai 4858.
  47. Tableau de l’inconstance des démons, p. 403.
  48. Wierus, in Pseudomonarchia daemon.
  49. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 446.
  50. Bergier, Dictionnaire théologique.
  51. De masticatione mortuorum in tumulis.
  52. Histoire de l’ordre du Saint-Esprit, promotion de 1579.
  53. Voyez sa légende dans les Légendes du calendrier.
  54. M. Marmier, Traditions de la Baltique.
  55. Voyez sa légende dans les Légendes des esprits et démons.
  56. Bergier, Dictionnaire théologique.
  57. Libri très de resurrectione mortuorum. Amsterdam, 4 636, in-8o. Typis sumptibus auctoris.
  58. Spes Israelis, Amsterdam, 4650, in-42.
  59. En hébreu. Amsterdam, 5442 (4652), in-4o.
  60. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, ou la France au quatorzième siècle, t. Ier.
  61. Leloyer, Histoire des spectres et des apparitions des esprits, liv. IV, p. 340.
  62. MM. Desaur et de Saint-Geniès, les Aventures de Faust, t. Ier.
  63. Albert le Grand, Admirables secrets, p. 445.
  64. M. le vicomte de la Villemarqué vient de publier sur ce personnage un livre très-remarquable et très-curieux, intitulé Myrdhinn, ou l’enchanteur Merlin, son histoire, ses œuvres, son influence. In-8°. Paris, 1862. Nous ne devions donner ici que les traditions populaires.
  65. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., p. 506.
  66. Voyez, sur le Messie des Juifs, les Légendes de l’Ancien Testament, à la fin.
  67. Gualbert, Vie de Charles le Bon’, ch. xviii, dans la collection des bollandistes, 2 mars.
  68. P. Nicolle, sous le nom de Damvilliers, Lettres des visionnaires ; Baillet, Jugements des savants, Préjugés des titres des livres.
  69. Cambry, Voyage dans le Finistère, 1. 1, p. 242.
  70. M. Ch. Babou a donné sur lui des détails curieux dans le Châtiment des pipeurs et charlatans.
  71. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, liv. VI, p. 423.
  72. Brown, Essai sur les erreurs populaires, liv. VII, ch. xviii, p. 334.
  73. Lenglet-Dufresnoy, Recueil de dissertations, t. 1, p. 462.
  74. Clavicules de Salomon, p. 20.
  75. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. II, p. 66.
  76. Dom Calmet, Dissert, sur les apparitions, p. 445
  77. Mirabilis liber qui prophetias revelationesque, necnon res mirandas, prœteritas, prœsenles et fuluras aperte demonstrat. In-4°. Paris, 1522.
  78. Voyez, dans les Légendes des sept péchés capitaux, la légende de Tachelin.
  79. On contait devant M. Mayran qu’il y avait une boucherie à Troyes où jamais la viande ne se gâtait, quelque chaleur qu’il fit. Il demanda si dans le pays on n’attribuait pas cette conservation à quelque chose de particulier. On lui dit qu’on l’attribuait à la puissance d’un saint révéré dans l’histoire. « Eh bien, dit M. Mayran, je me range du côté du miracle, pour ne pas compromettre ma physique. » Ce saint est saint Loup.
  80. Marmier, Traditions de la mer Baltique.
  81. De la Chaldée et des Chaldéens.
  82. Cæsarii Heisterbach., De tentat., lib. IV; Miracul., cap. lxxxvii.
  83. Voyez ces excentricités dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  84. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. III, p. 116
  85. Lebrun, Histoire des superstitions, t. I, p. 442
  86. M. de Chateaubriand, Génie du christianisme.
  87. Muret, Des cérémonies funèbres.
  88. De Ch. Perrault, attribués mal à propos à Scarron.
  89. Muret, Des cérémonies funèbres, etc
  90. Stanislas Bell. Voyage en Circassie.
  91. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 15.
  92. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 170.
  93. Voyage en Australie, par le R. P. Salvado, traduit par M. Charles Auberive.
  94. Leloyer, Histoire et discours des spectres.
  95. Les Acliatiques étaient des fêtes qui se célébraient tous les trois ans en l’honneur d’Apollon. Elles avaient pris leur nom du promontoire d’Actium. Ces fêtes consistaient en jeux et danses ; on y tuait un bœuf qu’on abandonnait aux mouches, dans la persuasion où l’on était que, rassasiées de son sang, elles s’envolaient et ne revenaient plus. Auguste, vainqueur de Marc-Antoine, renouvela les jeux Actiatiques ; on ne les célébra d’abord qu’à Actium, et tous les trois ans ; mais ce prince en transporta la célébration à Rome et en fixa le retour tous les cinq ans.
  96. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., p. 503.
  97. Abrégé des Voyages, par la Harpe.
  98. Remi, Démonologie.
  99. Bodin, Démonomanie, p. 396.
  100. Chilpéric Ier.
  101. C’est l’herbe que les paysans appellent l’herbe à cochon.
  102. Grégoire de Tours, livre IV de l'Histoire des Francs. Cité par M. Garinet, Histoire de la magie en France.
  103. M. Baston, Jean Bockelson. Fragment historique tiré d’un manuscrit contemporain de la prévôté de Varlard.
  104. Wierus, in Pseudomonarchia dæmon.