Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Orphelinats

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Henri Plon (p. 511).

Orphelinats. Plusieurs fois ces établissements de charité ont été obsédés par les malins esprits. Dans la maison d’orphelines fondée à Lille au milieu du dix-septième siècle par Antoinette Bourignon, la fondatrice crut voir un jour une nuée de petits démons voltigeant autour des têtes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d’elles s’étant échappée d’une chambre bien close où on l’avait enfermée, on lui demanda qui l’avait mise en liberté ; elle répondit : « J’ai été délivrée par un esprit auquel je me suis vouée dès l’enfance. » Dès lors cinquante orphelines se déclarèrent possédées ; elles disaient qu’elles étaient emportées au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d’avoir enflammé les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et là peur qu’elle eut d’être poursuivie l’engagea à s’enfuir.

En 1669, les orphelins de l’hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de délire. C’était un pays de protestants, et les démons avaient beau jeu ; car les ministres, qui chez eux remplaçaient nos prêtres, ne pouvaient exorciser. Cependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. Ils se jetaient par terre et se heurtaient à se briser contre des corps durs. Un siècle auparavant, en 1566, la même crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d’Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays-Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants étaient évidemment possédés par de mauvais esprits. Ils grimpaient aux murs les plus élevés et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fâchait, leurs figures devenaient horribles. Ils parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait à l’hôtel de ville, au moment même où ils parlaient. C’était donc une épidémie diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmée.