Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Orphée

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Henri Plon (p. 510-511).
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Orphée, époux d’Eurydice, qu’il perdit le jour de ses noces, qu’il pleura si longtemps, et qu’il alla enfin redemander aux enfers. Platon la lui rendit, à condition qu’il ne regarderait point derrière lui jusqu’à ce qu’il fut hors du sombre empire. Orphée ne put résister à son impatience ; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. Il s’enfonça alors dans un désert, jura de ne plus aimer, et chanta ses douleurs d’un ton si touchant qu’il attendrit les bêtes féroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa tristesse le fit mettre en pièces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphée un musicien habile à qui rien ne pouvait résister. Les compilateurs du moyen âge l’ont regardé comme un magicien insigne, et ont attribué aux charmes de la magie les merveilles que la mythologie attribue au charme de sa voix.

Orphée fut le plus grand sorcier et le plus grand nécromancien qui jamais ait vécu, dit Pierre Leloyer. Ses écrits ne sont farcis que des louanges des diables. Il savait les évoquer. Il institua l’ordre des Orphéotélestes, espèce de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil lieu que le diable tient aujourd’hui aux assemblées du sabbat. Bacchus, qui n’était qu’un diable déguisé, s’y nommait Sabasius : c’est de là que le sabbat a tiré son nom. Après la mort d’Orphée, sa tête rendit des oracles dans l’île de Lesbos. Tzetzès dit qu’Orphée apprit en Égypte la funeste science de la magie, qui y était en grand crédit, et surtout Part de charmer les serpents. Pausanias explique sa descente aux enfers par un voyage en Thesprotie, où l’on évoquait par des enchantements les âmes des morts. L’époux d’Eurydice, trompé par un fantôme qu’on lui fit voir pendant quelques instants, mourut de regret, ou du moins renonça pour jamais à la société des hommes et se retira sur les montagnes de Tbrace. Leclerc prétend qu’Orphée était un grand magicien ; que ses hymnes sont des évocations infernales, et que, si l’on en croit Apollodore et Lucien, c’est lui qui a mis en vogue dans la Grèce la magie, Part de lire dans les astres et l’évocation des mânes.