Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Texte entier

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Henri Plon (p. avant-titre-295).

DICTIONNAIRE
INFERNAL

APPROBATION.

Nous, Pierre-Louis Parisis, évêque d’Arras, de Boulogne et de Saint-Omer ;

Vu le rapport qui nous a été soumis sur la nouvelle édition du Dictionnaire infernal, déjà approuvé en 1844 par Monseigneur Affre, archevêque de Paris, nous n’avons trouvé dans les additions qui y ont été faites rien qui puisse blesser la foi ou les mœurs.

PIERRE-LOUIS,
Évêque d’Arras, de Boulogne et de Saint-Omer.

Arras, le 26 décembre 1862.

©





PARIS. — TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON, RUE GARANCIÈRE, 8.
LE SABBAT DANS TOUS SES DÉTAILS, D’APRÈS LE TABLEAU DE SPRANGER.


DICTIONNAIRE
INFERNAL
RÉPERTOIRE UNIVERSEL


des êtres, des personnages, des livres, des faits et des choses qui tiennent aux esprits, aux démons, aux sorciers, au commerce de l’enfer, aux divinations, aux maléfices, a la cabale et aux autres sciences occultes, aux prodiges, aux impostures, aux superstitions diverses et aux pronostics, aux faits actuels du spiritisme, et généralement à toutes les fausses croyances merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles ;


PAR J. COLLIN DE PLANCY

SIXIÈME ÉDITION, AUGMENTÉE DE 800 ARTICLES NOUVEAUX,
et illustrée de 550 gravures, parmi lesquelles les portraits de 72 démons, dessinés par M. L. BRETON, d’après les documents formels.




PARIS
HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR,
Rue Garancière, 8

1863


PRÉFACE.



L’immense réunion de matières, toutes adhérentes par quelque point, que comprend le Dictionnaire infernal, forme un tel pandæmonium d’aberrations et de germes ou de causes d’erreurs, qui côtoient presque toujours la vérité, qu’il n’y a que l’Église, dont le flambeau ne pâlit jamais, qui puisse être, en ces excentricités, un guide sûr. Les ouvrages qui, avant ce livre, ont traité de ces matières si variées, et qui sont dans chaque spécialité extrêmement nombreux, ne sont généralement, à peu d’exceptions près, que d’indigestes amas d’idées extravagantes, ou d’incomplètes compilations, ou d’interminables discussions désordonnées, ou de mauvais livres dans tous les sens de ce mot. Le lecteur qui veut un peu connaître ce mystérieux dédale des croyances faussés ou dénaturées, et faire la collection des ouvrages rares et recherchés, mais très-peu lus, dont elles sont le sujet, doit, pour cela, dépenser de grandes sommes, consacrer des années à ces recherches, et hasarder sa foi en plusieurs cas. Tous ces frais, toute cette peine et ce péril seront épargnés par cette nouvelle édition du Dictionnaire infernal.

Nous disons « cette nouvelle édition, » parce que, dans les deux premières, publiées en 1818 et en 1825, l’auteur, en combattant l’énorme phalange des erreurs populaires et des impostures mystérieuses, est tombé lui-même dans des égarements non moins funestes. Il cherchait alors la vérité hors de son centre ; au lieu de s’appuyer sur l’Église, où elle siège toujours inaltérable, il s’était ébloui aux lueurs d’une philosophie orgueilleuse et sans autorité, dont les enseignements pris d’en bas égareront longtemps encore les esprits frivoles. Entraîné là trop longtemps, il eut, en 1841, l’insigne bonheur de sortir des steppes où la lumière lui manquait et de la retrouver dans les seules doctrines où elle est indéfectible et toujours sûre. Il a donc entièrement refondu ses travaux, en reconnaissant que les superstitions, les folles croyances, les sciences et les pratiques occultes, insurrections plus ou moins tacites contre la religion, ne sont venues que des déserteurs de la foi, ou par l’hérésie, ou par le schisme, ou par des voies moins déterminées.

Tout homme qui étudiera l’histoire avec des intentions droites reconnaîtra que l’Église a constamment lutté contre les superstitions et les fourberies infernales ; qu’elle n’a jamais cessé de répandre la lumière sur les fausses croyances, sur les folles terreurs et sur les pratiques périlleuses des docteurs en sciences secrètes.

Pour ne citer que quelques témoignages, saint Augustin dit que les superstitions sont l’opprobre du genre humain. Origène les condamne avec plus de force que les encyclopédistes, et surtout avec plus de poids. Le pape Léon X notait d’infamie ceux qui se livraient aux divinations et autres pratiques superstitieuses. Le quatrième concile de Carthage les exclut de l’assemblée des fidèles. Le concile provincial tenu à Toulouse en 1590 ordonne aux confesseurs et aux prédicateurs de déraciner, par de fréquentes exhortations et par des raisons solides, les pratiques superstitieuses que l’ignorance a introduites dans la religion. Le concile de Trente, après avoir condamné ces diverses erreurs, enjoint formellement aux évêques de défendre aux fidèles tout ce qui peut les porter à la superstition et scandaliser le prochain.

Nous réunirions au besoin mille témoignages pareils. Contentons-nous d’ajouter, sans craindre un démenti de quelque poids, que l’Église a seule les moyens et les grâces nécessaires pour dissiper ces égarements si souvent dangereux et toujours abominables.

Ce qui peut-être n’a pas été remarqué suffisamment au milieu des clameurs intéressées des philosophes, c’est que les seuls hommes qui vivent exempts de superstitions sont les fidèles enfants de l’Église, parce qu’eux seuls possèdent la vérité. Les douteurs, au contraire, semblent tous justifier cette grande parole, que ceux qui se séparent de Dieu ont l’esprit fourvoyé ; car, parmi eux, les plus incrédules sont aussi les plus superstitieux. Ils repoussent les dogmes révélés, et ils croient aux revenants ; ils ont peur du nombre 13 ; ils ont un préjugé contre le vendredi ; ils recherchent l’explication des songes ; ils consultent les tireuses de cartes ; ils étudient l’avenir dans des combinaisons de chiffres ; ils redoutent les présages. On a cité un savant de nos jours qui poursuit l’élixir de vie ; un mathématicien célèbre qui croit les éléments peuplés par les essences cabalistiques ; un philosophe qui ne sait pas s’il croit à Dieu et qui exécute les cérémonies du grimoire pour faire venir le diable.

Ce livre donc reproduit les aspects les plus étranges des évolutions de l’esprit humain ; il expose tout ce qui concerne les esprits, lutins, fées, génies, démons, spectres et fantômes, les sorciers et leurs maléfices, les prestiges des charmeurs, la nomenclature et les fonctions des démons et des magiciens, les traditions superstitieuses, les récits de faits surnaturels, les contes, populaires. Il ouvre les cent portes fantastiques de l’avenir, par la définition claire des divinations, depuis la chiromancie des bohémiens jusqu’à l’art de prédire par le marc de café ou le jeu de cartes. L’astrologie, l’alchimie, la cabale, la phrénologie, le magnétisme, ont leur place en des notices qui résument par quelques pages de longs et lourds in-folio. Enfin, le spiritisme, les tables parlantes et les progrès du magnétisme se trouvent dans ces pages. Depuis quarante-cinq ans, l’auteur n’a cessé d’agrandir ce patient travail, en poursuivant ses recherches dans des milliers de volumes. Avant lui, personne n’avait songé à réunir en un seul corps d’ouvrage toutes les variétés que rassemble le Dictionnaire infernal ; et nul ne peut nier l’utilité de cette entreprise.

Les superstitions et les erreurs ont toujours pour fondement une vérité obscurcie, altérée ou trahie ; les éclairer, c’est les combattre. Si on les groupe, elles font saillie, et leurs difformités se révèlent. Ainsi, peu à peu, on produit la lumière dans ces pauvres intelligences qui refusent de s’élever jusqu’aux mystères sublimes de la foi, et qui s’abaissent à croire fermement les plus grossières impostures. On donne aussi des armes aux amis de la vérité, pour confondre les déceptions auxquelles se soumettent des esprits qui se croient supérieurs, parce qu’ils ne sentent pas leur faiblesse.

Par-dessus ces avantages, on a voulu satisfaire le goût de notre époque, qui exige des lectures piquantes, et, les sujets aidant, on a pu lui offrir très-fréquemment ces excentricités, ces singularités, cet imprévu et ces émotions dont il est si avide.

L’auteur de cette sixième édition, en la revoyant avec grand soin, l’a augmentée de 800 articles ; et l’éditeur l’a illustrée de 550 gravures, parmi lesquelles 72 portraits de démons, dessinés, d’après les documents de Wierus et des plus curieux démonographes, par M. L. Breton.

La danse des fées
La danse des fées
LA DANSE DES FÉES.


DICTIONNAIRE INFERNAL.


A

Aaron, magicien du Bas-Empire, qui vivait du temps de l’empereur Manuel Comnène. On conte qu’il possédait les Clavicules de Salomon, qu’au moyen de ce livre il avait à ses ordres des légions de démons et se mêlait de nécromancie. On lui fit crever les yeux ; après quoi on lui coupa la langue, et ce ne fut pas là une victime de quelque fanatisme ; on le condamna comme bandit : on avait trouvé chez lui, entre autres abominations, un cadavre qui avait les pieds enchaînés et le cœur percé d’un clou. (Nicétas, Annales, liv. IV.)

Abaddon, le destructeur ; chef des démons de la septième hiérarchie. C’est quelquefois le nom de l’ange exterminateur dans l’Apocalypse.

Abadie (Jeannette d’), jeune fille du village de Siboure ou Siboro, en Gascogne. Delancre, dans son Tableau de l’inconstance des démons, raconte que Jeannette d’Abadie, dormant, un dimanche (le 13 septembre 1609), pendant la sainte messe, un démon profita du moment et l’emporta au sabbat (quoiqu’on ne fît le sabbat ni le dimanche ni aux heures des saints offices, temps où les démons ont peu de joie). Elle trouva au sabbat grande compagnie, vit que celui qui présidait avait à la tête deux visages, comme Janus, remarqua des crapauds royalement vêtus et très-honorés, et fut scandalisée des débauches auxquelles se livraient les sorcières. Du reste, elle ne fit rien de criminel et fut remise à son logis par le même moyen de transport qui l’avait emmenée. Elle se réveilla alors et ramassa une petite relique que le diable avait eu la précaution d’ôter de son cou avant de l’emporter. Il paraît que le bon curé à qui elle confessa son aventure lui fit comprendre en vain les dangers qu’elle avait courus ; elle retourna au sabbat et y fit sans scrupule tout ce que Satan ou ses représentants lui conseillaient de faire, se disant à elle-même qu’en faisant le mal prescrit elle n’en était pas responsable. Voy. Sabbat, Balcoin, Loups-garous, etc.

Abalam, prince de l’enfer, très-peu connu. Il est de la suite de Paymon. Voy. ce mot.

Abano. Voy. Pierre d’Apone.

Abaris, grand prêtre d’Apollon, qui lui donna une flèche d’or sur laquelle il chevauchait par les airs avec la rapidité d’un oiseau ; ce qui a fait que les Grecs l’ont appelé l’Aérobate. Il fut, dit-on, maître de Pythagore, qui lui vola sa flèche, dans laquelle on doit voir quelque allégorie. On ajoute qu’Abaris prédisait l’avenir, qu’il apaisait les orages, qu’il chassait la peste ; on conte même que, par ses sciences magiques, il avait trouvé l’art de vivre sans boire ni manger. Avec les os de Pélops, il fabriqua une figure de Minerve, qu’il vendit aux Troyens comme un talisman descendu du ciel : c’est le Palladium qui avait la réputation de rendre imprenable la ville où il se trouvait.

Abdeel (Abraham), appelé communément Schoenewald (Beauchamp), prédicateur à Custrin, dans la Marche de Brandebourg, fit imprimer à Than, en 1572, le Livre de la parole cachetée, dans lequel il a fait des calculs pour trouver qui est l’Antechrist et à quelle époque il doit paraître. Cette méthode consiste à prendre au hasard un passage du prophète Daniel ou de l’Apocalypse, et à donner à chaque lettre, depuis a jusqu’à z, sa valeur numérique. A vaut 1, b vaut 2, c vaut 3, et ainsi de suite. Abdeel déclare que l’Antéchrist est le pape Léon X. Il trouve de la même manière les noms des trois anges par lesquels l’Antéchrist doit être découvert. Ces trois anges sont Huss, Luther et un certain Noé qui nous est inconnu.

Abd-el-Azys, astrologue arabe du dixième siècle, plus connu en Europe sous le nom d’Alchabitius. Son Traité d’astrologie judiciaire a été traduit en latin par Jean de Séville (Hispalensis). L’édition la plus recherchée de ce livre : Alchabitius, cum commento, est celle de Venise, 1503, in-4o de 140 pages.

Abdias de Babylone. On attribue à un écrivain de ce nom l’histoire du combat merveilleux que livra saint Pierre à Simon le Magicien. Le livre d’Abdias a été traduit par Julius Africanus, sous ce titre : Historia certaminis apostolici, 1566, in-8o.

Abeilard. Il est plus célèbre aujourd’hui par ses tragiques désordres que par ses ouvrages théologiques, dont les dangereuses erreurs lui attirèrent justement les censures de saint Bernard. Il mourut en 1142. Vingt ans après, Héloïse ayant été ensevelie dans la même tombe, on conte (mais c’est un pur conte) qu’à son approche la cendre froide d’Abeilard se réchauffa tout à coup, et qu’il étendit les bras pour recevoir celle qui avait été sa femme. Leurs restes étaient au Paraclet, dans une précieuse tombe gothique que l’on a transportée à Paris en 1799, et qui est présentement au cimetière du Père-Lachaise.

Abeilles. C’était l’opinion de quelques démonographes que si une sorcière, avant d’être prise, avait mangé la reine d’un essaim d’abeilles, ce cordial lui donnait la force de supporter la torture sans confesser[1] ; mais cette découverte n’a pas fait principe.

Dans certains cantons de la Bretagne, on prétend que les abeilles sont sensibles aux plaisirs comme aux peines de leurs maîtres, et qu’elles ne réussissent point, si on néglige de leur faire part des événements qui intéressent la maison. Ceux qui ont cette croyance ne manquent pas d’attacher à leurs ruches un morceau d’étoffe noire lorsqu’il y a une mort chez eux, et un morceau d’étoffe rouge lorsqu’il y a un mariage ou toute autre fête[2].

Les Circassiens, dans leur religion mêlée de christianisme, de mahométisme et d’idolâtrie, honorent la Mère de Dieu sous le nom de Mérième ou de Melissa. Ils la regardent comme la patronne des abeilles, dont elle sauva la race en conservant dans sa manche une de leurs reines, un jour que le tonnerre menaçait d’exterminer tous les insectes. Les revenus que les Circassiens tirent de leurs ruches expliquent leur reconnaissance pour le bienfait qui les leur a préservées.

Solin a écrit que les abeilles ne peuvent pas vivre en Irlande ; que celles qu’on y amène y meurent tout à coup ; et que si l’on porte de la terre de cette île dans un autre pays et qu’on la répande autour des ruches, les abeilles sont forcées d’abandonner la place, parce que cette terre leur est mortelle. On lit la même chose dans les Origines d’Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le père Lebrun dans son Histoire critique des superstitions, d’où peut venir cette malignité de la terre d’Irlande ? Non, car il suffit de dire que c’est une bourde, et qu’on trouve en Irlande beaucoup d’abeilles. »

Abel, fils d’Adam. Des docteurs musulmans disent qu’il avait quarante-huit pieds de haut. Il se peut qu’ils aient raisonné d’après un tertre long de cinquante-cinq pieds, que l’on montre auprès de Damas, et qu’on nomme la tombe d’Abel.

Les rabbins ont écrit beaucoup sur Abel. Ils lui attribuent un livre d’astrologie judiciaire qui lui aurait été révélé et qu’il aurait renfermé dans une pierre. Après le déluge, Hermès-Trismégiste le trouva : il y apprit l’art de faire des talismans sous l’influence des constellations. Ce livre est intitulé Liber de virtutibus planetarum et de omnibus rerum mundanarum virtutibus. Voy. le traité De essentiis essentiarum, qu’on décore faussement du nom de saint Thomas d’Aquin, pars IV, cap. ii. Voy. les Légendes de l’Ancien Testament.

Abel de la Rue, dit le Casseur, savetier et mauvais coquin qui fut arrêté, en 1582, à Coulommiers, et brûlé comme sorcier, magicien, noueur d’aiguillettes, et principalement comme voleur et meurtrier. Voy. Ligatures.

Aben-Ezra. Voy. Macha-Halla.

Aben-Ragel, astrologue arabe, né à Cordoue au commencement du cinquième siècle. Il a laissé un livre d’horoscopes, d’après l’inspection des étoiles, traduit en latin sous le titre De judiciis seu fatis stellarum, Venise, 1485 ; rare. On dit que ses prédictions, quand il en faisait, se distinguaient par une certitude très-estimable.

Abigor, démon d’un ordre supérieur, grand-duc dans la monarchie infernale. Soixante légions marchent sous ses ordres[3]. Il se montre sous la figure d’un beau cavalier portant la lance,

 
Abigor
Abigor
 
l’étendard ou le sceptre ; il répond habilement sur tout ce qui concerne les secrets de la guerre, sait l’avenir, et enseigne aux chefs les moyens de se faire aimer des soldats.

Abîme, et plus correctement abysme. C’est le nom qui est donné, dans l’Écriture sainte, 1o à l’enfer, 2o au chaos ténébreux qui précéda la création.

Abominations. Voy. Sabbat.

Abou-Ryhan, autrement appelé Mohammed-ben-Ahmed, astrologue arabe, mort en 330. Il passe pour avoir possédé à un haut degré le don de prédire les choses futures. On lui doit une introduction à l’astrologie judiciaire.

Aboyeurs. Il y a en Bretagne et dans quelques autres contrées des hommes et des femmes affectés d’un certain délire inexpliqué, pendant lequel ils aboient absolument comme des chiens. Quelques-uns parlent à travers leurs aboiements, d’autres aboient et ne parlent plus. Le docteur Champouillon a essayé d’expliquer ce terrible phénomène, en l’attribuant aux suites d’une frayeur violente. Il cite un jeune conscrit de la classe de 1853 qui, appelé devant le conseil de révision, réclama son exemption pour cause d’aboiement ; il racontait qu’étant mousse à bord d’un caboteur, il avait été précipité à la mer par un coup de vent ; l’épouvante l’avait frappé d’un tel anéantissement, qu’il n’en était sorti que pour subir des suffocations qui l’empêchèrent de parler pendant une semaine. Lorsque la parole lui revint, elle s’entrecoupa à chaque phrase de cris véhéments, remplacés bientôt par des aboiements saccadés qui duraient quelques secondes. Ces spasmes furent reconnus bien réels, et le conscrit fut réformé.

Mais il y a en Bretagne des aboyeuses qui apportent en naissant cette affreuse infirmité implantée dans quelques familles. Les bonnes gens voient là un maléfice, et nous ne savons comment expliquer une si triste misère.

Nous pourrions citer un homme qui, dans l’agonie qui précéda sa mort, agonie qui dura trois jours, ne s’exprima que par des aboiements et ne put retrouver d’autre langage. Mais celui-là, dans la profanation des églises, en 1793, avait enfermé son chien dans un tabernacle.

Nous connaissons aussi une famille où le père et la mère devenus muets, nous ne savons par quelle cause ni pour quelle cause, n’ont que des enfants muets. Ainsi les frères et les sœurs ne poussent que des cris inarticulés et ne s’entendent pas autrement pour les plus urgents besoins de la vie.

Abracadabra. Avec ce mot d’enchantement, qui est très-célèbre, on faisait, surtout en Perse et en Syrie, une figure magique à laquelle on attribuait le don de charmer diverses maladies et de guérir particulièrement la fièvre. Il ne fallait que porter autour du cou cette sorte de philactère, écrit dans la disposition triangulaire que voici :

ABRACADABRA
ABRACADABR
ABRACADAB
ABRACADA
ABRACAD
ABRACA
ABRAC
ABRA
ABR
AB
A

Abracax ou Abraxas, l’un des dieux de quelques théogonies asiatiques, du nom duquel on a tiré le philactère abracadabra. Abracax est représenté sur des amulettes avec une tête de coq, des pieds de dragon et un fouet à la main. Les démonographes ont fait de lui un démon, qui a la tête d’un roi et pour pieds des serpents. Les basilidiens, hérétiques du deuxième siècle, voyaient en lui leur dieu suprême. Comme ils trouvaient que les sept lettres grecques dont ils formaient son nom faisaient en grec le nombre 365, qui est celui des jours de l’année, ils plaçaient sous ses ordres plusieurs génies qui présidaient aux trois cent soixante-cinq cieux, et auxquels ils attribuaient trois cent soixante-cinq vertus, une pour chaque jour. Les basilidiens disaient encore que Jésus-Christ, Notre-Seigneur,

 
Abracax ou Abraxas
Abracax ou Abraxas
 
n’était qu’un fantôme bienveillant envoyé sur la terre par Abracax. Ils s’écartaient de la doctrine de leur chef.

Abraham. Tout le monde connaît l’histoire de ce saint patriarche, écrite dans les livres sacrés. Les rabbins et les musulmans l’ont chargée de beaucoup de traditions curieuses, que le lecteur peut trouver dans les Légendes de l’Ancien Testament.

Les Orientaux voient dans Abraham un savant astrologue et un homme puissant en prodiges. Suidas et Isidore lui attribuent l’invention de l’alphabet, qui est dû à Adam. Voy. Cadmus.

Les rabbins font Abraham auteur d’un livre De l’explication des songes, livre que Joseph, disent-ils, avait étudié avant d’être vendu par ses frères. On met aussi sur son compte un ouvrage intitulé Jetzirah, ou la Création, que plusieurs disent écrit par le rabbin Akiba. Voy. ce nom. Les Arabes possèdent ce livre cabalistique, qui traite de l’origine du monde : ils l’appellent le Sepher. On dit que Vossius, qui raisonnait tout de travers là-dessus, s’étonnait de ne pas le voir dans les livres canoniques. Postel l’a traduit en latin : on l’a imprimé à Paris en 1552 ; à Mantoue en 1562, avec cinq commentaires ; à Amsterdam en 1642. On y trouve de la magie et de l’astrologie. — « C’est un ouvrage cabalistique très-ancien et très-célèbre, dit le docteur Rossi. Quelques-uns le croient composé par un écrivain antérieur au Talmud, dans lequel il en est fait mention. » — Le titre de l’ouvrage porte le nom d’Abraham ; mais ajoutons qu’il y a aussi des opinions qui le croient écrit par Adam lui-même.

Abrahel, démon succube, connu par une aventure que raconte Nicolas Remy dans sa Démonolâtrie, et que voici ; — En l’année 1581, dans le village de Dalhem, au pays de Limbourg, un méchant pâtre, nommé Pierron, conçut un amour violent pour une jeune fille de son voisinage. Or cet homme mauvais était marié ; il avait même de sa femme un petit garçon. Un jour qu’il était occupé de la criminelle pensée de son amour, la jeune fille qu’il convoitait lui apparut dans la campagne:c’était un démon sous sa figure. Pierron lui découvrit sa passion ; la prétendue jeune fille promit d’y répondre, s’il se livrait à elle et s’il jurait de lui obéir en toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et son abominable amour fut accueilli. — Peu de temps après, la jeune fille, ou le démon qui se faisait appeler Abrahel par son adorateur, lui demanda, comme gage d’attachement, qu’il lui sacrifiât son fils. Le pâtre reçut une pomme qu’il devait faire manger à l’enfant;

 
Abrahel
Abrahel
 
l’enfant, ayant mordu dans la pomme, tomba mort aussitôt. Le désespoir de la mère fit tant d’effet sur Pierron, qu’il courut à la recherche d’Abrahel pour en obtenir réconfort. Le démon promit de rendre la vie à l’enfant, si le père voulait lui demander cette grâce a genoux, en lui rendant le culte d’adoration qui n’est dû qu’à Dieu. Le pâtre se mit à genoux, adora, et aussitôt l’enfant rouvrit les yeux. On le frictionna, on le réchauffa ; il recommença à marcher et à parler. Il était le-même qu’auparavant, mais plus maigre, plus hâve, plus défait, les yeux battus et enfoncés, les mouvements plus pesants. Au bout d’un an, le démon qui l’animait l’abandonna avec un grand bruit, et l’enfant tomba à la renverse…

Cette histoire décousue et Incomplète se termine par ces mots, dans la narration de Nicolas Remy : « Le corps de l’enfant, d’une puanteur insupportable, fut tiré avec un croc hors de la maison de son père et enterré dans un champ. » — Il n’est plus question du démon succube ni du pâtre.

Absalon. On a écrit bien des choses supposées à propos de sa chevelure. Lepelletier, dans sa dissertation sur la grandeur de l’arche de Noé, dit que toutes les fois qu’on coupait les cheveux d’Absalon, on lui en ôtait trente onces…

Abstinence. On prétend, comme nous l’avons dit, qu’Abaris ne mangeait pas et que les magiciens habiles peuvent s’abstenir de manger et de boire.

Sans parler des jeûnes merveilleux dont il est fait mention dans la vie de quelques saints, Marie Pelet de Laval, femme du Hainaut, vécut trente-deux mois (du 6 novembre 1754 au 25 juin 1757) sans recevoir aucune nourriture, ni solide ni liquide. Anne Harley, d’Orival, près de Rouen, se soutint vingt-six ans en buvant seulement un peu de lait qu’elle vomissait quelques moments après l’avoir avalé. On citerait d’autres exemples.

Dans les idées des Orientaux, les génies ne se nourrissent que de fumées odorantes qui ne produisent point de déjections.

Abundia, fée bienfaisante honorée en Thuringe comme protectrice. Elle visite les maisons, où elle mange et boit avec ses compagnes ce qu’on leur a préparé, mais sans que rien des mets soit diminué par elles. Elles soignent les étables ; et on a des marques de leur passage par des gouttes de leurs cierges de cire jaune, qu’on remarque sur la peau des animaux domestiques.

Acatriel, l’un des trois princes des bons démons, dans la cabale juive, qui admet des démons de deux natures.

Acca-Laurentia, appelée aussi Lupa : la Louve, à cause de ses mœurs débordées, était mise au rang des divinités dans l’ancienne Rome, pour avoir adopté et nourri Romulus.

Accidents. Beaucoup d’accidents peu ordinaires, mais naturels, auraient passé autrefois pour des sortilèges. Voici ce qu’on lisait dans un journal de 1841 : — « Mademoiselle Adèle Mercier (des environs de Saint-Gilles), occupée il y a peu de jours à arracher dans un champ des feuilles de mûrier, fut piquée au bas du cou par une grosse mouche qui, selon toute probabilité, venait de sucer le cadavre putréfié de quelque animal, et qui déposa dans l’incision faite par son dard une ou quelques gouttelettes du suc morbifique dont elle s’était repue. La douleur, d’abord extrêmement vive, devint insupportable. Il fallut que mademoiselle Mercier fut reconduite chez elle et qu’elle se mît au lit. La partie piquée s’enfla prodigieusement en peu de temps : l’enflure gagna. Atteinte d’une fièvre algide qui acquit le caractère le plus violent, malgré tous les soins qui lui furent prodigués, et quoique sa piqûre eût été cautérisée et alcalisée, mademoiselle Mercier mourut le lendemain, dans les souffrances les plus atroces. »

Le Journal du Rhône racontait ce qui suit en juin 1841 : — « Un jeune paysan des environs de Bourgoin, qui voulait prendre un repas de cerises, commit l’imprudence, lundi dernier, de monter sur un cerisier que les chenilles avaient quitté après en avoir dévoré toutes les feuilles. Il y avait vingt minutes qu’il satisfaisait son caprice ou son appétit, lorsque presque instantanément il se sentit atteint d’une violente inflammation à la gorge. Le malheureux descendit en poussant péniblement ce cri : J’étouffe ! J’étouffe ! Une demi-heure après il était mort. On suppose que les chenilles déposent dans cette saison sur les cerises qu’elles touchent une substance que l’œil distingué à peine ; mais qui n’en est pas moins un poison. C’est donc s’exposer que de manger ces fruits sans avoir pris la sage précaution de les laver. »

Accouchements. Chez les Grecs, les charmeuses retardaient un accouchement, un jour, une semaine et davantage ; en se tenant les jambes croisées et les doigts entrelacés à la porte de la pauvre femme prise des douleurs de l’enfantement. Voy. Aétite.

Accouchements prodigieux. Torquemada, dans son Examéron, cité une femme qui mit au monde sept enfants à la fois, à Médina del Campo ; une autre femme de Salamanque qui en eut neuf d’une seule couche. Jean Pic de la Mirandole assure qu’une femme de son pays eut vingt enfants en deux grossesses, neuf dans l’une et onze dans l’autre. Voy. Irmentrude, Trazégnies, Imagination. Torquemada parle aussi d’une Italienne qui mit au monde soixante-dix enfants à la fois ; puis il rapporte, comme à l’abri du doute, ce que conte Albert le Grand, qu’une Allemande enfanta, d’une seule couche, cent cinquante enfants, tous enveloppés dans une pellicule, grands comme le petit doigt et très-bien formés[4].

Acham, démon que l’on conjure le jeudi. Voy. Conjuration.

Achamoth, esprit, ange ou éon du sexe féminin, mère de Jéhovah, dans les stupides doctrines des valentiniens.

Acharai-Rioho, chef des enfers chez les Yakouts. Voy. Mang-taar.

Achéron, fleuve de douleur dont les eaux sont amères ; l’un des fleuves de l’enfer des païens. Dans des relations du moyen âge, l’Achéron est un monstre ; dans la mythologie grecque, Achéron était un homme qui donna à boire aux Titans altérés ; Jupiter l’en châtia en le changeant en fleuve et le jetant dans les enfers.

Achérusie, marais d’Égypte près d’Héliopolis. Les morts le traversaient dans une barque, lorsqu’ils avaient été jugés dignes des honneurs de la sépulture. Les ombres des morts enterrés dans le cimetière voisin erraient, disait-on, sur les bords de ce marais, que quelques géographes appellent un lac.

Achguaya-Xerac. Voy. Guayotta.

Achmet, devin arabe du neuvième siècle, auteur d’un livre De l’interprétation des songes, suivant les doctrines de l’Orient. Le texte original de ce livre est perdu ; mais Rigault en a fait imprimer la traduction grecque et latine à la suite de l’Onéirocritique d’Artémidore ; Paris, 1603, in-4o.

Aconce (Jacques), curé apostat du diocèse de Trente, qui, poussé par la débauche, embrassa le protestantisme en 1557, et passa en Angles-terre. La reine Élisabeth lui fit une pension. Aussi il ne manqua pas de rappeler diva Elisabetha, en lui dédiant son livre Des stratagèmes de Satan[5]. Mais nous ne mentionnons ce livre ici qu’à cause de son titre ; ce n’est pas un ouvrage de démonomanie, c’est une vile et détestable diatribe contre le Catholicisme.

Adalbert, hérétique qui fit du bruit dans les Gaules au huitième siècle ; il est regardé par les uns comme un habile faiseur de miracles et par les autres comme un grand cabaliste. Il distribuait les rognures de ses ongles et de ses cheveux, disant que c’étaient de puissants préservatifs ; il contait qu’un ange, venu des extrémités du monde, lui avait apporté des reliques et des amulettes d’une sainteté prodigieuse. On dit même qu’il se consacra des autels à lui-même et qu’il se fit adorer. Il prétendait savoir l’avenir, lire dans la pensée et connaître la confession des pécheurs rien qu’en les regardant. Il montrait impudemment une lettre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, disant qu’elle lui avait été apportée par saint Michel. Baluze, dans son appendice aux Capitulaires des rois francs, a publié cette lettre, dont voici le litre : — « Au nom de Dieu : Ici commence la lettre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est tombée à Jérusalem, et qui a été trouvée par l’archange saint Michel, lue et copiée par la main : d’un prêtre nommé Jean, qui l’a envoyée à la ville de Jérémie à un autre prêtre, nommé Talasius ; et Talasius l’a envoyée en Arabie à un autre prêtre, nommé Léoban ; et Léoban l’a envoyée à la ville de Betsamie, où elle a été reçue par le prêtre Macarius, qui l’a renvoyée à la montagne du saint archange Michel ; et par le moyen d’un ange, la lettre est arrivée à la ville de Rome, au sépulcre de saint Pierre, où sont les clefs du royaume des deux ; et les douze prêtres qui sont à Rome ont fait des veilles de trois jours, avec des jeûnes et des prières, jour et nuit, » etc. El Adalbert enseignait à ses disciples une prière qui débutait ainsi :

« Seigneur, Dieu tout-puissant, père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Alpha et Oméga, qui êtes sur le trône souverain, sur les Chérubins et les Séraphins, sur l’ange Uriel, l’ange Raguel, l’ange Cabuel, l’ange Michel, sur l’ange Inias, l’ange Tabuas, l’ange Simiel et l’ange Sabaoth, je vous prie de m’accorder ce que je vais vous dire. »

C’était, comme on voit, très-ingénieux. Dans un fragment conservé des mémoires qu’il avait écrits sur sa vie, il raconte que sa mère, étant enceinte de lui, crut voir sortir de son côté droit un veau ; ce qui était, dit-il, le pronostic des grâces dont il fut comblé en naissant par le ministère d’un ange. On arrêta le cours des extravagances de cet insensé en l’enfermant dans une prison, où il mourut.

Adam, le premier homme. Sa chute devant les suggestions de Satan est un dogme de la religion chrétienne.

Les Orientaux font d’Adam un géant démesuré, haut d’une lieue ; ils en font aussi un magicien, un cabaliste ; les rabbins en font de plus un alchimiste et un écrivain. On a supposé un testament de lui ; et enfin les musulmans regrettent toujours dix traités merveilleux que Dieu lui avait dictés[6].

Adam (l’abbé). Il y eut un temps où l’on voyait le diable en toutes choses et partout, et peut-être n’avait-on pas tort. Mais il nous semble qu’on le voyait trop matériellement. Le bon et naïf Césaire d’Heisterbach a fait un livre d’histoires prodigieuses où le diable est la machine universelle ; il se montre sans cesse et sous diverses figurés palpables. C’était surtout à l’époque où l’on s’occupait en France de l’extinction des templiers. Alors un certain abbé Adam, qui

 
Adam (l’abbé)
Adam (l’abbé)
 
gouvernait l’abbaye des Vaux-de-Gernay, au diocèse de Paris, avait l’esprit tellement frappé de l’idée que le diable le guettait, qu’il croyait le reconnaître à chaque pas sous des formes que sans doute le diable n’a pas souvent imaginé de prendre. — Un jour qu’il revenait de visiter une de ses petites métairies, accompagné d’un serviteur aussi crédule que lui, l’abbé Adam racontait comment le diable l’avait harcelé dans son voyage. L’esprit malin s’était montré sous la figure d’un arbre blanc de frimas, qui semblait venir à lui. — C’est singulier, dit un de ses amis ; n’étiez-vous pas la proie de quelque illusion causée par la course de votre cheval ? — Non, c’était Satan. Mon cheval s’en effraya ; l’arbre pourtant passa au galop et disparut derrière nous, il laissait une certaine odeur qui pouvait bien être du soufre. — Odeur de brouillard, marmotta l’autre. — Le diable reparut, et cette fois c’était un chevalier noir qui s’avançait vers nous pareillement. — Éloigne-toi, lui criai-je d’une voix étouffée. Pourquoi m’attaques-tu ? Il passa encore, sans avoir l’air de s’occuper de nous. Mais il revint une troisième fois, ayant la forme d’un homme grandit pauvre, avec un cou long et maigre. Je fermai les yeux et ne le revis que quelques instants plus tard sous le capuchon d’un petit moine. Je crois qu’il avait sous son froc une rondache dont il me menaçait. — Mais, interrompit l’autre, ces apparitions ne pouvaient-elles pas être des voyageurs naturels ? — Comme si on ne savait pas s’y reconnaître ! comme si nous ne l’avions pas vu derechef sous la figure d’un pourceau, puis sous celle d’un âne, puis sous celle d’un tonneau qui roulait dans la campagne, puis enfin sous la forme d’une roue de charrette qui, si je ne me trompe, me renversa, sans toutefois me faire aucun mal ! — Après tant d’assauts, la route s’était achevée sans autres mal-encontres[7]. Voy. Hallucinations.

Adamantius, médecin juif, qui se fit chrétien à Constantinople, sous le règne de Constance, à qui il dédia ses deux livres sur la Physiognomonie ou l’art de juger les hommes par leur figure. Cet ouvrage, plein de contradictions et de rêveries, a été imprimé dans quelques collections, notamment dans les Scriptores physiognomoniæ veteres, grec et latin, cura J.-G.-F. Franzii ; Altembourg, 1780, in-8o.

Adamiens ou Adamites. Hérétiques du second siècle, dans l’espèce des basilidiens. Ils se mettaient nus et proclamaient la promiscuité des femmes. Clément d’Alexandrie dit qu’ils se vantaient d’avoir des livres secrets de Zoroastre, ce qui a fait conjecturer à plusieurs qu’ils étaient livrés à la magie.

Adelgreiff (Jean-Albert), fils naturel d’un pasteur aller mand, qui lui apprit le latin, le grec, l’hébreu et’plusieurs langues modernes. Il de-, vint fou et crut avoir des visions. Il disait que sept anges l’avaient chargé de représenter Dieu sur la terre et de châtier les souverains avec des verges de fer. Il signait ses décrets : « Jean Albrecht Àdelgreiff, Kihi Schmalk hitmandis, archi-souverain pontife, roiduroyau-me des ci eux, juge des vivants et des morts, Dieu et père, dans la gloire duquel le Christ viendra, au dernier jour, Seigneur de tous les seigneurs et Roi de tous les rois. » Il causa beaucoup de troubles par ses extravagances, qui trouvèrent, comme toujours, des partisans. On lui attribua des prodiges, et il fut brûle à Kœnigsberg comme magicien, hérétique et perturbateur, le 11 octobre 1636. Il avait prédit avec assurance qu’il ressusciterait le troisième jour, ce qui ne s’est pas vérifié.

Adeline, ou plutôt Edeline. Voy. ce mot.

Adelites, devins espagnols qui se vantaient de prédire par le vol ou le chant des oiseaux ce qui devait arriver en bien ou en mal.

 
Adelites
Adelites
Adelites.
 

Adelung (Jean-Christophe), littérateur allemand, mort à Dresde en 1806. Il a laissé un ouvrage intitulé Histoire des folies humaines, ou Biographie des plus célèbres nécromanciens, alchimistes, devins, etc. ; sept parties ; Leipzig. 1785-1789.

Adeptes, nom que prennent les alchimistes qui prétendent avoir trouvé la pierre, philosophale et l’élixir de vie. Ils disent qu’il y a toujours onze adeptes dans ce monde ; et, comme l’élixir les rend immortels, lorsqu’un nouvel alchimiste a découvert le secret du grand œuvre, il faut qu’un des onze anciens lui fasse place et se retire dans un autre des mondes élémentaires.

Adès, ou Hadès, roi de l’enfer. Ce mot est pris, souvent, chez quelques poètes anciens, pour l’enfer même.

Adhab-Algab, purgatoire des musulmans, où les méchants sont tourmentés par les anges noirs Munkir et Nékir.

Adjuration, formule d’exorcisme par laquelle on commande, au nom de Dieu, à l’esprit malin de dire ou de faire ce qu’on exige de lui.

Adonis, démon brûlé. Selon les démonologues, il remplit quelques fonctions dans les incendies[8]. Des savants croient que c’est le même que le démon Thamuz des Hébreux.

Adoration du crapaud. Les sorciers n’adorent pas seulement le diable dans leurs hideuses assemblées. Tout aspirant qui est reçu là sorcier après certaines épreuves reçoit un crapaud, avec l’ordre de l’adorer ; ce qu’il fait en lui don-liant un baiser en signe de révérence. Voy. Sabbat.

Adramelech, grand chancelier des enfers, intendant de la garde-robe du souverain des démons,

 
Adramelech
Adramelech
 
président du haut conseil des diables. Il était adoré à Sépharvaïm, ville des Assyriens, qui brûlaient des enfants sur ses autels. Les rabbins disent qu’il se montre sous la figure d’un mulet, et quelquefois sous celle d’un paon.

Adranos, idole sicilienne, qui a donné son nom à la ville d’Adranum, aujourd’hui Aderno. On élevait dans son temple mille chiens, dits sacrés, qui avaient pour mission principale de reconduire chez eux les hommes ivres.

Adrien. Se trouvant en-Mésie, à la tête d’une légion auxiliaire, vers la fin du règne de Domitien, Adrien consulta un devin (car il croyait aux devins et à l’astrologie judiciaire), lequel lui prédit qu’il parviendrait un jour à l’empire. Ce n’était pas, dit-on, la première fois qu’on lui faisait cette promesse. Trajan, qui était son tuteur, l’adopta, et il régna en effet.

On lui attribue en Écosse la construction de la muraille du Diable.

Fulgose, qui croyait beaucoup à l’astrologie, rapporte, comme une preuve de la solidité de cette science, que l’empereur Adrien, très-habile astrologue, écrivait tous les ans, le premier jour du premier mois, ce qui lui devait arriver pendant l’année, et que, l’an qu’il mourut, il n’écrivit que jusqu’au mois de sa mort, donnant à connaître par son silence qu’il prévoyait son trépas. Mais ce livre de l’empereur Adrien, qu’on ne montra qu’après sa mort, n’était qu’un journal.

Aéromancie, art de prédire les choses futures par l’examen des variations et des phénomènes de l’air. C’est en vertu de cette divination qu’une comète annonce la mort d’un grand homme. Cependant ces présages extraordinaires :peuvent rentrer dans la tératoscopie.

François de la Torre-Blanca dit que l’aéromancie est l’art de dire la bonne aventure en faisant apparaître des spectres dans les airs, ou en représentant, avec l’aide des démons, les événements futurs dans un nuage, comme dans une lanterne magique. « Quant aux éclairs et au tonnerre, ajoute-t-il, ceci regarde les augures ; et les aspects du ciel et des planètes appartiennent à l’astrologie. »

Aétite, espèce de pierre qu’on nomme aussi pierre d’aigle, selon la signification de ce mot grec, parce qu’on prétend qu’elle se trouve dans les nids des aigles. Matthiole dit que les aigles vont chercher, cette pierre jusqu’aux Indes, pour faire éclore plus facilement leurs petits. De là vient qu’on attribue à l’aétite la propriété de faciliter l’accouchement lorsqu’elle est attachée au-dessus du genou d’une femme, ou de le retarder si on la lui met à la poitrine. — Dioscoride dit qu’on s’en servait autrefois pour découvrir les voleurs. Après qu’on l’avait broyée, on en mêlait la cendre dans du pain fait exprès ; on en faisait manger à tous ceux qui étaient soupçonnés. On croyait que, si peu d’aétite qu’il y eût dans ce pain, le voleur ne pouvait avaler le morceau. Les Grecs modernes emploient encore cette vieille superstition, qu’ils rehaussent de quelques paroles mystérieuses. Voy. Alphitomancie.

Ævoli (César), auteur ou collecteur d’un livre peu remarquable, intitulé Opuscules sur les attributs divins et sur le pouvoir qui a été donné aux démons de connaître les choses secrètes et de tenter les hommes. Opuscula de divinis attributis et de modo et potestate quam dæmones habent intelligendi et passiones animi excitandi, in-4o ; Venise, 1589.

Agaberte. « Aucuns parlent, dit Torquemada, d’une certaine femme nommée Agaberte, fille d’un géant qui s’appelait Vagnoste, demeurant aux pays septentrionaux, laquelle était grande enchanteresse ; et la force de ses enchantements était si variée qu’on ne la voyait presque jamais en sa propre figure. Quelquefois c’était une petite vieille fort ridée, qui semblait ne se pouvoir remuer, ou bien une pauvre femme malade et sans forces ; d’autres fois elle était si haute qu’elle paraissait toucher les nues avec sa tête. Ainsi elle prenait telle forme qu’elle voulait aussi aisément que les auteurs écrivent d’Urgande la Méconnue. Et, d’après ce qu’elle faisait, le monde avait opinion qu’en un instant elle pouvait obscurcir le soleil, la lune et les étoiles, aplanir les monts, renverser les montagnes, arracher les arbres, dessécher les rivières, et faire autres choses pareilles, si aisément qu’elle semblait tenir tous les diables attachés et sujets a ses volontés[9]. »

Agarès, démon, Voy. Aguarès.

Agate, pierre précieuse à laquelle les anciens attribuaient des qualités qu’elle n’a pas, comme de fortifier le cœur, de préserver de la peste et de guérir les morsures du scorpion et de la vipère.

Agathion, démon familier qui ne se montre qu’à midi. Il paraît en forme d’homme ou de bête ; quelquefois il se laisse enfermer dans un talisman, dans une bouteille pu dans un anneau magique[10].

Agathodémon, ou bon démon, adoré des Égyptiens sous la figure d’un serpent à tête humaine. Les Grecs de l’Arcadie donnaient ce nom à Jupiter. Les dragons ou serpents ailés, que les anciens révéraient, s’appelaient agalhodæmones, ou bons génies.

Agla, sigle ou mot cabalistique auquel les rabbins attribuent le pouvoir de chasser l’esprit malin. Ce mot se compose des premières lettres de ces quatre mots hébreux : Athah gabor leolam, Adonaï : « Vous êtes puissant et éternel, Seigneur. » Ce charme n’était pas seulement employé par les Juifs et les cabalistes, quelques chrétiens hérétiques s’en sont armés souvent pour combattre les démons. L’usage en était fréquent au seizième siècle[11], et plusieurs livres magiques en sont pleins, principalement l’Enchridion attribué ridiculement au pape Léon III. Voy. Cabale.

Aglaophotis, sorte d’herbe qui croît dans les marbrières de l’Arabie, et dont les magiciens se servaient pour évoquer les démons. Ils employaient ensuite l’anancitide et la syrrochite, autres ingrédients qui retenaient les démons évoqués aussi longtemps qu’on le voulait. Voy. Baaras.

Agnan, ou Agnian, démon qui tourmente les Américains par des apparitions et des méchancetés. Il se montre surtout au Brésil et chez les

 
Agnan
Agnan
 
Topinamboux. Il paraît sous toutes sortes de formes, de façon que ceux qui veulent le voir peuvent le rencontrer partout.

Agobard, archevêque de Lyon au neuvième siècle. Il a écrit contre les épreuves judiciaires et contre plusieurs superstitions de son époque. On croyait de son temps que les sorciers faisaient les tempêtes, qu’ils étaient maîtres de la grêle et des intempéries. Ainsi, dit le saint évêque, on ôte à Dieu son pouvoir tout-puissant pour le donner à des hommes. Il éclaira donc son diocèse, et il est bon de remarquer ici que c’est toujours l’Église qui a le plus constamment combattu les superstitions. Cependant elle a cru avec raison aux magiciens et aux maléfices, mais jamais à leur omnipotence.

Agraféna-Shiganskaia. L’une des maladies les plus générales sur les côtes nord-est de la Sibérie, surtout parmi les femmes : c’est une extrême délicatesse des nerfs. Cette maladie, appelée mirak dans ce pays, peut être causée par le défaut absolu de toute nourriture végétale ; mais la superstition l’attribue à l’influence d’une magicienne nommée Agraféna-Shiganskaia, qui, bien que morte depuis plusieurs siècles, continue, comme les vampires, à répandre l’effroi parmi les habitants et passe pour s’emparer des malades, — M. de Wrangel, qui rapporte ce fait dans le récit de son expédition au nord-est de la Sibérie, ajoute que parfois on trouve aussi des hommes, qui souffrent du mirak ; mais ce sont des exceptions.

Agrippa (Henri-Corneille), médecin et philosophe, contemporain d’Érasme, l’un des savants hommes de son temps, dont on l’a appelé le Trismégiste ; né à Cologne en 1486, mort en 1535, après une carrière orageuse, chez le receveur général de Grenoble, et non à Lyon ni dans un hôpital, comme quelques-uns l’ont écrit, il avait été lié avec tous les grands personnages et recherché de tous les princes de son époque. Chargé souvent de négociations politiques, il fit de nombreux voyages, que Thevet, dans ses Vies des hommes illustres, attribue à la manie « de faire partout des tours de son métier de magicien ; ce qui le faisait reconnaître et chasser incontinent ».

 
Agrippa.
Agrippa.
Agrippa.
 

Entraîné par ses études philosophiques dans des excentricités où la magie intervenait, comme de nos jours le magnétisme et le spiritisme, il s’est égaré dans la théurgie des néo-platoniciens et s’est posé « héritier de l’école d’Alexandrie[12]. » Il a donc fait réellement de la magie, comme l’en accusent les démonologues, ou du moins il l’a tenté. Il s’est occupé aussi de l’alchimie, sans grand succès probablement, puisqu’il mourut pauvre. Il avait des prétentions à pénétrer l’avenir, et on raconte qu’il promit au connétable de Bourbon des succès contre François Ier, ce qui était peu loyal, car il était alors le médecin de Louise de Savoie. On croit pouvoir établir aussi qu’il avait étudié les arts extranaturels dans ces universités occultes qui existaient au moyen âge.

Sa Philosophie occulte lui attira des persécutions. On y voit, malgré d’habiles détours, les traces évidentes de la théurgie. Aussi il a laissé une certaine réputation parmi les pauvres êtres qui s’occupent, de sciences sécrètes, et on a mis sous son nom de stupides opuscules magiques. On croyait encore sous Louis XIV qu’il n’était pas mort. Voyez sa légende, où il est peut-être trop ménagé, dans les Légendes infernales.

Aguapa, arbré des Indes orientales dont on prétend que l’ombre est-venimeuse. Un homme vêtu qui s’endort sous cet arbre se relève tout enflé, et l’on assure qu’un homme nu crève sans ressource. Les habitants attribuent à la méchanceté du diable ces cruels effets. Voy. Bohon-Hupas.

Aguarès, grand-duc de la partie orientale des enfers. Il se montre sous les traits d’un seigneur à cheval sur un crocodile, l’épervier au poing.

 
Aguarès
Aguarès
 

Aguerre (Pierre d’). Sous Henri IV, dans cette partie des Basses-Pyrénées qu’on appelait le pays de Labour[13], on fit le procès en sorcellerie à un vieux coquin de soixante-treize ans, qui se nommait Pierre d’Aguerrè, et qui causait beaucoup de maux par empoisonnements, dits sortilèges. On avait arrêté, en même temps que lui, Marie d’Aguerre et Jeanne d’Aguerre, ses petites-filles ou ses petites-nièces, avec d’autres jeunes filles et les sorcières qui les avaient menées au sabbat. Jeanne d’Aguerre exposa les turpitudes qui se commettaient dans les grossières orgies où on l’avait conduite ; elle y avait vu le diable en forme de bouc. Marie d’Aguerre déposa que le démon adoré au sabbat s’appelait Léonard, qu’elle l’avait vu en sa forme de bouc sortir du fond d’une grande cruche placée au milieu de l’assemblée, qu’il lui avait paru prodigieusement haut, et qu’à la fin du sabbat il était rentré dans sa cruche.

Deux témoins ayant affirmé qu’ils avaient vu Pierre d’Aguerre remplir au sabbat le personnage de maître des cérémonies, qu’ils avaient vu le diable lui donner un bâton doré avec lequel il rangeait, comme un maître de camp, les personnes et les choses, et qu’ils l’avaient vu à la fin de l’assemblée rendre au diable son bâton de commandement[14], le vieux coquin, qui avait bien d’autres méfaits, fut condamné à mort comme sorcier avéré. Voy. Bouc et Sabbat.

Aigle. L’aigle a toujours été un oiseau de présage chez les anciens. Valère-Maxime rapporte que la vue d’un aigle sauva la vie au roi Déjotarus, qui ne faisait rien sans consulter les oiseaux ; comme il s’y connaissait, il comprit que l’aigle qu’il voyait le détournait d’aller loger dans la maison qu’on lui avait préparée, et qui s’écroula la nuit suivante.

De profonds savants ont dit que l’aigle a des propriétés surprenantes y entre autres celle-ci, que sa cervelle desséchée, mise en poudre, imprégnée de suc de ciguë et, mangée en ragoût, rend si furieux ceux qui se sont permis ce régal, qu’ils s’arrachent les cheveux, et se déchirent jusqu’à ce qu’ils aient complètement achevé leur digestion. Le livre qui contient cette singulière recette[15] donne pour raison de ses effets que « la grande chaleur de la cervelle de l’aigle forme des illusions fantastiques en bouchant les conduits des vapeurs et en remplissant la tête de fumée ». C’est ingénieux et clair.

On donne en alchimie le nom d’aigle à différentes combinaisons savantes. L’aigle céleste est une composition de mercure réduit en essence, qui passe pour un remède universel ; l’aigle de Vénus est une composition de vert-de-gris et de sel ammoniac, qui forment un safran ; l’aigle noir est une composition de cette cadmie vénéneuse qui se nomme cobalt, et que quelques alchimistes regardent comme la matière du mercure philosophique.

Aiguilles. On pratique ainsi, dans quelques localités, une divination par les aiguilles. — On prend vingt-cinq aiguilles neuves ; on les met dans une assiette sur laquelle on verse de l’eau. Celles qui s’affourchent les unes sur les autres annoncent autant d’ennemis.

On conte qu’il est aisé, de faire merveille avec de simples aiguilles à coudre, en leur communiquant une vertu qui enchante. Kornmann écrit ceci[16] : « Quant à ce que les magiciens, et les enchanteurs font avec l’aiguille dont on a cousu le suaire d’un cadavre, aiguille au moyen de laquelle ils peuvent lier les nouveaux mariés, cela ne doit pas s’écrire, de crainte de faire naître la pensée d’un pareil expédient… »

Aiguillette. On appelle nouement de l’aiguillette un charme qui frappe tellement l’imagination de deux époux ignorants ou superstitieux, qu’il s’élève entre eux une sorte d’antipathie dont les accidents sont très-divers. Ce charme est jeté par des malveillants qui passent pour sorciers ou qui le sont. Voy. Ligatures.

Aimant (Magnes), principal producteur de la vertu magnétique ou attractive. — Il y a sur l’aimant quelques erreurs populaires qu’il est bon de passer en revue. On rapporte des choses admirables, dit le docteur Brown[17], d’un certain aimant qui n’attire pas seulement le fer, mais la chair aussi. C’est un aimant très-faible, composé surtout de terre glaise semée d’un petit nombre de lignes magnétiques et ferrées. La terre glaise qui en est la base fait qu’il s’attache aux lèvres, comme l’hématite ou la terre de Lemnos. Les médecins qui joignent cette pierre à l’aétite lui donnent mal à propos la vertu de prévenir les avortements.

On a dit de toute espèce d’aimant que l’ail peut lui enlever sa propriété attractive ; opinion certainement fausse, quoiqu’elle nous ait été transmise par Solin, Pline, Plutarque, Matthiole, etc. Toutes les expériences l’ont démentie. Un fil d’archal rougi, puis éteint dans le jus d’ail, ne laisse pas de conserver sa vertu polaire ; un morceau d’aimant enfoncé dans l’ail aura la même puissance attractive qu’auparavant ; des aiguilles laissées dans l’ail jusqu’à s’y rouiller n’en retiendront pas moins cette force d’attraction. On doit porter le même jugement de cette autre assertion, que le diamant a la vertu d’empêcher l’attraction de l’aimant, Placez un diamant (si vous en avez) entre l’aimant et l’aiguille, vous les verrez se joindre, dussent-ils passer par-dessus la pierre précieuse. Les auteurs que nous combattons ont sûrement pris pour des diamants ce qui n’en était pas.

Mettez sur la même ligne, continue Brown, cette autre merveille contée par certains rabbins, que les cadavres humains sont magnétiques et que, s’ils sont étendus dans un bateau, le bateau tournera jusqu’à ce que la tête du corps mort regarde le septentrion. — François Rubus, qui avait une crédulité très-solide, reçoit comme vrais la plupart de ces faits inexplicables. Mais tout ce qui tient du prodige, il l’attribue au prestige du démon[18], et c’est un moyen facile de sortir d’embarras.

Disons un mot du tombeau de Mahomet. Beaucoup de gens croient qu’il est suspendu, à Médine, entre deux pierres d’aimant placées avec art, l’une au-dessus et l’autre au-dessous ; mais ce tombeau est de pierre comme tous les autres, et bâti sur le pavé du temple. — On lit quelque part, à la vérité, que les mahométans avaient conçu un pareil dessein ; ce qui a donné lieu à la fable que le temps et l’éloignement des lieux ont fait passer pour une vérité, et que l’on a essayé d’accréditer par des exemples. On voit dans Pline que l’architecte Dinochàrès commença de voûter, avec des pierres d’aimant, le temple d’Arsinoé à Alexandrie, afin de suspendre en l’air la statue de cette reine ; il mourut sans avoir exécuté ce projet, qui eût échoué. — Rufin conte quel dans le temple de Sérapis, il y avait un chariot de fer que des pierres d’aimant tenaient suspendu ; que ces pierres ayant été ôtées, le chariot tomba et se brisa. Bède rapporte également, d’après des contes anciens, que le cheval de Bellérophon, qui était de fer, fut suspendu entre deux pierres d’aimant.

C’est sans doute à la qualité minérale de l’aimant qu’il faut attribuer ce qu’assurent quelques-uns, que les blessures faites avec des armes aimantées sont plus dangereuses et plus difficiles à guérir, ce qui est détruit par l’expérience ; les incisions faites par des chirurgiens avec des instruments aimantés ne causent aucun mauvais effet. Rangez dans la même classe l’opinion qui fait de l’aimant un poison, parce que des auteurs le placent dans le catalogue des poisons. Gardas de Huerta, médecin d’un vice-roi espagnol, rapporte au contraire que les rois de Ceylan avaient coutume de se faire servir dans des plats de pierre d’aimant, s’imaginant par là conserver leur vigueur.

On ne peut attribuer qu’à la vertu magnétique ce que dit Ætius, que si un goutteux tient quelque temps dans sa main une pierre d’aimant, il ne se sent plus de douleur, ou que du moins il éprouve un soulagement. C’est à la même vertu qu’il faut l’apporter ce qu’assure Marcellus Empiricus, que l’aimant guérit les maux de tête. Ces effets merveilleux ne sont qu’une extension gratuité de sa vertu attractive, dont tout le monde convient. Les hommes, s’étant aperçus de cette force secrète qui attire les corps magnétiques, lui ont donné encore une attraction, d’un ordre différent, la vertu de tirer la douleur de toutes les parties du corps ; c’est ce qui a fait ériger l’aimant en philtre.

On dit aussi que l’aimant resserre les nœuds de l’amitié paternelle et de l’union conjugale, en même temps qu’il est très-propre aux opérations magiques. Les basilidiens en faisaient des talismans pour chasser les démons. Les fables qui regardent les vertus de cette pierre sont en grand nombre. Dioscoride assure qu’elle est pour les voleurs un utile auxiliaire ; quand ils veulent piller un logis, dit-il, ils allument du feu aux quatre coins, et y jettent des morceaux d’aimant. La fumée qui en résulte est si incommode, que ceux qui habitent la maison sont forcés de l’abandonner. Malgré l’absurdité de cette fable, mille ans après Dioscoride, elle a été adoptée par les écrivains qui ont compilé les prétendus secrets merveilleux d’Albert le Grand.

Mais on ne trouvera plus d’aimant comparable à celui de Laurent Guasius. Cardan affirme que toutes les blessures faites avec des armes frottées de cet aimant ne causaient aucune douleur.

Encore une fable : je ne sais quel écrivain assez grave a dit que l’aimant fermenté dans du sel produisait et formait le petit poisson appelé rémore, lequel possède la vertu d’attirer l’or du puits le plus profond. L’auteur de cette recette savait qu’on ne pourrait jamais le réfuter par l’expérience[19] ; et c’est bien dans ces sortes de choses qu’il ne faut croire que les faits éprouvés.

Aimar. Voy. Baguette divinatoire.

Ajournement. On croyait assez généralement autrefois que, si quelque opprimé, au moment de mourir, prenait Dieu pour juge, et s’il ajournait son oppresseur au tribunal suprême, il se faisait toujours une manifestation du gouvernement temporel de la Providence. Le mot toujours est une témérité, car on ne cite que quelques faits à l’appui de cette opinion. Le roi de Castille Ferdinand IV fut ajourné par deux gentils hommes injustement condamnés, et mourut au bout de trente jours. Énéas Sylvius raconte, et c’est encore un fait constaté, que François Ier, duc de Bretagne, ayant fait assassiner son frère (en 1450), ce prince, en mourant, ajourna son meurtrier devant Dieu, et que le duc expira au jour fixé[20].

Nous ne mentionnerons ici l’ajournement du grand maître des templiers, que l’on a dit avoir cité le pape et le roi au tribunal de Dieu, que pour faire remarquer au lecteur que cet ajournement a été imaginé longtemps après le supplice de ce grand maître. Voy. Templiers.

Akbaba, vautour qui vit mille ans en se nourrissant de cadavres. C’est une croyance turque.

 
Akbaba
Akbaba
 

Akhmin. Ville de la moyenne Thébaïde, qui avait autrefois le renom d’être la demeure des plus grands magiciens[21]. Paul Lucas parle, dans son second voyage[22], du serpent merveilleux d’Akhmin, que les musulmans honorent comme un ange, et que les chrétiens croient être le démon Asmodée. Voy. Haridi.

Akiba, rabbin du premier siècle de notre ère, précurseur de Bar-Cokébas[23]. De simple berger, poussé par l’espoir d’obtenir la main d’une jeune fille dont il était épris, il devint un savant renommé. Les Juifs disent qu’il fut instruit par les esprits élémentaires, qu’il savait conjurer, et qu’il eut, dans ses jours d’éclat, jusqu’à quatre-vingt mille disciples… On croit qu’il est auteur du Jetzirah ou livré de la création, attribué aussi par les uns à Abraham, et par d’autres à Adam même.

Akouan, démon géant, qui, dans les traditions persanes, lutta longtemps contre Roustam, et fut enfin, malgré sa masse énorme, tué par ce héros. — Roustam est en Perse un personnage que l’on ne peut comparer qu’à Roland, chez nous.

Alain de l’Isle (Insulensis). religieux bernardin, évêque d’Auxerre au douzième siècle, autour vrai ou supposé de l’Explication des prophéties de Merlin (Explanationes in prophetias Merlini Angli ; Francfort, 1608, in-8o). Il composa, dit-on, ce commentaire, en 1170, à l’occasion du grand bruit que faisaient alors lesdites prophéties.

Un autre Alain ou Alanus, qui vivait dans le même siècle, a laissé pour les alchimistes un livre intitulé Dicta de lapide philosophico, in-8o ; Leyde, 1600.

Alaric, roi des Goths et premier roi du premier royaume d’Italie (car il y en a eu quatre avant nos jours, et aucun n’a pu durer). Olympiodore nous a conservé un récit populaire de son temps, suivant lequel, lorsque Alaric voulut envahir la Sicile, il fut repoussé par une statue mystérieuse qui lui lançait des flammes par l’un de ses pieds et des jets d’eau par l’autre. Il se retira à Cosenza, où il mourut subitement peu de jours après (an 410).

Alary (François), songe-creux, qui a fait imprimer à Rouen, en 1701, la Prophétie du comte Bombaste, chevalier de la Rose-Croix, neveu de Paracelse, publiée en l’année 1609, sur la naissance de Louis le Grand.

Alastor, démon sévère, exécuteur suprême des sentences du monarque infernal. Il fait les fonctions de Némésis. Zoroastre l’appelle le bourreau ; Origène dit que c’est le même qu’Azazel ;

 
Alastor
Alastor
 
d’autres le confondent avec l’ange exterminateur. Les anciens appelaient les génies malfaisants alastores, et Plutarque dit que Cicéron, par haine contre Auguste, avait eu le projet de se tuer auprès du foyer de ce prince pour devenir son alastor.

Albert le Grand, Albert le Teutonique, Albert de Cologne, Albert de Ratisbonne, Albertus Grotus, car on le désigne sous tous ces noms (le véritable était Albert de Groot), savant et pieux dominicain, mis à tort au nombre des magiciens par les démonographes, fut, dit-on, le plus curieux de tous les hommes. Il naquit dans la Souabe, à Lawigen sur le Danube, en 1205. D’un esprit fort grossier dans son jeune âge, il devint, à la suite d’une vision qu’il eut de la sainte Vierge, qu’il servait tendrement et qui lui ouvrit les yeux de l’esprit, l’un des plus grands docteurs de son siècle. Il fut le maître de saint Thomas d’Aquin. Vieux, il retomba dans la médiocrité, comme pour montrer qu’évidemment son mérite et sa science étendue n’étaient qu’un don miraculeux et temporaire. — D’anciens écrivains ont dit, après avoir remarqué la dureté naturelle de sa conception, que d’âne il avait été transmué en philosophe ; puis, ajoutent-ils, de philosophe il redevint âne[24].

Albert le Grand fut évêque de Ratisbonne, et mourut saintement à Cologne, âgé de quatre-vingt-sept ans. Ses ouvrages n’ont été publiés qu’en 1651 ; ils forment vingt et un volumes in-folio. En les parcourant, on admire un savant chrétien ; on ne trouve jamais rien qui ait pu le charger de sorcellerie. Il dit formellement au contraire : « Tous ces contes de démons qu’on voit rôder dans les airs, et de qui on tire le secret des choses futures, sont trop souvent des absurdités ou des fourberies[25]. » — C’est qu’on a mis sous son nom des livres de secrets merveilleux, auxquels il n’a jamais eu plus de part qu’à l’invention du gros canon et du pistolet que lui attribue Matthieu de Luna.

Mayer dit qu’il reçut des disciples de saint Dominique le secret de la pierre philosophale, et qu’il le communiqua à saint Thomas d’Aquin ; qu’il possédait une pierre marquée naturellement d’un serpent, et douée de cette vertu admirable, que si on la mettait dans un lieu fréquenté par des serpents, elle les attirait tous ; qu’il employa, pendant trente ans, toute sa science de magicien et d’astrologue à faire, de métaux bien choisis et sous Inspection des astres, un automate doué de la parole, qui lui servait d’oracle et résolvait toutes les questions qu’on lui proposait : c’est ce qu’on appelle l’androïde d’Albert le Grand ; que cet automate fut anéanti par saint Thomas d’Aquin, qui le brisa à coups de bâton, dans l’idée que c’était un ouvrage ou un agent du diable. On sent que tous ces petits faits sont des contes. On a donné aussi à Virgile, au pape Sylvestre II, à Roger Bacon, de pareils androïdes. Vaucanson a montré que c’était un pur ouvrage de mécanique.

Une des plus célèbres sorcelleries d’Albert le Grand eut lieu à Cologne. Il donnait un banquet dans son cloître à Guillaume II, comte de Hollande et roi des Romains ; c’était dans le cœur de l’hiver ; la salle du festin présenta, à la grande surprise de la cour, la riante parure du printemps ; mais, ajoute-t-on, les fleurs se flétrirent a la fin du repas. À une époque où l’on ne connaissait pas les serres chaudes, l’élégante prévenance du bon et savant religieux dut surprendre. — Ce qu’il appelait lui-même ses opérations magiques n’était ainsi que de la magie blanche.

Finissons en disant que son nom d’Albert le Grand n’est pas un nom de gloire, mais la simple traduction de son nom de famille, Albert de Groot. On lui attribue donc le livre intitulé les Admirables secrets d’Albert le Grand, contenant plusieurs traités sur les vertus des herbes, des pierres précieuses et des animaux, etc., augmentés d’un abrégé curieux de la physionomie et d’un préservatif contre la peste, les fièvres malignes, les poisons et l’infection de l’air, tirés et traduits des anciens manuscrits de l’auteur qui n’avaient pas encore paru, etc., in-18, in-24, in-12. Excepté du bon sens, on trouve de tout dans ce fatras, jusqu’à un traité des fientes qui, « quoique viles et méprisables, sont cependant en estime, si on s’en sert aux usages prescrits (les engrais) ». Le récollecteur de ces secrets débute par une façon de prière ; après quoi il donne la pensée du prince des philosophes, lequel pense que l’homme est ce qu’il y a de meilleur dans le monde, attendu la grande sympathie qu’on découvre entre lui et les signes du ciel, qui est au-dessus de nous, et par conséquent nous est supérieur.

Le livre Ier traite principalement, et de la manière la plus inconvenante, de l’influence des planètes sur la naissance des enfants, du merveilleux effet des cheveux de la femme, des monstres, de la façon de connaître si une femme enceinte porte un garçon ou une fille, du venin que les vieilles femmes ont dans les yeux, surtout si elles y ont de la chassie, etc. Toutes ces rêveries grossières sont fastidieuses, absurdes et fort sales. On voit au livre II les vertus de certaines pierres, de certains animaux, et les merveilles du monde, des planètes et des astres. — Le livre III présente l’excellent traité des fientes, de singulières idées sur les urines, les punaises, les vieux souliers et la pourriture ; des secrets pour amollir le fer, pour manier les métaux, pour dorer l’étain et pour nettoyer la batterie de cuisine. Le livre IV est un traité de physiognomonie, avec des remarques savantes, des observations sur les jours heureux et malheureux, des préservatifs contre la fièvre, des purgatifs, des recettes de cataplasmes et autres choses de même nature. Nous rapporterons en leur lieu ce qu’il y a de curieux dans ces extravagances, et le lecteur, comme nous, trouvera étonnant qu’on vende chaque année par milliers d’exemplaires les secrets d’Albert le Grand aux habitants malavisés des campagnes.

Le solide Trésor du Petit Albert, ou secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique, traduit exactement sur l’original latin intitulé Alberti Parvi Lucii liber de mirabilibus naturæ arcanis, enrichi de figures mystérieuses et la manière de les faire (ce sont des figures de talismans). Lyon, chez les héritiers de Beringos fratres, à l’enseigne d’Agrippa. In-18, 6516 (année cabalistique). — Albert le Grand est également étranger à cet autre recueil d’absurdités, plus dangereux que le premier, quoiqu’on n’y trouve pas, comme les paysans se l’imaginent, les moyens d’évoquer le diable. On y voit la manière de nouer et de dénouer l’aiguillette, la composition de divers philtres, l’art de savoir en songe qui on épousera, des secrets pour faire danser, pour multiplier les pigeons, pour gagner au jeu, pour rétablir le vin gâté, pour faire des talismans cabalistiques, découvrir les trésors, se servir de la main de gloire, composer l’eau ardente et le feu grégeois, la jarretière et le bâton du voyageur, l’anneau d’invisibilité, la poudre de sympathie, l’or artificiel, et enfin des remèdes contre les maladies, et des gardes pour les troupeaux. Voy. ces divers articles.

Albert d’Alby, auteur de l’Oracle parfait. Voy. Cartomancie, à la fin.

Albert de Saint-Jacques, moine du dix-septième siècle, qui publia un livre intitulé Lumure aux vivants par l’expérience des morts, ou diverses apparitions des âmes du purgatoire en notre siècle. In-8o, Lyon, 1675.

Albigeois, fusion de manichéens très-perfides, dont l’hérésie éclata dans le Languedoc,

 
Albigeois
Albigeois
 
et eut pour centre Albi. Ils admettaient deux principes, disant que Dieu avait produit de lui-même Lucifer, qui était ainsi son fils aîné ; que Lucifer, fils de Dieu, s’était révolté contre lui ; qu’il avait entraîné dans sa rébellion une partie des anges ; qu’il s’était vu alors chassé du ciel avec ses complices ; qu’il avait, dans son exil, créé ce monde que nous habitons, où il régnait et où tout allait mal. Ils ajoutaient que Dieu, pour rétablir l’ordre, avait produit un second fils, qui était Jésus-Christ.

Ce singulier dogme se présentait avec des variétés, suivant les différentes sectes. Presque toutes niaient la résurrection de la chair, l’enfer et le purgatoire, disant que nos âmes n’étaient que des démons logés dans nos corps en châtiment de leurs crimes. — Les Albigeois avaient pris, dès la fin du douzième siècle, une effrayante consistance. Ils tuaient les prêtres et les moines, brûlaient les croix, détruisaient les églises. De si odieux excès marquaient leur passage, que, les remontrances et les prédications étant vaines, il fallut faire contre eux une croisade, dont Simon de Montfort fut le héros. On a dénaturé et faussé par les plus insignes mensonges l’histoire de cette guerre sainte[26] ; on a oublié que, si les Albigeois eussent triomphé, l’Europe retombait dans la plus affreuse barbarie. Il est vrai que leurs défenseurs sont les protestants, héritiers d’un grand nombre de leurs erreurs, et les philosophes, amateurs assez souvent de leurs désordres.

Albigerius. Les démonographes disent que les possédés, par le moyen du diable, tombent quelquefois dans des extases pendant lesquelles leur âme voyage loin du corps, et fait à son retour des révélations de choses secrètes. C’est ainsi, comme dit Leloyer, que les corybantes devinaient et prophétisaient, phénomènes que le somnambulisme expliquerait peut-être. Saint Augustin parle d’un Carthaginois, nommé Albigerius, qui savait par ce moyen tout ce qui se faisait hors de chez lui. Chose plus étrange, a la suite de ses extases, il révélait souvent ce qu’un autre songeait dans le plus secret de sa pensée.

Saint Augustin cite un autre frénétique qui, dans une grande fièvre, étant possédé du mauvais esprit, sans extase, mais bien éveillé, rapportait fidèlement tout ce qui se faisait loin de lui. Lorsque le prêtre qui le soignait était à six lieues de la maison, le diable, qui parlait par la bouche du malade, disait aux personnes présentes en quel lieu était ce prêtre à l’heure où il parlait et ce qu’il faisait, etc. On prétend que Cagliostro en faisait autant. Ces choses-là sont surprenantes. Mais l’âme immortelle, suivant la remarque d’Aristote, peut quelquefois voyager sans le corps[27].

Albinos. Nom que les Portugais ont donné à des hommes d’une blancheur extrême, qui sont ordinairement enfants de nègres. Les noirs les regardent comme des monstres, et les savants ne savent à quoi attribuer cette blancheur. Les albinos sont pâles comme des spectres ; leurs yeux, faibles et languissants pendant le jour, sont brillants à la clarté de la lune. Les noirs, qui donnent aux démons la peau blanche, regardent les albinos comme des enfants du démon. Ils croient qu’ils peuvent les combattre aisément pendant le jour, mais que la nuit les albinos sont les plus forts et se vengent. Dans le royaume de Loango, les albinos passent pour des démons champêtres et obtiennent quelque considération à ce titre.

Vossius dit qu’il y a dans la Guinée des peuplades d’albinos. Mais comment ces peuplades subsisteraient-elles, s’il est vrai que ces infortunés ne se reproduisent point ?

Il paraît que les anciens connaissaient les albinos. « On assure, dit Pline, qu’il existe en Albanie des individus qui naissent avec des cheveux blancs, des yeux de perdrix, et ne voient clair que pendant la nuit. » Il ne dit pas que ce soit une nation, mais quelques sujets affectés d’une maladie particulière. « Plusieurs animaux ont aussi leurs albinos, ajoute M. Salgues ; les naturalistes ont observé des corbeaux blancs, des merles blancs, des taupes blanches ; leurs yeux sont rouges, leur peau est plus pale et leur organisation plus faible[28]. »

Alborak. Voy. Borak.

Albumazar, astrologue du neuvième siècle, né dans le Khorassan, connu par son traité astrologique intitulé Milliers d’années, où il affirme que le monde n’a pu être créé que quand les sept planètes se sont trouvées en conjonction dans le premier degré du Bélier, et que la fin du monde aura lieu quand ces sept planètes, qui sont aujourd’hui (en 1862) au nombre de cinquante et une, se rassembleront dans le dernier dégrèves Poissons. On a traduit en latin et imprimé d’Albumazar le Tractatus florum astrologiæ, in-4o, Augsbourg, 1488. On peut voir dans Casiri, Biblioth. arab. hispan., t. Ier, p. 351, le catalogue de ses ouvrages.

Albunée, sibylle célèbre. On voit encore son temple à Tivoli, en ruines, il est vrai. Voy. Sibylles.

Alchabitius. Voy. Abd-el-Azys.

Alchimie. L’alchimie ou chimie par excellence, qui s’appelle aussi philosophie hermétique, est cette partie éminente de la chimie qui s’occupe de l’art de transmuer les métaux. Son résultat, en expectative, est la pierre philosophale. Voy. Pierre philosophale et Gobineau.

Alchindus, que Wierus[29] met au nombre des magiciens, mais que Delrio[30] se contente de ranger parmi les écrivains superstitieux, était un médecin arabe du onzième siècle qui employait comme remède les paroles charmées et les combinaisons de chiffres. Des démonologues l’ont déclaré suppôt du diable, à cause de son livre intitulé Théorie des arts magiques, qu’ils n’ont point lu. Jean Pic de la Mirándole dit qu’il ne connaît que trois hommes qui se soient occupés de la magie naturelle et permise : Alchindus, Roger Bacon et Guillaume de Paris. Alchindus était simplement un peu physicien dans des temps d’ignorance. À son nom arabe Alcendi, qu’on a latinisé, quelques-uns ajoutent le prénom de Jacob ; on croit qu’il était mahométan. — On lui reproche d’avoir écrit des absurdités. Par exemple, il pensait expliquer les songes en disant qu’ils sont l’ouvrage des esprits élémentaire qui se montrent à nous dans le sommeil et nous représentent diverses actions fantastiques, comme des acteurs qui jouent la comédie devant le public ; ce qui n’est peut-être pas si bête.

Alcoran. Voy. Koran.

Alcyon. Une vieille opinion, qui subsiste encore chez les habitants des côtes, c’est que l’alcyon ou martin-pêcheur est une girouette naturelle, et

 
Alcyon
Alcyon
 
que, suspendu par le bec, il désigne le côté d’où vient le vent, en tournant sa poitrine vers ce point de l’horizon. Ce qui a mis cette croyance en crédit parmi le peuple, c’est l’observation qu’on a faite que l’alcyon semble étudier les vents et les deviner lorsqu’il établit son nid sur les îlots, vers le solstice d’hiver. Mais cette prudence est-elle dans l’alcyon une prévoyance qui lui soit particulière ? N’est-ce pas simplement un instinct de la nature qui veille à la conservation de cette espèce ? « Bien des choses arrivent, dit Brown, parce que le premier moteur l’a ainsi arrêté, et la nature les exécute par des voies qui nous sont inconnues. »

C’est encore une ancienne coutume de conserver les alcyons dans des coffres, avec l’idée qu’ils préservent des vers les étoffes de laine. On n’eut peut-être pas d’autre but en les pendant au plafond des chambres. « Je crois même, ajoute Brown, qu’en les suspendant par le bec on n’a pas suivi la méthode des anciens, qui les suspendaient par le dos, afin que le bec marquât les vents. Car c’est ainsi que Kirker a décrit l’hirondelle de mer. » Disons aussi qu’autrefois, en conservant cet oiseau, on croyait que ses plumes se renouvelaient comme s’il eut été vivant, et c’est ce qu’Albert le Grand espéra inutilement dans ses expériences[31].

Outre les dons de prédire le vent et de chasser les vers, on attribue encore à l’alcyon la précieuse qualité d’enrichir son possesseur, d’entretenir l’union dans les familles et de communiquer la beauté aux femmes qui portent ses plumes. Les Tartares et les Ostiaks ont une très-grande vénération pour cet oiseau. Ils recherchent ses plumes avec empressement, les jettent dans un grand vase d’eau, gardent avec soin celles qui surnagent, persuadés qu’il suffit de loucher quelqu’un avec ces plumes pour s’en faire aimer. Quand un Ostiak est assez heureux pour posséder un alcyon, il en conserve le bec, les pattes et la peau, qu’il met dans une bourse, et, tant qu’il porte ce trésor, il se croit à l’abri de tout malheur[32]. C’est pour lui un talisman comme les fétiches des nègres. Voy. Âme damnée.

Aldon. Voy. Granson.

Alectorienne (Pierre). Voy. Coq.

Alectryomancie ou Alectromancie. Divination par le moyen du coq, usitée chez les anciens.

 
Coq
Coq
 
Voici quelle était leur méthode : — On traçait sur le sable un cercle que l’on divisait en vingt-quatre espaces égaux. On écrivait dans chacun de ces espaces une lettre de l’alphabet ; on mettait sur chaque lettre un grain d’orge ou de blé ; on plaçait ensuite au milieu du cercle un coq dressé à ce manège ; on observait sur quelles lettres il enlevait le grain ; on en suivait l’ordre, et ces lettres rassemblées formaient un mot quu donnait la solution de ce que l’on cherchait à savoir. Des devins, parmi lesquels on cite Jamblique, voulant connaître le successeur de l’empereur Valens, employèrent l’alectryomancie ; le coq tira les lettres Théod… Valens, instruit de cette particularité, fit mourir plusieurs des curieux qui s’en étaient occupés, et se défit même, s’il faut en croire Zonaras, de tous les hommes considérables dont le nom commençait par les lettres fatales. Mais, malgré ses efforts, son sceptre passa à Théodose le Grand. — Cette prédiction a dû être faite après coup[33].

Ammien-Marcellin raconte la chose autrement. Il dit que sous l’empire de Valens on comptait parmi ceux qui s’occupaient de magie beaucoup de gens de qualité et quelques philosophes. Curieux de savoir quel serait le sort de l’empereur régnant, ils s’assemblèrent la nuit dans une des maisons affectées à leurs cérémonies : ils commencèrent par dresser un trépied de racines et de rameaux de laurier, qu’ils consacrèrent par d’horribles imprécations ; sur ce trépied ils placèrent un bassin formé de différents métaux, et ils rangèrent autour, à distances égales, toutes les lettres de l’alphabet. Alors le mystagogue le plus savant de la compagnie s’avança, enveloppé d’un long voile, la tête rasée, tenant à la main des feuilles de verveine, et faisant à grands cris d’effroyables invocations qu’il accompagnait de convulsions. Ensuite, s’arrêtant tout à coup devant le bassin magique, il y resta immobile, tenant un anneau suspendu par un fil. C’était de la dactylomancie. À peine il achevait de prononcer les paroles du sortilège, qu’on vit le trépied s’ébranler, l’anneau se remuer, et frapper tantôt une lettre, tantôt une autre. À mesure que ces lettres étaient ainsi frappées, elles allaient s’arranger d’elles-mêmes, à côté l’une de l’autre, sur une table où elles composèrent des vers héroïques qui étonnèrent toute l’assemblée.

Valens, informé de cette opération, et n’aimant pas qu’on interrogeât les enfers sur sa destinée, punit les grands et les philosophes qui avaient assisté à cet acte de sorcellerie : il étendit même la proscription sur tous les philosophes et tous les magiciens de Rome. Il en péril une multitude ; et les grands, dégoûtés d’un art qui les exposait à des supplices, abandonnèrent la magie à la populace et aux vieilles, qui ne là firent plus servir qu’à de petites intrigues et à des maléfices subalternes. Voy. Coq, Mariage, etc.

Alès (Alexandre), ami de Mélanchthon, né en 1500 à Édimbourg. Il raconte que, dans sa jeunesse, étant monté sur le sommet d’une très-haute montagne, il fit un faux pas et roula dans un précipice. Comme il était près de s’y engloutir, il se sentit transporter en un autre lieu, sans savoir par qui ni comment, et se retrouva sain et sauf, exempt de contusions et de blessures. Quelques-uns attribuèrent ce prodige aux amulettes qu’il portait au cou, selon l’usage des enfants de ce temps-là. Pour lui, il l’attribue à la foi et aux prières de ses parents, qui n’étaient pas hérétiques.

Alessandro Alessandri, en latin Alexander ab Alexandro, — jurisconsulte napolitain, mort en 1523. Il a publié un recueil rare de dissertations sûr les choses merveilleuses. Il y parle de prodiges arrivés récemment en Italie, de songes vérifiés, d’apparitions et de fantômes qu’il dit avoir vus lui-même. Par la suite, il a fondu ces dissertations dans son livre Genialium dierum, où il raconte toutes sortes de faits prodigieux. Voy. Possessions et Spectres, et les Légendes des esprits et démons.

Aleuromancie, divination qui se pratiquait avec de la farine. On mettait des billets roulés dans un tas de farine ; on les remuait neuf fois confusément. On partageait ensuite la masse aux différents curieux, et chacun se faisait un thème selon les billets qui lui étaient échus. Chez les païens, Apollon était appelé Aleuromantis, parce qu’il présidait à cette divination. Il en reste quelques vestiges dans certaines localités, où l’on emploie le son au lieu de farine. C’est une amélioration.

Alexandre le Grand, roi de Macédoine, etc. Il a été le sujet de légendes prodigieuses chez les Orientaux, qui ont sur lui des contes immenses. Ils l’appellent Iskender. Les démonographes disent qu’Aristote lui enseigna la magie ; les cabalistes lui attribuent un livre sur les propriétés des éléments ; les rabbins écrivent qu’il eut un songé qui l’empêcha de maltraiter les Juifs, lorsqu’il voulut entrer en conquérant dans Jérusalem.

 
Alexandre le Grand
Alexandre le Grand
 

La figure d’Alexandre le Grand, gravée en manière de talisman sous certaines influences, passait autrefois pour un excellent préservatif. Dans la famille des Macriens, qui usurpèrent l’empire du temps de Valérien, les hommes portaient toujours sur eux la figure d’Alexandre ; les femmes en ornaient leur coiffure, leurs bracelets, leurs anneaux. Trebellius Pollio dit que cette figure est d’un grand secours dans toutes les circonstances de la vie, si on la porte en or ou en argent… Le peuple d’Antioche pratiquait cette superstition, que saint Jean Chrysostome eut beaucoup de peine à détruire[34].

Alexandre de Paphlagonie, imposteur et charlatan du genre d’Apollonius de Tyane, né au deuxième siècle, en Paphlagonie, dans le bourg d’Abonotique. Ses pauvres parents n’ayant pu lui donner aucune éducation, il profita, pour se pousser dans le monde, de quelques dons qu’il tenait de la nature. Il avait le teint net, l’œil vif, la voix claire, la taille belle, peu de barbe et peu de cheveux, mais un air gracieux et doux. Il s’attacha, presque enfant, à une sorte de magicien qui débitait des philtres pour produire l’affection ou la haine, découvrir les trésors, obtenir les successions, perdre ses ennemis, et autres résultats de ce genre. Cet homme, ayant reconnu dans Alexandre un esprit adroit, l’initia à ses secrets. Après la mort du vieux jongleur, Alexandre se lia avec un certain Cocconas, homme malin, et ils parcoururent ensemble divers pays, étudiant l’art de faire des dupes. Ils rencontrèrent une vieille dame riche, que leurs prétendus secrets charmèrent, et qui les fit voyager à ses dépens depuis la Bithynie jusqu’en Macédoine. — Arrivés en ce pays, ils remarquèrent qu’on y élevait de grands serpents, si familiers qu’ils jouaient avec les enfants sans leur faire de mal ; ils en achetèrent un des plus beaux pour les scènes qu’ils se proposaient de jouer. Ils se rendirent à Abonotique, où les esprits étaient grossiers, et là ils cachèrent des lames de cuivre dans un vieux temple d’Apollon qu’on démolissait, Ils avaient écrit dessus qu’Esculape et son père viendraient bientôt s’établir dans la ville.

Ces lames ayant été trouvées, les habitants se hâtèrent de décerner un temple à ces dieux, et ils en creusèrent les fondements. — Cocconas mourut alors de la morsure d’une vipère. Alexandre se hâta de prendre son rôle, et, se déclarant prophète, il se montra avec une longue chevelure, une robe de pourpre rayée de blanc ; il tenait dans sa main une faux, comme on en donne une à Persée, dont il prétendait descendre du côté de sa mère ; il publiait un oracle qui le disait fils de Podalyre, lequel, à la manière des dieux du paganisme, avait épousé sa mère en secret. Il faisait débiter en même temps une prédiction d’une sibylle qui portait que des bords du Pont-Euxin il viendrait un libérateur d’Ausonie.

Dès qu’il se crut convenablement annoncé, il parut dans Abonotique, où il fut accueilli comme un dieu. Pour soutenir sa dignité, il mâchait la racine d’une certaine herbe qui le faisait écumer, ce que le peuple attribuait à l’enthousiasme divin. Il avait préparé une tête habilement fabriquée, dont les traits représentaient la face d’un homme, avec une bouche qui s’ouvrait et se fermait par un fil caché. Avec cette tête et le serpent apprivoisé qu’il avait acheté en Macédoine, et qu’il cachait soigneusement, il prépara un grand prodige. Il se transporta de nuit à l’endroit où l’on creusait les fondements du temple, et déposa dans une fontaine voisine un œuf d’oie où il avait enfermé un petit serpent qui venait de naître. Le lendemain matin, il se rendit sur la place publique, l’air agité, tenant sa faux à la main, et ceint d’une écharpe dorée. Il monta sur un autel élevé, et s’écria que ce lieu était honoré de la présence d’un dieu. À ces mots, le peuple accouru commença à faire des prières, tandis que l’imposteur prononçait dés mots en langue phénicienne, ce qui servait à redoubler l’étonnement général. — Il courut ensuite vers le lieu où il avait caché son œuf, et, entrant dans l’eau, il commença à chanter les louanges d’Apollon et d’Esculape, et à inviter ce dernier à se montrer aux mortels ; puis, enfonçant une coupe dans la fontaine, il en retira l’œuf mystérieux. Le prenant dans sa main, il s’écria : « Peuples, Voici votre Dieu ! » Toute la foule attentive poussa des cris de joie, en voyant Alexandre casser l’œuf et en tirer un petit serpent qui s’entortilla dans ses doigts.

Chacun se répandit en accents de joie ; les uns demandant au dieu la santé, les autres les honneurs ou des richesses. — Enhardi par ce succès, Alexandre fit annoncer le lendemain que le dieu qu’ils avaient vu si petit lit veille avait repris, sa grandeur naturelle.

Il se plaça sur un lit, revêtu de ses habits de prophète, et, tenant dans son sein le serpent qu’il avait apporté de Macédoine, il le laissa voir entortillé autour de son cou et traînant une longue queue ; il en cachait la tête sous son aisselle, et faisait paraître à la place la figure humaine qu’il avait préparée. Le lieu de la scène était faiblement éclairé ; on entrait par une porte et on sortait par une autre ; sans qu’il fût possible, à cause de l’affluence, de s’arrêter longtemps. Ce spectacle dura quelques jours ; il se renouvelait toutes les fois qu’il arrivait quelques étrangers. On fit des images du dieu en cuivre et en argent.

Alexandre, voyant les esprits préparés, annonça que le dieu rendrait des oracles, et qu’on eût à lui écrire des billets cachetés. Alors, s’enfermant dans le sanctuaire du temple qu’on venait de bâtir, il faisait appeler ceux qui avaient donné des billets, et les leur rendait sans qu’ils parussent avoir été ouverts, mais accompagnés de la réponse du dieu. Ces billets avaient été lus avec tant d’adresse qu’il était impossible de s’apercevoir qu’on eût rompu le cachet, Des espions et des émissaires informaient le prophète de tout ce qu’ils pouvaient apprendre, et ils l’aidaient à rendre ses réponses, qui d’ailleurs étaient toujours obscures ou ambiguës, suivant la prudente coutume des oracles. On apportait des présents pour le dieu et pour le prophète.

Voulant nourrir l’admiration par une nouvelle supercherie, Alexandre annonce un jour qu’Esculape répondrait en personne aux questions qu’on lui ferait : cela s’appelait des réponses de la propre bouche du dieu. On opérait cette fraude par le moyen de quelques artères de grues, qui aboutissaient d’un côté à la tête du

dragon postiche, et de l’autre a la bouche d’un homme caché dans une chambre voisine ; — à moins pourtant qu’il n’y eût dans son fait quelque magnétisme. — Les réponses se rendaient en prose ou en vers, mais toujours dans un style si vague, qu’elles prédisaient également le revers où le succès. Ainsi l’empereur Marc-Aurèle, faisant la guerre aux Germains, lui demanda un oracle. On dit même qu’en 174 il fit venir Alexandre à Rome, le regardant comme le dispensateur de l’immortalité. L’oracle sollicité disait qu’il fallait, après les cérémonies prescrites, jeter deux lions vivants dans le Danube, et qu’ainsi l’on aurait l’assurance d’une paix prochaine, précédée d’une victoire éclatante. On exécuta la prescription. Mais les deux lions traversèrent le fleuve à la nage, les barbares les tuèrent, et mirent ensuite l’armée de l’empereur en déroute ; à quoi le prophète répliqua qu’il avait annoncé la victoire, mais qu’il n’avait pas désigné le vainqueur.

Une autre fois, un illustre personnage fit demander au dieu quel précepteur il devait donner à son fils ; il lui fut répondu : — Pythagore et Homère. L’enfant mourut quelque temps après. — L’oracle annonçait la chose, dit le père, en donnant au pauvre enfant deux précepteurs morts depuis longtemps. S’il eût vécu, on l’eût instruit avec les ouvrages de Pythagore et d’Homère, et l’oracle aurait encore eu raison.

Quelquefois le prophète dédaignait d’ouvrir les billets, lorsqu’il se croyait instruit de la demande passes agents ; il s’exposait à de singulières erreurs. Un jour il donna un remède pour le mal de côté, en réponse à une lettre qui lui demandait quelle était la patrie d’Homère. On ne démasqua point cet imposteur, que l’accueil de Marc-Aurèle avait entouré de vénération. Il avait prédit qu’il mourrait à cent cinquante ans, d’un coup de foudre, comme Esculape : il mourut dans sa soixante-dixième année, d’un ulcère à la jambe, ce qui n’empêcha pas qu’après sa mort il eût, comme un demi-dieu, des statues et des sacrifices.

Alexandre de Tralles, médecin, né à Tralles, dans l’Asie Mineure, au sixième siècle. On dit qu’il était très-savant ; ses ouvrages prouvent au moins qu’il était très-crédule. Il conseillait à ses malades les amulettes et les paroles charmées. Il assure, dans sa Médecine pratique[35], que la figure d’Hercule étouffant le lion de la forêt de Némée, gravée sur une pierre et enchâssée dans un anneau, est un excellent remède contre la colique. Il prétend aussi qu’on guérit parfaitement la goutte, la pierre et les lièvres par des philactères et des charmes. Cela montre au moins qu’il ne savait pas les guérir autrement.

Alexandre III, roi d’Écosse. Il épousa en 1285 Yolette, fille du comte de Dreux. Le soir de la solennité du mariage, on vit entrer à la fin du bal dans la salle où la cour était assemblée un spectre décharné qui se mit à danser, suivi d’une ombre voilée. Les gambades du

 
Alexandre III
Alexandre III
 
spectre troublèrent les assistants ; les fêtes furent suspendues, et des habiles déclarèrent que cette apparition annonçait la mort prochaine du roi. En effet, la même année, dans une partie de chasse, Alexandre, montant, un cheval mal dressé, fut jeté hors de selle et mourut de la chute[36].

Alexandre VI, élu pape en 1492 ; pontife qui a été jugé sur un misérable pamphlet laissé par un chanoine laïque, son ennemi[37]. Quelques sots écrivains affirment qu’il avait à ses ordres un démon familier, qui passa ensuite aux ordres de César Borgia.

Alfader, dieu très-important dans la théogonie Scandinave. Avant de créer le ciel et la terre, il était prince des géants. Les âmes, des bons doivent vivre avec lui dans le Simle ou le Wingolff ; mais les méchants passent aux mains d’Héla, qui les envoie au Niflheim, la région des nuages inférieurs au neuvième monde. L’Edda lui donne divers noms : Nikar (le sourcilleux), Svidrer (l’exterminateur), Svider (l’incendiaire), Oske (celui qui choisit les morts), etc. — Le nom d’Alfader a été donné aussi à Odin.

Alfares, génies Scandinaves. Les bons sont appelés lios ou lumineux, les méchants docks ou noirs.

Alfridarie, espèce de science qui tient de l’astrologie et qui attribue successivement quelque influence sur la vie aux diverses planètes, chacune régnant à son tour un certain nombre d’années. Voy. Planètes.

Alfs, demi-lutins en Angleterre et dans le Nord. — Voy. Elfes.

Algol. Des astrologues arabes ont donné ce nom au diable.

Aliorumnas, sorcières qui, bannies par Fé-

 
Aliorumnas
Aliorumnas
 
limer, roi des Goths, avaient dans les déserts contracté des mariages avec les démons et furent mères des Huns, des Avares et des Hongrois.

Alice de Télieux, nonne du monastère de Saint-Pierre de Lyon, qui s’échappa de son couvent, au commencement du seizième siècle, en un temps où cette maison avait besoin de réforme, mena mauvaise vie et mourut misérablement, toutefois dans le repentir. Son âme revint après sa mort et se manifesta à la manière de ce qu’on appelle aujourd’hui les esprits frappeurs. Cette histoire a été écrite par Adrien de Montalembert, aumônier de François Ier[38].

Alkalalaï, cris d’allégresse des Kamtschadales ; ils le répètent trois fois à la fêté des balais, en l’honneur de leurs trois grands dieux, Filiat-Chout-Chi, le père ; Touïta, son fils, et Gaëlch, son petit-fils. La fête des balais consiste, chez ces peuples sales, à balayer avec du bouleau le foyer de leurs cabanes.

Aliette. Voy. Etteila.

Allan-Kardec. Voy. Kardec.

Alléluia, mot hébreu qui signifie louange à Dieu. Les bonnes gens disent encore dans plusieurs provinces qu’on fait pleurer la sainte Vierge lorsqu’on chante alléluia pendant le carême[39].

Il y avait à Chartres une singulière coutume. À l’époque où l’on en cesse le chant, l’Alléluia était personnifié et représenté par une toupie qu’un enfant de chœur jetait au milieu de l’église et poussait dans la sacristie avec un fouet. Cela s’appelait l’Alléluia fouetté.

On appelle trèfle de l’Alléluia mie plante qui donne, vers le temps de Pâques, une petite fleur blanche étoilée. Elle passe pour un spécifique contre les philtres.

Allix. Voici un de ces traits qui accusent l’ignorance et la légèreté des anciens juges de parlement. — Allix, mathématicien, mécanicien et musicien, vivait à Aix en Provence, vers le milieu du dix-septième siècle ; il fit un squelette qui, par un mécanisme caché, jouait de la guitare. Bonnet, dans son Histoire de la musique, page 82, rapporte l’histoire tragique de ce pauvre savant. Il mettait au cou de son squelette une guitare accordée à l’unisson d’une autre qu’il tenait lui-même dans ses mains, et plaçait les doigts de l’automate sur le manche ; puis, par un temps calme et serein, les fenêtres et la porte étant ouvertes, il s’installait dans un coin de sa chambre et jouait sur sa guitare des passages que le squelette répétait sur la sienne. Il y a lieu de croire que l’instrument résonnait à la manière des harpes éoliennes, et que le mécanisme qui faisait mouvoir les doigts du squelette n’était pour rien dans la production des sons. (Nous citons M. Fétis[40] sans l’approuver, et nous le renvoyons aux automates musiciens de Vaucanson, qui n’étaient pas des harpes éoliennes). — Quoi qu’il en soit, poursuit le biographe, ce concert étrange causa de la rumeur parmi la population superstitieuse de la ville d’Aix ; Allix fut accusé de magie, et le parlement lit instruire son procès. Jugé par la chambre de la Tournelle, il ne put faire comprendre que l’effet merveilleux de son automate n’était que la résolution d’un problème mécanique. L’arrêt du Parlement le condamna à être pendu et brûlé en place publique, avec le squelette complice de ses sortilèges ; la sentence fut exécutée en 1664. »

Almanach. Nos ancêtres traçaient le cours des lunes pour toute l’année sur un petit morceau de bois, carré qu’ils appelaient al-mon-agt (observation de toutes les lunes) : telles sont, selon quelques auteurs, l’origine des almanachs et l’étymologie de leur nom.

D’autres se réclament des Arabes, chez qui al-manack veut dire le mémorial.

Les Chinois passent pour les plus anciens faiseurs d’almanachs. Nous n’avons que douze constellations ; ils en ont vingt-huit. Toutefois leurs almanachs ressemblent à ceux de Matthieu Laensberg par les prédictions et les secrets dont ils sont farcis[41].

Bayle raconte l’anecdote suivante, pour faire voir qu’il se rencontre des hasards puérils qui éblouissent les petits esprits et donnent un certain crédit à l’astrologie. Guillaume Marcel, professeur de rhétorique au collège de Lisieux, avait composé en latin l’éloge du maréchal de Gassion, mort d’un coup de mousquet au siège de Lens. Il était près de le réciter en public, quand on représenta au recteur de F université que le maréchal était mort dans la religion prétendue réformée, et que son oraison funèbre ne pouvait être prononcée, dans une université catholique. Le recteur convoqua une assemblée ou il fut résolu, à la pluralité des voix, que l’observation était juste, Marcel ne put donc prononcer son panégyrique ; et les partisans de l’astrologie triomphèrent en faisant remarquer à tout le monde que, dans l’almanach de Pierre Larrivey pour cette même année 1648, entre autres prédictions, il se trouvait écrit en gros caractères : LATIN PERDU !

Almanach du diable, contenant des prédictions très-curieuses pour les années 1737 et 1738 ; aux Enfers, in-24. Cette plaisanterie contre les jansénistes était l’ouvrage d’un certain Quesnel, joyeux quincaillier de Dijon, affublé d’un nom que le fameux appelant a tant attristé. Elle est devenue rare, attendu qu’elle fut supprimée pour quelques prédictions trop hardies. Nous ne la citons qu’à cause de son titre. Les jansénistes y répondirent par un lourd et stupide pamphlet dirigé contre les jésuites et supprimé également. Il était intitulé Almanach de Dieu, dédié à M. Carré de Montgeron, pour l’année 1738, in-24 ; au Ciel…

Almoganenses, nom que les Espagnols donnent à certains peuples inconnus qui, par le vol et le chant des oiseaux, par la rencontre des bêtes sauvages et par divers autres moyens, devinaient tout ce qui devait arriver. « Ils conservent avec soin, dit Laurent Valla, des livres qui traitent de cette espèce de science ; ils y trouvent des règles pour toutes sortes de pronostics. Leurs devins sont divisés en deux classes : finie de chefs ou de maîtres, et l’autre de disciples ou d’aspirants. » — On leur attribue aussi l’art d’indiquer non-seulement par où ont passé les chevaux et les autres bêtes de somme égarées, mais encore le chemin qu’auront pris une ou plusieurs personnes ; ce qui est très-utile pour la poursuite des voleurs. Les écrivains qui parlent des Almoganenses ne disent ni dans quelle province ni dans quel temps ont vécu ces utiles devins.

Almuchefi, miroir merveilleux. Voy. Bacon.

Almulus (Salomon), auteur d’une explication des songes en hébreu, in-8o. Amsterdam, 1642.

Alocer, puissant démon, grand-duc aux enfers ; il se montre velu en chevalier, monté sur un cheval énorme ; sa figure rappelle les traits

 
Alocer
Alocer
 
du lion ; il a le teint enflammé, les yeux ardents ; il parle avec gravité ; il enseigne les secrets de l’astronomie et des arts libéraux ; il domine trente-six légions.

Alogricus. Voy. Alruy.

Alomancie, divination par le sel, dont les procédés sont peu connus. C’est en raison de l’alomancie qu’on suppose qu’une salière renversée est d’un mauvais présage.

Alopécie, sorte de charme par lequel on fascine ceux à qui l’on veut nuire. Quelques auteurs donnent le nom d’alopécie à l’art de nouer l’aiguillette. Voy. Ligatures.

Aloros. C’est le nom que les Chaldéens don-

 
Aloros
Aloros
 
naient à leur premier roi ; et, selon leurs traditions, il avait reçu le sceptre de la main de Dieu même en personne.

Alouette. Voy. Casso.

Alp. C’est le nom que les Allemands donnent au cauchemar.

Alpes. Les Alpes, les Pyrénées et tous les pays de montagnes ont été chez nous et ailleurs les principaux foyers de magie. Voy. Sorciers.

Alphitomancie, divination par le pain d’orge. Cette divination importante est très-ancienne. Nos pères, lorsqu’ils voulaient dans plusieurs accusés reconnaître le coupable et obtenir de lui l’aveu de son crime, faisaient manger à chacun des prévenus un rude morceau de pain d’orge. Celui qui l’avalait sans peine était innocent : le criminel se trahissait par une indigestion[42]. C’est même de cet usage, employé dans les épreuves du jugement de Dieu, qu’est venue l’imprécation populaire : « Je veux, si je vous trompe, que ce morceau de pain m’étrangle ! »

Voici comment se pratique cette divination, qui, selon les doctes, il est d’un effet certain que pour découvrir ce qu’un homme a de caché dans le cœur. On prend de la pure fariné d’orge ; on la pétrit avec du lait et du sel ; on n’y met pas de levain ; on enveloppe ce pain compacte dans un papier graissé, on le fait cuire sous la cendre ; ensuite on le frotte de feuilles de verveine et on le fait manger à celui par qui on se croit trompé, et qui ne digère pas si la présomption est fondée.

Il y avait près de Lavinium un bois, sacré où l’on pratiquait l’alphitomancie. Dés prêtres nourrissaient dans une caverne un serpent, selon quelques-uns ; un dragon, selon d’autres. À certains jours on envoyait des jeunes filles lui porter à manger ; elles, avaient les yeux bandés et allaient à la grotte, tenant à la main un gâteau fait par elles avec du miel et de la farine d’orge, « Le diable, dit Delrio, les conduisait leur droit chemin. Celle dont le serpent refusait de manger le gâteau n’était pas sans reproche. »

Alphonse X, roi de Castille et de Léon, surnommé l’astronome et le philosophe, mort en 1284. On lui doit les Tables Alphonsines. C’est lui qui disait que, si Dieu l’avait appelé à son conseil au moment de la création, il eût pu lui donner de bons avis. Ce prince extravagant croyait à l’astrologie. Ayant fait tirer l’horoscope de ses enfants, il apprit que le cadet serait plus heureux que l’aîné, et il le nomma son successeur au trône. Mais, malgré la sagesse de cet homme, qui se jugeait capable de donner des conseils au Créateur, l’aîné tua son frère cadet, mit son père dans une étroite prison et s’empara de la couronne ; toutes choses que sa science ne lui avait pas révélées.

Alpiel, ange ou démon qui, selon le Talmud, a l’intendance des arbres fruitiers.

Alrinach, démon de l’Occident, que les démonographes font présider aux tempêtes, aux tremblements de terre, aux pluies, à la grêle, etc. C’est souvent lui qui submerge les navires. Lorsqu’il se rend visible, il paraît sous les traits et les habits d’une femme.

 
Alphonse X.
Alphonse X.
Alphonse X.
 

Alrunes, démons succubes ou sorcières qui furent mères des Huns. Elles prenaient toutes séries de formes, mais ne pouvaient changer de sexe. Chez les Scandinaves, on appelait alrunes des sortes de fétiches nommés ailleurs Mandragores. Voy. ce mot.

Alruy (David), imposteur juif qui, en 1199, se prétendant de la race de David, se vanta d’être le Messie destiné à ramener les Juifs dans Jérusalem. Le roi de Perse le fit mettre en prison ; mais on voit dans Benjamin de Tudèle, qui le cite, qu’il s’échappa en se rendant invisible. Il ne daigna se remontrer qu’aux bords de la mer. Là, il étendit son écharpe sur l’eau, planta ses pieds dessus et passa la mer avec une légèreté incroyable, sans que ceux qu’on envoya avec des bateaux à sa poursuite le pussent arrêter. — Cela le mit en vogue comme grand magicien. Mais enfin le scheik Aladin, prince turc, sujet du roi de Perse, fit tant à force d’argent, avec le beau-père de David Alruy ou Alroy, lequel beau-père était peu délicat, que le prétendu Messie fut poignardé dans son lit. « C’est toujours la fin de telles gens, dit Leloyer ; et les magiciens juifs n’en ont pas meilleur marché que les autres magiciens, quoi que leur persuadent leurs talmudistes, qu’ils sont obéis de l’esprit malin. Car c’est encore une menterie du Talmud des Juifs, qu’il n’est rien de difficile aux sages, maîtres et savants en leurs lois, que les esprits d’enfer et célestes leur cèdent, et que Dieu même (ô blasphème !) ne leur peut résister[43]… » — Ce magicien est appelé encore dans de vieux récits Alogricus. Il est enterré dans une île mystérieuse de l’Inde[44].

Altangatufun, idole dès Kalmouks, qui avait le corps et la tête d’un serpent, avec quatre pieds de lézard. Celui qui porte avec vénération son image est invulnérable dans les combats. Pour en faire l’épreuve, un khan lit suspendre cette idole attachée à un livre, et l’exposa aux coups dès plus habiles archers ; leurs traits ne purent atteindre le livre, qu’ils percèrent au contraire dès que l’idole en fut détachée. C’est là une légende de Cosaques.

Alveromancie ou Aleuromancie. Voy. ce mot.

Amadeus, visionnaire qui crut connaître par révélation deux psaumes d’Adam : le premier, composé en transport de joie à la création de la femme ; le second, en triste dialogue avec Ève après la chute[45].

Amaimon. Voy. Amoymon.

Amalaric, roi d’Espagne, qui épousa la princesse
 
Amalaric
Amalaric
 
Clotilde, sœur du roi des Francs Childebert. La pieuse reine, n’approuvant pas les excès de son mari, tombé dans l’arianisme, le barbare, après d’autres mauvais traitements, lui fit crever les yeux. Clotilde envoya à son frère un mouchoir teint de son sang, et Childebert marcha aussitôt avec une armée contre Amalaric. La justice des hommes fut prévenue par la justice éternelle. Tandis que le bourreau de Clotilde s’avançait au-devant des Francs, il tomba percé d’un trait percé par une main invisible. Des légendaires ont écrit que cette mort était l’ouvrage du diable ; mais le trait ne venait pas d’en bas[46].

Amalarie (Madeleine), sorcière qui allait au sabbat, et qui, chargée de onze homicides, fut mise à mort à soixante-quinze ans dans la baronnie de la Trimouille, à la fin du seizième siècle[47].

Amane. Le soleil, sans doute. C’était le dieu d’une secte des Parsis, qui l’honoraient par un feu perpétuel.

Amant (Jean d’), médecin empoisonneur qui fut accusé de magie et signalé à l’évêque de Fréjus au treizième siècle. Il avait une médecine empirique au moyen de laquelle il se vantait de pouvoir allonger la vie ou la raccourcir. Nous ignorons ce qu’il advint de fui.

Amarante, fleur que l’on admet parmi les symboles de l’immortalité. Les magiciens attribuent aux couronnes faites d’amarante de grandes propriétés, et surtout, la vertu de concilier les faveurs et la gloire à ceux qui les portent.

Amazeroth. Reginald Scott, qui a fait, comme Wierus, un dénombrement des puissances de l’enfer, cite Amazeroth comme un duc, ayant soixante légions sous ses ordres.

Amasis. Hérodote raconte qu’Amasis, roi d’Égypte, eut l’aiguillette nouée, et qu’il fallut employer les plus solennelles imprécations de la magie pour rompre le charme, Voy. Ligatures.

Amazones, nation de femmes guerrières, dont Strabon regarde à tort l’existence comme une fable. François de Torre-Blanca dit[48] qu’elles étaient sorcières ; ce qui est plus hasardé. Elles se brûlaient la mamelle droite pour mieux tirer de l’arc ; et le père Ménestrier croit que la Diane d’Éphèse n’était ornée de tant de mamelles qu’à cause que les Amazones lui consacraient celles qu’elles se retranchaient. On dit que cette république sans hommes habitait la Cappadoce et les bords du Thermodon. Les modernes ont cru retrouver des peuplades d’Amazones en voyant des femmes armées sur les bords du Maragnon, qu’on a nommé pour cela le fleuve des Amazones. Des missionnaires en placent une nation dans les Philippines, et Thévenot une autre dans la Mingrélie. Mais, dit-on, une république de femmes ne subsisterait pas six mois, et ces États merveilleux ne sont que des fictions inventées pour récréer l’imagination. Cependant, un curieux passage nous est fourni par les explorations récentes de M. Texier dans l’Asie Mineure : il a découvert une enceinte de rochers naturels, aplanis par l’art, et sur les parois de laquelle on a sculpté une scène d’une importance majeure dans l’histoire de ces peuples. Elle se compose de soixante figures, dont quelques-unes sont colossales. On y reconnaît l’entrevue de deux rois qui se font mutuellement des présents.

Dans l’un de ces personnages, qui est barbu ainsi que toute sa suite, et dont l’appareil a quelque chose de rude, le voyageur avait d’abord cru distinguer le roi de Paphlagonie ; et dans l’autre, qui est, imberbe ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse, monté sur un lion et entouré de toute la pompe asiatique. Mais en communiquant ses dessins et ses conjectures aux antiquaires de Smyrne, qu’il a trouvés fort instruits, M. Texier s’est arrêté a l’opinion que cette scène remarquable représentait l’entrevue annuelle des Amazones avec le peuple voisin, qui serait les Leuco-Syriens ; et la ville voisine, où le témoignage des géographes l’avait empêché de reconnaître Tavia, serait Thémiscyre, capitale de ce peuple.

Ambrosius ou Ambroise, roi d’Angleterre. — Voy. Merlin.

Amduscias, grand-duc aux enfers. Il a la

 
Amduscias
Amduscias
 
forme d’une licorne ; mais lorsqu’il est évoqué, il se montre sous une figure humaine. Il donne des concerts, si on les lui commande ; on entend alors, sans rien voir, le son des trompettes et des autres instruments de musique. Les arbres s’inclinent à sa voix. Il commande vingt-neuf légions.

Âme. Tous les peuples ont reconnu l’immortalité de l’âme. Les hordes les plus barbares ne l’ont jamais été assez pour se rabaisser jusqu’à la brute. La brute n’est attachée qu’à la terre : l’homme seul élève ses regards vers un plus noble séjour. L’insecte est à sa place dans la nature ; l’homme n’est pas à la sienne.

La conscience, le remords, ce désir de pénétrer dans un avenir inconnu, ce respect que nous portons aux tombeaux, cet effroi de l’autre monde, cette croyance aux âmes qui ne se distingue que dans l’homme, tout nous instruirait déjà quand même la révélation ne serait pas là pour repousser nos doutes. Les matérialistes, qui, voulant tout juger par les yeux du corps, nient l’existence de l’âme parce qu’ils ne la voient point, ne voient pas non plus le sommeil ; ils ne voient pas le vent ; ils ne comprennent pas la lumière, ni l’électricité, ni cent mille autres faits que pourtant ils ne peuvent nier.

On a cherché de tout temps à définir ce que c’est que l’âme, ce rayon, ce souffle de la Divinité. Selon les uns, c’est la conscience, c’est l’esprit ; selon d’autres, c’est cet espoir d’une autre vie qui palpite dans le cœur de tous les hommes. C’est, dit Léon l’Hébreu, le cerveau avec ses deux puissances, le sentiment et le mouvement volontaire. C’est une flamme, a dit un autre. Dicéarque affirme que l’âme est une harmonie et une concordance dès quatre éléments.

Quelques-uns sont allés loin, et ont voulu connaître la figure de l’âme. Un savant a même prétendu, d’après les dires d’un revenant, qu’elle ressemblait à un vase sphérique de verre poli, qui a des yeux de tous les côtés[49].

L’âme, a-t-on dit encore, est comme une vapeur légère et transparente qui conserve la figure humaine. Un docteur talmudique, vivant dans un ermitage avec son fils et quelques amis, vit un jour l’âme d’un de ses compagnons qui se détachait tellement de son corps, qu’elle lui faisait déjà ombre à la tête. Il comprit que son ami allait mourir, et fit tant par ses prières, qu’il obtint que cette pauvre âme rentrât dans le corps qu’elle abandonnait. « Je crois de cette bourde ce qu’il faut en croire, dit Leloyer[50], comme de toutes les autres bourdes et baveries des rabbins. »

Les Juifs se persuadent, au rapport du Hollandais Hoornbeeck, que les âmes ont toutes été créées ensemble, et par paires d’une âme d’homme et d’une âme de femme ; de sorte que les mariages sont heureux et accompagnés de douceur et de paix, lorsqu’on se marie avec l’âme à laquelle on a été accouplé dès le commencement ; mais ils sont malheureux dans le cas contraire. On a à lutter contre ce malheur, ajoute-t-il, jusqu’à ce qu’on puisse être uni, par un second mariage, à l’âme dont on a été fait le pair dans la création ; et cette rencontre est rare.

Philon, Juif qui a écrit aussi sur l’âme, pense que, comme il y a de bons et de mauvais anges, il y a aussi de bonnes et de mauvaises âmes, et que les âmes qui descendent dans les corps y apportent leurs qualités bonnes ou mauvaises. Toutes les innovations dés hérétiques et des philosophes, et toutes les doctrines qui n’ont pas leur base dans les enseignements de l’Église, brillent par de semblables absurdités.

Les musulmans disent que les âmes demeurent jusqu’au jour du jugement dans le tombeau, auprès du corps qu’elles ont animé. Les païens croyaient que les âmes, séparées de leurs corps grossiers et terrestres, conservaient après la mort une forme plus subtile et plus déliée de la figure du corps qu’elles quittaient, mais plus grande et plus majestueuse ; que ces formes étaient lumineuses et de la nature dès astres ; que les âmes gardaient de l’inclination pour les choses qu’elles avaient aimées pendant leur vie, et que souvent elles se montraient autour de leurs tombeaux. Quand l’âme de Patrocle se leva devant Achille, elle avait sa voix, sa taille, ses yeux, ses habits, du moins en apparence, mais non pas son corps palpable.

Origène trouve que ces idées ont une source respectable, et que les âmes doivent avoir en effet une consistance, mais subtile ; il se fonde sur ce qui est dit dans l’évangile de Lazare et du mauvais riche, qui ont tous deux des formes, puisqu’ils se parlent et se voient, et que le mauvais riche demande une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue. Saint Irénée, qui est de l’avis d’Origène, conclut du même exemple que les âmes se souviennent après la mort de ce qu’elles ont fait en cette vie.

Dans la harangue que fit Titus à ses soldats pour les engager à monter à l’assaut de la tour Antonia, au siège de Jérusalem, on remarque une opinion qui est à peu près celle des Scandinaves. Vous savez, leur dit-il, que les âmes de ceux qui meurent à la guerre s’élèvent jusqu’aux astres, et sont reçues dans les régions supérieures, d’où elles apparaissent comme de bons génies ; tandis, que ceux qui meurent dans leur lit, quoique ayant vécu dans la justice, sont, plongés sous terre dans l’oubli et les ténèbres[51].

Il y a parmi les Siamois une secte qui croit que les âmes vont et viennent où elles veulent après la mort ; que celles des hommes qui ont bien vécu acquièrent une nouvelle force, une vigueur extraordinaire, et qu’elles poursuivent, attaquent et maltraitent celles des méchants partout où elles les rencontrent. Platon dit, dans le neuvième livre de ses Lois, que les âmes de ceux qui ont péri de mort, violente, poursuivent avec fureur, dans l’autre inonde, les âmes de leurs meurtriers. Cette croyance s’est reproduite souvent et n’est pas éteinte partout.

Les anciens pensaient que toutes les âmes pouvaient revenir après la mort, excepté les âmes des noyés. Servius en dit la raison : c’est que l’âme, dans leur opinion, n’était autre chose qu’un feu, qui s’éteignait dans l’eau ; comme si le matériel pouvait détruire le spirituel.

On sait que la mort est la séparation de l’âme d’avec le corps. C’est une opinion de tous les temps et de tous les peuples que les âmes en quittant ce monde passent dans un autre, meilleur ou plus mauvais, selon leurs œuvres. Les anciens donnaient au batelier Caron la charge de conduire les âmes au séjour des ombres. On trouve une tradition analogue à cette croyance chez les vieux Bretons. Ces peuples plaçaient le séjour des âmes dans une île qui doit se trouver entre l’Angleterre et l’Islande. Les bateliers et pêcheurs, dit Tzetzès, ne payaient aucun tribut, parce qu’ils étaient chargés de la corvée de passer les âmes ; et voici comment cela se faisait : — Vers minuit, ils entendaient frapper à leur porte ; ils suivaient sans voir personne jusqu’au rivage ; là ils trouvaient des navires qui leur semblaient vides, mais qui étaient chargés d’âmes ; ils les conduisaient à l’île des Ombres, où ils ne voyaient rien encore ; mais ils entendaient les âmes anciennes qui venaient recevoir et complimenter les nouvelles débarquées ; elles se nommaient par leurs noms, reconnaissaient leurs parents, etc. Les pêcheurs, d’abord étonnés, s’accoutumaient à ces merveilles et reprenaient leur chemin. — Ces transports d’âmes, qui pouvaient bien cacher une sorte de contrebande, n’ont plus lieu depuis que le Christianisme est venu apporter la vraie lumière.

On a vu parfois, s’il faut recevoir tous les récits des chroniqueurs, des âmes errer par troupes. Dans le onzième siècle, on vit passer près de la ville de Narni une multitude infinie de gens vêtus de blanc, qui s’avançaient du côté de l’Orient. Cette troupe défila depuis le matin jusqu’à trois heures après midi. Mais sur le soir elle diminua considérablement. Tous les bourgeois montèrent sur les murailles, craignant que ce ne fussent, des troupes ennemies ; ils les virent passer avec une extrême surprise. Un citadin, plus résolu que les autres, sortit de la ville ; remarquant dans la foule mystérieuse un homme de sa connaissance, il l’appela par son nom et lui demanda ce que voulait dire cette multitude de pèlerins. L’homme blanc lui répondit : « Nous, sommes des âmes qui, n’ayant point expié tous nos péchés et n’étant pas encore assez pures, allons ainsi dans les lieux saints, en esprit de pénitence ; nous venons de visiter le tombeau de saint Martin, et nous allons à Notre-Dame de Farfe[52]. »

Le bourgeois de Narni fut tellement effrayé de cette vision, qu’il en demeura malade pendant un an. Toute la ville de Narni, disent de sérieuses relations, fut témoin de cette procession merveilleuse, qui se fit en plein jour.

N’oublions pas, à propos du sujet qui nous occupe, une croyance très-répandue, en Allemagne : c’est qu’on peut vendre son âme au diable. Dans tous les pactes faits avec l’esprit des ténèbres, celui qui s’engage vend son âme. Les Allemands ajoutent même qu’après cet horrible marché le vendeur n’a plus d’ombre. On conte à ce propos l’histoire d’un étudiant qui fit pacte avec le diable pour devenir l’époux d’une jeune dame dont il ne pouvait obtenir la main. Il y réussit en vertu du pacte. Mais au moment de la célébration du mariage, un rayon de soleil frappa les deux époux qu’on allait unir ; on s’aperçut avec effroi que le jeune homme n’avait pas d’ombre : on reconnut qu’il avait vendu son âme, et tout fut rompu.

Généralement les insensés qui vendent leur âme font leurs conditions, et s’arrangent pour vivre un certain nombre d’années après le pacte. Mais si on vend sans fixer de terme, le diable, qui est pressé de jouir, n’est pas toujours délicat ; et voici un trait qui mérite attention :

Trois ivrognes s’entretenaient, en buvant, de l’immortalité de l’âme et des peines de l’enfer. L’un d’eux commença à s’en moquer, et dit là-dessus des stupidités dignes de la circonstance. C’était dans un cabaret de village. Cependant survient un homme de haute stature, vêtu gravement, qui s’assied près des buveurs et leur demande de quoi ils rient. Le plaisant villageois le met au fait, ajoutant qu’il fait si peu de cas de son âme, qu’il est prêt à la vendre au plus offrant et à bon marché, et qu’ils en boiront l’argent. « Et combien me la veux-tu vendre ? » dit le nouveau venu. Sans marchander, ils conviennent du prix ; l’acheteur en compte l’argent, et ils le boivent. C’était joie jusque-là. Mais, la nuit venant, l’acheteur dit : « Il est temps, je pense, que chacun se retire chez soi ; celui qui a acheté un cheval a le droit de l’emmener. Vous permettrez donc que je prenne ce qui est à moi. » Or, ce disant, il empoigne son vendeur tout tremblant, et l’emmène où il n’avait pas cru aller si vite ; de telle sorte que jamais plus de pays n’en ouït nouvelles[53]. Voy. Mort.

 
Les trois ivrognes
Les trois ivrognes
Les trois ivrognes.
 

Âme damnée. On donne ce nom, à Constantinople, à l’alcyon voyageur, qui est très-commun dans ce pays. Quelque rapide que soit son vol, il n’est jamais accompagné d’aucun bruit. On ne le voit jamais se poser, ni chercher, ni prendre sa nourriture. Il a le dos noir, le ventre blanc. Il plane toute la journée sur le Bosphore, et ne s’en écarte rarement que pour y revenir avec précipitation.

Âme des bêtes. Dans un petit ouvrage très-spirituel sur l’âme des bêtes, un père jésuite a ingénieusement développé cette singulière idée de quelques philosophes anciens, que les bêtes étaient animées par les démons les moins coupables, qui faisaient ainsi leur expiation. Voy. Albigeois.

Âme du monde. « La force, sans cesse changeante, du sein de laquelle s’épanchent et se précipitent sur nous tant de merveilles, c’est l’âme du monde, » nous dit Cornélius Agrippa, le grand héritier de l’École d’Alexandrie, et cette âme féconde toute chose, tout être que la nature enfante ou que façonne l’art ! Elle le féconde en y infusant ses propriétés célestes. Arrangées selon la formule que la science enseigne, ces choses reçoivent le don de nous communiquer leurs vertus. Il suffit alors de les porter sur soi pour qu’elles opèrent sur le corps et sur l’âme. Tout aussitôt vous les sentez produire en vous la maladie ou la santé, l’audace ou la peur, la tristesse ou la joie, et nous devenons par elles tantôt un objet de faveur et d’amour, tantôt un objet de haine, d’horreur et d’abomination[54]. « Ainsi, ajoute M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, que nous transcrivons ici[55], l’âme du monde, la grande force universelle et fluidique, devient sous nos doigts l’âme des talismans et des charmes du magnétisme ou de la sorcellerie ! Quel autre trait nous peindra plus au vif sa nature !… »

Amenon. Les Chaldéens comptaient ce héros parmi leurs rois. Ils disaient qu’il a régné douze sares. Or, s’il faut en croire les doctes, le sare est de trois mille six ans. Ce qui ferait un règne assez long.

Améthyste, pierre précieuse d’un violet foncé, autrefois la neuvième en ordre sur le pectoral du grand prêtre des Juifs. Une vieille opinion populaire lui attribue la vertu de garantir de l’ivresse.

Amiante, espèce de pierre incombustible, que Pline et les démonographes disent excellente contre les charmes de la magie[56].

Amilcar, général carthaginois. Assiégeant Syracuse, il crut entendre, pendant son sommeil, une voix qui l’assurait qu’il souperait le lendemain dans la ville. En conséquence, il fit donner l’assaut de bon matin, espérant enlever Syracuse et y souper, comme le lui promettait son rêve. Il fut pris par les assiégés et y soupa en effet, non pas en vainqueur, ainsi qu’il s’y était attendu mais en captif, ce qui n’empêcha pas le songe d’avoir prédit juste[57].

Hérodote conte encore qu’Amilcar, vaincu par Gélon, disparut vers la fin de la bataille, et qu’on ne le retrouva plus, si bien que les Carthaginois le mirent au rang de leurs dieux et lui offrirent des sacrifices.

Ammon. Voy. Jupiter-Ammon.

Amniomancie, divination sur la coiffe ou membrane qui enveloppe quelquefois la tête des enfants naissants, ainsi nommée de cette coiffe que les médecins appelaient en grec amnios. Les sages-femmes prédisaient le sort futur du nouveau-né par l’inspection de celle coiffe ; elle annonçait d’heureuses destinées si elle était rouge, et des malheurs si elle présentait une couleur plombée. Voy. Coiffe.

Amon, ou Aamon, grand et puissant marquis de l’empire infernal. Il a la figure d’un loup, avec une queue de serpent ; il vomit de la flamme ; lorsqu’il prend la forme humaine, il n’a de l’homme que le corps ; sa tête ressemble à celle d’un hibou et son bec laisse voir des dents canines très-effilées. C’est le plus solide des princes des démons. Il sait le passé et l’avenir, et réconcilie, quand il le veut, les amis brouillés. Il commande à quarante légions.

 
Amon ou Aamon
Amon ou Aamon
 

Les Égyptiens voyaient dans Amon ou Amoun leur Dieu suprême ; ils le représentaient avec la peau bleue, sous une forme assez humaine.

Amour. Parmi les croyances superstitieuses qui se rattachent innocemment à l’amour, nous citerons celle-ci, qu’un homme est généralement aimé quand ses cheveux frisent naturellement. À Roscoff, en Bretagne, les femmes, après la messe, balayent la poussière de la chapelle de la Sainte-Union, la soufflent du côté par lequel leurs époux ou leurs fiancés doivent revenir, et se flattent, au moyen de cet inoffensif sortilège, de fixer le cœur de celui qu’elles aiment[58]. Dans d’autres pays, on croit stupidement se faire aimer en attachant à son cou certains mots séparés par des croix. Voy. Philtre. Voy. aussi Rhombus.

Il y a eu des amants entraînés par leurs passions qui se sont donnés au démon pour être heureux. On conte qu’un valet vendit son âme au diable à condition qu’il deviendrait l’époux de la fille de son maître, ce qui le rendit le plus infortuné des hommes[59].

On attribue aussi à l’inspiration des démons certaines amours monstrueuses, comme la passion de Pygmalion pour sa statue. Un jeune homme devint pareillement éperdu pour la Vénus de Praxitèle ; un Athénien se tua de désespoir aux pieds de la statue de la Fortune, qu’il trouvait insensible. Ces traits ne sont que des folies déplorables, pour ne pas dire plus.

Amoymon, ou Amaimon, l’un des quatre rois de l’enfer, dont il gouverne la partie orientale. On l’évoque le matin, de neuf heures à midi, et le soir de trois à six heures. Asmodée est son lieutenant et le premier prince de ses États[60].

Amphiaraüs, devin de l’antiquité, qui se cacha pour ne pas aller à la guerre de Thèbes, parce qu’il avait prévu qu’il y mourrait ; ce qui eut lieu lorsqu’on l’eut découvert et forcé à s’y rendre. Mais on ajoute qu’il ressuscita. On lui éleva un temple dans l’Attique, près d’une fontaine sacrée par laquelle il s’était glissé en revenant des enfers.

Il guérissait les malades en leur indiquant des remèdes dans des songes, comme font de nos jours ceux qui pratiquent le somnambulisme magnétique. Il rendait aussi par ce moyen des oracles, moyennant argent. Après les sacrifices, le consultant s’endormait sur une peau de mouton, et il lui venait un rêve qu’on savait toujours interpréter après l’événement. On lui attribue des prophéties écrites en vers, qui ne sont pas venues jusqu’à nous. Il inventa la pyromancie. Voy. ce mot.

Amphiloque, devin qui, après sa mort, rendit des oracles en Cilicie.

Amphion. Pausanias, Wierus et beaucoup d’autres mettent Amphion au rang des habiles magiciens, parce qu’il rebâtit les murs de Thèbes au son de sa lyre.

Amphisbène, serpent auquel on attribue deux têtes aux deux extrémités, par lesquelles il mord également. Le docteur Brown a combattu cette erreur, que Pline avait adoptée, « On ne nie point, dit Brown[61], qu’il n’y ait eu quelques serpents à deux têtes, dont chacune était à l’extrémité opposée. Nous trouvons dans Aldrovandi un lézard de cette même forme, et tel était, peut-être l’amphisbène dont Cassien du Puy montra la figure au savant Faber. Cela arrive quelquefois aux animaux, qui font plusieurs petits à la fois, et surtout aux serpents, dont les œufs étant attachés les uns aux autres, peuvent s’unir sous diverses formes et s’éclore de la sorte. Mais ce sont là des productions monstrueuses, contraires à cette loi suivant laquelle toute créature engendre son semblable, et qui sont marquées comme irrégulières dans le cours général de la nature. Nous douterons donc que l’amphisbène soit une race de serpents à deux têtes, jusqu’à ce que le fait soit confirmé. »

Amrita. Breuvage de l’immortalité chez les Hindous. Leurs dieux ont été mortels pendant dix mille ans, à la suite desquels ils ont trouvé le moyen de faire l’amrita, ce qui les a placés hors des atteintes de la mort.

Amschaspands. Génies du premier ordre chez les Persans. Ils sont au nombre de six, et ont pour chef Ormusd ou Ormouzd. Ils président avec lui aux sept planètes.

Amulette, préservatif. On appelle ainsi certains remèdes superstitieux que l’on porte sur soi ou que l’on s’attache au cou pour se préserver de quelque maladie ou de quelque danger. Les Grecs les nommaient phylactères, les Orientaux, talismans. C’étaient des images capricieuses (un scarabée chez les Égyptiens), des morceaux de parchemin, de cuivre, d’étain, d’argent, ou encore des pierres particulières où l’on avait tracé certains caractères ou certains hiéroglyphes.

Comme cette superstition est née d’un attachement excessif à la vie et d’une crainte puérile de tout ce qui peut nuire, le Christianisme n’est venu à bout de la détruire que chez les fidèles[62]. Dès les premiers siècles de l’Église, les Pères et les conciles défendirent ces pratiques du paganisme. Ils représentèrent les amulettes comme un reste idolâtre de la confiance qu’on avait aux prétendus génies gouverneurs du monde. Le curé Thiers[63] a rapporté un grand nombre de passages des Pères à ce sujet, et les canons de plusieurs conciles.

Les lois humaines condamnèrent aussi l’usage des amulettes. L’empereur Constance défendit d’employer les amulettes et les charmes à la guérison des maladies. Cette loi, rapportée par Ammien Marcellin, fut exécutée si sévèrement, que Valentinien fit punir de mort une vieille femme qui ôtait la fièvre avec des paroles charmées, et qu’il fit couper la tête à un jeune homme qui touchait un certain morceau de marbre en prononçant sept lettres de l’alphabet pour guérir le mal d’estomac.

Mais comme il fallait des préservatifs aux esprits fourvoyés, qui sont toujours le plus grand nombre, on trouva moyen d’éluder la loi. On fit des amulettes avec des morceaux de papier chargés de versets de l’Écriture sainte. Les lois se montrèrent moins rigides contre cette coutume, et on laissa aux prêtres le soin d’en modérer les abus.

Les Grecs modernes, lorsqu’ils sont malades, écrivent le nom de leur infirmité sur un papier triangulaire qu’ils attachent à la porte de leur chambre. Ils ont grande foi à cette amulette.

Quelques personnes portent sur elles le commencement de l’Évangile de saint Jean comme un préservatif contre le tonnerre ; et, ce qui est assez particulier, c’est que les Turcs ont confiance à cette même amulette, si l’on en croit Pierre Leloyer.

Une autre question est de savoir si c’est une superstition de porter sur soi les reliques des saints, une croix, une image, une chose bénite par les prières de l’Église, un Agnus Dei, etc., et si l’on doit mettre ces choses au rang des amulettes, comme le prétendent les protestants. — Nous reconnaissons que si l’on attribue à ces choses la vertu surnaturelle de préserver d’accidents, de mort subite, de mort dans l’état de péché, etc., c’est une superstition. Elle n’est pas du même genre que celle des amulettes, dont le prétendu pouvoir ne peut pas se rapporter à Dieu ; mais c’est ce que les théologiens appellent une vaine observance, parce que l’on attribue à des choses saintes et respectables un pouvoir que Dieu n’y a point attaché. Un chrétien bien instruit ne les envisage point ainsi ; il, sait que les saints ne peuvent nous secourir que par leurs prières et par leur intercession auprès de Dieu. C’est pour cela que l’Église a décidé qu’il est utile et louable de les honorer et de les invoquer. Or c’est un signe d’invocation et de respect à leur égard de porter sur soi leur image ou leurs reliques ; de même que c’est une marque d’affection et de respect pour une personne que de garder son portrait ou quelque chose qui lui ait appartenu. Ce n’est donc ni une vaine observance ni une folle confiance d’espérer qu’en considération de l’affection et du respect que nous témoignons à un saint, il intercédera et priera pour nous. Il en est de même des croix et des Agnus Dei[64].

On lit dans Thyræus[65] qu’en 1568, dans le duché de Juliers, le prince d’Orange condamna un prisonnier espagnol à mourir ; que ses soldats l’attachèrent à un arbre et s’efforcèrent de le tuer à coups d’arquebuse ; mais que leurs balles ne l’atteignirent point. On le déshabilla pour s’assurer s’il n’avait pas sur la peau une armure qui arrêtât le coup ; on trouva une amulette portant la figure d’un agneau : on la lui ôta, et le premier coup de fusil l’étendit roide mort.

On voit dans la vieille chronique de don Ursino que quand sa mère l’envoya, tout petit enfant qu’il était, à Saint-Jacques de Compostelle, elle lui mit au cou une amulette que son époux avait arrachée à un chevalier maure. La vertu de cette amulette était d’adoucir la fureur des bêtes cruelles. En traversant une forêt, une ourse enleva le petit prince des mains de sa nourrice et l’emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui faire aucun mal, elle l’éleva avec tendresse ; il devint par la suite très-fameux sous le nom de don Ursino, qu’il devait à l’ourse, sa nourrice sauvage, et il fut reconnu par son père, à qui la légende dit qu’il succéda sur le trône de Navarre.

Les nègres croient beaucoup à la puissance des amulettes. Les bas Bretons leur attribuent le pouvoir de repousser le démon. Dans le Finistère, quand on porte un enfant au baptême, on lui met au cou un morceau de pain noir, pour éloigner les sorts et les maléfices que les vieilles sorcières pourraient jeter sur lui[66]. Voy. Alès.

Amy, grand président aux enfers, et l’un des princes de la monarchie infernale. Il paraît là-bas environné de flammes mais il affecte sur la terre des traits humains. Il enseigne les secrets de l’astrologie et des arts libéraux ; il donne de bons domestiques ; il découvre à ses amis les trésors gardés par les démons ; il est préfet de trente-six légions. Des anges déchus et des puissances sont sous ses ordres. Il espère qu’après deux cent mille ans il retournera dans le ciel pour y occuper le septième trône ; ce qui n’est pas croyable, dit Wierus[67].

Amyraut (Moïse), théologien protestant, né dans l’Anjou en 1596, mort en 1664. On lui doit un Traité des songes, aujourd’hui peu recherché.

Anabaptistes, secte née de Luther, qui rebaptisait ; ce que signifie son nom. Voy. Jean de Leyde et Muncer.

Anagramme. Il y eut des gens, surtout dans les quinzième et seizième siècles, qui prétendaient trouver des sens cachés dans les mots qu’ils décomposaient, et une divination dans les anagrammes. On cite comme une des plus curieuses celle que l’on fit sur le meurtrier de Henri III, Frère dit Jacques Clément, où l’on trouve : C’est l’enfer qui m’a créé. — Deux religieux en dispute, le père Proust et le père d’Orléans, faisaient des anagrammes ; le père Proust trouva dans le nom de son confrère : l’Asne d’or, et le père d’Orléans découvrit dans celui du père Proust : Pur sot.

Un nommé André Pujon, de la haute Auvergne, passant par Lyon pour se rendre à Paris, rêva la nuit que l’anagramme de son nom était : pendu à Riom. En effet, on ajoute que le lendemain il s’éleva une querelle entre lui et un homme de son auberge, qu’il tua son adversaire, et qu’il fut pendu huit jours après sur la place publique de Riom. — C’est un vieux conte renouvelé. On voit dans Delancre[68] que le pendu s’appelait Jean de Pruom, dont l’anagramme est la même.

J.-B. Rousseau, qui ne voulait pas reconnaître son père, parce que ce n’était qu’un humble cordonnier, avait pris le nom de Verniettes, dont l’anagramme fut faite ; on y trouva : Tu te renies. On fit de Pierre de Ronsard rose de Pindare, — L’anagramme de monde, est démon ; l’anagramme d’Amiens, en amis ; celle de Lamartine, mal t’en ira ; celle de révolution française, un Corse te finira ; en 1848, on a trouvé insolemment dans ces trois noms : A. Thiers, Odilon Barrot, Chambolle, trois Aliboron de la Chambre.

On donna le nom de cabale à la ligue des favoris de Charles II d’Angleterre, qui étaient Clifford, Ashley, Buckingham, Arlington, Lauderdale, parce que les initiales des noms de ces cinq ministres formaient le mot cabal.

On voulut présenter comme une prophétie cette anagramme de Louis quatorzième, roi de France et de Navarre : « Va, Dieu confondra l’armée qui osera te résister… »

Parfois les anagrammes donnent pourtant un sens qui étonne. Qu’est-ce que la vérité ? Quid est veritas ? demande Pilate à l’Homme-Dieu ; et il se lève sans attendre la réponse. Mais elle est dans la question, dont l’anagramme donne exactement : Est vir qui adest, c’est celui qui est devant vous.

Les Juifs cabalistes ont fait des anagrammes la troisième partie de leur cabale : leur but est de trouver dans la transposition des lettres ou des mots des sens cachés ou mystérieux. Voy. Onomancie.

Anamelech, ou Anamalech, démon obscur, porteur de mauvaises nouvelles. Il était adoré à Sepharvaïm, ville des Assyriens. Il s’est montré sous la figure d’une caille. Son nom signifie, à ce qu’on dit, bon roi ; et des doctes assurent que ce démon est la lune, et Adramelech le soleil. Il joue un rôle dans le poëme où Gessner a chanté la mort d’Abel.

Anancitide. Voy. Aglaophotis.

Anania ou Anagni (Jean d’), jurisconsulte du quinzième siècle, à qui on doit quatre livres De la nature des démons[69], et un traité De la magie et des maléfices[70]. Ces ouvrages sont peu connus. Anania mourut en Italie en 1458.

Ananisapta. Les cabalistes disent que ce mot, écrit sur un parchemin vierge, est un talisman très-efficace contre les maladies. Les lettres qui le composent sont, à leur avis, les initiales des mots qui forment la prière suivante : Antidotum Nazareni Auferat Necem Intoxicationis, Sanctificet Alimenta Poculaque Trinitas Alma.

Anansié. C’est le nom de l’araignée gigantesque et toute-puissante à qui les nègres de la Côte-d’Or attribuent la création de l’homme. Voy. Araignée.

Anarazel, l’un des démons chargés de la garde des trésors souterrains, qu’ils transportent d’un lieu à un autre pour les dérober aux recherches des hommes.

 
Anarazel
Anarazel
 
Anarazel, avec ses compagnons Gaziel et Fécor, ébranle les fondements des raisons, excite les tempêtes, sonne les cloches à minuit, fait paraître les spectres et inspire les terreurs nocturnes.

Anathème. Ce mot, tiré du grec, signifie exposé, signalé, dévoué. On donnait chez les païens le nom d’anathèmes aux filets qu’un pêcheur déposait sur l’autel dès nymphes de la mer, au miroir que Laïs consacra à Vénus, aux offrandes de coupes, de vêtements, d’instruments et de figures diverses. On l’appliqua ensuite aux objets odieux que l’on exposait dans un autre sens, comme la tête ou les dépouilles d’un coupable ; et l’on appela anathème la victime vouée aux dieux infernaux. Chez les Juifs l’anathème a été généralement pris ainsi en mauvaise part ; chez les chrétiens c’est la malédiction ou l’être maudit. L’homme frappé d’anathème est retranché de la communion des fidèles.

Il y a beaucoup d’exemples qui prouvent les effets de l’anathème ; et comment expliquer ce fait constant, que peu d’excommuniés ont prospéré ? — Voy. Excommunication.

Les magiciens et les devins emploient une sorte d’anathème pour découvrir les voleurs et les maléfices : voici cette superstition. Nous prévenons ceux que les détails pourraient scandaliser qu’ils sont extraits des grimoires. — On prend de l’eau limpide, on rassemble autant de petites pierres qu’il y a de personnes soupçonnées, on les fait bouillir dans cette eau, on les enterre sous le seuil de la porte par où doit passer le voleur ou la sorcière, en y joignant une lame d’étain sur laquelle sont écrits ces mots : Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat. On a eu soin de donner à chaque pierre le nom de l’une des personnes qu’on a lieu de soupçonner. — On ôte le tout de dessus le seuil de la porte au lever du soleil ; si la pierre qui représente le coupable est brûlante, c’est déjà un indice. Mais, comme le diable est sournois, il ne faut pas s’en contenter ; on récite donc les sept psaumes de la pénitence avec les litanies des saints ; on prononce ensuite les prières de l’exorcisme contre le voleur ou la sorcière ; on écrit son nom dans un cercle, on plante sur ce nom un clou d’airain de forme triangulaire, qu’il faut enfoncer avec un marteau dont le manche soit de bois de cyprès, et on dit quelques paroles prescrites à cet effet. Alors le voleur se trahit par un grand cri.

S’il s’agit d’une sorcière, et qu’on veuille seulement ôter le maléfice pour le rejeter sur celle qui l’a fait, on prend, le samedi, avant le lever du soleil, une branche de coudrier d’une année, et on dit l’oraison suivante : « Je te coupe, rameau de cette année, au nom de celui que je veux blesser comme je te blesse. » On met la branche sur la table, en répétant trois fois une certaine prière[71] qui se termine par ces mots : Que le sorcier ou la sorcière soit anathème, et nous saufs !…

Anatolius, philosophe platonicien, maître de Jamblique, et auteur d’un traité Des sympathies et des antipathies, dont Fabricius a conservé quelques fragments dans sa Bibliothèque grecque.

Anaxilas, philosophe pythagoricien qui vivait sous Auguste. On, l’accusa de magie, parce qu’il faisait de mauvaises expériences de physique, et Auguste le bannit. Il fut l’inventeur du flambeau infernal, qui consiste à brûler du soufre dans un lieu privé de lumière, ce qui rend les assistants fort laids.

Andaine, fée suzeraine ou reine, qui chassait avec sa suite dans les bois du château de Rasnes, et qui en épousa le seigneur[72].

Anderson (Alexandre). Voy. Vampires, à la fin de l’article.

Andrade, médecin qui eut des révélations en 853. Elles sont peu curieuses ; cependant Duchesne les a recueillies dans sa collection des historiens français[73].

Andras, grand marquis aux enfers. On le voit avec le corps d’un ange, la tête d’un chat-huant, à cheval sur un loup noir et portant à la main un sabre pointu. Il apprend à ceux qu’il favorise à tuer leurs ennemis, maîtres et serviteurs ; c’est lui qui élève les discordes et les querelles ; il commande trente légions.

 
Andras
Andras
 

André (Tobie), auteur d’un livre Sur le pouvoir des mauvais anges, rare et peu recherché[74].

Andreæ (Jean-Valentin), luthérien, né dans le duché de Wurtemberg en 1596, mort en 1654. Ses connaissances confuses, son activité mal réglée, les mystérieuses allusions qui se remarquent dans ses premiers ouvrages, l’ont fait regarder comme le fondateur du fameux ordre des Rose-Croix. Plusieurs écrivains allemands lui attribuent au moins la réorganisation de cet ordre secret, affilié depuis à celui des Francs-Maçons, qui révèrent encore la mémoire d’Andreæ. — Ses ouvrages, au nombre de cent, prêchent généralement la nécessité des sociétés secrètes, surtout la République Christianopolitaine, la Tour de Babel, le Chaos des jugements portés sur la fraternité de la Rose-Croix, l’idée d’une société chrétienne, la Réforme générale du monde, et les Noces chimiques de Chrétien Rosencreutz. — On attribue, à Andreæ des voyages merveilleux, une existence pleine de mystère, et des prodiges qu’on à copiés récemment en grande partie dans la peinture qu’on nous a faite des tours de passe-passe de Cagliostro.

Andriague, animal fabuleux, espèce de cheval ou de griffon ailé, que les romans de chevalerie donnent quelquefois aux magiciens, qu’ils prêtent même à leurs héros, et qu’on retrouve aussi dans des contes de fées.

Androalphus, puissant démon, marquis de l’empire infernal ; il se montre sous la figure d’un paon à la voix grave. Quand il paraît avec la forme humaine, on peut le contraindre à donner des leçons de géométrie. Il est astronome, et il enseigne de plus à ergoter habilement. Il donne aux hommes des figures d’oiseaux ; ce qui permet à ceux qui commercént avec lui d’éviter la griffe des juges. Trente légions sont sous ses ordres[75].

Androgina. Bodin et Delancre content[76] qu’en 1536, à Casale, en Piémont, on remarqua qu’une sorcière, nommée Androgina, entrait dans les maisons, et que bientôt après on y mourait. Elle fut prise et livrée aux juges ; elle confessa que quarante sorcières avaient composé avec elle le maléfice. C’était un onguent dont elles allaient graisser les loquets des portes; ceux qui touchaient ces loquets mouraient en peu de jours. — « La même chose advint à Genève en 1563, ajoute Delancre, si bien qu’elles y mirent la peste, qui dura plus de sept ans. Cent soixante-dix sorcières avaient été exécutées à Rome pour cas semblable, sous le consulat de Claudius Marcellus et de Valerius Flaccus : mais la sorcellerie n’étant pas encore bien reconnue, on les prenait simplement alors pour ce qu’elles étaient : des empoisonneuses… »

Androïdes, automates à figure humaine. — Voy. Albert le Grand.

Âne. Les Égyptiens traçaient son image sur les gâteaux qu’ils offraient à Typhon, dieu du mal. Les Romains regardaient la rencontre de l’âne comme un mauvais présage. Mais cet animal était honoré dans l’Arabie.

Certains peuples trouvaient quelque chose de mystérieux dans cette innocente bête, et on pratiquait autrefois une divination dans laquelle on employait une tête d’âne. Voy. Kephalonomancie. Ce n’est pas ici le lieu de parler de la fête de l’Âne. Mais relevons une croyance populaire qui fait de la croix noire qu’il porte sur le dos une distinction accordée à l’espèce, à cause de l’ânesse de Bethphagé. C’est un fait assez singulier.

 
Âne
Âne
 

Chez les indiens du Maduré, une des premières castes, celle des cavaravadouks, prétend descendre d’un âne ; ceux de cette caste traitent les ânes en frères, prennent leur défense, poursuivent en justice, et font condamner à l’amende quiconque les charge trop ou les bat et les outrage sans raison. Dans les temps de pluie, ils donneront le couvert à un âne avant de le donner à son conducteur, s’il n’est pas de certaine condition[77].

Voici une vieille fable sur l’âne : Jupiter venait de prendre possession de l’empire ; les hommes, à son avénement, lui demandèrent un printemps éternel, ce qu’il leur accorda ; il chargea l’âne de Silène de porter sur la terre ce présent. L’âne eut soif, et s’approcha d’une fontaine ; le serpent qui la gardait, pour lui permettre d’y boire, lui demanda le trésor dont il était porteur, et le pauvre animal troqua le don du ciel contre un peu d’eau. C’est depuis ce temps, dit-on, que les vieux serpents changent de peau et rajeunissent perpétuellement.

Mais il y a des ânes plus adroits que celui-là : à une demi-lieue du Kaire se trouvait, dans une grande bourgade, un bateleur qui avait un âne si instruit que les manants le prenaient pour un démon déguisé. Son maître le faisait danser ; ensuite il lui disait que le soudan voulait construire un bel édifice, et qu’il avait résolu d’employer tous les ânes du Kaire à porter la chaux, le mortier et la pierre. Aussitôt l’âne se laissait tomber, raidissait les jambes, et fermait les yeux comme s’il eût été mort. Le bateleur se plaignait de la mort de son âne, et priait qu’on lui donnât un peu d’argent pour en acheter un autre.

Après avoir recueilli quelque monnaie : Ah ! disait-il, il n’est pas mort, mais il a fait semblant de l’être, parce qu’il sait que je n’ai pas le moyen de le nourrir. — Lève-toi, ajoutait-il. — L’âne n’en faisait rien. Ce que voyant, le maître annonçait que le soudan avait fait crier à son de trompe que le peuple eût à se trouver le lendemain hors de la ville du Kaire pour y voir de grandes magnificences. — Il veut, poursuivait-il, que les plus nobles dames soient montées sur des ânes…

L’âne se levait à ces mots, dressant la tête et les oreilles en signe de joie. — Il est vrai, reprenait le bateleur, que le gouverneur de mon quartier m’a prié de lui prêter le mien pour sa femme, qui est une vieille roupilleuse édentée.

L’âne baissait aussitôt les oreilles, et commençait à clocher comme s’il eût été boiteux[78].

Ces ânes merveilleux, disent les démonographes, étaient sinon des démons, au moins des hommes métamorphosés ; comme Apulée, qui fut, ainsi qu’on sait, transmué en âne. L’auteur du Speculum naturæ raconte la légende de deux femmes qui tenaient une petite auberge auprès de Rome, et qui allaient vendre leurs hôtes au marché après les avoir changés en pourceaux, en poulets, en moutons. Une d’elles, ajoute-t-il, transforma un comédien en âne, et comme il conservait ses talents sous sa nouvelle peau, elle le menait dans les foires des environs, où il lui gagnait beaucoup d’argent. Un voisin acheta très-cher cet âne savant. En le lui livrant, la sorcière se borna à lui recommander de ne pas le laisser entrer dans l’eau, ce que le nouveau maître de l’âne observa quelque temps. Mais un jour le pauvre animal, ayant trouvé moyen de rompre son licou, se jeta dans un lac, où il reprit sa forme naturelle, au grand étonnement de son conducteur. L’affaire, dit le conte, fut portée au juge, qui fit châtier les deux sorcières.

Les rabbins font très-grand cas de l’ânesse de Balaam. C’est, disent-ils, un animal privilégié que Dieu forma à la fin du sixième jour. Abraham se servit d’elle pour porter le bois destiné au sacrifice d’Isaac ; elle porta ensuite la femme et le fils de Moïse dans le désert. Ils assurent que cette ânesse est soigneusement nourrie, et réservée dans un lieu secret jusqu’à l’avénement du Messie juif, qui doit la monter pour soumettre toute la terre. Voy. Borack.

Angada, roi des singes ; il aida le dieu Rama (septième incarnation de Vichnou) dans son expédition contre Ravana.

Angat. Nom du diable à Madagascar, où il est regardé comme un génie sanguinaire et cruel. On lui donne la figure du serpent.

Angelieri, Sicilien du dix-septième siècle qui n’est connu que par un fatras dont il publia deux volumes, et dont il en promettait vingt-quatre, sous le titre de Lumière magique, ou origine, ordre et gouvernement de toutes les choses célestes, terrestres et infernales, etc.[79]. Mongitore en parle dans le tome Ier de sa Bibliothèque sicilienne.

Angélique, plante qui passe pour un préservatif contre les fascinations de la magie. On la mettait en manière d’amulette au cou des petits enfants pour les garantir des maléfices.

Angerbode ou Angurbode, femme gigantesque qui se maria avec Lock, selon l’opinion des Scandinaves, et qui enfanta trois monstres : le loup Fenris, le serpent Jormungandur et la démone Héla qui garde le monde souterrain.

Anges. Saint Augustin prouve que les anges ont été créés dans l’œuvre des six jours, car ils ne l’ont pas été avant, puisqu’il n’existait alors aucune créature ; ils ne l’ont pas été après, puis que Dieu dit dans l’Écriture : « Quand les astres furent formés, tous mes anges me louèrent à haute voix. » Ils ont probablement reçu l’existence quand le Créateur dit : « Que la lumière soit ! » parole qui s’applique toujours tout ensemble, suivant le grand évêque d’Hippone, au monde visible et au monde invisible.

Quel est leur nombre ? Daniel en vit mille millions qui servaient le Seigneur, et dix mille millions qui étaient devant lui. Les bienheureuses armées des esprits supérieurs forment, dit l’Aréopagite, une multitude que nous ne pouvons compter. Puisque Dieu veut la perfection dans ses ouvrages, poursuit l’Ange de l’école, plus une chose est parfaite, plus elle est multipliée ; de sorte que les substances immatérielles sont incomparablement plus nombreuses que les substances matérielles.

 
Anges
Anges
Anges.
 

La théologie a donné des ailes aux anges, dit saint Denis l’Aréopagite, pour marquer la célérité de leur mouvement. Tertullien reprend : Ils peuvent se transporter partout en un moment. Albert le Grand signale quelques erreurs sur le mouvement angélique. « Les uns croient, dit-il, que les anges se meuvent par la pensée. Opinion fausse. Quand je me représente Constantinople, Calcutta, Canton, ma pensée ne traverse pas les régions de l’Orient ; elle trouve là, dans mon cerveau, les idées qui fixent son regard. Si donc les esprits célestes se mouvaient comme la pensée, ils resteraient dans le même lieu. » Albert le Grand continue : « D’autres pensent que les anges se meuvent par l’effet des vertus qui leur obéissent. Cette opinion va droit à l’hérésie : elle est contraire à l’enseignement des livres saints. Commander à des forces actives, leur donner l’impulsion, les diriger en quelque sorte à travers l’espace, ce n’est pas se mouvoir soi-même. Or, l’Écriture sainte attribue en mille endroits le mouvement personnel aux célestes intelligences, D’autres disent enfin que les anges se meuvent par la faculté qu’ils ont d’être en même temps dans plusieurs lieux, même partout quand ils le désirent. Mais cette opinion mérite aussi la note d’hérésie. L’être qui est partout ne se meut point, et un esprit supérieur qui pourrait être partout serait immense, infini : il serait Dieu[80].

Les Juifs, à l’exception des sadducéens, admettaient et honoraient les anges, en qui ils voyaient, comme nous, des substances spirituelles, intelligentes, les premières en dignité entre les créatures, et qui, pour nous, n’ont au-dessus d’eux que la sainte Vierge.

Les rabbins, qui depuis la dispersion ont tout altéré, et qui placent la création des anges au second jour, ajoutent qu’ayant été appelés au conseil de Dieu, lorsqu’il voulut former l’homme, leurs avis furent partagés, et que Dieu fit Adam à leur insu, pour éviter leurs murmures. Ils reprochèrent néanmoins à Dieu d’avoir donné trop d’empire à Adam. Dieu soutint l’excellence de son ouvrage, parce que l’homme devait le louer sur la terre, comme les anges le louaient dans le ciel. II leur demanda ensuite s’ils savaient le nom de toutes les créatures ? Ils répondirent que non ; et Adam, qui parut aussitôt, les récita tous sans hésiter, ce qui les confondit.

L’Écriture sainte a conservé quelquefois aux démons le nom d’anges, mais anges de ténèbres, anges déchus ou mauvais anges. Leur chef lest appelé le grand dragon et l’ancien serpent, à cause de la forme qu’il prit pour tenter la femme.

Zoroastre enseignait l’existence d’un nombre infini d’anges ou d’esprits médiateurs, auxquels il attribuait non-seulement un pouvoir d’intercession subordonné à la providence continuelle de Dieu, mais un pouvoir aussi absolu que celui que les païens prêtaient à leurs dieux[81]. C’est le culte rendu à des dieux secondaires que saint Paul a condamné[82].

 
Anges
Anges
 

Les musulmans croient que les hommes ont chacun deux anges gardiens, dont l’un écrit le bien qu’ils font, et l’autre le mal. Ces anges sont si bons, ajoutent-ils, que, quand celui qui est sous leur garde fait une mauvaise action, ils le laissent dormir avant de l’enregistrer, espérant qu’il pourra se repentir à son réveil. Les Persans donnent a chaque homme cinq anges-gardiens, placés : le premier à sa droite pour écrire ses bonnes actions, le second à sa gauche pour écrire les mauvaises, le troisième devant lui pour le conduire, le quatrième derrière pour le garantir des démons, et le cinquième, devant son front pour tenir son esprit élevé vers le Prophète. D’autres en ce pays portent le nombre des anges gardiens de chaque homme jusqu’à cent soixante ; ce qui est une grande vanité.

Les Siamois divisent les anges en sept ordres, et les chargent de la garde des planètes, des villes, des personnes. Ils disent que c’est pendant qu’on éternue que les mauvais anges écrivent les fautes des hommes.

Ange
Ange

Les théologiens admettent neuf chœurs d’anges, en trois hiérarchies : les séraphins, les chérubins, les trônes ; — les dominations, les principautés, les vertus des cieux ; — les puissances, les archanges et les anges.

Parce que des anges, en certaines occasions où Dieu l’a voulu, ont secouru les Juifs contre leurs ennemis, les peuples modernes ont quelquefois attendu le même prodige. Le jour de la prise de Constantinople par Mahomet II, les Grecs schismatiques, comptant sur la prophétie d’un de leurs moines, se persuadaient que les Turcs n’entreraient pas dans la ville, mais qu’ils seraient arrêtés aux murailles par un ange armé d’un glaive, qui les chasserait et les repousserait jusqu’aux frontières de la Perse. Quand l’ennemi parut sur la brèche, le peuple et l’armée se réfugièrent dans le temple de Sainte-Sophie, sans avoir perdu tout espoir ; mais l’ange n’arriva pas, et la ville fut saccagée.

Cardan raconte qu’un jour qu’il était à Milan, le bruit se répandit tout à coup qu’il y avait un ange dans les airs au-dessus de la ville. Il accourut et vit, ainsi que deux mille personnes rassemblées, un ange qui planait dans les nuages, armé d’une longue épée et les ailes étendues. Les habitants s’écriaient que c’était l’ange exterminateur ; et la consternation devenait générale, lorsqu’un ecclésiastique fit remarquer que ce qu’on voyait n’était que la représentation dans les nuées d’un ange de marbre blanc placé au haut du clocher de Saint-Gothard.

Angeweiller (Le comte d’) épouse de la main gauche une fée qui lui laisse des dons merveilleux. Voy. Fées[83].

Anguekkok, espèce de sorciers auxquels les Groenlandais ont recours dans leurs embarras. Quand les veaux marins ne se montrent pas en assez grand nombre, on va prier l’anguekkok d’aller trouver la femme prodigieuse qui, selon la tradition, a traîné la grande île de Disco de la rivière de Baal, où elle était située autrefois, pour la placer à plus de cent lieues de là, à l’endroit ou elle se trouve aujourd’hui. D’après la légende, cette femme habite au fond de la mer, dans une vaste maison gardée par les veaux marins ; des oiseaux de mer nagent dans sa lampe d’huile de poisson, et les habitants de l’abîme se réunissent autour d’elle, attirés par son éclat, sans pouvoir la quitter, jusqu’à ce que l’anguekkok la saisisse par les cheveux, et, lui enlevant sa coiffure, rompe le charme qui les retenait auprès d’elle.

Quand un Groenlandais tombe malade, c’est encore l’anguekkok qui lui sert de médecin ; il se charge également de guérir les maux du corps et ceux de l’âme[84]. Voy. Torngarsuk.

Anguille. Les livres de secrets merveilleux donnent à l’anguille des vertus surprenantes. Si on la laisse mourir hors de l’eau, qu’on mette ensuite son corps entier dans de fort vinaigre mêlé avec du sang de vautour, et qu’on place le tout sous du fumier, cette composition « fera ressusciter tout ce qui lui sera présenté, et lui redonnera la vie comme auparavant[85] ».

Des autorités de la même force disent encore que celui qui mange le cœur tout chaud d’une anguille sera saisi d’un instinct prophétique, et prédira les choses futures.

Les Égyptiens adoraient l’anguille, que leurs prêtres seuls avaient droit de manger.

On a beaucoup parlé, dans le dernier siècle, des anguilles formées de farine ou de jus de mouton ; c’était une de ces plaisanteries qu’on appelle aujourd’hui des canards.

N’oublions pas le petit trait d’un avare, rapporté par Guillaume de Malmesbury, doyen d’Elgin, dans la province de Murray, en Écosse, lequel avare fut, par magie, changé en anguille et mis en matelote[86].

Animaux. Ils jouent un grand rôle dans les anciennes mythologies. Les païens en adoraient plusieurs, ou par terreur, ou par reconnaissance, ou par suite des doctrines de la métempsycose. Chaque dieu avait un animal qui lui était dévoué.

Les anciens philosophes avaient parfois, au sujet des animaux, de singulières idées. Celse, qui a été si bien battu par Origène, soutenait que les animaux ont plus de raison, plus de sagesse, plus de vertu que l’homme (peut-être jugeait-il d’après lui-même), et qu’ils sont dans un commerce plus intime avec la Divinité. Quelques-uns ont cherché dans de telles idées l’origine du culte que les Égyptiens rendaient à plusieurs animaux. Mais d’autres mythologues vous diront que ces animaux étaient révérés, parce qu’ils avaient prêté leur peau aux dieux égyptiens en déroute et obligés de se travestir. Voy. Âme des bêtes.

Divers animaux sont très-réputés dans la sorcellerie, comme le coq, le chat, le crapaud, le bouc, le loup, le chien, ou parce qu’ils accompagnent les sorcières au sabbat, ou pour les présages qu’ils donnent, ou parce que les magiciens et les démons empruntent leurs formes. Nous en parlerons à leurs articles particuliers.

Dix animaux sont admis dans le paradis de Mahomet : la baleine de Jonas, la fourmi de Salomon, le bélier d’Ismaël, le veau d’Abraham, l’ânesse de Balaam, la chamelle du prophète Saleh, le bœuf de Moïse, le chien des sept dormants, le coucou de Balkis, reine de Saba, et la mule de Mahomet. Voy. Borack.

Nous ne dirons qu’un mot d’une erreur populaire qui, aujourd’hui, n’est plus très-enracinée. On croyait autrefois que toutes les espèces qui sont sur la terre se trouvaient aussi dans la mer. Le docteur Brown a prouvé que cette opinion n’était pas fondée. « Il serait bien difficile, dit-il, de trouver l’huître sur la terre ; et la panthère, le chameau, la taupe ne se rencontrent pas dans l’histoire naturelle des poissons. D’ailleurs le renard, le chien, l’âne, le lièvre de mer ne ressemblent pas aux animaux terrestres qui portent le même nom. Le cheval marin n’est pas plus un cheval qu’un aigle ; le bœuf de mer n’est qu’une grosse raie ; le lion marin, une espèce d’écrevisse et le chien marin ne représente pas plus le chien de terre que celui-ci ne ressemble a l’étoile Sirius, qu’on appelle aussi le chien[87]. »

Il serait long et hors de propos de rapporter ici toutes les bizarreries que l’esprit humain a enfantées par rapport aux animaux. Voy. Bêtes. etc.

Aniran, génie musulman qui préside aux noces.

Anjorrand. Voy. Denis.

Anka. Voy. Simorgue.

Annaberge, démon terrible parmi les démons gardiens des mines. Il tua un jour plusieurs ouvriers dans la riche mine d’argent de l’Allemagne appelée Corona Rosacea.

« L’annaberge se montrait sous la forme d’un bouc avec des cornes d’or, et se précipitait sur les mineurs avec impétuosité, ou sous la forme d’un cheval, qui jetait la flamme et la peste par ses naseaux. » Ce terrible annaberge pouvait bien n’être qu’un esprit très-connu aujourd’hui des chimistes sous le nom de feu grisou. La lampe de sûreté d’Humphrey Davy aurait été un talisman précieux aux mineurs de la Couronne de roses[88].

Annabry, l’un des sept princes de l’enfer qui se montrèrent un jour à Faust. Il était en chien noir et blanc, avec des oreilles longues de quatre aunes[89]. Voy. Faust.

Anne l’Écossaise. — Voy. Auxonne.

Anneau. Il y avait autrefois beaucoup d’anneaux enchantés ou chargés d’amulettes. Les magiciens faisaient des anneaux constellés avec lesquels on opérait des merveilles. Voy. Éléazar. — Cette croyance était si répandue chez les païens, que leurs prêtres ne pouvaient porter d’anneaux, a moins qu’ils ne fussent si simples qu’il était évident qu’ils ne contenaient pas d’amulettes[90].

Les anneaux magiques devinrent aussi de quelque usage chez les chrétiens, et même beaucoup de superstitions se rattachèrent au simple anneau d’alliance. On croyait qu’il y avait dans le quatrième doigt, qu’on appela spécialement doigt annulaire ou doigt destiné à l’anneau, un nerf qui répondait directement au cœur ; on recommanda donc de mettre l’anneau d’alliance à ce seul doigt. Le moment où le mari donne l’anneau à sa jeune épouse devant le prêtre, ce moment, dit un vieux livre de secrets, est de la plus haute importance. Si le mari arrête l’anneau à l’entrée du doigt et ne passe pas la seconde jointure, la femme sera maîtresse ; mais s’il enfonce l’anneau jusqu’à l’origine du doigt, il sera chef et souverain. Cette idée est encore en vigueur, et les jeunes mariées ont généralement soin de courber le doigt annulaire au moment où elles reçoivent l’anneau, de manière a l’arrêter avant la seconde jointure.

Les Anglaises, qui observent la même superstition, font le plus grand cas de l’anneau d’alliance, à cause de ses propriétés. Elles croient qu’en mettant un de ces anneaux dans un bonnet de nuit, et plaçant le tout sous leur chevet, elles verront en songe le mari qui leur est destiné.

Les Orientaux révèrent les anneaux et les bagues, et croient aux anneaux enchantés. Leurs contes sont pleins de prodiges opérés par ces anneaux. Ils citent surtout, avec une admiration sans bornes, l’anneau de Salomon, par la force duquel ce prince commandait à toute la nature. Le grand nom de Dieu est gravé sur cette bague, qui est gardée par des dragons, dans le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui s’emparerait de cet anneau serait maître du monde et aurait tous les génies à ses ordres. Voy. Sakhar. — À défaut de ce talisman prodigieux, ils achètent à des magiciens des anneaux qui produisent aussi des merveilles.

L’abominable Henri VIII bénissait des anneaux d’or, qui avaient, disait-il, la propriété de guérir de la crampe[91]. Les faiseurs de secrets ont inventé des bagues magiques qui ont plusieurs vertus. Leurs livres parlent de l’anneau des voyageurs. Cet anneau, dont le secret n’est pas bien certain, donnait à celui qui le portait le moyen d’aller sans fatigue de Paris à Orléans, et de revenir d’Orléans à Paris dans la même journée.

Anneau d’invisibilité. On n’a pas perdu le secret de l’anneau d’invisibilité. Les cabalistes ont laissé la manière de faire cet anneau, qui plaça Gygès au trône de Lydie. Il faut entreprendre cette opération un mercredi de printemps, sous les auspices de Mercure, lorsque cette planète se trouve en conjonction avec une des autres planètes favorables, comme la Lune, Jupiter, Vénus et le Soleil. Que l’on ait de bon mercure fixé et purifié ; on en formera une bague où puisse entrer facilement le doigt du milieu ; on enchâssera dans le chaton une petite pierre que l’on trouve dans le nid de la huppe, et on gravera autour de la bague ces paroles : Jésus passant au milieu d’eux s’en alla[92] ; puis, ayant posé le tout sur une plaque de mercure fixé, on fera le parfum de Mercure ; on enveloppera l’anneau dans un taffetas de la couleur convenable à la planète, on le portera dans le nid de la huppe d’où l’on a tiré la pierre, on l’y laissera neuf jours ; et quand on le retirera, on fera encore le parfum comme la première fois ; puis on le gardera dans une petite boîte faite avec du mercure fixé, pour s’en servir à l’occasion. Alors on mettra la bague a son doigt. En tournant la pierre au dehors de la main, elle a la vertu de rendre invisible aux yeux des assistants celui qui la porte ; et quand on veut être vu, il suffit de rentrer la pierre en dedans de la main, que l’on ferme en forme de poing.

Porphyre, Jamblique, Pierre d’Apone et Agrippa, ou du moins les livres de secrets qui leur sont attribués, soutiennent qu’un anneau fait de la manière suivante a la même propriété. Il faut prendre des poils qui sont au-dessus de la tête de l’hyène, et en faire de petites tresses avec lesquelles son fabrique un anneau, qu’on porte aussi dans le nid de la huppe. On le laisse là neuf jours ; on le passe ensuite dans des parfums préparés sous les auspices de Mercure (planète). On s’en sert comme de l’autre anneau, excepté qu’on l’ôte absolument du doigt quand on ne veut plus être invisible.

Si, d’un autre côté, on veut se précautionner contre l’effet de ces anneaux cabalistiques, on aura une bague faite de plomb raffiné et purgé ; on enchâssera dans le chaton un œil de jeune belette qui n’aura porté des petits qu’une fois ; sur le contour on gravera les paroles suivantes : Apparuit Domina Simoni. Cette bague se fera un samedi, lorsqu’on connaîtra que Saturne est en opposition avec Mercure. On l’enveloppera dans un morceau de linceul mortuaire qui ait enveloppé un mort ; on l’y laissera neuf jours ; puis, l’ayant retirée, on fera trois fois le parfum de Saturne, et on s’en servira.

Ceux qui ont imaginé ces anneaux ont raisonné sur le principe de l’antipathie qu’ils supposaient entre les matières qui les composent. Rien n’est plus antipathique à la huppe que l’hyène, et Saturne rétrograde presque toujours à Mercure ; ou, lorsqu’ils se rencontrent dans le domicile de quelques signes du zodiaque, c’est toujours un aspect funeste et de mauvais augure[93]. Nous parlons astrologie.

On peut faire d’autres anneaux sous l’influence des planètes, et leur donner des vertus au moyen de pierres et d’herbes merveilleuses. « Mais dans ces caractères, herbes cueillies, constellations et charmes, le diable se coule, » comme dit Leloyer, quand ce n’est pas simplement le démon de la grossière imposture. « Ceux qui observent les heures des astres, ajoute-t-il, n’observent que les heures des démons qui président aux pierres, aux herbes et aux astres mêmes. » — Et il est de fait que ce ne sont ni des saints ni des cœurs honnêtes qui se mêlent de ces superstitions.

Anneberg, démon des mines ; il tua un jour de son souffle douze ouvriers qui travaillaient à une mine d’argent dont il avait la garde. C’est un démon méchant, rancunier et terrible. Il se montre surtout en Allemagne ; on dit qu’il a la figure d’un cheval, avec un cou immense et des yeux effroyables[94]. C’est le même que l’annaberge.

Année. Plusieurs peuples ont célébré par des cérémonies plus ou moins singulières le retour du nouvel an. Chez les Perses, un jeune homme s’approchait du prince et lui faisait des offrandes, en disant qu’il lui apportait la nouvelle année de la part de Dieu. Chez nous, on se donne des étrennes.

Des Gaulois commençaient l’année par la cérémonie du gui de chêne, qu’ils appelaient le gui de l’an neuf ou du nouvel an. Les druides, accompagnés du peuple, allaient dans une forêt, dressaient autour du plus beau chêne un autel triangulaire de gazon, et gravaient sur le tronc et sur les deux plus grosses branches de l’arbre révéré les noms des dieux qu’ils croyaient les plus puissants : Theutatès, Hésus, Taranis, Belenus. Ensuite l’un d’eux, vêtu d’une blanche tunique, coupait le gui avec une serpe d’or ; deux autres druides étaient là pour le recevoir dans un linge et prendre garde qu’il ne touchât la terre. Ils distribuaient l’eau où ils faisaient tremper ce nouveau gui, et persuadaient au peuple qu’elle guérissait plusieurs maladies et qu’elle était efficace contre les sortilèges[95].

Année platonique. On appelle année platonique un espace de temps à la fin duquel tout doit se retrouver à la même place. Les uns comptent seize mille ans pour cette révolution, d’autres trente-six mille[96]. Il y en eut aussi qui croyaient anciennement qu’au bout de cette période le monde serait renouvelé, et que les âmes rentreraient dans leurs corps pour commencer une nouvelle vie semblable à la précédente. On conte là-dessus cette petite anecdote :

Des Allemands, arrêtés dans une auberge de Châlons-sur-Marne, amenèrent la conversation sur cette grande année platonique où toutes les choses doivent retourner à leur premier état ; ils voulurent persuader au maître du logis qu’il n’y avait rien de si vrai que cette révolution ; « de sorte, disaient-ils, que, dans seize mille ans d’ici, nous serons à boire chez vous à pareille heure et dans cette même chambre. »

La-dessus, ayant très-peu d’argent, en vrais Allemands qu’ils étaient, ils prièrent l’hôte de leur faire crédit jusque-là.

Le cabaretier champenois leur répondit qu’il le voulait bien. « Mais, ajouta-t-il, parce qu’il y a seize mille ans, jour pour jour, heure pour heure, que vous étiez pareillement à boire ici comme vous faites, et que vous vous êtes retirés sans payer, acquittez le passé, et je vous ferai crédit du présent… »

Année climatérique. Le préjugé des années climatériques subsiste encore, quoiqu’on en ait à peu près démontré l’absurdité. Auguste écrivait à son neveu Caius pour l’engager à célébrer le jour de sa naissance, attendu qu’il avait passé la soixante-troisième année, — qui est cette grande climatérique si redoutable pour les humains. — Beaucoup de personnes craignent encore l’année climatérique ; cependant une foule de relevés prouvent qu’il ne meurt pas plus d’hommes dans la soixante-troisième année que dans les années qui la précèdent. Mais un préjugé se détruit avec peine. Selon ces idées, que Pythagore fit naître par ses singulières rêveries sur les nombres, notre tempérament éprouve tous les sept ans une révolution complète. Quelques-uns disent même qu’il se renouvelle entièrement. D’autres prétendent que ce renouvellement n’a lieu que tous les neuf ans : aussi les années climatériques se comptent par sept et par neuf. Quarante-neuf et quatre-vingt-un sont des années très-importantes, disent les partisans de cette doctrine ; mais soixante-trois est l’année la plus fatale, parce que c’est la multiplication de sept par neuf. Un Normand disait : Encore un des miens pendu à quarante-neuf ans ! et qu’on dise qu’il ne faut pas se méfier des années climatériques !

 
Allemands causant de l’année platonique
Allemands causant de l’année platonique
Allemands causant de l’année platonique.
 


« On ne doit pourtant pas porter trop loin, dit M. Salgues, le mépris de la période septénaire, qui marque en effet les progrès du développement et de l’accroissement du corps humain. Ainsi, généralement, les dents de l’enfance tombent à sept ans, la puberté se manifeste à quatorze, le corps cesse de croître à vingt et un. » — Mais cette observation n’est pas complètement exacte.

Anninga, la lune chez les Groënlandais. C’était au commencement un jeune garçon qui aimait à courir les champs avec sa sœur Malina. Or un jour qu’il la poursuivait, elle se retourna tout à coup et lui barbouilla de noir la figure. Après quoi Malina, perdant terre, s’élança dans le ciel, où elle devint le soleil. Anninga, qui n’a cessé de la poursuivre, est devenu la lune.

Annius de Viterbe (Jean Nanni), savant ecclésiastique, né à Viterbe en 1432. Il a publié une collection de manuscrits attribués à Bérose, à Fabius Pictor, à Caton, à Archiloque, à Manéthon, etc., et connus sous le nom d’Antiquités d’Annius. Ce recueil a peu de crédit. On prétend qu’il contient beaucoup de fables ; mais plusieurs de ces fables sont d’antiques légendes.

On doit encore à Annius un Traité de l’empire des Turcs, et un livre des Futurs triomphes des chrétiens sur les Turcs et les Sarasins, etc. Ces deux ouvrages sont des explications de l’Apocalypse. L’auteur pense que Mahomet est l’Antéchrist, et que la fin du monde aura lieu quand le peuple des saints (les chrétiens) aura soumis entièrement les juifs et les mahométans.

Anocchiatura, fascination involontaire qui s’exerce soit par les yeux, soit par les paroles, selon les croyances populaires des Corses, mais dans un sens très-bizarre, les puissances mystérieuses qui président à l’anocchiatura ayant la singulière habitude d’exécuter le contraire de ce qu’on souhaite. Aussi, dans la crainte de fasciner les enfants en leur adressant des bénédictions ou des éloges, le peuple qui leur veut du bien le leur prouve par des injures et des souhaits d’autant plus favorables qu’ils sont plus affreusement exprimés[97].

Anpiel, l’un des anges que les rabbins chargent du gouvernement des oiseaux ; car ils mettent chaque espèce créée sous la protection d’un ou de plusieurs anges.

Anselme de Parme, astrologue né à Parme, où il mourut en 1440. Il avait écrit des Institutions astrologiques, qui n’ont pas été imprimées. Wierus[98] et quelques démonographes le mettent au nombre des sorciers. Des charlatans, qui guérissaient les plaies au moyen de paroles mystérieuses que l’on prétend inventées par lui, ont pris le nom d’anselmistes ; et, pour mieux en imposer, ils se vantaient de tenir leur vertu de guérir non d’Anselme de Parme, mais de saint Anselme de Cantorbéry. Voy. Art de saint Anselme.

 
Anocchiatura
Anocchiatura
Anocchiatura.
 

Ansuperomain, sorcier des environs de Saint-Jean-de-Luz, qui, selon des informations prises sous Henri IV par le conseiller Pierre Delancre[99], fut vu plusieurs fois au sabbat, à cheval sur un démon qui avait la forme de bouc, et jouant de la flûte pour la danse des sorcières.

Anthæus. Il y a, comme dit Boguet, des familles où il se trouve toujours quelqu’un qui devient loup-garou. Évanthes et après lui Pline rapportent que dans la race d’un certain Anthæus, Arcadien, on choisissait par le sort un homme que l’on conduisait près d’un étang. Là, il se dépouillait, pendait ses habits à un chêne ; et, après avoir passé l’eau à la nage, s’enfuyait dans un désert où, transformé en loup, il vivait et conversait avec les loups pendant neuf ans. Il fallait que durant ce temps il ne vît point d’hommes ; autrement le cours des neuf ans eût recommencé. Au bout de ce terme il retournait vers le même étang, le traversait à la nage et rentrait chez lui, où il ne se trouvait pas plus âgé que le jour de sa transmutation en loup : le temps qu’il avait passé sous cette forme ne faisant pas compte dans le nombre des années de sa vie[100].

Antamtapp, enfer des Indiens, plein de chiens enragés et d’insectes féroces. On y est couché sur des branches d’épines et continuellement caressé par des corbeaux à bec de fer. Les Brahmes disent que les supplices de cet enfer sont éternels.

Antéchrist. Par Antéchrist on entend ordinairement un tyran impie et cruel, ennemi de Jésus-Christ. Il doit régner sur la terre lorsque le monde approchera de sa fin. Les persécutions qu’il exercera contre les élus seront la dernière et la plus terrible épreuve qu’ils auront à subir ; et même Notre-Seigneur a déclaré que les élus y succomberaient, si le temps n’en était abrégé en leur faveur ; car il se donnera pour le Messie et fera des prodiges capables d’induire en erreur les élus mêmes.

Leloyer rapporte cette opinion populaire, que les démons souterrains ne gardent que pour lui les trésors cachés, au moyen desquels il pourra séduire les peuples ; et sa persécution sera d’autant plus redoutable, qu’il ne manquera d’aucun moyen de séduire, et agira beaucoup plus par la corruption que par la violence brutale. C’est à cause des miracles qu’il doit faire que plusieurs l’appellent le singe de Dieu.

Le mot de passe des sectateurs de l’Antéchrist sera, dit Boguet : Je renie le baptême.

Ce qui est assez grotesque, assurément, c’est que les protestants, ces précurseurs de l’Antéchrist, donnent le nom d’Antéchrist au pape, comme les larrons qui crient au voleur pour détourner d’eux les recherches[101]. Voy. Abdeel.

On a raillé l’abbé Fiard, qui regardait Voltaire et les encyclopédistes comme des précurseurs de l’Antéchrist. Il est très-possible que les railleurs aient tort.

Antesser, démon. Voy. Blokula.

Anthropomancie, divination par l’inspection des entrailles d’hommes ou de femmes éventrés. Cet horrible usage était très-ancien. Hérodote dit que Ménélas, retenu en Égypte par les vents contraires, sacrifia à sa barbare curiosité deux enfants du pays, et chercha à savoir ses destinées dans leurs entrailles. Héliogabale pratiquait cette divination. Julien l’Apostat, dans ses opérations magiques et dans ses sacrifices nocturnes, faisait tuer, dit-on, un grand nombre d’enfants pour consulter leurs entrailles. Dans sa dernière expédition, étant à Carra, en Mésopotamie, il s’enferma dans le temple de la Lune ; et, après avoir fait ce qu’il voulut avec les complices de son impiété, il scella les portes, et y posa une garde qui ne devait être levée qu’à son retour. Il fut tué dans la bataille qu’il livra aux Perses, et ceux qui entrèrent dans le temple de Carra sous le règne de Jovien, son successeur, y trouvèrent une femme pendue par les cheveux, les mains étendues, le ventre ouvert et le foie arraché.

Anthropophages. Le livre attribué à Énoch dit que les géants nés du commerce des anges avec les filles des hommes furent les premiers anthropophages. Marc-Paul rapporte que de son temps, dans la Tartarie, les magiciens avaient le droit de manger la chair des criminels ; les sorciers ont été souvent convaincus d’anthropophagie, notamment les loups-garous, et des écrivains ont relevé ce fait notable qu’il n’y a que les chrétiens qui n’aient pas été anthropophages.

Antide. Une vieille tradition populaire rapporte que saint Antide, évêque de Besançon, vit un jour dans la campagne un démon fort maigre et fort laid, qui se vantait d’avoir porté le trouble dans l’Église de Rome. Le saint appela le démon, le fit mettre à quatre pattes, lui sauta sur le dos, se fit par lui transporter à Rome, répara le dégât dont l’ange déchu se montrait si fier, et s’en revint en son diocèse par la même voiture.

Antiochus, moine de Séba, qui vivait au commencement du septième siècle. Dans ses 190 homélies, intitulées Pandectes des divines Écritures, la 84e, De insomniis, roule sur les visions et les songes[102].

Antipathie. Les astrologues prétendent que ce sentiment d’opposition qu’on ressent pour une personne ou pour une chose est produit par les astres. Ainsi deux personnes nées sous le même aspect auront un désir mutuel de se rapprocher, et s’aimeront sans savoir pourquoi ; de même que d’autres se haïront sans motif, parce qu’elles seront nées sous des conjonctions opposées. Mais comment expliqueront-ils les antipathies que les grands hommes ont eues pour les choses les plus communes ? On en cite un grand nombre auxquelles on ne peut rien comprendre. La Mothe-le-Vayer ne pouvait souffrir le son d’aucun instrument, et goûtait le plus vif plaisir au bruit du tonnerre. César n’entendait pas le chant du coq sans frissonner. Le chancelier Bacon tombait en défaillance toutes les fois qu’il y avait une éclipse de lune. Marie de Médicis ne pouvait supporter la vue d’une rose, pas même en peinture, et elle aimait toutes les autres fleurs. Le cardinal Henri de Cardonne éprouvait la même aversion, et tombait en syncope lorsqu’il sentait l’odeur des roses. Le maréchal d’Albret se trouvait mal dans un repas où l’on servait un marcassin ou un cochon de lait. Henri III ne pouvait rester seul dans une chambre où il y avait un chat. Le maréchal de Schomberg avait la même faiblesse. Ladislas, roi de Pologne, se troublait et prenait la fuite quand il voyait des pommes. Scaliger frémissait à l’aspect du cresson. Érasme ne pouvait sentir le poisson sans avoir la fièvre. Tycho-Brahé défaillait à la rencontre d’un lièvre ou d’un renard. Le duc d’Épernon s’évanouissait à la vue d’un levraut. Cardan ne pouvait souffrir les œufs ; le poète Arioste, les bains ; le fils de Crassus, le pain ; Jules César Scaliger, le son de la vielle.

On trouve souvent la cause de ces antipathies dans les premières sensations de l’enfance. Une dame qui aimait beaucoup les tableaux et les gravures s’évanouissait lorsqu’elle en trouvait dans un livre ; elle en dit la raison : étant encore petite, son père l’aperçut un jour qui feuilletait les volumes de sa bibliothèque pour y chercher des images ; il les lui retira brusquement des mains, et lui dit d’un ton terrible qu’il y avait dans ces livres des diables qui l’étrangleraient si elle osait y toucher… Ces menaces absurdes, ordinaires à certains parents, occasionnent toujours de funestes effets qu’on ne peut souvent plus détruire.

Pline assure qu’il y a une telle antipathie entre le loup et le cheval, que si le cheval passe où le loup a passé, il sent aux jambes un engourdissement qui l’empêche de marcher. Un cheval sent le tigre en Amérique, et refuse obstinément de traverser une forêt où son odorat lui annonce la présence de l’ennemi. Les chiens sentent aussi très-bien les loups, avec lesquels ils ne sympathisent pas ; et peut-être serions-nous sages de suivre jusqu’à un certain point, avec les gens que nous voyons la première fois, l’impression sympathique ou antipathique qu’ils nous font éprouver, car l’instinct existe aussi chez les hommes mêmes, qui le surmontent plus ou moins à propos par la raison.

Antipodes. L’existence des antipodes était regardée naturellement comme un conte, dans le temps où l’on croyait que la terre était plate. Mais il n’est pas vrai, comme on l’a perfidement écrit, que le prêtre Virgile fut excommunié par le pape Zacharie pour avoir soutenu qu’il y avait des antipodes. Ce Virgile au contraire, à cause de sa science, fut comblé d’honneurs par le saint-siége et nommé à l’évêché de Salzbourg. D’ailleurs le pape Zacharie savait probablement qu’il y a des antipodes, puisque avant lui Origène, le pape saint Clément et d’autres en avaient parlé. Saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Athanase et la plupart des Pères n’ignoraient pas la forme sphérique de la terre. On en a le témoignage dans le livre de la Création du monde, écrit par Jean Philoponos au septième siècle.

La plupart des hommes à qui l’éducation n’a pas étendu les bornes de l’esprit croient encore que la terre n’est qu’un grand plateau, et il serait difficile de leur persuader qu’on trouve au-dessous de nous des humains qui ont la tête en bas, et les pieds justement opposés aux nôtres[103].

Les anciens mythologues citent, dans un autre sens, sous le nom d’Antipodes, des peuples fabuleux de la Libye, à qui on attribuait huit doigts aux pieds, et les pieds tournés en arrière. On ajoute qu’avec cela ils couraient comme le vent.

Antithées. Les païens donnaient ce nom à des esprits grossiers, démons du dernier ordre, qui venaient souvent à la place des dieux évoqués par les magiciens et leur jouaient de vilains tours.

Antoine. Saint Antoine est célèbre par les tentations qu’il eut à subir de la part du diable. Ceux qui ont mis leur esprit à la torture pour donner à ces faits un côté plaisant n’ont pas toujours eu autant d’esprit qu’ils ont voulu en montrer. Ils n’égalent certainement pas le bon légendaire, qui conte qu’Antoine, ayant dompté Satan, le contraignit à demeurer auprès de lui sous sa forme la plus convenable, qui était celle d’un cochon. Voy. Ardents.

Apantomancie, divination tirée des objets qui se présentent à l’improviste. Tels sont les présages que donne la rencontre d’un lièvre ou d’un aigle, etc.

Aparctiens, peuples fabuleux que d’anciens conteurs ont placés dans le Septentrion. Ils étaient transparents comme du cristal, et avaient les pieds étroits et tranchants comme des patins, ce qui les aidait merveilleusement à glisser sur leurs lacs gelés. Leur longue barbe ne leur pendait pas au menton, mais au bout du nez. Ils n’avaient point de langue, mais deux solides râteliers de dents, qu’ils frappaient musicalement l’un contre l’autre pour s’exprimer. Ils ne sortaient que la nuit, et se reproduisaient par le moyen de la sueur, qui se congelait et formait un petit. Leur dieu était un ours blanc[104].

Apis, ou mieux Hapi. C’est le bœuf que les Égyptiens adoraient. Il devait être noir et avoir une tache blanche carrée sur le front. Dès qu’il avait trôné vingt-cinq ans dans ses deux étables, qui étaient deux temples, on le noyait, et on lui cherchait un remplaçant. On croit que ce bœuf représentait Osiris.

Apocalypse. Dans cette clôture redoutable du saint livre qui commence par la Genèse, l’esprit de l’homme s’est souvent égaré. La manie de vouloir tout expliquer, quand nous sommes entourés de tant de mystères que nous ne pouvons comprendre ici-bas, a fourvoyé bien des esprits. Après avoir trouvé la bête à sept têtes et l’Antechrist dans divers personnages, on est aussi peu avancé que le premier jour. Newton a échoué, comme les autres, dans l’interprétation de l’Apocalypse. Ceux qui l’ont lue comme un poëme hermétique ont leur excuse dans leur folie. Pour nous, attendons que Dieu lève les voiles.

Il y a eu plusieurs Apocalypses supposées, de saint Pierre, de saint Paul, de saint Thomas, de saint Étienne, d’Esdras, de Moïse, d’Élie, d’Abraham, de Marie, femme de Noé, d’Adam même. Porphyre a cité encore une Apocalypse de Zoroastre.

Apollinaire, plante ainsi nommée chez les païens parce qu’elle était consacrée à Apollon. Les chrétiens lui ont conservé ce nom à cause du grand saint qui l’a porté.

Apollonie de Leuttershausen. Cette femme vivait au temps où s’établit la réforme. Elle habitait avec son mari, Hans Geisselbrecht, le margraviat de Brandebourg. Son histoire a été publiée par Sixte Agricola et Georges Witmer (Ingolstadt, 1584). Gorres l’a résumée dans le quatrième volume de sa Mystique. Nous l’empruntons à ce grand ouvrage. — Hans Geisselbrecht était un chenapan qui passait sa vie à boire, à jurer et à maltraiter sa femme. Un matin, les voisines reprochèrent à la pauvre Apollonie le vacarme qui s’était fait toute la nuit chez elle. Furieuse de subir des reproches après tout ce qu’elle endurait de son mari, elle s’écria : — Si le bon Dieu ne veut pas me délivrer de cet homme violent, eh bien, que le diable vienne à mon aide. — Le soir, lorsque le bétail fut rentré, elle s’en alla traire ses vaches. Alors elle vit voler autour de sa tête deux oiseaux qui semblaient des corbeaux, quoique à cette époque il n’y en eût plus dans le pays. Puis un homme de haute taille parut à ses côtés et lui dit : — Ah ! ma pauvre femme, j’ai bien pitié de vous et de votre triste sort, avec un affreux mari qui dévorera tout ce que vous possédez. Si vous voulez être à moi, je vais vous conduire à l’instant en un lieu charmant où vous pourrez boire, manger, chanter, danser à votre aise, et mener une vie comme vous n’en avez jamais mené jusqu’ici, car le ciel n’est pas tel que vous le représentent vos prêtres ; je vous ferai voir bien autre chose. — Apollonie, sans plus réfléchir, donna sa main à l’inconnu en disant qu’elle voulait bien être à lui. Aussitôt elle fut possédée. Les voisins, un instant après, accoururent à ses cris, car elle venait de se jeter dans un égout situé près de son étable, et elle pouvait s’y noyer. Comme on la remportait dans sa maison, elle s’écriait : — Laissez-moi ! ne voyez-vous pas la vie délicieuse que je mène ; je ne fais que boire, manger, chanter et danser[105]… Il paraît que les exorcismes la guérirent, et nous n’avons pas la suite de son histoire.

Apollonius de Tyane, philosophe pythagoricien, né à Tyane en Cappadoce, peu de temps après Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’était un de ces aventuriers qui s’occupaient de théurgie, et qui cherchaient auprès des magiciens et des jongleurs, si nombreux chez les païens, ces secrets mystérieux au moyen desquels ils étonnaient la foule. Il était oublié lorsque l’impératrice Julie, femme de Septime Sévère, princesse de mœurs dissolues, et par conséquent ennemie de l’Évangile, pria Philostrate, autre ennemi des chrétiens, de faire d’Apollonius un héros que l’on pût opposer au Christ. Avec des matériaux recueillis plus d’un siècle après la mort de cet homme, dont on ne se souvenait plus, il composa un récit que Lactance compare à l’Âne d’or d’Apulée. Apollonius de Tyane était un magicien comme Faust, et, comme lui, on l’a entouré de merveilles souvent imaginaires. Sa vie, qui n’est ainsi qu’un roman, a été traduite en français par Vigenère, un volume in-4o[106].

Eusèbe ne parle d’Apollonius de Tyane que comme d’un escamoteur. Leloyer dit que ce fut Simon le magicien qui lui enseigna la magie noire, et Ammien Marcellin le met au nombre des hommes qui ont été assistés d’un démon familier, comme Socrate, Numa et une foule d’autres. On sait peu de choses sur la fin d’Apollonius. Hiéroclès, qui, d’après les récits de Philostrate, voulait faire sa cour à Domitien en vantant ce faiseur de tours de passe-passe, eut le front de dire qu’il avait été enlevé au ciel, tandis que de plus avisés ont écrit qu’il avait été emporté par le diable dans un âge avancé.

Et il n’est pas le seul qui ait eu cette chance, quoique le vulgaire des philosophes n’y voie que du feu. On a dit aussi que, si Aurélien, qui venait de prendre Tyane en Cappadoce, et qui avait juré de la détruire, l’épargna cependant, c’est que le spectre d’Apollonius lui avait apparu et avait intercédé pour sa ville. — Le croira qui voudra.

Il y a eu des gens qui ont trouvé Apollonius vivant au douzième siècle. Voy. Artephius.

Apomazar. Des significations et événements des songes, selon la doctrine des Indiens, Perses et Égyptiens, par Apomazar. Vol. in-8o ; Paris, 1580. Fatras oublié, mais rare.

Apone. Voy. Pierre d’Apone.

A
pparitions. On ne peut pas très-bien préciser ce que c’est qu’une apparition. Dom Calmet dit que si l’on voit quelqu’un en songe, c’est une apparition. « Souvent, ajoute-t-il, il n’y a que l’imagination de frappée ; ce n’en est pas moins quelquefois un fait surnaturel quand il a des relations. »

Dans la rigueur du terme, une apparition est la présence subite d’une personne ou d’un objet contre les lois de la nature : par exemple, l’apparition d’un mort, d’un ange, d’un démon, etc.

Ceux qui nient absolument les apparitions sont téméraires. Spinoza, malgré son matérialisme, reconnaissait qu’il ne pouvait nier les apparitions ni les miracles.

On ne raisonne pas mieux lorsqu’on dit qu’une chose qui est arrivée autrefois devrait arriver encore. Il y a bien des choses qui ont eu lieu jadis et qui ne se renouvellent pas, dans le système même des matérialistes, comme il y a bien des choses qui ont lieu aujourd’hui et que jadis on n’a pas soupçonnées.

Nous devons admettre et croire les apparitions rapportées dans les saintes Écritures. Nous ne sommes pas tenus à la même foi dans les simples histoires ; et il y a des apparitions qui, réelles ou intellectuelles, sont fort surprenantes. On lit dans la vie de saint Macaire qu’un homme ayant reçu un dépôt le cacha sans en rien dire à sa femme et mourut subitement. On fut très-embarrassé quand le maître du dépôt vint le réclamer. Saint Macaire pria, dit la légende, et le défunt apparut à sa femme, à qui il déclara que l’argent redemandé était enterré au pied de son lit, ce qui fut trouvé vrai. Ces sortes d’apparitions ne peuvent pas être repoussées, parce qu’elles ont devant Dieu un motif raisonnable. Mais Dieu ne permet jamais les apparitions ridicules, qui ne sont généralement que de mauvaises farces. Ce sont les apparitions des morts chez les anciens qui ont donné naissance à la nécromancie. Voy. Nécromancie.

 
Apparitions
Apparitions
 

Nous ne songerons à nous occuper ici que des apparitions illusoires ou douteuses, et le nombre en est immense. Nous suivrons un moment les écrivains qui ne doutent de rien, et qui, dans leurs excès mêmes, sont encore moins stupides et moins à quatre pattes que ceux qui doutent de tout. Quelquefois, disent-ils, les apparitions ne sont que vocales : c’est une voix qui appelle. Mais dans les bonnes apparitions l’esprit se montre. — Quand les esprits se font voir à un homme seul, ajoutent les cabalistes, ils ne présagent rien de bon ; quand ils apparaissent à deux personnes à la fois, rien de mauvais ; ils ne se montrent guère à trois personnes ensemble.

Il y a des apparitions imaginaires causées par les remords ; des meurtriers se sont crus harcelés ou poursuivis par leurs victimes. Une femme, en 1726, accusée à Londres, d’être complice du meurtre de son mari, niait le fait ; on lui présente l’habit du mort, qu’on secoue devant elle ; son imagination épouvantée lui fait voir son mari même ; elle se jette à ses pieds et déclare qu’elle voit son mari. Mais on trouvera des choses plus inexplicables.

Les apparitions du diable, qui a si peu besoin de se montrer pour nous séduire, faibles que nous sommes, ont donné lieu à une multitude de récits merveilleux. Des sorciers brûlés à Paris ont dit en justice que, quand le diable veut se faire un corps aérien pour se montrer aux hommes, « il faut que le vent soit favorable et que la lune soit pleine ». Et lorsqu’il apparaît, c’est toujours avec quelque défaut nécessaire, ou trop noir, ou trop pâle, ou trop rouge, ou trop grand, ou trop petit, ou le pied fourchu, ou les mains en griffes, ou la queue au derrière et les cornes en tête, etc., à moins qu’il ne prenne une forme bizarre. Il parlait à Simon le Magicien, et à d’autres, sous la figure d’un chien ; à Pythagore, sous celle d’un fleuve ; à Apollonius, sous celle d’un orme, etc.

Excepté les démons de midi, les démons et les spectres apparaissent la nuit plutôt que le jour, et la nuit du vendredi au samedi de préférence à toute autre, comme le déclare Jean Bodin, d’après un grand nombre de témoignages.

Les apparitions des esprits, dit Jamblique, sont analogues à leur essence. L’aspect des habitants des cieux est consolant, celui des archanges terrible, celui des anges moins sévère, celui des démons épouvantable. Il est assez difficile, ajoute-t-il, de se reconnaître dans les apparitions des spectres, car il y en a de mille sortes. — Delancre donne pourtant les moyens de ne point s’y tromper. « On peut distinguer les âmes des démons, dit-il. Ordinairement les âmes apparaissent en hommes portant barbe, en vieillards, en enfants ou en femmes, bien que ce soit en habit et en contenance funeste. Or les démons peuvent se montrer ainsi. Mais, ou c’est l’âme d’une personne bienheureuse, ou c’est l’âme d’un damné. Si c’est l’âme d’un bienheureux, et qu’elle revienne souvent, il faut tenir pour certain que c’est un démon, qui, ayant manqué son coup de surprise, revient plusieurs fois pour le tenter encore. Car une âme ne revient plus quand elle est satisfaite, si ce n’est par aventure une seule fois pour dire merci. — Si c’est une âme qui se dise l’âme d’un damné, il faut croire encore que c’est un démon, vu qu’à grand’peine laisse-t-on jamais sortir l’âme des damnés. » Voilà les moyens de se reconnaître que Pierre Delancre donne comme aisés[107].

Il dit un peu plus loin que le spectre qui apparaît sous une peau de chien ou sous toute autre forme laide est un démon ; mais le diable est si malin, qu’il vient aussi sous des traits qui le font prendre pour un ange. Il faut donc se défier. — Voyez pour les anecdotes : Visions, Spectres, Fantômes, Hallucinations, Esprits, Lutins, Vampires, Revenants, Songes, Armées prodigieuses, etc.

Voici, sur les apparitions, un petit fait qui a eu lieu à la Rochelle, et que les journaux rapportaient en avril 1843 : « Depuis quelque temps, la population se préoccupait des revenants qui apparaissaient tous les soirs sous la forme de flammes phosphorescentes, bleuâtres et mystérieuses. Ces revenants ont été pris au trébuchet : c’étaient cinq gros réjouis de paysans des environs qui, grimpés tous les soirs sur des arbres très-élevés, lançaient des boulettes phosphoriques avec un fil imperceptible. Pendant la nuit, ils donnaient le mouvement et la direction qu’ils voulaient à leurs globes de feu, et quand les curieux couraient après une flamme, elle devenait aussitôt invisible ; mais à l’instant il en surgissait une autre sur un point opposé pour détourner l’attention. Ce jeu s’effectuait ainsi pendant quelques instants successivement, et puis simultanément, de manière à produire plusieurs flammes à la fois. — Cette jonglerie trompa bien des incrédules effrayés ; mais enfin il se trouva un esprit rassis. Caché derrière une haie, il observa attentivement la mise en scène et devina le secret de la comédie. Suffisamment édifié, il alla quérir la gendarmerie, et les cinq mystificateurs furent arrêtés au moment où ils donnaient une nouvelle représentation. Quel était leur but ? On l’ignore. Le plus curieux de l’histoire, c’est qu’une commission scientifique avait déjà préparé un rapport sur l’étonnant phénomène météorologique de ces mauvais plaisants. »

Mais il ne faut pas s’appuyer sur des farces de ce genre pour nier les apparitions. IL y en a d’incontestables, comme on le verra en divers articles de ce livre.

Apsaras. Les apsaras sont les fées de la mythologie indienne.

 
Apsara
Apsara
 

Apulée. Philosophe platonicien, né en Afrique, connu par le livre de l’Âne d’or. Il vécut au deuxième siècle, sous les Antonins. On lui attribue plusieurs prodiges auxquels sans doute il n’a jamais songé. Il dépensa tout son bien en voyages, et mit tous ses soins à se faire initier dans les mystères des diverses religions païennes ; après quoi il s’aperçut qu’il était ruiné. Comme il était bien fait, instruit et spirituel, il captiva l’affection d’une riche veuve de Carthage, nommée Pudentilla, qu’il parvint à épouser. Il était encore jeune, et sa femme avait cinquante ans. Cette disproportion d’âge et la pauvreté connue d’Apulée firent soupçonner qu’il avait employé, pour parvenir à ce riche mariage, la magie et les philtres. On disait même qu’il avait composé ces philtres avec des filets de poissons, des huîtres et des pattes d’écrevisses. Les parents de la femme, à qui ce mariage ne convenait pas, l’accusèrent de sortilège ; il parut devant ses juges, et quoique les préjugés sur la magie fussent alors en très-grand crédit, Apulée plaida si bien sa cause qu’il la gagna pleinement.

Boguet et d’autres démonographes disent qu’Apulée fut métamorphosé en âne, comme quelques autres pèlerins, par le moyen des sorcières de Larisse, qu’il était allé voir pour essayer si la chose était possible et faisable[108]. La femme qui lui démontra que la chose était possible en le changeant en âne le vendit, puis le racheta. Par la suite, il devint si grand magicien qu’il se métamorphosait lui-même au besoin en cheval, en âne, en oiseau. Il se perçait le corps d’un coup d’épée sans se blesser. Il se rendait invisible, étant très-bien servi par son démon familier. C’est même pour couvrir son asinisme, dit encore Delancre, qu’il a composé son livre de l’Âne d’or.

Taillepied prétend que tout cela est une confusion, et que s’il y a un âne mêlé dans l’histoire d’Apulée, c’est qu’il avait un esprit familier qui lui apparaissait sous la forme d’un âne[109]. Les véritables ânes sont peut-être ici Delancre et Boguet. Ceux qui veulent jeter du merveilleux sur toutes les actions d’Apulée affirment que, par un effet de ses charmes, sa femme était obligée de lui tenir la chandelle pendant qu’il travaillait ; d’autres disent que cet office était rempli par son démon familier. Quoi qu’il en soit, il y avait de la complaisance dans cette femme ou dans ce démon.

Outre son livre de l’Âne d’or, on a encore d’Apulée un petit traité du démon de Socrate, De deo Socratis, réfuté par saint Augustin ; il a été traduit sous ce titre : De l’esprit familier de Socrate, avec des remarques, in-12. Paris, 1698.

Aquelare, ou le Bosquet du Bouc. C’est ainsi qu’on appelait dans le pays Basque un plateau où se faisait le sabbat.

Aquiel, démon que l’on conjure le dimanche. Voy. Conjurations.

Aquin (Mardochée d’), rabbin de Carpentras, mort en 1650, qui se fit chrétien, et changea au baptême son nom de Mardochée en celui de Philippe. On recherche de lui l’Interprétation de l’arbre de la cabale des Hébreux ; Paris, in-8o, sans date.

Arachula, méchant esprit de l’air et grand ennemi de la lune, chez les Chinois voisins de la Sibérie. Voy. Lune.

Arael, l’un des esprits que les rabbins du Talmud font, avec Anpiel, princes et gouverneurs du peuple des oiseaux.

Araignées. Les anciens regardaient comme un présage funeste les toiles d’araignée qui s’attachaient aux étendards et aux statues des dieux. Chez nous, une araignée qui court ou qui file promet de l’argent ; les uns prétendent que c’est de l’argent le matin, et le soir une nouvelle ; d’autres, au contraire, vous citeront ce proverbe axiome : Araignée du matin, petit chagrin ; araignée de midi, petit profit ; araignée du soir, petit espoir. « Mais, comme dit M. Salgues[110], si les araignées étaient le signe de la richesse, personne ne serait plus riche que les pauvres. »

Quelques personnes croient aussi qu’une araignée est toujours l’avant-coureur d’une nouvelle heureuse, si on a le bonheur de l’écraser. M. de T***, qui avait cette opinion, donna, en 1790, au théâtre de Saint-Pétersbourg, une tragédie intitulée Abaco et Moïna. La nuit qui en précéda la représentation, au moment de se coucher, il aperçut une araignée à côté de son lit. La vue de l’insecte lui fit plaisir ; il se hâta d’assurer la bonté du présage en l’écrasant ; il avait saisi sa pantoufle, mais l’émotion qu’il éprouvait fit manquer le coup, l’araignée disparut. Il passa deux heures à la chercher en vain ; fatigué de ses efforts inutiles, il se jeta sur son lit avec désespoir : « Le bonheur était là, s’écria-t-il, et je l’ai perdu ! Ah ! ma pauvre tragédie ! » Le lendemain il fut tenté de retirer sa pièce, mais un de ses amis l’en empêcha ; la pièce alla aux nues, et l’auteur n’en demeura pas moins persuadé qu’une araignée porte bonheur lorsqu’on l’écrase[111].

Dans le bon temps de la loterie, des femmes enfermaient le soir une araignée dans une boîte avec les quatre-vingt-dix numéros écrits sur de petits carrés de papier. L’araignée, en manœuvrant la nuit, retournait quelques-uns de ces papiers. Ceux qui étaient retournés de la sorte étaient regardés le lendemain matin comme numéros gagnants…

Cependant les toiles d’araignée sont utiles : appliquées sur une blessure, elles arrêtent le sang et empêchent que la plaie ne s’enflamme. Mais il ne faut peut-être pas croire, avec l’auteur des Admirables secrets d’Albert le Grand, que l’araignée pilée et mise en cataplasme sur les tempes guérisse la fièvre tierce.

Avant que Lalande eût fait voir qu’on pouvait manger des araignées, on les regardait généralement comme un poison. Un religieux du Mans disant la messe, une araignée tomba dans le calice après la consécration. Le moine, sans hésiter, avala l’insecte. On s’attendait à le voir enfler ; ce qui n’eut pas lieu.

Il y a de vilaines histoires sur le compte des araignées. N’oublions pourtant pas que, dans son cachot, Pellisson en avaitapprivoisé une que Delille a célébrée. Mais la tarentule est aussi une araignée. Le maréchal de Saxe, traversant un village, coucha dans une auberge infestée, disait-on, de revenants qui étouffaient les voyageurs. On citait des exemples. Il ordonna à son domestique de veiller la moitié de la nuit, promettant de lui céder ensuite son lit et de faire alors sentinelle à sa place. À deux heures du matin, rien n’avait encore paru. Le domestique, sentant ses yeux s’appesantir, va éveiller son maître, qui ne répond point ; il le croit assoupi et le secoue inutilement. Effrayé, il prend la lumière, ouvre les draps, et voit le maréchal baigné dans son sang. Une araignée monstrueuse lui suçait le sein gauche. Il court prendre des pincettes pour combattre cet ennemi d’un nouveau genre, saisit l’araignée et la jette au feu. Ce ne fut qu’après un long assoupissement que le maréchal reprit ses sens ; et depuis lors on n’entendit plus parler de revenant dans l’auberge. — Nous ne garantissons pourtant pas cette anecdote ; mais elle est conservée dans plusieurs recueils.

Au reste l’araignée a de quoi se consoler de notre horreur et de nos mépris. Les nègres de la côte d’Or attribuent la création de l’homme à une grosse araignée qu’ils nomment Anansiè, et ils révèrent les plus belles araignées comme des divinités puissantes.

Arbres. On sait que dans l’antiquité les arbres étaient consacrés aux dieux : le cyprès à Pluton, etc. Plusieurs arbres et plantes sont encore dévoués aux esprits de l’enfer : le poirier sauvage, l’églantier, le figuier, la verveine, la fougère, etc.

Des arbres ont parlé. Chez les anciens, dans les forêts sacrées, on a entendu des arbres gémir. Les oracles de Dodone étaient des chênes qui parlaient. Voy. Dodone.

On entendit, dans une forêt d’Angleterre, un arbre qui poussait des gémissements ; on le disait enchanté. Le propriétaire du terrain tira beaucoup d’argent de tous les curieux qui venaient voir une chose aussi merveilleuse. À la fin, quelqu’un proposa de couper l’arbre ; le maître du terrain s’y opposa, non par un motif d’intérêt’propre, disait-il, mais de peur que celui qui oserait y mettre la cognée n’en mourût subitement ; on trouva un homme qui n’avait pas peur de la mort subite, et qui abattit l’arbre à coups de hache. Alors on découvrit un tuyau qui formait une communication à plusieurs toises sous terre, et par le moyen duquel on produisait les gémissements que l’on avait remarqués.

Arc-en-ciel. Le chapitre IX de la Genèse semble dire, selon des commentateurs, qu’il n’y eut point d’arc-en-ciel avant le déluge ; mais je ne sais[112] où l’on a vu « qu’il n’y en aura plus quarante ans avant la fin du monde, « parce que la sécheresse qui précédera l’embrasement de l’univers consumera la matière de ce météore ». C’est pourtant une opinion encore répandue chez ceux qui s’occupent de la fin du monde.

L’arc-en-ciel a son principe dans la nature ; et croire qu’il n’y eut point d’arc-en-ciel avant le déluge, parce que Dieu en fit le signe de son alliance, c’est comme si l’on disait qu’il n’y avait point d’eau avant l’institution du baptême. Et puis, Dieu ne dit point, au chapitre IX de la Genèse, qu’il plaça son arc en ciel, mais son arc en signe d’alliance ; et comment attribuera-t-on à l’arc-en-ciel ce passage d’Isaïe : J’ai mis mon arc et ma flèche dans les nues !

Chez les Scandinaves, l’arc-en-ciel est un pont qui va de l’enfer au walhalla. Les enfants croient en Alsace que toutes les fois qu’il y a dans le firmament un arc-en-ciel il tombe du ciel un petit plat d’or qui ne peut être trouvé que par un enfant né le dimanche.

Ardents (mal des), appelé aussi feu infernal. C’était au onzième et au douzième siècle une maladie non expliquée, qui se manifestait comme un feu intérieur et dévorait ceux qui en étaient frappés. Les personnes qui voyaient là un effet de la colère céleste l’appelaient feu sacré ; d’autres le nommaient feu infernal ; ceux qui l’attribuaient à l’influence des astres le nommaient sidération. Les reliques de saint Antoine, que le comte Josselin apporta de la terre sainte à la Mothe-Saint-Didier, ayant guéri plusieurs infortunés atteints de ce mal, on le nomme encore feu de saint Antoine.

Le mal des Ardents, lorsqu’il tomba sur Paris et sur Arras, au douzième siècle, était une affreuse maladie épidémique, une sorte de lèpre brûlante, plus terrible que le choléra. On en dut à Paris la guérison à sainte Geneviève. Le même bienfait est célèbre à Arras, où quelques gouttes d’un cierge miraculeux, apporté par la sainte Vierge[113], distillées dans l’eau, enlevaient le mal des Ardents.

On fêtait à Paris sainte Geneviève des Ardents, en souvenir des cures merveilleuses opérées alors par la châsse de la sainte sur les infortunés atteints de ce mal.

Ardents, exhalaisons enflammées qui paraissent sur les bords des lacs et des marais, ordinairement en automne, et qu’on prend pour des esprits follets, parce qu’elles sont à fleur de terre et qu’on les voit quelquefois changer de place. Souvent on en est ébloui et on se perd. Leloyer dit que lorsqu’on ne peut s’empêcher de suivre les ardents, ce sont bien en vérité des démons[114].

Il y eut, sous le règne de Louis XIII, une histoire de revenant qui lit assez de bruit à Marseille ; c’était une espèce de feu ardent ou d’homme de feu. Le comte et la comtesse d’Alais voyaient toutes les nuits un spectre enflammé se promener dans leur chambre, et aucune force humaine ne pouvait le forcer à se retirer. La jeune dame supplia son mari de quitter une maison et une ville où ils ne pouvaient plus dormir. Le comte, qui se plaisait à Marseille, voulut employer d’abord tous les moyens pour l’expulsion du fantôme. Gassendi fut consulté ; il conclut que ce fantôme de feu qui se promenait toutes les nuits était formé par des vapeurs enflammées que produisait le souffle du comte et de la comtesse… D’autres savants donnèrent des réponses aussi satisfaisantes. On découvrit enfin le secret. Une femme de chambre, cachée sous le lit, faisait paraître un phosphore à qui la peur donnait une taille et des formes effrayantes ; et la comtesse elle-même faisait jouer cette farce pour obliger son mari à partir de Marseille, qu’elle n’aimait pas…

Ardibèhecht, l’un des sept Amschaspands. Il préside au feu.

Argens (Boyer d’), marquis, né en 1704, à Aix en Provence. On trouve, parmi beaucoup de fatras, des choses curieuses sur les gnomes, les sylphes, les ondins et les salamandres, dans ses « Lettres cabalistiques, ou Correspondance philosophique, historique et critique entre deux cabalistes, divers esprits élémentaires et le seigneur Astaroth ». La meilleure édition est de 1769, 7 vol. in-12. Ce livre, d’un très-mauvais esprit, est infecté d’un philosophisme que l’auteur a désavoué ensuite.

Argent. L’argent qui vient du diable est ordinairement de mauvais aloi. Delrio conte qu’un homme ayant reçu du démon une bourse pleine d’or n’y trouva le lendemain que des charbons et du fumier.

Un inconnu, passant par un village, rencontra un jeune homme de quinze ans d’une figure intéressante et d’un extérieur fort simple. Il lui demanda s’il voulait être riche ; le jeune homme ayant répondu qu’il le désirait, l’inconnu lui donna un papier plié, et lui dit qu’il en pourrait faire sortir autant d’or qu’ils le souhaiterait, tant qu’il ne le déplierait pas, et que s’il domptait sa curiosité, il connaîtrait avant peu son bienfaiteur. Le jeune homme rentra chez lui, secoua son trésor mystérieux, il en tomba quelques pièces d’or… Mais, n’ayant pu résister à la tentation de l’ouvrir, il y vit des griffes de chat, des ongles d’ours, des pattes de crapaud, et d’autres figures si horribles, qu’il jeta le papier au feu, où il fut une demi-heure sans pouvoir se consumer. Les pièces d’or qu’il en avait tirées disparurent, et il reconnut qu’il avait eu affaire au diable.

Un avare, devenu riche à force d’usure, se sentant à l’article de la mort, pria sa femme de lui apporter sa bourse, afin qu’il pût la voir encore avant de mourir. Quand il la tînt, il la serra tendrement, et ordonna qu’on l’enterrât avec lui, parce qu’il trouvait l’idée de s’en séparer déchirante. On ne lui promit rien précisément, et il mourut en contemplant son or. Alors on lui arracha la bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans peine ; mais quelle fut la surprise de la famille assemblée, lorsqu’en ouvrant le sac on y trouva, non pas des pièces d’or, mais deux crapauds !… Le diable était venu, et en emportant l’âme de l’usurier il avait emporté son or, comme deux choses inséparables et qui n’en faisaient qu’une.

Voici autre chose : Un homme qui n’avait que vingt sous pour toute fortune se mit à vendre du vin aux passants. Pour gagner davantage, il mettait autant d’eau que de vin dans ce qu’il vendait. Au bout d’un certain temps il amassa, par cette voie injuste, la somme de cent livres. Ayant serré cet argent dans un sac de cuir, il alla avec un de ses amis faire provision de vin pour continuer son trafic ; mais, comme il était près d’une rivière, il tira du sac de cuir une pièce de vingt sous pour une petite emplette ; il tenait le sac dans la main gauche et la pièce dans la droite ; incontinent un oiseau de proie fondit sur lui et lui enleva son sac, qu’il laissa tomber dans la rivière. Le pauvre homme, dont toute la fortune se trouvait ainsi perdue, dit à son compagnon : — Dieu est équitable ; je n’avais qu’une pièce de vingt sous quand j’ai commencé à voler ; il m’a laissé mon bien, et m’a ôté ce que j’avais acquis injustement.

Un étranger bien vêtu, passant au mois de septembre 1606 dans un village de la Franche-Comté, acheta une jument d’un paysan du lieu pour la somme de dix-huit ducatons. Comme il n’en avait que douze dans sa bourse, il laissa une chaîne d’or en gage du reste, qu’il promit de payer à son retour. Le vendeur serra le tout dans du papier, et le lendemain trouva la chaîne disparue, et douze plaques de plomb au lieu des ducatons[115].

Terminons en rappelant un stupide usage de quelques villageois qui croient que, quand on fait des beignets avec des œufs, de la farine et de l’eau, pendant la messe de la Chandeleur, de manière qu’on en ait de faits après la messe, on a de l’argent pendant toute l’année[116]. On en a toute l’année aussi, quand on en porte sur soi le premier jour où l’on entend le chant du coucou, — et tout le mois, si on en a dans sa poche la première fois qu’on voit la lune nouvelle.

Argent potable. Si vous êtes versé dans les secrets de l’alchimie et que vous souhaitiez posséder cette panacée, prenez du soufre bleu céleste, mettez-le dans un vase de verre, versez dessus d’excellent esprit-de-vin, faites digérer au bain pendant vingt-quatre heures, et quand l’esprit-de-vin aura attiré le soufre par distillation, prenez une part de ce soufre, versez dessus trois fois son poids d’esprit blanc mercuriel extrait du vitriol minéral, bouchez bien le vase, faites digérer au bain vaporeux jusqu’à ce que le soufre soit réduit en liqueur ; alors versez dessus de très-bon esprit-de-vin à poids égal, digérez-les ensemble pendant quinze jours, passez le tout par l’alambic, retirez l’esprit par le bain tiède, et il restera une liqueur qui sera le vrai argent potable, ou soufre d’argent, qui ne peut plus être remis en corps. Cet élixir blanc est un’remède à peu près universel, qui fait merveilles en médecine, fond l’hydropisie et guérit’tous les maux intérieurs[117].

Argouges. Voy. Fées, à la fin.

 
Arioch
Arioch
Arioch.
 

Arignote. Lucien conte qu’à Corinthe, dans le quartier de Cranaüs, personne n’osait habiter une maison qui était visitée par un spectre. Un certain Arignote, s’étant muni de livres magiques égyptiens, s’enferma dans cette maison pour y passer la nuit, et se mit à lire tranquillement dans la cour. Le spectre parut bientôt : pour effrayer Arignote, il prit d’abord la figure d’un chien, ensuite celles d’un taureau et d’un lion. Mais, sans se troubler, Arignote prononça dans ses livres des conjurations qui obligèrent le fantôme à se retirer dans un coin de la cour, où il disparut. Le lendemain on creusa à l’endroit où le spectre s’était enfoncé ; on y trouva un squelette auquel on donna la sépulture, et rien ne parut plus dans la maison. — Cette anecdote n’est autre chose que l’aventure d’Athénodore, que Lucien avait lue dans Pline, et qu’il accommode à sa manière pour divertir ses lecteurs.

Arimane, prince des enfers chez les anciens Perses, source du mal, démon noir, engendré dans les ténèbres[118], ennemi d’Oromaze ou Or-mouzd, principe du bien. Mais celui-ci est éternel, tandis qu’Arimane est créé et doit périr un jour.

Arimaspes, peuples fabuleux de la Scythie ; ils n’avaient qu’un œil et passaient leur vie à détruire les dragons.

Arioch, démon de la vengeance, selon quelques démonographes ; différent d’Alastor, et occupé seulement des vengeances particulières de ceux qui l’emploient.

Ariolistes, devins de l’antiquité, dont le métier se nommait ariolatio, parce qu’ils devinaient par les autels (ab aris). Ils consultaient les démons sur leurs autels, dit Daugis[119] ; ils voyaient ensuite si l’autel tremblait ou s’il s’y faisait quelque merveille, et prédisaient ce que le diable leur inspirait.

Aristée, charlatan de l’île de Proconèse, qui vivait du temps de Crésus. Il disait que son âme sortait de son corps quand il voulait, et qu’elle y retournait ensuite. Les uns content qu’elle s’échappait, à la vue de sa femme et de ses enfants, sous la figure d’un cerf, Wierus dit sous la figure d’un corbeau[120]. — Hérodote

 
Aristée
Aristée
 
rapporte, dans son quatrième livre, que cet Aristée, entrant un jour dans la boutique d’un foulon, y tomba mort ; que le foulon courut avertir ses parents, qui arrivèrent pour le faire enterrer ; mais on ne trouva plus le corps. Toute la ville était en grande surprise, quand des gens qui revenaient de quelque voyage assurèrent qu’ils avaient rencontré Aristée sur le chemin de Crolone[121]. Il paraît que c’était une espèce de vampire. Hérodote ajoute qu’il reparut au bout de sept ans à Proconèse, y composa un poëme et mourut de nouveau.

Leloyer, qui regarde Aristée comme un sorcier à extases[122], cite une autorité d’après laquelle, à l’heure même où ce vampire disparut pour la seconde fois, il aurait été transporté en Sicile, et s’y serait fait maître d’école.

Il se montra encore trois cent quarante ans après dans la ville de Métaponte, et il y fit élever des monuments qu’on voyait du temps d’Hérodote. Tant de prodiges engagèrent les Siciliens à lui consacrer un temple, où ils l’honoraient comme un demi-dieu.

Aristodème, roi des Messeniens. Voy. Ophioneus et Ololygmancie.

Aristolochie, ou paille de sarasin, ou plutôt espèce de plante appelée pistoloche, avec, laquelle Apulée prétendait qu’on pouvait dénouer l’aiguillette, sans doute en l’employant à des fumigations. Voy. Ligatures.

Aristomène, général messénien, si habile et si adroit, que toutes les fois qu’il tombait au pouvoir des Athéniens, ses ennemis, il trouvait moyen de s’échapper de leurs mains. Pour lui ôter cette ressource, ils le firent mourir ; après quoi on l’ouvrit et on lui trouva le cœur tout couvert de poils[123].

Aristote, que l’Arabe Averrhoës appelle le comble de la perfection humaine. Sa philosophie a été en grande vénération, et son nom a toujours de l’éclat. Mais il ne fallait pas se quereller pour ses opinions et emprisonner dans un temps ceux qui ne les partageaient pas, pour emprisonner dans un autre temps ceux qui les avaient adoptées. Ces querelles, au reste, n’ont été élevées que par les hérétiques.

Delancre semble dire qu’Aristote savait la magie naturelle[124] ; mais il ne parle guère en homme superstitieux dans aucun de ses écrits. Quant à la vieille opinion, soutenue par Procope et quelques autres, qu’Aristote, ne pouvant comprendre la raison du flux et du reflux de l’Euripe, s’y précipita en faisant de désespoir ce mauvais calembour : — Puisque je ne puis te saisir, saisis-moi[125] ; — cette opinion est aujourd’hui un conte méprisé.

Nous ne citerons ici des ouvrages d’Aristote que ceux qui ont rapport aux matières que nous traitons : 1° De la divination par les songes ;Du sommeil et de la veille, imprimés dans ses œuvres. On peut consulter aussi les Remarques de Michel d’Éphèse sur le livre De la divination par les songes[126], et la Paraphrase de Thémistius sur divers traités d’Aristote, principalement sur ce même ouvrage[127].

Arithmancie ou Arithmomancie. Divination par les nombres. Les Grecs examinaient le nombre et la valeur des lettres dans les noms de deux combattants, et en auguraient que celui dont le nom renfermait plus de lettres et d’une plus grande valeur remporterait la victoire. C’est en vertu de cette science que quelques devins avaient prévu qu’Hector devait être vaincu par Achille.

Les Chaldéens, qui pratiquaient aussi l’arith-momancie, partageaient leur alphabet en trois parties, chacune composée de sept lettres, qu’ils attribuaient aux sept planètes, pour en tirer des présages. Les platoniciens et les pythagoriciens étaient fort adonnés à cette divination, qui comprend aussi une partie de la cabale des Juifs[128].

Arius, fameux hérétique qui niait la divinité de Jésus-Christ, Notre-Seigneur. Voici comment on raconte sa mort : — Saint Alexandre, évêque de Byzance, voyant que les sectateurs d’Arius voulaient le porter en triomphe, le lendemain dimanche, dans le temple du Seigneur, pria Dieu avec zèle d’empêcher ce scandale, de peur que si Arius entrait dans l’église, il ne semblât que l’hérésie y fût entrée avec lui. Et le lendemain dimanche, au moment où l’on s’attendait à voir Arius, l’hérétique ivrogne, sentant un certain besoin qui aurait pu lui être fort incommode dans la cérémonie de son triomphe, fut obligé d’aller aux lieux secrets, où il creva par le milieu du ventre, perdit les intestins, et mourut d’une mort infâme et malheureuse, frappé, selon quelques-uns, par le diable, qui dut en recevoir l’ordre, car Arius était de ses amis.

Armanville. Une dame d’Armanville, à Amiens, fut battue dans son lit en 1746. Sa servante attesta que le diable l’avait maltraitée. La cloche de la maison sonna seule ; on entendit balayer le grenier à minuit. Il sembla même que les démons qui prenaient cette peine avaient un tambour et faisaient ensuite des évolutions militaires. La dame, effrayée, quitta Amiens pour retourner à Paris ; c’est ce que voulait la femme de chambre. Il n’y eut plus de maléfices dès lors, et l’on a eu tort de voir là autre chose que de la malice.

Armées prodigieuses. Au siège de Jérusalem par Titus, et dans plusieurs autres circonstances, on vit dans les airs des armées ou des troupes de fantômes, phénomènes non encore expliqués, et qui jamais ne présagèrent rien de bon.

Plutarque raconte, dans la Vie de Thémistocle, que pendant la bataille de Salamine on vit en l’air des armées prodigieuses et des figures d’hommes qui, de l’île d’Égine, tendaient les mains au-devant des galères grecques. On publia que c’étaient les Eacides, qu’on avait invoqués avant la bataille.

Quelquefois aussi on a rencontré des troupes de revenants et de démons allant par bataillons et par bandes. Voy. Retz, etc.

En 1123, dans le comté de Worms, on vit pendant plusieurs jours une multitude de gens armés, à pied et à cheval, allant et venant avec grand bruit, et qui se rendaient tous les soirs, vers l’heure de none, à une montagne qui paraissait le lieu de leur réunion. Plusieurs personnes du voisinage s’approchèrent de ces gens armés, en les conjurant, au nom de Dieu, de leur déclarer ce que signifiait cette troupe innombrable et quel était leur projet. Un des soldats ou fantômes répondit : Nous ne sommes pas ce que vous vous imaginez, ni de vrais fantômes ni de vrais soldats. Nous sommes les âmes de ceux qui ont été tués en cet endroit dans la dernière bataille. Les armes et les chevaux que vous voyez sont les instruments de notre supplice, comme ils l’ont été de nos péchés. Nous sommes tout en feu, quoique vous n’aperceviez en nous rien qui paraisse enflammé. — On dit qu’on remarqua en leur compagnie le comte Enrico et plusieurs autres seigneurs tués depuis peu d’années, qui déclarèrent qu’on pouvait les soulager par des aumônes et des prières[129]. Voy. Apparitions, Phénomènes, Visions, Aurore boréale, etc.

Armide. L’épisode d’Armide, dans le Tasse, est fondé sur une tradition populaire qui est rapportée dans les chroniques de la première croisade et citée par Pierre Delancre[130]. Cette habile enchanteresse était fille d’Arbilan, roi de Damas ; elle fut élevée par Hidraote, son oncle, puissant magicien, qui en fit une grande sorcière. La nature l’avait si bien partagée, qu’elle surpassait en attraits les plus belles femmes de l’Orient. Son oncle l’envoya comme un redoutable ennemi vers la puissante armée chrétienne que le pape Urbain II avait rassemblée sous la conduite de Godefroid de Bouillon ; et là, comme dit Delancre, « elle charma en effet quelques chefs croisés » ; mais elle ne compromit pas l’espoir des chrétiens ; et même elle fut tuée par un projectile au siège de Jérusalem[131].

Armomancie, divination qui se faisait par l’inspection des épaules[132]. On juge encore aujourd’hui qu’un homme qui a les épaules larges est plus fort qu’un autre qui les a étroites.

Arnauld (Angélique). Apparition de la mère Marie-Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal de Paris, peu avant la mort de la sœur Marie-Dorothée Perderaux, abbesse intruse de ladite maison ; rapportée dans une lettre écrite en 1685, par M. Dufossé, à la suite de ses mémoires sur Port-Royal. — « Deux religieuses de Port-Royal, étant à veiller le Saint-Sacrement pendant la nuit, virent tout à coup la feue mère Angélique, leur ancienne abbesse, se lever du lieu où elle avait été inhumée, ayant en main sa crosse abbatiale, marcher tout le long du chœur et s’aller asseoir à la place où se met l’abbesse pendant les vêpres.

» Étant assise, elle appela une religieuse qui se trouvait au même lieu, et lui ordonna d’aller chercher la sœur Dorothée, laquelle, ou du moins son esprit, vint se présenter devant la mère Angélique, qui lui parla quelque temps, sans qu’on pût entendre ce qu’elle lui disait ; après quoi, tout disparut.

» On ne douta point que la mère Angélique n’eût cité la sœur Dorothée devant Dieu ; et c’est la manière dont elle l’interpréta elle-même, lorsque les deux religieuses qui avaient été témoins de cette apparition la lui rapportèrent. Elle s’écria : — Ah ! je mourrai bientôt. Et en effet, elle mourut quinze jours ou trois semaines après. » Voilà !

Arnauld de Bresse (Brescia), moine du douzième siècle, disciple d’Abeilard. Turbulent et ambitieux, il se fit chef de secte. Il disait que les bonnes œuvres sont préférables au sacrifice de la messe, ce qui est absurde ; car le sacrifice de la messe n’empêche pas les bonnes œuvres, il les ordonne au contraire. Il avait jeté le froc, comme tous les réformateurs. Ayant excité de grands troubles, et chargé de noirs forfaits, il fut pris et brûlé à Rome en 1155.

Cet homme est peint sous d’affreuses couleurs dans une chronique contemporaine intitulée le Maléfice, attribuée à Hues de Braye-Selves et publiée en style moderne par M. Léon Dussillet. Chassé, maudit, traqué partout, il s’est attaché à Sibylle de Bourgogne, plus connue sous le nom de la Dame aux jambes d’or, qu’on lui donna dans les croisades, que par la violence de ses passions. Pendant qu’il prépare le maléfice qui doit tuer une jeune fille dont Sibylle veut la mort, neuf gouttes de sang jaillissent d’une cicatrice qu’il avait à la joue. — Déjà ! dit le sorcier d’une voix creuse ; maître, tu comptes bien, et moi seul j’oubliais le terme. — Quel terme ? s’écria Sibylle frappée de la pâleur subite d’Arnauld de Bresse. Pour qui ce sang a-t-il coulé ? je n’avais point remarqué ce terrible stigmate, qu’on croirait imprimé avec un sceau de feu. — Ce sceau brûle en effet, répliqua le moine, toujours plus troublé et plus pâle ; et celui qui l’a imprimé ne souffre jamais qu’il s’efface. Les genoux du sorcier fléchirent sous lui, et ses membres frémiront d’une horreur invincible[133]… Il prévoyait que bientôt celui à qui il s’était vendu allait arriver ; il acheva l’envoûtement qui amena la mort de la jeune fille ; et c’est sans doute après ces abominations qu’il gagna Rome, on ne sait dans quel but. Il y mourut sur le bûcher.

Arnauld de Villeneuve, médecin, astrologue et alchimiste, qu’il ne faut pas confondre, comme on l’a fait quelquefois, avec Arnauld de Bresse. Il était né auprès de Montpellier ; il mourut dans un naufrage en 1314.

La chimie lui doit beaucoup de découvertes ; il ne cherchait, à la vérité, que la pierre philosophale et ne songeait qu’à faire de l’or ; mais il trouva les trois acides sulfurique, muriatique et nitrique. Il composa le premier de l’alcool et du ratafia ; il fit connaître l’essence de térébenthine, régularisa la distillation, etc. Il mêlait à ses vastes connaissances en médecine des rêveries astrologiques, et il prédit la fin du monde pour l’année 1335.

On l’accusa aussi de magie. François Pegna dit qu’il devait au démon tout ce qu’il savait d’alchimie, et Mariana[134] lui reproche d’avoir essayé de former un homme avec de certaines drogues déposées dans une citrouille. Mais Delrio justifie Arnauld de Villeneuve de ces accusations ; et le pape Clément V ne l’eût pas pris pour son médecin s’il eût donné dans la magie. — L’inquisition de Tarragone fit brûler ses livres frois ans après sa mort, mais elle les fit brûler comme étant empreints de plusieurs sentiments hérétiques.

On recherche d’Arnauld de Villeneuve un traité de l’explication des songes[135] ; mais on met sur son compte beaucoup d’ouvrages d’alchimie ou de magie auxquels il n’a pas en la moindre part. Tels sont : le livre des Ligatures physiques[136], qui est une traduction d’un livre arabe ; et celui des Talismans des douze signes du zodiaque[137]. On lui attribue aussi faussement le livre stupide et infâme des Trois imposteurs.

Arnold (Paul), vampire. Voy. Paul.

Arnoux, auteur d’un volume in-12 publié à Rouen en 1630, sous le titre des Merveilles de l’autre monde, ouvrage écrit dans un goût bizarre et propre à troubler les imaginations faibles par des contes de visions et de revenants.

Arnuphis, sorcier égyptien. Voyant Marc-Aurèle et son armée engagés dans des défilés dont les Quades fermaient l’issue, et mourant de soif sous un ciel brûlant, il fit tomber, par le moyen de son art, une pluie prodigieuse qui permit aux Romains de se désaltérer, pendant que la grêle et le tonnerre fondaient sur les Quades et les contraignaient à rendre les armes. C’est ce que racontent, dans un but intéressé, quelques auteurs païens. D’autres font honneur de ce prodige aux impuissantes prières de Marc-Aurèle. Les auteurs chrétiens, les seuls qui soient ici dans la vérité, l’attribuent unanimement, et avec toute raison, à la prière des soldats chrétiens qui se trouvaient dans l’armée romaine.

Arnus, devin tué par Hercule, parce qu’il aisait le métier d’espion. Apollon vengea la mort d’Arnus, qu’il inspirait, en mettant la peste dans le camp des Iiéraclides. ІГfallut, pour faire cesser le fléau, établir des jeux en l’honneur du défunt.

Arot. Voy. Marot.

Arphaxat, sorcier perse, qui fut tué d’un coup de foudre, si l’on en croit Abdias de Babylone[138], à l’heure même du martyre de saint Simon et de saint Jude. — Dans la possession de Loudun, on a vu un démon Arphaxat.

Art de saint Anselme, moyen superstitieux de guérir, employé par des imposteurs qui prenaient le nom d’anselmisles. Ils se contentaient de toucher, avec certaines paroles, les linges qu’on appliquait sur les blessures. Ils devaient le secret de leur art, disaient-ils, à saint Anselme de Cantorbéry. Aussi l’appelaient-ils l’art de saint Anselme, voulant de la sorte se donner un certain vernis. Mais Delrio assure que leur véritable chef de file est Anselme de Parme. Voyez ce mot.

Art de saint Paul, moyen de prédire les choses futures, que des songe-creux ont prétendu avoir été enseigné à saint Paul dans son voyage au troisième ciel. Des charlatans ont eu le front de s’en dire héritiers.

Art des Esprits, appelé aussi art angélique. Il consiste dans le talent d’évoquer les esprits et de les obliger à découvrir les choses cachées. D’autres disent que l’art angélique est l’art de s’arranger avec son ange gardien, de manière à recevoir de lui la révélation de tout ce qu’on veut savoir. Cet art superstitieux se pratique de deux manières : ou par des extases, dans lesquelles on reçoit des avis, ou par des entretiens avec l’ange que l’on évoque, qui apparaît, et qui en cette circonstance n’est probablement pas un ange de lumière. Voy. Évocations.

Art notoire, espèce d’encyclopédie inspirée. Le livre superstitieux qui contient les principes de l’art notoire promet la connaissance de toutes les sciences en quatorze jours. L’auteur du livre dit effrontément que le Saint-Esprit le dicta à saint Jérôme. Il assure encore que Salomon n’a obtenu la sagesse et la science universelle que pour avoir lu en une seule nuit ce merveilleux livre. Il faudrait qu’il eût déjà été dicté à quelque enfant d’Israël ; car ce serait un prodige trop grand que Salomon eût lu le manuscrit de saint Jérôme. Mais les faiseurs d’écrits de ce genre ne reculent pas pour si peu.

Gilles Bourdin a publié, au seizième siècle, un grimoire obscur sous le titre de l’Art notoire. Il n’est pas probable que ce soit la bonne copie, qui sans doute est perdue.

Delrio dit que de son temps les maîtres de cet art ordonnaient à leurs élèves une sorte de confession générale, des jeûnes, des prières, des retraites, puis leur faisaient entendre, à genoux, la lecture du livre de l’Art notoire, et leur persuadaient qu’ils étaient devenus aussi savants que Salomon, les prophètes et les apôtres. Il s’en trouvait qui le croyaient.

Ce livre a été condamné par le pape Pie V. Mêlant les choses religieuses à ses illusions, l’auteur recommande entre autres soins de réciter tous les jours, pendant sept semaines, les sept psaumes de la pénitence, et de chanter tous les matins au lever du soleil le Veni Creator, en commençant un jour de nouvelle lune, pour se préparer ainsi à la connaissance de l’Art notoire[139]. Érasme, qui parle de ce livre dans un de ses colloques, dit qu’il n’y a rien compris ; qu’il n’y a trouvé que des figures de dragons, de lions, de léopards, des cercles, des triangles, des caractères hébreux, grecs, latins, et qu’on n’a jamais connu personne qui eût rien appris dans tout cela.

Des doctes prétendent que le véritable Ars notoria n’a jamais été écrit, et que l’esprit le révèle à chaque aspirant préparé. (Mais quel esprit ?) Il leur en fait la lecture pendant leur sommeil, s’ils ont sous l’oreiller le nom cabalistique de Salomon, écrit sur une lame d’or ou sur un parchemin vierge. Mais d’autres érudits soutiennent que l’Ars notoria existe écrit, et qu’on le doit à Salomon. Le croira qui pourra.

Art sacerdotal. C’est, selon quelques adeptes, le nom que les Égyptiens donnaient à l’alchimie. Cet art, dont le secret, recommandé sous peine de mort, était écrit en langue hiéroglyphique, n’était communiqué qu’aux prêtres, à la suite de longues épreuves.

Arts du serpent. C’est le nom qu’on donne souvent aux arts magiques.

Artémidore, Éphésien qui vécut du temps d’Antonin le Pieux. On lui attribue le traité des songes intitulé Oneïrocriticon, publié pour la première fois en grec à Venise, 1518, in-8o. On recherche la traduction latine de Rigaut[140], et quelques traductions françaises[141].

Artéphius, philosophe hermétique du douzième siècle, que les alchimistes disent avoir vécu plus de mille ans par les secrets de la pierre philosophale. François Pic rapporte le sentiment de quelques savants qui affirment qu’Artéphius est le même qu’Apollonius de Tyane, né au premier siècle sous ce nom, et mort au douzième sous celui d’Artéphius.

On lui attribue plusieurs livres extravagants ou curieux : 1° l’Art d’allonger sa vie (De vita Propaganda), qu’il dit dans sa préface avoir composé à l’âge de mille vingt-cinq ans ; 2° la Clef de la Sagesse suprême[142] ; 3° un livre sur les caractères des planètes, sur la signification du chant des oiseaux, sur les choses passées et futures, et sur la pierre philosophale[143]. Cardan, qui parle de ces ouvrages au seizième livre de la Variété des choses, croit qu’ils ont été composés par quelque plaisant qui voulait se jouer de la crédulité des partisans de l’alchimie.

Arthémia, fille de l’empereur Dioclétien. Elle fut possédée d’un démon qui résista aux exorcismes païens, et ne céda qu’à saint Cyriaque, diacre de l’Église romaine.

L’idée de rire et de plaisanter des possessions et des exorcismes de l’Église est venue quelquefois à des esprits égarés, qu’il eût été bon peut-être d’exorciser eux-mêmes.

Arthus ou Artus, roi des Bretons, célèbre dans les romans de la Table Ronde, et dont la vie est entourée de fables. On prétend qu’il n’est qu’assoupi à Avallon, et qu’il revient la nuit dans les forêts de la Bretagne chasser à grand bruit, avec des chiens, des chevaux et des piqueurs, qui ne sont que des démons et des spectres, au sentiment de Pierre Delancre[144]. Quand le grand veneur apparut à Henri IV dans la forêt de Fontainebleau, quelques-uns dirent que c’était la chasse du roi Arthus.

La tradition conserve, aux environs de Huelgoat, dans le Finistère, le souvenir curieux de l’énorme château d’Arthus. On montre des rochers de granit entassés comme étant les débris de ses vastes murailles. Il s’y trouve, dit-on, des trésors gardés par des démons, qui souvent traversent les airs sous la forme de feux follets en poussant des hurlements répétés par les échos du voisinage[145]. L’orfraie, la buse et le corbeau sont les hôtes sinistres qui fréquentent ces ruines merveilleuses, où de temps en temps apparaît l’âme d’Arthus endormi avec sa cour enchantée dans son vieux manoir d’Avalon. Voy. Merlin.

En Angleterre on a cru et dans plusieurs contrées de ce pays on croit encore que le roi Arthus a été par enchantement transformé en corbeau ; et pour cela on respecte beaucoup les corbeaux, car l’un d’eux pourrait être l’héroïque monarque.

Arundel (Thomas). Comme il s’était opposé (quatorzième siècle) aux séditions des wickleffites, Chassaignon, dans ses Grands et redoutables jugements de Dieu, imprimés à Morges en 1581, chez Jean Lepreux, imprimeur des très-puissants seigneurs de Berne, Chassaignon, réformé et défenseur de tous les hérétiques, dit qu’il mourut cruellement, la langue tellement enflée qu’il ne pouvait plus parler, « lui qui avait voulu empêcher, dans la bouche des disciples de Wickleff, le cours de la sainte parole… » Mais il n’ose pas rechercher si Thomas Arundel fut, comme Wickleff, étranglé par le diable.

Aruspices, devins du paganisme, dont l’art se nommait aruspicine. Ils examinaient les entrailles des victimes pour en tirer des présages ; il fallait être de bonne maison pour exercer cette espèce de sacerdoce. Ils prédisaient 1opar la simple inspection des victimes vivantes ; 2o par l’état de leurs entrailles après qu’elles étaient ouvertes ; 3o par la flamme qui s’élevait de leurs chairs brûlées. — La victime qu’il fallait amener avec violence, ou qui s’échappait de l’autel, donnait des présages sinistres ; le cœur maigre, le foie double ou enveloppé d’une double tunique, et surtout l’absence du cœur ou du foie, annonçaient de grands maux. On croirait que les aruspices étaient habiles dans l’art d’escamoter, car le cœur manqua aux deux bœufs immolés le jour où l’on assassina César.

C’était mauvais signe quand la flamme ne s’élevait pas avec force et n’était pas transparente et pure ; et si la queue de la bête se courbait en brûlant, elle menaçait de grandes difficultés dans les affaires. Voy. Hépatoscopie.

Arzels. Voy. Cheval.

Asaphins, devins ou sorciers chaldéens, qui expliquaient les songes et tiraient les horoscopes. Ils avaient pour divinité une idole nommé Asaph.

Ascaroth. C’est le nom que donnent les démonographes à un démon peu connu qui protège les espions et les délateurs. Il dépend du démon Nergal.

Ascèse diabolique. L’ascèse chrétienne élève les âmes à Dieu ; l’ascèse diabolique les abaisse et les enfonce jusqu’aux démons.

Ascik-Pacha, démon turc, qui favorise les intrigues secrètes, facilite les accouchements, enseigne les moyens de rompre les charmes et donne l’art d’en composer.

Asclétarion, astrologue qui se permit de faire des prophéties dont l’empereur Domitien ne fut pas content. Il le fit venir et lui dit : « Toi qui sais le moment de ma mort, connais-tu le genre de la tienne ? — Oui, répondit l’astrologue. Je serai mangé par les chiens. » Domitien pour prouver que sa science était vaine, le fit tuer sur-le-champ et ordonna que son corps fût brûlé. Mais un grand orage qui survint éteignit le bûcher et mit les exécuteurs en fuite. Des chiens vinrent, mirent le corps en pièces et le mangèrent. Suétone et Dion Cassius mentionnent ce singulier fait.

Aselle. L’aselle aquatique, espèce de cloporte, était révérée des Islandais, qui croyaient qu’en tenant cet insecte dans la bouche, ou son ovaire desséché sur la langue, ils obtenaient tout ce qu’ils pouvaient désirer. Ils appelaient son ovaire sec pierre à souhaits.

Ases. Divinités Scandinaves. Elles sont au nombre de trente, dont douze dieux qui ont pour maître Odin, et dix-huit déesses, à la tête desquelles domine Frigga.

Asgard. C’est la ville des ases ou dieux Scandinaves. Odin habite cette ville somptueuse, située en un lieu du monde d’où il peut voir tous les êtres et tous les événements.

Ashmole (Élie), antiquaire et alchimiste anglais, né en 1617. On lui doit quelques ouvrages utiles et le musée ashmoléen d’Oxford. Mais il

 
Élie Ashmole
Élie Ashmole
 
publia à Londres, en 1652, un volume in-4o, intitulé Theatrum chemicum britannicum, contenant différents poèmes des philosophes anglais qui ont écrit sur les mystères hermétiques. Six ans après, il fit imprimer le Chemin du bonheur, in-4o, 1658. Ce traité, qui n’est pas de lui, mais auquel il mit une préface, roule aussi sur la pierre philosophale. Voy. Pierre philosophale.

Asile. Les lois qui accordaient droit d’asile aux criminels dans les églises exceptaient ordinairement les sorciers, qui, d’ailleurs, ne cherchaient pas trop là leur recours.

Asima, démon qui rit quand on fait le mal. Il a été adoré à Emath, dans la tribu de Nephtali, avant que les habitants de cette ville fussent transportés à Samarie.

Aske, le premier homme dans les traditions religieuses des Scandinaves.

Asmodée, démon destructeur, le même que Samaël, suivant quelques rabbins. Il est surintendant des maisons de jeu. Il sème la dissipation et l’erreur. — Les rabbins content qu’il détrôna un jour Salomon ; mais que bientôt Salomon le chargea de fers, et le força de l’aider à bâtir le temple de Jérusalem. — Tobie, suivant les mêmes rabbins, l’ayant expulsé, avec la fumée du fiel d’un poisson, du corps de la jeune Sara qu’il possédait, l’ange Raphaël l’emprisonna aux extrémités de l’Égypte. Paul Lucas dit qu’il l’a vu dans un de ses voyages. On s’est amusé de lui à ce sujet ; cependant on a pu lire dans le Courrier de l’Egypte que le peuple de ce pays adore encore le serpent Asmodée, lequel a un temple dans le désert de Ryanneh. On ajoute que ce serpent se coupe par morceaux, et qu’un instant après il n’y paraît pas. Voy. Haridi.

 
Asmodée
Asmodée
 

Cet Asmodée est, au jugement de quelques-uns, l’ancien serpent qui séduisit Eve. Les Juifs, qui l’appellent Asmodai, faisaient de lui le prince des démons, comme on le voit dans la paraphrase chaldaïque. C’est aux enfers, dans Wierus, un roi fort et puissant, qui a trois têtes : la première ressemble à celle d’un taureau, la seconde à celle d’un homme, la troisième à celle d’un bélier. Il a une queue de serpent, des pieds d’oie, une haleine enflammée. Il se montre à cheval sur un dragon, portant en main un étendard et une lance. Il est soumis cependant, par la hiérarchie infernale, au roi Amoymon[146].

Lorsqu’on l’exorcise, il faut être ferme sur ses pieds, et l’appeler par son nom. Il donne des anneaux constellés ; il apprend aux hommes à se rendre invisibles et leur enseigne la géométrie, l’arithmétique, l’astronomie et les arts mécaniques. Il connaît aussi des trésors, qu’on peut le forcer à découvrir ; soixante-douze légions lui obéissent. On le nomme encore Chammadaï et Sydonaï. Asmodée était un des démons qui possédaient Madeleine Ravent.

Le Sage a fait d’Asmodée le héros d’un de ses romans (le Diable boiteux).

Asmund et Asweith, compagnons d’armes danois. Liés d’une étroite amitié, ils convinrent, par un serment solennel, de ne s’abandonner ni à la vie ni à la mort. Asweith mourut le premier et, suivant leur accord, Asmund, après avoir enseveli son ami, avec son chien et son cheval, dans une grande caverne, y porta des provisions pour une année et s’enferma dans ce tombeau. Mais le démon, qu’ils avaient probablement assez bien servi tous deux, étant entré dans le corps du mort, le remit debout et se mit à tourmenter le fidèle Asmund, le déchirant, lui défigurant le visage et lui arrachant même une oreille, sans lui donner de raisons de sa fureur. Asmund, impatienté après un siècle de lutte, coupa la tête du mort, voyant bien enfin qu’il avait affaire ou au diable ou à un vampire. — Sur ces entrefaites, précisément, le roi de Suède, Eric, passant devant la caverne murée et entendant du vacarme, crut qu’elle renfermait un trésor gardé par des esprits. Il la fit ouvrir, et fut bien surpris d’y trouver Asmund, pâle, ensanglanté, auprès d’un cadavre puant ; il lui fit conter son histoire, et le voyant mourir lui-même, aussitôt après son récit, il le fit percer d’un pieu et brûla son corps avec celui de son féroce compagnon[147] ; car alors déjà on connaissait les vampires, quoiqu’on ne leur donnât pas ce nom. Voy. Ghole.

Asmoug, l’un des démons qui, sous les ordres d’Arimane, sèment en Perse les dissensions, les procès et les querelles.

Asoors ou Asouras. C’est le nom que les Indiens donnent à certains mauvais génies qui font tomber les voyageurs dans des embûches.

Aspame. « Zorobabel était épris d’un si fol amour pour Aspame, qu’elle le souffletait comme un esclave et lui ôtait le diadème pour en orner sa tête, indigne d’un tel ornement, dit De-lancre ; elle le faisait rire et pleurer, quand bon lui semblait, le tout par philtres et fascinations[148]. » Les belles dames font tous les jours d’aussi grands excès et produisent d’aussi énormes stupidités, sans fascination et sans philtre.

Aspilcuetta
Aspilcuetta

Aspilcuetta (Marie d’), sorcière d’Andaye, dans le pays de Labour, sous le règne de Henri IV.

Elle fut arrêtée à l’âge de dix-neuf ans, et avoua qu’on l’avait menée au sabbat, que là elle avait baisé le derrière du diable au-dessous d’une grande queue, et que ce derrière était fait comme le museau d’un bouc[149].

Aspidomancie, divination peu connue qui se pratique aux Indes, selon quelques voyageurs. Delancre dit[150] que le devin ou sorcier trace un cercle, s’y campe assis sur un bouclier, marmotte des conjurations, devient hideux, et ne sort de son extase que pour annoncer les choses qu’on veut savoir, et que le diable vient de lui révéler.

Asrafil, ange terrible qui, selon les musulmans, doit sonner de la trompette et réveiller

 
Asrafil
Asrafil
 
tous les morts pour le jugement dernier. On le confond souvent avec Azraël.

Assa-fœtida. Les Hollandais appellent cette plante fiente du diable (duivelsdrek).

Assassinat. Ce crime a son démon.

 
Assassinat
Assassinat
 

Assassins, secte d’Ismaéliens qu’on enivrait de brachick et à qui l’on faisait un dogme de tuer. Le souverain des Assassins s’appelait le cheick ou Vieux de la Montagne. Il est célèbre dans l’histoire des croisades. Voy. Thuggisme.

Assheton (Guillaume), théologien anglican, mort en 1711. Il publia, en 1691, un petit ouvrage peu recherché, intitulé La possibilité des apparitions.

Astaroth, grand-duc très-puissant aux enfers. Il a la figure d’un ange fort laid, et se montre chevauchant sur un dragon infernal ; il tient à la

 
Astaroth
Astaroth
 
main gauche une vipère. Quelques magiciens disent qu’il préside à l’Occident, qu’il procure l’amitié des grands seigneurs, et qu’il faut l’évoquer le mercredi. Les Sidoniens et les Philistins, l’adorèrent. Il est, dit-on, grand trésorier aux enfers. Wierus nous apprend qu’il sait le passé et l’avenir, qu’il répond volontiers aux questions qu’on lui fait sur les choses les plus secrètes, et qu’il est facile de le faire causer sur la création, les fautes et la chute des anges, dont il connaît toute l’histoire. Mais dans ses conversations, il soutient que pour lui il a été puni injustement. Il enseigne à fond les arts libéraux, et commande quarante légions. Celui qui le fait venir doit prendre garde de s’en laisser approcher, à cause de son insupportable puanteur. C’est pourquoi il est prudent de tenir sous ses narines un anneau magique en argent, qui est un préservatif contre les odeurs fétides des démons[151]. Astaroth a figuré dans plusieurs possessions. Il est cité comme l’un des sept princes de l’enfer qui visitèrent Faust, selon la tradition anglaise ; il parut en serpent, ayant « la queue colorée comme des briques changeantes, deux petits pieds fort courts, tout jaunes, le ventre blanc et jaunâtre, le cou châtain roux, et une pointe en forme de trait, comme ceux du hérisson, qui avance de la longueur d’un doigt[152] ».

Astarté, femelle d’Astaroth. On la représente avec une tête de génisse.

Astiages, roi des Mèdes. Quand Cyrus eut vaincu l’Asie, on publia qu’Astiages, son grand-père, avait songé en dormant que dans le sein de sa fille Mandane croissait une vigne qui de ses feuilles couvrait l’Asie entière : présage de la grandeur de Cyrus, fils de Mandane.

Astier, l’un des prophètes du Dauphiné. Voy. Prophètes.

Astragalomancie, divination par les dés. Prenez deux dés, marqués comme d’usage des numéros 1, 2, 3, 4, 5, 6. On peut jeter à volonté un dé seul ou les deux dés à la fois ; on a ainsi la chance d’amener, les chiffres 1 à 12. Vous voulez deviner quelque affaire qui vous embarrasse on pénétrer les secrets de l’avenir, posez la question sur un papier que vous aurez passé, au-dessus de la fumée du bois de genièvre ; placez ce papier renversé sur la tablé, et jetez les dés. — Vous écrirez les lettres à mesure qu’elles se présentent. En se combinant, elles vous donneront la réponse : 1 vaut la lettre A ; 2 vaut E ; 3 vaut I ou Y ; 4 vaut O ; 5 vaut U ; 6 vaut B, P ou V ; 7 vaut C, K ou Q ; 8 vaut D ou T ; 9 vaut F, S, X ou Z ; 10 vaut G ou J ; 11 vaut L ; M ou N ; 12 vaut R. — Si la réponse est obscure, il ne faut pas s’en étonner : le sort est capricieux. Dans le cas ou vous n’y pouvez rien comprendre, recourez à d’autres divinations. — La lettre H n’est point marquée, parce qu’elle n’est pas nécessaire. Les règles du destin se dispensent de celles de l’orthographe ; PH s’expriment fort bien par la lettre F, et CH par la lettre X.

Les anciens pratiquaient l’astragalomancie avec des osselets marqués des lettres de l’alphabet, et les lettres que le hasard amenait faisaient les réponses. C’est par ce moyen que se rendaient les oracles d’Hercule en Achaïe. On mettait les lettres dans une urne, et on les tirait comme on lire les numéros des loteries.

Astres. La première idolâtrie a commencé parle culte des astres. Tous les peuples fourvoyés les adoraient au temps de Moïse. Lui seul ; dit aux Hébreux : « Lorsque vous élevez les yeux vers le ciel, que vous voyez le soleil ; la lune et les autres astres, gardez-vous de tomber dans l’erreur et de les adorer, car c’est Dieu qui les a créés. » (Deutéronome, chap. 4.)

Ceux qui ne croient pas à la révélation devraient nous apprendre comment Moïse a été plus éclairé que les sages de toutes les nations dont il était environné[153].

Mahomet dit dans le Koran que les étoiles sont les sentinelles du ciel, et qu’elles empêchent les démons d’en approcher et de connaître ainsi les secrets de Dieu.

Il y a des sectes qui prétendent que chaque corps céleste est la demeure d’un ange. — Les Arabes, avant Mahomet, adoraient les astres. Les anciens en faisaient des êtres animés ; les Égyptiens croyaient qu’ils voguaient dans des navires à travers les airs comme nos aéronautes ; ils disaient que le soleil, avec son esquif, traversait l’Océan toutes les nuits pour retourner d’Occident en Orient.

D’autres physiciens ont prétendu que les étoiles sont les yeux du ciel, et que les larmes qui en tombent forment les pierres précieuses. C’est pour cela, ajoutent-ils, que chaque étoile (ou plutôt chaque planète) a sa pierre favorite.

Astrolabe, instrument dont on se sert pour observer les astres et tirer les horoscopes. Il est souvent semblable à une sphère armillaire. L’astrologue, instruit du jour, de l’heure, du moment où est né celui qui le consulte ou pour lequel on le consulte, met les choses à la place qu’elles occupaient alors, et dresse son thème suivant la position des planètes et des constellations.

Il y a eu des gens, autrefois qui faisaient le métier de découvrir les voleurs par le moyen

 
Un astronome regardant à travers un télescope
Un astronome regardant à travers un télescope
 
d’un astrolabe. « Le ciel, disaient-ils, est un livre dans lequel on voit le passé, le présent et l’avenir ; pourquoi ne pourrait-on pas lire les événements de ce monde dans un instrument qui représente la situation des corps célestes[154] ? »

Astrologie, art de dire la bonne aventure, de tirer les horoscopes et de prédire les événements, par l’aspect, les positions et les influences des corps célestes. — On croit que l’astrologie, qu’on appelle aussi astrologie judiciaire, parce qu’elle consiste en jugements sur les personnes et sur les choses, a pris naissance dans la Chaldée, d’où elle pénétra en Égypte, en Grèce et en Italie, Quelques antiquaires attribuent l’invention de cette science ; à Cham, fils de Noé. Le commissaire de Lamarre, dans Son Traité de police, titre VII, chap. 1er, ne repousse pas les opinions qui établissent qu’elle lui a été enseignée par le démon…

Diogène Laërce donne à entendre que les Égyptiens connaissaient la rondeur de la terre et la cause des éclipses. On ne peut leur disputer l’habileté en astronomie ; mais, au lieu de se tenir aux règles, droites de cette science, ils en ajoutèrent d’autres qu’ils fondèrent uniquement sur leur imagination ; ce furent là les principes de l’art de deviner et de tirer les horoscopes. Ce sont eux, dit Hérodote, qui enseignèrent à quel dieu chaque mois, chaque jour est consacré ; qui observèrent les premiers sous quel ascendant un homme est né, pour prédire sa fortune, ce qui lui arriverait dans sa vie, et de quelle mort il mourrait.

« J’ai lu dans les registres du ciel tout ce qui doit vous arriver a vous et à votre fils, » disait a ses crédules enfants Bélus, prince de Babylone. Pompée, Cesar, Crassus, croyaient à l’astrologie, Pline en parle comme d’un art respectable. Cette science gouverne encore la Perse et une grande partie de l’Asie « Rien ne se fait ici, dit Tavernier dans sa relation d’Ispahan, que de l’avis des astrologues. Ils sont plus puissants et plus redoutés que le roi, qui en a toujours quatre attachés à ses pas. Il les consulte sans cesse, et ils l’avertissent du temps où il doit se promener, de l’heure où il doit se renfermer dans son palais, se purger, se vêtir de ses habits royaux, prendre ou quitter le sceptre, etc. Ils sont si respectés dans cette cour, que le roi Schah-Sophi étant accablé depuis plusieurs années d’infirmités que l’art ne pouvait guérir, les médecins jugèrent qu’il n’était tombé dans cet état de dépérissement que par la faute des astrologues, qui avaient mal pris l’heure à laquelle il devait être élevé sur le trône. Les astrologues reconnurent leur erreur ; ils s’assemblèrent de nouveau avec les médecins, cherchèrent de nouveau dans le ciel-la véritable heure propice, ne manquèrent pas de la trouver, et la cérémonie du couronnement fut renouvelée, à la grande satisfaction de Schah-Sophi, qui mourut quelques jours après. »

Il en est de même en Chine, où l’empereur n’ose rien entreprendre sans avoir consulté son thème natal.

La vénération des Japonais pour l’astrologie est plus profonde encore : chez eux personne n’oserait construire un édifice sans avoir interrogé quelque astrologue sur la durée du bâtiment. Il y en a même qui, sur la réponse des astres, se dévouent et se tuent pour le bonheur de ceux qui doivent habiter la nouvelle maison[155].

Presque tous les anciens, Hippocrate, Virgile, Horace, Tibère, croyaient à l’astrologie. Le moyen âge en fut infecté. On tira l’horoscope de Louis XIII et de Louis XIII et Boileau dit qu’un téméraire auteur n’atteint pas le Parnasse, si son astre en naissant ne l’a formé poëte.

En astrologie, on ne connaît dans le ciel que sept planètes et douze constellations dans le zodiaque. Le nombre de celles-ci n’a pas changé ; mais il y a aujourd’hui neuf fois plus de planètes. Nous ne parlerons pourtant que des sept vieilles employées seules par les astrologues. Nous n’ayons, disent-ils, aucun membre que les corps célestes ne gouvernent. Les sept planètes sont comme, on sait, le Soleil, la Lune, Vénus, Jupiter, Mars, Mercure et Saturne. Le Soleil préside à la tête, la Lune au bras droit, Vénus au bras gauche, Jupiter à l’estomac, Mars aux parties sexuelles, Mercure au pied droit, et Saturne au pied gauche ; — où bien Mars gouverne la tête, Vénus le bras droit, Jupiter le bras gauche, le Soleil l’estomac, la Lune les parties sexuelles, Mercure le pied droit, et Saturne le pied gauche.

Parmi les constellations, le Bélier gouverne la tête, le Taureau le cou, les Gémeaux les bras et les épaules, l’Écrevisse la poitrine et le cœur, le Lion l’estomac, la Vierge le ventre, la Balance les reins et les fesses, le Scorpion les parties sexuelles, le Sagittaire les cuisses, le Capricorne les genoux, le Verseau les jambes, et les Poissons les pieds.

On a mis aussi le monde c’est-à-dire les empires et les villes sous l’influence des constellations. Des astrologues, allemands, au seizième siècle, avaient déclaré Francfort sous l’influence du Bélier, Wurtzbourg sous celle du Taureau, Nuremberg, sous îles Gémeaux, Magdebourg sous l’Écrevisse, Ulm sous le Lion, Heidelberg sous la Vierge, Vienne sous la Balance, Munich sous le Scorpion, Stuttgard sous le Sagittaire, Augsbourg sous le Capricorne, Ingolstadt sous le Verseau, et Ratisbonne sous les Poissons.

Hermès a dit que c’est parce qu’il y a sept trous à la tête qu’il y a aussi dans le ciel sept planètes pour présider à ces trous : Saturne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et Vénus aux deux narines, le Soleil et la Lune aux deux yeux, et Mercure à la bouche. Léon l’Hébreu, dans sa Philosophie d’amour, traduite par le sieur Duparc, Champenois, admet cette opinion, qu’il précise, très-bien : « Le Soleil préside à l’œil droit, dit-il, et la Lune à l’œil gauche, parce que tous les deux sont les yeux du ciel ; Jupiter gouverne l’oreille gauche, Saturne la droite, Mars le pertuis droit du nez, Vénus le pertuis gauche, et Mercure la bouche, parce qu’il préside à la parole. »

Ajoutons encore que Saturne domine sur la vie, les changements, les édifices et les sciences ; Jupiter sur l’honneur, les souhaits, les richesses et la propreté des habits ; Mars sur la guerre, les prisons, les mariages, les haines ; le Soleil sur l’espérance, le bonheur, le gain, les héritages ; Vénus sur les amitiés et les amours ; Mercure sur les maladies, les perles, les délies, le commerce et la crainte ; la Lune sur les plaies, les songes et les larcins. Ainsi, du moins, le décide le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand.

En dominant de la sorte tout ce qui arrive à l’homme, les planètes ramènent le même cours, de choses toutes les fois qu’elles se retrouvent dans le ciel au lieu de l’horoscope. Jupiter se retrouve au bout de douze ans au même lieu, les honneurs seront les mêmes ; Vénus, au bout de huit ans, les amours, seront les mêmes, etc., mais dans un autre individu.

N’oublions pas non plus, que chaque planète gouverne un jour de la semaine : le Soleil le dimanche, la Lune le lundi, Mars le mardi, Mercure le mercredi, Jupiter le jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi, — que le jaune est la couleur du Soleil, le blanc celle de la Lune, le vert celle de Vénus, le rouge celle, de Mars, le bleu celle de Jupiter, le noir celle de Saturne, le mélangé celle de Mercure ; — que le Soleil préside à l’or,-la Lune à l’argent, Vénus à l’étain, Mars au fer, Jupiter à l’airain, Saturne au plomb, Mercure au vif-argent, etc.

Le Soleil est bienfaisant et favorable, Saturne triste, morose et froid ; Jupiter tempéré et bénin, Mars ardent, Vénus bienveillante, Mercure inconstant, la Lune mélancolique.

Dans les constellations, le Bélier, le Lion et le Sagittaire sont chauds, secs et ardents ; le Taureau, la Vierge et le Capricorne, lourds, froids et secs ; les Gémeaux, la Balance et le Verseau, légers, chauds et humides ; l’Écrevisse, le Scorpion et les Poissons, humides, mous et froids.

Au moment de la naissance d’un enfant dont on, veut tirer l’horoscope, ou bien au jour de l’événement dont on cherche à présager les suites, il faut d’abord voir sur l’astrolabe quelles sont les constellations et planètes qui dominent dans le ciel, et tirer les conséquences qu’indiquent leurs vertus, leurs qualités et leurs fonctions. Si trois signes de la même nature se rencontrent dans le ciel, comme, par exemple, le Bélier, le Lion et le Sagittaire, ces trois signes forment le trin aspect, parce qu’ils partagent le ciel en trois et qu’ils sont séparés l’un de l’autre par trois autres constellations. Cet aspect est bon et favorable.

Quand ceux qui partagent le ciel par sixièmes se rencontrent à l’heure de l’opération, comme le Bélier avec les, Gémeaux, le Taureau avec l’Écrevisse, etc., ils forment l’aspect sextil, qui est médiocre.

Quand ceux qui partagent le ciel qui quatre, comme le Bélier avec l’Écrevisse, le Taureau avec le Lion, les Gémeaux avec la Vierge, se rencontrent dans le ciel, ils forment ; l’aspect carré, qui est mauvais.

Quand ceux qui se trouvent aux parties opposées du ciel, comme le Bélier avec la Balance, le Taureau avec le Scorpion, les Gémeaux avec le Sagittaire, etc., se rencontrent à l’heure de la naissance, ils forment l’aspect contraire, qui est méchant et nuisible.

Les astres, sont en conjonction quand deux planètes se trouvent réunies dans le même signe ou dans la même maison, et en opposition quand elles sont à deux points opposés.

Chaque signe du zodiaque occupe une pince qu’un appelle maison céleste ou maison du soleil ; ces douze maisons du soleil coupent ainsi le zodiaque en douze parties. Chaque-maison occupe trente degrés, puisque le cercle en à trois-cent soixante. Les astrologues représentent les maisons par des simples numéros, dans une figure ronde ou carrée, divisée en douze cellules.

 
Carré astrologique
Carré astrologique
 

La première maison est celle du Bélier, qu’on appelle l’angle oriental en argot astrologique. C’est la maison de la vie, parce que ceux qui naissent quand celle constellation domine peuvent vivre longtemps.

La seconde maison est celle du Taureau, qu’on appelle la porte inférieure. C’est la maison des richesses et des moyens de fortune.

La troisième maison est, celle des Gémeaux, appelée la demeure des frères. C’est la maison des héritages et des bonnes successions.

La quatrième maison est celle de l’Écrevisse. On l’appelle le fond du ciel, l’angle de la terre, la demeure des parents. C’est la maison des trésors et des biens de patrimoine.

La cinquième maison est celle du Lion, dite la demeure des enfants. C’est la maison des legs et des donations.

La sixième maison est celle de la Vierge ; on l’appelle l’amour de Mars. C’est la maison des chagrins, des revers et des maladies.

La septième maison est celle de la Balance, qu’on appelle l’angle occidental. C’est la maison des mariages et des noces.

La huitième maison est celle du Scorpion, appelée la porte supérieure. C’est la maison de l’effroi, des craintes et de la mort.

La neuvième maison est celle du Sagittaire, appelée l’amour du soleil. C’est la maison de la piété, de la religion, des voyages et de la philosophie.

La dixième maison est celle du Capricorne, dite le milieu du ciel. C’est la maison des charges, des dignités et des couronnes.

La onzième maison est celle du Verseau » qu’on appelle l’amour de Jupiter. C’est la maison des amis, des bienfaits et de la fortune.

La douzième maison est celle des Poissons, appelée l’amour de Saturne. C’est la plus mauvaise de toutes et la plus funeste : c’est la maison des empoisonnements, des misères, de l’envie, de l’humeur noire et de la mort violente.

Le Bélier et le Scorpion sont les maisons chéries de Mars ; le Taureau et la Balance, celles de Vénus ; les Gémeaux et la Vierge, celles de Mercure ; le Sagittaire et les Poissons, celles de Jupiter ; le Capricorne et le Verseau, celles de Saturne ; le Lion, celle du Soleil ; l’Écrevisse, celle de la Lune.

Il faut examiner avec soin les rencontres des planètes avec les constellations. Si Mars, par exemple, se rencontre avec le Bélier à l’heure de la naissance, il donne du courage, de la fierté et une longue vie ; s’il se trouve avec le Taureau, richesses et courage. En un mot, Mars augmente l’influence des constellations avec lesquelles il se rencontre, et y ajoute la valeur et la force. — Saturne, qui donne les peines, les misères, les maladies, augmente les mauvaises influences et gâte les bonnes. Vénus, au contraire, augmente les bonnes influences et affaiblit les mauvaises. — Mercure augmente ou affaiblit les influences suivant ses conjonctions : s’il se rencontre avec les Poissons, qui sont mauvais, il devient moins bon ; s’il se trouve avec le Capricorne, qui est favorable, il devient meilleur. — La Lime joint la mélancolie aux constellations heureuses ; elle ajoute la tristesse ou la démence aux constellations funestes. — Jupiter, qui donne les richesses et les honneurs, augmente les bonnes influences et dissipe à peu près les mauvaises. — Le Soleil ascendant donne les faveurs des princes ; il a sur les influences presque autant d’effet que Jupiter ; mais descendant il présage des revers.

Ajoutons que les Gémeaux, la Balance et la Vierge donnent la beauté par excellence ; le Scorpion, le Capricorne et les Poissons donnent une beauté médiocre. Les autres constellations donnent plus ou moins la laideur. — La Vierge, la Balance, le Verseau et les Gémeaux donnent une belle voix ; l’Écrevisse, le Scorpion et les Poissons donnent une voix nulle où désagréable. Les autres constellations n’ont pas d’influence sur la voix.

Si les planètes et les constellations se trouvent à l’orient à l’heure de l’horoscope, on éprouvera leur influence au commencement de la vie ou de l’entreprise ; on l’éprouvera au milieu si elles sont au haut du ciel, et à la fin si elles sont à l’occident.

Afin que l’horoscope ne trompe point, il faut avoir soin d’en commencer les opérations précisément à la minute où l’enfant est né, ou à l’instant-précis d’une affaire dont on veut savoir les suites. — Pour ceux qui n’exigent pas une exactitude si sévère, il y a des horoscopes tout dressés, d’après les constellations de la naissance. Voy. Horoscopes.

Tels sont en peu de mois, les principes de cet art, autrefois si vanté, si universellement répandu, et maintenant un peu tombé en désuétude. Les astrologues conviennent que le globe roule si rapidement, que la disposition des astres change en un moment. Il faudra donc, pour tirer les horoscopes, que les sages-femmes aient soin de regarder attentivement les horloges, de marquer exactement chaque point du jour, et de conserver à celui qui naît ses étoiles comme son patrimoine. « Mais combien de fois, dit Barclai, le péril des mères empêche-t-il ceux qui sont autour d’elles de songer à cela ! Et combien de fois ne se trouve-t-il là personne qui soit assez superstitieux pour s’en occuper ! Supposez, cependant, qu’on y ait pris garde, si l’enfant est longtemps à naître, et si, ayant montré la tête, le reste du corps ne paraît pas de suite, comme il arrive, quelle disposition des astres sera funeste ou favorable ? sera-ce celle qui aura présidé à l’apparition de la tôle, ou celle qui se sera rencontrée quand l’enfant est entièrement né ?… »

Astrologues. Voici quelques anecdotes sur le compte des astrologues : Un valet, ayant volé son maître, s’enfuit avec l’objet dérobé. On mit des gens à sa poursuite, et, comme on ne le trouvait pas, on consulte un astrologue. Celui-ci, habile à deviner les choses passées, répondit que le valet s’était échappé parce que la lune s’était trouvée, à sa naissance, en conjonction avec Mercure, qui protégé les voleurs, et que de plus longues recherches seraient inutiles. Comme il disait ces mots, on amena le domestique, qu’on venait de prendre enfin, malgré la protection de Mercure.

Les astrologues tirent vanité de deux ou trois de leurs prédictions accomplies, quoique souvent, d’une manière indirecte, entre mille qui n’ont pas eu de succès, L’horoscope du poëte Eschyle portait qu’il serait écrasé par la chute d’une maison ; il s’alla, dit-on, mettre en plein champ, pour éviter sa destinée ; mais un aigle, qui avait enlevé une tortue, la lui laissa tomber sur la tête, et il en fut tué. Si ce conte n’a pas été fait après coup, nous répondrons qu’un aveugle, eu jetant au hasard une multitude de flèches, peut atteindre le but une fois par hasard. Quand il y avait en Europe des milliers d’astrologues qui faisaient tous les jours de nouvelles prédictions, il pouvait s’en trouver quelques-unes que l’événement, par cas fortuit, justifiait ; et celles-ci, quoique rares, entretenaient la crédulité que des millions de mensonges auraient du détruire.

L’empereur Frédéric-Barberousse, étant sur le point de quitter Vicence, qu’il venait de prendre d’assaut, défia le plus fameux astrologue de de-

 
Astrologues
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viner par quelle porte il sortirait le lendemain. Le charlatan répondit au défi par un tour de son métier : il remit à Frédéric un billet cacheté, lui recommandant de ne l’ouvrir qu’après sa sortie. L’empereur fit abattre, pendant la nuit, quelques toises de mur, et sortit par la brèche. Il ouvrit ensuite le billet, et ne fut pas peu surpris d’y lire ces mots : — « L’empereur sortira par la porte neuve. » C’en fut assez pour que l’astrologue et l’astrologie lui parussent infiniment respectables.

Un homme que les astres avaient condamné en naissant à être tué par un cheval avait grand soin de s’éloigner dès qu’il apercevait un de ces animaux. Or, un jour qu’il passait dans une rue, une enseigne lui tomba sur la tête, et il mourut du coup : c’était, dit le conte, l’enseigne d’une auberge où était représenté un cheval noir.

Mais il y a d’autres anecdotes : Un bourgeois de Lyon, riche et crédule, ayant fait dresser son horoscope, mangea tout son bien pendant le temps qu’il croyait avoir à vivre. N’étant pas mort à l’heure que l’astrologue lui avait assignée, il se vit obligé de demander l’aumône, ce qu’il faisait en disant : — «Ayez pitié d’un homme qui a vécu plus longtemps qu’il ne croyait. »

Une dame pria un astrologue de deviner un chagrin qu’elle avait dans l’esprit. L’astrologue, après lui avoir demandé l’année, le mois, le jour et l’heure de sa naissance, dressa, la figure de

 
Astrologues
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son horoscope, et dit beaucoup de paroles qui signifiaient peu de chose, lui dame lui donna une pièce de quinze sous. — « Madame, dit alors l’astrologue, je découvre encore dans Votre horoscope que vous n’êtes pas riche. — Cela est vrai, répondit-elle. — Madame, poursuivit-il on considérant de nouveau les figures des astres, n’avez-vous rien perdu ? — J’ai perdu, lui dit-elle, l’urgent que je viens de vous donner. »

Darah, l’un des quatre fils du Grand Mogol Schah-Géhan, ajoutait beaucoup de foi aux prédictions des astrologues. Un de ces doctes lui avait prédit, au péril de sa tête, qu’il porterait la couronne. Darah comptait là-dessus. Comme on s’étonnait que cet astrologue osât garantir sur sa vie un événement aussi incertain : — « Il arrivera de deux choses l’une, répondit-il, ou Darah parviendra au trône, et ma fortune est faite ; ou il sera vaincu : dès lors sa mort est certaine, et je ne redoute pas sa vengeance. »

Heggiage, général arabe sous le calife Valid, consulta, dans sa dernière maladie, un astrologue qui lui prédit une mort prochaine. — « Je compte tellement sur votre habileté, lui répondit Heggiage, que je veux vous avoir avec moi dans l’autre monde, et je vais vous y envoyer le premier, afin que je puisse me servir de vous dès mon arrivée. » Il lui fit couper la tête, quoique le temps fixé par les astres ne fut pas encore arrivé.

L’empereur Manuel, qui avait aussi des prétentions à la science de l’astrologie, mit en mer, sur la foi des astres, une flotte qui devait faire des merveilles et qui fut vaincue, brûlée et coulée bas.

Henri VII, roi d’Angleterre, demandait à un astrologue s’il savait où il passerait les fêtes de Woël. L’astrologue répondit qu’il n’en savait rien. — « Je suis donc plus habile que toi, répondit le roi, car je sais que tu les passeras dans la Tour de Londres. » Il l’y fit conduire en même temps. Il est vrai que c’était une mauvaise raison.

Un astrologue regardant au visage Jean Galéas, duc de Milan, lui dit : — « Seigneur, arrangez vos affaires, car vous ne pouvez vivre longtemps. — Comment le sais-tu ? lui demanda le duc. — Par la connaissance des astres. — Et toi, combien dois-tu vivre ? — Ma planète me promet une longue vie. — Oh bien ! tu vas voir qu’il ne faut pas se fier aux planètes ; » et il le fit pendre sur-le-champ.

Astronomancie, divination par les astres. C’est la même chose que l’astrologie.

Astyle, devin fameux dans l’histoire des Centaures. On trouvé dans Plutarque un autre devin nommé Astyphile. Voy. Cimon.

Asuman, l’ange de la mort, chez les Mages.

Asweith. Voy. Asmund.

Até, fille de la Discorde, divinité funeste dans la mythologie grecque.

Athénagore, philosophe platonicien, qui embrassa le christianisme au deuxième siècle. On peut lire son Traité de la résurrection dès morts, traduit du grec en français par Gaussart, prieur de Sainte-Foy, Paris, 1574, et par Duferrier, Bordeaux, 1577, in-8o.

Athénaïs, sibylle d’Érythrée. Elle prophétisait du temps d’Alexandre.

Athénodore, philosophe stoïcien du siècle d’Auguste. On conte qu’il y avait à Athènes une fort belle maison où personne n’osait demeurer, à cause d’un spectre qui s’y montrait la nuit. Athénodore, étant arrivé dans cette ville, ne s’effraya point de ce qu’on disait de la maison décriée, et l’acheta.

La première nuit qu’il y passa, étant occupé a écrire, il entendit tout à coup un bruit de chaînes, et il aperçut un vieillard hideux, chargé de fers, qui s’approchait de lui à pas lents. Il continua d’écrire, Le spectre l’appelant du doigt, lui fit signe de le suivre. Athénodore répondit à l’esprit, par un autre signe, qu’il le priait d’attendre, et continua son travail ; mais le spectre lit retentir ses chaînes à ses oreilles, et l’obséda tellement, que le philosophe, fatigué, se détermina a voir l’aventure. Il marcha avec le fantôme, qui disparut dans un coin de la cour, Athénodore étonné arracha une poignée de gazon pour reconnaître le lieu, rentra dans sa chambre, et, le lendemain, il lit part aux magistrats de ce qui lui était arrivé. On fouilla dans l’endroit indiqué ; on trouva les os d’un cadavre avec des chaînes, on lui rendit les honneurs de la sépulture, et, dès ce moment, ajoute-t-on, la maison fut tranquille[156]. Voy. Ayola et Arignote.

Atinius. Tite-Live raconté que, le matin d’un jour où l’on représentait les grands jeux, un citoyen de Rome conduisit un de ses esclaves à travers le cirque en le faisant battre de verges ; ce qui divertit ce grand peuple romain. Les jeux commencèrent à la suite de cette parade ; mais quelques jours après Jupiter Capitolin apparut la nuit, en songe, à un homme du peuple nommé Atinius[157], et lui ordonna d’aller dire de sa part aux consuls qu’il n’avait pas été content de celui qui menait la danse, aux derniers jeux, et que l’on recommençât la fête avec un autre danseur. — Le Romain, à son réveil, Craignit de se rendre ridicule en publiant ce songe, et le lendemain son fils, sans être malade, mourut subitement. La nuit suivante, Jupiter lui apparut de nouveau et lui demandai s’il se trouvait bien d’avoir méprisé l’ordre des dieux, ajoutant que s’il n’obéissait il lui arriverait pis. Atinius, ne s’étant pas encore décidé à parler aux magistrats, fut frappé d’une paralysie qui lui ôta l’usage de ses membres. Alors, il se fit porter en chaise au sénat, et raconta tout ce qui s’était passé. Il n’eut pas plutôt fini son récit, qu’il se leva, rendu à la santé. Toutes ces circonstances parurent miraculeuses. On comprit que le mauvais danseur était l’esclave battu. Le maître de cet infortuné fut recherché et puni ; on ordonna aussi de nouveaux jeux qui furent célébrés avec plus de pompe que les précédents. — An de Rome 265.

Atré, divinité ou plutôt démon des Anglo-Saxons, auxquels il ne faisait que du mal.

Atropos, l’une des trois Parques ; c’est elle qui coupait le fil. Hésiode la peint comme très-féroce ; on lui donne un vêtement noir, des traits ridés et un maintien peu séduisant.

Attila, dit le Fléau de Dieu, que saint Loup, évêque de Troyes, empêcha de ravager la Champagne. Comme il s’avançait sur Rome pour la détruire, il eut une vision : il vit en songe un vieillard vénérable, vêtu d’habits sacerdotaux, qui, l’épée nue au poing, le menaçait de le tuer s’il résistait aux prières du saint pape Léon. Le lendemain, quand le Pape vint lui demander d’épargner Rome, il répondit qu’il le ferait, et ne passa pas plus avant. Paul Diacre dit, dans le livre XV de son Histoire de la Lombardie, que ce vieillard merveilleux n’était autre, selon l’opinion générale, que saint Pierre, prince des apôtres. — Des légendaires ont écrit qu’Attila était fils du démon.

Attouchement, Pline dit que Pyrrhus guérissait les douleurs de rate en touchant les malades du gros doigt de son pied droit ; et l’empereur Adrien, en touchant les hydropiques du bout de l’index, leur faisait sortir l’eau du ventre. Beaucoup de magiciens et de sorciers ont su produire également des cures merveilleuses par le simple attouchement. Voy. Chaumes, Écrouelles, etc.

Aubigné (Nathan d’), en latin Albineus, fils du fameux huguenot d’Aubigné. Il était partisan de l’alchimie. Il a publié, sous le titre de Bibliothèque chimique, un recueil de divers traités, recherché par ceux qui croient à la pierre philosophale[158].

Aubrey (Jean), Alberius, savant antiquaire anglais, mort en 1700, Il a donné, en 1696, un livre intitulé Mélanges sur les sujets suivants : Fatalité de jours, fatalité de lieux, présages, songes, apparitions, merveilles et prodiges ; réimprimé en 1721, avec des additions.

Aubry (Nicole), jeune fille de Vervins, dont la possession a fait, très-grand bruit au treizième siècle. À l’âge de seize ans, étant allée prier sur la tombe de son père, l’esprit de cet homme lui apparut, sortant du tombeau, et lui prescrivit combien elle devait faire dire de messes pour le repos de son âme. Elle exécuta ponctuellement tout ce qui lui était recommandé ; mais, malgré son exacte, obéissance, elle n’en continua pas moins à être tous les jour visitée par cet esprit, qui finit-par lui-avouer qu’il était un démon. Ce démon la transporta en divers lieux et l’enleva même devant de nombreux témoins, ce qui fit reconnaître évidemment qu’elle en était possédée. L’évêque de Laon la fit exorciser, et ce fut pendant trois mois sans résultat. Dix hommes, et quelquefois plus, la tenaient durant les exorcismes, et elle leur était arrachée à la vue de la foule. Des notaires publics dressaient les procès-verbaux de ces faits, qui se sont répétés deux siècles plus tard sur la tombe du diacre Paris, et qui, dans l’une et l’autre affaire, ont été constatés dans toutes les formes et avec toutes les garanties désirables. La science humaine a barboté autour de ces monstrueux phénomènes sans pouvoir les expliquer. En même temps que cette puissance qui, dans une jeune fille, rendait vains les efforts de quinze ou seize hommes robustes, Nicole Aubry parlait plusieurs langues, découvrait les choses les plus secrètes et voyait ce qui se passait à quelques lieues d’elle.

Cette première période-des exorcismes avait eu lieu à Vervins ; l’évêque, étonné, fit venir la jeune fille à Laon, où il l’exorcisa lui-même dans la cathédrale remplie continuellement à ce sujet de dix à douze mille spectateurs. Ce n’était plus un seul démon qui s’était installé dans Nicole Aubry. C’était dès lors, sans aucun doute, par la permission de Dieu, toute une légion d’esprits mauvais ; et il y eut des scènes si étranges, que le Parlement de Paris et l’Université envoyèrent des commissaires à Laon ; le nonce du pape y vint aussi. Les démons, voyant ce concours, en devinrent plus insolents : ils insultaient les exorcistes et l’évêque lui-même ; mais ils ne ménageaient pas les protestants, qui demandèrent qu’on emprisonnât la possédée. Un médecin, de leur secte, ayant tenté de l’empoisonner, on ne les écouta points Les démons, malgré eux probablement, turlupinaient la réforme pur des sarcasmes si incisifs, qu’ils eurent pour résultat la conversion d’un grand nombre de calvinistes, parmi lesquels nous citerons Florimond de Rémond, qui a laissé un nom dans les sciences historiques. Les démons enfin furent vaincus et la jeune fille délivrée. On a dit qu’ils étaient au nombre de vingt-neuf, en tête desquels étaient Belzébut, qui était venu à elle sous la figure d’un taureau, Baltazo sous celle d’un mouton, Astaroth sous celle d’un porc, les autres sous forme de chats gros comme des brebis. — L’histoire de Nicole Aubry fut publiée par la Sorbonne, en français, en latin, en espagnol, en italien et en allemand. Elle avait tant de retentissement que Charles IX en voulut voir l’héroïne, qui lui fut présentée le 27 août 1506.

Cette histoire a été tellement dénaturée par les protestants, qui ont falsifie aussi de Loudun et quelques autres, qu’il est très-rare chez nous de la trouver exacte. Gorres l’a donnée, consciencieusement dans le tome IV de sa Mustique.

Audumla. Une étincelle de la lumière divine ayant fondu une portion des glaces de la Scandinavie, il naquit de cette goutte, la génisse Audumla, qui nourrit de son lait Imir né avec elle. Puis elle lécha des glaçons d’où sortit Bor ou Buri. (Mythologie Scandinave.)

Augerot d’Armore, sorcier. Voy. Chorropique.

Augures. Les augures étaient, chez les Romains, les interprètes des dieux. On les consultait avant toutes les grandes entreprises : ils jugeaient du succès par le vol, le chant et la façon de manger des oiseaux. On ne pouvait élire un magistrat, ni donner une bataille, sans avoir consulté l’appétit, des poulets sacrés ou les entrailles des victimes. Annibal pressant le roi Prusias de livrer bataille aux Romains, celui-ci s’en excusa en disant que les victimes s’y opposaient. — « C’est-à-dire, reprit Annibal, que vous préférez l’avis d’un mouton à celui d’un vieux général. »

Les augures prédisaient aussi l’avenir par le moyen du tonnerre et des éclairs, par les éclipses et par les présages qu’on tirait de l’apparition des comètes. Les savants n’étaient pas dupes de leurs cérémonies, et Cicéron disait qu’il ne concevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire.

Quelques-uns méprisèrent, il est vrai, la science des augures ; mais ils s’en trouvèrent mal, parce que le peuple la respectait. On vint dire à Claudius Pulcher, prêt à livrer bataille aux Carthaginois, que les poulets sacrés refusaient de manger. — « Qu’on les jette à la mer, répondit-il, s’ils ne mangent pas, ils boiront. » Mais Famée fût indignée de ce sacrilège, et Claudius perdit la bataille[159].

Les oiseaux ne sont pas, chez nos bonnes gens, dépourvus du dori de prophétie. Le cri de la chouette annonce la mort ; le chant du rossignol promet de la joie ; le coucou donne de l’argent, quand on porte sur soi quelque monnaie le premier jour qu’on a le bonheur de l’entendre, etc.

Si une corneille vole devant vous, dit Cardan, elle présage un malheur futur ; si elle vole à droite, un malheur présent ; si elle vole à gauche, un malheur qu’on peut éviter par la prudence ; si elle vole sur votre tête, elle annonce la mort, pourvu toutefois qu’elle croasse ; si elle garde le silence, elle ne présage rien…

On dit que la science des augures passa des Chaldéens chez les Grecs, et ensuite chez les Romains. Elle est défendue aux Juifs par le chapitre xxix du Lévitique.

Gaspard Peucer dit que les augures se

 
Augures
Augures
Augures.
 
prenaient de cinq choses : 1o du ciel ; 2o des oiseaux ; 3o des bêtes à deux pieds ; 4o des bêtes à quatre pieds ; 5o de ce qui arrive au corps humain, soit dans la maison, soit hors de la maison.

Mais les anciens livres auguraux, approuvés par Maggioli dans le deuxième colloque du supplément a ses Jours caniculaires, portent les objets d’augures a douze chefs principaux, selon le nombre des douze signes du zodiaque : 1o l’entrée d’un animal sauvage ou domestique dans une maison ; 2o la rencontre d’un animal sur la route ou dans la rue ; 3o la chute du tonnerre ; 4o un rat qui mange une savate, un renard qui étrangle une poule, un loup qui emporte une brebis, etc. ; 5o un bruit inconnu entendu dans la maison, et qu’on attribuait à quelque lutin ; 6o le cri de la corneille ou du hibou, un oiseau qui tombe sur le chemin, etc. ; 7o un chat ou tout autre animal qui entre par un trou dans la maison : on le prenait pour un mauvais génie ; 8o un flambeau qui s’éteint tout seul, ce que l’on croyait une malice d’un démon ; 9o le feu qui pétillé. Les anciens pensaient que Vulcain leur parlait alors dans le foyer ; 10o ils Liraient encore divers présages lorsque la flamme étincelait d’une manière extraordinaire ; 11o lorsqu’elle bondissait, ils s’imaginaient que les dieux Lares s’amusaient à l’agiter ; 12° enfin, ils regardaient comme un motif d’augure une tristesse qui leur survenait tout à coup.

Nous avons conservé quelques traces de ces superstitions, qui ne sont pas sans poésie.

Les Grecs modernes tirent des augures du cri des pleureuses à gages. Ils disent que si l’on entend braire un âne à jeun, on tombera infailliblement de cheval dans la journée, — pourvu toutefois qu’on aille à cheval. Voy. Ornithomancie, Aigle, Corneille, Hibou, Aruspices, etc.

Auguste. Leloyer rapporte, après quelques anciens, que la mère de l’empereur Auguste, étant enceinte de lui, eut un songe où il lui sembla que ses entrailles étaient portées dans le ciel, ce qui présageait la future grandeur de son fils. Ce nonobstant, d’autres démonographes disent, qu’Auguste était enfant du diable. — Les cabalistes n’ont pas manqué de faire de ce diable une salamandre.

Auguste était superstitieux ; Suétone rapporte[160] que, comme on croyait de son temps que la peau d’un veau marin préservait de la foudre, il était toujours muni d’une peau de veau marin. Il eut encore la faiblesse de croire qu’un poisson qui sortait de la mer, sur le rivage d’Actium, lui présageait le gain d’une bataille. Suétone ajoute qu’ayant ensuite rencontré un ânier, il lui demanda le nom de son âne ; que l’ânier lui ayant répondu que son âne s’appelait Nicolas, qui signifie vainqueur des peuples, il ne douta plus de la victoire ; et que, par la suite, il fit ériger des statues d’airain à Panier, à l’âne et au poisson sautant. Il dit même que ces statues furent placées dans le Capitole.

On sait qu’Auguste fut proclamé dieu de son vivant, et qu’il eut des temples et des prêtres[161].

Augustin (saint), évêque d’Hippone, l’un des plus illustres Pères de l’Église. On lit dans Jacques de Varasc une gracieuse légende sur ce grand saint :

Un jour qu’il était plongé dans ses méditations, il vit passer devant lui un démon qui portait un livre énorme sur ses épaules. Il l’arrêta et lui demanda à voir ce que contenait ce livre. — C’est le registre dé tous les péchés des hommes, répond le démon ; je les ramasse où je les trouve, et je les écris à leur place pour savoir plus aisément ce que chacun me doit. — Montrez-moi, dit le pieux évêque d’Hippone, quels péchés j’ai faits depuis ma conversion ?… Le démon ouvrit le livre, et chercha l’article de saint Augustin, où il ne trouva que cette petite note : — « il a oublié tel jour de dire les compiles, » Le prélat ordonna au diable de l’attendre un moment ; il se-rendit à l’église, récita les complies, et revint auprès du démon, à qui il demanda de lire une seconde fois sa note. Elle se trouva effacée. — Ah ! vous m’avez joué, s’écria le diable,… mais on ne m’y reprendra plus… En disant ces mots, il s’en alla peu content.

Nous avons dit que saint Augustin avait réfuté le petit livre du Démon de Socrate, d’Apulée. On peut lire aussi de ce Père le traité de l’Antéchrist et divers chapitres de son admirable ouvrage de la Cité de Dieuqui ont rapport au genre de merveilles dont nous nous occupons.

Aumône. Le peuple croit, en Angleterre, que, pour les voyageurs qui ne veulent pas s’égarer dans leur route, c’est une grande imprudence de passer auprès d’une vieille femme sans lui donner l’aumône, surtout quand elle regarde en face celui dont elle sollicite la pitié[162]. — Cette opinion, nous n’aurons pas le courage de la condamner.

Aupetit (Pierre), prêtre border du village de Fossas, paroisse de Paias, près la ville-de Chalus, en Limousin, exécuté à l’âge de cinquante ans, le 25 mai 1598. — Il ne voulut pas d’abord répondre au juge civil ; il en fut référé au parlement de Bordeaux, qui ordonna que le juge laïque connaîtrait de cette affairé, sauf à s’adjoindre un juge d’église. L’évêque de Limoges envoya un membre de l’officialité pour assister, avec le vice-sénéchal et le conseiller Peyrat, à l’audition du sorcier. — Interrogé s’il n’a pas été au sabbat de Mendras, s’il n’a pas vu Antoine Dumons de Saint-Laurent, chargé de fournir des chandelles pour l’adoration du diable ; si lui, Pierre Aupetit, n’a pas tenu le fusil pour les allumer, etc. ; il a répondu que non, et qu’à l’égard du diable, il priait Dieu de le garder de sa figure : ce qui était le langage ordinaire des sorciers. — Interrogé s’il ne se servait pas de graisses, et si, après le sabbat, il n’avait pas lu dans un livre pour faire venir une troupe de cochons qui criaient et lui répondaient : « Tiran, tiran, ramassien, ramassien, nous réclamons cercles et cernes pour faire l’assemblée que nous t’avons promise ; » il a répondu qu’il, ne savait ce qu’on lui demandait. — Interrogé s’il ne sait, pas embarrer ou désembarrer, et se rendre invisible étant prisonnier, il répond que non. — Interrogé s’il sait dire des messes pour obtenir la guérison des malades, il répond qu’il en sait dire en l’honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur et de M. saint Côme.

Pour tirer de lui la vérité, selon les usages d’alors, on le menaça de la question. Il avoua alors qu’il était allé au sabbat ; qu’il lisait dans le grimoire ; que le diable, en forme de mouton, plus noir que blanc, se faisait baiser le derrière ; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait appris le secret d’embarrer, d’étancher et d’arrêter le sang ; que son démon ou esprit familier s’appelait Belzébut, et qu’il avait reçu en cadeau son petit doigt. Il déclara qu’il avait dit la messe en l’honneur de Belzébut, et qu’il savait embarrer en invoquant le nom du diable et en mettant un liard dans uñe aiguillette ; il dit, de plus, que le diable parlait en langage vulgaire aux sorciers, et que, quand il voulait envoyer du mal à quelqu’un, il disait ces mots : « Vach, vech, stet, sty, stu ! » Il persista jusqu’au supplice dans ces ridicules révélations, mêlées d’indécentes grossièretés[163]. Pour comprendre ces choses, voy. Sabbat.

Aurinie, druidesse dont les Germains vénéraient grandement la mémoire. Elle est antérieure à Velléda.

Aurore boréale, espèce de nuée rare, transparente, lumineuse., qui paraît la nuit, du côté du nord. On ne saurait croire, dit Saint-Foix, sous combien de formes l’ignorance et la superstition des siècles passés nous ont présenté l’aurore boréale. Elle produisait des visions différentes dans l’esprit des peuples, selon que ces apparitions étaient plus ou moins fréquentes, c’est-à-dire selon qu’on habitait des pays plus ou moins éloignés du pôle. Elle fut d’abord un sujet d’alarmes pour les peuples du Nord ; ils crurent leurs campagnes en feu et l’ennemi à leur porte. Mais ce phénomène devenant presque journalier, ils s’y sont accoutumés. Ils disent que ce sont des esprits qui se querellent et qui combattent dans les airs. Cette opinion est surtout très-accréditée en Sibérie.

Les Groënlandais, lorsqu’ils voient une aurore boréale, s’imaginent que ce sont les âmes qui jouent à la boule dans le ciel, avec une tête de baleine. Les habitants des pays qui tiennent le milieu entre les terres arctiques et l’extrémité méridionale de l’Europe n’y voient que des sujets tristes ou menaçants, affreux ou terribles ; ce sont dès armées en feu qui se livrent de sanglantes batailles, des têtes hideuses séparées de leurs troncs, des chars enflammés, des cavaliers qui se percent de leurs lances. On croit voir des pluies de sang ; on entend le bruit de la mousqueterie, le son des trompettes, présages funestes de guerre et de calamités publiques.

Voilà ce que nos pères ont aussi vu et entendu dans les aurores boréales. Faut-il s’étonner, après cela, des frayeurs affreuses que leur causaient ces sortes de nuées quand elles paraissaient ? — La Chronique de Louis XI rapporte qu’en 1465 on aperçut à Paris une aurore boréale qui fit paraître toute la ville en feu. Les soldats qui faisaient le guet en furent épouvantés, et un homme en devint fou. On en porta la nouvelle au roi, qui monta à cheval et courut sur les remparts. Le bruit se répandit que les ennemis qui étaient devant Paris se retiraient et mettaient le feu, à la ville. Tout le monde se rassembla en désordre, et on trouva que ce grand sujet de terreur n’était qu’un phénomène.

Ausitif, démon peu connu, qui est cité dans la possession de Loudun.

Auspices, augures qui devinaient surtout par le vol et le chant des oiseaux. Voy. Augures, Aruspices, etc.

Automates. On croyait autrefois que ces ouvrages de l’art étaient l’œuvre du démon. Voy. Albert le Grand, Bacon, Enchantements, etc.

Autopsie, espèce d’extase où des fous se croyaient en commerce avec les esprits.

Autruche. Il est bien vrai qu’elle avale du fer, car elle avale tout ce qu’elle rencontre ; mais il n’est pas vrai qu’elle le-digère, et l’expérience a détruit cette opinion erronée[164]. — Les traditions du moyen âge donnaient pour père à l’autruche un cygne et pour mère une chamelle.

Autun (Jacques d’). Voy. Chevannes.

Auxonne. On trouve dans le onzième tome des Causes célèbres l’histoire d’une possession qui eut lieu à Auxonne, au milieu du dix-septième siècle ; et l’attestation des faits a été signée par l’archevêque de Toulouse, l’évêque de Rennes, l’évêque de Rodez, l’évêque de Châlons-sur-Saône et par F. Morel, N. Cornet, Ph. Leroy, N. Grandin, tous docteurs de Sorbonne. Dix-huit femmes, les unes religieuses, les autres dû monde, se sont trouvées possédées, comme le reconnaissent les vénérables signataires de l’acte que nous citons, lequel porte la daté du 20 janvier 1652. La possession avait duré dix ans, avec des phases diverses. Toutes ces filles étaient pieuses et de mœurs pures. C’était donc une série d’épreuves. On nomme dans la déclaration authentique des faits Anne l’Écossaise, appelée sœur de la Purification ; Denise Parisot, servante du lieutenant général d’Auxonne ; la sœur M. Janini ; la sœur Humberte de Saint-François ; la sœur Marguerite de l’Enfant Jésus ; la sœur L. Arivey.

 
Auxonne
Auxonne
 
Elles étaient agitées de convulsions lorsqu’il leur fallait se confesser ; elles frémissaient à la vue du Saint-Sacrement ; elles proféraient des blasphèmes ; elles se sentaient enlevées, courbées en deux ; elles se frappaient le crâne aux piliers de l’église sans en rien souffrir. Elles étaient insensibles aux piqûres, aux brûlures. Lorsque les exorcismes eurent obtenu leur délivrance, l’une d’elles vomit un gros crapaud ; Anne l’Écossaise vomit un morceau de drap enveloppé d’un cercle de cuir ; une autre rejeta un rouleau de taffetas sur lequel étaient des caractères. L’évêque de Châlons-sur-Saône ayant ordonné au démon qui possédait Denise de sortir par une vitre qu’il lui désigna, la vitre se brisa aussitôt. Il se fit ainsi de ces choses qui sont au-dessus des forces humaines et qui ne peuvent être qu’œuvres de démons. — Personne, jusqu’ici, n’a contesté ces récits que nous ne donnons qu’en sommaire.

Avarice. Ce vice infâme a souvent amené des

 
Avarice
Avarice
 

possessions. Voy. Fischer et les Légendes des péchés capitaux.

Avenar, astrologue qui promit aux Juifs, sur la foi des planètes, que leur Messie arriverait sans faute en 1414, ou, au plus tard, en 1464. Il donnait pour ses garants Saturne, Jupiter, l’Écrevisse et les Poissons. Tous les Juifs tinrent leurs fenêtres ouvertes pour recevoir l’envoyé de Dieu, qui n’arriva pas, soit que l’Écrevisse eût reculé, soit que les Poissons d’Avenar ne fussent que des poissons d’avril[165].

Avenir. C’est pour en pénétrer les secrets qu’on a inventé tant de moyens de dire la bonne aventure. Toutes les divinations ont principalement pour objet de connaître l’avenir.

Averne, marais consacré à Pluton, près de Bayes. Il en sortait des exhalaisons si infectes, qu’on croyait que c’était l’entrée des enfers.

Averroès, médecin arabe et le plus grand philosophe de sa nation, né à Cordoue dans le douzième siècle. Il s’acquit une si belle réputation de justice, de vertu, et de sagesse, que le roi de Maroc le fit jugé de toute la Mauritanie. Il traduisit Aristote en arabe, et composa plusieurs ouvrages sur la philosophie et la médecine. Quelques démonographes ont voulu le mettre au nombre des magiciens et lui donner un démon familier. Malheureusement, Averroès était un épicurien, mahométan pour la forme, et ne croyait pas à l’existence des démons[166]. L’empereur de Maroc, un jour, lui fit faire amende honorable à la porte d’une mosquée, où tous les passants eurent permission de lui cracher au visage, pour avoir dit que la religion de Mahomet était une religion de pourceaux.

 
Averroès
Averroès
Averroès.
 

Aveux des sorciers. Les ennemis de l’Église disent que les aveux des sorciers ont été d’ordinaire, obtenus par la torture ; ce qui n’est pas exact. Les aveux tacites sont sans nombre. Ceux qui sont au diable, par possession ou, pacte, ne peuvent voir un prêtre, sans frémir, ni assistera la messe, ni rien supporter de ce qui est a Dieu. Ensuite la torture n’a jamais été exercée par l’Église, mais seulement par la puissance civile.

Avicenne, célèbre médecin arabe, mort vers le milieu du onzième siècle, fameux par le grand nombre et l’étendue de ses ouvrages, et par sa vie aventureuse. On peut, en quelque sorte, le comparer à Agrippa. Les Arabes croient qu’il maîtrisait les esprits et qu’il, se faisait servir par des génies. Comme il rechercha la pierre philosophale, on dit encore, dans plusieurs contrées de l’Arabie, qu’il n’est pas mort ; mais que, grâce à l’élixir de longue vie et à l’or potable, il vit dans une retraite ignorée avec une grande puissance. — Il a composé divers livres d’alchimie recherchés, des songe-creux. Son traité de la Congélation de la pierre et son Tractatulus de alchimia se trouvent dans les deux premiers volumes de l’Ars aurifera, Bâle, 1610. Son Ars chimica a été imprimé à Berne, 1572. On lui attribue encore deux opuscules hermétiques insérés dans le Theatrum chimicum, et un volume in-8o, publié à Bâle, en 1572, sous le titre de la Porte des éléments, Porta elementorum. — Les livres de secrets merveilleux s’appuient souvent du nom d’Avicenne pour les plus absurdes recettes.

Axaphat, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Axinomancie, divination par le moyen d’une hache ou cognée de bûcheron. François de Torre-Blanca, qui en parle[167], ne nous dit pas comment les devins maniaient la hache. Nous ne ferons donc connaître que les deux moyens employés ouvertement dans l’antiquité et pratiqués encore dans certains pays du Nord.

1o Lorsqu’on veut découvrir un trésor, il faut se procurer une agate ronde, faire rougir au feu le fer de la hache, et la poser de manière que le tranchant soit bien perpendiculairement en l’air. On place la pierre d’agate sur le tranchant. Si elle s’y tient, il n’y a pas de trésor ; si elle tombe, elle roule avec rapidité. On la replace trois fois, et si elle roule trois fois vers le même lieu, c’est qu’il y a un trésor dans ce lieu même ; si elle prend à chaque fois une route différente, on peut chercher ailleurs.

2o Lorsqu’on veut découvrir des voleurs, on pose la hache à terre ; le fer en bas et le bout du manche perpendiculairement en l’air ; on danse en rond alentour jusqu’à ce que le bout du manche s’ébranle et que la hache s’étende sur le sol : le bout du manche indique la direction qu’il faut prendre pour-aller à la recherche des voleurs. Quelques-uns disent que pour cela il faut que le fer de la hache soit fiché en un pot rond : « Ce qui est absurde tout à fait, comme dit Delancre[168] ; car quel moyen de ficher une cognée dans un pot rond, non plus que coudre ou rapiécer ce pot, si la cognée l’avait une fois mis en pièces ? »

Aym. Voy. Haborym.

Aymar (Jacques), paysan né à Saint-Véran, en Dauphiné, le 8 septembre 1662, entre minuit et une heure. De maçon qu’il était, il se rendit célèbre par l’usage de la baguette divinatoire. Quelques-uns, qui donnaient dans l’astrologie, ont attribué son rare talent à l’époque précise de sa naissance ; car son frère, né dans le même mois, deux ans plus tard, ne pouvait rien faire avec la baguette. Voy. Baguette divinatoire.

Aymon (les quatre fils). Siècle de Charlemagne. Ils avaient un cheval merveilleux. Voy. Bayard.

Aynas, mauvais démons, ennemis des Coudais, qui sont les dieux des Tartares.

Ayola (Vasques de). Vers 1570, un jeune homme nommé Vasques de Ayola étant allé à Bologne, avec deux de ses compagnons, pour y étudier en droit, et n’ayant pas trouvé de logement dans la ville, ils habitèrent une grande et belle maison, abandonnée parce qu’il y revenait un spectre qui épouvantait tous ceux qui osaient y loger ; mais ils se moquèrent de tous ces récits et s’y installèrent.

Au bout d’un mois, Ayola veillant un soir seul dans sa chambre, et ses compagnons dormant tranquillement dans leurs lits, il entendit de loin un bruit de chaînes, qui s’approchait et qui semblait venir de l’escalier de la maison ; il se recommanda à Dieu, prit un bouclier, une épée, et, tenant sa bougie en main, il attendit le spectre, qui bientôt ouvrit la porte et parut. C’était un squelette qui n’avait que les os ; il était, avec cela, chargé de chaînes. Ayola lui demanda ce qu’il souhaitait. Le fantôme, selon l’usage, lui fit signe de le suivre. En descendant l’escalier, la bougie s’éteignit. Ayola eut le courage d’aller la rallumer, et marcha derrière le spectre, qui le mena le long d’une cour où il y avait un puits. Il craignit qu’il ne voulût l’y précipiter, et s’arrêta. L’esprit lui fit signe de continuer à le suivre ; ils entrèrent dans le jardin, où la vision disparut. — Le jeune homme arracha quelques poignées d’herbe, pour reconnaître l’endroit ; il alla ensuite raconter à ses compagnons ce qui lui était arrivé, et, le lendemain matin, il en donna avis aux principaux de Bologne. Ils vinrent sur les lieux et y firent fouiller. On trouva un corps décharné, chargé de chaînes. On s’informa qui ce pouvait être ; mais on ne put rien découvrir de certain. On fit faire au mort des obsèques convenables ; on l’enterra, et depuis ce temps la maison ne fut plus inquiétée. Ce fait est rapporté par Antoine de Torquemada, dans son Hexaméron.

Ayperos, comte de l’empire infernal. C’est le même qu’Ipès. Voy. ce mot.

Azael, l’un des anges qui se révoltèrent contre Dieu. Les rabbins disent qu’il est enchaîné sur des pierres pointues, dans un endroit obscur du désert, en attendant le jugement dernier.

Azariel, ange qui, selon les rabbins du Talmud, a la surintendance des eaux de la terre. Les pêcheurs l’invoquent pour prendre de gros poissons.

Azazel, démon du second ordre, gardien du bouc. À la fête de l’Expiation, que les Juifs célébraient le dixième jour du septième mois[169], on

 
Azazel
Azazel
 
amenait au grand prêtre deux boucs qu’il tirait au sort : l’un pour le Seigneur, l’autre pour Azazel Celui sur qui tombait le sort du Seigneur était immolé, et son sang servait pour l’expiation. Le grand prêtre niellait ensuite ses deux mains sur la tête de l’autre, confessait ses péchés et ceux du peuple, en chargeait cet animal, qui était alors conduit dans le désert et mis en liberté ; et le peuple, ayant laissé au bouc d’Azazel, appelé aussi le bouc émissaire, le soin de ses iniquités, s’en retournait en silence. — Selon Milion, Azazel est le premier porte-enseigne des armées infernales. C’est aussi le nom du démon dont se servait, pour ses prestiges, l’hérétique Marc.

Azer, ange du feu élémentaire, selon les Guèbres. Azer est encore le nom du père de Zoroastre.

Aziel, l’un des démons évoqués par Faust.

Azote. L’aspiration de l’oxyde d’azote fait sur les sens l’effet du haschisch sur le cerveau. Elle amène des illusions.

Azourcheb, selon les traditions des mages de la Perse, est le plus grand de tous les anges. Il avait un temple à Balkh, dans le Korassan.

Azraël ou Azraïl, ange de la mort. On conte que cet ange, passant un jour sous une forme visible auprès de Salomon, regarda fixement un homme assis à côté de lui. Cet homme demanda qui le regardait ainsi, et, ayant appris de Salomon que c’était l’ange de la mort : — « Il semble m’en vouloir, dit-il ; ordonnez, je vous prie, au vent de m’emporter dans l’Inde. » — Ce qui fut fait aussitôt. Alors l’ange dit à Salomon : — « Il n’est pas étonnant que j’aie considéré cet homme avec tant d’attention : j’ai ordre d’aller prendre son âme dans l’Inde, et j’étais surpris de le trouver près de toi, en Palestine… » — Voy. Mort, Âme, etc. — Mahomet citait cette histoire pour prouver que nul ne peut échapper à sa destinée. — Azraël est différent d’Asrafil.



B

Baal, grand-duc dont la domination est très-étendue aux enfers. Quelques démonomanes le désignent comme général en chef des armées infernales. Il était alors adoré des Chananéens, des Carthaginois, des Chaldéens, des Babyloniens et des Sidoniens ; il le fut aussi des Israélites lorsqu’ils tombèrent dans l’idolâtrie. On lui offrait des victimes humaines. On voit dans Arnobe que ses adorateurs ne lui donnaient point de sexe déterminé. Souvent, en Asie, il a été pris pour le soleil.

Baalbérith, démon du second ordre, maître ou seigneur de l’alliance. Il est, selon quelques démonomanes, secrétaire général et conservateur des archives de l’enfer. Les Phéniciens, qui l’adoraient, le prenaient à témoin de leurs serments. Beaucoup de ces idoles étaient des démons dont le nom Baal signifiait dieu ou roi. Il y avait Baalgad, qui donnait la fortune ; Baalpharas, qui était malfaisant ; Baalsemen, qu’on disait trônant dans les deux, ce qui n’était pas vrai ; Baalzrépho, qu’on plaçait en sentinelle aux frontières, aussi selon les démonographes.

Baaltein. Le voyageur Pennant dit qu’il reste dans quelques pays du Nord un reste du culte de Baal ou Bel ; il y vit la cérémonie du Baaltein ou Bellane qui se fait le 1er mai. On fait cuire au four, avec certaines cérémonies, un gâteau que l’on distribue par-portions éparses aux oiseaux de proie, afin qu’ils épargnent les troupeaux.

Baalzephon
Baalzephon

Baalzephon est le capitaine des gardes ou sentinelles de l’enfer. Les Égyptiens l’adoraient et lui reconnaissaient le pouvoir d’empêcher leurs esclaves de s’enfuir. Néanmoins, disent les rabbins, c’est pendant un sacrifice que Pharaon faisait à cette idole que les Hébreux passèrent la mer Rouge, et on lit dans le Targum que l’ange exterminateur, ayant brisé les statues de tous les autres dieux, ne laissa debout que celle de Baalzephon.

Baaras, plante merveilleuse, que les Arabes appellent herbe d’or, et qui croît sur le mont Liban. Ils disent qu’elle paraît au mois de mai, après la fonte des neiges. La nuit, elle jette de la clarté comme un petit flambeau ; mais elle est invisible le jour ; et même, ajoutent-ils, les feuilles qu’on a enveloppées dans des mouchoirs disparaissent, ce qui leur fait croire qu’elle est ensorcelée, d’autant plus qu’elle transmue les métaux en or, qu’elle rompt les charmes et les sortilèges, etc. — Josèphe, qui admet beaucoup d’autres contes, parle de cette plante dans la guerre des Juifs[170]. « On ne la saurait toucher sans mourir, dit-il, si on n’a dans la main de la racine de la même plante ; mais on a trouvé un moyen de la cueillir sans péril : on creuse la terre tout alentour, on attache à la racine mise à nu un chien qui, voulant suivre celui qui l’a attaché, enlève la plante et meurt aussitôt. Après cela, on peut la manier sans danger. Les démons qui s’y logent, et qui sont les âmes des méchants, tuent ceux qui s’en emparent autrement que par le moyen qu’on vient d’indiquer ; et, ce qui d’un autre côté n’est pas moins merveilleux, ajoute encore Josèphe, c’est qu’on met en fuite les démons des corps des possédés aussitôt qu’on approche d’eux la plante baaras. »

Babailanas. Voy. Catalonos.

Babau, espèce d’ogre ou de fantôme dont les nourrices menacent les petits enfants dans les provinces du midi de la France, comme on les effraye à Paris de Croquemitaine, et en Flandre de Pier-Jan Claes, qui est Polichinelle. Mais Babau ne se contente pas de fouetter, il mange en salade les enfants qui sont méchants.

Babel. La tour de Babel fut élevée cent quinze ans après le déluge universel. On montre les ruines ou les traces de cette tour auprès de Bagdad. — On sait que sa construction amena la confusion des langues. Le poëte juif Emmanuel, à propos de cette confusion, explique dans un de ses sonnets comment le mot sac est resté dans tous les idiomes. « Ceux qui travaillaient à la tour de Babel avaient, dit-il, comme nos manœuvres, chacun un sac pour ses petites provisions. Quand le Seigneur confondit leurs langages, la peur les ayant pris, chacun voulut s’enfuir, et demanda son sac. On ne répétait partout que ce mot, et c’est ce qui l’a fait passer dans toutes les langues qui se formèrent alors. »

Babinet (M.), l’un de nos savants les plus forts et les plus spirituels. Cependant il s’est permis quelques excentricités. Par exemple, dans son admiration devant nos progrès, il annonce qu’un jour l’homme actuel ne sera que le chien de l’homme plus perfectionné qui doit venir. Ne soyons donc pas trop fiers.

Bacchus. Nous ne rapporterons pas ici les fables dont l’ancienne mythologie a orné son histoire. Nous ne faisons mention de Bacchus que parce que les démonographes le regardent comme l’ancien chef du sabbat fondé par Orphée ; ils disent qu’il le présidait sous le nom de Sabasius. « Bacchus, dit Leloyer, n’était qu’un démon épouvantable et nuisant, ayant cornes en tête et javelot en main. C’était le maître guide-danse[171], et dieu des sorciers et des sorcières ; c’est leur chevreau, c’est leur bouc cornu, c’est le prince des bouquins, satyres et silènes. Il apparaît toujours aux sorciers ou sorcières, dans leurs sabbats, les cornes en tête ; et hors des sabbats, bien qu’il montre visage d’homme, les sorcières ont toujours confessé qu’il a le pied difforme, tantôt de corne solide comme ceux du cheval, tantôt fendu comme ceux du bœuf[172]. »

Les sorciers des temps modernes l’appellent plus généralement Léonard, ou Satan, ou le bouc, ou maître Rigoux.

Ce qui sans doute appuie cette opinion que le démon du sabbat est le même que Bacchus, c’est le souvenir des orgies qui avaient lieu aux bacchanales.

Bacis, devin de Béotie. Plusieurs de ceux qui se mêlèrent de prédire les choses futures portèrent ce même nom de Bacis[173]. Leloyer dit que les Athéniens révéraient les vers prophétiques de leurs bacides, « qui étaient trois insignes sorciers très-connus[174] ».

Bacon (Roger) parut dans le treizième siècle. C’était un cordelier anglais. Il passa pour magicien, quoiqu’il ait écrit contre la magie, parce qu’il étudiait la physique et qu’il faisait des* expériences naturelles. Il est vrai pourtant qu’il y a dans ses écrits de singulières choses, et qu’il voulut élever l’astrologie judiciaire à la dignité de la science. On lui attribue l’invention de la poudre. Il paraîtrait même qu’on lui doit aussi les télescopes et les lunettes à longue vue. Il était versé dans les beaux-arts, et surpassait tous ses contemporains par l’étendue de ses connaissances et par la subtilité de son génie. Aussi on publia qu’il devait sa supériorité aux démons, avec qui il commerçait.

Cet homme savant croyait donc à l’astrologie et à la pierre philosophale. Delrio, qui n’en fait pas un magicien, lui reproche seulement des superstitions. Par exemple, François Pic dit avoir lu dans son livre des six sciences qu’un homme pouvait devenir prophète et prédire des choses futures par le moyen d’un miroir, que Bacon nomme almuchefi, composé suivant les règles de perspective ; pourvu qu’il s’en serve, ajoute-t-il, sous une bonne constellation, et après avoir tempéré son corps par l’alchimie.

Cependant Wierus accuse Bacon de magie goétique, et d’autres doctes assurent que l’Antéchrist se servira de ses miroirs magiques pour faire des miracles.

Bacon se fit, dit-on, comme Albert le Grand, un androïde. C’était, assurent les conteurs, une tête de bronze qui parlait distinctement, et même qui prophétisait. On ajoute que, l’ayant consultée pour savoir s’il serait bon d’entourer l’Angleterre d’un gros mur d’airain, elle répondit : Il est temps.

Un savant de nos jours (M. E. J. Delécluze) a publié sur Bacon une remarquable notice, qui le pose justement parmi les intelligences supérieures.

Les curieux recherchent, de Roger Bacon, le petit traité intitulé Speculum alclhimiæ, traduit en français par J. Girard de Tournas, sous le titre de Miroir d’alchimie, in-12 et in-8o, Lyon, 1557 ; Paris, 1612. Le même a traduit l’Admirable puissance de l’art et de la nature, in-8o, Lyon, 1557 ; Paris, 1729. De potestate mirabili artis et naturæ.

On ne confondra pas Roger Bacon avec François Bacon, grand chancelier d’Angleterre, mort en 1626, que Walpole appelle « le prophète (un peu aventureux) des vérités que Newton est venu révéler aux hommes. »

Bacoti, nom commun aux devins et aux sorciers de Tonquin. On interroge surtout le bacoti pour savoir des nouvelles des morts. Il bat le tambour, appelle le mort à grands cris, se tait ensuite pendant que le défunt lui parle à l’oreille sans se laisser voir, et donne ordinairement de bonnes nouvelles, parce qu’on les paye mieux.

Bad, génie des vents et des tempêtes chez les Persans. Il préside au vingt-deuxième jour de la lune.

Baducke, plante dont on prétend que le fruit, pris dans du lait, glace les sens. Les magiciens l’ont quelquefois employé pour nouer l’aiguillette, Il suffit, dit-on, d’en faire boire une infusion à celui qu’on veut lier.

Badumna, fée ou elfe supérieure qui domine dans les forêts : mythologie Scandinave.

Baël, démon cité dans le Grand Grimoire, en tête des puissances infernales. C’est aussi par lui que Wiérus commence l’inventaire de sa fameuse Pseudomonarchia dœmonum. Il appelle Baël le premier roi de l’enfer ; ses États sont dans la partie orientale. Il se montre avec trois

 
Baël
Baël
 
têtes, dont l’une a la figure d’un crapaud, l’autre celle d’un homme, la troisième celle d’un chat. Sa voix est rauque ; mais il se bat très-bien. Il rend ceux qui l’invoquent fins et rusés, et leur apprend le moyen d’être invisibles au besoin. Soixante-six légions lui obéissent. — Est-ce le même que Baal ?

Bætiles, pierres que les anciens consultaient comme des oracles et qu’ils croyaient animées. C’étaient quelquefois des espèces de talismans. Saturne, pensant avaler Jupiter, dévora une de ces pierres emmaillottée. Il y en avait de petites, taillées en forme ronde, que l’on portait au cou ; on les trouvait sur des montagnes où elles tombaient avec le tonnerre.

Souvent les baetiles étaient des statues ou mandragores. On en cite de merveilleuses qui rendaient des oracles, et dont la voix sifflait comme celle des jeunes Anglaises. On assure même que quelques baetiles tombèrent directement du ciel ; telle était la pierre noire de Phrygie que Scipion Nasica amena à Rome en grande pompe.

On révérait à Sparte, dans le temple de Minerve Chalcidique, des baetiles de la forme d’un casque, qui, dit-on, s’élevaient sur l’eau au son de la trompette, et plongeaient dès qu’on prononçait le nom des Athéniens. On disait ces pierres trouvées dans l’Eurotas[175].

Bag, idole persane qui a donné son nom à la ville de Bagdad.

Bagoé, devineresse que quelques-uns croient être la sibylle Erythrée. C’est, dit-on, la première femme qui ait rendu des oracles. Elle devinait en Toscane, et jugeait surtout des événements par le tonnerre. Voy. Bigoïs.

Bague. Voy. Anneau.

Baguette divinatoire, rameau fourchu de coudrier, d’aune, de hêtre ou de pommier, à l’aide duquel on découvre les métaux, les sources cachées, les trésors, les malélices et les voleurs.

Il y a longtemps qu’une baguette est réputée nécessaire à certains prodiges. On en donne Une aux fées et aux sorcières puissantes. Médée, Circé, Mercure, Bacchus, Zoroastre, Pythagore, les sorciers de Pharaon, voulant singer la verge de Moïse, avaient une baguette ; Romulus prophétisait avec un bâton augurai. Les Alains et d’autres peuples barbares consultaient leurs dieux en fichant une baguette en terre. Quelques devins de village prétendent encore deviner beaucoup de choses avec la baguette. Mais c’est surtout à la fin du dix-septième siècle qu’elle fit le plus grand bruit : Jacques Aymar la mit en vogue en 1692. Cependant, longtemps auparavant, Delrio[176] avait indiqué, parmi les pratiques superstitieuses, l’usage d’une baguette de coudrier pour découvrir les voleurs ; mais Jacques Aymar opérait des prodiges si variés et qui surprirent tellement, que le père Lebrun[177] et le savant Malebranche[178] les attribuèrent au démon, pendant que d’autres les baptisaient du nom de physique occulte ou d’électricité souterraine.

Ce talent de tourner la baguette divinatoire n’est donné qu’à quelques êtres privilégiés. On peut éprouver si on l’a reçu de la nature ; rien n’est plus facile. Le coudrier est surtout l’arbre le plus propre. Il ne s’agit que d’en couper une branche fourchue, et de tenir dans chaque main les deux bouts supérieurs. En mettant le pied sur l’objet qu’on cherche ou sur les vestiges qui peuvent indiquer cet objet, la baguette tourne d’elle-même dans la main, et c’est un indice infaillible.

Avant Jacques Aymar on n’avait employé la baguette qu’à la recherche des métaux propres à l’alchimie. À l’aide de la sienne, Aymar fit des merveilles de tout genre. Il découvrait les eaux souterraines, les bornes déplacées, les maléfices, les voleurs et les assassins. Le bruit de ses talents s’étant répandu, il fut appelé à Lyon, en 1672, pour dévoiler un mystère qui embarrassait la justice. Le 5 juillet de cette même année, sur les dix heures du soir, un marchand de vin et sa femme avaient été égorgés à Lyon, enterrés dans leur cave, et tout leur argent avait été volé. Cela s’était fait si adroitement qu’on ne soupçonnait pas même les auteurs du crime. Un voisin fit venir Aymar. Le lieutenant criminel et le procureur du roi le conduisirent dans la cave. Il parut très-ému en y entrant ; son pouls s’éleva comme dans une grosse fièvre ; sa baguette, qu’il tenait à la main, tourna rapidement dans les deux endroits où l’on avait trouvé les cadavres du mari et de la femme. Après quoi, guidé par la baguette ou par un sentiment intérieur, il suivit les rues où les assassins avaient passé, entra dans la cour de l’archevêché, sortit de la ville par le pont du Rhône, et prit à main droite le long de ce fleuve. — Il fut éclairci du nombre des assassins en arrivant à la maison d’un jardinier, où il soutint opiniâtrement qu’ils étaient trois, qu’ils avaient entouré une table et vidé une bouteille sur laquelle la baguette tournait. Ces circonstances furent confirmées par l’aveu de deux enfants de neuf à dix ans, qui déclarèrent qu’en effet trois hommes de mauvaise mine étaient entrés à la maison et avaient vidé la bouteille désignée par le paysan. On continua de poursuivre les meurtriers avec plus de confiance. La trace de leurs pas, indiqués sur le sable par la baguette, montra qu’ils s’étaient embarqués. Aymar les suivit par eau, s’arrêtant à tous les endroits où les scélérats avaient pris terre, reconnaissant les lits où ils avaient couché, les tables où ils s’étaient assis, les vases où ils avaient bu.

Après avoir longtemps étonné ses guides, il s’arrêta enfin devant la prison de Beaucaire et assura qu’il y avait là un des criminels. Parmi les prisonniers qu’on amena, un bossu qu’on venait d’enfermer ce jour même pour un larcin commis à la foire fut celui que la baguette désigna. On conduisit ce bossu dans tous les lieux qu’Aymar avait visités : partout il fut reconnu.

En arrivant à Bagnols, il finit par avouer que deux Provençaux l’avaient engagé, comme leur valet, à tremper dans ce crime ; qu’il n’y avait pris aucune part ; que ses deux bourgeois avaient fait le meurtre et le vol, et lui avaient donné six écus et demi.

Ce qui sembla plus étonnant encore, c’est que Jacques Aymar ne pouvait se trouver auprès du bossu sans éprouver de grands maux de cœur, et qu’il ne passait pas sur un lieu où il sentait qu’un meurtre avait été commis sans se sentir l’envie de vomir.

Comme les révélations du bossu confirmaient les découvertes d’Aymar, les uns admiraient son étoile et criaient au prodige, tandis que d’autres publiaient qu’il était sorcier. Cependant on ne put trouver les deux assassins, et le bossu fut rompu vif.

Dès lors plusieurs personnes furent douées du talent de Jacques Aymar, talent ignoré jusqu’à lui. Des femmes mêmes firent tourner la baguette. Elles avaient des convulsions et des maux de cœur en passant sur un endroit où un meurtre avait été commis ; ce mal ne se dissipait qu’avec un verre de vin.

Aymar faisait tant de bruit, qu’on publia bientôt des livres sur sa baguette et ses opérations. M. de Vagny, procureur du roi à Grenoble, fit imprimer une relation intitulée Histoire merveilleuse d’un maçon qui, conduit par la baguette divinatoire, a suivi un meurtrier pendant quarante-cinq heures sur la terre, et plus de trente sur l’eau. Ce paysan devint le sujet de tous les entretiens. Des philosophes ne virent dans les prodiges de la baguette qu’un effet des émanations des corpuscules, d’autres les attribuèrent à Satan. Le père Lebrun fut de ce nombre, et Malebranche adopta son avis.

Le fils du grand Condé, frappé du bruit de tant de merveilles, fit venir Aymar à Paris. On avait volé à mademoiselle de Condé deux petits flambeaux d’argent. Aymar parcourut quelques rues de Paris en faisant tourner la baguette ; il s’arrêta à la boutique d’un orfèvre, qui nia le vol et se trouva très-offensé de l’accusation. Mais le lendemain on remit à l’hôtel le prix des flambeaux ; quelques personnes dirent que le paysan l’avait envoyé pour se donner du crédit.

Dans de nouvelles épreuves, la baguette prit des pierres pour de l’argent, elle indiqua de l’argent où il n’y en avait point. En un mot, elle opéra avec si peu de succès, qu’elle perdit son renom. Dans d’autres expériences, la baguette resta immobile quand il lui fallait tourner. Aymar, un peu confondu, avoua enfin qu’il n’était qu’un charlatan adroit, que la baguette n’avait aucun pouvoir, et qu’il avait cherché à gagner de l’argent par ce petit procédé…

Pendant ses premiers succès, une demoiselle de Grenoble, à qui la réputation d’Aymar avait persuadé qu’elle était douée aussi du don de tourner la baguette, craignant que ce don ne lui vînt de l’esprit malin, alla consulter le père Lebrun, qui lui conseilla de prier Dieu en tenant la baguette. La demoiselle jeûna et prit la baguette en priant. La baguette ne tourna plus : d’où l’on conclut que c’était le démon ou l’imagination troublée qui l’agitait.

On douta un peu de la médiation du diable, dès que le fameux devin fut reconnu pour un imposteur. On lui joua surtout un tour qui décrédita considérablement la baguette. Le procureur du roi au Châtelet de Paris fit conduire Aymar dans une rue où l’on avait assassiné un archer du guet. Les meurtriers étaient arrêtés, on connaissait les rues qu’ils avaient suivies, les lieux où ils s’étaient cachés ; la baguette resta immobile.

 
 

On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe, où l’on avait saisi un voleur en flagrant délit ; la perfide baguette trahit encore toutes les espérances.

Néanmoins la baguette divinatoire ne périt point ; ceux qui prétendirent la faire tourner se multiplièrent même, et ce talent vint jusqu’en Belgique. Il y eut à Heigne, près de Gosselies, un jeune garçon qui découvrit les objets cachés ou perdus au moyen de la baguette de coudrier. Cette baguette, disait-il, ne pouvait pas avoir plus de deux ans de pousse. — Un homme, voulant éprouver l’art de l’enfant de Heigne, cacha un écu au bord d’un fossé, le long d’un sentier qu’on ne fréquentait presque pas. Il fit appeler le jeune garçon et lui promit un escalin s’il pouvait retrouver l’argent perdu. Le garçon alla cueillir une branche de coudrier, et tenant dans ses deux mains les deux bouts de cette baguette, qui avait la forme d’un Y, après avoir pris différentes directions, il marcha devant lui et s’engagea dans le petit sentier. La baguette s’agitait plus vivement. Il passa le lieu où l’écu était caché ; la baguette cessa de tourner. L’enfant revint donc sur ses pas ; la baguette sembla reprendre un mouvement très-vif ; elle redoubla vers l’endroit qu’on cherchait. Le devin se baissa, chercha dans l’herbe et trouva le petit écu, à l’admiration de tous les spectateurs.

Sur l’observation que le bourgeois fit, pour essayer la baguette, qu’il avait perdu encore d’autre argent, le jeune garçon la reprit, mais elle ne tourna plus. — On se crut convaincu de la réalité du talent de l’enfant. On lui demanda qui l’avait instruit. « C’est le hasard, dit-il ; ayant un jour perdu mon couteau en gardant les troupeaux de mon père, et sachant tout ce qu’on disait de la baguette de coudrier, j’en fis une qui tourna, qui me fit retrouver ce que je cherchais et ensuite beaucoup d’autres objets perdus. »

C’était très bien. Malheureusement d’autres épreuves, examinées de plus près, ne réussirent pas, et on reconnut que la baguette divinatoire était là aussi une petite supercherie. Mais on y avait cru un siècle et des savants avaient fait imprimer cent volumes pour l’expliquer.

« Faut-il rassembler des arguments pour prouver l’impuissance de la baguette divinatoire ? ajoute M. Saignes[179]. Que l’on dise quel rapport il peut y avoir entre un voleur, une source d’eau, une pièce de métal et un bâton de coudrier. On prétend que la baguette tourne en vertu de l’attraction. Mais par quelle vertu d’attraction les émanations qui s’échappent d’une fontaine, d’une pièce d’argent ou du corps d’un meurtrier tordent-elles une branche de coudrier qu’un homme robuste tient fortement entre ses mains ? D’ailleurs, pourquoi le même homme trouve-t-il des fontaines, des métaux, des assassins et des voleurs quand il est dans son pays, et ne trouve-t-il plus rien quand il est à Paris ? Tout cela n’est que charlatanisme. Et ce qui détruit totalement le merveilleux de la baguette, c’est que tout le monde, avec un peu d’adresse, peut la faire tourner à volonté. Il ne s’agit que de tenir les extrémités de la fourche un peu écartées, de manière à faire ressort. C’est alors la force d’élasticité qui opère le prodige. »

Cependant on croit encore à la baguette divinatoire dans le Dauphiné et dans le Hainaut ; les paysans n’en négligent pas l’usage, et elle a trouvé des défenseurs sérieux. Formey, dans l’Encyclopédie, explique ce phénomène par le magnétisme. Ritter, professeur de Munich, s’autorisait récemment du galvanisme pour soutenir les merveilles de la baguette divinatoire ; mais il n’est pas mort sans abjurer son erreur.

L’abbé de la Garde écrivit au commencement avec beaucoup de foi l’histoire des prodiges de Jacques Aymar ; en 1692 même, Pierre Garnier, docteur médecin de Montpellier, voulut prouver que les opérations de la baguette dépendaient d’une cause naturelle Dans sa Dissertation physique en forme de lettres à M. de Sèvre, seigneur de Fléchères, etc., in-12. Lyon, 1692. ; cette cause naturelle n’était, selon lui, que les corpuscules sortis du corps du meurtrier dans les endroits où il avait fait le meurtre et dans ceux où il avait passé. Les galeux et les pestiférés, ajoute-t-il, ne transpirent pas comme les gens sains, puisqu’ils sont contagieux ; de même les scélérats lâchent des émanations qui se reconnaissent, et si nous ne les sentons pas, c’est qu’il n’est pas donné à tous les chiens d’avoir le nez fin. Ce sont là, dit-il page 23, des axiomes incontestables. « Or, ces corpuscules qui entrent dans le corps de l’homme muni de la baguette l’agitent tellement, que de ses mains la matière subtile passe dans la baguette même, et, n’en pouvant sortir assez promptement, la fait tourner ou la brise : ce qui me paraît la chose du monde la plus facile à croire… »

Le bon père Ménestrier, dans ses Réflexions sur les indications de la baguette, Lyon, 1694, s’étonne du nombre de gens qui devinaient alors par ce moyen à la mode. « A combien d’effets, poursuit-il, s’étend aujourd’hui ce talent ! Il n’a point de limites. On s’en sert pour juger de la bonté des étoffes et de la différence cle leurs prix, pour démêler les innocents des coupables, pour spécifier le crime. Tous les jours cette vertu fait de nouvelles découvertes inconnues jusqu’à présent. »

Il y eut même en 1700, à Toulouse, un brave homme qui devinait avec la baguette ce que faisaient des personnes absentes. Il consultait la baguette sur le passé, le présent et l’avenir ; elle s’abaissait pour répondre oui et s’élevait pour la négative. On pouvait faire sa demande de vive voix ou mentalement. « Ce qui serait bien prodigieux, dit le père Lebrun, si plusieurs réponses (lisez la plupart) ne s’étaient trouvées fausses[180]. »

Un fait qui n’est pas moins admirable, c’est que la baguette ne tourne que sur les objets où l’on a intérieurement l’intention de la faire tourner. Ce serait donc du magnétisme ? Ainsi quand on cherche une source, elle ne tournera pas sur autre chose, quoiqu’on passe sur des trésors enfouis ou sur des traces de meurtre.

Pour découvrir une fontaine, il faut mettre sur la baguette un linge mouillé : si elle tourne alors, c’est une preuve qu’il y a de l’eau à l’endroit qu’elle indique. Pour trouver les métaux souterrains, on enchâsse successivement à la tête de la baguette diverses pièces de métal, et c’est un principe constant que la baguette indique la qualité du métal caché sous terre, en touchant précisément ce même métal.

Nous répétons qu’on ne croit plus à la baguette, et que cependant on s’en sert encore dans quelques provinces. Il fallait autrefois qu’elle fût de coudrier ou de quelque autre bois spécial ; depuis, on a employé toute sorte de bois, et même des côtes de baleine ; on n’a plus même exigé que la baguette fût en fourche.

Voici le secret de la baguette divinatoire et le moyen de la faire tourner, tiré du Grand Grimoire, page 87[181] :

Dès le moment que le soleil paraît sur l’horizon, vous prenez de la main gauche une baguette vierge de noisetier sauvage, et la coupez de la droite en trois coups, en disant : « Je te ramasse au nom d’Éloïm, Mutrathon, Adonaï et Sémiphoras, afin que tu aies la vertu de la verge de Moïse et de Jacob pour découvrir tout ce que je voudrai savoir. » Et pour la faire tourner, il faut dire, la tenant serrée dans ses mains, par les deux bouts qui font la fourche : « Je te commande, au nom d’Éloïm, Mutrathon, Adonaï et Sémiphoras, de me révéler… » (On indique ce qu’on veut savoir.)

Mais voici encore quelque chose sur cette matière, qui n’est pas épuisée. Nous empruntons ce qui suit au Quarterly Magazine :

« La baguette divinatoire n’est plus employée à la découverte des trésors, mais on dit que, dans les mains de certaines personnes, elle peut indiquer les sources d’eau vive. Il y a cinquante ans environ que lady Newark se trouvait en Provence dans un château dont le propriétaire, ayant besoin d’une source pour l’usage de sa maison, envoya chercher un paysan qui promettait d’en faire jaillir une avec une branche de coudrier ; lady Newark rit beaucoup de l’idée de son hôte et de l’assurance du paysan ; mais, non moins curieuse qu’incrédule, elle voulut du moins assister à l’expérience, ainsi que d’autres voyageurs anglais tout aussi philosophes qu’elle. Le paysan ne se déconcerta pas des sourires moqueurs de ces étrangers ; il se mit en marche suivi de toute la société, puis tout à coup s’arrêtant, il déclara qu’on pouvait creuser la terre. On le fit ; la source promise sortit, et elle coule encore. Cet homme était un vrai paysan, sans éducation : il ne pouvait expliquer qu’elle était la vertu dont il était doué, ni celle du talisman ; mais il assurait modestement n’être pas le seul à qui la nature avait donné le pouvoir de s’en servir. Les Anglais présents essayèrent sans succès. Quand vint le tour de lady Newark, elle fut bien surprise de se trouver tout aussi sorcière que le paysan provençal. À son retour en Angleterre, elle n’osa faire usage de la baguette divinatoire qu’en secret, de peur d’être tournée en ridicule. Mais en 1803, lorsque le docteur Hulton publia les Recherches d’Ozanam, où ce prodige est traité d’absurdité (t. IV, p. 260), lady Newark lui écrivit une lettre signée X. Y. Z., pour lui raconter les faits qui étaient à sa connaissance. Le docteur répondit,

 
 
demandant de nouveaux renseignements à son correspondant anonyme. Lady Newark le satisfit, et alors le docteur désira être mis en rapport direct avec elle. Lady Newark alla le voir à Woolwich, et, sous ses yeux, elle découvrit une source d’eau dans un terrain où il faisait construire sa résidence d’été. C’est ce même terrain que le docteur Hulton a vendu depuis au collège de Woolwich, avec un bénéfice considérable à cause de la source. Le docteur ne put résister à l’évidence lorsqu’il vit, à l’approche de l’eau, la baguette s’animer tout à coup, pour ainsi dire, s’agiter, se ployer, et même se briser dans les doigts de lady Newark.

On cite encore en Angleterre sir Charles H. et miss Fenwik comme étant doués de la même faculté que lady Newark, et à un degré plus élevé encore. Cette faculté inexplicable a une grande analogie avec celle qui distingue les Zahoris espagnols ; mais ceux-ci ne se servent pas de la baguette de coudrier. Voy. Bletton et Paramèle.

Baguette magique. On voit, comme on nous l’a dit, que toutes les fées ou sorcières ont une baguette magique avec laquelle elles opèrent. Boguet rapporte que Françoise Secrélain et Thévenne Paget faisaient mourir les bestiaux en l’es touchant de leur baguette ; et Cardan cite une sorcière de Paris qui tua un enfant en le frappant doucement sur le dos avec sa baguette magique.

C’est aussi avec leur baguette que les sorciers tracent les cercles, font les conjurations et opèrent de toutes les manières. Cette baguette doit être de coudrier, de la pousse de l’année. Il faut la couper le premier mercredi de la lune, entre onze heures et minuit, en prononçant certaines paroles. Le couteau doit être neuf et retiré en haut quand on coupe. On bénit ensuite la baguette, disent les formulaires superstitieux ; on écrit au gros bout le mot Agla †, au milieu On † ; et Tetragammaton † au petit bout, et l’on dit : Conjuro te cito mihi obedire, etc.

Bahaman, génie qui, suivant les Persans, apaise la colère, et, en conséquence, gouverne les bœufs, les moutons et tous les animaux susceptibles d’être apprivoisés.

Bahi (la). C’est le nom que donnent les Bohémiens à l’art de dire la bonne aventure dans la main. Voy. Main.

Bahir, titre du plus ancien livre des rabbins, où, suivant Buxtorf, sont traités les plus profonds mystères de la haute cabale des Juifs.

Bahman, deuxième Amschaspand.

Baïan. Wiérus et vingt autres démonographes comptent que Baïan ou Bajan, fils de Siméon, roi des Bulgares, était si grand magicien, qu’il se transformait en loup et en léopard pour épouvanter son peuple, qu’il pouvait prendre toute autre figure de bête féroce, et même se rendre invisible ; ce qui n’est pas possible sans l’aide de puissants démons, comme dit Nynauld dans sa Lycanthropie.

Baïer (Jean-Guillaume), professeur de théologie à Altorf, mort en 1729. Il a laissé une thèse intitulée Dissertation sur Behemoth et Léviathan, l’éléphant et la baleine, d’après le livre de Job, chap. xl et xli, avec la réponse de Stieber[182]. Baïer ne voyait que deux animaux monstrueux dans Behemoth et Léviathan.

 
Baïan
Baïan
Baïan
 

Bâillement. Les femmes espagnoles, lorsqu’elles bâillent, ne manquent pas de se signer quatre fois la bouche avec le pouce, de peur que

 
Bâillement
Bâillement
 
le diable n’y entre. Cette superstition remonte à des temps reculés, et chez beaucoup de peuples on a regardé le bâillement comme une crise périlleuse. Les Indiens font craquer leurs doigts quand quelqu’un baille, pour éloigner les démons.

Bailly (Pierre), médecin, auteur d’un livre publié à Paris en 1634, in-8o, sous le titre de Songes de Phestion, paradoxes physiologiques, suivis d’un dialogue sur l’immortalité de l’âme.

Balaam, sorte de magicien madianite qui florissait vers l’an du monde 2515. Lorsque les Israélites errants dans le désert se disposaient à passer le Jourdain, Balac, roi de Moab, qui les redoutait, chargea Balaam de les maudire. Mais le magicien, ayant consulté le Seigneur, qu’il connaissait, quoiqu’il servît d’autres dieux, et que surtout il redoutait, reçut une défense précise de céder à cette invitation. Cependant, les magnifiques présents du roi l’ayant séduit, il se rendit à son camp. On sait que l’ange du Seigneur arrêta son ânesse, qui lui parla. Balaam, après s’être irrité contre la bête, aperçut l’ange,

 
Balaam
Balaam
 
se prosterna, promit de faire ce que commanderait le Dieu d’Israël, et parut au camp de Balac très-embarrassé. Lorsqu’il fut devant l’armée des Israélites, en présence de la cour de Balac fort surprise, pendant qu’on s’attendait à entendre des malédictions, il se sentit dominé par un enthousiasme divin, et prononça, malgré lui, une magnifique prophétie sur les destinées glorieuses du peuple de Dieu. Il annonça même le Messie. Balac, furieux, le chassa ; par la suite, les Hébreux, ayant vaincu les Madianites, firent Balaam prisonnier et le tuèrent.

Baladéva, troisième Rama, ou troisième incarnation de Vichnou.

Balai. Le manche à balai est la monture ordinaire des sorcières lorsqu’elles se rendent au sabbat. Remi conte à ce sujet que la femme d’un cordonnier allemand, ayant, sans le savoir, fourré le bout de son manche à balai dans un pot qui contenait l’onguent des sorcières, se mit machinalement aussitôt à califourchon sur ce manche, et se sentit transportée à Bruck, où se faisait le sabbat. Elle profita de l’occasion, se fit sorcière, et peu après fut arrêtée comme telle.

Il y a sur le balai d’autres croyances. Jamais, dans le district de Lesneven, en Bretagne, on ne balaye une maison la nuit : on prétend que c’est en éloigner le bonheur ; que les âmes s’y promènent, et que les mouvements d’un balai les blessent et les écartent. Ils nomment cet usage proscrit balayement des morts. Ils disent que la veille du jour des Trépassés (2 novembre) il y a plus d’âmes dans chaque maison que de grains de sable dans la mer et sur le rivage.

Balan, roi grand et terrible dans les enfers. Il a quelquefois trois têtes : celle d’un taureau, celle d’un homme, celle d’un bélier. Joignez à cela une queue de serpent et des yeux qui jettent de la flamme. Mais plus ordinairement il se montre à cheval, nu et cornu, sur un ours, et porte un épervier au poing. Sa voix est rauque et violente. Il répond sur le passé, le présent et l’avenir. — Ce démon, qui était autrefois de l’ordre des dominations, et qui commande aujourd’hui quarante légions infernales, enseigne

 
Balan
Balan
 
les ruses, la finesse et le moyen commode de voir sans être vu.

Balance, septième signe du zodiaque. Ceux qui naissent sous cette constellation aiment généralement l’équité. C’est, dit-on, pour être né sous le signe de la balance qu’on donna à Louis XIII le surnom de Juste.

Les Persans prétendent qu’il y aura au dernier jour une balance dont les bassins seront plus grands et plus larges que la superficie des cieux, et dans laquelle Dieu pèsera les œuvres des hommes. Un des bassins de cette balance s’appellera le bassin de lumière, l’autre le bassin de ténèbres. Le livre des bonnes œuvres sera jeté dans le bassin de lumière, plus brillant que les étoiles ; et le livre des mauvaises dans le bassin de ténèbres, plus horrible qu’une nuit d’orage. Le fléau fera connaître qui l’emportera, et à quel degré. C’est après cet examen que les corps passeront le pont étendu sur le feu éternel.

Balcoin ou Balcon (Marie), sorcière du pays de Labourd, qui allait au sabbat du temps de Henri VI. On lui fit son procès, où elle fut convaincue d’avoir mangé, dans une assemblée nocturne, l’oreille d’un petit enfant. Elle fut sans doute brûlée.

 
Baleine
Baleine
 

Balder, dieu Scandinave, fils d’Odin et de Frigga. Locke, son ennemi, le fit tuer par Hoder ; et, tout dieu qu’il était, il descendit aux enfers, où il est resté.

Baleine. Mahomet place dans le ciel la baleine de Jonas. Pline et nos légendaires parlent de baleines longues de neuf cents pieds romains et de taille à avaler une barque.

Bali, prince des démons et l’un des rois de l’enfer, selon les croyances indiennes. Il se battit autrefois avec Vichnou, qui le précipita dans l’abîme, d’où il sort une fois par an pour faire du mal aux hommes ; mais Vichnou y met ordre.

Les Indiens donnent aussi le nom de Bali aux farfadets, à qui ils offrent du riz, que ces lutins ne manquent pas de venir manger la nuit.

Balkis ou Belkis, reine de Saba, qui vint honorer Salomon. On trouve son histoire dans les Légendes de l’Ancien Testament.

Balles. On a cru autrefois que certains guerriers avaient un charme contre les balles, parce qu’on tirait sur eux sans les atteindre. Pour les tuer, on mettait dans les cartouches des pièces d’argent, car rien, dit-on, ne peut ensorceler la monnaie.

Balsamo. Voy. Cagliostro.

Baltazo, l’un des démons de la possession de Laon. Voy. Aubry. On conte qu’un chenapan, se faisant passer pour le démon, alla souper dans la maison de Nicole Aubry, la possédée, sous prétexte de combiner sa délivrance, qu’il n’opéra pas. On remarqua en soupant qu’il buvait très-sec ; ce qui prouve, dit Leloyer, que l’eau est contraire aux démons[183].

Balthazar, dernier roi de Babylone, petit-fils de Nabuchodonosor. Un soir qu’il profanait dans ses orgies les vases sacrés de Jérusalem, il aperçut une main qui traçait sur la muraille, en lettres de feu, ces trois mots : Mane, thecel, phares. Ses devins et ses astrologues ne purent expliquer ces caractères ni en interpréter le sens. Il promit de grandes récompenses à qui lui en donnerait l’interprétation. Ce fut Daniel qui, méprisant ses récompenses, lui apprit que les trois mots signifiaient que ses années étaient comptées, qu’il n’avait plus que quelques moments à vivre, et que son royaume allait être divisé. Tout se vérifia peu d’instants après.

Baltus (Jean-François), savant jésuite, mort en 1743. Réponses à l’Histoire des oracles de Fontenelle, in — 8°, Strasbourg, 1709, où il établit solidement que les oracles des anciens étaient l’ouvrage du démon, et qu’ils furent réduits au silence lors de la mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la terre.

Bamétrie, sorcière qui fut accusée en 1566 d’avoir ensorcelé les orphelins d’Amsterdam. Voy. Orphelinats.

Banians, Indiens idolâtres, répandus surtout dans le Mogol. Ils reconnaissent un Dieu créateur ; mais ils adorent le diable, qui est chargé, disent-ils, de gouverner le monde. Ils le représentent sous une horrible figure. Le prêtre de ce culte marque au front d’un signe jaune ceux qui ont adoré le diable, qui dès lors les reconnaît et n’est plus si porté à leur faire du mal[184].

Banshée, fée blanche chez les Irlandais. Elle a une robe blanche et une chevelure d’argent. Attachée à plusieurs familles : les Kearney, les Butter, les Keatin, les Trant, les Rices, elle vient

Banshée, fée blanche
Banshée, fée blanche


pleurer et battre des mains sous leurs fenêtres lorsqu’un membre de ces familles doit mourir. Voy. Femmes blanches.

Baptême. Dans le nord de l’Angleterre, lorsqu’on présente à la fois plusieurs enfants pour recevoir le baptême anglican, on veille attentivement à ce que les filles ne passent pas avant les garçons. On croit que les garçons baptisés après les filles n’ont point de barbe. — Les sorcières, dans leurs cérémonies abominables, baptisent au sabbat des crapauds et de petits enfants. Les crapauds sont habillés de velours rouge, les petits enfants de velours noir. Pour cette opération infernale, le diable urine dans un trou ; on prend de cette déjection avec un goupillon noir, on en jette sur la tête de l’enfant ou du crapaud, en faisant des signes de croix à rebours avec la main gauche, et disant : In nomine Patrica, Matrica, araguaco Petrica agora, agora Valentia ; ce qui veut dire : « Au nom de Patrique, de Matrique, Pétrique d’Aragon, à cette heure, à cette heure, Valentia. » Cette stupide impiété s’appelle le baptême du diable. Le diable, ou celui qui le représente au sabbat, rebaptise aussi, avec du soufre, du sel et de l’urine, les adultes des deux sexes qui se font recevoir à ses assemblées.

Baptême de la Ligne. Lorsqu’on traverse la Ligne, les matelots font subir aux personnes qui la passent pour la première fois une cérémonie qu’ils appellent le baptême de la Ligne. Ce baptême consiste en une aspersion plus ou moins désagréable, dont on évite souvent les ennuis par une générosité. Les personnages qui font la plaisanterie se travestissent ; le Père la Ligne arrive dans un tonneau, escorté par un diable, un courrier, un perruquier et un meunier. Le passager qui ne veut pas donner pour boire aux matelots est arrosé ou baigné, après avoir été poudré et frisé. On ne sait trop l’origine de cet usage, ni pourquoi le diable y figure.

Baraboulé. Voy. Kacher.

Barat, maladie de langueur, ordinairement le résultat d’un sort jeté, qui conduit infailliblement à la mort, et qui, selon les opinions bretonnes, est guérie par les eaux de la fontaine de Sainte-Candide, près de Scaer, dans le Finistère. Il n’est pas d’enfant qu’on ne trempe dans cette fontaine quelques jours après sa naissance ; on croit qu’il vivra s’il étend les pieds, et qu’il mourra dans peu s’il les retire[185].

Barbas, démon. Voy. Marbas.

Barbatos, grand et puissant démon, comte-duc aux enfers, type de Robin des Bois ; il se montre sous la figure d’un archer ou d’un

Barbatos, démon figuré en chasseur.
Barbatos, démon figuré en chasseur.


chasseur ; on le rencontre dans les forêts. Quatre rois sonnent du cor devant lui. Il apprend à deviner par le chant des oiseaux, le mugissement des taureaux, les aboiements des chiens et les cris des divers animaux. Il connaît les trésors enfouis par les magiciens. Il réconcilie les amis brouillés. Ce démon, qui était autrefois de l’ordre des vertus des cieux ou de celui des dominations, est réduit aujourd’hui à commander trente légions infernales. Il connaît le passé et le futur[186].

Barbe. Les Romains gardaient avec un soin superstitieux leur première barbe. Néron faisait conserver la sienne dans une boîte d’or enrichie de pierreries[187].

Barbe-à-Dieu. Thiers, dans son Traité des superstitions, rapporte la prière dite la Barbe-à-Dieu ; c’est une prière superstitieuse encore populaire, et qui se trouve dans divers recueils. La voici : « Pécheurs et pécheresses, venez à moi parler. Le cœur me dut trembler au ventre, comme fait la feuille au tremble, comme fait la Loisonni quand elle voit qu’il faut venir sur une petite planche, qui n’est plus grosse ni plus membre que trois cheveux de femme grosse ensemble. Ceux qui la Barbe-à-Dieu sauront, par-dessus la planche passeront, et ceux qui ne la sauront, au bout de la planche s’assiseront, crieront, braieront : Mon Dieu ! hélas ! malheureux état ! Est comme petit enfant celui qui la Barbe-à-Dieu n’apprend. »

Barbe bleue. Voy. Retz.

Barbe de Saint-Michel, religieuse de Louviers. Voy. Louviers.

Barbeloth. Des gnostiques, appelés barbeliots ou barboriens, disaient qu’un Éon immortel avait eu commerce avec un esprit vierge appelé Barbeloth, à qui il avait successivement accordé la prescience, l’incorruptibilité et la vie éternelle ; que Barbeloth, un jour, plus gai qu’à l’ordinaire, avait engendré la lumière, qui, perfectionnée par l’onction de l’esprit, s’appela Christ ; que Christ désira l’intelligence et l’obtint ; que l’intelligence, la raison, l’incorruptibilité et Christ s’unirent ; que la raison et l’intelligence engendrèrent Autogène ; qu’Autogène engendra Adamas, l’homme parfait, et sa femme la connaissance parfaite ; qu’Adamas et sa femme engendrèrent le bois ; que le premier ange engendra le Saint-Esprit, sagesse ou Prunic ; que Prunic engendra Protarchonte ou premier prince, qui fut insolent et sot ; que Protarchonte et Arrogance engendrèrent les vices et toutes leurs branches. Les barbeliots débitaient ces merveilles en hébreu, et leurs cérémonies n’étaient pas moins abominables que leur doctrine était extravagante[188].

Barbier. Pline le jeune[189] avait un affranchi, nommé Marc, homme quelque peu lettré, qui couchait dans un même lit avec son jeune frère, Marc, dans le sommeil, crut voir une personne assise au chevet de son lit, qui lui coupait les cheveux du haut de la tête. À son réveil, il se trouva rasé, et ses cheveux jetés au milieu de la chambre. — La même chose arriva, dans le même temps, à un jeune garçon qui dormait avec plusieurs autres dans une pension. Il vit entrer par la fenêtre deux hommes vêtus de blanc, qui lui coupèrent les cheveux comme il dormait. À son réveil, on trouva ses cheveux répandus sur le plancher. « À quoi cela peut-il être attribué, dit D. Calmet[190], si ce n’est à des follets ? » — ou aux compagnons de lit ?

Il y a quelques lutins, du genre de ceux-là, qui ont fait pareillement les fonctions de barbiers. Les contes populaires de l’Allemagne vous apprendront que les revenants peuvent ainsi faire la barbe aux vivants.

Barbieri. Dialogues sur la mort et sur les âmes séparées : Dialoghi délia morte e dell’anime separate, di Barbieri. In-8°. Bologna, 1600.

Barbu. On appelle démon barbu le démon qui enseigne le secret de la pierre philosophale ; on le connaît peu. Son nom semblerait indiquer que c’est le même que Barbatos, qui n’a rien d’un démon philosophe. Ce n’est pas non plus Barbas, qui se mêle de mécanique. On dit que le démon barbu est ainsi appelé à cause de sa barbe remarquable.

Barcabas et Barcoph.Voy. Basilide.

Bareste (Eugène), auteur de la Fin des temps et de quelques prophéties du moins très-spirituelles. Il a été quelques années le rédacteur de l’Almanach prophétique, pittoresque et utile, la plus curieuse de ces légères productions que chaque année ramène.

Barkokebas ou Barchochebas, imposteur ; qui se fit passer pour le Messie juif, sous l’empire d’Adrien. Après avoir été voleur de grand chemin, il changea son nom de Barkoziba, fils du mensonge, en celui de Barkokebas, fils de l’étoile, et prétendit qu’il était l’étoile annoncée par Balaam. Il se mit à faire des prodiges. Saint Jérôme raconte qu’il vomissait du feu par la bouche, au moyen d’un morceau d’étoupes allumées qu’il se mettait dans les dents, ce que font maintenant les charlatans des foires. Les Juifs le reconnurent pour leur Messie. Il se fit couronner roi, rassembla une armée, et soutint contre les Romains une guerre assez longue ; mais enfin, en l’année 136, l’armée juive fut passée au fil de l’épée et Barkokebas tué. Les rabbins assurent que, lorsqu’on voulut enlever son corps pour le porter à l’empereur Adrien, un serpent se présenta autour du cou de Barkokebas, et le fit respecter des porteurs et du prince lui-même[191].

Barnaud (Nicolas), médecin protestant du seizième siècle, qui rechercha la pierre philosophale. Il a publié sur l’alchimie divers petits traités recueillis dans le troisième volume du Théatrum chimicum, compilé par Zetzner. Strasbourg, 1659.

Barrabas. « Quand les sorcières sont entre les mains de la justice, dit Pierre Delancre[192], elles font semblant d’avoir le diable leur maître en horreur, et l’appellent par dédain Barrabas ou Barrabam. »

Barron, un des démons auxquels sacrifiait le maréchal de Retz.Voy. Retz.

Barscher (Anne), femme de Kôge, près de Copenhague, qui subit en 1609 et plus tard un ensorcellement jeté sur elle, sur son mari et ses enfants. Elle a publié en danois le récit curieux de ses souffrances, récit approuvé et attesté par des autorités imposantes. On peut lire cette histoire assez compliquée dans les Energumeni Koagienses, Lipsiœ, 1695.

Barthole, jurisconsulte, mort à Pérouse en 1356. Il commença à mettre de l’ordre dans la jurisprudence ; mais on retrouve les bizarreries de son siècle dans quelques-uns de ses ouvrages. Ainsi, pour faire connaître la marche d’une procédure, il imagina un procès entre la sainte Vierge et le diable, jugé par Notre-Seigneur Jésus-Christ[193]. Les parties plaident en personne. Le diable demande que le genre humain rentre sous son obéissance ; il fait observer qu’il en a été le maître depuis Adam ; il cite les lois qui établissent que celui qui a été dépouillé d’une longue possession a le droit d’y rentrer. La sainte Vierge lui répond qu’il est un possesseur de mauvaise foi, et que les lois qu’il cite ne le concernent pas. On épuise des deux côtés toutes les ressources de la chicane du quatorzième siècle, et le diable est débouté de ses prétentions[194].

Bartholin (Thomas), né à Copenhague en 1619. On recherche de lui le livre De unguento armario. Ce traité de la poudre de sympathie se ressent du temps et de la crédulité de l’auteur ; il contient cependant des choses singulières et qui ne sont pas indignes de quelque attention.

Barton (Elisabeth), religieuse de Kent, qui prévit et révéla, en 1525, les excès où tomberait bientôt le schisme qu’elle voyait naître en Angleterre. Les partisans de Henri VIII s’écrièrent qu’elle était possédée du diable. La protection de Thomas Morus, loin de la sauver, la perdit : en 1533, cette pieuse et sainte fille fut mise à mort avec beaucoup d’autres, sous prétexte de sorcellerie, par les réformés, qui se vantaient d’apporter la lumière et la liberté.

Bas. Qui a chaussé un de ses bas à l’envers recevra dans la journée un conseil, — probablement celui de le retourner.

Bascanie, sorte de fascination employée par les magiciens grecs ; elle troublait tellement les yeux, qu’on voyait tous les objets à rebours : blanches les choses noires, rondes les choses pointues, laides les plus jolies figures, et jolies les plus laides.

Basile. Michel Glycas[195] raconte que l’empereur Basile, ayant perdu son fils bien-aimé, obtint de le revoir peu après sa mort, par le moyen d’un moine magicien ; qu’il le vit en effet et le tint embrassé assez longtemps, jusqu’à ce qu’il disparut d’entre ses bras, a Ce n’était donc qu’un fantôme qui disparut sous la forme de son fils[196]. »

Basile-Valentin, alchimiste, qui est pour les Allemands ce que Nicolas Flamel est pour nous. Sa vie est mêlée de fables qui ont fait croire à quelques-uns qu’il n’a jamais existé. On le fait vivre au douzième, au treizième, au quatorzième et au quinzième siècle ; on ajoute même, sans la moindre preuve, qu’il était bénédictin à Erfurt. C’est lui qui, dans ses expériences chimiques, découvrit l’antimoine, qui dut son nom à cette circonstance, que, des pourceaux s’étant prodigieusement engraissés pour avoir avalé ce résidu de métal, Basile en fit prendre à des religieux qui en moururent.

On raconte que, longtemps après la mort de Basile-Valentin, une des colonnes de la cathédrale d’Erfurt s’ouvrit comme par miracle, et qu’on y trouva ses livres sur l’alchimie. Les ouvrages de Basile, ou du moins ceux qui portent son nom, écrits en haut allemand, ont été traduits en latin, et quelques-uns du latin en français. Les adeptes recherchent de lui l’Azoth[197], les Douze clefs de la philosophie de frère Basile-Valentin, traitant de la vraie médecine métallique[198], à la suite de la traduction de l’Azoth, in-12, 1660 ; in-8o, 1669 ; l’Apocalypse chimique[199] ; la Révélation des mystères des teintures essentielles des sept métaux et de leurs vertus médicinales[200], in-/r\ Paris, 15/|6 ; Du microcosme, du grand mystère du monde et de la médecine de l’homme[201] ; Traité chimico-philosophique des choses naturelles et surnaturelles des minéraux et des métaux[202] ; Haliographie, de la préparation, de l’usage et des vertus de tous les sels minéraux, animaux et végétaux, recueillis par Antoine Salmincius, dans les manuscrits de Basile-Valentin[203], etc. La plupart de ces ouvrages ont fait faire des pas à la chimie utile.

Basilic, petit serpent, long d’un demi-mètre, qui n’a été connu que des anciens. Il avait deux ergots, une tête et une crête de coq, des ailes, une queue de serpent ordinaire, etc. Quelques-uns disent qu’il naît de l’œuf d’un coq couvé par un serpent ou par un crapaud. Boguet, au chapitre xiv de ses Discours des sorciers, le fait produire de l’accouplement du crapaud et du coq, comme le mulet naît d’un âne et d’une jument.

C’est une opinion encore répandue dans les campagnes que les vieux coqs pondent un œuf duquel naît un serpent. Ce petit œuf, imparfait, n’est, comme on sait, que l’effet d’une maladie chez les poules ; et l’absurdité de ce conte bleu n’a plus besoin d’être démontrée.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.

Il est possible que les anciens, dans leurs expériences, aient pris des œufs de serpent pour des œufs de coq. Voy. Coq. — Quoi qu’il en soit, on croit que le basilic tue de ses regards ; et Mathiole demande comment on a su que le basilic tuait par son regard, s’il a tué tous ceux qui l’ont vu. On cite toutefois je ne sais quel historien qui raconte qu’Alexandre le Grand ayant mis le siège devant une ville d’Asie, un basilic se déclara pour les assiégés, se campa dans un trou des remparts, et lui tua jusqu’à deux cents soldats par jour. Une batterie de canons bien servie n’eût pas fait mieux.

« Il est vrai, ajoute M. Salgues[204], que si le basilic peut nous donner la mort, nous pouvons lui rendre la pareille en lui présentant la surface polie d’un miroir : les vapeurs empoisonnées qu’il lance de ses yeux iront frapper la glace, et, par réflexion, lui renverront la mort qu’il voudra donner. C’est Aristote qui nous apprend cette particularité. »

Des savants ont regardé en face le serpent qu’on appelle aujourd’hui basilic, et qui n’a pas les accessoires dont les anciens l’ont embelli ; malgré tous les vieux contes, ils sont sortis bien portants de cette épreuve. Mais, nous le répétons, le reptile auquel les modernes donnent le nom de basilic n’est peut-être pas le basilic des anciens, car il y a des races perdues.

Au moyen âge, on donnait au basilic une couronne native ornée d’une pierre précieuse, et on voyait en lui le roi des serpents.

Basilide, hérétique du deuxième siècle, qui se fit un système en mêlant les principes de Pythagore et de Simon, les dogmes des chrétiens et les croyances des Juifs. Il prétendit que le monde avait été créé par les anges. « Dieu (Abracax), disait-il, produisit l’Intelligence, laquelle produisit le Verbe, qui produisit la Prudence ; la Prudence eut deux filles : la Puissance et la Sagesse, lesquelles produisirent les vertus, les princes de l’air et les anges. Les anges étaient de trois cent soixante-cinq ordres ; ils créèrent trois cent soixante-cinq deux ; les anges du dernier ciel firent le monde sublunaire ; ils s’en partagèrent l’empire. Celui auquel échurent les Juifs, étant puissant, lit pour eux beaucoup de prodiges ; mais, comme il voulait soumettre les autres nations, il y eut des querelles et des guerres, et le mal fit de grands progrès. Dieu, ou l’Être supérieur, touché des misères d’ici-bas, envoya Jésus, son premier Fils, ou la première intelligence créée, pour sauver le monde. Il prit la figure d’un homme, fit les miracles qu’on raconte, et, pendant la passion, il donna son apparence à Simon le Gyrénéen, qui fut crucifié pour lui, pendant que, sous les traits de Simon, il se moquait des Juifs ; après quoi il remonta aux deux sans avoir été précisément connu. »

Basilide, à côté de ce système étrange, enseignait encore la métempsycose, et il donnait aux hommes deux âmes, pour accorder les combats qui s’élèvent sans cesse entre la raison et les passions.


Il était très-habile, ajoute-t-on, dans la cabale des Juifs. C’est lui qui inventa le puissant talisman Abracadabra, dont nous avons parlé, et dont l’usage fut longtemps extrêmement répandu. Il fit un évangile apocryphe et des prophéties qu’il publia sous les noms de Bareabas et de Barcoph. Il plaçait Dieu dans le soleil, et révérait prodigieusement les trois cent soixante-cinq révolutions de cet astre autour de la terre. Voy. Abracax et Achamoth.

Basilius. Il y eut à Rome, du temps de saint Grégoire, un sénateur de bonne et ancienne famille, nommé Basilius, magicien, scélérat et sorcier, lequel, s’étant fait moine pour éviter la peine de mort, fut enfin brûlé avec son compagnon Prétextatus, comme lui sénateur romain et de maison illustre. « Ce qui montre, dit Delancre[205], que la sorcellerie n’est pas une tache de simple femmelette, rustiques et idiots. »

Bassantin (Jacques), astrologue écossais qui, en 1562, prédit à sir Robert Melvil, si l’on en croit les mémoires de Jacques Melvil, son frère, une partie des événements arrivés depuis à Marie Stuart, alors réfugiée en Angleterre. Il ne fallait pour cela que quelque connaissance du temps et des hommes. Les autres prédictions de Bassantin ne se réalisèrent pas. Son grand Traité d’astronomie, ou plutôt d’astrologie, a été publié en français et en latin. On recherche l’édition latine de Genève, 1599, que les éditeurs appellent ingens et doctum volumen. Tous ses ouvrages présentent un mélange d’heureuses observations et d’idées superstitieuses[206].

Bateleurs, faiseurs de tours en plein air, avaleurs de couleuvres, d’étoupes et de baguettes ; ils passaient autrefois pour sorciers, comme les escamoteurs et même les comédiens.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Bateleurs.


Bathym. Voy. Marthym.

Bâton du diable. On conserve, dit-on, à Tolentino, dans la marche d’Ancône, un bâton dont on prétend que le diable a fait usage.

Bâton du bon voyageur. « Cueillez, le lendemain de la Toussaint, une forte branche de sureau, que vous aurez soin de ferrer par le bas ; ôtez-en la moelle ; mettez à la place les yeux d’un jeune loup, la langue et le cœur d’un chien, trois lézards verts et trois cœurs d’hirondelles, le tout réduit en poudre par la chaleur du soleil, entre deux papiers saupoudrés de salpêtre ; placez par-dessus, dans le cœur du bâton, sept feuilles de verveine cueillies la veille de la Saint-Jean-Baptiste, avec une pierre de diverses couleurs qui se trouve dans le nid de la huppe ; bouchez ensuite le bout du bâton avec une pomme à votre fantaisie, et soyez assuré que ce bâton vous garantira des brigands, des chiens enragés, des bêtes féroces, des animaux venimeux, des périls, et vous procurera la bienveillance de tous ceux chez qui vous logerez… »

Le lecteur qui dédaigne de tels secrets ne doit pas oublier qu’ils ont eu grand crédit, et qu’on cherche encore, dans beaucoup de villages, à se procurer le bâton du bon voyageur, avec lequel on marche si vite, qu’on doit se charger les pieds.

Batrachyte, pierre qui, suivant que l’indique son nom grec, se trouve dans le corps de la grenouille, et qui a, disent les bonnes gens, de grandes vertus contre les poisons et contre les maléfices.

Batscum-Bassa ou Batscum-Pacha, démon turc que l’on invoque en Orient pour avoir du beau temps ou de la pluie. On se le rend favorable en lui offrant des tartines de pain grillé, dont il est très-friand.

Baume universel, élixir composé par les alchimistes : c’est, disent-ils, le remède souverain et infaillible de toutes les maladies. Il peut même, au besoin, ressusciter des morts.

Bavent (Madeleine), possédée de Louviers, qui raconta en justice les orgies infâmes du sabbat, auxquelles, comme tant d’autres âmes perdues, elle avait pris part. Voy. Louviers.

Baxter, écrivain anglais qui publia, à la fin du dix-septième siècle, un livre intitulé Certitude du monde des esprits.

Bayard, cheval des quatre fils Aymon. Il avait la taille d’un cheval ordinaire lorsqu’il ne portait qu’un des frères, et s’allongeait lorsqu’il les fallait porter tous quatre. On conte beaucoup de merveilles sur cette monture célèbre, qui se distinguait surtout par une vitesse incroyable, et qui a laissé la trace d’un de ses pieds dans la forêt de Soignes en Brabant. On trouve aussi la marque d’un de ses fers sur un rocher près de Dinant.

Bayemon. Le grimoire attribué stupidement au pape Honorius donne ce nom à un roi de l’occident infernal. On le conjure par cette prière : « Ô roi Bayemon, très-fort, qui règne aux parties occidentales, je t’appelle et invoque au nom de la Divinité : je te commande, en vertu du Très-Haut, de m’envoyer présentement devant ce cercle (on nomme l’esprit dont on veut se servir, Passiel, Rosus, etc.), et les autres esprits

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


qui te sont sujets, pour répondre à tout ce que je leur demanderai. Si tu ne le fais, je te tourmenterai du glaive du feu divin ; j’augmenterai tes peines et te brûlerai. Obéis, roi Bayemon ![207] »

Bayer.. En 1726, un curé du diocèse de Constance, nommé Bayer, pourvu de la cure de Rutheim, fut inquiété par un spectre ou mauvais génie qui se montrait sous la forme d’un paysan mal vêtu, de mauvaise mine et très-puant. Il vint frapper à sa porte ; étant entré dans son poêle, il lui dit qu’il était envoyé par le prince de Constance, son évêque, pour certaine commission qui se trouva fausse. Il demanda ensuite à manger. On lui servit de la viande, du pain et du vin. Il prit la viande à deux mains et la dévora avec les os, disant : « Voyez comme je mange la chair et les os ; faites-vous de même[208] ? » Puis il prit le vase où était le vin, et l’avala d’un trait ; il en demanda d’autre qu’il but de même. Après cela il se retira sans dire adieu ; et la servante, qui le conduisait a la porte, lui ayant demandé son nom, il répondit : a Je suis né à Rutsingue, et mon nom est Georges Raulin ; » ce qui était faux encore.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.

Il passa le reste du jour à se faire voir dans le village, et revint, le soir à minuit, à la porte du curé, en criant d’une voix terrible : Mynheer Bayer, je vous montrerai qui je suis…

Pendant trois ans, il revint tous les jours vers quatre heures après midi, et toutes les nuits avant le point du jour. Il paraissait encore sous diverses formes, tantôt sous la figure d’un chien barbet, tantôt sous celle d’un lion ou d’un autre animal terrible ; quelquefois sous les traits d’un homme, sous ceux d’une femme ; certains jours il faisait dans la maison un fracas semblable à celui d’un tonnelier qui relie des tonneaux ; d’autrefois on aurait dit qu’il voulait renverser le logis par le grand bruit qu’il y causait. Le curé fit venir comme témoins un grand nombre de personnes. Le spectre répandait partout une odeur insupportable, mais ne s’en allait pas. On eut recours aux exorcismes, qui ne produisirent aucun effet ; on résolut de se munir d’une branche bénite le dimanche des Rameaux, et d’une épée aussi bénite, et de s’en servir contre le spectre. On le fit deux fois, et depuis ce temps il ne revint plus.

Ces choses, rapportées par dom Calmet, peuvent-elles s’expliquer, comme le proposent les esprits forts, par les frayeurs qu’un garnement aura causées au curé, frayeurs qui ont dû lui donner des visions ?…

Bayer (Jean), ministre protestant, né à Augsbourg au seizième siècle. On recherche de lui une thèse sur cette question : « Si l’existence des anges peut se démontrer par les seules lumières naturelles[209] ? »

Bayerin (Anne), servante qui fit pacte avec le diable à Salzbourg ; elle causa de grands dégâts à un forgeron chez qui elle servait, et passa dans une autre maison où elle mit pareillement le désordre. Interrogée sur ses méchancetés ou maléfices, elle avoua, sans en être pressée, qu’elle s’était donnée au démon et qu’elle avait assisté au sabbat ; on ne voit pas qu’elle ait été brûlée.

Bayle (François), professeur de médecine à Toulouse, mort en 1709. Nous ne citerons de ses ouvrages que la Relation de l’état de-quelques personnes prétendues possédées, faite de l’autorité du parlement de Toulouse, in-12 ; Toulouse, 1682. Il veut prouver que les démoniaques, s’ils ne sont pas des charlatans, sont très-souvent des fous ou des malades.

Bazine, célèbre reine des Tongres, qui épousa Childéric et qui fut mère de Glovis. Elle est représentée par les vieux historiens comme une habile magicienne. On sait qu’elle était femme de Bising, roi des Tongres ; que Childéric, chassé de ses États par une révolution et réfugié à la cour de Bising, plut à sa femme ; que lorsqu’il fut rétabli sur le trône, Bazine quitta tout pour venir le trouver. Childéric l’épousa. Le soir de ses noces, quand elle fut seule avec lui, elle le pria de passer la première nuit dans une curieuse observation. Elle l’envoya à la porte de son palais en lui enjoignant de venir lui rapporter ce qu’il y aurait vu. — Childéric, connaissant le pouvoir magique de Bazine, qui était un peu druidesse, s’empressa d’obéir. Il ne fut pas plutôt dehors, qu’il vit d’énormes animaux se promener dans la cour:c’étaient des léopards, des licornes, des lions. Étonné de ce spectacle, il vint en rendre compte à son épouse ; elle lui dit, du ton d’oracle qu’elle avait pris d’abord, de ne point s’effrayer, et de retourner une deuxième et même une troisième fois. Il vit à la deuxième fois des ours et des loups, et à la troisième des chiens et d’autres petits animaux qui s’entre-déchiraient. — « Les prodiges que vous avez vus, lui dit-elle, sont une image de l’avenir ; ils représentent le caractère de toute notre postérité. Les lions et les licornes désignent le fils qui naîtra de nous ; les loups et les ours sont ses enfants, princes vigoureux et avides de proie ; et les chiens, c’est le peuple indocile au joug de ses maîtres, soulevé contre ses rois, livré aux passions des puissants et souvent victime[210]. » — Au reste, on ne pouvait mieux caractériser les rois de cette première race; et si la vision n’est qu’un conte, il est bien imaginé[211].

Beal. Voy. Bérith.

Beauchamp. Voy. Abdeel.

Beauffort (le comte Amédée de) a publié, en 184O, un volume in-8o intitulé Légendes et traditions populaires de la France, recueil piquant où les faits surnaturels ont grande part.

Beausoleil (Jean du Châtelet, baron de), astrologue et alchimiste allemand, qui précéda Jacques Aymar dans la recherche des sources inconnues et des trésors souterrains. Il avait épousé Martine Berthereau, qui avait ou à qui il souffla les mêmes penchants qui le dominaient. Ils furent les premiers qui firent profession de découvrir les sources cachées au moyen de baguettes mystérieuses. Ils cherchaient aussi les mines et annonçaient que, par l’aide d’instruments merveilleux, ils connaissaient tout ce que la terre recèle dans son sein. Ces instruments étaient l’astrolabe minéral, le râteau métallique, la boussole à sept angles (à cause des sept planètes), les verges hydrauliques, etc. Les baguettes, ou verges hydrauliques et métalliques, étaient préparées, disaient-ils, sous l’influence des constellations qui dominaient l’art. On les accusa de magie ; ce qui motiva ce jugement, c’est qu’en visitant les coffres de Martine Berthereau, on y trouva des grimoires et autres objets qui sentaient à plein la sorcellerie. Le baron de Beausoleil, heureux du bruit qu’il faisait en Hongrie, était venu exploiter la France. Le cardinal de Richelieu le fit enfermer à la Bastille (1641) en même temps qu’on détenait sa femme Martine à Vincennes. On ne sait pas autre chose de leurs exploits.

Beauvoys de Chauvincourt, gentilhomme angevin, fit imprimer en 1599 un volume intitulé Discours de la Lycanthropie ou de la transmutation des hommes en loups.

Bebal, prince de l’enfer, assez inconnu. Il est de la suite de Paymon.Voy. ce mot.

Bechard, démon désigné dans les Clavicules de Salomon comme ayant puissance sur les vents et les tempêtes. Il fait grêler, tonner et pleuvoir, au moyen d’un maléfice qu’il compose avec des crapauds fricassés et autres drogues.

Bechet, démon que l’on conjure le vendredi. Voy. Conjurations.

Bédargon, l’un des lieutenants de Samaël, dans la cabale judaïque.

Bède (le vénérable), né au septième siècle, dans le diocèse de Durham, en Angleterre. Il mourut à soixante-trois ans. On dit qu’il prévit l’heure précise de sa mort. Un instant avant d’expirer, il dictait quelques passages qu’il voulait extraire des œuvres de saint Isidore ; le jeune moine qui écrivait le pria de se reposer parce qu’il parlait avec peine : — « Non, répondit Bède, prenez une autre plume, et écrivez le plus vite que vous pourrez. » — Lorsque le jeune eut dit : — C’est fait. — « Vous avez dit la vérité, » répliqua Bède ; et il expira.

Peu de temps après sa mort, on dit qu’il se fit voir à un moine nommé Gamèle, à qui il témoigna le désir d’être enterré à Durham, auprès de saint Cuthbert. On se hâta de le satisfaire, car on avait un grand respect pour sa mémoire.

Béguins. Voy. Digonnet.

Béhémoth, démon lourd et stupide, malgré ses dignités. Sa force est dans ses reins ; ses domaines sont la gourmandise et les plaisirs du

ventre. Quelques démonomanes disent qu’il est aux enfers sommelier et grand échanson. Bodin croit[212] que Béhémoth n’est autre chose que le Pharaon d’Egypte qui persécuta les Hébreux. Il est parlé de Béhémoth dans Job comme d’une créature monstrueuse. Des commentateurs prétendent que c’est la baleine, et d’autres que c’est l’éléphant ; mais il y eut d’autres monstres dont les races ont disparu. On voit dans le procès d’Urbain Grandier que Béhémoth est bien un démon. Delancre dit qu’on l’a pris pour un animal monstrueux, parce qu’il se donne la forme de toutes les grosses bêtes. Il ajoute que Béhémoth se déguise aussi avec perfection en chien, en éléphant, en renard et en loup.

Si Wierus, notre oracle en ce qui concerne les démons, n’admet pas Béhémoth dans son inventaire de la monarchie infernale, il dit, livre I er, des Prestiges des démons, chapitre xxi, que Béhémoth ou l’éléphant pourrait bien être Satan lui-même, dont on désigne ainsi la vaste puissance.

Enfin, parce qu’on lit, au chapitre xi de Job, que Béhémoth mange du foin comme un bœuf, les rabbins ont fait de lui le bœuf merveilleux réservé pour le festin de leur Messie. Ce bœuf est si énorme, disent-ils, qu’il avale tous les jours le foin de mille montagnes immenses, dont il s’engraisse depuis le commencement du monde. Il ne quitte jamais ses mille montagnes, où l’herbe qu’il a mangée le jour repousse la nuit pour le lendemain. Ils ajoutent que Dieu tua la femelle de ce bœuf au commencement ; car on ne pouvait laisser multiplier une telle race. Les Juifs se promettent bien de la joie au festin où il fera la pièce de résistance. Ils jurent par leur part du bœuf Béhémoth.

Béherit, démon sur lequel on a peu de renseignements, à moins qu’il ne soit le même que Bérith. Voy. ce mot. Il est cité dans la possession de Loudun. Il avait même promis d’enlever la calotte du sieur commissaire, et de la tenir en l’air à la hauteur de deux piques ; ce qui n’eut pas lieu, à sa honte[213].

Remarquons pourtant que, sur cette possession de Loudun, le calviniste qui en fit l’histoire a imaginé beaucoup de quolibets, pour écornifler d’autant l’Église romaine, qu’il voulait, comme tant d’autres, démolir un peu, — mais qu’on ne démolit pas.

Bekker (Balthasar), docteur en théologie réformée, et ministre à Amsterdam, né en 1634. « Ce Balthasar Bekker, grand ennemi de l’enfer éternel et du diable, et encore plus de la précision, dit Voltaire, fit beaucoup de bruit en son temps par son gros livre du Monde enchanté. » Alors la sorcellerie, les possessions, étaient en vogue depuis la réforme, qui livrait de l’espace aux esprits malins ; c’est ce qui le détermina à combattre le diable. « On eut beau lui dire, en prose et en vers, qu’il avait tort de l’attaquer, attendu qu’il lui ressemblait beaucoup, étant d’une laideur horrible : rien ne l’arrêta ; il commença par nier absolument le pouvoir de Satan, et s’enhardit jusqu’à soutenir qu’il n’existe pas. « S’il y avait un diable, disait-il, il se vengerait de la guerre que je lui fais. » Le laid bonhomme se croyait important. « Les ministres, ses confrères, prirent le parti de Satan et déposèrent Bekker. »

Il avait déjà fait l’esprit fort dans de précédents ouvrages. Dans l’un de ses catéchismes, le Mets de carême[214], il réduisait les peines de l’enfer au désespoir des damnés, et il en bornait la durée. On l’accusa de socinianisme, et son catéchisme fut condamné par un synode. Il publia, à l’occasion de la comète de 1680, des recherches sur les comètes, imprimées en flamand, in-8o, Leuwarde, 1683. — Il s’efforce de prouver que ces météores ne sont pas des présages de malheurs, et combat les idées superstitieuses que le peuple attache à leur apparition. Cet ouvrage fut reçu sans opposition. Il n’en fut pas de même de son livre De Belooverde wereld (Le monde ensorcelé), imprimé plusieurs fois, et traduit en français sous ce titre : « Le monde enchanté, ou examen des communs sentiments touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur administration et leurs opérations, et touchant les effets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu ; divisé en quatre livres ; » 4 forts volumes petit in-12, avec le portrait de l’auteur[215], Amsterdam, 1694.

L’auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit perdre sa place de ministre[216], cherche à prouver qu’il n’y a jamais eu ni possédés ni sorciers ; que tout ce qu’on dit des esprits malins n’est que superstition, etc. Un peu plus tard pourtant, dans une défense de ses opinions, il admit l’existence du diable ; mais il ajouta qu’il le croyait enchaîné dans les enfers et hors d’état de nuire.

Il ne fallait pas, pour des calvinistes qui se disent si tolérants et qui le sont si peu, poursuivre si sérieusement un livre que sa prolixité seule devait rendre invisible. « Il y a grande apparence, dit encore Voltaire, qu’on ne le condamna que par le dépit d’avoir perdu son temps à le lire. » Voy. Chassen.

Bel, divinité suprême des Chaldéens. Wiérus dit que c’est un vieux démon dont la voix sonne le creux[217]. Les peuples qui en firent un dieu contaient qu’au commencement le monde n’était qu’un chaos habité par des monstres ; que Bel les tua, arrangea l’univers, se fit couper la tête par un de ses serviteurs, détrempa la terre avec son sang et en forma les animaux et les hommes.

Belaam, démon dont on ne sait rien, sinon qu’en 1632 il entra dans le corps d’une des possédées de Loudun, avec Isaacarum et Béhémoth : on le força de déloger[218].

Belbach ou Belbog, le dieu blanc des vieux Slavons. Voy. Belzébuth.

Belephantes, astrologue chaldéen qui prédit

à Alexandre, selon Diodore de Sicile, que son entrée à Babylone lui serait funeste : ce qui advint, comme chacun sait.

Belette. Les anciens croyaient que la belette faisait ses petits par la gueule, parce qu’elle les porte souvent entre ses lèvres, comme font les chattes. — Plutarque remarque que les Thébains honoraient la belette, tandis que les autres Grecs regardaient sa rencontre comme un présage funeste.

On prétend que sa cendre, appliquée en cataplasme, guérit les migraines et les cataractes ; et le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand assure que si on fait manger à un chien le cœur et la langue d’une belette, il perdra incontinent la voix. Il ajoute imprudemment un secret qu’il dit éprouvé, et qu’il certifie infaillible : c’est qu’un amateur n’a qu’à manger le cœur d’une belette encore palpitant pour prédire les choses à venir[219]

Bélial, démon adoré des Sidoniens. L’enfer n’a pas reçu d’esprit plus dissolu, plus crapuleux, plus épris du vice pour le vice même. Si son âme est hideuse et vile, son extérieur est séduisant. Il a le maintien plein de grâce et de dignité. Il eut un culte à Sodome et dans d’autres villes ; mais jamais on n’osa trop lui ériger des autels. Delancre dit que son nom signifie rebelle ou désobéissant. — Wiérus, dans son inventaire de la monarchie de Satan, lui consacre un grand article. « On croit, dit-il, que Bélial, l’un des rois de l’enfer, a été créé immédiatement après Lucifer, et qu’il entraîna la plupart des anges dans la révolte : aussi il fut renversé du ciel un des premiers. Lorsqu’on l’évoque, on l’oblige par des offrandes à répondre avec sincérité aux questions qu’on lui fait. Mais il conte bien vite des mensonges, si on ne l’adjure pas, au nom de Dieu, de ne dire que la vérité. Il se montre quelquefois sous la figure d’un ange plein de beauté, assis dans un char de feu ; il parle avec aménité ; il procure les dignités et les faveurs, fait vivre les amis en bonne intelligence, donne d’habiles serviteurs. Il commande quatre-vingts légions de l’ordre des Vertus et de l’ordre des Anges. Il est exact à secourir ceux qui se soumettent à lui ; s’il y manquait, il est facile de le châtier, comme fit Salomon, qui l’enferma dans une bouteille avec toutes ses légions, lesquelles font une armée de cinq cent vingt-deux mille deux cent quatre-vingts démons. Il fallait que la bouteille fût de grande taille.

Mais Salomon était si puissant que, dans une autre occasion, il emprisonna pareillement six mille six cent soixante —six millions de diables qui ne purent lui résister. — Des doctes racontent encore que Salomon mit la bouteille où était Bélial dans un grand puits, qu’il referma d’une pierre, près de Babylone ; que les Babyloniens descendirent dans ce puits, croyant y trouver un trésor ; qu’ils cassèrent la bouteille, que tous les diables s’en échappèrent, et que Bélial, qui avait peur d’être repris, se campa dans une idole qu’il trouva vide, et se mit à rendre des oracles ; ce qui fit que les Babyloniens l’adorèrent.

Bélias, démon invoqué comme prince des Vertus dans les litanies du sabbat.

Beliche. C’est le nom qu’on donne au diable à Madagascar. Dans les sacrifices, on lui jette les premiers morceaux de la victime, avec la persuasion qu’il ne fait point de mal tant qu’il a de quoi mettre sous la dent.

Bélier. Le diable s’est quelquefois transmué en bélier, et des maléficiés ont subi cette métamorphose. C’est même sur une vieille tradition populaire de cette espèce qu’Hamilton a bâti son conte du Bélier.

Il paraît que le bélier a des propriétés magiques ; car, lorsqu’on accusa Léonora Galigaï, femme du maréchal d’Ancre, d’avoir fait des sorcelleries, on prétendit que, pendant qu’elle s’occupait de maléfices, elle ne mangeait que des crêtes de coq et des rognons de bélier.

Pour l’influence du bélier, signe du zodiaque, voyez Astrologie et Horoscopes.

Belin (Albert), bénédictin, né à Besançon en 1610. On recherche parmi ses ouvrages:1° le Traité des talismans, ou Figures astrales, dans lequel il est montré que leurs effets ou vertus admirables sont naturels, ensemble la manière de les faire et de s’en servir avec profit, in-12, Paris, 1671. On a joint à l’édition de 1709 un traité du même auteur, de la Poudre de sympathie justifiée ; 2° les Aventures du philosophe inconnu en la recherche et invention de la pierre philosophale, divisées en quatre livres, au dernier desquels il est parlé si clairement de la manière de la faire que jamais on en a traité avec tant de candeur. In-12 ; Paris, 1664 et 1674.

Belinuncia, herbe consacrée à Belenus, dont les Gaulois employaient le suc pour empoisonner leurs flèches. Ils lui attribuaient la vertu de faire tomber la pluie. Lorsque le pays était affligé d’une sécheresse, on cueillait cette herbe avec de grandes cérémonies. Les femmes des druides choisissaient une jeune vierge ; suivie des autres femmes, elle cherchait l’herbe sacrée ; quand elle l’avait trouvée, elle la déracinait avec le petit doigt de la main droite ; ses compagnes coupaient des branches d’arbre et les portaient à la main en la suivant jusqu’au bord d’une rivière voisine ; là, on plongeait dans l’eau l’herbe précieuse, on y trempait aussi les branches, que l’on secouait sur le visage de la jeune fille. Après cette cérémonie, chacun se retirait en sa maison ; seulement la jeune vierge était obligée de faire à reculons le reste du chemin.

Belkis.Voy. Balkis.

Belladone, plante qui donne des vertiges et peut empoisonner. Les magiciens s’en servaient.

Belloc (Jeanne), sorcière du pays de Labourd, prise à vingt-quatre ans, sous Henri IV. Pierre Delancre, qui l’interrogea, dit qu’elle commença d’aller au sabbat dans l’hiver de 1609 ; qu’elle fut présentée au diable, dont elle baisa le derrière, car il n’y avait que les notables sorcières qui le baisassent au visage. Elle conta que le sabbat est une espèce de bal masqué où les uns se promènent en leur forme naturelle, tandis que d’autres sont transmués en chiens, en chats, en ânes, en pourceaux et autres bêtes ; qu’ils se rapetissent ou se grandissent à leur gré, par des moyens qu’elle ignore…Voy. Sabbat.

Belmonte, conseiller du parlement de Provence, qui eut au pied une petite plaie où la gangrène se mit ; le mal gagna vite, et il en mourut. Comme il avait poursuivi les sorciers prolestants et les perturbateurs réformés, les écrivains calvinistes virent dans sa mort prompte un châtiment et un prodige[220]. C’était au seizième siècle.

Bélomancie. Divination par le moyen des flèches. On prenait plusieurs flèches, sur lesquelles on écrivait des réponses relatives à ce qu’on voulait demander. On en mettait de favorables et de contraires; ensuite on mêlait les flèches, et on les tirait au hasard. Celle que le sort amenait était regardée comme l’organe de la volonté des dieux. — C’était surtout avant les expéditions militaires qu’on faisait usage de la bélomancie. Les Chaldéens avaient grande foi à cette divination.

Les Arabes devinent encore par trois flèches qu’ils enferment dans un sac. Ils écrivent sur l’une:Commandez-moi, Seigneur; sur l’autre : Seigneur, empêchez-moi, et n’écrivent rien sur la troisième. La première flèche qui sort du sac détermine la résolution sur laquelle on délibère. Voy. Flèches.

Belphégor, démon des découvertes et des inventions ingénieuses. Il prend souvent un corps de jeune femme. Il donne des richesses. Les Moabites, qui l’appelaient Baalphégor, l’adoraient sur le mont Phégor. Des rabbins disent qu’on lui rendait hommage sur la chaise percée, et qu’on lui

Belphégor
Belphégor


offrait l’ignoble résidu de la digestion. C’était digne de lui. C’est pour cela que certains doctes ne voient dans Belphégor que le dieu Pet ou Crepilus ; d’autres savants soutiennent que c’est Priape. — Selden, cité par Banier, prétend qu’on lui offrait des victimes humaines, dont ses prêtres mangeaient la chair. Wiérus remarque que c’est un démon qui a toujours la bouche ouverte ; observation qu’il doit sans doute au nom de Phégor, lequel signifie, selon Leloyer, crevasse ou fendasse, parce qu’on l’adorait quelquefois dans des cavernes, et qu’on lui jetait des offrandes par un soupirail.

Beltram, Génois, donc l’âme revint après sa mort et posséda une femme de Ponte-Nuovo ; les parents de cette femme l’avaient volé. Quand on eut restitué, il se retira en fumée.

Bélus, premier roi des Assyriens ; on dit qu’il se fit adorer dans des temples de son vivant. Il était grand astrologue : a J’ai lu dans les registres du ciel tout ce qui doit vous arriver, disait-il à ses enfanis, et je vous dévoilerai les secrets de vos destinées. » Il rendit des oracles après sa mort. Bélus pourrait être le même que Bel.

Belzébuth ou Belzebub ou Beelzebuth, prince des démons, selon les Écritures[221] ; le premier en pouvoir et en crime après Satan, selon Milton ; chef suprême de l’empire infernal, selon la plupart des démonographes. — Son nom signifie seigneur des mouches. Bodin[222] prétend qu’on n’en voyait point dans son temple. C’était la divinité la plus révérée des peuples de Chanaan, qui le représentaient quelquefois sous la figure d’une mouche, le plus souvent avec les attributs de la souveraine puissance. Il rendait des oracles, et le roi Ochozias le consulta sur une maladie qui l’inquiétait ; il en fut sévèrement repris par le prophète Elisée.

Belzebuth
Belzebuth

On lui attribuait le pouvoir de délivrer les hommes des mouches qui ruinent les moissons.

Presque tous les démonomanes le regardent comme le souverain du ténébreux empire ; et chacun le dépeint au gré de son imagination. Milton lui donne un aspect imposant, et une haute sagesse respire sur son visage. L’un le fait haut comme une tour ; l’autre d’une taille égale à la nôtre ; quelques-uns se le figurent sous la forme d’un serpent ; il en est qui le voient aussi sous les traits d’une femme.

Le monarque des enfers, dit Palingène, in Zodiaco vitæ, est d’une taille prodigieuse, assis sur un trône immense, ayant le front ceint d’un bandeau de feu, la poitrine gonflée, le visage bouffi, les yeux étincelants, les sourcils élevés et l’air menaçant. Il a les narines extrêmement larges, et deux grandes cornes sur la tête ; il est noir comme un Maure : deux vastes ailes de chauve-souris sont attachées à ses épaules ; il a deux larges pattes de canard, une queue de lion, et de longs poils depuis la tête jusqu’aux pieds.

Les uns disent de plus que Belzébuth est encore Priape ; d’autres, comme Porphyre, le confondent avec Bacchus. On a cru le trouver dans le Belbog ou Belbach (dieu blanc) des Slavons, parce que son image ensanglantée était toujours couverte de mouches, comme celle de Belzébuth chez les Syriens. On dit aussi que c’est le même que Pluton. Il est plus vraisemblable de croire que c’est Baël, que Wiérus fait empereur des enfers ; d’autant mieux que Belzébuth ne figure pas sous son nom dans l’inventaire de la monarchie infernale.

On voit dans les Clavicules de Salomon que Belzébuth apparaît quelquefois sous de monstrueuses formes, comme celle d’un veau énorme ou d’un bouc suivi d’une longue queue ; souvent, néanmoins, il se montre sous la figure d’une mouche d’une extrême grosseur. Il s’est montré à Faust « habillé en bœuf, avec deux oreilles effroyables, des cheveux peints de toutes couleurs et une queue de dragon[223] ». Le maréchal de Retz l’a vu en léopard. Quand il est en colère, ajoute-t-on, il vomit des flammes et hurle comme un loup. Quelquefois enfin Astaroth apparaît à ses côtés, sous les traits d’un âne.

Une des figures de Belzébulh

Benedict (Jean), médecin allemand du seizième siècle. On lui doit un livre Sur les visions et les révélations naturelles et surnaturelles, qui n’est presque pas connu[224].

Benoît VIII, cent quarante-huitième pape, élu en 1012, mort en 1024. On lit dans Platina, cité par Leloyer et par Wiérus[225], que quelque temps après sa mort Benoît VIII apparut, monté sur un cheval noir, à un saint évêque dans un lieu solitaire et écarté ; que l’évêque lui demanda comment il se faisait qu’étant mort il se montrât ainsi sur un cheval noir. À quoi le pape répondit que pendant sa vie il avait été convoiteux d’amasser des biens ; qu’il était en purgatoire ; mais qu’il n’était pas damné, parce qu’il avait fait des aumônes. Il révéla ensuite le lieu où il avait caché des richesses, et pria le saint évêque de les distribuer aux pauvres. — Après cela, le fantôme (selon le récit) se montra pareillement au Pape son successeur, et le supplia d’envoyer en diligence un courrier à Cluny, et de recommander à saint Odilon de prier Dieu pour le repos de son âme. Saint Oclilon le fit ; et peu de jours après on vit un homme lumineux entrer dans le cloître, avec d’autres personnages habillés de blanc, et se mettre à genoux devant saint Odilon. Un religieux demanda qui était cet homme de si haute apparence qui faisait tant d’honneur à l’abbé. Il lui fut répondu que c’était le pape Benoît VIII qui, par les prières d’Odilon, jouissait de la gloire des bienheureux.

Benoît IX, cent cinquantième pape, élu en 1033, dans un temps de troubles, où les partis se disputaient Rome. Il eut à lutter contre des antipapes qui l’ont fort noirci. On a dit qu’il était magicien, et que, renversé du saint-siége par ses ennemis, il y remonta deux fois par son pouvoir magique. C’est un peu niais. On a dit encore avec autant de bon sens qu’il prédisait les choses futures, et qu’il était habile enchanteur : ce que Naudé a pulvérisé.

L’auteur calviniste des grands et redoutables jugements de Dieu ajoute même qu’il fut étranglé par le diable, et qu’après sa mort son âme fut condamnée à errer dans les forêts, sous la forme d’une bête sauvage, avec un corps d’ours à longs poils, une queue de chat et une tête d’âne. Un ermite qui le rencontra lui demanda pourquoi il avait cette figure. « J’étais un monstre, répondit Benoît, et vous voyez mon âme telle qu’elle a toujours été. » Voilà qui est très-gracieux. Mais Benoît IX, au contraire, mourut dans la retraite, sous le cilice, pieusement et saintement, en 1054. C’est encore là une des victimes de la calomnie historique.

Bensozia. Certains canonistes des douzième et treizième siècles s’élèvent fortement contre les femmes d’alors qui allaient à une espèce de sabbat sur lequel il ne nous est parvenu que très-peu de notions. On disait que des fées ou des démons transformés en femmes s’associaient toutes les dames qui voulaient prendre part à leurs plaisirs ; et que toutes, dames et fées ou démons, montées sur des bêtes ailées, elles allaient de nuit faire des courses et des fêtes dans les airs. Elles avaient pour chef la fée Bensozia, à qui il fallait obéir aveuglément, avec une soumission sans réserve. C’était, dit-on, la Diane des anciens Gaulois ; on l’appelait aussi Nocticula, Hérodias ou la Lune.

On voit dans des manuscrits de l’église de Cousérans que des dames au quatorzième siècle avaient le renom d’aller à cheval aux courses nocturnes de Bensozia. Toutes, comme les sorcières au sabbat, faisaient inscrire leur nom sur un catalogue, et après cela se croyaient fées. On remarquait encore au dernier siècle, à Montmorillon en Poitou, sur le portique d’un ancien temple, une femme enlevée par deux serpents dans les airs. C’était sans doute le modèle de la contenance des sorcières ou fées dans leurs courses de nuit[226].

Benthaméléon. Titus, ayant pris Jérusalem, publia un édit qui défendait aux Juifs d’observer le sabbat et de se circoncire, et qui leur ordonnait de manger toute espèce de viande. Les Juifs, consternés, envoyèrent à Titus le rabbin Siméon, qui passait pour un homme très-habile. Siméon s’étant mis en chemin avec le rabbin Eléazar, ils rencontrèrent un démon nommé, dirent-ils, Benthaméléon, qui demanda à les accompagner, leur avouant quelle était sa nature, mais se disant enclin à rendre service aux Juifs et leur promettant d’entrer dans le corps de la fille de Titus, et d’en sortir aussitôt qu’ils le lui commanderaient, afin qu’ils pussent gagner l’empereur par ce prodige. Les deux rabbins acceptèrent sa proposition avec empressement ; et, Benthaméléon ayant tenu sa parole, ils obtinrent en effet la révocation de l’édit.

Berande, sorcière brûlée à Maubec, près Beaumont de Lomaignie, en 1577. En allant au supplice, elle accusa une demoiselle d’avoir été au sabbat ; la demoiselle le nia. Bérande lui dit :. « Oublies-tu que la dernière fois que nous fîmes la danse, à la croix du pâté, tu portais le pot de poison ?… » Et la demoiselle fut réputée sorcière, parce qu’elle ne sut que répondre[227].

Berbiguier (Alexis-Vincent-Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym), né à Carpentras, est un auteur qui vit peut-être encore et qui a publié en 1821 un ouvrage dont voici le titre : les Farfadets, ou tous tes démons ne sont pas de l’autre monde, 3 vol. in-8o, ornés de huit lithographies et du portrait de l’auteur, entouré d’emblèmes, surmonté de cette devise : Le fléau des farfadets. — L’auteur débute par une dédicace à tous les empereurs, rois, princes souverains des quatre parties du monde. — « Réunissez vos efforts aux miens, leur dit-il, pour détruire l’influence des démons, sorciers et farfadets qui désolent les malheureux habitants de vos États. »

Il ajoute qu’il est tourmenté par le diable depuis vingt-trois ans, et il dit que les farfadets se métamorphosent sous des formes humaines pour vexer les hommes. Dans le chapitre II de son livre, il nomme tous ses ennemis par leurs noms, en soutenant que ce sont des démons déguisés, des agents de Belzébuth ; qu’en les appelant infâmes et coquins, ce n’est pas eux qu’il insulte, mais les démons qui se sont emparés d’eux. « On me fait passer pour fou, s’écrie-t-il ; mais si j’étais fou, mes ennemis ne seraient pas tourmentés comme ils le sont tous les jours par, mes lardoires, mes épingles, mon soufre, mon sel, mon vinaigre et mes cœurs de bœuf. »

Les trois volumes sont en quelque sorte les Mémoires de l’auteur, que le diable ne quitte pas. Il établit le pouvoir des farfadets ; il conte, au chapitre IV, qu’il s’est fait dire la bonne aventure en 1796 par une sorcière d’Avignon, appelée la Mansotte, qui se servait pour cela du jeu de tarots, « Elle y ajouta, dit-il, une cérémonie qui, sans doute, est ce qui m’a mis entre les mains des farfadets. Elles étaient deux disciples femelles de Satan ; elles se procurèrent un tamis propre à passer de la farine, sur lequel on fixa une paire de ciseaux par les pointes. Un papier blanc plié était posé dans le tamis. La Mansotte et moi nous tenions chacun un anneau des ciseaux, de manière que le tamis était, par ce moyen, suspendu en l’air. Aux divers mouvements du tamis, on me faisait des questions qui devaient servir de renseignements à ceux qui voulaient me mettre en leur possession. Les sorcières demandèrent trois pots : dans l’un elles enfermèrent quelques-uns des tarots jetés sur la table, et préférablement les cartes à figures. Je les avais tirées du jeu les yeux bandés. Le second pot fut garni de sel, de poivre et d’huile ; le troisième de laurier. Les trois pots, couverts, furent déposés dans une alcôve, et les sorcières se retirèrent pour attendre l’effet… Je rentrai chez moi à dix heures du soir ; je trouvai mes trois croisées ouvertes, et j’entendis au-dessus de ma tête un bruit extraordinaire. J’allume mon flambeau ; je ne vois rien. Le bruit que j’entendais ressemblait au mugissement des bêtes féroces ; il dura toute la nuit. Je souffris trois jours diverses tortures, pendant lesquelles les deux sorcières préparaient leurs maléfices. Elles ne cessèrent, tant que dura leur manège, de me demander de l’argent. Il fallait aussi que je fusse là pour leur donner du sirop, des rafraîchissements et des comestibles ; car leurs entrailles étaient dévorées par le feu de l’enfer. Elles eurent besoin de rubans de différentes couleurs, qu’elles ne m’ont jamais rendus. Pendant huit jours que dura leur magie, je fus d’une tristesse accablante. Le quatrième jour, elles se métamorphosèrent en chats, venant sous mon lit pour me tourmenter. D’autres fois elles venaient en chiens : j’étais accablé par le miaulement des uns et l’aboiement des autres. Que ces huit jours furent longs ! »

Berbiguier s’adressa à un tireur de cartes, qui se chargea de combattre les deux sorcières ; mais il ne lui amena que de nouveaux tourments.

Dans les chapitres suivants, fauteur se fait dire encore sa bonne aventure et se croit obsédé ; il entend sans cesse à ses oreilles des cris de bêtes affreuses ; il a des peurs et des visions. Il vient à Paris pour un procès, fait connaissance d’une nouvelle magicienne, qui lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il, si je serais toujours malheureux ; elle me répondit que non ; que, si je voulais, elle me guérirait des maux présents et à venir, et que je pouvais moi-même faire le remède. — Il faut, me dit-elle, acheter une chandelle de suif chez la première marchande dont la boutique aura deux issues, et lâcher, en payant, de vous faire rendre deux deniers. « Elle me recommanda de sortir ensuite par la porte opposée à celle par laquelle je serais entré, et de jeter les deux deniers en l’air ; ce que je fis. Je fus grandement surpris d’entendre le son de deux écus au lieu de celui des deux deniers.

» L’usage qu’elle me dit de faire de la chandelle fut d’allumer d’abord mon feu, de jeter dedans du sel, d’écrire sur un papier le nom de la première personne qui m’a persécuté, de piquer ce papier dans tous les sens, d’en envelopper la chandelle en l’y fixant avec une épingle, et de la laisser brûler entièrement ainsi.

» Aussitôt que j’eus tout exécuté, ayant eu la précaution de m’armer d’un couteau en cas d’attaque, j’entendis un bruit effroyable dans le tuyau de ma cheminée ; je m’imaginai que j’étais au pouvoir du magicien Moreau, que j’avais consulté à Paris. Je passai la nuit à alimenter le feu, en y jetant de grosses poignées de sel et de soufre, pour prolonger le supplice de mes ennemis… »

M. Berbiguier fit neuf jours de suite la même opération, sans se voir débarrassé des farfadets et des magiciens.

Ses trois volumes sont partout de cette force, et nous ne dirons rien de trop en rangeant cet ouvrage parmi les plus extravagantes productions. L’auteur se croyait en correspondance avec des sorciers et des démons. Il rapporte des lettres faites par des plaisants assez malhabiles, et qu’il attribue à Lucifer, à Rolhomago et à d’autres dont elles portent les signatures. En voici une qu’il a transcrite scrupuleusement :

          À M. Berbiguier.

« Abomination de la détestation ! tremblement de terre, déluge, tempête, vent, comète, planète, Océan, flux, reflux, génie, sylphe, faune, satyre, Sylvain, dryade et hamadryade !

» Le mandataire du grand génie du bien et du mal, allié de Belzébuth et de l’enfer, compagnon d’armes d’Astaroth, auteur du péché originel et ministre du Zodiaque, a droit de posséder et de tourmenter, de piquer, de purger, de rôtir, empoisonner, poignarder et liquéfier le très-humble et très-patient vassal Berbiguier, pour avoir maudit la très-honorable et indissoluble société magique : en foi de quoi nous avons fait apposer les armes de la société.

» Fait au soleil, en face de la lune, le grand officier, ministre plénipotentiaire, le 5818e jour et la 105819e heure de nuit, grand-croix et tribun de la société magique. Le présent pouvoir aura son effet sur son ami Coco (c’était l’écureuil de M. Berbiguier).

                     »Thésaurochrysonicochrysidès.
                          »Par Son Excellence, le secrétaire}}
                                  »Pirichichi-Pinchi.

   »30 mars 1848.

»P. S. Dans huit jours tu seras en ma puissance ; malheur à toi, si tu fais paraître ton ouvrage[228] ! »

Bérenger, hérétique du onzième siècle. Guillaume de Malmesbury raconte[229] qu’à l’heure de sa mort Bérenger reçut la visite de son ancien ami Fulbert, lequel recula devant le lit où gisait le malade, disant qu’il n’en pouvait approcher, parce qu’il voyait auprès de lui un horrible et grand démon très-puant. Les uns racontent qu’on chassa ce démon ; d’autres assurent qu’il tordit le cou à l’hérétique mal converti et qu’il remporta.

Bérésith, branche de la cabale. C’est l’étude des vertus occultes que le monde renferme.

Bergers. On est encore persuadé dans beaucoup de villages que les bergers commercent avec le diable, et qu’ils font des maléfices. Il est dangereux, assure-t-on, de passer près d’eux sans les saluer ; ils fourvoient loin de sa route le voyageur qui les offense, fontmaître des orages devant ses pas et des précipices à ses pieds. On conte là-dessus beaucoup d’histoires terribles.

Un voyageur passant à cheval à l’entrée d’une forêt du Mans renversa un vieux berger qui croisait sa route, et ne s’arrêta pas pour relever le bonhomme. Le berger, se tournant vers le voyageur, lui cria qu’il se souviendrait de lui. L’homme à cheval ne fit pas d’abord attention à cette menace ; mais bientôt, réfléchissant que le berger pouvait lui jeter un maléfice, et tout au moins l’égarer, il eut regret de n’avoir pas été plus honnête. — Comme il s’occupait de ces pensées, il entendit marcher derrière lui ; il se retourne et entrevoit un spectre nu, hideux, qui le poursuit c’est sûrement un fantôme envoyé par le berger… Il pique son cheval, qui ne peut plus courir. Pour comble de frayeur, le spectre saute sur la croupe de son cheval, enlace de ses deux longs bras le corps du cavalier, et se met à hurler. Le voyageur fait de vains efforts pour se dégager du monstre, qui continue de crier d’une voix rauque. Le cheval s’effraye, et cherche à jeter à terre sa double charge ; enfin une ruade de l’animal renverse le spectre, sur lequel le cavalier ose à peine jeter les yeux. Il a une barbe sale, le teint pâle, les yeux hagards ; il fait d’effroyables grimaces Le voyageur fuit au plus vite : arrivé au prochain village, il raconte sa mésaventure. On lui apprend que le spectre qui lui a causé tant de frayeur est un fou échappé qu’on cherche depuis quelques heures[230].

Les maléfices de bergers ont eu quelquefois des suites plus fâcheuses, et il a été prouvé, dans le passé, qu’ils composaient des poudres mystérieuses avec lesquelles ils empoisonnaient certains pâturages et donnaient aux troupeaux des vertiges. Un boucher avait acheté des moutons sans donner le 44pourboire44 au berger de la ferme. Celui-ci se vengea ; en passant le pont qui se trouvait sur leur route, les moutons se ruèrent dans l’eau la tête la première.

On conte aussi qu’un certain berger avait fait


un sort avec la corne des pieds de ses bêtes, comme cela se pratique parmi eux pour conserver les troupeaux en santé. Il portait ce sort dans sa poche : un berger du voisinage parvint à le lui escamoter, et, comme il lui en voulait depuis longtemps, il mit le sort en poudre, et l’enterra dans une fourmilière avec une taupe, une grenouille verte et une queue de morue, en disant : 44Maudition, perdition, destruction !44 et au bout de neuf jours, il déterra son maléfice et le sema dans l’endroit où devait paître le troupeau de son voisin, qui fut détruit.

D’autres bergers, avec trois cailloux pris en différents cimetières et certaines paroles magiques, donnent des dyssenteries, envoient la gale à leurs ennemis, et font mourir autant d’animaux qu’ils souhaitent. C’est du moins l’opinion hasardée des gens du village. Quoique les bergers ne sachent pas lire, on craint si fort leur savoir et leur puissance, dans quelques hameaux, qu’on a soin de recommander aux voyageurs de ne pas les insulter, et de passer auprès d’eux sans leur demander quelle heure il est, quel temps il fera, ou telle autre chose semblable, si l’on ne veut avoir des nuées, être noyé par des orages, courir de grands périls, et se perdre dans les chemins les plus ouverts.

Il est bon de remarquer que, dans tous leurs

 
Bergers, voyageur, orage.
Bergers, voyageur, orage.
 

maléfices, les bergers emploient des Pater, des Ave, des neuvaines de chapelet. Mais ils ont d’autres oraisons et des prières pour la conservation des troupeaux. Voy. Troupeaux, et pour les bergers, voy. Hocque, etc.

Bergmaenlen, nains de la classe des esprits follets, qui fréquentent les fermiers de l’Oberland, et leur rendent de petits services.

Berith, duc aux enfers, grand et terrible. Il est connu sous trois noms ; quelques-uns le nomment Béal, les Juifs Bérith et les nécromanciens Bolfri. Il se montre sous les traits d’un jeune soldat habillé de rouge des pieds à la tête, monté sur un cheval de même couleur, portant la couronne au front ; il répond sur le passé, le présent et l’avenir. On le maîtrise par la vertu des anneaux magiques ; mais il ne faut pas oublier qu’il est souvent menteur. Il a le talent de changer tous les métaux en or : aussi on le regarde quelquefois comme le démon des alchimistes. Il donne des dignités et rend la voix des chanteurs claire et déliée. Vingt-six légions sont à ses ordres. C’était l’idole des Sichemites, et peut-être est-ce le même que le Béruth de Sanchoniaton, que des doctes croient être Pallas ou Diane.

L’auteur du Solide trésor du Petit Albert conte de Bérith une aventure qui ferait croire que ce démon n’est plus qu’un follet ou lutin, si toutefois c’est le même Bérith.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.

« Je me suis trouvé, dit-il, dans un château où se manifestait un esprit familier qui depuis six ans avait pris soin de gouverner l’horloge et d’étriller les chevaux. Je fus curieux un matin d’examiner ce manège : mon étonnement fut grand de voir courir l’étrille sur la croupe du cheval, sans qu’elle parût conduite par aucune main visible. Le palefrenier me dit que, pour attirer ce farfadet à son service, il avait pris une petite poule noire, qu’il l’avait saignée dans un grand chemin croisé ; que de ce sang il avait écrit sur un morceau de papier : « Bérith fera ma besogne pendant vingt ans, et je le récompenserai ; » qu’ayant ensuite enterré la poule à un pied de profondeur, le même jour le farfadet avait pris soin de l’horloge et des chevaux, et que de temps en temps lui-même faisait des trouvailles qui lui valaient quelque chose… »

L’historien semble croire que ce lutin était une mandragore. Les cabalistes n’y voient autre chose qu’un sylphe.

Berkeley, savant irlandais, — supposé, nous l’espérons, — que M. Michel Masson a représenté comme voulant usurper la puissance divine et faire un géant haut, comme Og, de quinze pieds ; il séquestra pour cela un enfant, et au moyen d’un régime alimentaire habilement combiné, il fit grandir cet enfant, qui, en croissant prodigieusement, devint inerte et stupide. Le savant n’y prenait pas garde ; il voulait un géant, et il caressait l’espoir d’entendre dire un jour : Og, le roi de Bazan, est retrouvé. Le géant de Berkeley a quinze pieds ! Mais ce que Dieu ne veut pas n’a pas lieu. La victime du savant, ayant à peine atteint la moitié de la taille qu’on en attendait, s’éteignit épuisée à quinze ans.

Berna (Benedetto), sorcier qui, au rapport de Bodin et de quelques autres démonographes, avoua à l’âge de quatre-vingts ans qu’il avait eu des liaisons pendant quarante années avec un démon qu’il nommait Hermione ou Hermeline, et qu’il menait partout avec lui sans que personne l’aperçût:il s’entretenait fréquemment, dit-on, avec cet esprit qu’on ne voyait pas; de manière qu’on le prenait pour un fou (et ce n’était pas autre chose). Il confessa aussi avoir humé le sang de divers petits enfants, et fait plusieurs méchancetés exécrables. Pour ces faits atroces il fut brûlé.

Bernache ou Bernacle, voy. Macreuses.

Bernard. Cardan pense que la sorcellerie ne fut souvent qu’une espèce de maladie hypocondriaque, causée par la mauvaise nourriture des pauvres diables que l’on poursuivait comme sorciers. Il raconte que son père sauva un jour un paysan nommé Bernard, que l’on allait condamner à mort pour sorcellerie, en lui changeant sa façon ordinaire de vivre. Il lui donna le matin quatre œufs frais, et autant le soir avec de la viande et du vin ; le bonhomme perdit son humeur noire, n’eut plus de visions et évita le bûcher.

Bernard de Côme, inquisiteur de la foi au quinzième siècle, dit, dans son traité des stryges ou sorciers, que la sorcellerie était de son temps très-répandue. C’était la Vauderie.

Bernard (Samuel). Voy. Poule noire.

Bernard de Thuringe, ermite allemand qui vers le milieu du dixième siècle annonçait la fin du monde. Il appuyait son sentiment sur un passage de l’Apocalypse qui porte qu’après mille ans l’ancien serpent sera délié. Il prétendait que ce serpent était l’Antéchrist ; que par conséquent l’année 960 étant révolue, la venue de l’Anté-christ était prochaine. Il disait aussi que, quand le jour de l’annonciation de la sainte Vierge se rencontrerait avec le vendredi saint, ce serait une preuve certaine de la fin du monde ; cette prédiction a eu vainement des occasions de se vérifier[231].

Bernard le Trévisan, alchimiste du quinzième siècle, que quelques-uns croient avoir été sorcier, né à Padoue en 1406. Il a beaucoup travaillé sur le grand œuvre, et ses ouvrages inintelligibles sont recherchés des alchimistes ; ils roulent tous sur la pierre philosophale[232].

Bernardi (Pierre), d’Aréia, en Toscane, mordait le nez et les oreilles de ceux qui l’approchaient, hurlait sans cesse comme une bête féroce et faisait la terreur de la contrée. On l’exorcisa ; il déclara qu’il était possédé, et qu’on ne le délivrerait qu’en ôtant un maléfice caché sous sa porte. On ne voulut pas le faire, parce qu’on croyait que ces paroles étaient un mensonge du démon. Le savant Raggiolo, qui s’occupait de lui, parvint à contraindre le démon, qui fit en sortant des cris si effroyables que l’église en fut ébranlée. Alors les parents de Bernardi fouillèrent sous le seuil de sa porte ; ils y trouvèrent, dans un linge, un morceau de peau d’âne chargé de caractères mystérieux, avec un os d’enfant et des cheveux de femme.Ils brûlèrent le tout, et la possession ne reparut pas.

Berne (les moines de). Voy. Jetzer.

Bernold. Voy. Berthold.

Berquin (Louis), gentilhomme artésien, conseiller de François I er ; entraîné par de mauvaises mœurs, il se mit à déclamer contre les moines et à donner dans le luthéranisme. Ses livres furent brûlés, et la protection du roi le sauva seule d’une abjuration publique ; mais on le reprit bientôt. Il se mêlait aux orgies des sorciers, plus fréquents que jamais depuis les excès de la réforme ; on le convainquit d’avoir adoré le diable et commis des actes abominables ; on produisit contre lui de si tristes griefs, que le roi n’osa plus le défendre, et il fut brûlé en place de Grève le 17 avril 1529.

Berrid. Voy. Purgatoire.

Berson, docteur en théologie et prédicateur visionnaire de la cour, sous Henri III. Il s’imaginait être Enoch, et il voulait aller porter l’Évangile dans le Levant, avec un prêtre flamand qui ^e vantait d’être Élie. Taillepied dit avoir entendu Berson prêcher cette bizarrerie devant le frère du roi, à Château-Thierry[233].

Berthe. Voy. Robert, roi.

Berthereau (Martine). Voy. Beausoleil.

Berthier (Guillaume-François), célèbre jésuite, mort en 1782. Voltaire a publié la relation de la maladie, de la mort et de l’apparition du jésuite Berthier ; mais ce n’est qu’une assez mauvaise plaisanterie. Le père Berthier vivait encore.

Berthold. Après la mort de Charles le Chauve, un bourgeois de Reims, nommé Berthold ou Bernold, gravement malade, ayant reçu les sacrements, fut quatre jours sans prendre aucune nourriture et se sentit alors si faible, qu’à peine lui trouvait-on un peu de palpitation et de respiration. Vers minuit il appela sa femme et lui dit de faire promptement venir son confesseur. Le prêtre était à peine dans la cour, que Berthold dit:— Mettez ici un siège, car le prêtre vient. — Le confesseur, étant entré, récita quelques prières, auxquelles Berthold répondit ; puis il tomba dans une longue extase, et, quand il en sortit, il raconta un voyage que son âme venait de faire en purgatoire, où il avait vu le roi défunt et d’autres personnages. Après son récit, il se remit à dormir et vécut encore quatorze ans[234].

Berthomé du Lignon, dit Champagnat, sorcier jugé à Montmorillon, en Poitou, dans l’année 1599. Il avoua que son père l’avait mené au sabbat dès sa jeunesse ; qu’il avait promis au diable son âme et son corps ; qu’à la Saint-Jean dernière, il avait vu un grand sabbat où le diable faisait danser les gens en rond ; qu’il se mettait au milieu de la danse en forme de bouc noir, donnant à chacun une chandelle allumée, avec laquelle ils allaient lui baiser le derrière ; que le diable lui octroyait à chaque sabbat quarante sous en monnaie, et des poudres pour faire des maléfices ; que, quand il le voulait, il appelait le diable, qui venait à lui comme un tourbillon ; que la nuit dernière il était venu le visiter en sa prison et lui avait dit qu’il n’avait pas moyen de le tirer d’où il était. Il dit encore que le diable défendait à tous les siens de prier Dieu, d’aller à la messe, de faire leurs Pâques, et que, pour lui, il avait fait mourir plusieurs personnes et plusieurs bêtes au moyen des poudres qu’on lui donnait au sabbat[235].

Berthomée de la Bedouche. Voy. Bonnevault (Mathurin) .

Béruth. Voy. Bérith.

Bête-bigourne. Voy. Lycanthropie.

Bêtes. Il y a dans les choses prodigieuses de ce monde beaucoup de bêtes qui figurent avec distinction. Les bêtes ont été longtemps des instruments à présages : les sorciers et les démons ont emprunté leurs formes, et souvent on a brûlé des chats et des chiens dans lesquels on croyait reconnaître un démon caché ou une sorcière.

Dans les campagnes, on effraye encore les enfants avec la menace de la Bête à sept têtes, dont l’imagination varie en tous lieux la laideur. L’opinion de cette bête monstrueuse remonte à la Bête de l’Apocalypse. Selon quelques-uns, les sept têtes sont les sept péchés capitaux. Depuis les troubles des Cévennes, on a aussi effrayé les imaginations par l’image de la Bête du Gévaudan, qui n’est autre chose que la sombre hérésie de cette contrée, laquelle produisait les excès des calvinistes, entés sur les abominations des Albigeois.

Des personnes accoutumées aux visions extraordinaires ont vu quelquefois des spectres de bêtes. On sait la petite anecdote de ce malade à qui son médecin disait : — Amendez-vous, car je viens de voir le diable à votre porte. — Sous quelle forme ? demanda le moribond. — Sous celle d’un âne. — Bon, répliqua le malade, vous avez eu peur de votre ombre.

Des doctes croient encore que les animaux, à qui ils n’accordent point d’âme, peuvent revenir, et on cite des spectres de ce genre.

Meyer, professeur à l’université de Halle, dans son Essai sur les apparitions, § 17, dit que les revenants et les spectres ne sont peut-être que les âmes des bêtes, qui, ne pouvant aller ni dans le ciel ni dans les enfers, restent ici errantes et diversement conformées. Pour que cette opinion eût quelque fondement, il faudrait croire, avec les péripatéticiens, que les bêtes ont une âme quelconque ; ce qui n’est pas facile.

Les pythagoriciens sont allés plus loin ; ils ont cru que par la métempsycose les âmes passaient successivement du corps d’un homme dans celui d’un animal.

Le père Bougeant, de la compagnie de Jésus, dans un petit ouvrage plein d’esprit, l’Amusement philosophique sur le langage des bêtes, adopta par plaisanterie un système assez singulier. Il trouve aux bêtes trop d’esprit et de sentiment pour n’avoir pas un âme ; mais il prétend qu’elles sont animées par les démons les moins coupables, qui font pénitence sous cette enveloppe, en attendant le jugement dernier, époque où ils seront renvoyés en une contrée de l’enfer. Ce système est soutenu de la manière la plus ingénieuse : ce n’était qu’un amusement ; on le prit trop au sérieux. L’auteur fut gravement réfuté, et obligé de désavouer publiquement des opinions qu’il n’avait mises au jour que comme un délassement.

Cependant le père Gaston de Pardies, de la même société de Jésus, avait écrit quelque temps auparavant que les bêtes ont une certaine âme[236], et on ne l’avait pas repris. Mais on pensa qu’auprès de quelques esprits l’ingénieux amusement du père Bougeant pouvait faire naître de fausses idées.

Betterave, plante potagère. Le Register de Newark, à l’occasion de la mort d’un jeune homme noyé dans les puits argileux d’Olivier-street, raconte un fait qui s’est passé il y a quelques années au même endroit.

« Un manœuvre allemand travaillait dans un jardin situé près d’un de ces puits. Tout à coup il aperçut une feuille blanche croissant sur une plante de betterave. Les Allemands regardent cette rencontre comme un signe de malheur, et le superstitieux ouvrier en eut l’esprit extrêmement frappé. En rentrant à la maison, il fit part à sa femme du nouveau présage et des sinistres pressentiments qui s’y rattachaient dans son esprit. Celle-ci entraîna aussitôt son mari dans le petit enclos qui entourait leur demeure et lui montra une seconde feuille blanche de betterave qu’elle avait également trouvée dans la matinée. Les deux époux, de plus en plus convaincus qu’un affreux malheur allait fondre sur eux, rentrèrent tout tristes dans leur maison, et dînèrent silencieusement, livrés aux plus sombres pensées.

» Après le repas, l’ouvrier retourna à son travail. Au commencement de la soirée, quelques personnes passant parla remarquèrent des vêtements au bord de l’eau. N’apercevant pas de baigneur, ils supposèrent qu’un malheur était arrivé.

L’eau fut draguée, et l’on retira le corps du malheureux Allemand. On suppose qu’en se baignant il sera tombé dans quelque trou profond, et que, ne sachant pas nager, il y aura trouvé la mort.

» Mais voici le fait le plus curieux de cette singulière histoire. Le malheureux noyé avait une sœur à Brooklyn. Dans l’après-midi de la fatale journée, elle fut frappée tout à coup d’une espèce de sommeil somnambulique ; elle vit son frère lutter contre l’eau qui allait l’engloutir ; elle l’entendit appeler au secours. Quand elle se réveilla, elle avait la figure brûlante et portait les signes de la plus grande terreur. Elle raconta son rêve à son mari ; elle lui dit qu’elle était décidée à aller à Newark s’informer de son frère.

» Son mari tâcha de retenir sa femme, dont l’état d’excitation lui inspirait des inquiétudes. Il lui représenta la folie de prêter ainsi foi à un songe et de s’alarmer sans sujet. Mais rien n’y fit. La sœur partit pour Newark, et elle arriva précisément au moment où le cadavre du pauvre noyé était transporté dans sa demeure. Ses pressentiments, ne l’avaient point trompée ! »

Beurre. On croit dans plusieurs villages empêcher le beurre de se faire en récitant à rebours le psaume Nolite fieri[237]. Bodin ajoute que, par un effet d’antipathie naturelle, on obtient le même résultat en mettant un peu de sucre dans la crème ; et il conte qu’étant à Chelles, en Valois, il vit une chambrière qui voulait faire fouetter un petit laquais, parce qu’il l’avait tellement maléficiée en récitant à rebours le psaume cité, que depuis le matin elle ne pouvait faire son beurre. Le laquais récita alors naturellement le psaume, et le beurre se fit[238].

Dans le Finistère, dit-on, l’on ensorcelle encore le beurre. On croit aussi dans ce pays que si l’on offre du beurre à saint Hervé, les bestiaux qui ont fourni la crème n’ont rien à craindre des loups, parce que ce saint, étant aveugle, se faisait guider par un loup[239].

Beurre des sorcières. Le diable donnait aux sorcières de Suède, entre autres animaux destinés à les servir, des chats qu’elles appelaient emporteurs, parce qu’elles les envoyaient voler dans le voisinage. Ces emporteurs, qui étaient très-gourmands, profitaient de l’occasion pour se régaler aussi, et quelquefois ils s’emplissaient si fort le ventre, qu’ils étaient obligés en chemin de rendre gorge. Leur vomissement se trouve habituellement dans les jardins potagers. « Il a une couleur aurore, et s’appelle le beurre des sorcières[240]. »

Beverland (Adrien), avocat hollandais de Middelbourg, auteur des Recherches philosophiques sur le péché originel[241] pleines de grossièretés infâmes. Les protestants mêmes, ses coreligionnaires, s’en indignèrent et mirent cet homme en prison à Leyde ; il s’en échappa et mourut fou à Londres en 1712. Sa folie était de se croire constamment poursuivi par deux cents hommes qui avaient juré sa mort[242].

Beyrevra, démon indien, chef des âmes qui errent dans l’espace changées en démons aériens.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


On dit qu’il a de grands ongles très-crochus. Brahma ayant un jour insulté un dieu supérieur, Beyrevra, chargé de le punir, lui coupa une tête avec son ongle. Brahma, humilié, demanda pardon, et le dieu Eswara lui promit pour le consoler qu’il ne serait pas moins respecté avec les quatre têtes qui lui restaient qu’il ne l’était auparavant avec cinq têtes.

Bézuel. Voy. Desfontaines.

Bhargheist ou Bhar-geist, spectre errant connu des Teutons. Les Anglais le voient encore quelquefois dans le Yorkshire.

Bibésia. C’était dans la mythologie païenne, que Boileau admirait si niaisement, la déesse protectrice des buveurs et des ivrognes.

Bible du diable. C’est sans doute le grimoire ou quelque autre fatras de ce genre. Mais Delancre dit que le diable fait croire aux sorciers qu’il a sa Bible, ses cahiers sacrés, sa théologie et ses professeurs ; et un grand magicien avoua, étant sur la sellette au parlement de Paris, qu’il y avait à Tolède soixante-treize maîtres en la faculté de magie, lesquels prenaient pour texte la Bible du diable[243].

Bibliomancie, divination ou sorte d’épreuve employée autrefois pour reconnaître les sorciers. Elle consistait à mettre dans un des côtés d’une balance la personne soupçonnée de magie, et dans l’autre la Bible ; si la personne pesait moins, elle était innocente ; si elle pesait plus, elle était jugée coupable : ce qui ne manquait guère d’arriver, car bien peu d’in-folio pèsent un sorcier.

On consultait encore la destinée ou le sort en ouvrant la Bible avec une épingle d’or, et en tirant présage du premier mot qui se présentait.

Bietka. Il y avait en 1597 à Wilna, en Pologne, une fille nommée Bietka, qui était recherchée par un jeune homme appelé Zacharie. Les parents de Zacharie ne consentant point à son mariage, il tomba dans la mélancolie et s’étrangla. Peu de temps après sa mort il apparut à Bietka, lui dit qu’il venait s’unir à elle et tenir sa promesse de mariage. Elle se laissa persuader ; le mort l’épousa donc, mais sans témoins. Cette singularité ne demeura pas longtemps secrète, on sut bientôt le mariage de Bietka avec un esprit, on accourut de toutes parts pour voir la mariée ; et son aventure lui rapporta beaucoup d’argent, car le revenant se montrait et rendait des oracles ; mais il ne donnait ses réponses que du consentement de sa femme, qu’il fallait gagner. Il faisait aussi beaucoup de tours ; il connaissait tout le présent, et prédisait un peu l’avenir.

Au bout de trois ans, un magicien italien, ayant laissé échapper depuis cette époque un esprit qu’il avait longtemps maîtrisé, vint en Pologne, sur le bruit des merveilles de l’époux de Bietka ; il reconnut que le prétendu revenant était le démon qui lui appartenait ; il le renferma de nouveau dans une bague, et le remporta en Italie, en assurant qu’il eût causé de très-grands maux en Pologne s’il l’y eût laissé[244]. De sorte que la pauvre Bietka en fut pour trois années de mariage avec un démon.

Le fait est raconté par un écrivain qui croit fermement à ce prodige, et qui s’étonne seulement de ce que ce démon était assez matériel pour faire tous les jours ses trois repas. Des critiques n’ont vu là qu’une suite de supercheries, à partir de la prétendue strangulation de l’homme qui fit ensuite le revenant.

Bifrons, démon qui paraît avec la figure d’un monstre. Lorsqu’il prend forme humaine, il rend l’homme savant en astrologie, et lui enseigne à connaître les influences des planètes ; il excelle

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


dans la géométrie ; il connaît les vertus des herbes, des pierres précieuses et des plantes ; il transporte les cadavres d’un lieu à un autre. On l’a vu aussi allumer des flambeaux sur les tombeaux des morts. Il a vingt-six légions à ses ordres.

Bifrost. L’Edda donne ce nom à un pont tricolore qui va de la terre aux deux, et qui n’est que l’arc-en-ciel, auquel les Scandinaves attribuaient la solidité. Ils disaient qu’il est ardent comme un brasier, sans quoi les démons l’escaladeraient tous les jours. Ce pont sera mis en pièces à la fin du monde, après que les mauvais génies sortis de l’enfer l’auront traversé à cheval. Voy. Surtur.

Bigoïs ou Bigotis, sorcière toscane qui, dit-on, avait rédigé un savant livre sur la connaissance des pronostics donnés par les éclairs et le tonnerre. Ce savant livre est perdu, et sans doute Bigoïs est la même que Bagoé.

Bigourne. Voy. Lycanthropie.

Bilis. Les Madécasses désignent sous ce nom certains démons qu’ils appellent aussi anges du septième ordre.

Billard (Pierre), né dans le Maine en 1653, mort en 1726, auteur plat d’un volume in-12 intitulé la Bête à sept têtes, qui a paru en 1693. Cet ouvrage lourd, dirigé contre les jésuites, est très-niais. Selon Pierre Billard, la bête à sept têtes prédite par l’Apocalypse était la société de Jésus. L’auteur mourut à Charenton.

Billis, sorciers redoutés en Afrique, où ils empêchent le riz de croître et de mûrir. Les nègres mélancoliques deviennent quelquefois sorciers ou billis ; le diable s’empare d’eux dans leurs accès de tristesse, et leur apprend alors, disent-ils, à faire des maléfices et à connaître les vertus des plantes magiques.

Binet (Benjamin), auteur du petit volume intitulé Traité des dieux et des démons du paganisme, avec des remarques critiques sur le système de Bekker. Delft, 1696, in-12.

Binet (Claude). On recherche de Claude Binet, avocat du seizième siècle, les Oracles des douze sibylles, extraits d’un livre antique, avec les figures des sibylles portraites au vif, par Jean Rabel, traduit du latin de Jean Dorat en vers français. Paris, 1586, in-folio.

Biragues (Flaminio de), auteur d’une facétie intitulée l’Enfer de la mère Cardine, traitant de l’horrible bataille qui fut aux enfers aux noces du portier Cerberus et de Cardine. In-8°, Paris, 1585 et 1597. C’est une satire qui ne tient que si on le veut bien à la démonographie. P. Didot l’a réimprimée à cent exemplaires en 1793. L’auteur était neveu du chancelier de France René de Biragues.

Birck (Humbert), bourgeois d’Oppenheim dontl’àme revint après sa mort, en 1620, et se manifesta, comme les esprits frappeurs, pour obtenir des messes, ce qu’on lui accorda ; après quoi il ne revint plus[245].

Biron. Le maréchal de Biron, que Henri IV fit décapiter pour trahison en 1602, croyait aux prédictions. Pendant le cours de son procès, il

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


demanda de quel pays était le bourreau. On lui répondit qu’il était Parisien. — Bon, dit-il. — Et il s’appelle Bourguignon. — Ah ! je suis perdu ! s’écria le maréchal ; on m’a prédit que si je pouvais éviter par derrière le coup d’un Bourguignon, je serais roi.

M. Chabot de Bouin a écrit très-agréablement cette légende, développée dans l’Almanach prophétique de 1846.

Biscar (Jeannette), sorcière boiteuse du Labourd, que le diable, en forme de bouc, transportait au sabbat, où, pour le remercier, elle faisait, au dire de Delancre, des culbutes et des cabrioles.

Biscayens, vagabonds de l’espèce des bohémiens. Ils disaient la bonne aventure dans les villages.

Bisclavaret. C’est le nom que donnent les Bretons au loup-garou. C’est souvent un renard

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


et quelquefois un loup, qui se jette devant les chevaux des chasseurs et les effraye. On croit que cet animal est un sorcier qui en a pris la forme ; et dans les temps passés, si une châtelaine inconnue venait offrir des rafraîchissements

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


aux chasseurs à l’instant où le Bisclavaret s’était montré, on la prenait pour une fée et on se défiait d’elle. M. Édouard d’Anglemont a consacré une de ses légendes poétiques au Bisclavaret.

Bithies, sorcières fameuses chez les Scythes. Pline dit qu’elles avaient le regard si dangereux, qu’elles pouvaient tuer ou ensorceler ceux qu’elles fixaient. Elles avaient à l’un des yeux la prunelle double, l’autre prunelle était marquée de la figure d’un cheval[246].

Bitru, démon. Voy. Sytry.

Blaise de Vilfracuria, femme qui magnétisait en Lorraine, avant que l’on connût le nom du magnétisme. Remi conte dans sa Démonatrie qu’en 1689 un homme qui venait lui faire des réclamations fut invité par elle à manger des pommes qu’elle faisait cuire. La première pomme qu’il prit, toute brûlante, s’atlacha à sa main ; il voulut l’arracher de l’autre main, qui se trouva prise aussi. Il sortit en poussant des cris de douleur. Les voisins lui dirent qu’il devait retourner à la femme qui lui avait donné sa pomme. Blaise se moqua de lui, et lui fit sur les bras des passes qui ôtèrent la douleur en faisant tomber la pomme. Elle appelait sa malice une farce.

Blanc (M. Hippolyte), auteur d’un livre intitulé De l’inspiration des Camisards, recherches nouvelles sur les phénomènes extraordinaires observés parmi les protestants des Cévennes à la fin du dix-septième et au commencement du dix-huitième siècle, pour servir à l’intelligence de certaines manifestations modernes. In—12, 1859. Henri Pion, éditeur. Ce savant travail établit par d’incontestables faits la part démoniaque de ces inspirations.

Blanc d’œuf (Divination par le). Voyez Oomancie.

Blanchard (Élisabeth), une des démoniaques de Loudun. Elle se disait possédée de plusieurs démons : Astaroth, Belzébuth, Pérou et Marou, etc. Voy. Loudun.

Blasphème. Souvent il est arrivé malheur aux gens grossiers qui blasphémaient. On en a vu, dans des accès de colère, mourir subitement. Étaient-ils étouffés par la colère ? ou frappés d’un coup d’apoplexie ? ou châtiés par une puissance suprême ? ou, comme on l’a dit quelquefois, étranglés par le diable ? Torquemada parle, dans la troisième journée de son Hexaméron, d’un blasphémateur qui fut tué un jour par le tonnerre, et l’on reconnut avec stupeur que la foudre lui avait arraché la langue. Si c’est un hasard, il est bien singulier.

Blendic. On exorcisa à Soissons, en 1582, cinq énergumènes. La relation de leurs réponses et de leurs convulsions a été écrite par Charles Blendic, Artésien.

Bletton (Barthélémy), hydroscope qui, vers la fin du siècle dernier, renouvela à Paris les prodiges de la baguette divinatoire appliquée à la recherche des sources et des métaux. Sa gloire s’est promptement évanouie. Voy. Baguette divinatoire et Beausoleil.

Bloemardine, femme de Bruxelles qui, au commencement du quatorzième siècle, troubla le Brabant, où elle établit une sorte de saint-simonisme, abolissant le mariage et les mœurs v et donnant à ses disciples dissolus le nom de frères et de sœurs du libre esprit. Elle avait un fauteuil d’argent que ses adeptes regardaient comme un talisman puissant en prodiges[247].

Blokula. Vers l’année 1670, il y eut en Suède, au village de Mohra, dans la province d’Elfdalen, une affaire de sorcellerie qui fit grand bruit. On y envoya des’juges. Soixante-dix sorcières furent condamnées à mort ; une foule d’autres furent arrêtées, et quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces débats.

On disait que les sorcières se rendaient de nuit dans un carrefour, qu’elles y évoquaient le diable à l’entrée d’une caverne en disant trois fois : « Antesser ! viens, et nous porte à Blokula ! »

Blokula
Blokula

C’était le lieu enchanté et inconnu du vulgaire où se faisait le sabbat. Le démon Antesser leur apparaissait sous diverses formes, mais le plus souvent en justaucorps gris, avec des chausses rouges ornées de rubans, des bas bleus, une barbe rousse, un chapeau pointu. Il les emportait à travers les airs à Blokula, aidé d’un nombre suffisant de démons, pour la plupart travestis en chèvres ; quelques sorcières plus hardies accompagnaient le cortège à cheval sur des manches à balai. Celles qui menaient des enfants plantaient une pique dans le derrière de leur chèvre ; tous les enfants s’y perchaient à califourchon à la suite de la sorcière, et faisaient le voyage sans encombre.

Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la relation, on leur prépare une fête ; ils se donnent au diable, qu’ils jurent de servir ; ils se font une piqûre au doigt et signent de leur sang un engagement ou pacte ; on les baptise ensuite au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches. Ils les jettent dans l’eau en disant ces paroles abominables : « De même que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est venue, que mon âme ainsi ne puisse jamais entrer dans le ciel !… »

La plus grande séduction que le diable emploie est la bonne chère, et il donne à ces gens un superbe festin, qui se compose d’un potage aux choux et au lard, de bouillie d’avoine, de beurre, de lait et de fromage. Après le repas, ils jouent et se battent ; et si le diable est de bonne humeur, il les rosse tous avec une perche, « ensuite de quoi il se met à rire à plein ventre ». D’autres fois il leur joue de la harpe.

Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient du commerce des sorcières avec les démons étaient des crapauds ou des serpents. Des sorcières révélèrent encore cette particularité, qu’elles avaient vu quelquefois le diable malade, et qu’alors il se faisait appliquer des ventouses par les sorciers de la compagnie.

Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient leurs commissions : à l’un un corbeau, à l’autre un chat, qu’ils appelaient emporteur, parce qu’on l’envoyait voler ce qu’on désirait et qu’il s’en acquittait habilement. Il leur enseignait à traire le lait par charme, de cette manière : le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache à ce couteau un cordon qu’il tire comme le pis d’une vache, et les bestiaux qu’il désigne dans sa pensée sont traits aussitôt jusqu’à épuisement. Ils employaient le même moyen pour nuire à leurs ennemis, qui souffraient des douleurs incroyables pendant tout le temps qu’on tirait le cordon. Ils tuaient même ceux qui leur déplaisaient en frappant l’air avec un couteau de bois.

Sur ces aveux on brûla quelques centaines de sorciers, sans que pour cela il y en eût moins en Suède[248] ; mais ce qui est surprenant, c’est que les mêmes scènes de magie se reproduisent en Suède de nos jours. Voy. Magie.

Bobin (Nicolas), sorcier jugé à Montmorillon, en Poitou, dans l’année 1599. Il fit à peu près la même confession que Berthomé du Lignon. Il était allé comme lui au sabbat, et s’était donné au diable, qui lui avait fait renier Dieu, le baptême et ses parents. Il conte qu’après l’offrande le diable se montrait quelquefois en forme d’homme noir ayant la voix cassée d’un vieillard ; que, quand il appelait le diable, il venait à lui en homme ou en bouc ; que, lorsqu’il allait au sabbat, il y était porté par un vent ; qu’il y rendait compte de l’usage de ses poudres, qu’il avait toujours fidèlement employées à mal faire ; qu’il portait la marque du diable sur l’épaule ; que, quand il donnait des maladies, il les donnait au nom du diable et les guérissait au même nom ; qu’il en avait fait mourir ainsi, et guéri plusieurs[249]

Bobou, l’un des grands elfs. Il préside aux vents tempétueux de l’automne, s’assied la nuit sur les tilleuls et en casse les branches. Lorsqu’on voit, en Écosse, une de ces branches cassée, tordue, ou éclatée d’une certaine manière, on dit : « C’est la branche à Bobou, » et on n’ose pas la toucher.

Bocal, sorcier qui fut arrêté à vingt-sept ans dans le pays de Labourd, sous Henri IV, comme convaincu d’avoir été vu au sabbat, vêtu en prêtre et servant de diacre ou de sous-diacre, les nuits des trois jours qui précédèrent sa première messe dans l’église de Sibour ou Siboro (car ce malheureux était prêtre) ; et, comme on lui demandait pourquoi il disait plutôt la messe au sabbat qu’à l’église, il répondit que c’était pour s’essayer et voir s’il ferait bien les cérémonies. Sur la déposition de soixante-dix témoins, qui déclaraient l’avoir vu au sabbat chantant la messe du diable, il fut condamné à mort après avoir été dégradé. Lorsqu’il allait être exécuté (il n’avait que vingt-sept ans), il était tellement tendu à rendre son âme au diable auquel il l’avait promise, que jamais il ne sut dire ses prières au confesseur qui l’en pressait. Les témoins ont déclaré que la mère, les sœurs et tous les membres de la famille Bocal étaient sorciers, et que quand il tenait le bassin des offrandes, au sabbat, il avait donné l’argent desdites offrandes à sa mère, en récompense, sans doute, de ce qu’elle l’avait dès sa naissance voué au diable, comme font la plupart des autres mères sorcières[250]. Migaléna, mère de ce malheureux, âgée de soixante et un ans, fut exécutée avec lui.

Bodeau (Jeanne), sorcière du même pays de Labourd. Au rapport de Pierre Delancre, elle raconta qu’à l’abominable cérémonie appelée la messe du sabbat, on faisait l’élévation avec une hostie noire de forme triangulaire[251], et le salut de cette élévation était : Corbeau noir ! corbeau noir ! crié trois fois.

Bodilis. Cambry, dans son Voyage au Finistère, parle de la merveilleuse fontaine de Bodilis, à trois quarts de lieue de Landivisiau. Les habitants croient qu’elle a la propriété d’indiquer si une jeune fille n’a pas fait de faute. Il faut dérober à celle dont on veut apprécier ainsi la sagesse l’épine qui attache sa collerette en guise d’épingle, et la poser sur la surface de l’eau : tout va bien si elle surnage ; mais si elle s’enfonce, c’est qu’il y a blâme.

Bodin (Jean), savant jurisconsulte et démonographe angevin, mort de la peste en 1596. L’ouvrage qui fit sa réputation fut sa République, que la Harpe appelle le germe de l’Esprit des lois. Sa Démonomanie lui donne ici une place. Mais il est difficile de juger Bodin. On lui attribue un livre intitulé Colloquium heptaplomeron de abditis rerum sublimium arcanis, dialogues en six livres, où sept interlocuteurs de diverses religions disputent sur leurs croyances, de manière que les chrétiens cèdent souvent l’avantage aux musulmans, aux juifs, aux déistes. Aussi l’on a dit que Bodin était à la fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée. Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de lui ? On ne les connaît que par des copies manuscrites, car ils n’ont jamais été imprimés. — Sa Démonomanie des sorciers parut in-4o, à Paris, en 1501 ; on en a fait des éditions sous le titre de Fléau des démons et des sorciers (Niort, 1616). Cet ouvrage est divisé en quatre livres ; tout ce qu’ils contiennent de curieux est cité dans ce dictionnaire.

L’auteur définit le sorcier celui qui se pousse à quelque chose par des moyens diaboliques. Il démontre que les esprits peuvent s’associer et commercer avec les hommes. Il trace la différence d’humeur et de formes qui distingue les bons esprits des mauvais. Il parle des divinations que les démons opèrent, des prédictions licites ou illicites.

Dans le livre II, il recherche ce que c’est que la magie ; il fait voir qu’on peut évoquer les malins esprits, faire pacte avec le diable, être porté en corps au sabbat, avoir, au moyen des démons, des révélations par extase, se changer en loup-garou ; il termine par de longs récits qui prouvent que les sorciers ont pouvoir d’envoyer les maladies, stérilités, grêles et tempêtes, et de tuer les bêtes et les hommes.

Si le livre II traite des maux que peuvent faire les sorciers, on voit dans le livre III qu’il y a manière de les prévenir : qu’on peut obvier aux charmes et aux sorcelleries ; que les magiciens guérissent les malades frappés par d’autres magiciens. Il indique les moyens illicites d’empêcher les maléfices. Rien ne lui est étranger. Il assure que, par des tours de leur métier, les magiciens peuvent obtenir les faveurs des grands et de la fortune, les dignités, la beauté et les honneurs.

Dans le livre IV, il s’occupe de la manière de poursuivre les sorciers, de ce qui les fait reconnaître, des preuves qui établissent le crime de sorcellerie, des tortures, comme excellent moyen de faire avouer. Un long chapitre achève l’œuvre, sur les peines que méritent les sorciers. Il conclut à la mort cruelle ; et il dit qu’il y en a tant, que les juges ne suffiraient pas à les juger ni les bourreaux à les exécuter. « Aussi, ajoute-t-il, n’advient-il pas que de dix crimes il y en ait un puni par les juges, et ordinairement on ne voit que des bélîtres condamnés. Ceux qui ont des amis ou de l’argent échappent. »

L’auteur consacre ensuite une dissertation à réfuter Jean Wierus, sur ce qu’il avait dit que les sorciers sont le plus souvent des malades ou des fous, et qu’il ne fallait pas les brûler. — « Je lui répondrai, dit Bodin, pour la défense des juges, qu’il appelle bourreaux. »

L’auteur de la Démonomanie avoue que ces horreurs lui font dresser le poil en la tête, et il déclare qu’il faut exterminer les sorciers et ceux qui en ont pitié, et brûler les livres de Wierus[252].

Bodry. Voy. Revenants.

Boëce, l’un des plus illustres Bomains du sixième siècle, auteur des Consolations de la philosophie. Il s’amusait, dans ses moments de loisir, à faire des instruments de mathématiques, dont il envoya plusieurs pièces au roi Clotaire. Il avait construit des cadrans pour tous les aspects du soleil, et des clepsydres qui, quoique sans roues, sans poids et sans ressorts, marquaient aussi le cours du soleil, de la lune et des astres, au moyen d’une certaine quantité d’eau renfermée dans une boule d’étain qui tournait sans cesse, entraînée, dit-on, par sa propre pesanteur. C’était donc le mouvement perpétuel. Théodoric avait fait présent d’une de ces clepsydres à Gondebaud, roi des Bourguignons. Ces peuples s’imaginèrent que quelque divinité, renfermée dans cette machine, lui imprimait le mouvement:c’est là sans doute l’origine de l’erreur où sont tombés ceux qui l’ont accusé de magie. Ils en donnent pour preuves ses automates ; car on assure qu’il avait fait des taureaux qui mugissaient, des oiseaux qui criaient et des serpents qui sifflaient. Mais Delrio dit[253] que ce n’est là que de la magie naturelle, c’est-à-dire de la mécanique.

Boehm (Jacob), né en 1575, dans la haute Lusace. De cordonnier qu’il était il se fit alchimiste, homme à extases et chef d’une secte qui eut le nom de boehmistes. Il publia, en 1612, un livre de visions et de rêveries, intitulé l’Aurore naissante, que l’on poursuivit. Il expliquait le système du monde par la philosophie hermétique, et présentait Dieu comme un alchimiste occupé à tout produire par distillation. Les écrits de cet illuminé, qui forment plus de cinquante volumes inintelligibles, ne sont pas connus en France, excepté ce que Saint-Martin en a traduit:l’Aurore naissante, les Trois principes et la Triple vie. Ce songe-creux était anthropomorphite[254] et manichéen ; il admettait pour deuxième principe du monde la colère divine ou le mal, qu’il faisait émaner du nez de Dieu. On recherche, parmi ses livres d’alchimie, son Miroir temporel de l’éternité, ou de la Signature des choses, traduit en français, in—8°, Francfort, 1669[255]. Ses doctrines philosophiques ont conservée des partisans en Allemagne.

Bœuf. Le bœuf de Moïse est un des dix animaux que Mahomet place dans son paradis.

On attache à Marseille quelques idées superstitieuses au bœuf gras qu’on promène, dans cette ville, au son des flûtes et des timbales, non pas, comme partout, le jour du carnaval, mais la veille

Ill dict infernal p0119-103 boeuf
Ill dict infernal p0119-103 boeuf


et le jour de la Fête-Dieu. Des savants ont cru voir là une trace du paganisme ; d’autres ont prétendu que c’était un usage qui remontait au bouc émissaire des Juifs. Mais Rulfi, dans son Histoire de Marseille, rapporte un acte du quatorzième siècle qui découvre l’origine réelle de cette coutume. Les confrères du Saint-Sacrement, voulant régaler les pauvres, achetèrent un bœuf et en avertirent le peuple en le promenant par la ville. Ce festin fit tant de plaisir qu’il se renouvela tous les ans ; depuis il s’y joignit de petites croyances. Les vieilles femmes crurent préserver les enfants de maladie en leur faisant baiser ce bœuf ; tout le monde s’empressa d’avoir de sa chair, et on regarde encore aujourd’hui comme très-heureuses les maisons à la porte desquelles il veut bien, dans sa marche, déposer ses déjections.

Parmi les bêtes qui ont parlé, on peut compter les bœufs. Fulgose rapporte qu’un peu avant la mort de César un bœuf dit à son maître qui le pressait de labourer : — « Les hommes manqueront aux moissons, avant que la moisson manque aux hommes. »

On voit dans Tite-Live et dans Valère-Maxime que pendant la deuxième guerre punique un bœuf cria en place publique : — « Rome, prends garde à toi ! » — François de Torre-Blanca pense que ces deux bœufs étaient possédés de quelque démon[256]. Le père Engelgrave (Lux evangelica, page 286 des Dominicales) cite un autre bœuf qui a parlé. Voy. Béhémoth.


Bogaha, arbre-dieu de l’île de Ceylan. On conte que cet arbre traversa les airs afin de se rendre d’un pays très-éloigné dans cette île sainte ; qu’il enfonça ses racines dans le sol pour servir d’abri au dieu Bouddha, et qu’il le couvrit de son ombrage tout le temps que ce dieu demeura sur la terre. Quatre-vingt-dix-neuf rois ont eu l’honneur d’être ensevelis aux pieds du grand arbre-dieu. Ses feuilles sont un excellent préservatif contre tout maléfice et sortilège. Un nombre considérable de huttes l’environnent pour recevoir les pèlerins ; et les habitants plantent partout de petits bogahas, sous lesquels ils placent des images et allument des lampes. Cet arbre, au reste, ne porte aucun fruit et n’a de recommandable que le culte qu’on lui rend.

Bogarmiles, Bogomiles et Bongomiles. Sorte de manichéens qui parurent à Constantinople au douzième siècle. Ils disaient que ce n’est pas Dieu, mais un mauvais démon qui a créé le monde. Ils étaient iconoclastes.

Boggart, lutin pygmée de l’espèce des Cluricaunes, souvent méchant. Il est connu en Irlande. Voyez la légende d’un de ces esprits dans les Légendes des esprits et des démons.

Bogies, lutins écossais, de l’espèce des Kobolds et des Gobelins.

Boglia. Les indigènes de l’Australie donnent le nom de Boglia à l’homme endiablé que nous appelons un sorcier.

Boguet (Henri), grand juge de la terre de Saint-Claude au comté de Bourgogne, mort en 1619, auteur d’un livre plein d’une crédulité souvent puérile et d’un zèle outré contre la sorcellerie. Ce livre, publié au commencement du


dix-septième siècle, est intitule Discours des sorciers, avec six avis en fait de sorcellerie et une instruction pour un juge en semblable matière[257]. C’est une compilation des procédures auxquelles, comme juge, l’auteur a généralement présidé. On y trouve l’histoire de Louise Maillât, possédée de cinq démons à l’âge de huit ans ; de Françoise Secrétain, sorcière, qui avait envoyé lesdits démons ; des sorciers Gros-Jacques et Willermoz, dit le Bailla ; de Claude Gaillard, de Rolande Duvernois et de quelques autres. L’auteur détaille les abominations qui se font au sabbat ; il dit que les sorciers peuvent faire tomber la grêle, ce qui n’est pas ; qu’ils ont une poudre avec laquelle ils empoisonnent, ce qui est vrai : qu’ils se graissent les jarrets avec un onguent pour s’envoler au sabbat ; qu’une sorcière tue qui elle veut par son souffle seulement ; qu’elles ont mille indices qui les feront reconnaître : par exemple, que la croix de leur chapelet est cassée, qu’elles ne pleurent pas en présence du juge, qu’elles crachent à terre quand on les force à renoncer au diable, qu’elles ont des marques sous leur chevelure, lesquelles se découvrent si on les rase ; que les sorciers et les magiciens ont le talent de se changer en loups ; que sur le simple soupçon mal lavé d’avoir été au sabbat, même sans autre maléfice, on doit les condamner ; que tous méritent d’être brûlés, et que ceux qui ne croient pas à la sorcellerie sont criminels. C’est un peu trop violent, mais il faut remarquer qu’en ces choses ce n’était pas le clergé qui était sévère ; c’étaient ces juges laïques qui se montraient violents et féroces.

À la suite de ces discours viennent les Six avis, dont voici le sommaire :

1° Les devins doivent être condamnés au feu, comme les sorciers et les hérétiques, et celui qui a été au sabbat est digne de mort. Il faut donc arrêter, sur la plus légère accusation, la personne soupçonnée de sorcellerie, quand même l’accusateur se rétracterait ; et l’on peut admettre en témoignage contre les sorciers toutes sortes de personnes. On brûlera vifs, ajoute-t-il, les sorciers opiniâtres, et, par grâce, on se contentera d’étrangler celui qui confesse.

2° Dans le crime de sorcellerie, on peut condamner sur de simples indices, conjectures et présomptions ; on n’a pas besoin pour de tels crimes de preuves très-exactes.

3° Le crime de sorcellerie est directement contre Dieu (ce qui est vrai dans ce crime, quand il existe réellement, puisque c’est une négation de Dieu et un reniement) : aussi il faut punir sans ménagement ni considération quelconque…

4° Les biens d’un sorcier condamné doivent être confisqués comme ceux des hérétiques ; car sorcellerie est pire encore qu’hérésie, en ce que les sorciers renient Dieu. Aussi on remet quelquefois la peine à l’hérétique repenti ; on ne doit jamais pardonner au sorcier…

5° On juge qu’il y a sorcellerie quand la personne accusée fait métier de deviner, ce qui est l’œuvre du démon ; les blasphèmes et imprécations sont encore des indices. On peut poursuivre enfin sur la clameur publique.

6° Les fascinations, au moyen desquelles les sorciers éblouissent les yeux, faisant paraître les choses ce qu’elles ne sont pas, donnant des monnaies de corne ou de carton pour argent de bon aloi, sont ouvrages du diable ; et les fascinateurs, escamoteurs et autres magiciens doivent être punis de mort.

Le volume de Boguet est terminé par le code des sorciers. Voy. Code.

Bogounskis, mauvais esprits russes, qui dansent la nuit sur le lac de Goplo et quelquefois sur la Vistule.

Bohémiens. Il n’y a personne qui n’ait entendu parler des Bohémiennes et de ces bandes vagabondes qui, sous les noms de Bohémiens, de Biscaïens et d’Égyptiens ou Gitanos, se répandirent au quatorzième siècle sur l’Europe, dans l’Allemagne surtout, la Hollande, la Belgique, la France et l’Espagne, avec la prétention de posséder l’art de dire la bonne aventure et d’autres secrets merveilleux. Les Flamands les nommaient heyden, c’est-à-dire païens, parce qu’ils les regardaient comme des gens sans religion. On leur donna divers autres sobriquets.

Les historiens les ont fait venir, sur de simples conjectures, de l’Assyrie, de la Cilicie, du Caucase, de la Nubie, de l’Abyssinie, de la Chaldée. Bellon, incertain de leur origine, soutient qu’au moins ils n’étaient pas Égyptiens ; car il en rencontra au Caire, où ils étaient regardés comme étrangers aussi bien qu’en Europe. Il eût donc été plus naturel de croire les Bohémiens eux-mêmes sur leur parole, et de dire avec eux que c’était une race de Juifs, mêlés ensuite de chrétiens vagabonds. Voici ce que nous pensons être la vérité sur ces mystérieux nomades.

Vers le milieu du quatorzième siècle, l’Europe, et principalement les Pays-Bas, l’Allemagne et la France, étant ravagée par la peste, on accusa les Juifs, on ne sait pourquoi, d’avoir empoisonné les puits et les fontaines. Cette accusation souleva la fureur publique contre eux. Beaucoup de Juifs s’enfuirent et se jetèrent dans les forêts. Ils se réunirent pour être plus en sûreté et se ménagèrent des souterrains d’une grande étendue. On croit que ce sont eux qui ont creusé ces vastes cavernes qui se trouvent encore en Allemagne et que les indigènes n’ont jamais eu intérêt à fouiller.

Cinquante ans après, ces proscrits ou leurs descendants ayant lieu de croire que ceux qui les avaient tant haïs étaient morts, quelques-uns se hasardèrent à sortir de leurs tanières. Les chrétiens étaient alors occupés des guerres religieuses suscitées par l’hérésie de Jean Huss. C’était une diversion favorable. Sur le rapport de leurs espions, ces Juifs cachés quittèrent leurs cavernes, sans aucune ressource, il est vrai, pour se garantir de la misère ; mais pendant leur demi-siècle de solitude, ils avaient étudié les divinations et particulièrement l’art de dire la bonne aventure par l’inspection de la main ; ce qui ne demande ni instrument, ni appareil, ni dépense aucune ; et ils comptèrent bien que la chiromancie leur procurerait quelque argent.

Ils se choisirent d’abord un capitaine, nommé Zundel. Puis, comme il fallait déclarer ce qui les amenait en Allemagne, qui ils étaient, d’où ils venaient, et qu’on pouvait les questionner aussi sur leur religion ; pour ne pas se découvrir trop clairement, ni pourtant se renier, ils convinrent de dire que leurs pères habitaient autrefois l’Égypte, ce qui est vrai des Juifs ; et que leurs

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Bohémiens


ancêtres avaient été chassés de Leur pays pour n’avoir pas voulu recevoir la Vierge Marie et son fils Jésus. — Le peuple comprit ce refus, du temps où Joseph emmena le divin Enfant en Égypte pour le soustraire aux recherches d’Hérode ; au lieu que les vagabonds juifs l’entendaient de la persécution qu’ils avaient soufferte cinquante ans auparavant. De là vient le nom d’Égyptiens qu’on leur donna et sous lequel l’empereur Sigismond leur accorda un passe-port.

Ils s’étaient formé un argot ou un jargon déguisé, mêlé d’hébreu et de mauvais allemand, qu’ils prononçaient avec un accent étranger. Des savants, qui ne voyaient pas plus loin, furent flattés de reconnaître certains termes de la langue allemande dans un patois qu’ils prenaient pour de l’égyptien. Ils dénaturaient aussi plusieurs appellations ; ils appelaient un enfant un criard, un manteau un preneur de vent, un soulier un marcheur, un oiseau un volant. Toutefois, la multitude de mots hébreux qui est restée dans le langage des Bohémiens suffirait seule pour trahir leur origine juive.

Ils avaient des mœurs particulières et s'étaient fait des lois qu'ils respectaient. Chaque bande se choisissait un chef, à qui tout le monde était tenu d'obéir. Quand parmi eux une femme se mariait, elle se bornait, pour toute cérémonie, à briser un pot de terre devant l'homme dont elle voulait devenir la compagne ; et elle le respectait comme son mari autant d'années que le vase avait produit de morceaux. Au bout de ce temps, les époux étaient libres de se quitter ou de rompre ensemble un nouveau pot de terre. On citerait beaucoup de bizarreries de ce genre.

Dès que les nouveaux Égyptiens virent qu'ils n'étaient pas repoussés, ils implorèrent la pitié des Allemands. Pour ne pas paraître à charge , ils assuraient que, par une grâce particulière du ciel, qui les protégeait encore en les punissant,

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


les maisons où ils étaient une fois reçus n'étaient plus sujettes a l'incendie. Ils se mirent aussi à dire

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.


la bonne aventure, sur l'inspection du visage, des signes du corps, et principalement sur l'examen des lignes de la main et des doigts. Ils guérissaient les malades désespérés, par des remèdes que les Anglais ont conservés et qu'ils appellent héroïques, parce qu'ils tuent net les apoplectiques, s'ils ne les relèvent pas.

Cependant la fureur contre les Juifs s'était apaisée ; ils furent admis de nouveau dans les villages, puis dans les villes. Mais il resta toujours de ces bandes vagabondes qui continuèrent la vie nomade, découvrant partout l'avenir, et joignant à cette profession de nombreuses friponneries plus matérielles. Bientôt, quoique la nation juive fût le noyau de ces bandes, il s'y fit un tel mélange de divers peuples, qu'il n'y eut pas plus entre eux de religion dominante qu'il n'y avait de patrie. Ils parcoururent les Pays-Bas et passèrent en France, où on les appela les Bohémiens, parce qu’ils venaient de la Bohême.

Pasquier, dans ses Recherches, raconte à peu près ainsi leur apparition mystérieuse sur le sol français et leur arrivée aux portes de Paris en 1427 : — ils étaient au nombre de cent vingt ; l’un de leurs chefs portait le titre de duc, un autre celui de comte ; ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils disaient qu’ils venaient de la basse Égypte, chassés de leur pays par les Sarasins, qu’ils étaient allés à Rome confesser leurs péchés au Pape, qui leur avait enjoint pour pénitence d’errer sept ans par le monde, sans coucher sur aucun lit. (Les gens éclairés n’ajoutèrent sans doute pas foi à ce conte.) — On les logea au village de la Chapelle, près Paris ; et une grande foule alla les voir. — Ils avaient les cheveux crépus, le teint basané, et portaient aux oreilles des anneaux d’argent. Comme leurs femmes disaient la bonne aventure et se livraient à des pratiques superstitieuses et mauvaises, l’évêque de Paris les excommunia, défendit qu’on les allât consulter et obtint leur éloignement.

Le seizième siècle fut infesté de Bohémiens. Les états d’Orléans, en 1560, les condamnèrent au bannissement, sous peine des galères, s’ils osaient reparaître. Soufferts dans quelques contrées que divisait l’hérésie, chassés en d’autres lieux comme descendants de Cham, inventeur de la magie, ils ne paraissaient nulle part que comme une plaie. On disait en Flandre qu’ils étaient si experts en sorcellerie, que dès qu’on leur avait donné une pièce de monnaie, toutes celles qu’on avait en poche s’envolaient aussitôt et allaient rejoindre la première, opinion populaire qui peut se traduire en d’autres termes et qui veut dire que les Bohémiens étaient des escrocs. — Leurs bandes diminuèrent au dix-septième siècle. Pourtant on en voit encore quelques rares détachements. Sous les nouvelles lois de police des États européens, les sociétés bohémiennes sont dissoutes. Mais il y a toujours çà et là des individus qui disent la bonne aventure, et des imbéciles qui vont les consulter. Voy. Chiromancie[258].

Bohinum, idole des Arméniens, qui était faite d’un métal noir, symbole de la nuit. Son nom vient du mot hébreu bohu, désolation, à ce que dit Leloyer. C’est le démon du mal.

Bohmius (Jean). Quelques-uns recherchent sa Psychologie, ou Traité des esprits, publiée en 1632, à Amsterdam[259] livre qui ne manque pas d’hérésies.

Bohon-Hupas, arbre-poison qui croît dans l’île de Java, à trente lieues de Batavia. Les criminels condamnés allaient autrefois recueillir une gomme qui en découle, et qui est un poison si prompt et si violent, que les oiseaux qui traversent l’air au-dessus de cet arbre tombent morts ; du moins ces choses ont été contées. Après que leur sentence était prononcée, lesdits criminels pouvaient choisir de périr de la main du bourreau, ou de tenter de rapporter une boîte de gomme de l’hupas.* Foerssech rapporte qu’ayant interrogé un prêtre malais qui habitait ce lieu sauvage, cet homme lui dit qu’il avait vu passer environ sept cents criminels, sur lesquels il n’en était revenu que vingt-deux ; qu’il n’y avait pas plus de cent ans que ce pays était habité par un peuple qui se livrait aux iniquités de Sodome et de Gomorrhe ; que Mahomet ne voulut pas souffrir plus longtemps leurs mœurs abominables ; qu’il engagea Dieu à les punir ; et que Dieu fit sortir de la terre le bohon-hupas, qui détruisit les coupables, et rendit à jamais le pays inhabitable. Les Malais regardent cet arbre comme l’instrument de la colère du Prophète ; et, toutefois, la mort qu’il procure passe chez eux pour honorable ; voilà pourquoi les criminels qui vont chercher le poison se revêtent en général de leurs plus beaux habits[260].

Bois. Les anciens avaient une divination qui se pratiquait par le moyen de quelques morceaux de bois. Voy. Xylomancie.

Ils croyaient les forêts habitées par des divinités bizarres ; et dans les pays superstitieux, on y redoute encore les lutins. Les Kamstchadales disent que les bois sont pleins d’esprits malicieux. Ces esprits ont des enfants qui pleurent sans cesse pour attirer les voyageurs ; ils les égarent ensuite, et ils leur ôtent quelquefois la raison. — Enfin, c’est généralement dans les bois que les sorciers font le sabbat. C’était autrefois dans des bois dits sacrés qu’on honorait les faux dieux.

Bois de vie. C’est le nom que les alchimistes donnent à la pierre parfaite du grand œuvre, plus clairement appelée baume universel ou panacée, qui guérit tous les maux, et assure à ceux qui la possèdent une jeunesse inaltérable.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton.
Démon des bois.

Les Juifs nomment bois de vie les deux bâtons qui tiennent la bande roulée sur laquelle est écrit le livre de leur loi. Ils sont persuadés que l’attouchement de ces bâtons affermit la vue et rend la santé. Ils croient aussi qu’il n’y a pas de meilleur moyen de faciliter l’accouchement des femmes que de leur faire voir ces bois, qu’il ne leur est pas permis de toucher.

Boistuau ou Boaistuau (Pierre), dit Launay, Nantais, mort à Paris en 1566. On recherche de lui deux ouvrages rares et curieux : 1o Histoires prodigieuses, extraites de divers auteurs, in-8o, 1561. Aux quarante histoires de Boistuau, Tesserant en ajouta quinze. Belleforêt, Hoyer et Marionville les firent réimprimer avec une nouvelle continuation, en 1575, six vol. in-16. — 2o Histoires tragiques, extraites des œuvres italiennes de Bandel, et mises en langue française, 1568 et années suivantes, 7 vol. In-16. Il n’y a que les six premières histoires du premier volume qui aient été traduites par Boistuau ; les autres sont de la traduction de Belleforêt, qui lui était bien inférieur.

Bojani (Michel). On peut lire de lui une Histoire des songes[261], publiée en 1587. Nous ne la connaissons que par le titre.

Bolacré (Gilles), bonhomme qui habitait une maison d’un faubourg de Tours, où il prétendit qu’il revenait des esprits qui l’empêchaient de dormir. C’était au seizième siècle. Il avait loué cette maison ; et comme il s’y faisait un bruit et un tintamarre d’esprits invisibles, sabbats et lutins, qui ne lui laissaient aucun repos, il voulut à toute force faire résilier son bail. La cause fut portée devant le siège présidial à Tours, qui cassa le bail. Le propriétaire en appela au parlement de Paris ; son avocat, maître René Chopin, soutint que les visions d’esprits n’étaient autre chose que des contes de vieilles, épouvantails de petits enfants. Le parlement ne décida rien et renvoya la cause au tribunal de la Tournelle, qui par son arrêt maintint la résiliation du bail[262].

Boléguéans, ou poulpiquets. Ce sont en Bretagne des lutins du genre des Coboldes. Voyez quelques détails sur un de ces bons petits lutins dans les Légendes des esprits et des démons.

Bolfri. Voy. Bérith.

Bolingbroke. Voy. Glocester.

Bolomancie. C’est la Bélomancie. Voy. ce mot.

Bolotoo, île imaginaire où les naturels des îles de Tonga placent leur paradis. Ils croient que les âmes de leurs chefs y deviennent des divinités du second ordre. Les arbres de Bolotoo sont chargés, disent-ils, des meilleurs fruits et toujours couverts des plus belles fleurs, qui renaissent toutes les fois qu’on les cueille. Ce séjour divin est rempli d’animaux immortels, que l’on ne tue que pour la nourriture des dieux et des élus ; mais aussitôt qu’on en tue un, un autre le remplace.

Bombast (Philippe). Voy. Paracelse.

Bona (Jean), savant et pieux cardinal, mort en 1674. On recherche de lui un Traité du discernement des esprits, in-12, publié en 1673 et traduit par l’abbé Leroy de Hautefontaine, 1676. Le chapitre xx de cet ouvrage traite avec beaucoup de lumières de ce qu’il y a de plus difficile dans la matière des visions et des révélations particulières[263].

Bonasses. Voy. Gullets.

Bonati (Gui), astrologue florentin du treizième siècle. Il vivait, dit-on, d’une manière originale, et possédait l’art de prédire l’avenir. Les troupes de Rome, sous le pontificat de Martin IV, assiégeaient Forli, ville de laRomagne, défendue par le comte de Montferrat. Bonati, qui s’y était retiré, voyant la ville prête à faire une sortie, annonça au comte qu’il serait blessé dans la mêlée. L’événement justifia la prédiction ; et le comte de Montferrat, qui avait porté avec lui ce qu’il fallait pour panser sa blessure, fit depuis le plus grand cas de l’astrologie. Bonati, sur la fin de sa vie, reconnut pourtant la vanité de sa science, se fit franciscain, et mourut pénitent en 1300. Ses ouvrages ont été recueillis par Jacques Cauterus, sous le titre de Liber astronomicus, in-4o, rare. Augsbourg, 1491.

Bongomiles. Voy. Bogarmiles.

Bonica, île imaginaire de l’Amérique, où Déotatus, médecin spagirique, place une fontaine dont les eaux, plus délicieuses que le meilleur vin, ont la vertu de rajeunir.

Boniface VIII, pape, élu le 24 décembre 1294. On a conté que, n’étant encore que cardinal, il fit percer une muraille qui avoisinait le lit du pape Célestin, et lui cria au moyen d’une sarbacane, qu’il eût à déposer la tiare s’il voulait être sauvé ; que le bon pape Célestin obéit à cette voix qu’il croyait venir du ciel, et céda la place à Boniface. — Mais ce récit n’est qu’une imposture entièrement supposée par les protestants, qui ont imaginé cette calomnie comme tant d’autres. La vérité est que le pape Célestin déposa la tiare pour s’occuper uniquement de son âme. Le cardinal Cajetan (depuis Boniface VIII) n’y fut pour rien[264].

Bonne aventure. Les diseurs de bonne aventure et les magiciens étaient devenus si nombreux à Rome du temps des premiers empereurs, qu’ils y avaient une confrérie. Pour l’art de dire


la bonne aventure, voy. Chiromancie, Cartomancie, Astrologie, Métoposcopie, Horoscopes, Cranologie, et les cent autres manières.

Bonnes. On appelle bonnes, dans certaines provinces, des fées bienveillantes, des espèces de farfadets femelles sans malice, qui aiment les enfants et qui se plaisent à les bercer. On a sur elles peu de détails ; mais c’est d’elles, dit-on, que vient aux berceuses le nom de bonnes d’enfants. Habondia est leur reine.

Bonnet (Jeanne), sorcière de Boissy en Forez, brûlée le 15 janvier 1583 pour s’être vantée d’avoir eu des liaisons abominables avec le diable.

Bonnet pointu, ou esprit au bonnet. Voy. Hekdeckin.

Bonnevault (Pierre). Un sorcier poitevin du seizième siècle, nommé Pierre Bonnevault, fut arrêté parce qu’il allait au sabbat. Il confessa que la première fois qu’il y avait été mené par ses parents il s’était donné au diable, à qui il avait permis de prendre ses os après sa mort ; mais qu’il n’avait pas voulu donner son âme. Un jour, venant de Montmorillon, où il avait acheté deux charges d’avoine qu’il emportait sur deux juments, il entendit des gens d’armes sur le chemin ; craignant qu’ils ne lui prissent son avoine, il invoqua le diable, qui vint à lui comme un tourbillon de vent, et le transporta avec ses deux juments à son logis. Il avoua aussi qu’il avait fait mourir diverses personnes avec ses poudres ; enfin il fut condamné à mort. Voy. Tailletroux. C’était sa femme.

Bonnevault (Jean), frère de Pierre, fut aussi, accusé de sorcellerie ; et le jour du procès, devant l’assemblée, il invoqua le diable, qui l’enleva de terre à une hauteur d’environ quatre ou cinq pieds, et le laissa retomber sur le carreau, comme un sac de laine, sans aucun bruit, quoiqu’il eût aux pieds des entraves. Etant relevé par deux archers, on lui trouva la peau de couleur bleue tirant sur le noir ; il écumait et souffrait beaucoup. Interrogé là-dessus, il répondit qu’ayant prié le diable de le tirer de peine, il n’avait pu l’enlever, attendu que, comme il avait prêté serment à la justice, le diable n’avait plus pouvoir sur lui.

Bonnevault (Mathurin), parent des deux précédents, accusé comme eux de sorcellerie, fut visité par experts. On lui trouva sur l’épaule droite une marque de la figure d’une petite rose, dans laquelle on planta une longue épingle sans qu’il en ressentît aucune douleur, d’où on le jugea bien sorcier. Il confessa qu’ayant épousé en premières noces Berthomée de la Bédouche, qui était sorcière comme ses père et mère, il l’avait vue faire sécher au four des serpents et des crapauds pour des maléfices ; qu’elle le mena alors au sabbat, et qu’il y vit le diable, ayant des yeux noirs, ardents comme une chandelle. Il dit que le sabbat se tenait quatre fois l’an : la veille de la Saint-Jean-Baptiste, la veille de Noël, le mardi-gras et la veille de Pâques. On le convainquit d’avoir fait mourir sept personnes par maléfices ; se voyant condamné, il avoua qu’il était sorcier depuis l’âge de seize ans. — Il y aurait de curieuses études à faire sur tous ces procès, si nombreux pendant les troubles sanglants de la réforme.

Bonsovanis (Barthélemi de), brave homme du diocèse de Trévise, dont un démon appelé Belzéout, quoique de rang inférieur dans son infernale hiérarchie, parvint à s’emparer en le rendant, jaloux de sa femme, qui était pieuse et chaste. Il devint si furieux qu’il fallut le lier, et ne pouvant plus tuer les autres, il se fût lue lui-même, si on ne l’eût délivré de son démon et de sa jalousie par l’exorcisme.

Bonzes. Les bonzes chinois font généralement profession de prédire l’avenir et d’exorciser les démons ; ils cherchent aussi la pierre philosophale. Lorsqu’un bonze promet de faire pleuvoir, si dans l’espace de six jours il n’a pas tenu sa promesse, on lui donne la bastonnade.

Il existe des bonzes au Congo. On croit que leurs âmes sont errantes autour des lieux qu’ils ont habités. Quand on voit un tourbillon balayer la plaine et faire lever la poussière et le sable, les naturels s’écrient que c’est l’esprit des bonzes.

Bophomet.Voy. Tête de Bophomet.

Borak, jument ou mule de Mahomet, qu’il a mise dans son paradis. Elle avait une belle tête de femme, et s’allongeait à chaque pas aussi loin que la meilleure vue peut s’étendre.

Borax, sorte de pierre qui se trouve, disent les doctes, dans la tête des crapauds ; on lui attribue divers effets merveilleux, comme celui d’endormir. Il est rare, qu’on la puisse recueillir, et il n’est pas sûr qu’elle soit autre chose qu’un os durci.

Borborites. Voy. Génies.

Bordelon (Laurent), né à Bourges en 1653, mort en 1730 ; écrivain médiocre, qui toutefois savait beaucoup de choses, et s’était occupé de recherches sur les superstitions, les sciences occultes et les erreurs populaires. Il est fâcheux qu’il ait écrit si pesamment. On achète encore ses entretiens sur l’Astrologie judiciaire, qui sont curieux. Le plus connu de ses ouvrages (et il a été réimprimé plusieurs fois) est intitulé « Histoire des imaginations extravagantes de monsieur Oufle, causées par la lecture des livres qui traitent de la magie, du grimoire, des démoniaques, sorciers, loups-garoux, incubes, succubes, et du sabbat ; des fées, ogres, esprits, follets, génies, fantômes et autres revenants ; des songes, de la pierre philosophale, de l’astrologie judiciaire, des horoscopes, talismans, jours heureux et malheureux, éclipses, comètes et almanachs ; enfin de toutes les sortes d’apparitions, de divinations, de sortilèges, d’enchantements et d’autres superstitieuses pratiques. »

On voit par ce titre, que nous avons copié tout entier, que l’auteur avait pris un cadre assez vaste. Dans ses deux volumes in-12, ornés de figures, il s’est trouvé à l’étroit, et son travail, qui se modèle un peu sur le Don Quichotte, n’est recherché que pour les notes, très-nombreuses, lesquelles valent mieux que le texte.

Bordi ou Al-Bordi, montagne qui, selon les Persans, est l’œuf de la terre ; ils disent qu’elle était d’abord très-petite, qu’elle grossit au commencement, produisit le monde, et s’accrut tellement, qu’elle supporte aujourd’hui le soleil sur sa cime. Ils la placent au milieu de notre globe. Ils disent encore qu’au bas de cette montagne fourmillent quantité de dives ou mauvais génies, et qu’au-dessous est un pont où les âmes passent pour aller dans l’autre monde, après qu’elles ont rendu compte de ce qu’elles ont fait dans celui-ci.

Borgia (César). On lui attribue l’honneur d’avoir eu un démon familier.

Borri (Joseph-François), imposteur et alchimiste du dix-septième siècle, né à Milan en 1627. Il débuta par des actions qui l’obligèrent à chercher un refuge dans une église jouissant du droit d’asile. Il parut depuis changer de conduite ; puis il se dit inspiré du ciel, et prétendit que Dieu l’avait choisi pour réformer les hommes et pour rétablir son règne ici-bas. Il ne devait y avoir, disait-il, qu’une seule religion soumise au pape, à qui il fallait des armées, dont lui, Borri, serait le chef, pour exterminer tous les non catholiques. Il montrait une épée miraculeuse que saint Michel lui avait donnée ; il disait avoir vu dans le ciel une palme lumineuse qu’on lui réservait. Il soutenait que la sainte Vierge était de nature divine, conçue par inspiration, égale à son fils et présente comme lui dans l’Eucharistie, que le Saint-Esprit s’était incarné dans elle, que la seconde et la troisième personne de la Trinité sont inférieures au Père ; que la chute de Lucifer entraîna celle d’un grand nombre d’anges qui habitaient les régions de l’air. Il disait que c’est par le ministère de ces anges rebelles que Dieu a créé le monde et animé les brutes, mais que les hommes ont une âme divine ; que Dieu nous a faits malgré lui, etc. Il finit par se dire lui-même le Saint-Esprit incarné.

Il fut arrêté après la mort d’Innocent X, et le 3 janvier 1661, condamné comme hérétique et comme coupable de plusieurs méfaits. Mais il parvint à fuir dans le Nord, et il fit dépenser beaucoup d’argent à la reine Christine, en lui promettant la pierre philosophale. Il ne lui découvrit cependant pas ses secrets. Il voulait passer en Turquie, lorsqu’il fut arrêté de nouveau dans un petit village comme conspirateur. Le nonce du pape le réclama, et il fut conduit à Rome, où il vécut en prison jusqu’au 10 août 1695, jour de sa mort.

Il est l’auteur d’un livre intitulé la Clef du cabinet du chevalier Borri, où Von trouve diverses lettres scientifiques, chimiques et très-curieuses, ainsi que des instructions politiques, autres choses dignes de curiosité, et beaucoup de beaux secrets. Genève, 1681, petit in-12[265]. Ce livre est un recueil de dix lettres, dont les deux premières roulent sur les esprits élémentaires. L’abbé de Villars en a donné un abrégé dans l’ouvrage intitulé le Comte de Gabalis.

Bortisme. Parmi les nouvelles religions qui s’établissent à Genève, la plus curieuse est celle de M. Bort, ministre du saint Évangile, qui s’est ouvert un temple et n’a pas d’autre autel qu’une table tournante. Les détails que nous allons donner sont empruntés aux Annales catholiques de Genève.

La réunion des fidèles qui ont admis ce culte est composée d’hommes, de femmes, et même de toutes jeunes personnes, rangés autour d’un guéridon. La table est tenue par trois influents, dont M. Bort est le principal acteur. Autrefois, la table répondait en frappant à mesure qu’on lui nommait une lettre de l’alphabet ;


aujourd’hui, il y a, au milieu de la table, un pivot surmonté d’une tige et d’un plus petit guéridon, sur lequel se trouvent, à la circonférence, les lettres de l’alphabet, puis du pied part une autre tige fixe, qui se replie de manière à présenter sa pointe sur les lettres du petit guéridon, et quand la table veut répondre, ce petit guéridon tourne de manière que les lettres s’arrêtent sous la tige. Avec les lettres on fait des mots, avec les mots des phrases, et avec des phrases les révélations divines et mystérieuses. Quand il s’agit d’un oui ou d’un non, la table se penche ou frappe.

Il y a plusieurs secrétaires sténographes ; il y a le secrétaire qui rédige le procès-verbal et un lecteur. Pour gagner du temps, lorsque la table commence un mot, une ou deux lettres suffisent à M. Bort pour le compléter, sans attendre les interminables tours du guéridon supérieur. Lorsque c’est l’ange Gabriel qui parle par la table, les auditeurs sont assis ; mais lorsque c’est Jésus-Christ, tout le monde se lève dans l’attitude et le sentiment du respect. Quand c’est l’ange Gabriel qui répond, il commence ordinairement par ces mots : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Jésus-Christ s’écrie : « Pais mes agneaux ! Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Dans le livre des Révélations divines et mystérieuses, arrangé par M. Bort, il n’y aurait absolument rien de lui. « La préface elle-même aurait été dictée par le Sauveur. » Puis « la préface de l’ange Gabriel, » puis « la déclaration de l’ange Gabriel, à l’occasion de quelques propos tenus » par quelques personnes qui attribuaient à Satan, déguisé en ange de lumière, ces dictées qui étaient pour les auditeurs un sujet d’allégresse et d’actions de grâces… » Puis une oraison dominicale dictée par le Sauveur, différente de celle des Évangiles ; puis les paroles de l’ange et du Sauveur, jour par jour ; puis une préface, toujours « dictée par le Sauveur, pour l’ouvrage intitulé Du repentir envers Dieu, traduit de l’anglais par Gustave Petit-Pierre, et lu à la table du Sauveur » ; puis les paroles du Sauveur à une maîtresse de pension ; puis les histoires du Millenium, ou de la vallée sauvage ; de Mon règne s’avance, ou la cabane du pauvre nègre ; de la sanctification du chrétien par l’épreuve, ou de deux petits agneaux ; de l’heureuse famille, ou de la main paternelle de Jéhovah. Puis les prières, les actions de grâces, les invocations, les supplications, réceptions, odes, entretiens, psaumes, hymnes, magnificat, etc. Et tout cela absolument de Jésus-Christ, de l’ange Gabriel, de l’ange Luther, de l’ange Uriel, de l’archange Michel, de l’ange L…, de l’ange M…, de l’ange David, etc.

Le tout imprimé à Lausanne, chez Pache, cité Drapière, n° 3.

La préface dictée par le Sauveur fait Notre-Seigneur Jésus-Christ Genevois et calviniste renforcé. Remarquez bien que c’est le Sauveur lui-même qui a parlé de Genève comme suit :

« Cette table n’est point à Bethléem. Tu ne la trouveras ni sur le Golgotha ni sur le Calvaire ; non. Cette table n’est point non plus à Jérusalem ; mais elle est à Genève, dans la petite ville que me prépara mon serviteur Calvin ; oui, c’est la fille de ce digne missionnaire qui reçoit aujourd’hui les honneurs des cieux.

» Bethléem fut bénie ; mais Dieu regarde Genève. Le Sinaï trembla sous le pied de Jéhovah ; mais Genève chante sous son regard d’amour. Le Calvaire se fendit à l’ouïe de la voix de Dieu ; mais Genève s’épanouit comme une fleur à l’appel de sa douce voix. La colère de Jéhovah couvrit Jérusalem comme un déluge ; mais Genève va se couvrir de la rosée de son souffle paternel. La foudre de Jéhovah frappera la ville rebelle et maudite ; mais un bon père sourit à Genève.

» Oui, Genève ! ville bénie qui fus dès ton enfance couchée sur les bras de ton Dieu, appelle tes eaux el tes riantes campagnes pour bénir le jour de l’Éternel !

» Un Dieu, jadis, fit la garde sur tes remparts, et tes enfants écrivirent de leur sang sur tes murs : « La liberté et l’amour d’un Dieu et de leur patrie ! » Genève ! relève-toi !… debout !… monte sur les cadavres de tes ennemis… et proclame encore la liberté de ton Dieu ! Genève, tu as encore des remparts… ne crains point ! car ces remparts sont l’Éternel ton Dieu, l’Éternel des armées, le Dieu des combats, le maître des batailles…

» Genève, petite ville d’entre les villes, tu es grande devant le Seigneur, parce que tu as gardé la foi pour servir de flambeau aux nations de la terre !

» Genève, Genève, ô Genève ! Rome s’avance tenant à la main un joug de fer. Genève, tu es libre, prends garde ! tu porteras la couronne de victoire, mais tes pieds ne seront jamais souillés par les fers ennemis. Ton épée se rougira, mais ton front restera pur comme le lis sous la rosée.

» Enfants de Genève, restez dans vos murs pour défendre la mère qui vous cacha au jour du danger. Tes portes, Genève, c’est le bras de l’Éternel, et "sa voix est ton canon d’alarme.

» Ami lecteur, si tu as un cœur patriotique, tu me pardonneras ma petite digression ; mais je n’ai pu retenir le torrent qui bouillonnait dans mon âme. Aimes-tu ta patrie ? Oh ! si tu l’aimes, cours aux armes, car sa voix t’appelle, et tu pourrais un jour pleurer le sang qu’elle versa sous le feu ennemi. Oui, enfants libres d’un même Dieu, prenez vos armes et courez à la frontière ! Mais vos armes, ô enfants de Genève ! c’est la Bible de votre Roi. »

Bos (Françoise). Le 30 janvier 1606, le juge de Gueille procéda contre une femme de mauvaise vie que la clameur publique accusait d’avoir un commerce abominable avec un démon incube. Elle était mariée et se nommait Françoise Bos. De plus elle avait séduit plusieurs de ses voisines et les avait engagées à se souiller avec ce prétendu démon, qui avait l’audace de se dire capitaine du Saint-Esprit, mais qui, au témoignage desdites voisines, était fort puant. Cette dégoûtante affaire se termina par la condamnation de Françoise Bos, qui fut brûlée le 14 juillet 1606. — On présume, par l’examen des pièces, que le séducteur était un misérable vagabond[266].

Bosc (Jean du), président de la cour des aides de Rouen, décapité comme rebelle en 1562. On a de lui un livre intitulé Traité de la vertu et des propriétés du nombre septénaire.

Botanomancie, divination par le moyen des feuilles ou rameaux de verveine et de bruyère, sur lesquelles les anciens gravaient les noms et les demandes du consultant.

On devinait encore de cette manière : lorsqu’il y avait eu un grand vent pendant la nuit, on allait voir de bon matin la disposition des feuilles tombées, et des charlatans prédisaient ou déclaraient là-dessus ce que le peuple voulait savoir.

Botis. Voy. Otis.

Botris ou Botride, plante dont les feuilles sont velues et découpées, et les fleurs en petites grappes. Les gens à secrets lui attribuent des vertus surprenantes, et particulièrement celle de faire sortir avec facilité les enfants morts du sein de leur mère.

Boubenhore (Michel-Louis de), jeune Allemand de bonne famille qui, entraîné par la passion du jeu, se donna au démon dans un moment où il avait tout perdu, fut possédé aussitôt et poussé au crime. Les exorcismes le délivrèrent devant une foule immense de personnages considérables, et son histoire ne peut être contestée : on peut la lire dans les Légendes infernales.

Bouc. C’est sous la forme d’un grand bouc noir aux yeux étincelants que le diable se fait adorer au sabbat ; il prend fréquemment cette figure dans ses entrevues avec les sorcières, et le maître des sabbats n’est pas autrement désigné dans beaucoup de procédures que sous le nom de bouc noir ou grand bouc. Le bouc et le manche à balai sont aussi la monture ordinaire des sorcières, qui partent par la cheminée pour leurs assemblées nocturnes.

Le bouc, chez les Égyptiens, représentait le dieu Pan, et plusieurs démonographes disent que Pan est le démon du sabbat. Chez les Grecs, on immolait le bouc à Bacchus ; d’autres démonomanes pensent que le démon du sabbat est Bacchus. Enfin le bouc émissaire des Juifs (Azazel) hantait les forêts et les lieux déserts consacrés au démon : voilà encore, dans certaines opinions, les motifs qui ont placé le bouc au sabbat. Voy. Sabbat.

L’auteur des Admirables secrets d’Albert le Grand dit, au chapitre m du livre II, que si on se frotte le visage de sang de bouc qui aura bouilli avec du verre et du vinaigre, on aura incontinent des visions horribles et épouvantables. On peut procurer la même surprise à des étrangers qu’on voudra troubler. Les villageois disent que le diable se montre fréquemment en forme de bouc à ceux qui le font venir avec le Grimoire. Ce fut sous la figure d’un grand bouc qu’il emporta Guillaume le Roux, roi d’Angleterre.

Voici une aventure de bouc qui peut tenir ici sa place. Un voyageur couché dans une chambre d’auberge avait pour voisinage, sans le savoir, une compagnie de chèvres et de boucs, dont il n’était séparé que par une cloison de bois


fort mince, ouverte en plusieurs endroits. Il s’était couché sans examiner son gîte et dormait paisiblement lorsqu’il reçut la visite d’un bouc son voisin : l’animal avait profité d’une ouverture pour venir le voir. Le bruit de ses sabots éveilla l’étranger, qui le prit d’abord pour un voleur. Le bouc s’approcha du lit et mit ses deux pieds dessus. Le voyageur, balançant entre le choix d’une prompte retraite ou d’une attaque vigoureuse, prit le parti de se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui d’abord se présentent au bord du lit, commencent à l’intriguer ; son effroi augmente, lorsqu’il touche une face pointue, une longue barbe, des cornes…… Persuadé que ce ne peut être que le diable, il saute de son lit tout troublé. Le jour vint seul le rassurer en lui faisant connaître son prétendu démon. Voy. Grimoire.

Boucher. Ambroise Paré raconte, dans son livre des Monstres, chapitre 28, qu’un valet nommé Boucher étant plongé dans des pensées impures, un démon ou spectre lui apparut sous la figure d’une femme. Il suivit le tentateur ; mais incontinent son ventre et ses cuisses s’enflammèrent, tout son corps s’embrasa, et il en mourut misérablement.

Bouchey (Marguerite Ragum), femme d’un maçon de la Sologne, vers la fin du seizième siècle ; elle montrait une sorte de marionnette animée, que les gens experts découvrirent être un lutin. En juin 1603, le juge ordinaire de Romorantin, homme avisé, se mit en devoir de procéder contre cette femme. Elle confessa que maître Jehan, cabaretier de Blois, à l’enseigne du Cygne, chez qui elle était servante, lui avait fait gouverner trois mois cette marionnette ou mandragore, qu’elle lui donnait à manger avec frayeur d’abord, car elle était fort méchante, que quand son maître allait aux champs, il lui disait : — Je vous recommande ma bête, et que personne ne s’en approche que vous.

Elle conta qu’une certaine fois Jehan étant allé en voyage, elle demeura trois jours sans donner à manger à la bête, si bien qu’à son retour elle le frappa vivement au visage… Elle avait la forme d’une guenon; et on la cachait bien, car elle était si hideuse, que personne ne l’osait regarder. Sur ces dépositions, le juge fit mettre la femme Bouchey à la question, et plus tard le parlement de Paris la condamna comme sorcière. Il est assez probable que la marionnette était simplement une vraie guenon.

Bouddha, dieu des Hindous. Mais ce dieu n’était d’abord qu’un homme, et c’est un parvenu.

Bouillon du sabbat. Pierre Delancre assure, dans l’Incrédulité et mêcréance du sortilège pleinement convaincue, traité dixième, que les sorcières, au sabbat, font bouillir des enfants morts et de la chair de pendu, qu’elles y joignent des poudres ensorcelées, du millet noir, des grenouilles, qu’elles tirent de tout cela un bouillon qu’elles boivent en disant ; « J’ai bu du tympanon[267]., et me voilà professe en sorcellerie. » On ajoute qu’après qu’elles ont bu ce bouillon, les sorcières prédisent l’avenir, volent dans les airs, et possèdent le pouvoir de faire des sortilèges.


Boule de cristal. Plusieurs devins se sont servis d’une boule de cristal devant laquelle ils plaçaient un enfant qui voyait dans cette boule ce que l’on désirait apprendre. Voy. Encre.

Boules de Maroc. Il existe à Maroc une tour surmontée de trois boules d’or, si artistement fixées au monument, que l’on a vainement tenté de les en détacher. Le peuple croit qu’un esprit garde ces boules et frappe de mort ceux qui essayent de les enlever[268].

Boullé (Thomas), vicaire de Picard, sorcier comme lui, et impliqué dans l’affaire de Madeleine Bavent et de la possession de Louviers. On le convainquit d’avoir noué et dénoué l’aiguillette, de s’être mis sur des charbons ardents sans avait commis des actes infâmes en grand nombre, il fut, après amende honorable, brûlé vif, à Rouen, sur le Vieux-Marché, le 22 août 1647[269]. Voy. Louviers.

Boullenc (Jacques), astrologue à Bologne, natif du diocèse de Dol en Bretagne. Il lit plusieurs traités d’astrologie que nous ne connaissons pas ; il prédit les troubles de Paris sous Charles VI, ainsi que la prise de Tours par le Dauphin. Il dressa aussi, dit-on, l’horoscope de Pothon de Saintrailles, en quoi on assure qu’il rencontra juste[270].

Boulvèse, professeur d’hébreu au collège de Montaigu. Il a écrit l’histoire de la possession de Laon en 1556 ; c’est l’aventure de Nicole Aubry.


Boundschesch.

Boundschesch, ou Livre de l’éternité, très-révéré des anciens Persans. C’est là qu’on voit qu’Ormusd est l’auteur du bien et du monde pur, Arimane l’auteur du mal et du monde impur. Un jour qu’Ormusd l’avait vaincu, Arimane, pour se venger, tua un bœuf qu’Ormusd avait créé : du sang de ce bœuf naquit le premier homme, sur lequel Ormusd répandit la force et la fraîcheur d’un adolescent de quinze ans, en jetant sur lui une goutte d’eau de santé et une goutte d’eau de vie. Ce premier homme s’appela Kaid-Mords ; il vécut mille ans et en régna cinq cent soixante. Il produisit un arbre, des fruits duquel naquit le genre humain. Arimane, ou le diable, sous la figure d’un serpent, séduisit le premier couple et le corrompit ; les premiers hommes déchus se couvrirent alors de vêtements noirs et attendirent tristement la résurrection ; car ils avaient introduit le péché dans le monde. On voit là une tradition altérée de la Genèse.


Bounsio, Japonaise que favorisaient les Kamis, esprits familiers du Japon. Elle désirait avoir des enfants. Par l’aide de ces esprits, elle pondit cinq cents œufs, d’où sortirent cinq cents enfants éclos au four.

Bourget ou Burgot, sorcier compromis avec Michel Verdung. Voy. Verdung.

Bourignon (Antoinette), visionnaire, née à Lille en 1616, morte en 1680 dans la Frise. Elle


était si laide, qu’à sa naissance on hésita si on ne l’étoufferait pas comme un monstre. Elle se consola de l’aversion qu’elle inspirait par la lecture mal digérée de livres qui enflammèrent son imagination vive et ardente. Elle eut des visions et des extases. Elle se mit à prêcher, se fit chasser de Lille, et se retira en Hollande. Elle voyait partout des démons et des magiciens ; et ses nombreux ouvrages, qui furent tous imprimés sous ses yeux, en français, en flamand et en allemand, combattent tout culte extérieur et toute liturgie, en faveur d’une perfection mystique qui ne vient pas de Dieu. Les plus célèbres de ces écrits sont le traité du Nouveau ciel et du règne de l’Antéchrist, et son livre De l’aveuglement des hommes et de la lumière née en ténèbres.

Bourignon. — Elle se mit à précher.


Bourreau. Le maître des hautes œuvres avait jadis diverses prérogatives. On lui attribuait même, dans plusieurs provinces, le privilège de guérir certaines maladies, en les touchant de la main lorsqu’il revenait d’une exécution de mort[271]. On disait autrefois à Paris qu’il était dangereux de se jouer avec le bourreau, peut-être à cause de ce fait : Un soir du dernier siècle, le marquis de Lally, revenant d’un petit souper, s’avisa de vouloir s’introduire, avec deux de ses amis, dans une maison où l’on dansait. C’était la maison du bourreau ; et le bourreau, lui-même, leur ouvrit la porte en se faisant connaître. Vingt ans après, le marquis de Lally mourait de la main de ce bourreau.

Bourreau.

Bourru. Les Parisiens faisaient autrefois beaucoup de contes sur un fantôme imaginaire qu’ils appelaient le moine bourru. Ils en effrayaient les enfants. Croque-mitaine lui a succédé.

Boury, agent de sorcellerie. Voy. Flaque.

Bousanthropie, maladie d’esprit qui frappait certains visionnaires, et leur persuadait qu’ils étaient changés en bœufs. Mais les bousanthropes sont bien moins communs que les loups-garous ou lycanthropes dans les annales des égarements de l’esprit humain.

Bouton de bachelier. Les jeunes paysans anglais prétendaient autrefois savoir d’avance quels seraient leurs succès auprès des jeunes filles qu’ils voulaient rechercher en mariage, en portant dans leur poche une plante nommée bouton de bachelier, de l’espèce des lychnis, et dont la fleur ressemble à un bouton d’habit. Ils jugeaient s’il fallait espérer ou désespérer, selon que ces boutons s’épanouissaient ou non[272].

Boville ou Bovelles, Bovillus (Charles de), Picard, mort vers 1553. Il veut établir, dans son livre De sensu, cette opinion que le monde est un animal, opinion d’ailleurs ancienne, renouvelée plusieurs fois depuis et assez récemment par Félix Nogaret[273] . On cite encore de Bovillus ses Lettres[274], sa Vie de Raymond Lulle, son Traité des douze nombres et ses Trois dialogues sur l’immortalité de l’âme, la résurrection et la fin du monde[275].

Boxhorn (Marc Zuerius), critique hollandais, né à Berg-op-Zoom en 1612. On recherche de lui un Traité des songes, qui passe pour un ouvrage rare et curieux[276].

Braccesco (Jean), alchimiste de Brescia, qui florissait au seizième siècle. Il commenta l’ouvrage arabe de Geber, dans un fatras aussi obscur que le livre commenté. Le plus curieux de ses traités est Le bois de vie, où l’on apprend la médecine au moyen de laquelle nos premiers pères ont vécu neuf cents ans[277].

Brag, lutin nocturne qui s’annonce chez les Anglais par un bruit de grelots si fort qu’on peut le prendre pour un cheval de poste. On ne le voit pas d’abord, mais son plaisir est de poser ses deux pattes de devant sur les épaules du passager qu’il veut intriguer. Après s’être fait traîner ainsi quelques pas, il s’enfuit en poussant un joyeux hennissement. Il a eu l’audace de se montrer en 1809 dans la ville d’York.

Bragadini (Marc-Antoine), alchimiste, originaire de Venise, décapité dans la Bavière, en 1595, parce qu’il se vantait de faire de l’or, qu’il ne tenait que des libéralités d’un démon, comme disent les récits du temps. Son supplice eut lieu à Munich, par l’ordre du duc Guillaume II. On arrêta aussi deux chiens noirs qui accompagnaient partout Bragadini, et que l’on reconnut être ses démons familiers. On leur fit leur procès ; ils furent tués en place publique à coups d’arquebuse.

Brahma, dieu créateur des Indiens. Ils lui reconnaissent neuf fils, qui sont autant de petits Brahmas : Takin, né de l’orteil du dieu ; Poulaguin, de son nombril ; Poulalien, de son oreille ; Pirrougou, de son épaule ; Méraclou, de ses mains ; Chanabadi, de son visage ; Anguira, de son nez ; Narissen, de son esprit, et Atri, de ses yeux.

Brahmanes, Brahmes et Brahmines, sectateurs de Brahma dans l’Inde. Ils croient que l’âme de Brahma passa successivement dans quatre-vingt mille corps différents, et s’arrêta un peu dans celui d’un éléphant blanc avec plus de complaisance ; aussi révèrent-ils l’éléphant blanc.

Ils sont la première des quatre castes du peuple qui adore Brahma. Ces philosophes, dont on a conté tant de choses, vivaient autrefois en partie dans les bois, où ils consultaient les astres et faisaient de la divination, et en partie dans les villes pour enseigner la morale aux princes indiens. Quand on allait les écouter, dit Strabon, on devait le faire dans le plus grand silence. Celui qui toussait ou crachait était exclu.

Les Brahmanes croient à la métempsycose, ne mangent que des fruits ou du lait, et ne peuvent toucher un animal sans se rendre immondes. Ils disent que les bêtes sont animées par les âmes des anges déchus, système dont le père Bougeant a tiré un parti ingénieux.

Il y avait dans les environs de Goa une secte de brahmanes qui croyaient qu’il ne fallait pas attendre la mort pour aller dans le ciel. Lorsqu’ils se sentaient bien vieux, ils ordonnaient à leurs disciples de les enfermer dans un coffre et d’exposer le coffre sur un fleuve voisin qui devait les conduire en paradis. Mais le diable était là qui les guettait ; aussitôt qu’il les voyait embarqués, il rompait le coffre, empoignait son homme ; et les habitants du pays, retrouvant la boîte vide, s’écriaient que le vieux brahmane était allé auprès de Brahma.

Ce Brahma, chef des brahmanes ou brahmes, ou brahmines, est, comme on sait, l’une des trois personnes de la trinité indienne. Il resta plusieurs siècles, avant de naître, à réfléchir dans un œuf d’or, de la coquille duquel il fit le ciel et la terre. Il avait cinq têtes ; il en perdit une dans une bataille, et se mit ensuite à produire quatorze mondes, l’un de son cerveau, l’autre de ses yeux, le troisième de sa bouche, le quatrième de son oreille gauche, le cinquième de son palais, le sixième de son cœur, le septième de son estomac, le huitième de son ventre, le neuvième de sa cuisse gauche, le dixième de ses genoux, le onzième de son talon, le douzième de l’orteil de son pied droit, le treizième de la plante de son pied gauche et le dernier de l’air qui l’environnait. Les habitants de chacun de ces mondes ont des qualités qui les distinguent, analogues à leur origine ; ceux du monde sorti du cerveau de Brahma sont sages et savants.

Les brahmines sont fatalistes ; ils disent qu’à la naissance de chaque être mortel, Brahma écrit tout son horoscope qu’aucun pouvoir n’a plus le moyen de changer.

Les brahmines, toujours astrologues et magiciens, jouissent encore à présent du privilège de ne pouvoir être mis à mort pour quelque crime que ce soit. Un Indien qui aurait le malheur de tuer un brahmine ne peut expier ce crime que par douze années de pèlerinage, en demandant l’aumône et faisant ses repas dans le crâne de sa victime.

Brahmane.

Les brahmanes de Siam croient que la terre périra par le feu, et que de sa cendre il en renaîtra une autre qui jouira d’un printemps perpétuel.

Le juge Boguet, qui fut dans son temps le fléau des sorciers, regarde les brahmanes comme d’insignes magiciens, qui faisaient le beau temps et la pluie en ouvrant ou fermant deux tonneaux qu’ils avaient en leur puissance. Leloyer assure, page 337, que les brahmanes, ou brahmines, vendent toujours les vents par le moyen du diable ; et il cite un pilote vénitien qui leur en acheta au seizième siècle.

Brandebourg. On assure encore, dans les villages de la Poméranie et de la Marche électorale, que toutes les fois qu’il doit mourir quelqu’un de la maison de Brandebourg, un esprit apparaît dans les airs, sous l’apparence d’une grande statue de marbre blanc. Mais c’est une femme animée. Elle parcourt les appartements du château habité par la personne qui doit mourir, sans qu’on ose arrêter sa marche. Il y a longtemps que cette apparition n’a lieu ; et l’on conte qu’un page ayant eu l’audace un jour de se placer devant la grande femme blanche, elle le jeta à terre avec tant de violence qu’il resta mort sur la place.

Bras de fer, berger sorcier. Voy. Hocque.

Brebis. Voy. Troupeaux.

Brennus, général gaulois. Après qu’il se fut emparé de Delphes, et qu’il eut profané le temple d’Apollon, il survint un tremblement de terre, accompagné de foudres et d’éclairs et d’une pluie de pierres qui tombait du mont Parnasse ; ce qui mit ses gens en tel désarroi qu’ils se laissèrent vaincre ; Brennus, déjà blessé, se donna la mort.

Briffaut, démon peu connu, quoique chef de légion. Il s’était logé dans le corps d’une possédée de Beauvais, au commencement du dix-septième siècle.

Brigitte (sainte). Il y a dans les Révélations de sainte Brigitte de terribles peintures de l’enfer. Les ennemis de la religion ont trouvé dans ces écrits un thème à leurs déclamations. Mais ce ne sont pas là des livres canoniques ; l’Église n’ordonne pas de les croire, et ils ne s’adressent pas à toute sorte de lecteurs.

Brinvilliers (Marie-Marguerite, marquise de),


femme qui, de 1666 à 1672, empoisonna, ou du moins fut accusée d’avoir empoisonné, sans motifs de haine, quelquefois même sans intérêt, parents, amis, domestiques ; elle allait jusque dans les hôpitaux donner du poison aux malades. Il faut attribuer tous ces crimes à une horrible démence ou à cette dépravation atroce dont on ne voyait autrefois d’autre explication que la possession du diable. Aussi a-t-on dit qu’elle s’était vendue à Satan.

Dès l’âge de sept ans, la Brinvilliers commença, dit-on, sa carrière criminelle, et il a été permis à des esprits sérieux de redouter en elle un affreux démon possesseur. Elle fut brûlée en 1676. Les empoisonnements continuèrent après sa mort. Voy. Voisin.

Dans l’Almanach prophétique de 1842, M. Eugène Bareste a tenté de justifier la marquise de Brinvilliers. Mais il n’est pas possible qu’on l’ait noircie. — Gôrres, dans sa Mystique, reconnaît dans les crimes de cette femme l’influence satanique, comme on a pu la voir de nos jours dans un monstre appelé Dumollard.

Brioché (Jean), arracheur de dents qui, vers l’an 1650, se rendit fameux par son talent dans l’art de faire jouer les marionnettes. Après avoir amusé Paris et les provinces, il passa en Suisse et s’arrêta à Soleure, où il donna une représentation en présence d’une assemblée nombreuse, qui ne se doutait pas de ce qu’elle allait voir, car les Suisses ne connaissaient pas les marionnettes. À peine eurent-ils aperçu Pantalon, le diable, le médecin, Polichinelle et leurs bizarres compagnons, qu’ils ouvrirent des yeux effrayés. De mémoire d’homme, on n’avait entendu parler dans le pays d’êtres aussi petits, aussi agiles et aussi babillards que ceux-là. Ils s’imaginèrent que ces petits hommes qui parlaient, dansaient, se battaient et se disputaient si bien ne pouvaient être qu’une troupe de lutins aux ordres de Brioché.

Cette idée se confirmant par les confidences que les spectateurs se faisaient entre eux, quelques-uns coururent chez le juge, et lui dénoncèrent le magicien.

Le juge, épouvanté, ordonna à ses archers d’arrêter le sorcier, et l’obligea à comparaître devant lui. On garrotta Brioché, on l’amena devant le magistrat, qui voulut voir les pièces du procès ; on apporta le théâtre et les démons de Dois, auxquels on ne touchait qu’en frémissant ; et Brioché fut condamné à être brûlé avec son attirail. Cette sentence allait être exécutée, lorsque survint un nommé Dumont, capitaine des gardes suisses au service du roi de France : curieux de voir le magicien français, il reconnut le malheureux Brioché qui l’avait tant fait rire à Paris. Il se rendit en toute hâte chez le juge : après avoir fait suspendre d’un jour l’arrêt, il lui expliqua l’affaire, lui fit comprendre le mécanisme des marionnettes, et obtint l’ordre de mettre Brioché en liberté. Ce dernier revint à Paris, se promettant bien de ne plus songer à faire rire les Suisses dans leur pays[278] .

Brizomantie, divination par l’inspiration de Brizo, déesse du sommeil ; c’était l’art de deviner les choses futures ou cachées par les songes naturels.

Brocéliande, forêt enchantée des romans de chevalerie.

Brognoli, savant religieux italien de l’ordre des frères mineurs, a exorcisé et délivré plusieurs énergumènes et laissé un livre curieux, intitulé Alexicacon, hoc est de maleficiis ac moribus maleficis cognoscendis. Venise, 1714>

Brohon (Jean), médecin de Coutances, au seizième siècle. Des amateurs recherchent de lui : 1° Description d’une prodigieuse et merveilleuse comète, avec un traité présagique des comètes ; in-8o, Paris, 1568. — 2° Almanach, ou Journal astrologique, avec les jugements pronostiques pour l’an 1572; Rouen, 1571, in—12.

Brolic (Corneille), jeune garçon du pays de Labourd, que Pierre Delancre interrogea comme sorcier au commencement du dix-septième siècle. Il avoua qu’il fut violenté pour baiser le derrière du diable, a Je ne sais s’il dit cela par modestie, ajoute Delancre ; car c’est un fort civil enfant. Mais il ajouta qu’il soutint au diable qu’il aimerait mieux mourir que lui baiser le derrière, si bien qu’il ne le baisa qu’au visage ; et il eut beau coup de peine à se tirer du sabbat, dont il n’approuvait pas les abominations[279]. »

Bronzet, lutin qui fréquentait l’abbaye de Montmajor, près d’Arles. Voy. Puck.

Brossier (Marthe), fille d’un tisserand de Romorantin, qui se dit possédée et convulsionnaire en 1569, à l’âge de vingt-deux ans. Elle se fit exorciser ; les effets de la possession devinrent de plus en plus merveilleux. Elle parcourait les villes, et le diable, par sa bouche, parlait hébreu, grec, latin, anglais, etc. On disait aussi qu’elle découvrait les secrets ; on assure que dans ses cabrioles elle s’élevait quelquefois à quatre pieds de terre.

L’official d’Orléans, qui se défiait d’elle, lui dit qu’il allait l’exorciser, et conjugua, dans Despautère, les verbes nexo et texo. Le démon aussitôt la renversa à terre, où elle fit ses contorsions. Charles Miron, évêque d’Angers, devant qui elle fut conduite, la fit garder dans une maison de confiance. On mit à son insu de l’eau bénite dans sa boisson, qui n’opéra pas plus d’effet que l’eau ordinaire ; on lui en présenta dans un bénitier, qu’elle crut bénite, et aussitôt elle tomba par terre, se débattit et fit les grimaces accoutumées. L’évêque, un Virgile à la main, feignit de vouloir l’exorciser, et prononça d’un ton grave : Arma virumque cano. Les convulsions de Marthe ne manquèrent pas de redoubler. Certain alors de l’imposture, Charles Miron chassa la prétendue possédée de son diocèse, comme on l’avait chassée d’Orléans.

À Paris, les médecins furent d’abord partagés sur son état ; mais bientôt ils prononcèrent qu’il y avait beaucoup de fraude, peu de maladie, et que le diable n’y était pour rien : Nihil a dœmone, multa ficta, a morbo pauca. Le parlement prit connaissance de l’affaire, et condamna Marthe à s’en retourner à Romorantin, chez ses parents, avec défense d’en sortir, sous peine de punition corporelle.

Cependant elle se fit conduire quelque temps après devant l’évêque de Clermont qu’elle espérait tromper ; mais un arrêt du parlement la mit en fuite. Elle se réfugia à Rome, où elle fut enfermée dans une communauté; là finit sa possession. On peut voir sur cette affaire les lettres du cardinal d’Ossat et une brochure intitulée Discours véritable sur le fait de Marthe Brossier, par le médecin Marescot, qui assista aux exorcismes (in-8°, Paris, 1599).

Brothers (Richard), enthousiaste anglais qui, au dix-septième siècle, se disait prophète et neveu de Dieu, à peu près comme David-Georges. Il enseignait que toutes les âmes avaient été créées en même temps que celle d’Adam, et avaient péché avec lui dans le paradis terrestre. Il croyait à la métempsycose, et disait que son âme était celle de saint Jacques le Mineur. Il se proposait d’aller rétablir le royaume d’Israël, et il s’adressa dans ce but au roi et au parlement. Il avait beaucoup de disciples, à qui il promettait un miracle éclatant. Il devait changer son bâton en serpent, au milieu du Strand, à l’heure de midi ; ce qui échoua. Il annonçait aussi un tremblement de terre ; à propos de cette prophétie, beaucoup de personnes désertèrent Londres. Mais le tremblement de terre n’eut pas lieu, et le prophète fut mis en prison. Nous n’en savons pas plus sur le compte de cet homme.

Broucolaques. Voy. Vampires.

Brouette de la Mort. C’est une opinion généralement reçue parmi les paysans de la basse Bretagne que, quand quelqu’un est destiné à rendre bientôt le dernier soupir, la brouette de la Mort passe dans le voisinage. Elle est couverte d’un drap blanc, et des spectres la conduisent ; le moribond entend même le bruit de sa roue[280]. Dans certains cantons, cette brouette est le char de la Mort, carrick an Nankou, et le cri de la fresaie annonce son passage[281] .

Brown (Thomas), médecin anglais, mort en 1682. Il combattit les erreurs dans un savant ouvrage[282] que l’abbé Souchay a traduit en français sous le titre d'Essai sur les erreurs populaires, ou examen de plusieurs opinions reçues comme vraies et qui sont fausses ou douteuses. vol. in-12. Paris, 1733 et 1742. Ce livre, utile quand il parut, l’est encore aujourd’hui, quoique beaucoup de ses erreurs soient dissipées. Les connaissances du docteur Brown sont vastes, ses jugements souvent justes ; quelquefois cependant il remplace une erreur par une autre.

L’Essai sur les erreurs populaires est divisé en sept livres. On recherche dans le premier la source des erreurs accréditées ; elles doivent naissance à la faiblesse de l’esprit humain, à la curiosité, à l’amour de l’homme pour le merveilleux, aux fausses idées, aux jugements précipités.

Dans le second livre on examine les erreurs qui attribuent certaines vertus merveilleuses aux minéraux et aux plantes : telles sont les qualités surnaturelles qu’on donne à l’aimant et le privilège de la rose de Jéricho qui, dans l’opinion des bonnes gens, fleurit tous les ans la veille de Noël.

Le troisième livre est consacré aux animaux, et combat les merveilles qu’on débite sur leur compte et les propriétés que des charlatans donnent à quelques-unes de leurs parties ou de leurs sécrétions.

Le quatrième livre traite des erreurs relatives à l’homme. L’auteur détruit la vertu cordiale accordée au doigt annulaire, le conte populaire qui fait remonter l’origine des éternuments à une épidémie dans laquelle on mourait en éternuant, la puanteur spéciale des Juifs, les pygmées, les années climatériques.

Le cinquième livre est consacré aux erreurs qui nous sont venues par la faute des peintres ; comme le nombril de nos premiers parents, le sacrifice d’Abraham, où son fils Isaac est représenté enfant, tandis qu’il avait quarante ans.

L’auteur discute dans le livre sixième les opinions erronées ou hasardées qui ont rapport à la cosmographie et à l’histoire. Il combat les jours heureux ou malheureux, les idées vulgaires sur la couleur des nègres.

Le septième livre enfin est consacré à l’examen de certaines traditions reçues, sur la mer Morte, la tour de Babel, les rois de l’Épiphanie, etc.

Le savant ne se montre pas crédule ; cependant il croyait, comme tout chrétien, aux sorciers et aux démons. Le docteur Hutchinson cite de lui un fait à ce sujet dans son Essai sur la sorcellerie. En 1664, deux personnes accusées de sorcellerie allaient être jugées à Norwich ; le grand jury consulta Brown, dont on révérait l’opinion et le savoir. Brown signa une attestation dont on a conservé l’original, dans laquelle il reconnaît l’existence de sorciers et l’influence du diable ; il y cite même des faits analogues à ceux qui faisaient poursuivre les deux accusés, et qu’il présente comme incontestables. Ce fut cette opinion qui détermina la condamnation des prévenus.

Brownie, lutin écossais. Le roi Jacques regardait Brownie comme un agent de Satan ; Kirck en fait un bon génie. Aux îles d’Arkney, on répand encore des libations de lait dans la cavité d’une pierre appelée la pierre de Brownie, pour s’assurer sa protection. Le peuple de ces îles croit Brownie doux et pacifique ; mais si on l’offense^il ne reparaît plus. Dans quelques châteaux de l’Écosse, on croit avoir un Brownie, qui est un démon familier.

Brudemort, démon noir qui est dans la Normandie l’épouvante des campagnes. Il est servi par ses dix mille huarts, qui sont des lutins ténébreux, hurlant la nuit et mettant leur joie à faire peur aux bonnes gens.

Bruhesen (Pierre Van), docteur et astrologue de la Campine, mort à Bruges en 1571. Il publia dans cette ville, en 1550, son Grand et perpétuel almanach, où il indique scrupuleusement, d’après les principes de l’astrologie judiciaire, les jours propres à purger, baigner, raser, saigner, couper les cheveux et appliquer les ventouses. Ce modèle de l’almanach de Liège fit d’autant plus de rumeur à Bruges, que le magistrat, qui donnait dans l’astrologie, fit très-expresses défenses à quiconque exerçait dans sa ville le métier de barberie de rien entreprendre sur le menton de ses concitoyens pendant les jours néfastes.

François Rapaërt, médecin de Bruges, publia contre Bruhesen le Grand et perpétuel almanach, ou fléau des empiriques et des charlatans’[283]. Mais Pierre Haschaert, chirurgien partisan de l’astrologie, défendit Bruhesen dans son Bouclier astrologique contre le fléau des astrologues de François Rapaërt[284], et depuis on a fait des almanachs sur le modèle de Bruhesen, et ils n’ont pas cessé d’avoir un débit immense.

Brulefer. C’est le nom que donnent les Véritables clavicules de Salomon à un démon ou esprit qu’on invoque quand on veut se faire aimer.


Brunehaut.


Brunehaut, reine d’Austrasie. Elle contracta avec Satan un marché en teneur duquel il devait lui faire en une nuit une route sur Tournay. Elle devait être finie avant le chant du coq. Mais Brunehaut fit chanter son coq au moment où le diable apportait la dernière pierre ; ce qui rompait le marché. Cette pierre énorme est encore visitée et s’appelle la pierre de Brunehaut[285].

Bruno (Giordano), né à Nole dans le royaume de Naples, au milieu du seizième siècle. Il quitta l’habit monastique pour se jeter dans la philosophie hostile, et publia à Londres, en 1584, son livre de l’Expulsion de la bête triomphante[286]. Ce livre fut supprimé. C’était une critique, stupide dans le fond, maligne dans les détails, de toutes les religions, et spécialement de la religion chrétienne.

Ayant voulu revoir sa patrie, il fut arrêté à Venise en 1598, transféré à Rome, condamné et brûlé le 17 février de l’an 1600, moins pour ses impiétés flagrantes que pour ses doctrines effroyables et ses mauvaises mœurs. Il avait consumé beaucoup de temps à l’étude des rêveries hermétiques ; il a même laissé des écrits sur l’alchimie[287], et d’autres ouvrages dont quelques-uns ont partagé son bûcher[288]. Si on s’étonne de cette rigueur, il faut songer que les crimes qu’on poursuivait ainsi et qui troublaient la société, la corrompaient et hâtaient sa dissolution, inspiraient plus d’horreur alors que n’en inspire aujourd’hui chez nous l’assassinat.

Brunon. « L’empereur Henri III allait en bateau sur le Danube, en son duché cle Bavière, accompagné de Brunon, évêque de Wurtzbonrg, et de quelques autres seigneurs. Comme il passait près du château de Grein, il se trouva en péril imminent de se noyer, lui et les siens, dans un lieu dangereux ; cependant il se tira heureusement de ce péril. Mais incontinent on aperçut au haut d’un rocher un homme noir qui appela Brunon, lui disant : — Évêque, sache que je suis un diable, et qu’en quelque lieu que tu sois, tu es à moi. Je ne puis aujourd’hui te mal faire ; mais tu verras avant peu. » Brunon, qui était homme de bien, fit le signe de la croix, et après qu’il eut conjuré le diable, on ne sut ce qu’il devint. Mais bientôt, comme l’empereur dînait à Ebersberg avec sa compagnie, les poutres et le plafond d’une chambre basse où ils étaient s’écroulèrent ; l’empereur tomba dans une cuve où il ne se fit point de mal, et Brunon eut en sa chute tout le corps tellement brisé qu’il en mourut. — De ce Brunon ou Bruno nous avons quelques commentaires sur les Psaumes[289]. » — Il n’y a qu’un petit malheur dans ce conte rapporté par le Leloyer, c’est que tout en est faux.


Brur, nom donné dans le Dauphiné à certaines femmes qui sont, en quelque sorte, possédées. Voy. Kurgon.

Brutus. Plutarque rapporte que, peu de temps avant la bataille de Philippes, Brutus, étant seul et rêveur dans sa tente, aperçut un fantôme d’une taille démesurée, qui se présenta devant lui en silence, mais avec un regard menaçant. Brutus lui demanda s’il était dieu ou homme, et ce qu’il voulait. Le spectre lui répondit:— Je suis ton mauvais génie, et je t’attends aux champs de Philippes. « Eh bien ! nous nous y verrons ! » répliqua Brutus. Le fantôme disparut ; mais on dit qu’il se montra derechef au meurtrier de César, la nuit qui précéda la bataille de Philippes, où Brutus se tua de sa main.

Bucaille (Marie), jeune Normande de Valognes, qui, au dernier siècle, voulut se faire passer pour béate. Mais bientôt ses visions et ses extases devinrent suspectes ; elle s’était dite quelquefois assiégée par les démons ; elle se faisait accompagner d’un prétendu moine, qui disparut dès qu’on voulut examiner les faits; elle se proclama possédée. Pour s’assurer de la vérité des prodiges qu’elle opérait, on la fit enfermer au secret. On reconnut que les visions de Marie Bucaille n’étaient que fourberies ; qu’elle n’était certainement pas en commerce avec les anges. Elle fut fouettée et marquée, et tout fut fini[290].

Bucer (Martin), grand partisan de Luther, mort à Cambridge en 1551. On l’a peint suivi d’un démon qui le soufflait. « Comme il était


aux abois de la mort, assisté de ses amis, le diable s’y trouva aussi, l’accueillant avec une figure si hideuse, qu’il n’y eut personne qui, de frayeur, n’y perdît presque la vie. Icelui diable l’empoigna rudement, lui creva le ventre, le tua en lui tordant le cou, et emporta son âme, qu’il poussa rudement devant lui aux enfers[291]. »

Buckingham (George Villiers, duc de), favori de Jacques I er, mort à Portsmouth en 1628, illustre surtout par sa fin tragique. — On sait qu’il fut assassiné par Felton, officier à qui il avait fait des injustices. Quelque temps avant sa mort, Guillaume Parker, ancien ami de sa famille, aperçut à ses côtés en plein midi le fantôme du vieux sir George Villiers, père du duc, qui depuis longtemps ne vivait plus. Parker prit d’abord cette apparition pour une illusion de ses sens ; mais bientôt il reconnut la voix de son vieil ami, qui le pria d’avertir le duc de Buckingham d’être sur ses gardes, et disparut. Parker, demeuré seul, réfléchit à cette commission, et, la trouvant difficile, il négligea de s’en acquitter. Le fantôme revint une seconde fois et joignit les menaces aux prières, de sorte que Parker se décida à lui obéir ; mais il fut traité de fou, et Buckingham dédaigna son avis.

Le spectre reparut une troisième fois, se plaignit de l’endurcissement de son fils, et tirant un poignard de dessous sa robe : « Allez encore, dit-il à Parker, annoncer à l’ingrat que vous avez vu l’instrument qui doit lui donner la mort. »

Et de peur qu’il ne rejetât ce nouvel avertissement, le fantôme révéla à son ami un des plus intimes secrets du duc. — Parker retourna à la cour. Buckingham, d’abord frappé de le voir instruit de son secret, reprit bientôt le ton de la raillerie, et conseilla au prophète d’aller se guérir de sa démence. Néanmoins, quelques semaines après, le duc de Buckingham fut assassiné. On ne dit pas si le couteau de Felton était ce même poignard que Parker avait vu dans la main du fantôme.

Bucon, mauvais démon, cité dans les Clavicules de Salomon. Il sème la jalousie et la haine.

Budas, hérétique qui fut maître de Manès, et auteur de l’hérésie manichéenne. C’était, dit Pierre Delancre[292], un magicien élève des Brahmanes, et en plein commerce avec les démons. Un jour qu’il voulait faire je ne sais quel sacrifice magique, le diable l’enleva de terre et lui tordit le cou[293] : digne récompense de la peine qu’il avait prise de rétablir par le manichéisme la puissance de Satan !

Buer, démon de seconde classe, président aux enfers ; il a la forme d’une étoile ou d’une roue à cinq branches, et s’avance en roulant sur

lui-même. Il enseigne la philosophie, la logique et les vertus des herbes médicinales. Il se vante de donner de bons domestiques et de rendre la santé, aux malades. Il commande cinquante légions.

Bugnot (Étienne), gentilhomme de la chambre de Louis XIV, auteur d’un livre rare intitulé Histoire récente pour servir de preuve à la vérité du purgatoire, vérifiée par procès-verbaux dressés en 1663 et 1664, avec un Abrégé de la vie d’André Bugnot, colonel d’infanterie, et le récit de son apparition après sa mort. In-12, Orléans, 1665. Cet André Bugnot était le frère d’Étienne. Son apparition et ses révélations n’ont rien d’original.

Buisson d’épines. Selon une coutume assez singulière, quand il y avait un malade dans une maison, chez les anciens Grecs, on attachait à la porte un buisson d’épines, pour éloigner les esprits malfaisants.

Bullet ( Jean-Bapliste), académicien de Besançon, mort en 1775. On recherche ses Dissertations sur la mythologie française et sur plusieurs points curieux de l’histoire de France. In-12, Paris, 1771.

Bune, démon puissant, grand-duc aux enfers. Il a la forme d’un dragon avec trois têtes, dont la troisième seulement est celle d’un homme. Il ne parle que par signes ; il déplace les cadavres, hante les cimetières et rassemble les démons sur les sépulcres. Il se vante d’enrichir et de rendre éloquents ceux qui le servent. Trente légions lui obéissent[294].

Les démons soumis à Bune, et appelés Bunis, sont redoutés des Tartares, qui les disent très-malfaisants. Il faut avoir la conscience nette pour être à l’abri de leur malice ; car leur puissance est grande et leur nombre est immense. Cependant les sorciers du pays les apprivoisent, et c’est par le moyen des Bunis qu’ils se vantent de découvrir l’avenir.

Bungey (Thomas), moine anglais, élève, ami et serviteur de Roger Bacon, avec qui les démonographes l’accusent d’avoir travaillé sept ans à la merveilleuse tête d’airain qui parla, comme on sait[295]. On ajoute qu’il était magicien, et on en donne pour preuve qu’il publia un livre de la magie naturelle, De magia naturali, aujourd’hui peu connu.

Les bonnes gens racontent que l’illustre religieux, ayant formé le projet d’entourer l’Angleterre d’un mur d’airain, avait fabriqué une tête de bronze, prodigieux androïde qui devait avertir son serviteur, le frère Bungey, du moment favorable à l’érection de la muraille. Un jour la tête dit : Il est temps. Bungey dormait. Un autre jour elle répéta : Il est temps. Bunger dormait encore. Une troisième fois elle ouvrit la bouche et s’écria : Il n’est plus temps. Aussitôt la maison, ébranlée dans ses fondements, ensevelit Bungey sous ses ruines.

Delrio l’absout de l’accusation de magie[296], et il avoue que son livre ne contient qu’une certaine dose d’idées superstitieuses. Une autre preuve qu’il n’était pas magicien, mais seulement un peu mathématicien, c’est qu’on l’élut provincial des franciscains en Angleterre[297].

Bunis, démons tartares. Voy. Bune.

Buplage ou Buptage. « Après la bataille donnée entre le roi Antiochus et les Romains, un officier nommé Buplage, tué dans le combat, où il avait reçu douze blessures mortelles, se leva tout d’un coup au milieu de l’armée romaine victorieuse, et cria d’une voix grêle à l’homme qui le pillait :

   Cesse, soldat romain, de dépouiller ainsi
   Ceux qui sont descendus dans l’enfer obscurci…

» Il ajouta en vers que la cruauté des Romains serait bientôt punie, et qu’un peuple sorti de l’Asie viendrait désoler l’Europe ; ce qui peut marquer l’irruption des Francs sur les terres de l’empire. Après cela, bien que mort, il monta sur un chêne, et prédit qu’il allait être dévoré par un loup ; ce qui eut lieu, quoiqu’il fût sur un chêne. Quand le loup eut avalé le corps, la tête parla encore aux Romains et leur défendit de lui donner la sépulture. Tout cela paraît très-incroyable[298]. Ce ne furent pas les peuples d’Asie, mais ceux du Nord qui renversèrent l’empire romain ; mais on a cru longtemps que les Francs venaient de la Troade. »

Burgifer, démon ennemi de Brudemort.

Burgot (Pierre), loup-garou brûlé à Besançon en 1521 avec Michel Verdung.

Burrough ( George), ministre de la religion anglicane à Salem, dans la Nouvelle-Angleterre, pendu comme sorcier en 1692. On l’accusait d’avoir maléficié deux femmes qui venaient de mourir. La mauvaise habitude qu’il avait de se vanter sottement qu’il savait tout ce qu’on disait de lui en son absence fut admise comme preuve qu’il communiquait avec le diable[299].

Burton (Robert), auteur d’un ouvrage intitulé Anatomie de la mélancolie, par Démocrite le jeune, in-4o, 1624 ; mort en 1639. L’astrologie était de son temps très-respectée en Angleterre, sa patrie. Il y croyait et voulait qu’on ne doutât pas de ses horoscopes. Ayant prédit publiquement le jour de sa mort, quand l’heure fut venue il se tua pour la gloire de l’astrologie et pour ne pas avoir un démenti dans ses pronostics. Cardan et quelques autres personnages habiles dans la science des astres ont fait la même chose[300].

Busas, prince infernal. Voy. Pruflas.

Butadieu, démon rousseau, cité dans des procédures du dix-septième siècle.

Buxtorf (Jean), Westphalien, savant dans la littérature hébraïque, mort en 1629. Les curieux lisent son Abrégé du Talmud, sa Bibliothèque rabbinique et sa Synagogue judaïque[301]. Cet ouvrage, qui traite des dogmes et des cérémonies des Juifs, est plein des rêveries des rabbins, à côté desquelles on trouve des recherches curieuses.

Byleth, démon fort et terrible, l’un des rois de l’enfer, selon la Pseudomonarchie de Wierus. Il se montre assis sur un cheval blanc, précédé de chats qui sonnent du cor et de la trompe.

 
Byleth
Byleth
 
L’adjurateur qui révoque a besoin de beaucoup de prudence, car il n’obéit qu’avec fureur. Il faut pour le soumettre avoir à la main un bâton de coudrier ; et, se tournant vers le point qui sépare l’orient du midi, tracer hors du cercle où l’on s’est placé un triangle ; on lit ensuite la formule qui enchaîne les esprits, et Byleth arrive dans le triangle avec soumission. S’il ne paraît pas, c’est que l’exorciste est sans pouvoir, et que l’enfer méprise sa puissance. On dit aussi que quand on donne à Byleth un verre de vin, il faut le poser dans le triangle ; il obéit plus volontiers et sert bien celui qui le régale. On doit avoir soin, lorsqu’il paraît, de lui faire un accueil gracieux, de le complimenter sur sa bonne mine, de montrer qu’on fait cas de lui et des autres rois ses frères : il est sensible à tout cela. On ne négligera pas non plus, tout le temps qu’on passera avec lui, d’avoir au doigt du milieu de la main gauche un anneau d’argent qu’on lui présentera devant la face. Si ces conditions sont difficiles, en récompense celui qui soumet Bylet devient le plus puissant des hommes. — Il était autrefois de l’ordre des puissances ; il espère un jour remonter dans le ciel sur le septième trône, ce qui n’est guère croyable. Il commande quatre-vingts légions.

Byron. Le Vampire, nouvelle traduite de l’anglais de lord Byron, par H. Faber ; in-8o, Paris, 1819. Cette nouvelle, publiée sous le nom de lord Byron, n’est pas l’ouvrage de ce poëte, qui l’a désavouée. L’auteur n’a pas suivi les idées populaires sur les vampires ; il a beaucoup trop relevé le sien. C’est un, spectre qui voyage dans la Grèce, qui fréquente les sociétés d’Athènes, qui parcourt le monde, qui se marie pour sucer sa femme. Les vampires de Moravie étaient extrêmement redoutés ; mais ils avaient moins de puissance. Celui-ci, quoiqu’il ait l’œil gris-mort, fait des conquêtes. C’est, dit-on, une historiette populaire de la Grèce moderne que lord Byron raconta dans un cercle et qu’un jeune médecin écrivit à tort ; car il remit à la mode, un instant, des horreurs qu’il fallait laisser dans l’oubli.

Bythies. Voy. Bithies.



C

Caaba. Voy. Kaaba.

Caacrinolaas, nommé aussi Caassimolar et Glassialabolas, grand président aux enfers, il se présente sous la forme d’un chien, et il en a la démarche, avec des ailes de griffon. Il donne la connaissance des arts libéraux, et, par un bizarre contraste, il inspire les homicides. On y dit qu’il prédit bien l’avenir. Ce démon rend l’homme invisible et commande trente-six légions[302]. Le Grand Grimoire le nomme Classyalabolas, et n’en fait qu’une espèce de sergent qui sert quelquefois de monture à Nébiros ou Naberus. Voy. Cerbère.


Caacrinolaas
Caacrinolaas
Caacrinolaas.


Cabadès. Voy. Zoubdadeyer.

Cabale ou Cabbale. Pic de la Mirandole dit que ce mot, dans son origine hébraïque, signifie tradition[303]. L’ancienne cabale des Juifs est, selon quelques-uns, une sorte de maçonnerie mystérieuse ; selon d’autres, ce n’est que l’explication mystique de la Bible, l’art de trouver des sens cachés dans la décomposition des mots[304], et la manière d’opérer des prodiges par la vertu de ces mots prononcés d’une certaine façon. Voyez Thémura et Théomancie. Cette science merveilleuse, si l’on en croit les rabbins, affranchit ceux qui la possèdent des faiblesses de ¡’humanité, leur procure des biens surnaturels, leur communique le don de prophétie, le pouvoir de faire des miracles, et l’art de transmuer les métaux en or, c’est-à-dire la pierre philosophale. Elle leur apprend aussi que le monde sublunaire ne doit durer que sept mille ans, et que tout ce qui est supérieur à la lune en doit durer quarante-neuf mille.

Les Juifs conservent la cabale par tradition orale ; ils croient que Dieu l’a donnée à Moïse, au pied du mont Sinaï ; que le roi Salomon, auteur d’une figure mystérieuse que l’on appelle l’arbre de la cabale des Juifs, y a été très-expert, et qu’il faisait des talismans mieux que personne. Tostat dit même que Moïse ne faisait ses miracles avec sa verge que parce que le grand nom de Dieu y était gravé. Valderame remarque que les apôtres faisaient pareillement des miracles avec le nom de Jésus, et les partisans de ce système citent plusieurs saints dont le nom ressuscita des morts.

La cabale grecque, inventée, dit-on, par Pythagore et par Platon, renouvelée par les Valentiniens, tira sa force des lettres grecques combinées et fit des miracles avec l’alphabet.

La grande cabale, ou la cabale dans le sens moderne proprement dite, est l’art de commercer avec les esprits élémentaires ; elle tire parti pour cela de certains mots mystérieux. Elle explique les choses les plus obscures par les nombres, par le changement de l’ordre des lettres et par des rapports dont les cabalistes se sont formés des règles. Or, voici quels sont, selon les cabalistes, les divers esprits élémentaires :

Les quatre éléments sont habités chacun par des créatures particulières, beaucoup plus parfaites que l’homme, mais soumises comme lui aux lois de la mort. L’air, cet espace immense qui est entre la terre et les deux, a des hôtes plus nobles que les oiseaux et les moucherons. Ces mers si vastes ont d’autres habitants que les dauphins et les baleines. Les profondeurs de la terre ne sont pas destinées aux-taupes seulement et l’élément du feu, plus sublime encore que les trois autres, n’a pas été fait pour demeurer inutile et vide.

Les salamandres habitent donc la région du feu ; les sylphes, le vague de l’air ; les gnomes, l’intérieur de la terre ; et les ondins ou nymphes, le fond des eaux. Ces êtres sont composés des plus pures parties des éléments qu’ils habitent Adam, plus parfait qu’eux tous, était leur roi naturel ; mais, depuis sa faute, étant devenu impur et grossier, il n’eut plus de proportion avec ces substances ; il perdit tout l’empire qu’il avait sur elles.

Que l’on se console pourtant ; on a trouvé dans la nature les moyens de ressaisir ce pouvoir perdu. Pour recouvrer la souveraineté sur les salamandres, et les avoir à ses ordres, on attire le feu du soleil, par des miroirs concaves, dans un globe de verre ; il s’y forme une poudre solaire qui se purifie elle-même des autres éléments, et qui, avalée, est souverainement propre a exhaler le feu qui est en nous, et à nous faire devenir pour ainsi dire de matière ignée. Dès lors, b habitants de la sphère du feu deviennent nos inférieurs, et ont pour nous toute l’affection qu’ils ont pour leurs semblables, tout le respect qu’ils doivent au lieutenant de leur créateur.

De même, pour commander aux sylphes, ans gnomes, aux nymphes, on emplit d’air, de Lèvre ou d’eau, un globe de verre ; on le laisse, bien fermé, exposé au soleil pendant un mois. Chacun de ces éléments, ainsi purifié, est un aimant qui attire les esprits qui lui sont propres.

Si on prend tous les jours, durant quelques mois, de la drogue élémentaire, formée, aimée qu’on vient de le dire, dans le bocal ou globe de verre, on voit bientôt dans les airs la république volante des sylphes, les nymphes venir en foule au rivage, les gnomes, gardiens des trésors et des mines, étaler leurs richesses. On ne risque rien d’entrer en commerce avec eux, on les trouvera honnêtes, savants, bienfaisants et craignant Dieu. Leur âme est mortelle, et ils n’ont pas l’espérance de jouir un jour de l’être suprême, qu’ils connaissent et qu’ils adorent. Ils vivent fort longtemps, et ne meurent qu’après plusieurs siècles. Mais qu’est-ce que le temps auprès de l’éternité ? Ils gémissent donc de leur condition. Pourtant, il n’est pas impossible de trouver du remède à ce mal ; car, de même que l’homme, par l’alliance qu’il a contractée avec Dieu, a été fait participant de la Divinité, les sylphes, les gnomes, les nymphes et les salamandres deviennent participants de l’immortalité, en contractant alliance avec l’homme. (Nous transcrivons toujours les docteurs cabalistes.) Ainsi, l’âme d’une nymphe ou d’une sylphide devient immortelle quand elle est assez heureuse pour se marier à un sage ; un gnome ou un salamandre cesse d’être mortel en son âme du moment qu’il épouse une fille des hommes. On conçoit par là que ces êtres se plaisent avec nous quand nous les appelons. Les cabalistes assurent que les déesses de l’antiquité, et ces nymphes qui prenaient des époux parmi les hommes, et ces démons incubes et succubes des temps barbares, et ces fées qui, dans le moyen âge, se montraient au clair de la lune, ne sont que des sylphes, ou des salamandres, ou des ondins.

Il y a pourtant des gnomes qui aiment mieux mourir que risquer, en devenant immortels, d’être aussi malheureux que les démons. C’est le diable (disent toujours nos auteurs) qui leur inspire ces sentiments ; il ne néglige rien pour empêcher ces pauvres créatures d’immortaliser leur âme par notre alliance.

Les cabalistes sont obligés de renoncer à tout commerce avec l’espèce humaine, s’ils veulent ne pas offenser les sylphes et les nymphes dont ils recherchent l’alliance. Cependant, comme le nombre des sages cabalistes est fort petit, les nymphes et les sylphides se montrent quelquefois moins délicates, et emploient toutes sortes d’artifices pour les retenir. Un jeune seigneur de Bavière était inconsolable de la mort de sa femme. Une sylphide prit la figure de la défunte, et s’alla présenter au jeune homme désolé, disant que Dieu l’avait ressuscitée pour le consoler de son extrême affliction. Ils vécurent ensemble plusieurs années, mais le jeune seigneur n’était pas assez homme de bien pour retenir la sage sylphide ; elle disparut un jour, et ne lui laissa que ses jupes et le repentir de n’avoir pas voulu suivre ses bons conseils.

Plusieurs hérétiques des premiers siècles mêlèrent la cabale juive aux idées du christianisme, et ils admirent entre Dieu et l’homme quatre sortes d’êtres intermédiaires, dont on a fait plus tard les salamandres, les sylphes, les ondins et les gnomes. Les Chaldéens sont sans doute les premiers qui aient rêvé ces êtres ; ils disaient que ces esprits étaient les âmes des morts, qui, pour se montrer aux gens d’ici-bas, allaient prendre un corps solide dans la lune.

La cabale des Orientaux est encore l’art de commercer avec les génies, qu’on évoque par des mots barbares. Au reste, toutes les cabales sont différentes pour les détails ; mais elles se ressemblent beaucoup dans le fond. On conte sur ces matières une multitude d’anecdotes. On dit qu’Homère, Virgile, Orphée furent de savants cabalistes.

Parmi les mots les plus puissants en cabale, le fameux mot Agla est surtout révéré. Pour retrouver les choses perdues, pour apprendre par révélations les nouvelles des pays lointains, pour faire paraître les absents, qu’on se tourne vers l’Orient, et qu’on prononce à haute voix le grand nom Agla. Il opère toutes ces merveilles, même lorsqu’il est invoqué par les ignorants, s’ils sont convenablement disposés. Voy. Agla.

Les rabbins définissent la cabale : « Une science qui élève à la contemplation des choses célestes et au commerce avec les esprits bienheureux ; elle fait connaître les vertus et les attributs de la divinité, les ordres et les fonctions des anges, le nombre des sphères, les propriétés des astres, la proportion des éléments, les vertus des plantes et des pierres, les sympathies, l’instinct des animaux, les pensées les plus secrètes des hommes. »

» Cinquante entrées différentes, d’après les rabbins, conduisent à la connaissance générale des mystères ; c’est ce qui s’appelle les cinquante portes de l’intelligence. Dieu en fit connaître quarante-neuf à Moïse ; celui-ci renferma toute cette doctrine, toute, l’étendue de la science que Dieu lui avait donnée, dans les cinq livres du Pentateuque ; elle y est contenue, ou dans le sens littéral ou dans le sens allégorique, ou dans la valeur et la combinaison arithmétiques des lettres, dans les figures géométriques des caractères, dans les consonances harmoniques des sons. C’est à l’y découvrir que travaillent tous ceux qui se sont occupés de la cabale. On comprend par ce court exposé que, s’il est cinquante portes ouvertes à l’intelligence, le nombre de celles qui sont ouvertes à l’erreur doit être infini.

» Quelques savants même chrétiens se sont occupés de la cabale, et ont voulu lui assigner une place dans les études sérieuses. Le fameux Pic de la Mirandole a composé un livre tout exprès pour en faire sentir l’importance.

» Il y dit sérieusement que celui qui connaît la vertu du nombre 10, et la nature du premier nombre sphérique, qui est 5, aura le secret des cinquante portes d’intelligence, du grand jubilé de cinquante ans des Juifs, de la millième génération de l’Apocalypse et du règne de tous les siècles dont il est parlé dans l’Évangile. Il enseignait en outre que, pour son compte, il y avait trouvé toute la doctrine de Moïse, la religion chrétienne, les mystères de la Trinité et de la Rédemption, les hiérarchies des anges, la chute des démons, les peines de l’enfer, etc. Toutes ces assertions forment les soixante-douze dernières propositions des neuf cents qu’il soutint à Rome, avec l’admiration générale, à l’âge de vingt-quatre ans[305]. »

Le savant juif Cahen, qui était réaliste, ne regardait guère la cabale que comme un enchaînement de superstitions. Voy. Ensoph.

On peut puiser sur les rêveries de la cabale des instructions plus étendues dans les divers ouvrages qui en traitent spécialement, mais qui sont peu recommandables : 1° le Comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes, par l’abbé de Villars. La meilleure édition est de 1742, in-12 ; 2° les Génies assistants, suite du Comte de Gabalis, in-12, même année ; 3° le Gnome irréconciliable, suite des Génies assistants ; 4° Nouveaux entretiens sur les sciences secrètes, suite nouvelle du Comte de Gabalis, même année ; 5° Lettres cabalistiques, par le marquis d’Argens, la Haye, 1741, 6 volumes in-12. Cet ouvrage est plein, beaucoup plus que les précédents, de passages condamnés. Voy. Zédéchias.

Cabanda. Hideux démon de l’Inde ; il est gros comme un rocher, n’a ni tête, ni jambes, mais des bras longs d’une lieue et qui ont été raccourcis par Râma.

Cabires, dieux des morts, adorés très-anciennement en Égypte. Bochard pense qu’il faut entendre sous ce nom les trois divinités infernales : Pluton, Proserpine et Mercure.

D’autres ont regardé les cabires comme des magiciens qui se mêlaient d’expier les crimes des hommes, et qui furent honorés après leur mort. On les invoquait dans les périls et dans les infortunes. Il y a de grandes disputes sur leurs noms, qu’on ne déclarait qu’aux seuls initiés[306]. Ce qui est certain, c’est que les cabires sont des démons qui présidaient autrefois à une sorte de sabbat. Ces orgies, qu’on appelait fêtes des Cabires, ne se célébraient que la nuit : l’initié, après des épreuves effrayantes, était ceint d’une ceinture de pourpre, couronné d’une branche d’olivier et placé sur un trône illuminé, pour représenter le maître du sabbat, pendant qu’on exécutait autour de lui des danses hiéroglyphiques plus ou moins infâmes.

Cacodémon, mauvais démon. C’est le nom que les anciens donnaient aux esprits malfaisants. Mais ils appelaient spécialement ainsi un monstre effrayant, un spectre horrible, qui n’était pas assez reconnaissable pour être désigné autrement. Chaque homme avait son bon et son mauvais démon, eudémon et cacodémon. Les astrologues appelaient

aussi la douzième maison du soleil, qui est la plus mauvaise de toutes, cacodémon, parce que Saturne y répand ses malignes influences, et qu’on n’en peut tirer que des pronostics redoutables.

Cacoux. Voy. Caqueux.

Cactonite, pierre merveilleuse qui, selon quelques-uns, n’est autre chose que la cornaline. On lui attribue de grandes propriétés. Les anciens en faisaient des talismans qui assuraient la victoire.

Cacus, espèce d’ogre de l’antiquité. Il était fils de Vulcain et vomissait du feu par la gueule. Ce monstre, de taille gigantesque, moitié homme et moitié bouc, mangeait les passants dans sa caverne, au pied du mont Aventin, et accrochait leurs têtes à sa porte. Il fut étranglé par Hercule. — Cacus a été peint quelquefois avec une tête de bête sur un corps d’homme.


Cadavre.

Cadavre. Selon la loi des Juifs, quiconque avait touché un cadavre était souillé ; il devait se purifier avant de se présenter au tabernacle du Seigneur. Quelques censeurs des lois de Moïse ont jugé que cette ordonnance était superstitieuse. Il nous paraît au contraire, dit Bergier, qu’elle était très-sage. C’était une précaution contre la superstition des païens, qui interrogeaient les morts pour apprendre d’eux l’avenir ou les choses cachées : abus sévèrement interdit aux Juifs, mais qui a régné chez la plupart des nations. Voy. Aimant, Cercueil, etc.

Cadière. Voy. Girard.

Cadmée ou Cadmie, qu’on appelle plus généralement calamine, fossile bitumineux quidonne une teinte jaune au cuivre rouge, et que certains chimistes emploient pour faire de l’or.

Cadmus. M. Appert a établi que l’écriture nous vient d’Adam, et que le Cadmus célébré par les Grecs comme l’inventeur de l’écriture n’est autre qu’Adam, Adamus, qui a reçu ce don en même temps que celui de la parole. On a altéré le nom d’Adamus, en mettant une aspiration orientale devant la première lettre[307].

Caducée. C’est avec cette baguette, ornée de deux serpents entrelacés, que Mercure conduisait les âmes aux enfers et qu’il les en tirait au besoin.

Cadulus, pieux soldat dont la légende rapporte qu’il était obsédé par le diable en forme d’ours[308]. Il s’en délivra par la prière.

Cæculus, petit démon né d’une étincelle qui vola de la forge de Vulcain dans le sein de Prenesta. Il fut élevé parmi les bêtes sauvages. On le reconnut à cette particularité, qu’il vivait dans le feu comme dans son élément ; ses yeux, qui étaient fort petits, étaient seulement un peu endommagés par la fumée. Les cabalistes font de lui un salamandre. Caf. Voy. Kaf.

Cagliostro ( Joseph-Balsamo), célèbre aventurier du dix-huitième siècle, connu sous le nom d’Alexandre, comte de Cagliostro, naquit, dit-on, à Païenne en 1743, de parents obscurs. Il montra dans ses premières années un esprit porté à la friponnerie ; tout jeune, il escroqua soixante onces d’or à un orfèvre, en lui promettant de lui livrer un trésor enfoui dans une grotte, sous la garde des esprits infernaux ; il le conduisit dans cette grotte, où le bonhomme fut assommé de coups de bâton. Cagliostro s’enfuit alors et voyagea, avec un alchimiste nommé Althotas, en Grèce, en Égypte, en Arabie, en Perse, à Rhodes, à Malte. Ayant perdu là son compère, il passa en Angleterre et d’Angleterre en France, vivant du produit de ses compositions chimiques. Il donnait dans la pierre philosophale, le magnétisme et diverses jongleries et intrigues ignobles.

Il se rendit à Strasbourg, où il fut reçu, en 1780, avec une sorte de triomphe ; il y guérit certains malades qui l’attendaient, avec une adresse si prompte que l’on a cru qu’ils étaient apostés et leur mal supposé, à moins que le diable ne fût aux ordres de Cagliostro, comme beaucoup l’ont dit, et comme le faisait penser sa physionomie patibulaire.

Les uns ont regardé Cagliostro comme un homme extraordinaire, un inspiré ; d’autres comme un charlatan ; quelques-uns ont vu en lui un membre voyageur de la maçonnerie templière, constamment opulent par les secours nombreux qu’il recevait des diverses loges de l’ordre ; mais le plus grand nombre s’accorde à donner au faste qu’il étalait une source moins honorable encore. Il se vantait de converser avec les anges, et il faisait entendre en rase campagne (par ventriloquie) des voix venant du ciel. Il institua une espèce de cabale égyptienne. De jeunes garçons et de jeunes filles, qu’il appelait ses pupilles ou colombes, se plaçaient dans l’état d’innocence devant une boule de cristal, et là, abrités d’un paravent, ils obtenaient, par l’imposition des mains du grand cophte (c’était lui qui était le grand cophte), la faculté de communiquer avec les esprits. Ils voyaient dans cette boule tout ce qu’ils voulaient voir. — Les travaux de ces pupilles ou colombes ne se bornaient pas à cette cérémonie ; Cagliostro leur enseignait à découvrir les choses occultes, les événements à venir et les matières curieuses. On ajoute qu’il a fait paraître aux grands seigneurs de Paris et de Versailles, dans des glaces, sous des cloches de verre et dans des bocaux, des spectres animés et mouvants, ainsi que des personnes mortes qu’on lui demandait à voir. — Un soir qu’il se trouvait à Versailles avec plusieurs des seigneurs de la cour, ceux-ci témoignèrent l’envie de connaître ce que faisait en ce moment une dame de leur société, qui était restée à Saint-Germain. Aussitôt il forma sur le parquet un carré, passa la main dessus, et l’on vit se tracer la figure de la dame jouant aux tressettes avec trois de ses amies, toutes assises sur un tapis. On envoya au logis de cette dame, qu’on trouva effectivement dans la même attitude, la même occupation, et avec les mêmes personnes.

On rapporte aussi que, dans des soupers qui ont fait grand bruit à Paris, il invoquait les morts illustres, tels que Socrate, Platon, Corneille, d’Alembert, Voltaire, etc. Dans sa lettre au peuple français, datée de Londres, le 20 juin 1786, il prédit que la Bastille serait détruite. Mais depuis longtemps on en avait le projet.

Cagliostro était très-lié avec un joueur de gobelets qui se disait assisté d’un esprit, lequel esprit, à ce que l’on prétend, était l’âme d’un juif cabaliste qui avait tué son père par art magique avant la venue de Notre-Seigneur. Il disait effrontément que les prodiges qu’il opérait étaient l’effet d’une protection spéciale de Dieu sur lui… ; que l’Être suprême, pour l’encourager, avait daigné lui accorder la vision béatifique, etc. ; qu’il venait convertir les incrédules. Il se vantait d’avoir assisté aux noces de Cana… ; il était par conséquent contemporain de Notre-Seigneur.

Il est dit ailleurs que Cagliostro était né avant le déluge[309]. — Il fut arrêté à Rome en 1789, et condamné comme pratiquant, à l’ombre de la franc-maçonnerie, de criminels mystères. Il s’étrangla dans sa prison en 1795.

Il a écrit, dit-on, la relation de quelques opérations prétendues magiques, ainsi que d’une transmutation de métaux vils en or, faites à Varsovie en 1780. — On met sur son compte une plate brochure qui apprenait aux vieilles femmes à trouver les numéros de la loterie dans leurs rêves. On vendait tous les ans à Paris un grand nombre d’exemplaires de ce fatras dont voici le titre : Le Vrai Cagliostro, ou le Régulateur des actionnaires de la loterie, augmenté de nouvelles cabales faites par Cagliostro, etc., in-8o, avec le portrait de l’auteur, au bas duquel on a mis ces treize syllabes : Pour savoir ce qu’il est, il faudrait être lui-même.

Cagots, individus des Pyrénées qui y sont des sortes de parias. Les autres habitants les évitent comme gens maudits. Ce sont, dit-on, des restes de la race des Goths, appelés Ca-Goths, en en abréviation de canes Gothi, chiens de Goths.

Caïn. Les musulmans et les rabbins disent qu’Ève, ayant deux fils, Caïn et Abel, et deux filles, Aclima et Lébuda, voulut unir Caïn avec Lébuda, et Aclima avec Abel. Or, Caïn était épris d’Aclima. Adam, pour mettre ses fils d’accord, leur proposa un sacrifice ; et, comme on le sait, l’offrande de Caïn fut rejetée. Il ne voulut pourtant pas céder Aclima ; il résolut, pour l’avoir plus sûrement, de tuer son frère Abel ; mais il ne savait comment s’y prendre. Le diable, qui l’épiait, se chargea de lui donner une leçon. Il prit un oiseau, qu’il posa sur une pierre, et, avec une autre pierre, il lui écrasa la tête. Caïn, bien instruit alors, épia le moment où Abel dormait, et lui laissa tomber une grosse pierre sur le front[310].

Caïnan. On attribue à Caïnan, fils d’Arphaxad, la conservation d’un traité d’Astronomie qu’il trouva gravé sur deux colonnes par les enfants de Seth, ouvrage antédiluvien qu’il transcrivit. On prétend aussi que Caïnan découvrit encore d’autres ouvrages écrits par les géants, lesquels ouvrages ne sont pas venus jusqu’à nous[311].

Caïnites. Il y a eu, dans le deuxième siècle, une secte d’hommes effroyables qui glorifiaient le crime et qu’on a appelés caïnites. Ces misérables avaient une grande vénération pour Caïn, pour les horribles habitants de Sodome, pour Judas et pour d’autres scélérats. Ils avaient un évangile de Judas, et mettaient la perfection à commettre sans honte les actions les plus infâmes.

Caiumarath ou Kaid-Mords. Le premier homme selon les Persans. Voy. Boundschesch.

Cala (Charles), Calabrais qui écrivait au dix-septième siècle. On recherche son Mémoire sur l’apparition des croix prodigieuses[312], imprimé à Naples en 1651.

Calamités. On a souvent attribué aux démons ou à la malice des sorciers les calamités publiques. Pierre Delancre dit que les calamités des bonnes âmes sont les joies et les festoiements des démons pipeurs[313].

Calaya. Le troisième des cinq paradis indiens. Là réside Ixora ou Eswara, toujours à cheval sur un bœuf. Les morts fidèles le servent ; les uns le rafraîchissant avec des éventails, d’autres portant devant lui la chandelle pour l’éclairer la nuit. Il en est qui lui présentent des crachoirs d’argent quand il veut expectorer.

Calcerand-Rochez. Pendant que Hugues de Moncade était vice-roi de Sicile pour le roi Ferdinand d’Aragon, un gentilhomme espagnol, nommé Calcerand-Rochez, eut une vision. Sa maison était située près du port de Païenne. Une nuit qu’il ne dormait pas, il crut entendre des hommes qui cheminaient et faisaient grand bruit dans sa basse-cour ; il se leva, ouvrit la fenêtre, et vit, à la clarté du crépuscule, des soldats et des gens de pied en bon ordre, suivis de piqueurs ; après eux venaient des gens de cheval divisés en escadrons, se dirigeant vers la maison du vice-roi. Le lendemain, Calcerand conta le tout à Moncade, qui n’en tint compte ; cependant, peu après, le roi Ferdinand mourut, et ceux de Palerme se révoltèrent. Cette sédition, dont la vision susdite donnait clair présage, ne fut apaisée que par les soins de Charles d’Autriche (Charles-Quint)[314].

Calchas, devin de l’antiquité, qui augurait des choses sur le vol des oiseaux. Il prédit aux Grecs que le siège de Troie durerait dix ans, et il exigea le sacrifice d’Iphigénie. Apollon lui avait donné la connaissance du passé, du présent et de l’avenir. Il serait curieux de savoir s’il aurait prédit aussi la prise de la Bastille. Sa destinée était de mourir lorsqu’il aurait trouvé un devin plus sorcier que lui. Il mourut en effet de dépit, pour n’avoir pas su deviner les énigmes de Mopsus. Voy. Mopsus.

Calegueiers. Les plus redoutables d’entre les génies chez les Indiens. Ils sont de taille gigantesque, et habitent ordinairement le Patala, qui est l’enfer des Indes.

Calendrier. L’ancien calendrier des païens se rattachait au culte des astres ; et presque toujours il était rédigé par des astrologues.

Ce serait peut-être ici l’occasion de parler du Calendrier des bergers, de l’Almanach du bon laboureur, du Messager boiteux de Bâle en Suisse, et de cent autres recueils où l’on voit exactement marqués les jours où il fait bon rogner ses ongles et prendre médecine ; mais ces détails mèneraient trop loin. Voy. Almanach[315].

Cali, reine des démons et sultane de l’enfer indien. On la représente tout à fait noire, avec


un collier de crânes d’or. On lui offrait autrefois des victimes humaines.

Calice du Sabbat. On voit dans Pierre Delancre que, lorsque les prêtres sorciers disent la messe au sabbat, ils se servent d’une hostie et d’un calice noirs, et qu’à l’élévation ils disent ces mots : Corbeau noir ! corbeau noir ! invoquant le diable.

Calice du Soupçon. Voy. Infidélité.

Caligula. On prétend qu’il fut empoisonné ou assassiné par sa femme. Suétone dit qu’il apparut plusieurs fois après sa mort, et que sa maison fut infestée de monstres et de spectres, jusqu’à ce qu’on lui eût rendu les honneurs funèbres[316].

Callo. Voy. Spes.

Calmet (Dom Augustin), bénédictin de la congrégation de Saint-Vannes, l’un des savants les plus laborieux et les plus utiles du dernier siècle, mort en 1757, dans son abbaye de Senones. Voltaire même mit ces quatre vers au bas de son portrait:

      Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre
      Son travail assidu perça l’obscurité ;
      Il fit plus, il les crut avec simplicité,
      Et fut, par ses vertus ; digne de les entendre.

Nous le citons ici pour sa Dissertation sur les apparitions des anges, des démons et des esprits, et sur les revenants et vampires de Hongrie, de Bohême, de Moravie et de Silésie, in-12, Paris, 1746. La meilleure édition est « de 1751 ; Paris, 2 vol. in-12. Ce livre est fait avec bonne foi ; l’auteur est peut-être un peu crédule ; mais il rapporte ce qui est contraire à ses idées avec autant de candeur que ce qui leur est favorable. Voy. Vampires.

Calundronius, pierre magique dont on ne désigne ni la couleur ni la forme, mais qui a la vertu d’éloigner les esprits malins, de résister aux enchantements, de donner à celui qui la porte l’avantage sur ses ennemis, et de chasser l’humeur noire.

Calvin (Jean), l’un des chefs de la réforme prétendue, né à Noyon en 1509. Ce fanatique, qui se vantait, comme les autres protestants, d’apporter aux hommes la liberté d’examen, et qui fit brûler Michel Servet, son ami, parce qu’il différait d’opinion avec lui, n’était pas seulement hérétique ; on l’accuse encore d’avoir été magicien. « Il faisait des prodiges à l’aide du diable, qui quelquefois ne le servait pas bien ; car un jour il voulut donner à croire qu’il ressusciterait un homme qui n’était pas mort ; et, après qu’il eut fait ses conjurations sur le compère, lorsqu’il lui ordonna de se lever, celui-ci n’en fit rien, et on trouva qu’icelui compère était mort tout de bon, pour avoir voulu jouer cette mauvaise comédie[317]. » Quelques-uns ajoutent que Calvin fut étranglé par le diable ; il ne l’aurait pas volé. En son jeune âge, Calvin avait joué la comédie et fait des tours d’escamotage[318].

Cambions, enfants des démons. Delancre et Bodin pensent que les démons incubes peuvent s’unir aux démons succubes, et qu’il naît de leur commerce des enfants hideux qu’on nomme cambions, lesquels sont beaucoup plus pesants que les autres, avalent tout sans être plus gras, et tariraient trois nourrices qu’ils n’en profiteraient pas mieux[319]. Luther, qui était très-superstitieux, dit dans ses Colloques que ces enfants-là ne vivent que sept ans ; il raconte qu’il en vit un qui criait dès qu’on le touchait, et qui ne riait que quand il arrivait dans la maison quelque chose de sinistre.

Maïole rapporte qu’un mendiant galicien excitait la pitié publique avec un cambion ; qu’un jour un cavalier, voyant ce gueux très-embarrassé pour passer un fleuve, prit, par compassion, le petit enfant sur son cheval, mais qu’il était si lourd que le cheval pliait sous le poids. Peu de temps après, le mendiant étant pris, avoua que c’était un petit démon qu’il portait ainsi, et que cet affreux marmot, depuis qu’il le traînait avec lui, avait toujours agi de telle sorte que personne ne lui refusait l’aumône[320].

Caméléon. Démocrite, au rapport de Pline, avait fait un livre spécial sur les superstitions auxquelles le caméléon a donné lieu. Un plaideur était sûr de gagner son procès s’il portait avec lui la langue d’un caméléon arrachée à l’animal pendant qu’il vivait. On faisait tonner et pleuvoir en brûlant la tête et le gosier d’un caméléon sur un feu de bois de chêne, ou bien en rôtissant son foie sur une tuile rouge. Boguet n’a pas manqué de remarquer cette merveille dans le chapitre xxiii de ses Discours des sorciers. L’œil droit d’un caméléon vivant arraché et mis dans du lait de chèvre formait un cataplasme qui faisait tomber les taies des yeux. Sa queue arrêtait le cours des rivières. On se guérissait de toute frayeur en portant sur soi sa mâchoire, etc.

Des curieux assurent encore que cette espèce de lézard ne se nourrit que de vent. Mais il est constant qu’il mange des insectes ; et comment aurait-il un estomac et tous les organes de la digestion, s’il n’avait pas besoin de digérer ? Comment encore, s’il ne mange pas, produit-il des excréments, dont les anciens faisaient un onguent magique pour nuire à leurs ennemis ? La couleur du caméléon paraît varier continuellement, selon la réflexion des rayons du soleil et la position où l’animal se trouve par rapport à ceux qui le regardent : c’est ce qui l’a fait comparer à l’homme de cour. — Delancre dit, d’un autre côté, que le caméléon est l’emblème des sorciers, et qu’on en trouve toujours dans les lieux où s’est tenu le sabbat.

Camephis, le plus ancien des dieux de l’Égypte ; il est triple : aïeul, père et fils.

Camérarius (Joachim), savant allemand du seizième siècle. On recherche son traité De la nature et des affections des démons[321] et son Commentaire sur les divinations[322].

Nous indiquerons aussi de Barthélemi Camerario, Bénéventin, mort en 1564, un livre Sur le feu du purgatoire[323] ; les Centuries de Jean-Rodolphe Camérarius, médecin allemand du dix-septième siècle, Sur les horoscopes et l’astrologie[324], et le fatras du même auteur Sur les secrets merveilleux de la nature[325].

Enfin, Élie Camérarius, autre rêveur de Tubingue, a écrit, en faveur de la magie et des apparitions, des livres que nous ne connaissons pas.

Camisards. Voy. Dauphiné.

Camnuz (l’esprit de). Sigebert raconte dans sa chronique les malices d’un esprit frappeur qui fréquenta assez longtemps Camnuz, près de Bingen, faisant divers bruits insolites et jetant des pierres sans se montrer. Il en arriva à dérober divers objets et à dénoncer comme voleurs ceux à qui il en voulait et chez qui il portait ses larcins. Il mit le feu à des maisons et à des récoltes, et vexa le pays assez longtemps. On l’entendait parler sans le voir. C’était à la fin du seizième siècle. Enfin, l’évêque de Mayence envoya des exorcistes qui le chassèrent.

Campanella (Thomas), homme d’esprit, mais de peu de jugement, né dans un bourg de la Calabre en 1568. Tout jeune il rencontra, dit-on, un rabbin qui l’initia dans les secrets de l’alchimie, et qui lui apprit toutes les sciences en quinze jours, au moyen de l’Art Notoire. Avec ces connaissances, Campanella, entré dans l’ordre des dominicains, se mit à combattre la doctrine d’Aristote, alors en grande faveur. Ceux qu’il attaqua l’accusèrent de magie ; et il fut obligé de s’enfuir de Naples. On s’empara de ses cahiers. L’inquisition, y trouvant des choses répréhensibles, condamna l’auteur à la retraite dans un couvent. Notez que c’était l’inquisition d’État, et que la vraie cause qui lui fit imposer le silence dans une sorte de séquestration fut une juste critique qu’il avait faite, dans son Traité de la monarchie espagnole, des torts graves de cette nation, dominée alors par un immense orgueil. Il sortit de sa retraite par ordre du pape, en 1626, et vint à Paris, où il mourut chez les jacobins de la rue Saint-Honoré, le 21 mai 1639. — On a dit qu’il avait prédit l’époque de sa mort et les gloires du règne de Louis XIV. Nous ne citerons de ses ouvrages que ses quatre livres Du sens des choses et de la magie[326] et ses six livres d’astrologie[327] ; l’auteur, qui faisait cas de cette science, s’efforce d’accorder les idées astrologiques avec la doctrine de saint Thomas.

Campbell (Gilbert). Son histoire. Voy. Esprits frappeurs.

Campetti, hydroscope, qui renouvela, à la fin du dernier siècle, les merveilles de la baguette divinatoire. Il était né dans le Tyrol. Mais il a fait moins de bruit que Jacques Aymar. Au lieu de baguette pour découvrir les sources, les trésors cachés et les traces de vol ou de meurtre, il se servait d’un petit pendule formé d’un morceau de pyrite, ou de quelque autre substance métallique suspendue à un fil qu’il tenait à la main. Ses épreuves n’ont pas eu de suites.

Camuz ( Philippe), romancier espagnol du seizième siècle. On lui attribue la Vie de Robert le Diable[328], qui fait maintenant partie de la Bibliothèque Bleue.

Canate, montagne d’Espagne, fameuse dans les anciennes chroniques ; il y avait au pied une caverne où les mauvais génies faisaient leur résidence, et les chevaliers qui s’en approchaient étaient sûrs d’être enchantés, s’il ne leur arrivait pas pis.

Cancer ou l’Écrevisse, l’un des signes du zodiaque. C’est l’Écrevisse qui piqua Hercule au talon pendant qu’il combattait l’hydre de Lerne. Voy. Horoscopes.

Candelier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Cang-Hy, dieu des cieux inférieurs, chez les Chinois. Il a pouvoir dévie et de mort. Trois esprits subalternes sont ses ministres:Tankwam, qui préside à l’air, dispense la pluie ; Tsuikvam, qui gouverne la mer et les eaux, envoie les vents et les orages; Teikwam, qui préside à la terre, surveille l’agriculture et se mêle des batailles.

Canicida. Voy. Zerinthe.

Canicule, constellation qui doit son nom à l’étoile Syrius ou le chien, et qui domine dans le temps des grandes chaleurs. Les Romains, persuadés de la malignité de ses influences, lui sacrifiaient tous les ans un chien roux. Une vieille opinion populaire exclut les remèdes pendant cette saison, et remet à la nature la guérison de toutes les maladies. C’est aussi une croyance encore répandue qu’il est dangereux de se baigner pendant la canicule.

Canidia, magicienne dont parle Horace ; elle enchantait et envoûtait avec des figures de cire, et, par ses conjurations magiques, elle forçait la lune à descendre du ciel.

Canigou, montagne de France dans le Roussillon. Elle a aussi sa légende. Gervais de Tilbury nous apprend, dans sa chronique, qu’au sommet presque inaccessible de cette montagne il y a un lac d’eau noire dont on ne connaît pas le fond, que les hôtes de l’enfer ont un palais au fond de ce lac, et que si l’on y jette une pierre, les démons aussitôt font surgir une tempête qui effraye la contrée.

Canterme, nom que donnaient les anciens à certains enchantements et maléfices.

Cantwell (André-Samuel-Michel), mort bibliothécaire des Invalides le 9 juillet 1802. Il est auteur d’un roman intitulé le Château d’Albert ou le Squelette ambulant. 1799, 2 vol. in-18.

Canwyll-Corph, chandelle du mort ou chandelle de la mort. Superstition du pays de Galles, mais bornée, dit-on, au diocèse de Saint-David. Les Gallois racontent que saint David, en mourant, demanda au ciel une faveur spéciale pour ses diocésains, et qu’il obtint qu’aucun d’eux ne mourrait sans avoir reçu d’avance un avis de sa fin prochaine. À cet effet une lumière, qu’on appelle chandelle de la mort, sort de la maison dont un habitant doit mourir, se dirige vers le cimetière et s’évanouit à la place que doit occuper le futur défunt ; mais comme cette merveille a lieu la nuit, il est rare qu’on la voie.

Caous. Les Orientaux donnent ce nom à des génies malfaisants qui habitent les cavernes du Caucase.

Capnomancie, divination par la fumée. Les anciens en faisaient souvent usage : on brûlait de la verveine et d’autres plantes sacrées : on observait la fumée de ce feu, les figures et la direction qu’elle prenait, pour en tirer des présages. On distinguait deux sortes de capnomancie : l’une qui se pratiquait en jetant sur des charbons ardents des grains de jasmin ou de pavot, et en observant la fumée qui en sortait ; l’autre, qui était la plus usitée, se pratiquait par la méthode que nous avons indiquée d’abord. Elle consistait aussi à examiner la fumée des sacrifices. Quand cette fumée était légère et peu épaisse, c’était bon augure. On respirait même cette fumée ; et l’on pensait qu’elle donnait des inspirations.

Cappautas, grosse pierre brute qui, dans les croyances populaires, guérissait de la frénésie ceux qui allaient s’y asseoir ; elle se trouvait à trois stades de Gytheum en Laconie.

Caperon, doyen de Saint-Maixant. Il publia, dans le Mercure de 1726, une lettre sur les fausses apparitions ; Lenglet-Dufresnoy l’a réimprimée dans son recueil. Il montre peu de crédulité et combat les fausses apparitions avec des raisons assez bonnes. Il conte qu’un jour il fut consulté sur une femme qui disait voir chaque jour, à midi, un esprit en figure d’homme, vêtu de gris, avec des boutons jaunes, lequel la maltraitait fort, lui donnant même de grands soufflets ; ce qui paraissait d’autant plus certain qu’une voisine protestait qu’ayant mis sa main contre la joue de cette femme dans le temps qu’elle se disait maltraitée, elle avait senti quelque chose d’invisible qui la repoussait. Ayant reconnu que cette femme était fort sanguine, Capperon conclut qu’il fallait lui faire une saignée, avec la précaution de lui en cacher le motif ; ce qui ayant été exécuté, l’apparition s’évanouit.

Tous les traits qu’il rapporte et tous ses raisonnements prouvent que les vapeurs ou l’imagination troublée sont la cause de beaucoup de visions. Il admet les visions rapportées dans les livres saints ; mais il repousse les autres un peu trop généralement. Il parle encore d’une autre femme à qui un esprit venait tirer toutes les nuits la couverture. Il lui donna de l’eau, en lui disant d’en asperger son lit, et ajoutant que cette eau, particulièrement bénite contre les revenants, la délivrerait de sa vision. Ce n’était que de l’eau ordinaire ; mais l’imagination de la vieille femme se rassura par ce petit stratagème, qu’elle ne soupçonnait pas, et elle : ie vit plus rien. Voyez Hallucinations.

Capricorne. L’un des signes du zodiaque. C’est Pan, qui, à l’assaut des Titans, eut peur et se changea en bouc. Voy. Horoscopes.

Capucin. Ce sont les protestants qui ont mis à la mode ce stupide axiome superstitieux que la rencontre d’un capucin était un mauvais


présage. Un jour que l’abbé de Voisenon était allé à la chasse sur un terrain très-giboyeux, il aperçut un capucin. Dès ce moment il ne tira plus un coup juste, et comme on se moquait de lui : « Vraiment, messieurs, dit-il, vous en parlez fort à votre aise ; vous n’avez pas rencontré un capucin[329]. »

Caqueux ou Cacoux. Les cordiers, nommés caqueux ou cacoux, en Bretagne, sont relégués dans certains cantons du pays comme des espèces de parias ; on les évite ; ils inspirent même de l’horreur, parce qu’ils font des cordes, autrefois instruments de mort et d’esclavage. Ils ne s’alliaient jadis qu’entre eux, et l’entrée des églises leur était interdite. Ce préjugé commence à se dissiper ; cependant ils passent encore pour sorciers. Ils profitent de ce renom ; ils vendent des talismans qui rendent invulnérable, des sachets à l’aide desquels on est invincible à la lutte ; ils prédisent l’avenir ; on croit aussi qu’ils jettent de mauvais vents. On les disait, au quinzième siècle, Juifs d’origine, et séparés par la lèpre du reste des hommes. Le duc de Bretagne, François II, leur avait enjoint de porter une marque de drap rouge sur un endroit apparent de leur robe. On a conté que le vendredi saint tous les caqueux versent du sang par le nombril. Néanmoins on ne fuit plus devant les cordiers ; mais on ne s’allie pas encore aisément avec leurs familles[330]. N’est-ce pas ici la même origine que celle des cagots ? Voy. ce mot.

Carabia ou Decarabia, démon peu connu, quoiqu’il jouisse d’un grand pouvoir au sombre empire. Il est roi d’une partie de l’enfer, et comte d’une autre province considérable. Il se présente, comme Buer, sous la figure d’une étoile à cinq rayons. Il connaît les vertus des plantes et des pierres précieuses ; il domine sur les oiseaux, qu’il rend familiers. Trente légions sont à ses ordres[331].

Caracalla. L’empereur Caracalla venait d’être tué par un soldat. Au moment où l’on n’en savait encore rien à Rome, on vit un démon en forme humaine qui menait un âne, tantôt au Capitole, tantôt au palais de l’empereur, en disant tout haut qu’il cherchait un maître. On lui demanda si ce n’était pas Caracalla qu’il cherchait ? Il répondit que celui-là était mort. Sur quoi il fut pris pour être envoyé à l’empereur, et il dit ces mots : « Je m’en vais donc, puisqu’il le faut, non à l’empereur que vous pensez, mais à un autre ; » et là-dessus on le conduisit de Rome à Capoue, où il disparut sans qu’on ait jamais su ce qu’il devint[332].

Caractères. La plupart des talismans doivent leurs vertus à des caractères mystérieux que les anciens regardaient comme de sûrs préservatifs. Le fameux anneau qui soumit les génies à la volonté de Salomon devait toute sa force à des caractères cabalistiques. Origène condamnait chez quelques-uns des premiers chrétiens l’usage de certaines plaques de cuivre ou d’étain chargées de caractères qu’il appelle des restes de l’idolâtrie l’Enchiridion, attribué stupidement au pape Léon III, le Dragon rouge, les Clavicules de Salomon, indiquent dans tous leurs secrets magiques des caractères incompréhensibles, tracés dans des triangles ou dans des cercles, comme des moyens puissants et certains pour l’évocation des esprits.

Souvent aussi des sorciers se sont servis de papiers sur lesquels ils avaient écrit avec du sang des caractères indéchiffrables ; et ces pièces ; produites dans les procédures, ont été admises en preuves de maléfices jetés. Nous avons dit quel était le pouvoir des mots agla, abracadabra, etc. Voy. Talismans.

Caradoc (Saint), patron de Donzy en Nivernais, sous le nom de saint Caradeu. Comme d’autres saints, il fut obsédé par le diable ; mais sa vertu était si vive que le diable ne put rien contre lui.

Cardan (Jérôme), médecin astrologue et visionnaire, né à Pavie en 1501, mort à Rome en 1576. Il nous a laissé une histoire de sa vie, où il avoue sans pudeur tout ce qui peut tourner à sa honte. Il se créa beaucoup d’ennemis par ses mœurs ; du reste, ce fut un des hommes habiles de son temps. Il fit faire des pas aux mathématiques, et il paraît qu’il était savant médecin ; mais il avait une imagination presque toujours délirante, et on l’a souvent excusé en disant qu’il était fou. Il rapporte, dans le livre De vita propria, que quand la nature ne lui faisait pas sentir quelque douleur, il s’en procurait lui-même en se mordant les lèvres, ou en se tiraillant les doigts jusqu’à ce qu’il en pleurât, parce que s’il lui arrivait d’être sans douleur, il ressentait des saillies et des impétuosités si violentes qu’elles lui étaient plus insupportables que la douleur même. D’ailleurs, il aimait le mal physique à cause du plaisir qu’il éprouvait ensuite quand ce mal cessait.

Il dit, dans le livre VIII de la Variété des choses, qu’il tombait en extase quand il voulait, et qu’alors son âme voyageait hors de son corps, qui demeurait impassible et comme inanimé. — Il prétendait avoir deux âmes, l’une qui le portait au bien et à la science, l’autre qui l’entraînait au mal et à l’abrutissement. Il assure que, dans sa jeunesse, il voyait clair au milieu des ténèbres ; que l’âge affaiblit en lui cette faculté : que cependant, quoique vieux, il voyait encore en s’éveillant au milieu de la nuit, mais moins parfaitement que dans son âge tendre. Il avait cela de commun, disait-il, avec l’empereur Tibère ; il aurait pu dire aussi avec les hiboux.

Il donnait dans l’alchimie, et on reconnaît dans ses ouvrages qu’il croyait à la cabale et qu’il faisait grand cas des secrets cabalistiques. Il dit quelque part que, dans la nuit du 13 au 14 août 1491, sept démons ou esprits élémentaires de haute stature apparurent à Fazio Cardan, son père (presque aussi fou que lui), ayant l’air de gens de quarante ans, vêtus de soie, avec des capes à la grecque, des chaussures rouges et des pourpoints cramoisis ; qu’ils se dirent hommes aériens, assurant qu’ils naissaient et mouraient ; qu’ils vivaient trois cents ans ; qu’ils approchaient beaucoup plus de la nature divine que les habitants de la terre ; mais qu’il y avait néanmoins entre eux et Dieu une distance infinie. Ces hommes aériens étaient sans doute des sylphes.

Il se vantait, comme Socrate, d’avoir un démon familier, qu’il plaçait entre les substances humaines et la nature divine, et qui se communiquait à lui par les songes. Ce démon était encore un esprit élémentaire ; car, dans le dialogue intitulé Tetim, et dans le traité De libris propriis, il dit que son démon familier tient de la nature de Mercure et de celle de Saturne. On sent bien qu’il s’agit ici des planètes. Il avoue ensuite qu’il doit tous ses talents, sa vaste érudition et ses plus heureuses idées à son démon. Tous ses panégyristes ont fait la part de son démon familier, ce qu’il est bon de remarquer pour l’honneur des esprits. Cardan assurait aussi que son père avait été servi trente ans par un esprit familier.

Comme ses connaissances en astrologie étaient grandes, il prédit à Édouard VI, roi d’Angleterre, plus de cinquante ans de règne, d’après les règles de l’art. Mais par malheur Édouard VI mourut à seize ans. Ces mêmes règles lui avaient fait voir clairement qu’il ne vivrait que quarante-cinq ans. Il régla sa fortune en conséquence, ce qui l’incommoda fort le reste de sa vie. Quand il dut avouer qu’il s’était trompé dans ses calculs, il refit son thème, et trouva qu’au moins il ne passerait pas la soixante-quinzième année. La nature s’obstina encore à démentir l’astrologie. Alors, pour soutenir sa réputation, et ne pas supporter davantage la honte d’un démenti (car il pensait que l’art est infaillible et que lui seul avait pu se tromper), on assure que Cardan se laissa mourir de faim.

« De tous les événements annoncés par les astrologues, je n’en trouve qu’un seul qui soit réellement arrivé tel qu’il avait été prévu, dit un écrivain du dernier siècle[333], c’est la mort de Cardan, qu’il avait lui-même prédite et fixée à un jour marqué. Ce grand jour arriva : Cardan se portait bien ; mais il fallait mourir ou avouer l’insuffisance et la vanité de son art ; il ne balança pas ; et, se sacrifiant à la gloire des astres, il se tua lui-même ; il n’avait pas expliqué s’il périrait par une maladie ou par un suicide. »

Il faut rappeler, parmi les extravagances astrologiques de Cardan, qu’il avait dressé l’horoscope de Notre-Seigneur Jésus-Christ : il le publia en Italie et en France. Il trouvait dans la conjonction de Mars avec la lune au signe de la Balance le genre de mort de l’Homme-Dieu ; et il voyait le mahométisme dans la rencontre de Saturne avec le Sagittaire, à l’époque de la naissance du Sauveur.

En somme, Jérôme Cardan fut un homme superstitieux, qui avait plus d’imagination que de jugement. Ce qui est bizarre, c’est que, croyant à tout, il croyait mal aux seules merveilles vraies, celles que l’Église admet. On le poursuivit à la fois comme magicien et comme impie. Delancre dit qu’il avait été bien instruit en la magie par son père, lequel avait eu trente ans un démon enfermé dans une cassette, et discourait avec ce démon sur toutes ses affaires[334]. On trouve donc des choses bizarres dans presque tous ses ouvrages, qui ont été recueillis en dix volumes in-folio, principalement dans le livre de la Variété des choses, de La Subtilité des démons, etc., et dans son Traité des songes[335]. Voy. Métoposcopie et Onguents.

Carenus (Alexandre), auteur d’un Traité des songes[336] publié à Padoue en 1575.

Carlostad (André Bodenstein de), archidiacre de Wurtemberg, d’abord partisan, ensuite ennemi de Luther, mais toujours dissident comme lui. Le jour où il prononça son dernier prêche, un grand homme noir, à la figure triste et décomposée, monta derrière lui l’escalier de la chaire et lui annonça qu’il irait le voir dans trois


jours. D’autres disent que l’homme noir se tint ensuite devant lui le regardant d’un œil fixe, à quelques pas de la chaire et parmi les auditeurs. Carlostad se troubla ; il dépêcha son prêche, et, au sortir de la chaire, il demanda si l’on connaissait l’homme noir qui en ce moment sortait du temple. Mais personne que lui ne l’avait vu. — Cependant le même fantôme noir était allé à la maison de Carlostad et avait dit au plus jeune de ses fils : « Souviens-toi d’avertir ton père que je reviendrai dans trois jours, et qu’il se tienne prêt. » Quand l’archidiacre rentra, son fils lui raconta cette autre circonstance. Carlostad épouvanté se mit au lit, et trois jours après, le 25 décembre 1541, qui était la fête de Noël, on le trouva mort, le cou tordu. L’événement eut lieu à Bâle[337].

Carmentes, déesses tutélaires des enfants chez les anciens. Elles ont été remplacées par nos fées ; elles présidaient à la naissance, chantaient l’horoscope du nouveau-né, lui faisaient un don, comme les fées en Bretagne, et recevaient de petits présents de la part des mères. Elles ne se montraient pas ; cependant on leur servait à dîner dans une chambre isolée pendant les couches.

On donnait aussi, chez les Romains, le nom de carmentes ou {charmeuses) aux devineresses célèbres ; et l’une des plus fameuses prophétesses de l’Arcadie s’est nommée Garmentia. On l’a mise dans le ci-devant Olympe.

Carnaval. Voy. Mascarades.

Carniveau, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Carnoet. Voy. Trou du château.

Carnus, devin d’Acarnanie, qui, ayant prédit de grands malheurs sous le règne de Codrus, fut tué à coups de flèches comme magicien. Apollon envoya la peste pour venger sa mort.

Caron. La fable du batelier des enfers vint, dit-on, de Memphis, en Grèce. Fils de l’Erèbe et de la Nuit, il traversait le Cocyte et l’Achéron dans une barque étroite. Vieux et avare, il n’y recevait que les ombres de ceux qui avaient reçu la sépulture et qui lui payaient le passage. Nul mortel pendant sa vie ne pouvait y entrer, à moins qu’un rameau d’or consacré à Proserpine ne lui servît de sauf-conduit ; et le pieux Énée eut besoin que la sibylle lui fît présent de cette passe lorsqu’il voulut pénétrer dans le royaume de Pluton. Longtemps avant le passage de ce prince, le nocher infernal avait été exilé pendant un-an dans un lieu obscur du Tartare, pour avoir reçu dans son bateau Hercule, qui ne s’était pas muni du rameau.

Mahomet, dans le Koran, chap. 28, a confondu Caron avec Coré, que la terre engloutit lorsqu’il outrageait Moïse. L’Arabe Mutardi, dans son ouvrage sur l’Égypte, fait de Caron un oncle du législateur des Hébreux, et comme il soutint toujours son neveu avec zèle, ce dernier lui apprit l’alchimie et le secret du grand œuvre, au moyen duquel il amassa des sommes immenses. Rien ici n’est conforme aux saintes Écritures.

Selon Hérodote, Caron, d’abord simple prêtre de Vulcain, usurpa le souverain pouvoir en Égypte. Devenu roi, il imposa sur les inhumations un gros tribut ; et de l’or qu’il en tira il fit bâtir le célèbre labyrinthe d’Égypte.

Carpentier (Richard), bénédictin anglais du dix-septième siècle. On recherche de lui : 1° la Ruine de l’Antéchrist, in-8o, 1648 ; 2° Preuves que l’astrologie est innocente, utile et précise, in-4o, Londres, 1653. Il a publié une autre singularité intitulée « la Loi parfaite de Dieu, sermon qui n’est pas sermon, qui a été prêché et n’a pas été prêché, 1652 ».

Carpocratiens, hérésiarques du deuxième siècle qui reconnaissaient pour chef Carpocrate, professeur de magie, selon l’expression de saint Irénée. Ils contaient que les anges venaient de Dieu par une suite de générations infinies, que lesdits anges s’étaient avisés un jour de créer le monde et les âmes, lesquelles n’étaient unies à des corps que parce qu’elles avaient oublié Dieu. Carpocrate prétendait que tout ce que nous apprenons n’est que réminiscence. Il regardait les anges comme nous les démons ; il les disait ennemis de l’homme, et croyait leur plaire en se livrant à toutes ses passions et aux plaisirs les plus honteux. Ses disciples cultivaient la magie, faisaient des enchantements et avaient des secrets merveilleux. Ils marquaient leurs sectateurs à l’oreille et commettaient beaucoup d’abominations. Cette secte ne subsista pas longtemps.

Carra (Jean-Louis), aventurier du dernier siècle, qui se fit girondin, et fut guillotiné en 1793. Il a laissé entre autres ouvrages un Examen physique du magnétisme animal, in-8o, 1785.

Carreau, démon invoqué comme prince des puissances dans les litanies du sabbat.

Carrefours, lieux où quatre chemins aboutissent. C’est aux carrefours que les sorciers se réunissent ordinairement pour faire le sabbat. On montre encore, dans plusieurs provinces, quelques-uns de ces carrefours redoutés, au milieu desquels étaient placés des poteaux que les sorciers ou les démons entouraient de lanternes pendant la fête nocturne. On fait remarquer aussi sur le sol un large rond où les démons dansaient ; et l’on prétend que l’herbe ne peut y croître. C’est aussi dans un carrefour que l’on tue la poule noire pour évoquer le diable.

Cartagra, région du purgatoire. Voy. Gamygyn.

Cartes. Voy. Cartomancie. Mais, outre l’art de tirer les cartes, qui est exposé plus bas, on pratique avec ce jeu d’autres divinations. Les journaux de janvier 1862 contenaient à ce sujet une anecdote que nous croyons devoir reproduire :

« Le 6 janvier, jour des Rois, trois jeunes gens, deux frères et un de leurs amis, jouaient, le soir, aux cartes au coin du feu, dans la maison de l’un d’eux, à Pignicourt (Aisne). Après quelques parties, il vint à un des joueurs la bizarre fantaisie d’interroger le sort par la voie des cartes, et de jouer à l’écarté et au dernier restant quel serait celui des trois qui mourrait le premier. Le plus jeune s’opposait vivement à ce que l’on tentât ainsi le hasard ; mais, malgré lui, les deux autres s’attablèrent et commencèrent leur jeu de mort. La première partie fut perdue par le plus âgé, qui est mort le 16 février. Le plus jeune, celui qui avait d’abord refusé de jouer, perdit la seconde et mourut dix jours après son frère, c’est-à-dire le 26 février. Le dernier restant à l’écarté, celui qui aurait du, ce semble, survivre, frappé peut-être plus vivement que les autres de la fatale prédiction, est mort le premier de tous, le 26 janvier. Ils étaient âgés de vingt, vingt-huit et trente-trois ans. (Journal de l’Aisne). »

Carticeya, divinité indienne qui commande les armées des génies et des anges ; elle a six faces, une multitude d’yeux et un grand nombre de bras armés de massues, de sabres et de flèches. Elle se prélasse à cheval sur un paon.

Cartomancie, divination par les cartes, plus connue sous le nom d’art de tirer les cartes. On dit que les cartes ont été inventées pour amuser la folie de Charles VI ; mais Alliette, qui écrivit sous le nom d’Etteilla, nous assure que la cartomancie, qui est l’art de tirer les cartes, est bien plus ancienne. Il fait remonter cette divination au jeu des bâtons d’Alpha (nom d’un Grec fameux exilé en Espagne, dit-il). Il ajoute qu’on a depuis perfectionné cette science merveilleuse. On s’est servi de tablettes peintes ; et quand Jacquemin Gringoœur offrit les cartes au roi Charles le Bien-Aimé, il n’avait eu que la peine de transporter sur des cartons ce qui était connu des plus habiles devins sur des planchettes. Il est fâcheux que cette assertion ne soit appuyée d’aucune preuve.

Cependant les cartes à jouer sont plus anciennes que Charles VI. Boissonade a remarqué que le petit Jehan de Saintré ne fut honoré de la faveur de Châties V que parce qu’il ne jouait ni aux


cartes ni aux dés. Il fallait bien aussi qu’elles fussent connues en Espagne lorsque Alphonse XI les prohiba en 1332, dans les statuts de l’ordre de la Bande. Quoi qu’il en soit, les cartes, d’abord tolérées, furent ensuite condamnées ; et c’est une opinion encore subsistante dans l’esprit de quelques personnes que qui tient les cartes tient le diable. C’est souvent vrai, au figuré. « Ceux qui font des tours de cartes sont sorciers le plus souvent, » dit Boguet. Il cite un comte italien qui vous mettait en main un dix de pique, et vous trouviez que c’était un roi de cœur[338]. Que penserait-il des prestidigitateurs actuels ?

Il n’est pas besoin de dire qu’on a trouvé tout dans les cartes, histoire, sabéisme, sorcellerie. Il y a même eu des doctes qui ont vu toute l’alchimie dans les figures ; et certains cabalistesont prétendu y reconnaître les esprits des quatre éléments. Les carreaux sont les salamandres, les cœurs sont les sylphes, les trèfles les ondins, et les piques les gnomes.

Arrivons à l’art de tirer les cartes. On se sert presque toujours, pour la cartomancie, d’un jeu de piquet de trente-deux cartes, où les figures n’ont qu’une tête. Les cœurs et les trèfles sont généralement bons et heureux ; les carreaux et les piques, généralement mauvais et malheureux. Les figures en cœur et en carreau annoncent des personnes blondes ou châtain-blond ; les figures en pique ou en trèfle annoncent des personnes brunes ou châtain-brun. Voici ce que signifie chaque carte : Les huit cœurs. — Le roi de cœur est un homme honorable qui cherche à vous faire du bien ; s’il est renversé, il sera arrêté dans ses loyales intentions. La dame de cœur est une femme honnête et généreuse de qui vous pouvez attendre des services ; si elle est renversée, c’est le présage d’un retard dans vos espérances. Le valet de cœur est un brave jeune homme, souvent un militaire, qui doit entrer dans votre famille et cherche à vous être utile ; il en sera empêché s’il est renversé. L’as de cœur annonce une nouvelle agréable ; il représente un festin ou un repas d’amis quand il se trouve entouré de figures. Le dix de cœur est une surprise qui fera grande joie ; le neuf promet une réconciliation, il resserre les liens entre les personnes qu’on veut brouiller. Le huit promet de la satisfaction de la part des enfants. Le sept annonce un bon mariage.

Les huit carreaux. — Le roi de carreau est un homme assez important qui pense à vous nuire, et qui vous nuira s’il est renversé. La dame est une méchante femme qui dit du mal de vous, et qui vous fera du mal si elle est renversée. Le valet de carreau est un militaire ou un messager qui vous apporte des nouvelles désagréables ; et s’il est renversé, des nouvelles fâcheuses. L’as de carreau annonce une lettre ; le dix de carreau, un voyage nécessaire et imprévu ; le neuf, un retard d’argent ; le huit, des démarches qui surprendront de la part d’un jeune homme ; le sept, un gain de loterie ; s’il se trouve avec l’as de carreau, assez bonnes nouvelles.

Les huit piques. — Le roi représente un commissaire, un juge, un homme de robe avec qui on aura des disgrâces ; s’il est renversé, perte d’un procès. La dame est une veuve qui cherche à vous tromper : si elle est renversée, elle vous trompera. Le valet est un jeune homme qui vous causera des désagréments ; s’il est renversé, présage de trahison. L’as, grande tristesse ; le dix, emprisonnement ; le neuf, retard dans les affaires ; le huit, mauvaise nouvelle ; s’il est suivi du sept de carreau, pleurs et discordes. Le sept, querelles et tourments, à moins qu’il ne soit accompagné de cœurs.

Les huit trèfles. — Le roi est un homme juste, qui vous rendra service ; s’il est renversé, ses intentions honnêtes éprouveront du retard. La dame est une femme qui vous aime ; une femme jalouse, si elle est renversée. Le valet promet un mariage, qui ne se fera pas sans embarras préliminaires, s’il est renversé. L’as, gain, profit, argent à recevoir ; le dix, succès ; s’il est suivi du neuf de carreau, retard d’argent ; perte s’il se trouve à côté du neuf de pique. Le neuf, réussite ; le huit, espérances fondées : le sept, faiblesse, et s’il est suivi d’un neuf, héritage.

Quatre rois de suite, honneurs ; trois de suite, succès dans le commerce ; deux rois de suite, bons conseils. Quatre dames de suite, grands caquets ; trois dames de suite, tromperies ; deux dames de suite, amitié. Quatre valets de suite, maladie contagieuse ; trois valets de suite, paresse ; deux valets de suite, dispute. Quatre as de suite, une mort ; trois as de suite, libertinage ; deux as de suite, inimitié. Quatre dix de suite, événements désagréables ; trois dix de suite, changement d’état ; deux dix de suite, perte. Quatre neuf de suite, bonnes actions ; trois neuf de suite, imprudence ; deux neuf de suite, argent. Quatre huit de suite, revers ; trois huit de suite, mariage ; deux huit de suite, désagréments. Quatre sept de suite, intrigues ; trois sept de suite, divertissements ; deux sept de suite, petites nouvelles.

Il y a plusieurs manières de tirer les cartes. La plus sûre méthode est de les tirer par sept, comme il suit : Après avoir mêlé le jeu, on le fait couper de la main fauche par la personne pour qui on opère ; on compte les cartes de sept en sept, mettant de côté la septième de chaque paquet. On répète l’opération jusqu’à ce qu’on ait produit douze cartes. Vous étendez ces douze cartes sur la table les unes à côté des autres, selon l’ordre dans lequel elles sont venues ; ensuite vous cherchez ce qu’elles signifient, d’après la valeur et la position de chaque carte, ainsi qu’on l’a expliqué. Mais avant de tirer les cartes, il ne faut pas oublier de voir si la personne pour laquelle on les tire est sortie du jeu. On prend ordinairement le roi de cœur pour un homme blond marié ; le roi de trèfle pour un homme brun marié ; la dame de cœur pour une dame ou une demoiselle blonde ; la dame de trèfle pour une dame ou une demoiselle brune ; le valet de cœur pour un jeune homme blond ; le valet de trèfle pour un jeune homme brun. — Si la carte qui représente la personne pour qui on opère ne se trouve pas dans les douze cartes que le hasard vient d’amener, on la cherche dans le reste du jeu, et on la place simplement à la fin des douze cartes sorties. Si, au contraire, elle s’y trouve, on fait tirer à la personne pour qui on travaille (ou l’on lire soi-même si c’est pour soi que l’on consulte) une treizième carte à jeu ouvert. On la place pareillement à la fin des douze cartes étalées, parce qu’il est reconnu qu’il faut treize cartes. Alors, on explique sommairement l’ensemble du jeu. Ensuite, en partant de la carte qui représente la personne pour qui on interroge le sort, on compte sept et on s’arrête ; on interprète la valeur intrinsèque et relative de la carte sur laquelle on fait station ; on compte sept de nouveau, et de nouveau on explique, parcourant ainsi tout le jeu à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’on revienne précisément à la carte de laquelle on est parti. On doit déjà avoir vu bien des choses, il reste cependant une opération importante. On relève les treize cartes, on les mêle, on fait à nouveau couper de la main gauche. Après quoi on dispose les cartes à couvert sur dix paquets : 1° pour la personne ; 2° pour la maison ou son intérieur ; 3° pour ce qu’elle attend ; 4° pour ce qu’elle n’attend pas ; 5° pour sa surprise ; 6° pour sa consolation ou sa pensée. — Les six premières cartes ainsi rangées sur la table, il en reste sept dans la main. On fait un second tour, mais on ne met une carte que sur chacun des cinq premiers paquets. Au troisième tour, on pose les deux dernières cartes sur les numéros 1 et 2. On découvre ensuite successivement chaque paquet, et on l’explique en commençant par le premier, qui a trois cartes ainsi que le deuxième, en finissant par le dernier qui n’en a qu’une. — Voilà tout entier l’art de tirer les cartes ; les méthodes varient ainsi que la valeur des cartes, auxquelles on donne dans les livres spéciaux des sens très-divers et très-arbitraires ; mais les résultats ne varient pas.

Nous terminerons en indiquant la manière de faire ce qu’on appelle la réussite. — Prenez également un jeu de piquet de trente-deux cartes. Faites huit paquets à couvert de quatre cartes chacun, et les rangez sur la table ; retournez la première carte de chaque paquet ; prenez les cartes de la même valeur deux par deux, comme deux dix, deux rois, deux as, etc., en retournant toujours à découvert sur chaque paquet la carte qui suit celle que vous enlevez. Pour que la réussite soit assurée, il faut que vous retiriez de la sorte toutes les cartes du jeu, deux par deux, jusqu’aux dernières. — On fait ces réussites pour savoir si un projet ou une affaire aura du succès, ou si une chose dont on doute a eu lieu.

Alliette, sous le nom d’Etteilla, a publié un long traité sur cette matière. Citons encore l’Oracle parfait, ou nouvelle manière de tirer les cartes, au moyen de laquelle chacun peut faire son horoscope. In-12, Paris, 1802. Ce petit livre, de 92 pages, est dédié au beau sexe par Albert d’Alby. L’éditeur est M. de Valembert, qui fait observer que l’Oracle parfait devait paraître en 1788 ; que la censure l’arrêta, et qu’on n’a pu qu’en 1802 en gratifier le public. La méthode de ce livre est embrouillée ; l’auteur veut qu’on emploie vingt cartes disposées en cinq tas, de cette manière : un au milieu, un au-dessus, un au-dessous, et un de chaque côté ; ce qui fait une croix. Les cartes d’en haut signifient ce qui doit arriver bientôt, les cartes de droite ce qui arrivera dans un temps plus éloigné ; les cartes d’en bas sont pour le passé ; les cartes de gauche pour les obstacles ; les cartes du milieu pour le présent. On explique ensuite d’après les principes.

Mais c’en est assez sur la cartomancie. Nous n’avons voulu rien laisser ignorer du fondement de cette science aux dames qui consultent leurs cartes et qui doutent de Dieu. Cependant nous les prierons d’observer que ce grand moyen de lever le rideau qui nous cache l’avenir s’est trouvé quelquefois en défaut. Une des plus fameuses tireuses de cartes fit le jeu pour un jeune homme sans barbe qui s’était déguisé en fille. Elle lui promit un époux riche et bien fait, trois garçons, une fille, des couches laborieuses, mais sans danger. — Une dame qui commençait à hésiter dans sa confiance aux cartes se fit un jour une réussite pour savoir si elle avait déjeuné. Elle était encore à table devant les plats vides ; elle avait l’estomac bien garni ; toutefois les cartes lui apprirent qu’elle était à jeun, car la réussite ne put avoir lieu.

Casaubon (Médéric), fils d’isaac Casaubon, né à Genève en 1599. On a de lui un Traité de l’Enthousiasme, publié en 1655, in-8o. Cet ouvrage est dirigé contre ceux qui attribuent l’enthousiasme à une inspiration du ciel ou à une inspiration du démon. On lui doit de plus un Traité de la crédulité et de l’incrédulité dans les choses spirituelles, in-8o, Londres, 1670. Il y établit la réalité des esprits, des merveilles surnaturelles et des sorciers[339]. Nous citerons aussi sa Véritable et fidèle relation de ce qui s’est passé entre Jean Dée et certains esprits, 1659, in-fol.

Casi. C’est le nom d’une pagode fameuse sur les bords du Gange. Les Indiens recherchent le privilège d’y mourir ; car Eswara ne manque pas de venir souffler dans leur oreille droite au dernier instant pour les purifier : aussi ont-ils grand soin de mourir couchés sur le côté gauche.

Casmann (Othon), savant Allemand du seizième siècle, auteur d’un livre sur les anges intitulé Angélographie[340]. Il a laissé un autre ouvrage, que quelques personnes recherchent, sur les mystères de la nature[341].

Cassandre. Fille de Priam, à qui Apollon accorda le don de prophétie pour la séduire ; mais quand elle eut le don, elle ne voulut pas répondre à la tendresse du dieu, et le dieu discrédita ses pronostics. Aussi, quoique grande magicienne et sorcière, comme dit Delancre[342], elle ne put pas empêcher la ruine de Troie, ni se garantir elle-même des violences d’Ajax.

Cassius de Parme. Antoine venait de perdre la bataille d’Actium ; Cassius de Parme, qui avait suivi son parti, se retira dans Athènes : là, au milieu de la nuit, pendant que son esprit s’abandonnait aux inquiétudes, il vit paraître devant lui un homme noir qui lui parla avec agitation. Cassius lui demanda qui il était. — Je suis ton démon[343] — répondit le fantôme. Ce mauvais démon était la peur. À cette parole, Cassius s’effraya et appela ses esclaves ; mais le démon disparut sans se laisser voir à d’autres yeux. Persuadé qu’il rêvait, Cassius se recoucha et chercha à se rendormir ; aussitôt qu’il fut seul, le démon reparut avec les mêmes circonstances. Le Romain n’eut pas plus de force que d’abord; il se fit apporter des lumières, passa le reste de la nuit au milieu de ses esclaves, et n’osa plus rester seul. Il fut tué peu de jours après par l’ordre du vainqueur d’Actium[344].

Casso ou Alouette. On assure que celui qui portera sur soi les pieds de cet oiseau ne sera jamais persécuté ; au contraire, il aura toujours l’avantage sur ses ennemis. Si on enveloppe l’œil droit de l’alouette dans un morceau de la peau d’un loup, l’homme qui le portera sera doux, agréable et plaisant ; et si on le met dans du vin, on se fera chérir de la personne qui le boira[345].

Cassotide. Fontaine de Delphes, dont la vertu prophétique inspirait des femmes qui y rendaient des oracles.

Castaigne (Gabriel de), aumônier de Louis XIII, cordelier et alchimiste. On lui doit l’Or potable qui guérit de tous maux, in-8o, rare, Paris, 1611 ; le Paradis terrestre, où l’on trouve la guérison de toute maladie, in-8o, Paris, 1615 ; « le Grand Miracle de nature métallique, que en imitant icelle sans sophistiqueries, tous les métaux imparfaits se rendront en or fin, et les maladies incurables se guériront, » in-8o, Paris, 1615.

Castalie. Fontaine d’Antioche, au faubourg de Daphné ; ses eaux étaient prophétiques, et il y avait auprès un oracle célèbre qui prédit l’empire à Adrien. Quand cet oracle fut accompli, Adrien fit boucher la fontaine avec de grosses pierres, de peur qu’un autre n’y allât chercher la même faveur qu’il avait obtenue.

Castalin (Diégo). Discours prodigieux et épouvantable de trois Espagnols et une Espagnole, magiciens et sorciers qui se faisaient porter par les diables de ville en ville, avec leurs déclarations d’avoir fait mourir plusieurs personnes et bétail par leurs sortilèges, et aussi d’avoir fait plusieurs dégâts aux biens de la terre. Ensemble, l’arrêt prononcé contre eux par la cour du parlement de Bordeaux, in-8o, rare. Paris, 1626.

« Trois Espagnols, accompagnés d’une femme espagnole, aussi sorcière et magicienne, se sont promenés par l’Italie, Piémont, Provence, Franche-Comté, Flandre, et ont, par plusieurs fois, traversé la France, et tout aussitôt qu’ils avaient reçu quelque déplaisir de quelques-uns, en quelques villes, ils ne manquaient, par le moyen de leurs pernicieux charmes, de faire sécher les blés et les vignes ; et pour le regard du bétail, il languissait quelques trois semaines, puis demeurait mort, tellement qu’une partie du Piémont a senti ce que c’était que leurs maudites façons de faire.

» Quand ils avaient fait jouer leurs charmes en quelques lieux par leurs arts pernicieux, ils se faisaient porter par les diables dans les nuées, de ville en ville, et quelquefois faisaient cent lieues le jour. Mais comme la justice divine ne veut pas longuement souffrir les malfaiteurs, Dieu permit qu’un curé, nommé messire Benoît la Fave, passant près de Dôle, rencontrât ces Espagnols avec leur servante, lesquels se mirent en compagnie avec lui et lui demandèrent où il allait. Après leur avoir déclaré et conté une partie de son ennui pour la longueur du chemin, un de ces Espagnols, nommé Diégo Castalin, lui dit : — Ne vous déconfortez nullement, il est près de midi ; mais je veux que nous allions aujourd’hui coucher à Bordeaux.

» Le curé ne répliqua rien, croyant qu’il le disait par risée, vu qu’il y avait près de cent lieues. Néanmoins, après s’être assis tous ensemble, ils se mirent à sommeiller. Au réveil du curé, il se trouve aux portes de Bordeaux avec ces Espagnols. Un conseiller de Bordeaux fut averti de cette merveille ; il voulut savoir comment cela s’était passé : il dénonce les trois Espagnols et la femme. On fouille leurs bagages, où se trouvent plusieurs livres, caractères, billets, cires, couteaux, parchemins et autres denrées servant à la magie. Ils sont examinés ; ils confessent le tout, disant, entre autres choses, d’avoir fait, par leurs œuvres, périr les fruits de la terre aux endroits qu’il leur plaisait, d’avoir fait mourir plusieurs personnes et bestiaux, et qu’ils étaient résolus de faire plusieurs maux du côté de Bordeaux. La cour leur fit leur procès extraordinaire, qui fut prononcé le 1 er mars 1610, et condamna Diégo Castalin, Francisco Ferdillo, Vincentio Torrados et Catalina Fiosela à être pris et menés par l’exécuteur de la haute justice en la place du marché aux porcs, et être conduits sur un bûcher, pour là être brûlés tout vifs, et leurs corps être mis en cendres, avec leurs livres, caractères, couteaux, parchemins, billets et autres hoses propres servant à la magie.

» L’Espagnole qui les servait, nommée Catalina Fiosela, confessa une infinité de méchancetés par elle exercées, entre autres que, par ses’sortiléges, elle avait infecté, avec certains poisons, plusieurs fontaines, puits et ruisseaux, et aussi qu’elle avait fait mourir plusieurs bétails, et fait, par ses charmes, tomber pierres et grêles sur les biens et fruits de la terre.

» Voilà qui doit servir d’exemple à plusieurs personnes qui s’étudient à la magie ; d’autres, sitôt qu’ils ont perdu quelque chose, s’en vont au devin et sorcier, et ne considèrent pas qu’allant vers eux, ils vont vers le diable, prince des ténèbres. »

On ne peut voir dans ce récit que l’histoire d’une bande de malfaiteurs.

Castellini (Luc), frère prêcheur du dix-septième siècle. On rencontre des prodiges infernaux dans son Traité des miracles[346].

Castor. C’est une opinion très-ancienne et très-commune que le castor se mutile pour se dérober à la poursuite des chasseurs. On la trouve dans les hiéroglyphes des Égyptiens, dans les fables d’Ésope, dans Pline, dans Aristote, dans Élien ; mais cette opinion n’en est pas moins une erreur aujourd’hui reconnue[347].

Castor et Pollux, fils de Jupiter et de Léda. On en fit des dieux marins ; et, dans l’antiquité, les matelots appelaient feux de Castor et Pollux ce que nos marins appellent feux Saint-Elme. Les histoires grecques et romaines sont remplies d’apparitions de Castor et Pollux. Pendant que Paul-Émile faisait la guerre en Macédoine, Publius Vatinius, revenant à Rome, vit subitement devant lui deux jeunes gens beaux et bien faits, montés sur des chevaux blancs, qui lui annoncèrent que le roi Persée avait été fait prisonnier la veille. Vatinius se hâta de porter au sénat cette nouvelle ; mais les sénateurs, croyant déroger à la majesté de leur caractère en s’arrêtant à des puérilités, firent mettre cet homme en prison. Cependant, après qu’on eut reconnu par les lettres du consul que le roi de Macédoine avait été effectivement pris ce jour-là, on tira Vatinius de sa prison ; on le gratifia de plusieurs arpents de terre, et le sénat reconnut que Castor et Pollux étaient les protecteurs de la république.

Pausanias explique cette apparition : « C’étaient, dit-il, des jeunes gens revêtus du costume des Tyndarides et apostés pour frapper les esprits crédules. »

On sait que Castor et Pollux sont devenus la constellation des Gémeaux.

Castro (Alphonse de), célèbre prédicateur né au Pérou, et l’un des plus savants théologiens du seizième siècle, auteur d’un livre contre les magiciens[348].

Cataboliques. « Ceux qui ont lu les anciens savent que les démons cataboliques sont des démons qui emportent les hommes, les tuent, brisent et fracassent, ayant cette puissance sur eux. De ces démons cataboliques, Fulgence raconte qu’un certain Campester avait écrit un livre particulier, qui nous servirait bien, si nous l’avions, pour apprendre au juste comment ces diables traitaient leurs suppôts, les magiciens et les sorciers[349]. »

Cathaï-Khann, prince de la mer chez les Tartares. Ce démon est un affreux cannibale qui se saisit un jour de son compère Djilbeguenn, dit le trompeur, le fit bouillir et le mangea. Il possède une flèche qui lui revient toujours quand elle a accompli sa mission. Elle a percé un jour une montagne de cuivre et lui est revenue après avoir fait le tour de la terre. Un serpent aux écailles d’or, qui avait sur sa tête une corne d’argent et des yeux d’escarboucle, distants de douze arpents l’un de l’autre, avec une queue sans fin, dévora son enfant. Cataï lui décocha sa flèche au front, qu’elle sépara en deux. Le prince de la mer trouva son enfant dans le ventre du serpent ; l’enfant vivait encore là, en compagnie de quelques héros, vivants encore aussi, avec leurs chevaux. Alors le cheval de Cataï dit à son maître : « Enlève la couverture qui est sous ma selle ; et je donnerai à l’enfant le peu de lait qui me reste du temps où je tetais ma mère ; » et l’enfant vécut ; et plus tard il mangea aussi son père[350]. Ce sont là des traditions tartares.

Catalde, évêque de Tarente au sixième siècle. Mille ans après sa mort, on raconte qu’il se montra une nuit, en vision, à un jeune Tarentin du seizième siècle, et le chargea de creuser en un lieu


qu’il lui désigna, où il avait caché et enterré un livre écrit de sa main pendant qu’il était au monde, lui disant qu’incontinent qu’il aurait recouvré ce livre, il ne manquât point de le faire tenir à Ferdinand, roi d’Aragon et de Naples, qui régnait alors. Le jeune homme n’ajouta point foi d’abord à cette vision, quoique Catalde lui apparût presque tous les jours pour l’exhorter à faire ce qu’il lui avait ordonné. Enfin, un matin, avant l’aurore, comme il était en prière, il aperçut Catalde vêtu de l’habit épiscopal, lequel lui dit avec une contenance sévère : — Tu n’as pas tenu compte de chercher le livre que je t’avais enseigné et de l’envoyer au roi Ferdinand ; sois assuré, cette fois pour toutes, que si tu n’exécutes ce que je t’ai commandé, il t’en adviendra mal.

Le jouvenceau, intimidé de ces menaces, publia sa vision ; le peuple ému s’assembla pour l’accompagner au lieu marqué. On y arriva ; on creusa la terre ; on trouva un petit coffre de plomb, si bien clos et cimenté que l’air n’y pouvait pénétrer, et au fond du coffret se vit le livre où toutes les misères qui devaient arriver au royaume de Naples, au roi Ferdinand et à ses enfants, étaient décrites en formes de prophétie, lesquelles ont eu lieu ; car Ferdinand fut tué au premier conflit ; son fils Alphonse, à peine maître du trône, fut mis en déroute par ses ennemis, et mourut en exil. Ferdinand, le puîné, périt misérablement à la fleur de son âge, accablé de guerres, et Frédéric, petit-fils du défunt Ferdinand, vit brûler, saccager et ruiner son pays[351].

Catalepsie, semblance d’apoplexie, état d’où résulte, dit M. Lecouturier, « une insensibilité capable de faire supporter sans douleur l’opération chirurgicale la plus cruelle. La catalepsie est causée par l’obstruction des agents, nerveux. Il en naît une singulière combinaison de roideur et de souplesse dans les muscles, qui fait que les cataleptiques, complètement immobiles par eux-mêmes, se laissent aller à tous les mouvements réguliers qu’on leur imprime et restent fixés dans toutes les attitudes normales qu’on leur communique. On peut même leur faire prendre des attitudes pénibles dans lesquelles il serait impossible à l’homme le plus robuste de se maintenir. »

Cette maladie, qui explique quelques phénomènes de la sorcellerie, est provoquée ou spontanée. Voy. Hypnotisme et Sommeil magnétique.

Catalonos ou Babailanas, prêtresses des Indiens des îles Philippines. Elles lisent dans l’avenir et prédisent ce qui doit arriver. Quand elles ont annoncé le bien ou le mal à ceux qui les consultent, elles font le sacrifice d’un cochon, qu’elles tuent d’un coup de lance et qu’elles offrent en dansant aux mauvais génies et aux âmes des ancêtres, lesquelles, dans l’opinion des Indiens, fixent leurs demeures sous de grands arbres.

Catanancée, plante que les femmes de Thessalie employaient dans leurs philtres. On en trouve la description dans Dioscoride.

Cataramonachia, anathème que fulminent les popes grecs. Dans quelques îles de la Morée, on dit que cet anathème donne une fièvre lente dont on meurt en six semaines.

Catelan (Laurent), pharmacien de Montpellier au dix-septième siècle. Il a laissé une Histoire de la nature, chasse, vertus, propriétés et usages de la licorne, Montpellier, in-8o, 1624, et un rare et curieux discours de la plante appelée mandragore, Paris, in-12, 1639.

Cathares, hérétiques abominables qui devaient leur nom à un chat, Catto, dont ils baisaient le derrière dans leurs réunions secrètes, persuadés qu’ils étaient que Satan lui-même recevait ainsi leurs hommages sous cette forme. Ils immolaient des enfants et commettaient d’autres horreurs, qu’on peut lire dans la Mystique de Gorres, chap. ii et iii du livre V.

Catharin (Ambroise), dominicain de Florence, mort à Rome en 1553, auteur d’une réfutation de la doctrine et des prophéties de Savonarole[352], et d’un Traité de la mort et de la résurrection.

Catherine Voy. Revenants.

Catherine (Sainte). Voy. Incombustibles.

Catherine de Médicis, célèbre reine de France, singulièrement maltraitée dans l’histoire, où l’esprit de la réforme n’a pas ménagé les princes catholiques : née à Florence en 1519, morte en 1589. Elle avait foi à l’astrologie judiciaire et, s’il faut en croire les protestants, à la


magie ; ils l’accusaient même d’avoir porté sur l’estomac une peau de vélin, peut-être d’un enfant égorgé (voyez l’effet de ce peut-être en histoire), laquelle peau, semée de figures, de lettres et de caractères de différentes couleurs, devait la garantir de toute entreprise contre sa personne. Elle fit faire la colonne de l’hôtel de Soissons[353], dans le fut de laquelle il y avait un escalier avis pour monter à la sphère armillaire qui est au haut. Elle allait y consulter les astres avec ses astrologues.

Cette princesse, que l’on a fort noircie, eut beaucoup d’ennemis, surtout les huguenots, qui alors ne reculaient devant aucune calomnie. Ils la représentent comme ayant été très-versée dans l’art d’évoquer les esprits ; ils ajoutent que, sur la peau d’enfant qu’elle portait au cou, étaient représentées plusieurs divinités païennes. Étant tombée gravement malade, elle remit, disent-ils, à M. de Mesmes une boîte hermétiquement fermée, en lui faisant promettre de ne jamais l’ouvrir et de la lui rendre si elle revenait à la vie. Longtemps après, les enfants du dépositaire, ayant ouvert la boîte, dans l’espoir d’y trouver des pierreries ou un trésor, n’y découvrirent qu’une médaille de forme antique, large et ovale, où Catherine de Médicis était représentée à genoux, adorant les Furies et leur présentant une offrande.

Ce conte absurde donne la mesure de vingt autres. Catherine de Médicis survécut à M. de Mesmes, et elle n’aurait pas manqué de retirer la cassette.

Elle avait attaché à sa personne, suivant l’usage du temps, quelques astrologues, parmi lesquels il ne faut pas oublier l’illustre Luc Gauric. Ils lui prédirent que Saint-Germain la verrait mourir. Dès lors elle ne voulut plus demeurer à Saint-Germain en Laye et n’alla plus à l’église de Saint-Germain d’Auxerre. Mais l’évêque de Nazareth, l’ayant assistée à l’heure de sa mort, on regarda la prédiction comme accomplie, attendu que ce prélat s’appelait Nicolas de Saint-Germain.

Catho (Angelo), savant habile dans l’astrologie, qui prédit à Charles le Téméraire sa mort funeste. Le duc de Bourgogne n’en tint compte, et perdit tout, comme on sait. Malheureusement, rien ne prouve que la prédiction ait été faite en temps utile.

Louis XI estimait tant Angelo Catho, à cause de sa science, qu’il lui donna l’archevêché de Vienne, en Dauphiné. C’est peut-être pour cela que les protestants en ont fait un astrologue.

Catiau, sorcier contemporain, condamné par le tribunal de Béthune, le 30 juillet 1850. Voici le résumé des faits à cette date :

« Salvien-Édouard-Joseph Catiau, aujourd’hui âgé de soixante ans, tisserand, demeurant à Loos, près Lens, vivait péniblement de son travail, lorsqu’il eut, il y a cinq ans environ, la pensée de vivre aux dépens de la sottise humaine. Bien des gens de la campagne, beaucoup de nos villes aussi, sont disposés, lorsque plusieurs accidents ou malheurs leur arrivent, à les attribuer à une influence secrète et maligne. On leur a jeté un sort ; c’est ce sort que Catiau va entreprendre de conjurer. Sa clientèle, d’abord restreinte, s’augmente peu à peu. Nous voyons une femme de Douvrin, la dame Cappe, qui perd successivement ses poulets et sa basse-cour ; Catiau lui fait faire une neuvaine ; des Pater, des Ave Maria récités journellement enlèveront le sort.

» Plus tard, Catiau élargit le cercle de ses opérations : ce ne sera plus le sort jeté sur les animaux qu’il conjurera, c’est aux maladies humaines qu’il va s’attaquer. Charles Delhaye, âgé de soixante-huit ans, rentier à Richebourg-l’Avoué, est atteint d’une hernie ; il va voir Catiau chez son gendre. Catiau lui dit qu’il a reçu des missionnaires d’Amiens le pouvoir de guérir les hernies ; pour cela il faut boire de l’eau que Catiau a heureusement chez lui et qui vient d’une fontaine de Rome où Y ange va se baigner une fois par an. Cette consultation merveilleuse coûte 150 fr. au père Delhaye. Il prend encore plusieurs bouteilles d’eau ; toutes lui sont cédées généreusement au prix de 10 fr. chacune.

» Comme on le voit, la matière exploitable était bonne. Catiau ne se fait pas faute d’en user ; il fait croire à Delhaye que ses intelligences avec les puissances surnaturelles lui font entrevoir que la guerre de Crimée reviendra envahir la France ; qu’il faut se hâter de faire des provisions de blé, parce que tout va être pillé, et que ceux qui seront pris au dépourvu mourront de faim. Pour arriver à ce but, il faut que Delhaye retire des mains d’un notaire (car les notaires vont disparaître avec tout le reste, sort fatal !) tout l’argent qu’il lui a donné en dépôt ; avec cet argent, qu’il achète de grandes quantités de blé qu’il mettra dans des sacs tissus par la main de filles vierges, et que Catiau a seul le bonheur de posséder, mais qu’il cédera au prix modeste de 9 fr. la pièce. Delhaye retire en effet un peu d’argent, pas trop, car le paysan commence à se réveiller et à retrouver sa malice ; il achète un peu de blé qu’il met dans des sacs immaculés. Mais le blé ne se conserve pas ; et puis Catiau s’avise de découvrir qu’outre sa hernie, Delhaye est atteint de la pierre. Pour le coup, c’en est trop ; Catiau lui a pris plus de 1, 200 fr., il veut encore le gratifier d’une souffrance qu’il est sûr de ne pas avoir. Il porta sa plainte, et c’est ainsi que les hauts faits du sorcier arrivent à la connaissance du public, et malheureusement pour lui à celle de la justice, qui poursuit ses investigations, découvre une énorme série de faits et condamne le sorcier à cinq ans de prison. »

Catillus. Voy. Gilbert.

Catoblepas, serpent qui donne la mort à ceux qu’il regarde, si on en veut bien croire Pline. Mais la nature lui a fait la tête fort basse, de manière qu’il lui est difficile de fixer quelqu’un. On ajoute que cet animal habite près de la fontaine Nigris, en Éthiopie, que l’on prétend être la source du Nil.

Caton le Censeur. Dans son livre De re rustica, il enseigne, parmi divers remèdes, la manière de remettre les membres démis, et donne même les paroles enchantées dont il faut se servir.

Catoptromancie, divination par le moyen d’un miroir. On trouve encore dans beaucoup de villages des devins qui emploient cette divination, autrefois fort répandue. Quand on a fait une perte, essuyé un vol, ou reçu quelques


coups clandestins dont on veut connaître l’auteur, on va trouver le sorcier ou devin, qui introduit le consultant dans une chambre à demi éclairée. On n’y peut entrer qu’avec un bandeau sur les yeux. Le devin fait les évocations, et le diable montre dans un miroir le passé, le présent et le futur. Malgré le bandeau, les crédules villageois, dans de telles occasions, ont la tête tellement montée qu’ils ne manquent pas de voir quelque chose.

On se servait autrefois pour cette divination d’un miroir que l’on présentait, non devant, mais derrière la tête d’un enfant à qui l’on avait bandé les yeux…

Pausanias parle d’un autre effet de la catoptromancie. « Il y avait à Patras, dit-il, devant le temple de Cérès, une fontaine séparée du temple par une muraille ; là on consultait un oracle, non pour tous les événements, mais seulement pour les maladies. Le malade descendait dans la fontaine un miroir suspendu à un fil, en sorte qu’il ne touchât la surface de l’eau que par sa base. Après avoir prié la déesse et brûlé des parfums, il se regardait dans ce miroir, et, selon qu’il se trouvait le visage hâve et défiguré ou gras et vermeil, il en concluait très-certainement que la maladie était mortelle ou qu’il en réchapperait. »

Cattani ( François), évêque de Fiésole, mort en 1595, auteur d’un livre sur les superstitions de la magie[354].


Cattéri, démon du Malabar, qui possède surtout les femmes et les rend folles ou furieuses. Si elles sont belles et bien faites, il leur donne des difformités.

Cauchemar. On appelle ainsi un embarras dans la poitrine, une oppression et une

difficulté de respirer qui surviennent pendant le sommeil, causent des rêves fatigants, et ne cessent que quand on se réveille. On ne savait pas trop autrefois, et encore au quinzième siècle, ce que c’était que le cauchemar, qu’on appelait aussi alors chauche-poulet. On en fit un monstre ; c’était un moyen prompt de résoudre la difficulté. Les uns imaginaient dans cet accident une sorcière ou un spectre qui pressait le ventre des gens endormis, leur dérobait la parole et la respiration, et les empêchait de crier et de s’éveiller pour demander du secours ; les autres, un démon qui étouffait les gens. Les médecins n’y voyaient guère plus clair. On ne savait d’autre remède pour se garantir du cauchemar que de suspendre une pierre creuse dans l’écurie de sa maison ; et Delrio, embarrassé, crut décider la question en disant que Cauchemar était un suppôt de Belzébuth ; il l’appelle ailleurs incubas morbus.

Dans les guerres de la république française en Italie, on caserna en une église profanée un de nos régiments. Les paysans avaient averti les soldats que la nuit on se sentait presque suffoqué dans ce lieu-là, et que l’on voyait passer un gros chien sur sa poitrine. Les soldats en riaient ; ils se couchèrent après mille plaisanteries. Minuit arrive, tous se sentent oppressés, ne respirent plus et voient, chacun sur son estomac, un chien noir qui disparut enlin, et leur laissa reprendre leurs sens. Ils rapportèrent le fait à leurs officiers, qui vinrent y coucher eux-mêmes la nuit suivante, et furent tourmentés du même fantôme. — Comment expliquer ce fait ? — « Mangez peu, tenez-vous le


ventre libre, ne couchez point sur le dos, et votre cauchemar vous quittera sans grimoire, » dit M. Salgues[355]. Il est certain que dans les pays où l’on ne soupe plus, on a moins de cauchemars.

Bodin conte[356] qu’au pays de Valois, en Picardie, il y avait de son temps une sorte de sorciers et de sorcières qu’on appelait cauchemares, qu’on ne pouvait chasser qu’à force de prières.

Cauchon (Pierre), évêque intrus de Beauvais au quinzième siècle, poursuivit Jeanne d’Arc comme sorcière et la fit brûler à Rouen. Il mourut subitement en 1443. Le pape Calixte III excommunia après sa mort ce prélat déshonoré, dont le corps fut déterré et jeté à la voirie. Ce qui est assez curieux, c’est que son nom a été donné depuis à l’animal immonde qu’on n’appelait auparavant que porc ou pourceau.

Causathan, démon ou mauvais génie que Porphyre se vantait d’avoir chassé d’un bain public.

Causimomancie, divination par le feu, employée chez les anciens mages. C’était un heureux présage quand les objets combustibles jetés dans le feu venaient à n’y pas brûler.

Cautzer, fleuve du huitième ciel dans le paradis de Mahomet. Son cours est d’un mois de chemin ; ses rivages d’or ; son lit, odoriférant comme le musc, est semé de rubis et de perles ; son eau douce comme le lait ; son écume brillante comme les étoiles. Qui en boit une fois n’a plus jamais soif.

Cayet (Pierre-Victor-Palma), savant écrivain tourangeau du seizième siècle. Outre la Chronologie novennaire et la Chronologie septennaire, il a laissé l’Histoire prodigieuse et lamentable du docteur Faust, grand magicien, traduite de l’allemand en français. Paris, 1603, in-12 ; et l’Histoire véritable comment l’âme de l’empereur Trajan a été délivrée des tourments de l’enfer par les prières de saint Grégoire le Grand, traduite du latin d’Alphonse Chacon ; in-8o, rare. Paris, 1607.

Cayet rechercha la pierre philosophale, qu’il n’eut pas le talent de trouver ; on débita aussi qu’il était magicien ; mais on peut voir qu’il ne pensait guère à se mêler de magie, dans l’épître dédicatoire qu’il a mise en tête de l’histoire de Faust. Ce sont les huguenots, dont il avait abandonné le parti, qui l’accusèrent d’avoir fait pacte avec le diable, pour qu’il lui apprît les langues. C’était alors une grande injure ; Cayet s’en vengea vivement dans un livre où il défendit contre eux la doctrine du purgatoire[357].

Caym, démon de classe supérieure, grand président aux enfers ; il se montre habituellement sous la figure d’un merle. Lorsqu’il paraît en forme humaine, il répond du milieu d’un brasier ardent ; il porte à la main un sabre effilé. C’est, dit-on, le plus habile sophiste de l’enfer ; et il peut, par l’astuce de ses arguments, désespérer le logicien le plus aguerri. C’est avec lui que Luther eut cette fameuse dispute dont il nous a conservé les circonstances. Caym donne l’intelligence du chant des oiseaux, du


mugissement des bœufs, de l’aboiement des chiens et du bruit des ondes. Il connaît l’avenir. Quelquefois il s’est montré en homme coiffé d’une aigrette et orné d’une queue de paon. Ce


démon, qui fut autrefois de l’ordre des anges, commande à présent trente légions aux enfers[358].

Cayol, propriétaire à Marseille, mort au commencement de ce siècle. Un de ses fermiers lui apporta un jour douze cents francs ; il les reçut et promit la quittance pour le lendemain, parce qu’il était alors occupé. Le paysan ne revint qu’au bout de quelques jours. M. Cayol venait subitement de mourir d’apoplexie. Son fils avait pris possession de ses biens ; il refuse de croire au fait que le paysan raconte, et réclame les douze cents francs en justice. Le paysan fut condamné à payer une seconde fois. Mais la nuit qui suivit cette sentence, M. Cayol apparut à son fils bien éveillé, et lui reprocha sa conduite. — « J’ai été payé, ajouta-t-il ; regarde derrière le miroir qui est sur la cheminée de ma chambre, tu y trouveras mon reçu. »

Le jeune homme se lève tremblant, met la main sur la quittance de son père et se hâte de payer les frais qu’il avait faits au pauvre fermier, en reconnaissant ses torts[359]

Cazotte (Jacques), né à Dijon en 1720, guillotiné en 1793, auteur du poëme d’Olivier, où beaucoup d’épisodes roulent sur les merveilles magiques. Le succès qu’obtint cette production singulière le décida à faire paraître le Diable amoureux. Comme il y a dans cet ouvrage des conjurations et autres propos de grimoire, un étranger alla un jour le prier de lui apprendre à conjurer le diable, science que Cazotte ne possédait pas.

Ce qui lui obtient encore place dans ce recueil, c’est sa prophétie rapportée par la Harpe ; où il avait pronostiqué la révolution dans la plupart de ses détails. Mais on n’avait imprimé, dit-on, qu’un fragment de cette pièce. On l’a plus tard découverte plus entière, et quelques-uns disent à présent que cette prophétie a été supposée, ce qui n’est pas prouvé. On a publié en l’an VI, à Paris, une Correspondance mystique de Cazotte, saisie par le tribunal révolutionnaire, et où brille un certain esprit prophétique inexplicable.

Cébus ou Céphus, monstre adoré des Égyptiens. C’était une espèce de satyre ou singe qui avait, selon Pline, les pieds et les mains semblables à ceux de l’homme. Diodore lui donne une tête de lion, le corps d’une panthère et la taille d’une chèvre. On ajoute que Pompée en fit venir un à Rome, et qu’on n’en a jamais vu que cette fois-là.

Cecco d’Ascoli ( François Stabili, dit), professeur d’astrologie, né dans la Marche d’Ancône, au treizième siècle. Il se mêlait aussi de magie et d’hérésie. On dit, ce qui n’est pas certain, qu’il fut brûlé en 1327, avec son livre d’astrologie, qui est, à ce qu’on croit, le commentaire sur la sphère de Sacrobosco[360].

Il disait qu’il se formait dans les cieux des esprits malins qu’on obligeait, par le moyen des constellations, à faire des choses merveilleuses. Il assurait que l’influence des astres était absolue, et reconnaissait le fatalisme. Selon sa doctrine, Notre-Seigneur Jésus-Christ n’avait été pauvre et n’avait souffert une mort ignominieuse que parce qu’il était né sous une constellation qui causait nécessairement cet effet…… ; au contraire, l’Antéchrist sera riche et puissant, parce qu’il naîtra sous une constellation favorable. Cette doctrine stupide fut condamnée en 1327.

« Une preuve que Cecco était fou, disent Naudé et Delrio, c’est : 1° qu’il interprète le livre de Sacrobosco dans le sens des astrologues, nécromanciens et chiroscopistes ; 2° qu’il cite un grand nombre d’auteurs falsifiés, comme les Ombres des idées de Salomon, le Livre des esprits d’'Hipparchus, les Aspects des étoiles, d’Hippocrate, etc. »

On demandait un jour à Cecco ce que c’était que la lune ; il répondit : « C’est une terre comme la nôtre, ut terra terra est. »

On a beaucoup disputé sur cet astrologue, connu aussi sous le nom de Cecus Ascutan, et plus généralement sous celui de Chicus Eseulanus. Delrio ne voit en lui qu’un homme superstitieux, qui avait la tête mal timbrée. Naudé, ainsi que nous l’avons noté, le regarde comme un fou savant. Quelques auteurs, qui le mettent au nombre des nécromanciens, lui prêtent un esprit familier, nommé Floron, de l’ordre des Chérubins, lequel Floron l’aidait dans ses travaux et lui donnait de bons conseils ; ce qui ne l’empêcha pas de faire des livres ridicules.

Cécile. Vers le milieu du seizième siècle, une femme nommée Cécile se montrait en spectacle à Lisbonne ; elle possédait l’art de si bien varier sa voix qu’elle la faisait partir tantôt de son coude, tantôt de son pied, tantôt de son ventre. Elle liait conversation avec un être invisible qu’elle nommait Pierre-Jean, et qui répondait à toutes ses questions. Cette femme ventriloque fut réputée sorcière et bannie dans file Saint-Thomas[361].

Ceintures magiques. Plusieurs livres de secrets vous apprendront qu’on guérit toutes sortes de maladies intérieures en faisant porter au malade une ceinture de fougère cueillie la veille de la Saint-Jean, à midi, et tressée de manière à former le caractère magique HVTY. Le synode tenu à Bordeaux en 1600 a condamné ce remède, et la raison, d’accord avec l’Église, le condamne tous les jours.

Celse, philosophe éclectique du deuxième siècle, ennemi des chrétiens. En avouant les miracles de Jésus-Christ, il disait qu’ils avaient été opérés par la magie, et que les chrétiens étaient des magiciens. Il a été réfuté par Origène.

Celsius (André), Suédois, mort en 1744, auteur d’une Lettre sur les comètes, publiée à Upsal l’année de sa mort.

Cenchroboles, nation imaginaire dont parle Lucien. Il dit que les Cenchroboles allaient au combat montés sur de grands oiseaux, couverts d’herbes vivaces au lieu de plumes.

Cendres. On soutenait dans le dix-septième siècle, entre autres erreurs, qu’il y avait des semences de reproduction dans les cadavres, dans les cendres des animaux et même des plantes brûlées ; qu’une grenouille, par exemple, en se pourrissant, engendrait des grenouilles, et que les cendres de roses avaient produit d’autres roses. Voy. Palingénésie.

Le Grand Albert dit que les cendres de bois astringent resserrent, et qu’on se relâche avec des cendres de bois contraire. « Et, ajoute-t-il, Dioscoride assure que la lessive de cendres de sarments, bue avec du sel, est un remède souverain contre la suffocation de poitrine. Quant à moi, ajoute-t-il, j’ai guéri plusieurs personnes de la peste en leur faisant boire une quantité d’eau où j’avais fait amortir de la cendre chaude, et leur ordonnant de suer après l’avoir bue[362]. »

Cène. Au sabbat, les meneurs qui veulent singer ou contrefaire tout ce qui est du culte divin font même la cène ou communion, c’est-à-dire qu’ils donnent ce nom à une horrible scélératesse. On lit ceci dans les déclarations de Madeleine Bavent. « J’ai vu faire une fois la cène au sabbat, la nuit du jeudi saint. On apporta un enfant tout rôti, et les assistants en mangèrent. Pendant ce repas horrible, un démon circulait en disant à tous : Aucun de vous ne me trahira. » Et ces horreurs ne sont pas des contes. Voy. Sabbat.

Cénéthus, second roi d’Écosse. Désirant venger la mort de son père, tué par les Pictes, il exhortait les seigneurs du pays à reprendre les armes ; mais, parce qu’ils avaient été malheureux aux précédentes batailles, les seigneurs hésitaient. Cénéthus, sous prétexte de les entretenir des affaires du pays, manda les plus braves chefs à un conseil. Il les fit loger dans son château, où il avait caché dans un lieu secret quelques soldats accoutrés de vêtements horribles faits de grandes peaux de loups marins, qui sont très-fréquents dans le pays, voisin de la mer. Ils avaient à la main gauche des bâtons de ce vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite des cornes de bœuf percées par le bout. Ils se tinrent reclus jusqu’à ce que les seigneurs fussent ensevelis dans leur premier sommeil : alors ils commencèrent à se montrer avec leurs bois qui éclairaient, et firent résonner leurs cornes de bœuf, disant qu’ils étaient envoyés pour leur annoncer la guerre contre les Pietés. — Leur victoire, ajoutaient-ils, était écrite dans le ciel. Ces fantômes jouèrent bien leur rôle, et s’évadèrent sans être découverts. Les chefs émus vinrent trouver le roi, auquel ils communiquèrent leur vision ; et ils assaillirent si vivement les Pietés qu’ils ne les défirent pas seulement en bataille, mais qu’ils en exterminèrent la race[363].

Céphalonomancie. Voy. Képhalonomancie.

Ceram, l’une des îles Moluques. On y remarque, sur la côte méridionale, une montagne où résident, dit-on, les mauvais génies. Les navigateurs de l’île d’Amboine, qui sont tous très-superstitieux, ne passent guère en vue de cette montagne sans faire une offrande à ces mauvais génies, qu’ils empêchent ainsi de leur susciter des tempêtes. Le jour, ils déposent des fleurs et une petite pièce de monnaie dans une coque de coco ; la nuit, ils y mettent de l’huile avec de petites mèches allumées, et ils laissent flotter cette coque au gré des vagues.

Cérambe, habitant de la terre, qui se retira sur une montagne au moment du déluge de Deucalion et qui fut changé en cette espèce d’escargot qui a des cornes. Il en est la tige ou la souche, dans l’ancienne mythologie.

Ceraunoscopie. Divination qui se pratiquait, chez les anciens, par l’observation de la foudre et des éclairs, et par l’examen des phénomènes de l’air.

Cerbère. Cerberus ou Naberus est chez nous un démon. Wierus le met au nombre des marquis de l’empire infernal. Il est fort et puissant ; il se montre, quand il n’a pas ses trois têtes de chien, sous la forme d’un corbeau ; sa voix est rauque : néanmoins il donne l’éloquence et l’amabilité ; il enseigne les beaux— arts. Dix-neuf légions lui obéissent.

On voit que ce n’est plus là le Cerbère des anciens, ce redoutable chien, portier incorruptible des enfers, appelé aussi la bête aux cent têtes, centiceps bellua, à cause de la multitude de serpents dont ses trois crinières étaient ornées. Hésiode lui donne cinquante têtes de chien ; mais on s’accorde généralement à ne lui en reconnaître que trois. Ses dents étaient noires et tranchantes, et sa morsure causait une prompte mort. On croit que la fable de Cerbère remonte aux Égyptiens, qui faisaient garder les tombeaux par


des dogues. Mais c’est principalement ici du démon Cerberus qu’il a fallu nous occuper. En 1586, il fit alliance avec une Picarde nommée Marie Martin. Voy. Martin.

Cercles magiques. On ne peut guère évoquer les démons avec sûreté sans s’être placé dans un cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement serait d’empoigner, si l’on n’y mettait ordre. Voici ce qu’on lit à ce propos dans le fatras intitulé Grimoire du pape Honorius : « Les cercles se doivent faire avec du charbon, de l’eau bénite aspergée, ou du bois d’une croix bénite… Quand ils seront faits de la sorte, et quelques paroles de l’Évangile écrites autour du cercle, sur le sol, on jettera de l’eau bénite en disant une prière superstitieuse dont nous devons citer quelques mots : « — Alpha, Oméga, Ély, Élohé, Zébahot, Élion, Saday. Voilà le lion qui est vainqueur de la tribu de Juda, racine de David. J’ouvrirai le livre et ses sept signets… » Il est fâcheux que l’auteur de ces belles oraisons ne soit pas connu, on pourrait lui faire des compliments.

On récite cela après quelque formule de conjuration, et les esprits paraissent. Voy. Conjuration. Le Grand Grimoire ajoute qu’en entrant dans le cercle, il faut n’avoir sur soi aucun métal impur, mais seulement de l’or ou de l’argent, pour jeler la pièce à l’esprit. On plie cette pièce dans un papier blanc, sur lequel on n’a rien écrit ; on l’envoie à l’esprit pour l’empêcher de nuire ; et, pendant qu’il se baisse pour la ramasser devant le cercle, on prononce la conjuration qui le soumet. Le Dragon rouge recommande les mêmes précautions.

Il nous reste à parler des cercles que les sorciers font au sabbat pour leurs danses. On en montre encore dans les campagnes ; on les appelle cercles du sabbat ou cercles des fées, parce qu’on croyait que les fées traçaient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune. Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diamètre et contiennent un gazon pelé à la ronde de la largeur d’un pied, avec un gazon vert au milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride, desséché, et la bordure tapissée d’un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les Transactions philosophiques, attribuent ce phénomène au tonnerre : ils en donnent pour raison que c’est le plus souvent après des orages qu’on aperçoit ces cercles. D’autres savants ont prétendu que les cercles magiques étaient l’ouvrage des fourmis, parce qu’on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en foule. On regarde encore aujourd’hui, dans les campagnes peu éclairées, les places arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent toujours pour les vestiges de la danse des fées, et les paysans ne s’en approchent qu’avec terreur[364].

Cercueil. L’épreuve ou jugement de Dieu par le cercueil a été longtemps en usage. Lorsqu’un assassin, malgré les informations, restait inconnu, on dépouillait entièrement le corps de la victime ; on le mettait dans un cercueil, et tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir eu part au meurtre étaient obligés de le toucher. Si l’on remarquait un mouvement, un changement dans les yeux, dans la bouche ou dans toute autre partie du mort, si la plaie saignait, — celui qui touchait le cadavre dans ce mouvement extraordinaire était regardé et poursuivi comme coupable. Richard Cœur de lion s’était révolté contre Henri il son père, à qui il succéda. On rapporte qu’après la mort de Henri II, Richard s’étant rendu à Fontevrault, où le feu roi avait ordonné sa sépulture, à rapproche du fils rebelle, le corps du malheureux père jeta du sang par la bouche et par le nez, et que ce sang jaillit sur le nouveau souverain. On cite plusieurs exemples semblables, dont la terrible morale n’était pas trop forte dans les temps barbares :

Voici un petit fait qui s’est passé en Écosse : — Un fermier, nommé John Mac Intos, avait eu quelques contestations avec sa sœur Fanny MacAllan. Peu de jours après il mourut subitement. Les magistrats se rendirent chez lui et remarquèrent qu’il avait sur le visage une large blessure, de laquelle aucune goutte de sang ne s’échappait. Les voisins de John accoururent en foule pour déplorer sa perte ; mais, quoique la maison de sa sœur fût proche de la sienne, elle n’y entra pas et parut peu affectée de cet événement. Cela suffit pour exciter parmi les ministres et les baillis le soupçon qu’elle n’y était peut-être pas étrangère. En conséquence, ils lui ordonnèrent de se rendre près du défunt et de placer la main sur son cadavre. Elle y consentit ; mais avant de le faire, elle s’écria d’une voix solennelle : Je souhaite humblement que le Dieu puissant qui a ordonné au soleil d’éclairer l’univers fasse jaillir de cette plaie un rayon de lumière dont le reflet désignera le coupable. Dès que ces paroles furent achevées, elle s’approcha, posa légèrement un de ses doigts sur la blessure, et le sang coula immédiatement. Les magistrats crurent y voir une révélation du ciel ; et Fanny, condamnée, fut exécutée le jour même.

On voit dans la vie de Charles le Bon, par Gualbert, que les meurtriers en Flandre, au douzième siècle, après avoir tué leur victime, mangeaient et buvaient sur le cadavre, dans la persuasion qu’ils paralysaient par cette cérémonie toute poursuite contre eux à l’occasion du meurtre. Les assassins de Charles le Bon avaient pris cette précaution ; ce qui ne les empêcha pas d’être tous mis au supplice.

Cercopes, démons méchants et impies, dont Hercule réprima les brigandages.

Cerdon, hérétique du deuxième siècle, chef des cerdoniens. Il enseignait que le monde avait été créé par le démon, et admettait deux principes égaux en puissance.

Cérès. « Qu’étaient-ce que les mystères de Cérès à Éleusis, sinon les symboles de la sorcellerie, de la magie et du sabbat ? À ces orgies, on dansait au son du clairon, comme au sabbat des sorcières ; et il s’y passait des choses abominables, qu’il était défendu aux profèsde révéler[365] ; » On voit dans Pausanias que les Arcadiens représentaient Cérès avec un corps de femme et une tête de cheval. On a donné le nom de Cérès à une planète découverte par Piazzi en 1801. Cette planète n’a encore aucune influence sur les horoscopes. Voy. Astrologie.

Cerf. L’opinion qui donne une très-longue vie à certains animaux, et principalement aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode dit que la vie de l’homme finit à quatre-vingt-seize ans, que celle de la corneille est neuf fois plus longue, et que la vie du cerf est quatre fois plus longue que celle de la corneille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de trois mille quatre cent cinquante-six ans.

Pline rapporte que, cent ans après la mort d’Alexandre, on prit dans les forêts plusieurs cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-même des colliers. On trouva, en 1037, dans la forêt de Senlis, un cerf avec un collier portant ces mots : Cæsar hoc me donavit. « C’est César qui me l’a donné ; » mais quel César ? Ces circonstances ont fortifié toutefois le conte d’Hésiode. Les cerfs ne vivent pourtant que trente-cinq à quarante ans. Ce que l’on a débité de leur longue vie, ajoute Buffon, n’est appuyé sur aucun fondement ; ce n’est qu’un préjugé populaire, dont Aristote lui-même a révélé l’absurdité. Le collier du cerf de la forêt de Senlis ne peut présenter une énigme qu’aux personnes qui ignorent que tous les empereurs d’Allemagne ont été désignés par le nom de César.

Une autre tradition touchant le cerf, c’est que la partie destinée à la génération lui tombe chaque année. Après avoir ainsi observé ce qui a lieu par rapport à son bois, on s’est persuadé que la même chose arrivait à la partie en question. L’expérience et la raison détruisent également une opinion si absurde[366].

Cerinthe, hérétique du temps des apôtres. Il disait que Dieu avait créé des génies chargés de gouverner le monde ; qu’un de ces génies avait fait tous les miracles de l’histoire des Juifs ; que les enfants de ces esprits étaient devenus des démons, et que le Fils de Dieu n’était descendu sur la terre que pour ruiner le pouvoir des mauvais anges. Il avait écrit des révélations qu’il prétendait lui avoir été faites par un ange de bien, avec qui il se vantait de converser familièrement. « Mais cet ange, comme dit Leloyer, était un chenapant de démon, et pas autre chose. »

Cerne, mot vieilli. C’était autrefois le nom qu’on donnait au cercle que les magiciens traçaient avec leur baguette pour évoquer les démons.

Céromancie ou Ciromancie. Divination par le moyen de la cire, qu’on faisait fondre et qu’on versait goutte à goutte dans un vase d’eau, pour en tirer, selon les figures que formaient ces gouttes, des présages heureux ou malheureux. Les Turcs cherchaient surtout à découvrir ainsi les crimes et les larcins. Ils faisaient fondre un morceau de cire à petit feu, en marmottant quelques paroles ; puis ils étaient cette cire fondue de dessus le brasier, et y trouvaient des figures qui indiquaient le voleur, sa maison et sa retraite. Dans l’Alsace, au seizième siècle, et peut-être encore aujourd’hui, lorsque quelqu’un est malade et que les bonnes femmes veulent découvrir qui lui a envoyé sa maladie, elles prennent autant de cierges d’un poids égal qu’elles soupçonnent d’êtres ou de personnes ; elles les allument, et celui dont le cierge est le premier consumé passe dans leur esprit pour l’auteur du maléfice[367].

Cerveau. Les quarterons de savants qui ont attaqué le dogme de l’unité de l’espèce humaine ont avancé que le cerveau des nègres était inférieur au cerveau des blancs. Mais le savant Tiedman a parfaitement établi et prouvé qu’il n’existe aucune différence appréciable dans le poids moyen et les dimensions moyennes du cerveau du nègre et de l’Européen. La légère différence qu’on remarque dans sa forme extérieure disparaît dans la structure interne.

Cervelle. On fait merveille avec la cervelle de certaines bêtes. L’auteur des Admirables secrets d’Albert le Grand dit, au liv. III, que la cervelle de lièvre fait sortir les dents aux enfants, lorsqu’on leur en frotte les gencives. Il ajoute que les personnes qui ont peur des revenants se guérissent de leurs terreurs paniques, si elles mangent souvent de la cervelle de lièvre. La cervelle de chat ou de chatte, si on s’en frotte les dehors du gosier, guérit en moins de deux jours les inflammations qui s’y font sentir, mais après une crise de fièvre violente. Les premiers hommes ne mangeaient la cervelle d’aucun animal, par respect pour la tête, qu’ils regardaient comme le siège de la vie et du sentiment.

Cesaire ou Cesarius d’Heisterbach (Pierre), moine de Cîteaux, mort en 12/[0. On lui doit un recueil de miracles où les démons figurent très-souvent[368]. Ce recueil, nous ne saurions trop en dire la raison, a été mis à l’index en Espagne. Il est cité plusieurs fois dans ce dictionnaire.

Cesaire (Saint). Voy. Mirabilis liber.

Césalpin (André), médecin du seizième siècle, né à Arezzo en Toscane, auteur de Recherches sur les Démons, où l’on explique le passage d’Hippocrate, relatif aux causes surnaturelles de certaines maladies[369]. Ce traité, composé à la prière de l’archevêque de Pise, parut au moment où les religieuses d’un couvent de cette ville étaient obsédées du démon. L’archevêque demandait à tous les savants si les contorsions de ces pauvres filles avaient une cause naturelle ou surnaturelle. Césalpin, particulièrement consulté, répondit par le livre que nous citons. Il commence par exposer une immense multitude de faits attribués aux démons et à la magie. Ensuite il discute ces faits ; il avoue qu’il y a des démons, mais qu’ils ne peuvent guère communiquer matériellement avec l’homme ; il termine en se soumettant à la croyance de l’Église, Il déclare que la possession des religieuses de Pise est surnaturelle ; que les secours de la médecine y sont insuffisants, et qu’il est bon de recourir au pouvoir des exorcistes.

César (Caïus Julius). On a raconté de cet homme fameux quelques merveilles surprenantes.

Suétone rapporte que, César étant avec son armée sur les bords du Rubicon que ses soldats hésitaient à traverser, il apparut un inconnu de taille extraordinaire qui s’avança en sifflant vers le général. Les soldats accoururent pour le voir ; aussitôt le fantôme saisit la trompette de l’un d’eux, sonne la charge, passe le fleuve ; et César s’écrie, sans délibérer davantage : — Allons où les présages des dieux et l’injustice de nos ennemis nous appellent. — L’armée le suivit avec ardeur.

Lorsqu’il débarqua en Afrique pour faire la guerre à Juba, il tomba à terre. Les Romains se troublèrent de ce présage ; mais César rassura les esprits en embrassant le sol et en s’écriant, comme si sa chute eût été volontaire : « Afrique, tu es à moi, car je te tiens dans mes bras. »

On a vanté l’étonnante force de ses regards ; on a dit que des côtes des Gaules, il voyait ce qui se passait dans l’île des Bretons. Roger Bacon, qui ne doute pas de ce fait, dit que Jules César n’examinait ainsi tout ce qui se faisait dans les camps et dans les villes d’Angleterre qu’au moyen de grands miroirs destinés à cet usage.

On assure que plusieurs astrologues prédirent à César sa mort funeste ; que sa femme Calpurnie lui conseilla de se défier des ides de mars ; qu’un devin célèbre tâcha également de l’effrayer par de sinistres présages lorsqu’il se rendait au sénat, où il devait être assassiné : toutes choses contées après l’événement.

On ajoute qu’une comète parut à l’instant de sa mort. On dit encore qu’un spectre poursuivit Brutus, son meurtrier, à la bataille de Philippes ; que, dans la même journée, Cassius crut voir au fort de la mêlée César accourir à lui à toute bride, avec un regard foudroyant, et qu’effrayé de cette vision terrible, il se perça de sonépée.

Quoi qu’il en soit, Jules César fut mis au rang des dieux par ordre d’Auguste ? qui prétendit que Vénus avait emporté son âme au ciel. On le représentait dans ses temples avec une étoile sur la tête, à cause de la comète qui parut au moment de sa mort.

César, charlatan qui vivait à Paris sous Henri IV, et qui était astrologue, nécromancien, chiromancien, physicien, devin, faiseur de tours magiques. Il disait la bonne aventure par l’inspection des lignes de la main. Il guérissait en prononçant des paroles et par des attouchements. Il arrachait les dents sans douleur, vendait assez cher de petits joncs d’or émaillés de noir, comme talismans qui avaient des propriétés merveilleuses contre toutes les maladies. Il escamotait admirablement et faisait voir le diable avec ses cornes. Quant à cette dernière opération, il semble qu’il voulait punir les curieux d’y avoir cru ; car ils en revenaient toujours si bien rossés par les sujets de Belzébuth, que le magicien lui-même était obligé de leur avouer qu’il était fort imprudent de chercher à les connaître. Le bruit courut à Paris, en 1611, que l’enchanteur César et un autre sorcier de ses amis avaient été étranglés parle diable. On publia même, dans un petit imprimé, les détails de cette aventure infernale. Ce qu’il y a de certain, c’est que César cessa tout à coup de se montrer. Il n’était cependant pas mort ; il n’avait même pas quitté Paris. Mais il était devenu invisible, comme quelques autres que l’État se charge de loger[370]. Voy. Ruggiéri.

Césara. Les Irlandais croient remonter à Césara, petite-fille de Noé, disent-ils, qui se réfugia dans leur île, où, par grâce spéciale, elle’fut à l’abri des eaux du déluge.

Césonie, femme de Caligula. Suétone conte que, pour s’assurer le cœur de son auguste époux, elle lui fit boire un philtre qui acheva de lui faire perdre l’esprit. On prétend qu’il y avait dans ce philtre de l’hippomane, qui est un morceau de chair qu’on trouve quelquefois, dit-on, au front du poulain nouveau né. Voy. Hippomane.

Ceurawats, sectaires indiens, qui ont si grande peur de détruire des animaux, qu’ils se couvrent la bouche d’un linge pour ne pas avaler d’insectes. Ils admettent un bon et un mauvais principe, et croient à des transmigrations perpétuelles dans différents corps d’hommes ou de bêtes.

Cévennes. Voy. Dauphiné.

Ceylan. Les habitants croient que cette île fut le lieu qu’Adam et Ève habitèrent, après avoir été chassés du jardin de délices.

Chabbalach. Voy. Malache.

Chacon (Alphonse), en latin Ciaconius, dominicain espagnol du seizième siècle, auteur du traité traduit par Cayet : Comment l’âme de Trajan fut délivrée de l’enfer[371].

Chacran, tonnerre de Wishnou. Les Indiens le représentent sous la figure d’un cercle qui vomit du feu de tous côtés, comme nos soleils d’artifice.

Chahriver, amschaspand qui préside aux richesses métalliques enfouies dans le sein de la terre.

Chaîne du diable. C’est une tradition parmi les vieilles femmes de la Suisse que saint Bernard tient le diable enchaîné dans quelqu’une des montagnes qui environnent l’abbaye de Clairvaux. Sur cette tradition est fondée la coutume des maréchaux du pays de frapper tous les lundis, avant de se mettre en besogne, trois coups de marteau sur l’enclume pour resserrer la chaîne du diable, afin qu’il ne puisse s’échapper.

Chaire salée. On donnait ce nom en Champagne à une monstrueuse effigie de dragon que l’on promenait à Troyes dans les processions des Rogations. C’était un symbole de l’hérésie domptée par saint Loup. Le jansénisme a supprimé de nos fêtes ces accessoires, qui attiraient la foule et qui rappelaient des souvenirs utiles.

Chaires de magie. Il y a eu de ces chaires tenues secrètement à l’université de Salamanque, à Tolède, au pays de Naples et en d’autres lieux, au moyen âge ; et assurément il y en a encore aujourd’hui.

Chais (Pierre), ministre protestant, né à Genève en 1701. Dans son livre intitulé le Sens littéral de l’Ecriture sainte, etc., traduit de l’anglais, de Stackhouse, 3 volumes in-8o, 1738, il a mis une curieuse dissertation, dont il est l’auteur, sur les démoniaques.

Chalcédoine. On conte qu’après que les Perses eurent ruiné Chalcédoine, sur le Bosphore, Constantin le Grand voulut la rebâtir, parce qu’il en aimait le séjour. Mais des aigles vinrent qui, avec leurs serres, enlevèrent les pierres des mains des ouvriers. Ce prodige se répéta tant de fois, qu’il fallut renoncer à reconstruire la ville, si bien que l’empereur alla bâtir Conslantinople…

Chaldéens. On prétend qu’ils trouvèrent l’astrologie ou du moins qu’ils la perfectionnèrent. Ils étaient aussi habiles magiciens.

Cham, troisième fils de Noé, inventeur ou conservateur de la magie noire. Il perfectionna les divinations et les sciences superstitieuses. Cecco d’Ascoli dit, dans le chapitre iv de son Commentaire sur la Sphère de Sacrobosco, avoir vu un livre de magie composé par Cham, et contenant les Éléments et la pratique de la nécromancie. Il enseigna cette science redoutable à son fils Misraïm, qui, pour les merveilles qu’il faisait, fut appelé Zoroastre, et composa, sur cet art diabolique, cent mille vers, selon Suidas, et trois cent mille, selon d’autres. — Les monstruosités de Cham lui attirèrent, dit-on, un
châtiment terrible ; il fut emporté par le diable à la vue de ses disciples.

Bérose prétend que Cham est le même que Zoroastre. Annius de Viterbe pense que Cham pourrait bien être le type du Pan des anciens païens[372], Kircher dit que c’est leur Saturne et leur Osiris. D’autres prétendent que c’est Cham ou Chamos qui fut adoré sous le nom de Jupiter-Ammon. On dit encore que Cham a inventé l’alchimie, et qu’il avait laissé une prophétie dont l’hérétique Isidore se servait pour faire des prosélytes. Nous ne la connaissons pas autrement que par un passage de Christophe Sand, qui dit que Cham, dans cette prophétie, annonçait l’immortalité de l’âme[373].

Chamans, prêtres sorciers des Yacouts. Voy. Mang-Taar.

Chambres infestées. Voy. Chat, Deshoulièbes, Despilliers, Athénagore, Ayola, etc.


Chameau.

Chameau. Les musulmans ont pour cet animal une espèce de vénération ; ils croient que c’est un péché de le trop charger ou de le faire travailler plus qu’un cheval. La raison de ce respect qu’ils ont pour le chameau, c’est qu’il est surtout commun dans les lieux sacrés de l’Arabie, et que c’est lui qui porte le Koran, quand on va en pèlerinage à la Mecque.

Mahomet a mis dans son paradis la chamelle du prophète Saleh[374].

Les conducteurs des chameaux, après les avoir fait boire dans un bassin, prennent l’écume qui découle de leur bouche et s’en frottent dévotement la barbe, en disant : « Ô père pèlerin ! ô père pèlerin ! » Ils croient que cette cérémonie les préserve de méchef dans leur voyage. — Les Turcs croient aussi que la peau du chameau a "des vertus propres aux opérations magiques.

On voit dans les 'Admirables Secrets d’Albert le Grand, livre II, chap. iii, que « si le sang du chameau est mis dans la peau d’un taureau pendant que les étoiles brillent, la fumée qui en sortira fera qu’on croira voir un géant dont la tête semblera toucher le ciel. Hermès assure l’avoir éprouvé lui-même. Si quelqu’un mange de ce sang, il deviendra bientôt fou ; et si l’on allume une lampe qui aura été frottée de ce même sang, on s’imaginera que tous ceux qui seront présents auront des têtes de chameau, pourvu cependant qu’il n’y ait point d’autre lampe qui éclaire la chambre. » Voy. Jean-Baptiste.

Chammadai, le même qu’Asmodée.

Chamos, démon de la flatterie, membre du conseil infernal. Les Ammonites et les Moabites adoraient le soleil, sous le nom de Chamos, Kamosch ou Kemosch ; et Milton l’appelle l’obscène terreur des enfants de Moab. D’autres le confondent avec Jupiter-Ammon. Vossius a cru que c’était le Comus des Grecs et des Romains, qui était le dieu des jeux, des danses et des bals.

Ceux qui dérivent ce mot de l’hébreu Kamos prétendent qu’il signifie le dieu caché, c’est-à-dire Pluton, dont la demeure est aux enfers.

Chamouillard, noueur d’aiguillette et coquin coupable de plusieurs méfaits, qui fut condamné, par arrêt du parlement de Paris, en 1597, à être pendu et brûlé, pour avoir maléficié une demoiselle de la Barrière. Voy. Ligatures.

Champ du rire. Annibal, lorsqu’il faisait le siège de Rome, se retira, dit-on, de devant cette ville, épouvanté de vaines terreurs et de fantômes qui troublèrent ses esprits. Les Romains, le voyant lever le siège, poussèrent de tels cris de joie et firent de si grands éclats de rire, que le lieu d’où il décampa s’appela le Champ du rire.

Champier (Symphorien), Lyonnais du quinzième siècle, qui a publié en 1503 la Nef des dames vertueuses, en quatre livres mêlés de prose et de vers, dont le troisième contient les prophéties des sibylles. On l’a soupçonné à tort d’être l’auteur du traité des Trois Imposteurs ; mais il a laissé un petit livre intitulé De Triplici disciplina. In-8°, Lyon, 1508. On lui doit aussi des dialogues sur la nécessité de poursuivre les magiciens[375].

Champignon. Les Hollandais appellent le champignon pain du diable (duivels-brood).

Chandelle. Cardan prétend que, pour savoir si un trésor est enfoui dans un souterrain où l’on creuse dans ce but, il faut avoir une grosse chandelle, faite de suif humain, enclavée dans un morceau de coudrier en forme de croissant, de manière à figurer avec les deux branches une fourche à trois rameaux. Si la chandelle, étant allumée dans le lieu souterrain, y fait beaucoup de bruit en pétillant avec éclat, c’est une marque qu’il y a un trésor. Plus on approchera du trésor, plus la chandelle pétillera ; enfin elle s’éteindra quand elle en sera tout à fait voisine.

Ainsi il faut avoir d’autres chandelles dans des lanternes, afin de ne pas demeurer sans lumière. Quand on a des raisons solides pour croire que ce sont les esprits des hommes défunts qui gardent les trésors, il est bon de tenir des cierges bénits au lieu de chandelles communes ; et on les conjure de la part de Dieu de déclarer si l’on peut faire quelque chose pour les mettre en lieu de repos ; il ne faudra jamais manquer d’exécuter ce qu’ils auront demandé[376].

Les chandelles servent à plus d’un usage. On voit dans tous les démonographes que les sorcières, au sabbat, vont baiser le derrière du diable avec une chandelle noire à la main. Boguet dit qu’elles allument ces chandelles à un flambeau qui est sur la tête de, bouc du diable, entre ses deux cornes, et qu’elles s’éteignent et s’évanouissent dès qu’on les lui a offertes[377].

N’oublions pas que trois chandelles ou trois bougies sur une table sont de mauvais augure ; et que quand de petits charbons se détachent de la lumière d’une chandelle, ils annoncent, selon quelques-uns, une visite[378] ; mais, selon le sentiment plus général, une nouvelle, agréable s’ils augmentent la lumière, fâcheuse s’ils l’affaiblissent.

Chandelle de la mort. Voy. Canwyll-corph.

Chant. Le chant des possédés est toujours altéré, de manière que les femmes ont une voix d’homme et les hommes une voix de femme.

Chant du coq. Il dissipe le sabbat.

Chaomancie, art de prédire les choses futures par le moyen des observations qu’on fait sur l’air. Cette divination est employée par quelques alchimistes, qui ne nous en ont pas donné le secret.

Chapeau venteux. Voy. Eric.

Chapelet. On a remarqué pertinemment que tous les chapelets de sorcières avaient une croix cassée ou endommagée : c’était même un indice de sorcellerie qu’une croix de chapelet qui n’était pas entière.

Chapelle du damné. Raymond Diocres, chanoine de Notre-Dame de Paris, mourut en réputation de sainteté vers l’an 1084. Son corps ayant été porté dans le chœur de la cathédrale, il leva la tête hors du cercueil à ces graves paroles de l’office des morts : — Répondez-moi, quelles sont mes iniquités ? Responde mihi quantas habeo iniquitates ? etc., et qu’il dit : Justo judicio Dei accusatus sum. (J’ai été cité devant le juste jugement de Dieu.) Les assistants effrayés suspendirent le service et le remirent au lendemain. En attendant, le corps du chanoine resta déposé dans une chapelle de Notre-Dame, la même qu’on appelle depuis la Chapelle du damné. Le lendemain on recommença l’office ; lorsqu’on fut au même verset, le mort parla de nouveau et dit : — Justo Dei judicio judicatus sum. (J’ai été jugé au juste jugement de Dieu.) On remit encore l’office au jour suivant, et au même verset le mort s’écria : — Justo Dei judicio condemnatus sum. (J’ai été condamné au juste jugement de Dieu.) Là-dessus, dit la chronique, on jeta le corps à la voirie ; et ce miracle effrayant fut cause, selon quelques-uns, de la retraite de saint Bruno, qui s’y trouvait présent.

Quoique cette anecdote soit contestée, elle est consacrée par des monuments. La peinture s’en est emparée, et le Sueur en a tiré parti dans sa belle galerie de Saint-Bruno.

Chapuis (Gabriel), né à Amboise en 1546. Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte ce titre : les Mondes célestes, terrestres et infernaux, etc., tiré des Mondes de Doni ; in-8o, Lyon, 1583. C’est un ouvrage satirique.

Char de la mort. Voy. Brouette.

Charadrius, oiseau immonde que nous ne connaissons pas ; les rabbins disent qu’il est merveilleux, et que son regard guérit la jaunisse. Il faut pour cela que le malade et l’oiseau se regardent fixement ; car si l’oiseau détournait la vue, le malade mourrait aussitôt.

Charbon d’impureté, l’un des démons de la possession de Loudun. Voy. Loudun.

Charité. Les offenses à la charité sont quelquefois punies par la justice divine. On lit dans les Acta sanctorum[379] « qu’un Espagnol connu sous le nom de Michel de Fontarabie, ayant craché dans la main d’un pauvre mendiant qui lui demandait l’aumône, fut aussitôt renversé par terre, et, devenu furieux et possédé, se démena en criant que saint Yves et d’autres personnages vêtus de blanc le rouaient de coups. » — On cite beaucoup d’autres hommes durs aux pauvres qui ont été possédés des démons.

Charlatans. On attribuait souvent autrefois aux sorciers ou au diable ce qui n’était que l’ouvrage des charlatans. Si nous pensions comme au seizième siècle, tous nos escamoteurs seraient des sorciers.

Voici ce qu’on lit pourtant dans le Voyage de Schouten aux Indes orientales :

« Il y avait au Bengale un charlatan qui, en faisant plusieurs tours de souplesse, prit une canne longue de vingt pieds, au bout de laquelle était une petite planche large de trois ou quatre pouces-, il mit cette canne à sa ceinture, après quoi une fille de vingt-deux ans lui vint sauter légèrement par derrière sur les épaules, et, grimpant au haut de la canne, s’assit dessus, les jambes croisées et les bras étendus. Après cela, l’homme ayant les deux bras balancés commença à marcher à grands pas, portant toujours cette fille sur le bout de la canne, tendant le ventre pour l’appuyer, et regardant sans cesse en haut pour tenir la machine en équilibre. La fille descendit adroitement, remonta derechef et se pencha le ventre sur le bâton, en frappant des mains et des pieds les uns contre les autres. Le charlatan ayant mis alors le bâton sur sa tête, sans le tenir ni des mains ni des bras, cette même fille et une autre petite Mauresque de quinze ans montèrent dessus l’une après l’autre ; l’homme les porta ainsi autour de la place en courant et se penchant, sans qu’il leur arrivât le moindre mal. Ces deux mêmes filles marchèrent sur la corde la tête en bas, et firent une multitude d’autres tours de force très* merveilleux. Mais quoique plusieurs d’entre nous crussent que tous ces tours de souplesse fussent faits par art diabolique, il me semble qu’ils pouvaient se faire naturellement ; car ces filles, qui étaient très-adroites, subtiles, et dont les membres étaient grandement agiles, faisaient tout cela à force de s’y être accoutumées et exercées. »

Il y a eu des charlatans de toutes les espèces : en 1728, du temps de Law, un certain Villars confia à quelques amis que son oncle, qui avait vécu près de cent ans, et qui n’était mort que par accident, lui avait laissé le secret d’une eau qui pouvait aisément prolonger la vie jusqu’à cent cinquante années, pourvu qu’on fût sobre. Lorsqu’il voyait passer un enterrement, il levait les épaules de pitié, a Si le défunt, disait-il, avait bu de mon eau, il ne serait pas où il est. » Ses amis, auxquels il en donna généreusement, et qui observèrent un peu le régime prescrit, s’en trouvèrent bien et le prônèrent ; alors il vendit la bouteille six francs ; le débit en fut prodigieux. C’était de l’eau de Seine avec un peu de nitre. Ceux qui en prirent et qui s’astreignirent au régime, surtout s’ils étaient nés avec un bon tempérament, recouvrèrent en peu de jours une santé parfaite. Il disait aux autres : — C’est votre faute si vous n’êtes pas entièrement guéris. — On sut enfin que l’eau de Villars n’était que de l’eau de rivière ; on n’en voulut plus et on alla à d’autres charlatans. Mais celuilà avait fait sa fortune. Voy. Ane, Chèvre, Alexandre de Paphlagonie, etc.

Charles-Martel. On attribue à saint Eucher, évêque d’Orléans, une vision dans laquelle, transporté par un ange dans le purgatoire, il vit Charles-Martel qui expiait les pillages qu’il avait soufferts contre les biens de l’Église. À cette vision, on ajoute ce conte que le tombeau de Charles-Martel fut ouvert, et qu’on y trouva un serpent, lequel n’était qu’un démon. Et là-dessus les philosophes, s’en prenant au clergé, l’ont accusé de fraudes. Mais le tombeau de Charles-Martel n’a été ouvert à Saint-Denis que par les profanateurs de 1793[380].

Charlemagne. On lit dans la légende de Berlhe au grand pied que, Pépin le Bref voulant épouser Berthe, fille du comte de Laon, qu’il ne connaissait pas, ceux qui la lui amenaient lui substituèrent une autre femme qu’il épousa, ils avaient chargé des assassins de tuer la princesse dans la forêt des Ardennes. Ayant ému leur pitié, elle en obtint la vie, à condition de se laisser passer pour morte. Elle se réfugia chez un meunier, où elle vécut plusieurs années.

Un jour Pépin, égaré à la chasse, vint chez ce meunier. Son astrologue lui annonça qu’il se trouvait là une fille destinée à quelque chose de grand. Berthe fut reconnue, rétablie dans ses droits ; elle devint mère de Charlemagne. — La légende ajoute que la première épouse de Pépin avait donné le jour à un fils, lequel, par la suite, élu pape sous le nom de Léon III, couronna Charlemagne empereur d’Occident[381].

Il serait long de rapporter ici tous les prodiges que l’on raconte de Charlemagne. Son règne est

Charlemagne.


l’époque chérie de nos romans chevaleresques. On voit toujours auprès de lui des enchanteurs, des géants, des fées. On a même dit qu’il ne porta la guerre en Espagne que parce que saint Jacques lui avait apparu pour l’avertir qu’il retirât son corps des mains des Sarrasins. Ses guerres de Saxe ne sont pas moins fécondes en merveilles, et les circonstances de sa vie privée sont rapportées également d’une manière extraordinaire par les chroniqueurs.

On dit qu’en sa vieillesse il devint si éperdûment épris d’une Allemande, qu’il en négligea non seulement les affaires de son royaume, mais même le soin de sa propre personne. Cette femme étant morte, sa passion ne s’éteignit pas ;

Berthe.


de sorte qu’il continua d’aimer son cadavre, dont il ne voulait pas se séparer. L’archevêque Turpin, ayant appris la durée de cette effroyable passion, alla un jour, pendant l’absence du prince, dans la chambre où était le cadavre, afin de voir s’il n’y trouverait pas quelque sort ou maléfice qui fût la cause de ce dérèglement. Il visita exactement le corps mort, et trouva en effet sous la langue un anneau qu’il emporta. Le même jour Charlemagne, étant rentré dans son palais, fut fort étonné d’y trouver une carcasse si puante ; et, se réveillant comme d’un profond sommeil, il la fit ensevelir promptement. Mais la passion qu’il avait eue pour le cadavre, il l’eut alors pour l’archevêque Turpin, qui portait l’anneau : il le suivait partout et ne pouvait le quitter. Le prélat, effrayé de cette nouvelle folie, et craignant que l’anneau ne tombât en des mains qui en pussent abuser, le jeta dans un lac, afin que personne n’en pût faire usage à l’avenir. Dès lors Charlemagne devint amoureux du lac, ne voulut plus s’en éloigner, y bâtit auprès un palais et un monastère, et y fonda La ville d’Aix-la-Chapelle, où il voulut être enseveli. On sent que tout ce récit n’est qu’un conte, mais il est fort répandu. Charlemagne, dans ses Capitulaires, consigna contre les sorciers des mesures qui méritent d’être mentionnées. Nous citerons spécialement ce passage : « Quant aux conjurateurs, aux augures, aux devins, à ceux qui troublent le temps ou commettent d’autres maléfices, l’archiprêtre du diocèse les fera interroger soigneusement et les amènera à avouer le mal qu’ils auront fait. Alors ils resteront en prison jusqu’à ce que, par l’aide de Dieu, ils se montrent disposés à se convertir. » Voy. OldenBerg, Vétin, etc.

Charles le Chauve, deuxième du nom de Charles parmi les rois des Francs. Il eut une vision qui le transporta au purgatoire et en enfer : il y vit beaucoup de personnages qu’il avait connus, entre autres son père, Louis le Débonnaire. De plusieurs il reçut des conseils et des prédictions ; et il écrivit lui-même la relation de ce voyage, relation qui a quelque peu l’air d’une brochure politique[382].

Charles VI, roi de France. Ce prince, chez qui on avait déjà remarqué une raison affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne, fut saisi en chemin d’une frayeur qui acheva de lui déranger entièrement le cerveau. Il y vit sortir d’un buisson, dans la forêt du Mans, un inconnu d’une figure hideuse, vêtu d’une robe blanche, ayant la tête et les pieds nus, qui saisit la bride de son


cheval, et lui cria d’une voix rauque : — « Roi, ne chevauche pas plus avant ; retourne, tu es trahi ! » Le monarque, hors de lui-même, tira son épée et ôta la vie aux quatre premières personnes qu’il rencontra, en criant : — « En avant sur les traîtres ! »

Son épée s’étant rompue et ses forces épuisées, on le plaça sur un chariot et on le ramena au Mans.

Le fantôme de la forêt est encore aujourd’hui un problème difficile à résoudre. Était-ce un insensé qui se trouvait là par hasard ? était-ce un émissaire du duc de Bretagne contre lequel Charles marchait ? Tous les raisonnements du temps aboutissaient au merveilleux ou au sortilège. Quoi qu’il en soit, le roi devint tout à fait fou. Un médecin de Laon, Guillaume de Harsely, fut appelé au château de Creil, et, après six mois de soins et de ménagements, la santé du roi se trouva rétablie. — Mais en 1393 son état devint désespéré, à la suite d’une autre imprudence. La reine, à l’occasion du mariage d’une de ses femmes, donnait un bal masqué. Le roi y vint déguisé en sauvage, conduisant avec lui de jeunes seigneurs dans le même costume, attachés par une chaîne de fer. Leur vêtement était fait d’une toile enduite de poix-résine, sur laquelle on avait appliqué des étoupes. Le duc d’Orléans, voulant connaître les masques, approcha un flambeau : la flamme se communiqua avec rapidité, quatre des seigneurs furent brûlés ; mais un cri s’étant fait entendre : — « Sauvez le roi, » Charles dut la vie à la présence d’esprit de la duchesse de Berri, qui le couvrit de son manteau et arrêta la flamme.

L’état du roi empira de cette frayeur et s’aggrava de jour en jour ; le duc d’Orléans fut soupçonné cle l’avoir ensorcelé. Jordan de Mejer, De divin., cap. xlii, écrit que ce duc, voulant exterminer la race royale, confia ses armes et son anneau à un apostat, pour les consacrer au diable et les enchanter par des prestiges ; qu’une matrone évoqua le démon dans la tour de Montjoie, près de Ligny ; qu’ensuite le duc se servit des armes ensorcelées pour ôter la raison au roi Charles, son frère, si subtilement qu’on ne s’en aperçut pas d’abord.

Le premier enchantement, selon cette version, se fit près de Beauvais ; il fut si violent que les ongles et les cheveux en tombèrent au roi. Le second, qui eut lieu dans le Maine, fut plus fort encore ; personne ne pouvait assurer si le roi vivait ou non. Aussitôt qu’il revint à lui : — Je vous supplie, dit-il, enlevez-moi cette épée, qui me perce le corps par le pouvoir de mon frère/ d’Orléans. — C’est toujours Mejer qui parle. Le médecin qui avait guéri le roi n’existait plus ; on fit venir du fond de la Guienne un charlatan qui se disait sorcier, et qui s’était vanté de guérir le roi d’une seule parole : il apportait avec lui un 1 grimoire qu’il appelait Simagorad, par le moyen duquel il était maître de la nature. Les courtisans lui demandèrent de qui il tenait ce livre ; il répondit effrontément que « Dieu, pour consoler Adam de la mort d’Abel, le lui avait donné, et que ce livre, par succession, était venu jusqu’à lui ». Il traita le roi pendant six mois et ne fit qu’irriter la maladie. — Dans ses intervalles lucides, le malheureux prince commandait qu’on enlevât tous les instruments dont il pourrait frapper. — J’aime mieux mourir, disait-il, que de faire du mal. — Il se croyait de bonne foi ensorcelé. Deux moines empiriques, à qui on eut l’imprudence de l’abandonner, lui donnèrent des # breuvages désagréables, lui firent des scarifications magiques ; puis ils furent pendus, comme ils s’y étaient obligés en cas que la santé du roi ne fut pas rétablie au bout de six mois de traitement. Au resle, la mode de ce temps-là était d’avoir près de soi des sorciers ou des charlatans, comme depuis les grands eurent des fous, des nains et des guenons[383].

Charles IX, roi de France. Croirait-on qu’un des médecins astrologues de Charles IX lui ayant assuré qu’il vivrait autant de jours qu’il pourrait tourner de fois sur son talon dans l’espace d’une heure, il se livrait tous les matins à cet exercice solennel, et que les principaux officiers de l’État, les généraux, le chancelier, les vieux juges pirouettaient tous sur un seul pied pour imiter le prince et lui faire leur cour[384] !

On assure qu’après le massacre politique de la Saint-Bar thélemi, par suite surtout de l’effroi que lui causaient les conspirateurs, Charles IX vit des corbeaux sanglants, eut des visions effroyables et reçut par divers tourments le présage de sa mort prématurée. On ajoute qu’il mourut au moyen d’images de cire faites à sa ressemblance, et maudites par art magique, que ses ennemis, les magiciens protestants, faisaient fondre tous les jours par les cérémonies de l’envoûtement, et qui éteignaient la vie du roi à mesure qu’elles se consumaient[385]. En ces temps-là, quand quelqu’un mourait de consomption ou de chagrin, on publiait que les sorciers l’avaient envoûté. Les médecins rendaient les sorciers responsables des malades qu’ils ne guérissaient pas ; — à moins qu’il n’y ait, dans ce crédit universel des sorciers, un mystère qui n’est pas encore expliqué.

Charles II, duc de Lorraine. Voy. Sabbat.

Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Il disparut après la bataille de Morat ; et, parmi les chroniqueurs, il en est qui disent qu’il fut emporté par le diable, comme Roderik ; d’autres croient qu’il se réfugia en une solitude et se fit ermite. Cette tradition a fait le sujet du romande M. d’Arlincourt intitulé le Solitaire.

Charles II, roi d’Angleterre. Quoique assez instruit, Charles II était, comme son père, plein de confiance dans l’astrologie judiciaire. Il recherchait aussi la pierre philosophale.

Charme, enchantement, sortilège, certain arrangement de paroles, en vers ou en prose, dont on se sert pour produire des effets merveilleux. Une femme de je ne sais quelle contrée, ayant grand mal aux yeux, s’en alla à une école publique et demanda à un écolier quelques mots magiques qui pussent charmer son mal et le guérir, lui promettant récompense. L’écolier lui donna un billet enveloppé dans un chiffon et lui défendit de l’ouvrir. Elle le porta et guérit. Une des voisines ayant eu la même maladie porta le billet et guérit pareillement. Ce double incident excita leur curiosité ; elles développent le chiffon et lisent : « Que le diable t’écarquille les deux yeux et te les bouche avec de la boue… »

Delrio cite un sorcier qui, en allumant une certaine lampe charmée, excitait toutes les personnes qui étaient dans la chambre, quelque graves et réservées qu’elles fussent, à danser devant lui. « Ces sortes de charmes, dit-il, s’opèrent ordinairement par des paroles qui font agir le diable. » Toute l’antiquité a remarqué que les sorciers charmaient les serpents, qui quelquefois tuent le charmeur. Un sorcier de Salzbourg, devant tout le peuple, fit assembler en une fosse tous les serpents d’une lieue à la ronde, et là les fit tous mourir, hormis le dernier, qui était grand, lequel, sautant furieusement contre le sorcier, le tua. « En quoi il appert que ce n’est pas le mot hipokindo, comme dit Paracelse, ni autres mots semblables, ni certaines paroles du psaume 9e qui font seuls ces prodiges ; car comment les serpents eussent-ils ouï la voix d’un homme d’une lieue à la ronde, si le diable ne s’en fût mêlé[386].

Nicétas indique à ce propos un charme qui s’opère sans le secours des paroles : « On tue un serpent, une vipère et tout animal portant aiguillon, dit-il, en crachant dessus avant déjeuner… » Figuier prétend qu’il a tué diverses fois des serpents de cette manière, « mouillant de sa salive un bâton ou une pierre, et en donnant un coup sur la tête du serpent… »

On cite un grand nombre d’autres charmes dont les effets sont moins vrais qu’étonnants. Dans quelques villages du Finistère, on emploie celui-ci : on place secrètement sur l’autel quatre pièces de six liards, qu’on pulvérise après la messe ; et cette poussière, avalée dans un verre de vin, de cidre ou d’eau-de-vie, rend invulnérable à la course et à la lutte[387]. Ces charmes se font au reste à Finsu du curé ; car l’Église a toujours sévèrement interdit ces superstitions.

Le Grand Grimoire donne un moyen de charmer les armes à feu et d’en rendre l’effet infaillible ; il faut dire en les chargeant : « Dieu y ait part, et le diable la sortie ; » et, lorsqu’on met en joue, il faut dire en croisant la jambe gauche sur la droite : Non tradas… Mathon. Amen, etc.

La plupart des charmes se font ainsi par des paroles dites ou tracées dans ce sens. Charme vient du mot latin carmen, qui signifie non-seulement des vers et de la poésie, mais une formule de paroles déterminées dont on ne doit point s’écarter. On nommait carmina les lois, les formules des jurisconsultes, les déclarations de guerre, les clauses d’un traité, les évocations des dieux[388]. Tite-Live appelle lex horrendi carminis la loi qui condamnait à mort Horace meurtrier de sa sœur.

Quand les Turcs ont perdu un esclave qui s’est enfui, ils écrivent une conjuration sur un papier qu’ils attachent à la porte de la hutte ou de la cellule de cet esclave, et il est forcé de revenir au plus vite, devant une main invisible qui le poursuit à grands coups de bâton[389].

Pline dit que de son temps, par le moyen de certains charmes, on éteignait les incendies, on arrêtait le sang des plaies, on remettait les membres disloqués, on guérissait la goutte, on empêchait un char de verser, etc. — Tous les anciens croyaient fermement aux charmes, dont la formule consistait ordinairement en certains vers grecs ou latins.

Bodin rapporte, au chap. v du liv. III de la Démonomanie, qu’en Allemagne les sorcières tarissent par charme le lait des vaches, et qu’on s’en venge par un contre-charme qui est tel : — On met bouillir dans un pot du lait de la vache tarie, en récitant certaines paroles (Bodin ne les indique pas) et frappant sur le pot avec un bâton.

En même temps le diable frappe la sorcière d’autant de coups, jusqu’à ce qu’elle ait ôté le charme.

On dit encore que si, le lendemain du jour où l’on est mis en prison, on avale à jeun une croûte de pain sur laquelle on aura écrit : Senozam, Gozoza, Gober, Dom, et qu’on dorme ensuite sur le côté droit, on sortira avant trois jours.

On arrête les voitures en mettant au milieu du chemin un bâton sur lequel sont écrits ces mots : Jérusalem, omnipolens, etc., convertis-toi, arrête-toi là. Il faut ensuite traverser le chemin par où l’on voit arriver les chevaux.

On donne à un pistolet la portée de cent pas, en enveloppant la balle dans un papier où l’on a inscrit le nom des trois rois. On aura soin, en ajustant, de retirer son haleine, et de dire : « Je te conjure d’aller droit où je veux tirer. »

Un soldat peut se garantir de l’atteinte des armes à feu avec un morceau de peau de loup ou de bouc, sur lequel on écrira, quand le soleil entre dans le signe du bélier : « Arquebuse, pistolet, canon ou autre arme à feu, je te commande que tu ne puisses tirer, de par l’homme, etc. »

On guérit un cheval encloué en mettant trois fois les pouces en croix sur son pied, en prononçant le nom du dernier assassin mis à mort, en récitant trois fois certaines prières[390]

Il y a une infinité d’autres charmes.

On distingue le charme de l’enchantement, en ce que celui-ci se faisait par des chants. Souvent on les a confondus. Voy. Contre-Charmes, Enchantements, Maléfices, Talismans, Paroles, Philactères, Ligatures, Chasse, Philtres, etc.

Chartier (Alain), poëte du commencement du quinzième siècle. On lui attribue un traité sur la Nature du feu de l’enfer, que nous ne sommes pas curieux de connaître.

Chartumins, sorciers chaldéens, qui étaient en grand crédit du temps du prophète Daniel.

Chasdins, astrologues de la Chaldée. Ils tiraient l’horoscope, expliquaient les songes et les oracles et prédisaient l’avenir par divers moyens.

Chassanion (Jean de), écrivain protestant du seizième siècle. On lui doit le livre « des Grands et redoutables jugements et punitions de Dieu advenus au monde, principalement sur les grands, à cause de leurs méfaits. » In-8o, Morges, 1581. Dans cet ouvrage très-partial, il se fait de grands miracles en faveur des protestants ; ce qui est prodigieux. Chassanion a écrit aussi un volume sur les géants[391].

Chasse. — Secrets merveilleux pour la chasse.


— Mêlez le suc de jusquiame avec le sang et la peau d’un jeune lièvre ; cette composition attirera tous les lièvres des environs. — Pendez le gui de chêne avec une aile d’hirondelle à un arbre ; tous les oiseaux s’y rassembleront de deux lieues et demie. — On dit aussi qu’un crâne d’homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons d’alentour. — Faites tremper une graine, celle que vous voudrez, dans la lie de vin, puis jetez-la aux oiseaux ; ceux qui en tâteront s’enivreront, et se laisseront prendre à la main.

Et le Petit Albert ajoute : « Ayez un hibou que vous attacherez à un arbre : allumez tout près un gros flambeau, faites du bruit avec un tambour ; tous les oiseaux viendront en foule pour faire la guerre au hibou, et on en tuera autant qu’on voudra avec du menu plomb. »

Pour la chasse de Saint-Hubert, Voy. Veneur. Voy. aussi Arthus, [[Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Texte entier#M. de la Forêt|M. de la Forêt]], Écureuils, etc.

En 1832, on vit à Francfort, aux premiers jours du printemps, un chasseur surnaturel qui est supposé habiter les ruines du vieux château gothique de Rodenstein. Il traversa les airs dans la nuit, avec un grand fracas de meutes, de cors de chasse, de roulements de voitures, ce qui infailliblement annonce la guerre, selon le préjugé du peuple[392].

Chassen (Nicolas), petit sorcier de Franeker, au dix-septième siècle ; il se distingua dès l’âge de seize ans. Ce jeune homme, Hollandais et calviniste, étant à l’école, faisait des grimaces étranges, roulait les yeux et se contournait tout le corps ; il montrait à ses camarades des cerises mûres au milieu de l’hiver ; puis, quand il les leur avait offertes, il les retirait vivement et les mangeait.

Dans le prêche, où les écoliers avaient une place à part, il faisait sortir de l’argent du banc où il était assis. Il assurait qu’il opérait tous ces* tours par le moyen d’un esprit malin qu’il appelait Sérug. — Balthazar Bekker dit dans le Monde enchanté[393] qu’étant à cette école, il vit sur le plancher un cercle fait de craie, dans lequel on avait tracé des signes dont l’un ressemblait à la tête d’un coq ; quelques chiffres étaient au milieu. Il remarqua aussi une ligne courbe comme la poignée d’un moulin à bras ; tout cela était à demi effacé. Les écoliers avaient vu Chassen faire ces caractères magiques. Lorsqu’on lui demanda ce qu’ils signifiaient, il se tut d’abord ; il dit ensuite qu’ils les avait faits pour jouer. On voulut savoir comment il avait des cerises et de l’argent ; il répondit que l’esprit les lui donnait.

— Qui est cet esprit ?

Beelzébuth, répondit-il.

Il ajouta que le diable lui apparaissait sous forme humaine quand il avait envie de lui faire du bien ; d’autres fois sous forme de bouc ou de veau ; qu’il avait toujours un pied contrefait, etc. « Mais, dit Bekker, on finit par reconnaître que tout cela n’était qu’un jeu que Chassen avait essayé pour se rendre considérable parmi les enfants de son âge ; on s’étonne seulement qu’il ait pu le soutenir devant tant de personnes d’esprit pendant plus d’une année. »

Chassi, démon auquel les habitants des îles Mariannes attribuent le pouvoir de tourmenter ceux qui tombent dans ses mains. L’enfer est pour eux la maison de Chassi.

Chastenet (Léonarde), vieille femme de quatre-vingts ans, mendiante en Poitou, vers 1591, et sorcière. Confrontée avec Mathurin Bonnevault, qui soutenait l’avoir vue au sabbat, elle confessa qu’elle y était allée avec son mari ; que le diable, qui s’y montrait en forme de bouc, était une bête fort puante. Elle nia qu’elle eût fait aucun maléfice. Cependant elle fut convaincue, par dix-neuf témoins, d’avoir fait mourir cinq laboureurs et plusieurs bestiaux. Quand elle se vit condamnée, pour ses crimes reconnus, elle confessa qu’elle avait fait pacte avec le diable, lui avait donné de ses cheveux, et promis de faire tout le mal qu’elle pourrait ; elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le diable était venu à elle, en forme de chat, « auquel ayant dit qu’elle voudrait être morte, icelui diable lui avait présenté deux morceaux de cire, lui disant qu’elle en mangeât, et qu’elle mourrait ; ce qu’elle n’avait voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire ; on les visita, et on ne put juger de quelle matière ils étaient composés. Cette sorcière fut donc condamnée, et ces morceaux de cire brûlés avec elle[394]. »

Chasteté. Les livres de secrets merveilleux, qui ne respectent rien, indiquent des potions qui, selon eux, ont pour effet de révéler la chasteté, mais qui, selon l’expérience, ne révèlent rien du tout.

Chat. Le chat tient sa place dans l’histoire de la superstition. Un soldat romain ayant tué par mégarde un chat en Égypte, toute la ville se souleva ; ce fut en vain que le roi intercéda pour lui, il ne put le sauver de la fureur du peuple. Observons que les rois d’Égypte avaient rassemblé dans Alexandrie une bibliothèque immense, et qu’elle était publique : les Égyptiens cultivaient les sciences, et n’en adoraient pas moins les chats[395].

Mahomet avait beaucoup d’égards pour son chat. L’animal s’était un jour couché sur la manche pendante de la veste du prophète, et semblait y méditer si profondément, que Mahomet, pressé de se rendre à la prière, et n’osant le tirer de son extase, coupa, dit-on, la manche de sa veste. A son retour, il trouva son chat qui revenait de son assoupissement, et qui, s’apercevant de l’attention de son maître, se leva pour lui faire la révérence et plia le dos en arc. Mahomet comprit ce que cela signifiait ; il assura au chat qui faisait le gros dos une place dans son paradis. Ensuite, passant trois fois la main sur l’animal, il lui imprima, par cet attouchement, la vertu de ne jamais tomber que sur ses pattes. Ce conte n’est pas ridicule chez les Turcs[396]. Voici une anecdote où le chat joue un mauvais rôle ; il est vrai que c’est un chat sauvage. Un aide de camp du maréchal de Luxembourg vint loger dans une auberge dont la réputation n’était pas rassurante. Le diable, disait-on, arrivait toutes les nuits dans une certaine chambre, tordait le cou à ceux qui osaient y coucher et les laissait étranglés dans leur lit. Un grand nombre de voyageurs remplissaient l’auberge quand l’aide de camp y entra ; on lui dit qu’il n’y avait malheureusement de vide que la chambre fréquentée par le diable, où personne ne voulait prendre gîte.

— Oh bien, moi, répondit-il, je ne serai pas fâché de lier connaissance avec lui ; qu’on fasse mon lit dans la chambre en question, je e charge du reste.

Vers minuit, l’officier vit descendre le diable par la cheminée, sous la figure d’une bête furieuse, contre laquelle il fallut se défendre. Il y eut un combat acharné, à coups de sabre de la part du militaire, à coups de griffes et de dents de la part de la bête ; cette lutte dura une heure. Mais le diable finit par rester sur la place ; l’aide de camp appela du monde : on reconnut un énorme chat sauvage, qui, selon le rapport de l’hôte, avait déjà étranglé quinze personnes[397].

On lit dans la Démonomanie de Bodin[398] que des sorciers de Vernon, auxquels on fit le procès en 1566, s’assemblaient ordinairement en grand nombre dans un vieux château sous la forme de chats. Quatre hommes qui avaient résolu d’y coucher se trouvèrent assaillis par cette multitude de chats ; l’un de ces hommes y fut tué, les autres blessés ; néanmoins ils blessèrent aussi plusieurs chattes, qui se trouvèrent après en forme de femmes, mais bien réellement mutilées…

On sait que les chats assistent au sabbat, qu’ils accompagnent les sorcières, et que lesdites sorcières, aussi bien que le diable leur maître, prennent volontiers la figure de cet animal. On lit dans Boguet qu’un laboureur près de Strasbourg fut assailli par trois gros chats, et qu’en se défendant il les blessa sérieusement. Une heure après, le juge fit mander le laboureur et le mit en prison pour avoir maltraité trois dames de la ville. Le laboureur étonné assura qu’il n’avait maltraité que des chats et en donna les preuves les plus évidentes : il en avait gardé de la peau. On le relâcha, parce qu’on vit que le diable était coupable en cette affaire.

On ne finirait pas si on rappelait tout ce que les démonomanes ont rêvé sur les chats. Boguet dit encore que la chatte étant frottée d’une herbe appelée népeta conçoit sur-le-champ, cette herbe suppléant au défaut du mâle[399]. Les sorciers se servent aussi de la cervelle des chats pour donner la mort ; car c’est un poison, selon Bodin et quelques autres[400].

Les matelots américains croient que si d’un navire on jette un chat vivant dans la mer, on ne manque jamais d’exciter une furieuse tempête. Voy. Blokula, Beurre des sorcières, Métamorphoses, Voltigeur hollandais, etc.

Château du diable. Plusieurs vieux manoirs portent ce nom dans des traditions et des contes populaires.

Chat-Huant. Voy. Chevesche, Chouette, Hibou.

Chatrab. C’est le nom que donnent les Arabes à l’être mystérieux que nous appelons loup-garou.

Chauche-Poulet. Voy. Cauchemar.

Chaudière. C’est ordinairement dans une chaudière de fer que, de temps immémorial, les sorcières composent leurs maléfices, qu’elles font bouillir sur un feu de verveine et d’autres plantes magiques.

Chaudron (Madeleine-Michelle), Genevoise, accusée d’être sorcière en 1652. On dit qu’ayant rencontré le diable en sortant de la ville réformée, elle lui rendit hommage, et que le diable lui imprima sur la lèvre supérieure son seing ou marque. Ce petit seing rend la peau insensible, comme l’affirment les démonographes. — Ledit diable ordonna à Michel le Chaudron d’ensorceler deux filles : elle obéit ; les parents l’accusèrent de magie ; les filles interrogées attestèrent qu’elles étaient possédées. On appela ceux qui passaient pour médecins ; ils cherchèrent sur Michelle Chaudron le sceau du diable, que le procès-verbal appelle les marques sataniques ; ils y enfoncèrent une aiguille. Michelle fit connaître par ses cris que les marques sataniques ne rendent point insensible. — Les juges protestants, ne voyant pas de preuve complète, lui firent donner la question. Cette malheureuse, cédant à la violence des tourments, confessa tout ce qu’on voulut. Elle fut brûlée, après avoir été pendue et étranglée ; chez les catholiques, on l’eût admise à pénitence’.

Chaudron du diable, gouffre qui se trouve au sommet du pic de Ténériffe. Les Espagnols ont donné le nom de Chaudron du diable à ce gouffre, à cause du bruit que l’on entend lorsqu’on y jette une pierre ; elle y retentit comme fait un vaisseau creux de cuivre contre lequel on frapperait avec un marteau d’une prodigieuse grosseur. Les naturels de l’île sont persuadés que c’est l’enfer, et que les âmes des méchants y font leur séjour[401].

Chauve-Souris. Les Caraïbes regardent les chauves-souris comme de bons anges qui veillent


à la sûreté des maisons durant la nuit ; les tuer, chez eux, est un sacrilège : chez nous, c’est un des animaux qui figurent au sabbat.

Chavigny (Jean-Aimé de), astrologue, disciple de Nostradamus., mourut en 1604. Il a composé : la Première face du Janus français, contenant les troubles de France depuis 1534 jusqu’en 1589 ; Fin de la maison valésienne, extraite et colligée des Centuries et commentaires de Michel Nostradamus (en latin et en français), Lyon, 1594, in-8o ; et nouvelle édition, augmentée, sous le titre de Commentaires sur les Centuries et pronostications de Nostradamus, Paris, in—8°, rare ; les Pléiades, divisées en sept livres, prises des anciennes prophéties, et conférées avec les oracles de Nostradamus, Lyon, 1603 ; la plus ample édition est de 1606. C’est un recueil de prédictions dans lesquelles l’auteur promet à Henri VI l’empire de l’univers. Voy. Nostradamus.

Chax ou Scox, démon. Voy. Scox.

Cheke, professeur de grec à Cambridge, mort en 1557. Il a écrit un livre[402] qu’il adressa au roi Henri VIII, et qu’il plaça à la tête de sa traduction latine du traité de Plutarque De la superstition. Il avait des connaissances en astrologie et croyait fermement à l’influence des astres, quoiqu’ils lui promissent du bonheur, tout juste à des époques où il devenait le plus malheureux.

Chemens, génies ou esprits que les Caraïbes supposent chargés de veiller sur les hommes. Ils leur offrent les premiers fruits et placent ces offrandes dans un coin de leur hutte, sur une table faite de nattes, où ils prétendent que les génies se rassemblent pour boire et manger ; ils en donnent pour preuve le mouvement des vases et le bruit qu’ils se persuadent que font ces divinités en soupant.

Chemim est chez les Caraïbes le grand esprit ou l’être suprême, comme on disait en 1793.

Chemise de nécessité. Les sorcières allemandes portaient autrefois une chemise faite d’une façon détestable, et chargée de croix mêlées à des caractères diaboliques, par la vertu de laquelle elles se croyaient garanties de tous maux[403]. On l’appelait la chemise de nécessité. — Les habitants du Finistère conservent encore quelques idées superstitieuses sur les chemises des jeunes enfants. Ils croient que si elles enfoncent dans l’eau de certaines fontaines, l’enfant meurt dans l’année ; il vit longtemps, au contraire, si ce vêtement surnage.

Cheriour, ange terrible, chargé de punir le crime et de poursuivre les criminels, selon la doctrine des guèbres.

Chesnaye des Bois (François-Alexandre-Aubert de la), capucin, mort en 1784. On a de lui : l’Astrologue dans le puits, 1740, in-12 ; et Lettres critiques, avec des songes moraux, sur les songes philosophiques de l’auteur des Lettres juives (le marquis d’Argens), in-12, 1745.

Cheteb ou Chereb. Voy. Deber.


Cheval. Mahomet, voulant ennoblir ce bel animal, raconte que, quand Dieu se décida à créer le cheval, il appela le vent du midi et lui dit : « Je veux tirer de ton sein un nouvel être ; condense-toi en te dépouillant de ta fluidité. » Et il fut obéi. Alors il prit une poignée de cet élément, souffla dessus, et le cheval parut.

Le cheval était chez les anciens un instrument à présages pour la guerre. Les Suèves, qui habitaient la Germanie, nourrissaient à frais communs, dans des bois sacrés, des chevaux dont ils tiraient des augures. Le grand prêtre et le chef de la nation étaient les seuls qui pouvaient les toucher : ils les attachaient aux chariots sacrés et observaient avec attention leurs hennissements et leurs frémissements. Il n’y avait pas de présages auxquels les prêtres et les principaux de la nation ajoutassent plus de foi. On voit encore que chez certains peuples on se rendait les divinités favorables en précipitant des chevaux dans les fleuves. Quelquefois on se contentait de les laisser vivre en liberté dans les prairies voisines, après les avoir dévoués. Jules César, avant de passer le Rubicon, voua à ce fleuve un grand nombre de chevaux qu’il abandonna dans les pâturages des environs.

Une tradition superstitieuse portait qu’une espèce de chevaux, qu’on nommait arzels, et qui ont une marque blanche au pied de derrière du côté droit, était malheureuse et funeste dans les combats. — Anciennement on croyait aussi que les chevaux n’avaient pas de fiel ; mais c’est une erreur aujourd’hui presque généralement reconnue. Voy. Drapé, Bayard, Troupeaux, etc.

Chevalier (Guillaume), gentilhomme béarnais, auteur d’un recueil de quatrains moraux, intitulé le Décès ou Fin du monde, divisée en trois visions, in-8o, 1584.

Chevalier impérial. Voy. Espagnet, à la note.

Chevaliers de l’enfer. Ce sont des démons plus puissants que ceux qui n’ont aucun titre, mais moins puissants que les comtes, les marquis et les ducs. On peut les évoquer depuis le lever de l’aurore jusqu’au lever du soleil, et depuis le coucher du soleil jusqu’à la nuit[404].

Chevanes (Jacques), capucin, plus connu sous le nom de Jacques d’Autun, du lieu de sa naissance, mort à Dijon en 1678. On a de lui l’Incrédulité savante et la crédulité ignorante, au sujet des magiciens et des sorciers. Lyon, 1671, in-4o. Ce recueil, plein d’excentricités curieuses, dont nous rapportons en leur lieu les passages remarquables, est une réponse à l’apologie de Naudé pour tous les grands personnages soupçonnés de magie. Heureusement pour l’auteur, dit l’abbé Papillon, l’irascible Naudé était mort depuis longtemps quand ce livre parut.

Chevesche, espèce de chouette, que Torquemada définit un oiseau nocturne fort bruyant, lequel tâche d’entrer où sont les enfants ; et, quand il y est, il leur suce le sang du corps et le boit. Les démonographes ont donné le nom de chevesche aux sorcières, parce que, semblables à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux qu’elles peuvent saisir, et principalement des petits enfants[405]. C’est sans doute là l’idée mère des vampires. Les sorcières qui sucent le sang ont aussi quelque analogie avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies et Gholes.

Cheveux. « Prenez des cheveux d’une femme dans ses jours de maladie ; mettez-les sous une terre engraissée de fumier, au commencement du printemps, et, lorsqu’ils seront échauffés par la chaleur du soleil, il s’en formera des serpents[406]… »

Quelques conteurs assurent que les mauvais anges étaient amoureux des cheveux des femmes, et que les démons incubes s’attachent de préférence aux femmes qui ont de beaux cheveux. — Les sorcières donnent de leurs cheveux au diable, comme arrhes du contrat qu’elles font avec lui ; le démon les coupe très-menus, puis les mêle avec certaines poudres : il les remet aux sorciers, qui s’en servent pour faire tomber la grêle ; d’où vient qu’on trouve ordinairement dans la grêle de petits poils, qui n’ont pas une autre origine… On fait encore avec ces mêmes cheveux, divers maléfices[407].

On croit en Bretagne qu’en soufflant des cheveux en l’air on les métamorphose en animaux ; les petits garçons de Plougasnou qui font des échanges entre eux confirment la cession en soufflant au vent un cheveu, parce que ce cheveu était autrefois l’emblème de la propriété. Des cheveux dans les temps modernes ont même été trouvés sous des sceaux : ils tenaient lieu de signatures[408].

Enfin il y a des personnes qui croient qu’il faut observer les temps pour se couper les cheveux et se rogner les ongles. — Autrefois on vénérait le toupet, par lequel les Romains juraient, et qu’on offrait aux dieux. Il paraît qu’ils étaient sensibles à ces présents, puisque, quand Bérénice eut offert sa chevelure, ils en firent une constellation. — Chez les Francs, c’était une politesse de donner un de ses cheveux, et les familles royales avaient seules le privilège de les laisser pousser dans tout leur développement.

En Hollande, beaucoup de gens croient qu’en vendant leurs cheveux à un perruquier, ils auront par sympathie les maux de tête de ceux qui les porteront. Une dame âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à la Haye de beaux cheveux blancs d’argent, très-abondants et très-longs. Le tondeur lui en offrit 20 florins (42 francs). Elle aima mieux les brûler. — J’aurais, dit-elle, toutes les douleurs que mes cheveux couvriraient.

Chevillement, sorte de maléfice employé par les sorciers et surtout par les bergers. Il empêche d’uriner. Le nom de ce maléfice lui vient de ce que pour le faire on se sert d’une cheville de bois ou de fer qu’on plante dans la muraille, en faisant des conjurations, « J’ai connu une personne, dit Wecker, qui mourut du chevillement : il est vrai qu’elle avait la pierre. » Et le diable, qui parfois aime à se divertir, chevilla un jour la seringue d’un apothicaire en fourrant sa queue dans le piston. Voy. Noals. — Pour empêcher l’effet de ce charme, il faut cracher sur son soulier du pied droit avant de s’en chausser. Ce qui approche de ce qu’on lit dans Tibulle, que les anciens crachaient dans leur sein par trois fois pour se désensorceler ou empêcher le sortilège. On voit dans un livre intitulé l’Urotopégnie ou chevillement, que les tonneaux, les fers, les fours, les lessives, les moulins à vent et ceux qui sont sur les ruisseaux et rivières, peuvent être pareillement liés et maléficiés. Voy. Ligatures.

Chèvres. Ces animaux étaient fort révérés à Mendès en Égypte. Il était défendu d’en tuer, parce qu’on croyait que Pan, la grande divinité de cette ville, s’était caché sous la figure d’une chèvre ou plutôt d’un bouc ; aussi le représentait-on avec une face de bouc, et on lui immolait des brebis. Voy. Capricorne. Souvent des démons et des sorciers ont pris la forme de chèvre. Claude Chappuis de Saint-Amour, qui suivit l’ambassadeur de Henri III près la sublime Porte, conte qu’il vit sur une place publique de Constantinople des bateleurs qui faisaient faire à des chèvres plusieurs tours d’agilité et de passe-passe tout à fait admirables ; après quoi, leur mettant une écuelle à la bouche, ils leur commandaient d’aller demander la pièce, pour leur entretien, tantôt au plus beau ou au plus laid, tantôt au plus riche ou au plus vieux de la compagnie : ce qu’elles faisaient dextrement, entre quatre à cinq mille personnes, et avec une façon telle, qu’il semblait qu’elles voulussent parler. Or, qui ne voit clairement que ces chèvres étaient hommes ou femmes ainsi transmués, ou démons déguisés[409] ?… Voy. Bouc.


Chibados, secte de sorciers qui font merveille au royaume d’Angola.

Chicota, oiseau des îles Tonga, qui a l’habitude de descendre du haut des airs en poussant de grands cris. Les naturels sont persuadés qu’il a le don de prédire l’avenir. Quand il s’abaisse près d’un passant, on croit que c’est pour lui annoncer quelque malheur.

Chicus Æsculanus. Voy. Cecco d’Ascoli.

Chien. Les chiens étaient quelquefois les compagnons des magiciens. C’était le diable qui les suivait sous cette forme, pour donner moins à


soupçonner. Mais on le reconnaissait malgré ses déguisements. Léon de Chypre écrit que le diable sortit un jour d’un possédé sous la figure d’un chien noir. — C’est surtout la couleur noire que le diable prend sous une peau de chien. De bonnes gens se noient assez fréquemment à Quimper. Les vieilles et les enfants assurent que c’est le diable, en forme de gros chien noir qui précipite les passants dans la rivière[410]. Il y a beaucoup de superstitions qui tiennent au chien dans le Finistère, où les idées druidiques ne sont pas toutes éteintes. On croit encore dans le canton sauvage de Saint-Ronal que l’âme des scélérats passe dans le corps d’un chien noir. Les anciens mages croyaient aussi que les démons se montraient en forme de chiens ; et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte qu’un mauvais génie travesti en chien noir vint annoncer à Cimon qu’il mourrait bientôt.

Un charlatan, du vivant de Justinien, avait un chien si habile que, quand toutes les personnes d’une assemblée avaient mis à terre leurs anneaux, il les rendait sans se tromper, l’un après l’autre, à qui ils appartenaient. Ce chien distinguait aussi dans la foule, lorsque son maître le lui ordonnait, les riches et les pauvres, les gens honnêtes et les fripons : « Ce qui fait voir, dit Leloyer, qu’il y avait là de la magie, et que ce chien était un démon[411]. »

Delancre conte qu’en 1530 le démon, par le moyen d’un miroir, découvrit, à un pasteur de Nuremberg, des trésors cachés dans une caverne près de la ville et enfermés dans des vases de cristal. Le pasteur prit avec lui un de ses amis pour lui servir de compagnon ; ils se mirent à fouiller et découvrirent une espèce de coffre, auprès duquel était couché un énorme chien noir. Le pasteur s’avança avec empressement pour se saisir du trésor ; mais à peine fut-il entré dans la caverne qu’elle s’enfonça sous ses pieds et l’engloutit[412]. Notez que c’est un conte et que personne n’a vu le grand chien. Mais on peut juger par ces traits quelle idée avaient des chiens les peuples mal civilisés. Chez les anciens, on appelait les furies les chiennes de l’enfer ; on sacrifiait des chiens noirs aux divinités infernales. Chez nos pères on pendait entre deux chiens les plus grands criminels.

Quelques peuples pensaient pourtant autrement ; on a même honoré le chien d’une manière distinguée. Élien parle d’un pays d’Éthiopie dont les habitants avaient pour roi un chien ; ils prenaient ses caresses et ses aboiements pour des marques de sa bienveillance ou de sa colère. Les guèbres ont une grande vénération pourles chiens. On lit dans Tavernier que, lorsqu’un guèbre est à l’agonie, les parents prennent un chien dont ils appliquent la gueule sur la bouche du mourant, afin qu’il reçoive son âme avec son dernier soupir. Le chien leur sert encore à faire connaître si le défunt est parmi les élus. Avant d’ensevelir le corps, on le pose à terre : on amène un chien qui n’ait pas connu le mort, et, au moyen d’un morceau de pain, on l’attire le plus près du corps qu’il est possible. Plus le chien en approche, plus le défunt est heureux. S’il vient jusqu’à monter sur lui et à lui arracher de la bouche un morceau de pain qu’on y a mis, c’est une marque assurée que le défunt est dans le paradis des guèbres. Mais l’éloignement du chien est un préjugé qui fait désespérer du bonheur du mort.

Il y a aussi des gens qui tiennent à honneur de descendre d’un chien. Les royaumes de Pégu et de Siam reconnaissent un chien pour chef de leur race. À Pégu et à Siam on a donc grand respect pour les chiens, si maltraités ailleurs[413]. La population du Liban, qui s’élève à quatre cent mille âmes, est composée de trois races, les Ansariés, les Druses et les Maronites. Les Ansariés sont idolâtres. Les uns parmi eux professent le culte du soleil ; les autres celui du chien[414]. On a toutefois honoré quelques individus de cette race : tel est le dogue espagnol Bérecillo, qui dévorait les Indiens à Saint-Domingue, et qui avait par jour la paye de trois soldats…

Il y aurait encore bien des choses à dire sur les chiens. En Bretagne surtout, les hurlements d’un chien égaré annoncent la mort. Il faut que le chien de la mort soit noir ; et s’il aboie tristement à minuit, c’est une mort inévitable qu’il annonce à quelqu’un de la famille pour la personne qui l’entend. Wierus dit qu’on chasse à jamais les démons en frottant les murs de la chambre qu’ils infestent avec le fiel ou le sang d’un chien noir[415]. Voy. Adranos, Agrippa, Bragadini, Dormants, etc.

M. Ménechet, dans sa spirituelle description des superstitions du pays de Galles, parle d’une espèce de chiens assez merveilleux pour mériter ici une mention : « Les cwes anmon (chiens d’enfer), que l’on appelle aussi quelquefois cwes wyloir (chiens du ciel), forment, dit-il, une meute fort extraordinaire. Les personnes qui ont l’ouïe assez fine pour cela les entendent souvent courir la chasse dans les airs, quoique l’on ne dise pas quel est le gibier qu’ils poursuivent. On assure qu’ils sont surtout bruyants peu de temps avant la mort des personnes très-perverses. Les uns disent que ces animaux sont blancs et ont les oreilles rouges ; d’autres prétendent, au contraire, qu’ils sont tout noirs. Ils sont peut-être de la nature du caméléon, qui se nourrit d’air comme eux. »

Chifflet (Jean), chanoine de Tournay, né à Besançon vers 1611. Il a publié : Joannis Macarii Abraxas, seu Apistopistus, quæ est antiquaria de gemmis basilidianis disquisitio, commenlariis illust., Anvers, 1657, in-4o. Cette dissertation traite des pierres gravées portant le nom cabalistique Abraxas, par lequel Basilide, hérétique du deuxième siècle, désignait le Dieu créateur et conservateur. Elle est curieuse, et les commentaires que Chifïlet y a joints sont estimés.

Chija ou Chaja (Abraham Ben), rabbin espagnol du onzième siècle. Il a écrit en hébreu le Volume du Révélateur ; il y traite de l’époque où viendra le Messie et de celle où se fera la résurrection générale. Pic de la Mirandole cite cet ouvrage dans son traité contre les astrologues.

Childéric Ier. Voy. Bazine et Cristallomancie.

Childéric III, fils de Chilpéric II, et dernier des rois de la première race. Il publia, en 742, un édit contre les sorciers, où il ordonne que chaque évêque, aidé du magistrat défenseur des églises, mette tous ses soins à empêcher le peuple de son diocèse de tomber dans les superstitions païennes. Il défend les sacrifices aux mânes, les sortilèges, les philtres, les augures, les enchantements, les divinations, etc.

Chilpéric Ier, roi de France, fils de Clotaire Ier. Saint Grégoire de Tours rapporte, sur le témoignage de Gontrand, frère de Chilpéric, cette vision merveilleuse. Gontrand vit l’âme de son frère Chilpéric liée et chargée de chaînes, qui lui fut présentée par trois évêques. L’un était Tétricus, l’autre Agricola, le troisième Nicétius de Lyon. Agricola et Nicétius, plus humains que l’autre, disaient : — Nous vous prions de le détacher, et, après l’avoir puni, de permettre qu’il s’en aille. L’évêque Tétricus répondit avec amertume de cœur : — Il n’en sera pas ainsi ; mais il sera châtié à cause de ses crimes. — Enfin, dit Gontrand, le résultat fut de précipiter cette pauvre âme dans une chaudière bouillante que j’aperçus de loin. Je ne pus retenir mes larmes lorsque je vis le misérable état de Chilpéric, jeté dans la chaudière, où tout à coup il parut fondu et dissous[416].

Chimère, monstre imaginaire, né en Lycie, que les poètes disent avoir été vaincu par Bellérophon ; il avait la tête et l’estomac d’un lion, le ventre d’une chèvre et la queue d’un dragon. Sa gueule béante vomissait des flammes. Les démonographes disent que c’était un démon.

Chimie. On la confondait autrefois avec l’alchimie. La chimie, selon les Persans, est une science superstitieuse qui tire ce qu’il y a de plus subtil dans les corps terrestres pour s’en servir aux usages magiques. Ils font Caron (le Coré du Pentateuque) inventeur de cette noire science qu’il apprit, disent-ils, de Moïse. Louis de Fontenettes, dans l’épître dédicatoire de son Hippocrate dépaysé, dit que « d’aucuns prétendent que » la chimie, qui est un art diabolique, a été inventée par Cham. »

China, idole de la Sénégambie. Elle a une tête de veau ; on lui offre en sacrifice du miel qu’on fait brûler, pour obtenir de bonnes récoltes.

Chion, philosophe d’Héraclée, disciple de Platon. Il fut averti en songe de tuer Cléarque, tyran d’Héraclée, qui était son ami. Il lui sembla voir une femme qui lui mit devant les yeux la bonne renommée qu’il acquerrait par le meurtre du tyran ; et, poussé par cette vision, il le tua. Mais ce qui prouve que c’était une vision diabolique, c’est que Cléarque, tyran tolérable, ayant été tué, fut remplacé par Satyre, son frère, bien plus cruel que lui, et que rien ne pouvait adoucir.

Chiorgaur. Voy. Gaurie.

Chiridirellès, démon qui secourt les voyageurs dans leurs besoins, et qui leur enseigne leur chemin lorsqu’ils sont égarés. On dit qu’il se montre à ceux qui l’invoquent sous la forme d’un passant à cheval.

Chiromancie ou Chiroscopie, art de dire la bonne aventure par l’inspection des lignes de la main. Cette science, que les bohémiens ont rendue célèbre, est, dit-on, très-ancienne. Nous en exposons les principes à l’article Main.

Chiron, non pas centaure, mais Hippocentaure, car, fils de Saturne, il était moitié Dieu et moitié cheval.

Chodar, démon que les nécromanciens nomment aussi Bélial ; il a l’orient pour district, et commande aux démons des prestiges.

Choquet (Louis), auteur d’un mystère très-rare intitulé l’Apocalypse de saint Jean Zèbédée, où sont comprises les visions et révélations qu’icelui saint Jean eut en l’île de Patmos ; In-fol, Paris, 1541.

Chorropique (Marie), sorcière bordelaise du temps de Henri IV, qui confessa s’être donnée au diable par le moyen d’un nommé Augerot d’Armore, lequel la mena dans une lande où elle trouva un grand seigneur vêtu de noir, avec la figure voilée. Il était entouré d’une infinité de gens richement habillés. Marie Chorropique ayant prononcé le nom de Jésus, tout disparut incon— tinent. Son guide ne vint la reprendre que trois heures après, la tança d’avoir prononcé le nom de Notre-Seigneur, et la conduisit au sabbat près d’un moulin, où elle retrouva le même seigneur noir, avec un nommé Menjoin, qui portait un pot de terre plein de grosses araignées enflées d’une drogue blanche, et deux crapauds qu’on tua à coups de gaule, et qu’on chargea Marie d’écorcher.

Ensuite, Augerot pila ces araignées dans un mortier avec les crapauds. On jeta cette composition sur des pâturages pour faire mourir les bestiaux. Après quoi, ces gens s’en allèrent au bourg d’Irauris, où ils prirent sans bruit un enfant au berceau. Augerot et Menjoin l’étranglèrent et le mirent entre son père et sa mère qui dormaient, afin que le père crût que sa femme l’avait étouffé, et que la mère à son tour accusât son mari. Ils en empoisonnèrent d’autres. Dans toutes ces exécutions, Marie Chorropique attendait les deux bandits à la porte. Que penser de ces récits ?

Elle dit encore que, dans un sabbat, elle vit deux sorcières qui apportèrent le cœur d’un enfant dont la mère s’était fait avorter, et qu’elles le gardèrent pour en faire un sacrifice au diable. Cette horrible sorcière fut brûlée le 2 octobre 1576[417].

Chouette, espèce de hibou de la grosseur d’un pigeon. La chouette ne paraît qu’au point du jour ou à l’approche de la nuit. Chez les Athéniens et les Siciliens, cet oiseau était d’un bon augure ; partout ailleurs, la rencontre d’une chouette est d’un mauvais présage. Cette superstition vit encore dans plusieurs contrées. Voy. Chevesche.

Choun, divinité adorée chez les Péruviens, qui racontaient ainsi son histoire : — Il vint des parties septentrionales un homme qui avait un corps sans os et sans muscles, et qui s’appelait Choun ; il abaissait les montagnes, comblait les vallées et se frayait un chemin dans les lieux inaccessibles. Ce Choun créa les premiers habitants du Pérou ; il leur apprit à se nourrir des herbes et des fruits sauvages. Mais un jour, offensé par quelques Péruviens, il convertit en sables arides une partie de la terre, auparavant très-fertile partout ; il arrêta la pluie, dessécha les plantes ; et ensuite, ému de compassion, il ouvrit les fontaines et fit couler les rivières, pour réparer le mal qu’il avait causé… C’est un système qui n’est pas plus bête que celui des philosophes modernes.

Choux. Une croyance qui n’est pas extrêmement rare, c’est qu’on ne doit pas manger de choux le jour de saint Étienne, parce qu’il s’était caché dans un carré de choux pour éviter le martyre[418]… Conte très-stupide et superstition très-absurde.

Chrétiens. Dans les persécutions, on les accusait de magie.

Christolytes, hérétiques du sixième siècle, qui disaient que Notre-Seigneur avait laissé son corps et son âme aux enfers, et qu’il n’était remonté aux cieux qu’avec sa divinité.

Christophe. Autrefois, d’après une opinion exprimée par ce vers :

Christophorum videas postea tutus eas,

on croyait que celui qui avait vu quelque image de saint Christophe le matin était en sûreté toute la journée.

Christoval de la Garrade. Voy. Mamssane.

Chrysolithe, pierre précieuse qu’Albert le Grand regarde comme un préservatif contre la folie. Elle a encore, dit-il, la vertu de mettre le repentir dans le cœur de l’homme qui a fait des fautes…

Chrysomallon, nom du fameux bélier qui portait la toison d’or. On dit qu’il volait dans les airs, qu’il nageait en perfection, qu’il courait avec la légèreté d’un cerf, et que Neptune, dont il était le fils, l’avait couvert de soie d’or au lieu de laine. Il avait aussi l’usage de la parole, et donnait de bons avis. Il est le premier signe du zodiaque.

Chrysopée, œuvre d’or. C’est le nom grec que les alchimistes donnent à la pierre philosophai, ou à l’art de transmuer tous les métaux en or pur.

Chrysopole, démon. Voy. Olive.

Chrysoprase, pierre précieuse à laquelle la superstition attachait la propriété de fortifier la vue, de réjouir l’esprit et de rendre l’homme libéral et joyeux.

Ciaconius. Voy. Chacon.

Cicéron (Marcus Tullius). Leloyer dit qu’un spectre apparut à la nourrice de Cicéron : c’était, un démon de ceux qu’on appelle génies familiers. Il lui prédit qu’elle allaitait un enfant qui, un jour, ferait grand bien à l’État. « Mais d’où tenait-il tout cela ? me dira-t-on. Je répondrai : C’est la coutume du diable de bégayer dans les choses futures[419]. » Cicéron devint en effet ce qu’on sait. C’est lui qui disait qu’il ne concevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire. Il a combattu quelques idées superstitieuses dans plusieurs de ses ouvrages, surtout dans les trois livres de la Nature des dieux, et dans les Tusculanes. Dans ses deux livres de la Divination, il reconnaît aux hommes le don de lire dans l’avenir.

Valère-Maxime conte que Cicéron, ayant été proscrit par les triumvirs, se retira dans sa maison de Formies, où les satellites des tyrans ne tardèrent pas à le poursuivre. Dans ces moments de trouble, il vit un corbeau arracher l’aiguille d’un cadran : c’était lui annoncer que sa carrière était finie. Le corbeau s’approcha ensuite de lui, comme pour lui faire sentir qu’il allait bientôt être sa proie, et le prit par le bas de sa robe, qu’il ne cessa de tirer que quand un esclave vint dire à l’orateur romain que des soldats arrivaient pour lui donner la mort. Les corbeaux d’aujourd’hui sont plus sauvages.

Ciel. Un tel article ne peut entrer dans ce dictionnaire qu’à propos de quelques folles croyances. Les musulmans admettent neuf cieux. Il y eut parmi les chrétiens des hérétiques qui en annonçaient trois cent soixante-cinq, avec des anges spécialement maîtres de chaque ciel. Voy. Basilide.

Bodin assure qu’il y a dix cieux, qui sont marqués par les dix courtines du tabernacle et par ces mots : « Les cieux sont les œuvres de tes doigts, » qui sont au nombre de dix[420]… Les rabbins prétendent que le ciel tourne sans cesse, et qu’il y a au bout du monde un lieu où le ciel touche la terre. On lit dans le Talmud que le rabbin Bar-Chana, s’étant arrêté en cet endroit pour se reposer, mit son chapeau sur une des fenêtres du ciel, et que, l’ayant voulu reprendre un moment après, il ne le retrouva plus, les cieux l’ayant emporté dans leur course : de sorte qu’il fallut qu’il attendît la révolution des mondes pour le rattraper.

Cienga. C’est chez quelques peuples de l’Océanie le mauvais esprit, le démon.

Cierges. On allume deux cierges à Scaer, en Bretagne, au moment du mariage ; on en place un devant le mari, l’autre devant la femme : la lumière la moins brillante indique celui des deux qui doit mourir le premier. L’eau et le feu, comme « chez les anciens, jouent un grand rôle chez les Bretons. Du côté de Guingamp, et ailleurs, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un cierge allumé sur un pain qu’on abandonne au cours de l’eau : on trouve, dit-on, le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête[421].

Cigogne. On croit que les cigognes préservent des incendies les maisons où elles se retirent. Cette erreur n’est plus très-répandue. On a dit aussi que les cigognes ne s’établissaient que dans les États libres ; mais les Égyptiens, qui eurent toujours des rois, leur rendaient un culte ; et c’était un crime capital en Thessalie, qui était monarchique, de tuer une cigogne, parce que le pays est plein de serpents, et que les cigognes les détruisent. Elles sont enfin très-communes et très-protégées en Turquie, en Égypte et en Perse, où l’on ne songe guère aux idées républicaines.

Cilano (George-Chrétien-Maternus de), Hongrois du dix-huitième siècle, qui a écrit un livre de l’Origine et de la Célébration des Saturnales chez les Romains[422], et (sous le nom d’Antoine Signatelli) des Recherches sur les géants[423].

Cimeriès, grand et puissant démon, marquis de l’empire infernal. Il commande aux parties africaines. Il enseigne la grammaire, la logique et la rhétorique ; il découvre les trésors et révèle les choses cachées ; il rend l’homme léger à la course, et donne aux bourgeois la tournure fringante des militaires. Le marquis Cimeriès, capitaine de vingt légions, est toujours à cheval sur un grand palefroi noir[424].

Cimetière. Il n’était pas permis en Espagne, au quatrième siècle, d’allumer des cierges en plein jour dans les cimetières, de peur d’inquiéter les esprits. On croyait que les âmes des trépassés fréquentaient les cimetières où leurs corps étaient


enterrés[425] ; et le clergé eut 1 quelque peine à détruire cette opinion. On croit encore aujourd’hui dans les campagnes que les âmes du purgatoire reviennent dans les cimetières ; on dit même que les démons aiment à s’y montrer, et que c’est pour les écarter qu’on y plante des croix. On conte des anecdotes effrayantes. Peu de villageois traverseraient le cimetière à minuit : ils ont toujours l’histoire de l’un d’entre eux rossé par une âme (ou plutôt par un mauvais plaisant) qui lui a reproché de troubler sa pénitence. Henri Estienne et les ennemis du catholicisme ont forgé des aventures facétieuses, où ils attribuent de petites fraudes aux gens d’église pour maintenir cette croyance ; mais ces historiettes sont des inventions calomnieuses. On a vu quelquefois, dans les grandes chaleurs, des exhalaisons enflammées sortir des cimetières ; on sait aujourd’hui qu’elles ont une cause naturelle.

Cimmériens, peuples qui habitaient autour des Palus-Méotides, et dont les Cimbres sont les descendants. Beaucoup de savants ont placé dans ce pays l’antre par lequel on allait aux enfers. Leloyer dit que les Cimmériens étaient de grands sorciers, et qu’Ulysse ne les alla trouver que pour interroger par leur moyen les esprits de l’enfer.

Cimon, général athénien, fils de Miltiade. Ayant vu en songe une chienne irritée qui aboyait contre lui et qui lui disait d’une voix humaine : — « Viens, tu me feras plaisir à moi et à mes petits, » il alla consulter un devin nommé Astyphile, qui interpréta sa vision de cette manière : — « Le chien est ennemi de celui contre lequel il aboie ; or, on ne pourrait faire à son ennemi un plus grand plaisir que de mourir ; et ce mélange de la voix humaine avec l’aboi dénote un Mède qui vous tuera. » Les Grecs étaient en guerre avec les Perses et les Mèdes : il y avait donc chance. Malheureusement pour le devin, le songe ne s’accomplit pas, et Cimon ne mourut que de maladie.

Cincinnatulus ou Cincinnatus ( le petit frisé ), esprit qui, au rapport de Rhodiginus, parlait par la bouche d’une femme nommée Jocaba, laquelle était ventriloque.

Cinq. Les Grecs modernes se demandent excuse en prononçant le nombre cinq, qui est du plus mauvais augure, parce qu’il exprime un nombre indéfini, réprouvé par les cabalistes.

Ciones. Voy. Kiones.

Cippus Venelius, chef d’une partie de l’Italie, qui, pour avoir assisté à un combat de taureaux et avoir eu toute la nuit l’imagination occupée de cornes, se trouva un front cornu le lendemain. D’autres disent que ce prince, entrant victorieux à Rome, s’aperçut, en se penchant au-dessus des eaux du Tibre, car il n’avait pas de miroir, qu’il lui était poussé des cornes. Il consulta les devins pour savoir ce que lui présageait une circonstance si extraordinaire. On pouvait expliquer ce prodige de plusieurs façons ; on lui dit seulement que c’était une marque qu’il régnerait dans Rome ; mais il n’y voulut plus entrer. Cette modération est plus merveilleuse que les cornes.

Circé, fameuse magicienne qui changea les compagnons d’Ulysse en pourceaux. Elle savait composer des potions magiques et des enchantements par lesquels elle troublait l’air, excitait les grêles et les tempêtes, et donnait aux hommes des maladies de corps et d’esprit. Saint Jean Chrysostome regarde la métamorphose des compagnons d’Ulysse comme une vive allégorie.

Circoncellions, fanatiques du quatrième siècle, de la secte des donatistes. Ils parurent en Afrique. Armés d’abord de bâtons qu’ils appelaient bâtons d’Israël, ils commettaient tous les brigandages, sous prétexte de rétablir l’égalité. Ils prirent bientôt des armes plus offensives pour tuer les catholiques. On les appelait aussi scotopètes. Ils faisaient grand cas du diable et l’honoraient en se coupant la gorge, en se noyant, en se jetant, eux et leurs femmes, dans les précipices. A la suite de Frédéric Barberousse, au. treizième siècle, on vit reparaître des circonceliions qui damnaient les catholiques. Ces violents sectaires, qui pratiquaient le meurtre contre eux-mêmes et contre les autres, à l’une et l’autre époque, ne durèrent pas longtemps.

Cire. C’est avec de la cire que les sorcières composaient les petites figures magiques qu’elles faisaient fondre lorsqu’elles voulaient envoûter et faire périr ceux qu’elles avaient pour ennemis. On décapita à Paris, en 157/t, un gentilhomme chez qui l’on trouva une petite image de cire ayant la place du cœur percée d’un poignard. Voy. Envoûtement et Céromancie.

Ciruelo (Pierre), savant aragonais du quinzième siècle, à qui l’on doit un livre d’astrologie[426], où il défend les astrologues et leur science contre les raisonnements de Pic de la Mirandole.

Citation, formule employée pour appeler les esprits et les forcer à paraître. Voy. Évocation.

Cités. Saint Augustin a parfaitement décrit ce bas monde, en le divisant en deux cités : la cité de Dieu, peuplée des hommes attachés à l’Église, et la cité du diable, composée de tous les autres.

Citu, fête au Pérou, dans laquelle tous les habitants se frottaient d’une pâte où ils avaient mêlé un peu de sang tiré de l’entre-deux des sourcils de leurs enfants. Ils pensaient par là se préserver pour tout le mois de tout malaise. Les prêtres idolâtres faisaient ensuite des conjurations afin d’éloigner les maladies, et les Péruviens croyaient que toutes les fièvres étaient chassées dès lors à cinq ou six lieues de leurs habitations.

Civile (François de), gentilhomme normand, né en 1536, dont la vie fut remplie de catastrophespour la plupart imaginées par les écrivains protestants, qui ont si souvent fabriqué des romans et des historiettes, dans le but de faire lire leurs écrits. On classe cette vie prodigieuse dans les impostures historiques.

Clairon ( Claire-Josèphe-Leyris de Latude, connue sous le nom d’Hippolyte), tragédienne française, morte en 1803. Dans ses Mémoires, publiés en 1799, elle raconte l’histoire d’un revenant qu’elle croit être l’âme de M. de S…, fils d’un négociant de Bretagne, dont elle avait rejeté les vœux ; il en mourut de chagrin ; et dès lors mademoiselle Clairon entendit toutes les nuits, vers les onze heures du soir, pendant plusieurs mois, un cri aigu. Ses gens, ses amis, ses voisins, la police même, entendirent ce bruit, toujours à la même heure, toujours partant sous ses fenêtres, et ne paraissant sortir que du vague de l’air.

Ces cris cessèrent quelque temps, puis ils furent remplacés, à la même heure, par un coup de fusil tiré dans ses fenêtres, sans qu’il en résultât aucun dommage.

La rue fut remplie d’espions, et ce bruit fut entendu, sans que jamais personne pût voir de quel endroit il partait. A ces explosions succéda un claquement de mains, puis des sons mélodieux. Enfin, tout cessa après un peu plus de deux ans et demi[427]. Voilà ce que disent des mémoires publiés par mademoiselle Raucourt. C’était sans doute une mystification, qui eût fait un peu plus de bruit à Paris si c’eût été autre chose.

Clairvoyance. On exprime parce mot le don que possèdent quelques personnes de deviner des choses obscures ; à peu près comme ceux qui découvrent des sources où le commun des hommes n’en soupçonne pas.

Clarus. Saint Augustin rapporte qu’un jeune homme de condition nommé Clarus, s’étant donné à Dieu dans un monastère d’Hippone, se persuada qu’il avait commerce avec les anges. Il en parla dans le couvent. Comme les frères refusaient de le croire, il prédit que la nuit suivante Dieu lui enverrait une robe blanche avec laquelle il paraîtrait au milieu d’eux. En effet, vers minuit, le monastère fut ébranlé, la cellule du jeune homme parut brillante de lumière ; on entendit le bruit de plusieurs personnes qui allaient, venaient et parlaient entre elles, sans qu’on pût les voir. Clarus sortit de sa cellule et montra aux frères la tunique dont il était vêtu : c’était une étoffe d’une blancheur admirable et d’une finesse si extraordinaire, qu’on n’avait jamais rien vu de semblable. On passa le reste de la nuit à chanter des psaumes en actions de grâces ; ensuite on voulut conduire le jeune homme à saint Augustin; mais il s’y opposa, disant que les anges le lui avaient défendu. Cependant on ne l’écouta point ; et, comme on l’y conduisait malgré sa résistance, la tunique disparut aux yeux des assistants ; ce qui fit juger que le tout n’était qu’une illusion de l’esprit de ténèbres.

Classyalabolas. Voy. Caacrinolaas.

Claude, prieur de Laval, fit imprimer à la fin du seizième siècle un livre intitulé Dialogues de la Lycanthropie.

Clauder (Gabriel), savant saxon, mort en 1691, membre de l’Académie des Curieux de la nature. Il a laissé dans les Mémoires de cette société divers opuscules singuliers. Tels sont : « le Remède diabolique du délire » et « les Vingt-cinq ans de séjour d’un démon sur la terre[428]. »

Son neveu, Frédéric-Guillaume Clauder, a donné dans les Éphémérides de la même académie un traité sur les nains[429].

Clauneck, démon turc qui a puissance sur les biens, sur les richesses ; il fait trouver des trésors à celui qu’il sert en vertu d’un pacte. Il est


aimé de Lucifer, qui le laisse maître de prodiguer l’argent. Il rend complaisance pour complaisance à qui l’appelle[430].

Clauzette. Sur la fin de 1681, une fille insensée, Marie Clauzette, se mit à courir les champs aux environs de Toulouse, en se réclamant du nom de Robert, qu’elle disait être le maître de tous les diables. On la crut possédée, et tout le monde voulut la voir. Quatre jeunes filles, qui assistèrent aux premiers exorcismes, se crurent possédées pareillement. Le vicaire général de Toulouse, voulant éprouver si la possession était vraie, fit employer d’abord des exorcismes feints ; et l’eau commune, la lecture d’un livre profane, le ministère d’un laïque habillé en prêtre agitèrent aussi violemment les prétendues possédées, qui n’étaient pas prévenues, que si un prêtre eût lu le Rituel avec des aspersions d’eau bénite. Les médecins déclarèrent que le diable n’était pour rien dans cette affaire. Les possédées vomissaient des épingles crochues ; mais on remarqua qu’elles les cachaient dans leur bouche pour les rejeter devant les spectateurs. Le parlement de Toulouse proclama la fraude et dissipa cette ridicule affaire.

Clavicules de Salomon. Voy. Salomon.

Clay (Jean), littérateur allemand, mort en 1592. On recherche son Alkumistica, petit poëme en vers allemands contre la folie des alchimistes et faiseurs d’or.

Clédonismancie, divination tirée de certaines paroles qui, entendues ou prononcées en diverses rencontres, étaient regardées comme bons ou mauvais présages. Cette divination était surtout en usage à Smyrne ; il y avait là jadis un temple où c’était ainsi qu’on rendait les oracles. Un nom seul offrait quelquefois l’augure d’un bon succès. Léotychide, pressé par un Samien d’entreprendre la guerre contre les Perses, demanda à ce Samien son nom ; et, en apprenant qu’il s’appelait Hégésistrate, mot qui signifie conducteur d’armée, il répondit : « J’accepte l’augure d’Hégésistrate. » Ce qu’il y avait de commode en tout ceci, c’est qu’on était libre d’accepter ou de refuser le mot à présage. S’il était saisi par celui qui l’entendait et qu’il frappât son imagination, il avait toute son influence ; mais si l’auditeur le laissait tomber, ou n’y faisait pas une prompte attention, l’augure était sans force.

Clef d’or. On a publié, sous le titre de la Clef d’or, plusieurs petits volumes stupides qui enseignent les moyens infaillibles de faire fortune avec la loterie, et qui, quand la loterie existait, ne faisaient que des dupes. La Clef d’or ou le Véritable trésor de la fortune, qui se réimprimait de temps en temps à Lille, chez Castiaux, n’est pas autre chose que la découverte des nombres sympathiques, que l’auteur se vante d’avoir trouvés ; « ce qui lui a valu trois cent » mille francs en deux ans et demi ». Il est affreux de mentir aussi impunément pour engager les pauvres gens à se ruiner dans les loteries. Or, les cinq nombres sympathiques ne manquent pas de sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tirages qui suivent la sortie du numéro indicateur. Il faut donc les suivre pendant cinq tirages seulement pour faire fortune. Par exemple, les nombres sympathiques de 4 sont 30, 40, 50, 70, 76. Ces cinq numéros sortiront dans les cinq tirages qui suivront la sortie de 4, non pas tous à la fois peut-être, mais au moins deux ou trois ensemble. Du reste, les nombres sympathiques sont imaginaires, et chacun les dispose à son gré.

Cleidomancie ou Cleidonomancie, divination par le moyen d’une clef. On voit dans Delrio et Delancre qu’on employait cette divination pour découvrir l’auteur d’un vol ou d’un meurtre. On tortillait autour d’une clef un billet contenant le nom de celui qu’on soupçonnait ; puis on attachait cette clef à une Bible, qu’une fille vierge soutenait de ses mains. Le devin marmottait ensuite tout bas le nom des personnes soupçonnées ; et on voyait le papier tourner et se mouvoir sensiblement. On devine encore d’une autre manière par la cleidomancie. On attache étroitement une clef sur la première page d’un livre ; on ferme le livre avec une corde, de façon que l’anneau de la clef soit dehors ; la personne qui a quelque secret à découvrir par ce moyen pose le doigt dans l’anneau de la clef, en prononçant tout bas le nom qu’elle soupçonne. S’il est innocent, la clef reste immobile ; s’il est coupable, elle tourne avec une telle violence qu’elle rompt la corde qui attache le livre[431].

Les Cosaques et les Russes emploient souvent cette divination ; mais ils mettent la clef en travers et non à plat, de manière que la compression lui fait faire le quart de tour. Ils croient savoir par là si la maison où ils sont est riche, si leur famille se porte bien en leur absence, si leur père vit encore, etc. Ils font usage surtout de cette divination pour découvrir les trésors. On les a vus plusieurs fois en France recourir à cet oracle de la clef sur l’Évangile de saint Jean, durant l’invasion de 1814.

Clément, prêtre écossais, contemporain de Charlemagne. Il soutenait qu’en descendant aux enfers Jésus-Christ en avait délivré tous les damnés, sans exception. Cette doctrine a été condamnée.

Cléonice. Pausanias, général lacédémonien, ayant tué à Vicence une vertueuse jeune fille, nommée Cléonice, qui lui avait résisté, vécut dans un effroi continuel et ne cessa de voir, jusqu’à sa mort, le spectre de cette jeune fille à ses côtés. — Si l’on connaissait ce qui a précédé les visions, on en trouverait souvent la source dans les remords.

Cléopâtre. C’est, dit-on, une erreur que l’opinion où nous sommes que Cléopâtre se fit mourir avec deux aspics. Plutarque dit, dans la vie de Marc-Antoine, que personne n’a jamais su comment elle était morte. Quelques-uns assurent qu’elle prit un poison qu’elle avait coutume de porter da’ns ses cheveux. On ne trouva point d’aspic dans le lieu où elle était morte ; on dit seulement qu’on lui remarqua au bras droit deux piqûres imperceptibles ; c’est là-dessus qu’Auguste hasarda l’idée qui est devenue populaire sur le genre de sa mort. Il est probable qu’elle se piqua avec une aiguille empoisonnée[432].

Cléromancie, art de dire la bonne aventure par le sort jeté, c’est-à-dire avec des dés, des osselets, des fèves noires ou blanches. On les agitait dans un vase, et, après avoir prié les dieux, on les renversait sur une table et l’on prédisait l’avenir d’après la disposition des objets. Il y avait à Bura, en Achaïe, un oracle d’Hercule qui se rendait sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après avoir prié, jetait quatre dés, dont le prêtre d’Hercule considérait les points, et il en tirait la conjecture de ce qui devait arriver. Il fallait que ces dés fussent faits d’os de bêtes sacrifiées[433]. Le plus souvent on écrivait sur des osselets ou sur de petites tablettes qu’on mêlait dans une urne ; ensuite on faisait tirer un lot par le premier jeune garçon qui se rencontrait ; et si l’inscription qui sortait avait du rapport avec ce qu’on voulait savoir, c était une prophétie certaine. Cette divination était commune en Égypte et chez les Romains ; et l’on trouvait fréquemment des cléromanciens dans les rues et sur les places publiques, comme on trouve dans nos fêtes des cartomanciens. Voy. Astragalomancie.

Clèves. On dit que le diable est chef de cette noble maison et père des comtes de Clèves. Les cabalistes prétendent que ce fut un sylphe qui vint à Clèves par les airs, sur un navire merveilleux traîné par des cygnes, et qui repartit un jour, en plein midi, à la vue de tout le monde, sur son navire aérien. « Qu’a-t-il fait aux docteurs qui les oblige à l’ériger en démon ? » dit l’abbé de Villars[434]. C’est en mémoire de cette origine merveilleuse, diversement expliquée, qu’on avait fondé au pays de Clèves l’ordre des chevaliers du Cygne.

Climatérique. Voy. Année.

Clistheret, démon qui fait paraître la nuit au milieu du jour, et le jour au milieu de la nuit, quand c’est son caprice, si vous en croyez les Clavicules de Salomon.

Cloches. Les anciens connaissaient les cloches, dont on attribue l’invention aux Égyptiens. Elles étaient en usage à Athènes et chez les Romains. Les musulmans n’ont point de cloches dans leurs minarets ; ils croient que le son des cloches effrayerait les âmes des bienheureux dans le paradis. Les cloches ne furent généralement employées dans les églises chrétiennes que vers le septième siècle. On voit dans Alcuin que la cérémonie du baptême qui les consacre avait lieu déjà du temps de Charlemagne.

C’est, dit-on, parce qu’elles sont baptisées que les cloches sont odieuses à Satan. On assure que quand le diable porte ses suppôts au sabbat, il est forcé de les laisser tomber s’il entend le son des cloches. Torquemada raconte, dans son Hexamcron, qu’une femme revenant du sabbat, portée dans les airs par l’esprit malin, entendit la cloche qui sonnait Y Angélus. Aussitôt le diable l’ayant lâchée, elle tomba dans une haie d’épines, au bord d’une rivière. Elle aperçut un jeune homme à qui elle demanda secours, et qui, à force de prières, se décida à la reconduire en sa maison. Il la pressa tellement de lui avouer les circonstances de son aventure, qu’elle la lui apprit ; elle lui fit ensuite de petits présents, pour l’engager à ne rien dire ; mais la chose ne manqua pourtant pas de se répandre.

On croit dans quelques contrées que c’est le diable qui excite les tempêtes, et que, par conséquent, les cloches conjurent les orages. Les paysans sonnent donc les cloches dès qu’ils entendent le tonnerre, ce qui maintenant est reconnu pour une imprudence. Citons à ce sujet un fait consigné dans les Mémoires de l’Académie des sciences : « En 1718, le 15 août, un vaste orage s’étendit sur la basse Bretagne, le tonnerre tomba sur vingt-quatre églises situées entre Landernau et Saint-Pol de Léon ; c’était précisément celles où l’on sonnait pour écarter la foudre ; celles où l’on ne sonna pas furent épargnées. » M. Saignes pense cependant que le son des cloches n’attire pas le tonnerre, parce que leur mouvement a peu d’intensité ; mais le bruit seul agite l’air avec violence, et le son du tambour sur un lieu élevé ferait peut-être le même effet d’attirer la foudre.

On a cru encore, dans certains pays, qu’on se mettait à l’abri de toute atteinte des orages en portant sur soi un morceau de la corde attachée à la cloche au moment de son baptême.

Cloche du diable. Il nous reste à dire un mot de cette cloche. Dusaulx visitant les Pyrénées à pied, son guide, qui était un franc montagnard, le conduisit dans un marécage comme pour lui montrer quelque chose de curieux. Il prétendit qu’une cloche avait jadis été enfoncée dans cet endroit ; que cent ans après le diable, à qui appartenaient alors tous les métaux souterrains, s’était emparé de cette cloche, et qu’un pâtre depuis peu de temps l’avait entendu sonner pendant la nuit de Noël dans l’intérieur de la montagne. — Fort bien, dit Dusaulx ; ce qu’on a pris pour le son d’une cloche ne viendrait-il pas plutôt des eaux souterraines qui s’engouffrent dans quelque cavité ? — Oh ! que non, répliqua le guide.

Cloche du jugement dernier. Il y a des cloches célèbres. On respecte beaucoup dans les Pyrénées la cloche de la vallée ; on lui donne toutes sortes d’origines merveilleuses : la plus commune, c’est qu’elle a été fondue par les anges. On l’entend, ou peut-être on croit l’entendre quelquefois : mais on ne sait pas où elle est suspendue. C’est cette cloche qui doit, à ce que disent les montagnards, réveiller leurs patriarches endormis dans les creux des rochers, et appeler les hommes au dernier jugement.

Lorsque Ferdinand le Catholique fut attaqué de la maladie dont il mourut, la fameuse cloche de la Villela (qui a dix brasses de tour) sonna, dit-on, d’elle-même ; ce qui arrive quand l’Espagne est menacée de quelque malheur. On publia aussitôt qu’elle annonçait la mort du roi, qui mourut effectivement peu après[435].

Clofye, oiseau d’Afrique, noir et gros comme un étourneau. C’est pour les nègres un oiseau de présage. Il prédit les bons événements, lorsque en chantant il s’élève dans les airs ; il en pronostique de mauvais s’il s’abaisse. Pour annoncer à quelqu’un une mort funeste, on lui dit que le Clofye a chanté sur lui.

Clotho. L’une des trois Parques et la plus jeune. C’est elle qui file les destinées ; on lui donne une quenouille d’une hauteur prodigieuse. La plupart des mythologues la placent avec ses sœurs à la porte du repaire de Pluton. Lucien la met dans la barque à Caron ; mais Plutarque dit qu’elle est dans la lune, dont elle dirige les mouvements.

Clou. Il y a sur les clous quelques petites superstitions dont on fera son profit. Les Grecs modernes sont persuadés qu’en fichant le clou d’un cercueil à la porte d’une maison infestée, on en écarte à jamais les revenants et les fantômes. Boguet parle d’une sorcière qui, pour un cheval blessé, disait certains mots en forme d’oraison et plantait en terre un clou qu’elle ne retirait jamais. Les Romains, pour chasser la peste, fichaient un clou dans une pierre qui était au côté droit du temple de Jupiter ; ils en faisaient autant contre les charmes et sortilèges, et pour apaiser les discordes qui survenaient entre les citoyens. « Il y en a pareillement qui, se voulant prévaloir contre leurs ennemis, plantent un clou dans’un arbre. Or, quelle force peut avoir ce clou ainsi planté[436] ? »

Clovis, fils de Chilpéric Ier. Il ne restait à Chilpéric que ce fils de sa première femme. Le jeune homme fut assez indiscret pour s’expliquer sans ménagement sur Frédégonde, qu’il regardait comme son ennemie. Elle résolut de se débarrasser de lui. Clovis aimait une jeune fille de basse extraction ; un émissaire de Frédégonde vint dire au roi que c’était la fille d’une magicienne ; que Clovis avait employé les artifices de cette femme pour se défaire de ses deux frères (empoisonnés, à ce qu’on croit), et qu’il tramait la mort de la reine. La vieille femme, mise à la question, fut forcée d’avouer qu’elle était sorcière. Clovis, convaincu, se vit dépouillé de ses riches vêtements et conduit dans une prison, où des assassins le poignardèrent, si les historiens disent vrai ; et on fit accroire au monarque qu’il s’était tué lui-même. La magicienne, dont la fille venait aussi d’être mise à mort, fut épouvantée de ses aveux, qu’elle rétracta ; mais on se hâta de lui imposer silence en la conduisant au bûcher. C’est du moins ainsi que racontent les choses des chroniqueurs peu favorables, il est vrai, à Frédégonde[437].

Cluricaunes, esprits familiers un peu lutins en Irlande. On en compte beaucoup d’histoires[438].

Cobales, génies malins et trompeurs de la suite de Bacchus, dont ils étaient à la fois les gardes et les bouffons. Selon Leloyer, les cobales, connus des Grecs, étaient des démons doux et paisibles, nommés par quelques-uns bonhomets ou petits bonshommes des montagnes, parce qu’ils se montrent en vieux nains de basse stature ; ils sont vêtus court, demi-nus, la manche retroussée sur l’épaule, et portent un tablier de cuir sur les reins.

« Cette sorte de démons est présentement assez plaisante, car tantôt vous les verrez rire, tantôt se gaudir, tantôt sauter de joie, et faire mille tours de singe ; ils contreferont et imiteront les singes, et feront tant et plus les embesognés, combien qu’ils ne fassent rien du tout. À cette heure, vous les verrez bêcher dans les veines d’or ou d’argent, amasser ce qu’ils auront bêché, et le mettre en des corbeilles et autres vaisseaux pour cet effet préparés, tourner la corde et la poulie afin d’avertir ceux d’en haut de tirer le métal, et fort rarement voit-on qu’ils offensent les ouvriers, s’ils ne sont grandement provoqués de brocards, injures et risées dont ils sont impatients. Alors ils jetteront premièrement de la terre et de petits cailloux aux yeux des pionniers, et quelquefois les blesseront[439]. »

Les Allemands appellent ces mêmes démons familiers Kobold. Voy. ce mot.

Coboli, génies ou démons révérés par les anciens Sarmates. Ils croyaient que ces esprits habitaient les parties les plus secrètes des maisons, et même les fentes du bois. On leur offrait les mets les plus délicats. Lorsqu’ils avaient l’intention de se fixer dans une habitation, ils en prévenaient ainsi le père de famille : la nuit ils assemblaient des tas de copeaux et répandaient de la fiente de divers animaux dans les vases de lait : gracieuses manières de s’annoncer. Si le lendemain le maître de la maison laissait ces copeaux en un tas, et faisait boire à sa famille le lait ainsi souillé, alors les cobolis se rendaient visibles et habitaient désormais avec lui ; mais s’il dispersait les copeaux et jetait le lait, ils allaient chercher un autre gîte.

Les cobolis sont de l’essence des gobelins, des cobales, du kobold des Allemands, des boggards et des cluricaunes.

Cocconas. Voy. Alexandre de Paphlagonie.

Cochon. Est-il vrai, comme le croit le peuple,


que de tous les animaux le cochon soit celui dont l’organisation ait le plus de ressemblance avec celle de l’homme ? Sur ce point, dit M. Saignes, on ne saurait mieux faire que de s’en rapporter à Cuvier. Or, voici ce que lui ont révélé ses recherches. L’estomac de l’homme et celui du cochon n’ont aucune ressemblance : dans l’homme, ce viscère a la forme d’une cornemuse ; dans le cochon, il est globuleux ; dans l’homme, le foie est divisé en trois lobes ; dans le cochon, il est divisé en quatre : dans l’homme, la rate est courte et ramassée ; dans le cochon, elle est longue et plate, dans l’homme, le canal intestinal égale sept à huit fois la longueur du corps ; dans le cochon, il égale quinze à dix-huit fois la même longueur. Son cœur présente des différences notables avec celui de l’homme ; et j’ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux esprits, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins considérable, ce qui prouve que ses facultés intellectuelles sont inférieures à celles de nos académiciens.

Il y aurait bien des choses à dire sur le cochon. Le diable s’est souvent montré sous sa figure : et elle est digne de lui. On conte à Naples qu’autrefois il apparaissait souvent avec cette forme dans le lieu même où l’église de Sainte-Marie-Majeure a depuis été bâtie, ce qui réjouissait peu les Napolitains. Dès que l’église fut commencée, la singulière apparition ne se montra plus. C’est en mémoire de cet événement que l’évêque Pomponius fit faire le pourceau de bronze qui est encore sur le portail de cette église. Camérarius raconte que, dans une ville d’Allemagne, un juif malade étant venu chez une vieille, et lui ayant demandé du lait de femme, qu’il croyait propre à le guérir, la sorcière s’avisa de traire une truie et en porta le lait au juif, qui le but. Ce lait commençant à opérer, le juif s’aperçut qu’il grognait et devina la ruse de la sorcière, qui voulait sans doute lui faire subir la métamorphose des compagnons d’Ulysse. Il jeta le reste du lait sans le boire, et incontinent tous les cochons du voisinage moururent[440].

Coclès (Barthélémy), chiromancien du seizième siècle. Il avait aussi des connaissances en astrologie et en physiognomonie. Il prédit à Luc Gauric, célèbre astrologue du même temps, qu’il subirait injustement une peine douloureuse et infamante ; et Luc Gauric fut en effet condamné au supplice de l’estrapade par Jean Bentivoglio, tyran de Bologne, dont il avait pronostiqué l’expulsion prochaine.

Coclès prophétisa qu’il serait lui-même assassiné, et qu’il périrait d’un coup sur la tête. Son horoscope s’accomplit ponctuellement, car Hermès de Bentivoglio, fils du tyran, ayant appris qu’il se mêlait aussi de prédire sa chute, le fit assassiner par un brigand nommé Caponi, le 2k septembre 1504[441]. On assure même que, connaissant le sort qui le menaçait, il portait depuis quelque temps une calotte de fer, et qu’il ne sortait qu’armé d’une épée à deux mains. On dit encore que celui qui devait l’assassiner étant venu le consulter peu auparavant, il lui prédit qu’avant vingt-quatre heures il se rendrait coupable d’un meurtre. Il est plus que probable que ces prophéties n’ont été faites qu’après coup.

Coclès a écrit sur la physiognomonie et la chiromancie, mais son livre a subi des modifications. L’édition originale est : Physiognomoniœ ac chiromanciœ anastasis, sive compenchum ex pluribus et pene infini tis aucto : ibus, cum approbatione Alexandri Achillini. Bologne, 1504, in-fol. La préface est d’Achillini.

Cocoto, démon succube, adoré aux Indes occidentales, et mentionné par Bodin[442].

Cocyte, l’un des fleuves de l’enfer des anciens. Il entourait le Tartare, et n’était formé que des larmes des méchants.

Code des sorciers. Boguet, qui avait tant de zèle pour l’extinction de la sorcellerie, amis à la fin de son Discours des sorciers une instruction pour un juge en fait de sorcellerie. Cette pièce curieuse, publiée en 1601, est divisée en quatre-vingt-onze articles. On la connaît plus généralement sous le titre de Code des sorciers. En voici le précis :

Le juge du ressort instruit l’affaire et la juge, sans suivre en cas pareil les formes ordinaires. La présomption de sorcellerie suffit pour faire arrêter le suspect ; l’interrogatoire doit suivre l’arrestation, parce que le diable assiste les sorciers en prison. Le juge doit faire attention à la contenance de l’accusé, voir s’il ne jette point de larmes, s’il regarde à terre, s’il barbote à part, s’il blasphème ; tout cela est indice.

Souvent la honte empêche le sorcier d’avouer ; c’est pourquoi il est bon que le juge soit seul, et que le greffier soit caché pour écrire les réponses. Si le sorcier a devant lui un compagnon du sabbat, il se trouble. On doil le raser, afin de mettre à découvert le sort de taciturnité. Il faut le visiter avec un chirurgien pour chercher les marques. Si l’accusé n’avoue pas, il faut le mettre dans une dure prison et avoir gens affidés qui tirent de lui la vérité. Il y a des juges qui veulent qu’on promette le pardon, et qui ne laissent pas de passer à l’exécution ; mais cette coutume me paraît barbare.

Le juge doit éviter la torture, elle ne fait rien sur le sorcier ; néanmoins il est permis d’en user.

Si le prévenu se trouve saisi de graisses, si le bruit public l’accuse de sorcellerie, ce sont de grandes présomptions qu’il est sorcier. Les indices légers sont les variations dans les réponses, les yeux fixés en terre, le regard effaré. Les indices graves sont la naissance, comme si, par exemple, le prévenu est enfant de sorcier, s’il est marqué, s’il blasphème. Le fils en tel cas est admis à déposer contre son père. Les témoins reprochables doivent être entendus comme les autres ; on doit aussi entendre les enfants. Les variations dans les réponses du témoin ne peuvent faire présumer en faveur de l’innocence du prévenu, si tout l’accuse d’être sorcier..

La peine est le supplice du feu : on doit étrangler les sorciers et les brûler après ; les loups-garous doivent être brûlés vifs. On condamne justement sur des conjectures et présomptions ; mais alors on ne brûle pas, on pend. Le juge doit assister aux exécutions, suivi de son greffier, pour recueillir les dépositions…

Ce chef-d’œuvre de jurisprudence et d’humanité, ouvrage d’un avocat, reçut dans le temps les suffrages des barreaux français. Boguet le dédia à Daniel Romanez, avocat à Salins[443].

Codronchi (Baptiste), médecin d’Imola, au seizième siècle. Il a laissé un traité des années climatériques, de la manière d’en éviter le danger, et des moyens d’allonger sa vie[444].

Cœlicoles, secte juive qui adorait les astres et les anges gardiens des astres.

Cœur. Des raisonneurs modernes ont critiqué ce qui est dit dans l’Ecclésiaste, que le cœur du sage est au côté droit, et celui de l’insensé au côté gauche. Mais il faut entendre cette maxime comme le mot de Jonas à propos de ceux des Ninivites qui ne savaient pas faire la différence entre leur main droite et leur gauche, c’est-à-dire entre le bien et le mal. Que le cœur de l’homme soit situé au côté gauche de la poitrine, c’est un sentiment qui, à la rigueur, peut être réfuté par l’inspection seule, dit le docteur Brown ; car il est évident que la base et le centre du cœur sont exactement placés au milieu. La pointe, à la vérité, incline du côté gauche ; mais on dit de l’aiguille d’un cadran qu’elle est située au centre, quoique la pointe s’étende vers la circonférence du cadran.

Nous rappellerons que quelques hommes ont eu le cœur velu. Voy. Aristomèxe.

Cohoba, herbe dont les vapeurs enivraient les Indiens d’Hispaniola jusqu’à les plonger dans l’extase.

Coiffe. On s’est formé différentes idées sur la membrane appelée coiffe, qui couvre quelquefois la tête des enfants lorsqu’ils sortent du sein de leur mère. Les personnes superstitieuses la conservent avec soin, comme un moyen de bonheur, et on dit d’un homme heureux qu’il est né coiffé. On a même avancé que cette coiffe étend ses effets favorables jusque sur ceux qui la portent avec eux. Spartien parle de cette superstition dans la vie d’Antonin. Il dit que les sages-femmes vendaient ordinairement ces coiffes naturelles à des jurisconsultes crédules, qui en attendaient d’heureux résultats pour leurs affaires. Ils étaient persuadés que ce talisman leur ferait gagner toutes les causes[445]. On se le disputait chez nous au seizième siècle. Dans quelques provinces, on croyait que la coiffe révélait une vocation à la vie monastique[446]. Les sages-femmes prédisaient aussi chez nos pères le sort de l’enfant qui apportait la coiffe sur la tête. Voy. Amniomancie. Avant que l’empereur Macrin montât sur le trône, sa femme lui donna un fils qui naquit coiffé. On prédit qu’il s’élèverait au rang suprême, et on le surnomma Diadematus. Mais quand Macrin fut tué, il arriva de Diadematus qu’il fut proscrit et tué comme son père.

Coirières (Claude), sorcière du seizième siècle. Pendant qu’elle était détenue en prison, elle donna une certaine graisse à un nommé François Gaillard, pareillement prisonnier, lequel, s’en étant frotté les mains, fut enlevé de sa prison par l’assistance du diable, qui toutefois le laissa reprendre[447].

Colarbase, hérétique valentinien, qui prêchait la cabale et l’astrologie comme sciences religieuses. Il était disciple de Valentin. Il disait que la génération et la vie des hommes dépendaient des sept planètes, et que toute la perfection et la plénitude de la vérité était dans l’alphabet grec, puisque Jésus-Christ était nommé Alpha et Oméga[448].

Colas (Antide), sorcière du seizième siècle, qui, faisant commerce avec le diable, qu’elle nommait Lizabet, fut appréhendée et mise en prison sur l’avis de Nicolas Millière, chirurgien. Elle confessa qu’étant détenue à Betoncourt, le diable s’était apparu à elle en forme d’homme noir et l’avait sollicitée à se jeter par une fenêtre ou bien à se pendre ; une autre voix l’en avait dissuadée. Convaincue d’être sorcière, mais aussi d’avoir commis beaucoup de turpitudes, cette femme fut brûlée à Dôle en 1599[449] ; et c’est ainsi que se terminent ordinairement les histoires racontées par Boguet.

Colère, bien des gens ont été possédés plus ou moins grièvement dans un accès de colère.

Coleti (Étienne), auteur d’un livre intitulé Manière de reconnaître et de délivrer les énergumènes[450].

Coley (Henry), astrologue anglais, mort en 1690. On a de lui la Clef des éléments de l’astrologie. Londres, 1675, in-8o. C’est un traité complet de cette science fantastique. On y trouve l’art de dresser toutes sortes de thèmes d’horoscopes, avec des exemples de nativités calculées.

Collanges (Gabriel de), mathématicien, né en Auvergne en 1524. Il n’employa ses connaissances qu’à la recherche des secrets de la cabale et des nombres. Il est traducteur de la Polygraphie et universelle écriture cabalistique de Trithème, Paris, 1561, in-4o. On cite plusieurs ouvrages de lui, dont aucun n’a été imprimé, non plus que sa version de la Philosophie occulte d’Agrippa. Il a laissé en manuscrit un Traité de l’heur et malheur du mariage.

Collehites, pierre que l’on assure être propre à chasser les démons et à prévenir les charmes[451] ; mais on aurait dû la désigner.

Colleman (Jean), astrologue, né à Orléans ; le roi Charles VII en faisait grand cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pensions, parce qu’il lui apprit à supputer des almanachs. On dit que Colleman étudiait si assidûment le cours de la lune, qu’à force d’application il en devint lépreux[452]

Collyre. On voit dans la Lycanthropie de Nynauld qu’un sorcier composait un certain collyre avec le fiel d’un homme, les yeux d’un chat noir et quelques autres choses que l’écrivain ne nomme pas ; a lequel collyre appliqué aux yeux faisait voir et apparaître en l’air ou ailleurs les ombres des démons. »

Colokyntho-Pirates, pirates nains fabuleux, qui, dans l’histoire véritable de Lucien, naviguaient sur de grandes citrouilles ou coloquintes, longues de six coudées (trois mètres). Lorsqu’elles étaient sèches, ils les creusaient ; les grains leur servaient de pierres dans les combats, et les feuilles de voiles, qu’ils attachaient à un mât de roseau.

Colombes. Il y avait dans le temple de Jupiter, à Dodone, des colombes que l’on gardait soigneusement ; elles répondaient d’une voix humaine lorsqu’elles étaient consultées. Mais on lit dans Pausanias que c’étaient des femmes prêtresses qu’on appelait colombes dodoniennes. Les




Perses, persuadés que le soleil avait en horreur les colombes blanches, les regardaient comme des oiseaux de mauvais augure, et n’en souffraient point dans leur pays.

Colma, château fort sur le Danube, qui, selon la tradition, est sorti de terre tout construit, par une puissance magique, comme autrefois dans la mythologie grecque Pégase sous le pied de Minerve. Des savants disent qu’en réalité il a été bâti en une nuit par la puissante armée sarmate du roi Deucaos.


Ruines de Colma.


Colonne du diable. On conserve à Prague trois pierres d’une colonne que le diable apporta de Borne pour écraser un prêtre avec lequel il avait fait pacte, et le tuer pendant qu’il disait la messe. Mais saint Pierre, s’il faut en croire la légende populaire, étant survenu, jeta trois fois de suite le diable et sa colonne dans la mer, et cette diversion donna au prêtre le temps de se repentir. Le diable en fut si désolé qu’il rompit la colonne et se sauva[453].

Coltreni, lutins italiens, de l’espèce de nos Gobelins.

Combadaxus, divinité dormante des Japonais. C’était un bonze dont ils racontent l’anecdote suivante. « À huit ans il fit construire un temple magnifique, et, prétendant être las de la vie, il annonça qu’il voulait se retirer dans une caverne et y dormir dix mille ans : en conséquence il y entra ; l’issue fut scellée sur-le-champ. Les Japonais le croient encore vivant. »

Combourg. « Les gens étaient persuadés (au sombre château de Combourg, en Bretagne) qu’un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, et qu’on l’avait rencontré dans l’escalier de la tourelle. Sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois, seule, avec un chat noir[454]. »

Comédiens. « Il serait bon, comme dit Boguet, de chasser nos comédiens et nos jongleurs, attendu qu’ils sont pour la plupart sorciers et magiciens, n’ayant d’autre but que de vider nos bourses et de nous débaucher. » Boguet n’est pas tout à fait dans son tort.

Comenius (Jean-Amos), philologue du dix-septième siècle. Il a laissé la Lumière dans les ténèbres, Hollande, 1657, in-4o ; idem, augmentée de nouveaux rayons, 1665, 2 vol. in-4o, fig. C’est une traduction latine des prétendues prophéties et visions de Kotter, de Dabricius et de Christine Poniatowska, habiles gens que nous ne connaissons point.

Comètes. On a toujours vu dans les comètes les signes avant-coureurs des plus tristes calamités. Une comète parut quand Xerxès vint en


Europe avec dix-huit cent mille hommes (nous ne les avons pas comptés) ; elle prédisait la défaite de Salamine. Il en parut une avant la guerre du Péloponnèse ; une avant la défaite des Athéniens en Sicile ; une avant la victoire que les Thébains remportèrent sur les Lacédémoniens ; une quand Philippe vainquit les Athéniens ; une avant la prise de Carthage par Scipion ; une avant la guerre civile de César et de Pompée ; une à la mort de César ; une à la prise de Jérusalem par Titus ; une avant la dispersion de l’empire romain par les Goths ; une avant l’invasion de Mahomet, etc. ; une enfin avant la chute du premier Empire.

Tous les peuples regardent également les comètes comme un mauvais présage ; cependant, si le présage est funeste pour les uns, il est heureux pour les autres, puisque en accablant ceux-ci d’une grande défaite, il donne à ceux-là une grande victoire.

Cardan explique ainsi les causes de l’influence des comètes sur l’économie du globe. « Elles rendent l’air plus subtil et moins dense, dit-il, en l’échauffant plus qu’à l’ordinaire : les personnes qui vivent au sein de la mollesse, qui ne donnent aucun exercice à leur corps, qui se nourrissent trop délicatement, qui sont d’une santé faible, d’un âge avancé et d’un sommeil peu tranquille, souffrent dans un air moins animé et meurent souvent par excès de faiblesse. Cela arrive plutôt aux princes qu’à d’autres, à cause du genre de vie qu’ils mènent ; et il suffit que la superstition ou l’ignorance aient attaché aux comètes un pouvoir funeste pour qu’on remarque, quand elles paraissent, des accidents qui eussent été fort naturels en tout autre temps. — On ne devrait pas non plus s’étonner de voir à leur suite la sécheresse et la peste, puisqu’elles dessèchent l’air et ne lui laissent pas la force d’empêcher les exhalaisons pestiférées. Enfin les comètes produisent les séditions et les guerres en échauffant le cœur de l’homme et en changeant les humeurs en bile noire. » On a dit de Cardan qu’il avait deux âmes, l’une qui disait des choses raisonnables, l’autre qui ne savait que déraisonner. ^Après avoir parlé comme on vient de voir, l’astrologue retombe dans ses visions. Quand une comète paraît auprès de Saturne, dit-il, elle présage la peste, la mort des souverains pontifes et les révolutions dans les gouvernements ; auprès de Mars, les guerres ; auprès du soleil, de grandes calamités sur tout le globe ; auprès de la lune, des inondations et quelquefois des sécheresses ; auprès de Vénus, la mort des princes et des nobles ; auprès de Mercure, divers malheurs en fort grand nombre.

Wiston a fait de grands calculs algébriques pour démontrer que les eaux extraordinaires du déluge furent amenées par une comète, et que quand Dieu décidera la fin du monde, ce sera une comète qui le brûlera…

Comiers (Claude), docteur en théologie, mort en 1693. Il est auteur d’un Traité de prophéties, vaticinations, prédictions et prognostications. Il a écrit aussi sur la baguette divinatoire et sur les sibylles.

Communisme, doctrine qui nie le péché originel, et par conséquent les démons ; qui déclare, d’après Jean-Jacques Rousseau, l’homme né parfait ; qui met tout en commun, qui donne à l’homme et à la femme tous les droits. C’est le résumé d’une foule d’hérésies et le procédé le plus sûr pour ramener l’homme à l’état sauvage. Les apotactiles, les bézards, les vaudois, les hussites et une foule d’autres sectes ont prêché cette doctrine sans pouvoir l’établir.

Compitales, fêtes des dieux lares ou lutins du foyer, chez les anciens Romains. On leur sacrifiait, dans l’origine, des enfants, auxquels Brutus substitua des têtes de pavots.

Comtes de l’enfer, démons d’un ordre supérieur dans la hiérarchie infernale, et qui commandent de nombreuses légions. On les évoque à toute heure du jour, pourvu que ce soit dans un lieu sauvage que les hommes n’aient pas coutume de fréquenter[455].

Conclamation, cérémonie romaine du temps du paganisme. Elle consistait à appeler à grands cris l’individu qui venait de mourir, afin d’arrêter l’àme fugitive et de lui indiquer son chemin ou de la réveiller si elle était encore trop attachée au corps.

Condé. On lit dans une lettre de madame de Sévigné au président du Monceau que, trois semaines avant la mort du grand Condé, pendant qu’on l’attendait à Fontainebleau, M. de Vernillon, l’un de ses gentilshommes, revenant de la chasse sur les trois heures, et approchant du château de Chantilly (séjour ordinaire du prince), vit, à une fenêtre de son cabinet, un fantôme revêtu d’une armure qui semblait garder un homme enseveli ; il descendit de cheval et s’approcha, le voyant toujours ; son valet vit la même chose et l’en avertit. Ils demandèrent la clef du cabinet au concierge ; mais ils en trouvèrent les fenêtres fermées et un silence qui n’avait pas été troublé depuis six mois. On conta cela au prince, qui en fut un peu frappé, qui s’en moqua cependant ou parut s’en moquer ; mais tout le monde sut cette histoire et tremnla pour ce prince, quimourut trois semaines après…

Condormants, sectaires qui parurent en Allemagne au treizième et au seizième siècle, et qui durent leur nom à l’usage qu’ils avaient de coucher tous ensemble, sous prétexte de charité. Ils adoraient une image de Lucifer et ils en tiraient des oracles, dans un bois voisin de Cologne. Les récits contemporains nous apprennent qu’un prêtre ayant apporté dans cette assemblée la sainte Eucharistie, l’idole se brisa en mille pièces.

Conférentes, dieux des anciens dont parle Arnobe, et qui étaient, dit Leloyer, des démons incubes.

Confucius. On sait que ce philosophe est révéré comme un dieu à la Chine. On lui offre surtout en sacrifice de la soie dont les restes sont distribués aux jeunes filles, dans la persuasion où l’on est que, tant qu’elles conservent ces précieuses amulettes, elles sont à l’abri de tous dangers.

Conjurateurs, magiciens qui s’attribuent le pouvoir de conjurer les démons et les tempêtes.

Conjuration, exorcismes, paroles et cérémonies par lesquelles on chasse les démons. Dans l’Eglise romaine, pour faire sortir le démon du corps des possédés, on emploie certaines formules ou exorcismes, des aspersions d’eau bénite, des prières et des cérémonies inslituées à ce dessein[456]. — Les personnes superstitieuses et criminelles qui s’occupent de magie abusent du mot et nomment conjuration leurs sortilèges impies. Dans ce sens la conjuration est un composé de paroles souvent sacrilèges et de cérémonies détestables ou absurdes, adoptées par les sorciers pour évoquer les démons.

Conjuration des sorcières.

On commence par se placer dans le cercle magique Voy. Cercle ; puis on récite les formules. Voici quelque idée de ces procédés. Nous les empruntons aux Grimoires.

Conjuration universelle pour les esprits. — « Moi (on se nomme), je te conjure, esprit (on nomme l’esprit qu’on veut évoquer), au nom du grand Dieu vivant, de m’apparaître en telle forme (on l’indique) ; sinon saint Michel archange, invisible, te foudroiera dans le plus profond des enfers ; viens donc (on nomme l’esprit), viens, viens, viens pour faire ma volonté. »

Conjuration d’un livre magique. — « Je vous conjure et ordonne, esprits, tous et autant que vous êtes, de recevoir ce livre en bonne part, afin que toutes les fois que nous lirons ledit livre, ou qu’on le lira étant approuvé et reconnu être en forme et en valeur, vous ayez à paraître en belle forme humaine lorsqu’on vous appellera, selon que le lecteur le jugera, dans toutes circonstances. Je vous conjure de venir aussitôt la conjuration faite, afin d’exécuter sans retardement tout ce qui est écrit et mentionné en son lieu dans cedit livre : vous obéirez, vous servirez, enseignerez, donnerez, ferez tout ce qui est en votre puissance, en utilité de ceux qui vous ordonneront, le tout sans illusion. — Et si par hasard quelqu’un des esprits appelés parmi vous ne pouvait venir ou paraître lorsqu’il serait requis, il sera tenu d’en envoyer d’autres revêtus de son pouvoir, qui jureront solennellement d’exécuter tout ce que le lecteur pourra demander, en vous conjurant tous par les très-saints noms du tout-puissant Dieu vivant, etc »

Conjuration des démons. — « Alerte, venez tous, esprits. Par la vertu et le pouvoir de votre roi, et par les sept couronnes et chaînes de vos rois, tous esprits des enfers sont obligés d’apparaître à moi devant ce cercle, quand je les appellerai. Venez tous à mes ordres pour faire tout ce qui est en votre pouvoir, étant recommandés ; venez donc de l’orient, midi, occident et septentrion ; je vous conjure et ordonne, par la vertu et puissance de celui qui est Dieu, etc. »

Conjuration pour chaque jour de la semaine. — Pour le lundi, à Lucifer. Cette expérience se fait souvent depuis onze heures jusqu’à douze, et depuis trois heures jusqu’à quatre. Il faudra du charbon, de la craie bénite pour faire le cercle, autour duquel on écrira : « Je te défends, Lucifer, par le nom que tu crains, d’entrer dans ce cercle. » Ensuite on récite la formule suivante : « Je te conjure, Lucifer, par les noms ineffables On, Alpha, Ya, Rey, Sol, Messias, Ingodum, etc., que tu aies à faire, sans me nuire (on désigne sa demande). »

Pour le mardi, à Nambroth. Cette expérience se fait la nuit, depuis neuf heures jusqu’à dix ; on doit donner à Nambroth la première pierre que l’on trouve, pour être reçu de lui en dignité et honneur. On procédera de la façon du lundi ; on fera un cercle autour duquel on écrira : « Obéis-moi, Nambroth, obéis-moi, par le nom que tu crains. » On récite à la suite cette formule : « Je te conjure, Nambroth, et te commande par tous les noms par lesquels tu peux être contraint et lié de faire telle chose. »

Pour le mercredi, à Astaroth. Cette expérience se fait la nuit, depuis dix heures jusqu’à onze ; on le conjure pour avoir les bonnes grâces du prince et des autres. On écrira dans le cercle : « Viens, Astaroth ; viens, Astaroth ; viens, Astaroth ; » ensuite on récitera cette formule : « Je te conjure, Astaroth, méchant esprit, par les paroles et les vertus de Dieu, etc. »

Pour le jeudi, à Acham. Cette expérience se fait la nuit, de trois heures à quatre ; il paraît en forme de roi. Il faut lui donner un morceau de pain lorsqu’on veut qu’il parte. On écrira autour du cercle : « Par le Dieu saint —, Nasim, 7, 7, H. M. A. ; » ensuite on récitera la formule qui suit : « Je te conjure, Acham ; je te commande par tous les royaumes de Dieu, agis, je t’adjure, etc. »

Pour le vendredi, à Béchet. Cette expérience se fait la nuit, de onze heures à douze ; il lui faut donner une noix. On écrira dans le cercle : « Viens, Béchet ; viens, Béchet ; viens, Béchet ; » et ensuite on dira cette conjuration : « Je te conjure, Béchet, et te contrains de venir à moi ; je te conjure derechef de faire au plus tôt ce que je veux, qui est, etc. »

Pour le samedi, à Nabam. Cette expérience sefait de nuit, de onze heures à douze, et sitôt qu’il paraît il faut lui donner du pain brûlé et lui demander ce qui lui fait plaisir. On écrira dans son cercle : « N’entre pas, Nabam ; n’entre pas, Nabam ; n’entre pas Nabam ; » et puis on récitera la conjuration suivante : « Je te conjure, Nabam, au nom de Satan, au nom de Belzébuth, au nom d’Astaroth et au nom de tous les esprits, etc. »

Pour le dimanche, à Aquiel. Cette expérience se fait la nuit, de minuit à une heure ; il demandera un poil de votre tête ; il lui faut donner un poil de renard ; il le prendra. On écrira dans le cercle : « Viens, Aquiel ; viens, Aquiel ; viens, Aquiel. » Ensuite on récitera la conjuration suivante : « Je te conjure, Aquiel, par tous les noms écrits dans ce livre, que sans délai tu sois ici tout prêt à m’obéir, etc. »

Conjuration très-forte, pour tous les jours et à toute heure du jour et de la nuit, pour les trésors cachés tant par les hommes que par les esprits. — « Je vous commande, démons qui résidez en ces lieux, ou en quelque partie du monde que vous soyez, et quelque puissance qui vous ait été donnée de Dieu et des saints anges sur ce lieu même, je vous envoie au plus profond des abîmes infernaux. Ainsi, allez tous } maudits esprits et damnés, au feu éternel qui vous est préparé et à tous vos compagnons. Si vous m’êtes rebelles et désobéissants, je vous contrains et commande par toutes les puissances de vos supérieurs démons de venir, obéir et répondre positivement à ce que je vous ordonnerai au nom de J.-C, etc. » Voy. Pierre d’Apone, etc.

Nous n’avons fait qu’indiquer ces stupidités inconcevables. Les commentaires sont inutiles. Voy. Évocations.

Conjureurs de tempêtes. Les marins superstitieux donnent ce nom à certains êtres, marins comme eux, mais en commerce avec le diable, de qui ils obtiennent le pouvoir de commander aux vents. Ce pouvoir réside dans un anneau de fer qu’ils portent au petit doigt de la main droite, et il les soumet à certaines conditions, comme de faire des voyages qui ne dépassent pasim mois lunaire, de n’être jamais à terre plus de trois jours. Si ces conditions n’ont pas été observées, on n’apaise l’esprit maître de l’anneau qu’en IuLtant avec lui, ce qui est périlleux, ou en jetant un homme à la mer.

Constantin. Tout le monde sait que, frappé de l’apparition d’une croix miraculeuse et de l’avis qui lui était donné qu’il vaincrait par ce signe, Constantin le Grand se convertit et mit la croix sur ses étendards.

Jusqu’au seizième siècle, aucun écrivain n’avait attaqué la vision de Constantin ; tous les monuments contemporains attestent ce miracle. Mais les protestants, voyant qu’il pouvait servir à autoriser le culte de la croix, ont entrepris d’en faire une ruse militaire… Les philosophes du dernier siècle n’ont pas manqué de copier leurs déraisonnements.

J.-B. Duvoisin, évêque de Nantes, et l’abbé de l’Estocq, docteurs en Sorbonne, ont publié des dissertations sur la vision de Constantin, qui a au moins cela pour elle qu’elle n’a été contestée qu’après plus de douze siècles par des gens intéressés à tout nier.

« Combien de remarques ne pourrait-on pas ajouter, dit Lenglet-Dufresnoy dans son Traité des visions. On peut voir ce qu’ont dit de celle-ci le savant père Pagi sur Baronius, et Tillemont dans son histoire. Ces témoignages rendus à la vérité par de tels écrivains doivent l’emporter sur les doutes des critiques à qui rien ne plaît que ce qui part de leur incrédule imagination. Volontiers pour se distinguer du commun, ils adoptent des fables qui peuvent préjudicier à quelque doctrine généralement avouée ; mais ils se gardent bien de croire des points d’histoire, appuyés sur les preuves communément reçues dans la discussion des faits historiques. »

Constantin Copronyme, empereur iconoclaste de Constantinople. Il était, dit-on, magicien ; il conjurait habilement les démons, dit Leloyer ; il évoquait les morts et faisait des sacrifices détestables et invocations du diable. Il mourut d’un feu qui le saisit par tout le corps, et dont la violence était telle qu’il ne faisait que crier[457].

Constellations. Il y en a douze, qui sont les douze signes du zodiaque, et que les astrologues appellent les douze maisons du soleil, savoir : le bélier, le taureau, les gémeaux, l’écrevisse, le lion, la vierge, la balance, le scorpion, le sagittaire, le capricorne, le verseau et les poissons. On les désigne très-bien dans ces deux vers techniques, que tout le monde connaît :

Sunt aries, taurus, gemini, cancer, leo, virgo,.
Libraque, scorpius, arcitenens, caper, amphora, pisces.

On dit la bonne aventure par le moyen de ces constellations. Voy. Horoscopes et Astrologie.

Contre-Charmes, charmes qu’on emploie pour détruire l’effet d’autres charmes. Quand les charmeurs opèrent sur des animaux ensorcelés, ils font des jets de sel préparés dans une écuelle avec du sang tiré d’un des animaux maléficiés. Ensuite ils récitent pendant neuf jours certaines formules. Voy. Gratianne, Amulettes, Sort, Maléfices, Ligatures, etc.

Contre-Sorciers, nom que prennent des charlatans d’un genre spécial, qui se donnent pour maîtres en fait de sorcellerie et se présentent comme ayant le pouvoir d’anéantir les maléfices. Deux hommes de ce genre ont exploité tout récemment une commune de l’Aube où ils prétendaient que l’épizootie qui y régnait n’était qu’un ensorcellement. Ils ne guérirent aucune bête et tirèrent des bonnes gens beaucoup d’écus. Le tribunal d’Arcis-sur-Aube les a condamnés à dix-huit mois de prison, le 3 juillet 1857. — Et l’on dit que nos campagnes sont en progrès, depuis qu’on y lit des journaux démolisseurs.

Convulsions. Au neuvième siècle, des personnes suspectes déposèrent dans une église de Dijon des reliques qu’elles avaient, disaient-elles, apportées de Rome, et qui étaient d’un saint dont elles avaient oublié le nom. L’évêque Théobald refusa de recevoir ces reliques sur une allégation aussi vague. Néanmoins, elles faisaient des prodiges. Ces prodiges étaient des convulsions dans ceux qui venaient les révérer. L’opposition de l’évêque fit bientôt de ces convulsions une épidémie ; les femmes surtout s’empressaient de leur donner de la vogue. Théobald consulta Amolon, archevêque de Lyon, dont il était suffragant. « Proscrivez, lui répondit l’évêque, ces fictions infernales, ces hideuses merveilles, qui ne peuvent être que des prédiges et des impostures. Vit-on jamais, aux tombeaux des martyrs, ces funestes prodiges qui, loin de.guérir les malades, font souffrir les corps et troublent les esprits ?… » Cette espèce de manie fanatique se renouvela quelquefois ; elle fit grand bruit au commencement du dix-huitième siècle ; et on prit encore pour des miracles les convulsions, les contorsions et les grimaces d’une foule d’insensés. Les gens mélancoliques et atrabilaires ont beaucoup

Convulsionnaires du cimelière Saint-Médard.


de dispositions à ces jongleries. Si, dans le temps surtout où leur esprit est dérangé, ils s’appliquent à rêver fortement, ils finissent toujours par tomber en extase, et se persuadent qu’ils peuvent ainsi prophétiser. Cette maladie se communique aux esprits faibles, et le corps s’en ressent. De là vient, ajoute Brueys[458] , que, dans le fort de leurs accès, les convulsionnaires se jettent par terre, où ils demeurent quelquefois assoupis. D’autres fois, ils s’agitent extraordinairement ; et c’est en ces différents états qu’on les entend parler d’une voix étouffée et débiter toutes les extravagances dont leur folle imagination est remplie. Tout le monde a entendu parler des convulsions et des merveilles absurdes qui eurent lieu, dans la capitale de la France, sur le tombeau du diacre Paris, homme inconnu pendant sa vie, et trop célèbre après sa mort[459]. La frénésie fanatique alla si loin, que le gouvernement fut obligé, en 1732, de fermer le cimetière Saint-Médard, où Paris était enterré. Sur quoi un plaisant fit ces deux vers :

         De par le roi, défense à Dieu,
         D’opérer miracle en ce lieu.

Dès lors les convulsionnaires tinrent leurs séances dans des lieux particuliers et se donnèrent en spectacle certains jours du mois. On accourait pour les voir, et leur réputation surpassa bientôt celle des bohémiens ; puis elle tomba, tuée par l’excès et le ridicule.

Copernic, astronome célèbre, mort en 1543. On dit communément que son système fut condamné par la cour de Rome : ce qui est faux et controuvé. Il vivait à Rome d’un bon canonicat et y professait librement l’astronomie. Mais voyez à ce sujet l’article Galilée.

Coq. Le coq a, dit-on, le pouvoir de mettre en fuite les puissances infernales ; et comme on a remarqué que le démon, qu’on appelle le lion d’enfer, disparaît dès qu’il voit ou entend le coq, on a répandu aussi cette opinion que le chant ou la vue du coq épouvante et fait fuir le lion. C’est du moins le sentiment de Pierre Delancre. « Mais il faut répondre à ces savants, dit M. Salgues[460], que nous avons des lions dans nos ménageries ; qu’on leur a présenté des coqs ; que ces coqs ont chanté, et qu’au lieu d’en avoir peur, les lions n’ont témoigné que le désir de croquer l’oiseau chanteur ; que toutes les fois qu’on a mis un coq dans la cage d’un lion, loin que le coq ait tué le lion, c’est au contraire le lion qui a mangé le coq. » On sait que tout disparaît au sabbat aussitôt que le coq chante. On cite plusieurs exemples d’assemblées de démons et de sorcières que le premier chant du coq a mises en déroute ; on dit même que ce son, qui est pour nous, par une sorte de miracle perpétuel, une horloge vivante, force les démons, dans les airs, à laisser tomber ce qu’ils portent : c’est à peu près la vertu qu’on attribue au son des cloches. Pour empêcher le coq de chanter pendant leurs assemblées nocturnes, les sorciers, instruits par le diable, ont soin de lui frotter la tête et le front d’huile d’olive, ou de lui mettre au cou un collier de sarment.

Beaucoup d’idées superstitieuses se rattachent à cet oiseau, symbole du courage et de la vigilance, vieil emblème des Gaulois. On dit qu’un jour Vitellius rendant la justice à Vienne en Dauphiné, un coq vint se percher sur son épaule ; ses devins décidèrent aussitôt que l’empereur tomberait sûrement sous un Gaulois ; et, en effet, il fut vaincu par un Gaulois de Toulouse.

On devinait les choses futures par le moyen du coq. Voy. Alectryomancie. On dit aussi qu’il se forme dans l’estomac des coqs une pierre qu’on nomme pierre alectorienne, du nom grec de l’animal. Les anciens accordaient à cette pierre la propriété de donner le courage et la force : c’est à sa vertu qu’ils attribuaient la force prodigieuse de Milon de Crotone. On lui supposait encore le don d’enrichir, et quelques-uns la regardaient comme un philtre qui modérait la soif. On pensait autrefois qu’il y avait dans le coq des vertus propres à la sorcellerie. On disait qu’avant d’exécuter ses maléfices, Léonora Galigaï ne mangeait que des crêtes de coq et des rognons de bélier qu’elle avait fait charmer. On voit dans les accusations portées contre elle qu’elle sacrifiait des coqs aux démons[461].

Certains juifs, la veille du chipur ou jour du pardon, chargent de leurs péchés un coq blanc qu’ils étranglent ensuite, qu’ils font rôtir, que personne ne veut manger, et dont ils exposent les entrailles sur le toit de leur maison. On sacrifiait, dans certaines localités superstitieuses, un coq à saint Christophe, pour en obtenir des guérisons. On croyait enfin que les coqs pondaient des œufs, et que, ces œufs étant maudits, il en sortait un serpent ou un basilic. « Cette superstition fut très-répandue en Suisse ; et dans une petite chronique de Bâle, Gross raconte sérieusement qu’au mois d’août 1474 un coq de cette ville, ayant été accusé et convaincu de ce crime, fut condamné à mort. Le bourgeois le brûla publiquement avec son œuf, dans un endroit nommé Kablenberg, à la vue d’une grande multitude de personnes[462]. » Voy. Basilic, Mariage, etc.

Corail. Quelques auteurs ont écrit que le corail a la vertu d’arrêter le sang et d’écarter les mauvais génies. Marsile Ficin prétend que le corail éloigne les terreurs paniques et préserve de la foudre et de la grêle. Lucéti en donne cette raison, que le corail exhale une vapeur chaude qui, s’élevant en l’air, dissipe tout ce qui peut causer la grêle ou le tonnerre. Brown, dans ses Essais sur les erreurs populaires, dit qu’il est tenté de croire que l’usage de mettre des colliers de corail au cou des enfants, dans l’espérance de leur faire sortir les dents, a une origine , et que l’on se servait autrefois du corail comme d’une amulette ou préservatif contre les sortilèges.

Corbeau, oiseau de mauvais augure, qui,


dans les idées superstitieuses, annonce des malheurs et quelquefois la mort. Il a pourtant des qualités merveilleuses. Le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand dit que, si l’on fait cuire ses œufs, et qu’ensuite on les remette dans le nid où on les aura pris, aussitôt le corbeau s’en ira dans une île où Alogricus, autrement appelé Alruy, a été enseveli, et il en apportera une pierre avec laquelle, touchant ses œufs, il les fera revenir dans leur premier état ; « ce qui est tout à fait surprenant ». Cette pierre se nomme pierre indienne, parce qu’elle se trouve ordinairement aux Indes. On a deviné, par le chant du corbeau, si son croassement peut s’appeler chant. M. Bory de Saint-Vincent trouve que c’est un langage. On l’interprétait en Islande pour la connaissance des affaires d’État. Les Islandais croient le corbeau instruit de tout ce qui se passe au loin ; il annonce l’avenir, disent-ils ; il prévoit surtout les morts qui doivent frapper une famille : alors il vient se percher sur le toit de la maison, d’où il part pour faire le tour du cimetière, avec un cri continu et des inflexions de voix. Les Islandais disent encore qu’un de leurs savants, qui avait le don d’entendre l’idiome du corbeau, était par ce moyen instruit des choses les plus cachées.

Hésiode avance que la corneille vit huit cent soixante-quatre ans, tandis que l’homme ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans, et il assure que le corbeau vit trois fois plus que la corneille, ce qui fait deux mille cinq cent quatre-vingt-douze ans. On croit dans la Bretagne que deux corbeaux président à chaque maison, et qu’ils annoncent la vie et la mort. Les habitants du Finistère assurent encore que l’on voit sur un rocher éloigné du rivage les âmes de leur roi Gralon et de sa fille Dahut qui leur apparaissent sous la forme de deux corbeaux ; elles disparaissent à l’œil de ceux qui s’en approchent[463]. Voy. Odin, Cicéron, Augures, Arthus, etc.

Corbeau noir. Voy. Calice du Sabbat.

Corde de pendu. Les gens crédules prétendaient autrefois qu’avec de la corde de pendu on échappait à tous les dangers et qu’on était heureux au jeu. On n’avait qu’à se serrer les tempes avec une corde de pendu pour se guérir de la migraine. On portait un morceau de cette corde dans sa poche pour se garantir du mal de dents. Enfin, on se sert de cette expression proverbiale, avoir de la corde de pendu, pour indiquer un bonheur constant, et les Anglais du menu peuple courent encore après la corde de pendu[464].

Cordeliers d’Orléans. On a fait grand bruit de l’affaire des cordeliers d’Orléans, qui eut lieu sous François Ier. Les protestants s’en emparèrent ; et d’un tort qui est assez mal établi, on fit un crime aux moines. C’était peut-être faire leur éloge que de s’étonner qu’ils ne fussent pas tous des anges. Voici l’histoire. Le seigneur de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, qui donnait dans les erreurs de Luther, devint veuf. Sa femme était comme lui luthérienne en secret. Il la fit enterrer sans flambeaux et sans cérémonies. Elle n’avait pas reçu les derniers sacrements. Le gardien et le custode des cordeliers d’Orléans, indignés de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de leurs novices dans les voûtes de l’église, avec des instructions. Aux matines, ce novice lit du bruit sous les voûtes. L’exorciste, qui pouvait bien n’être pas dans le secret, prit le rituel, et croyant que c’était un esprit, lui demanda qui il était ? Point de réponse. — S’il était muet ? — Il frappa trois coups.

On n’alla pas plus loin ce jour-là. Le lendemain et le surlendemain ; le même incident se répéta. — Fantôme ou esprit, dit alors l’exorciste, es-tu l’âme d’un tel ? — Point de réponse. — D’un tel. — Point de réponse. — On nomma successivement plusieurs personnes enterrées dans l’église. Au nom de Louise de Mareau, femme de François de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, l’esprit frappa trois coups. — Es-tu dans les flammes. — Trois coups. — Es-tu damnée pour avoir partagé les erreurs de Luther ? — Trois grands coups…

Les assistants étaient dans l’effroi. On se disposait à signifier au seigneur de Saint-Mesmin l’ordre d’enlever de l’église sa luthérienne ; mais il ne se déconcerta pas. Il courut à Paris et obtint des commissaires du conseil d’État un arrêt qui condamnait huit cordeliers d’Orléans à faire amende honorable pour avoir supposé de fausses apparitions (1534).

Cette faute (s’il y a eu faute) était individuelle, et les huit condamnés, dont deux seulement étaient coupables, le gardien et le custode, furent bannis sans que personne appelât ni réclamât.

Coré, compagnon de Dathan et d’Abiron. Les mahométans, qui le confondent avec le batelier Charon, le font cousin germain de Moïse, qui, le voyant pauvre, lui enseigna l’alchimie, par le moyen de laquelle il acquit de si grandes richesses qu’il lui fallait quarante chameaux pour porter son or et son argent. Il y en a qui prétendent même que plusieurs chameaux étaient chargés seulement des clefs de ses coffres-forts.

Moïse ayant ordonné aux Israélites de payer la dîme de tous leurs biens (nous suivons toujours les auteurs musulmans), Coré refusa d’obéir, se souleva même contre son bienfaiteur jusqu’à répandre sur lui des calomnies qui compromettaient son autorité parmi le peuple, si Moïse ne s’en fût plaint à Dieu, qui punit l’ingrat ; la terre l’engloutit, comme on sait, avec ses adhérents.

Corneille. Le chant de la corneille était regardé par les anciens comme un très-mauvais présage pour celui qui commençait une entreprise. Ils l’invoquaient cependant avant le mariage, parce qu’ils croyaient que les corneilles, après la mort de l’un ou de l’autre dans chaque couple, observaient une sorte de veuvage. Voy. Corbeau, Augures, etc. Les sorcières ont eu quelquefois des corneilles à leur service, comme on le voit dans plusieurs légendes[465].

Cornélius, prêtre païen de Padoue, dont parle Aulu-Gelle. Il avait des extases et son âme voyageait hors de son corps ; le jour de la bataille de Pharsale, il dit en présence de plusieurs assistants qu’il voyait une forte mêlée, désignant les vainqueurs et les fuyards ; et à la fin il s’écria tout à coup que César avait vaincu[466].

Cornes. Tous les habitants du ténébreux empire portent des cornes ; c’est une partie essentielle de l’uniforme infernal.

On a vu des enfants avec des cornes, et Bartholin cite un religieux du monastère de Saint-Justin qui en avait deux à la tête. Le maréchal de Lavardin amena au roi un homme sauvage qui portait des cornes. On montrait à Paris, en 1699, un Français, nommé Trouillon, dont le front était armé d’une corne de bélier[467]. Voyez Cippus.

Dans le royaume de Naples et dans d’autres contrées, les cornes passent pour un préservatif contre les sortilèges. On a dans les maisons des cornes ornées ; et dans la rue ou dans les conversations, lorsqu’on soupçonne un sorcier, on lui fait discrètement des cornes avec les doigts pour paralyser ses intentions magiques. On pend au cou des enfants, comme ornement, une paire de petites cornes.

Cornet d’Oldenbourg. Voy. Oldenbourg.

Cornouailles. Les habitants de ce comté’disent qu’il doit son nom au petit chevalier Corinéus, qui a tué Gog et Magog, auprès de Plymouth.

Corsned, sorte d’épreuve chez les AngloSaxons, qui consistait à faire manger par l’accusé à jeun une once de pain ou de fromage consacré, avec beaucoup de cérémonies. Si l’accusé était coupable, cette nourriture devait l’étouffer en s’arrêtant dans le gosier ; mais si elle passait aisément, l’accusé était déclaré innocent.

Corybantiasme, espèce de frénésie. Ceux qui en étaient attaqués s’imaginaient voir des fantômes et entendre continuellement des sifflements. Ils ouvraient les yeux lorsqu’ils dormaient, Ce délire sanguin a été souvent jugé possession du diable par les démonomanes.

Cosingas, prince des Cerrhéniens, peuples de Thrace, et prêtre de Junon. Il s’avisa d’un singulier expédient pour réduire ses sujets rebelles. Il ordonna d’attacher plusieurs longues échelles les unes aux autres, et fit courir le bruit qu’il allait monter au ciel, vers Junon, pour lui demander raison de la désobéissance de son peuple. Alors les Thraces, superstitieux et grossiers, se soumirent à Cosingas et s’engagèrent par serment à lui rester fidèles.

Cosmas, voyageur du sixième siècle, surnommé Indicopleustès, parce qu’il avait beaucoup navigué dans l’Inde, a laissé une bizarre topographie où il établit que la terre est un carré long, le firmament un cintre supporté par des voûtes immenses. Il pose la terre sur une montagne renversée qui n’est visitée que par les astres, dans leur tour journalier. Manillon a publié ce livre curieux en 1707.

Dans ce livre, où le monde est comparé à un grand coffre, Cosmas dit, entre autres faits singuliers, que le soleil, la lune et les autres astres sont conduits chacun par un ange, et que ce sont d’autres anges qui préparent la pluie et les orages, qui distribuent le chaud, le froid, la neige, la rosée, les brouillards, etc. — Ne nous étonnons pas de ces opinions. Sous Philippe Auguste le vulgaire croyait encore que la terre était carrée.

Cosquinomancie ou Coscinomancie, sorte de divination qui se pratique au moyen d’un crible, d’un sas, ou d’un tamis. On met un crible sur des tenailles, qu’on prend avec deux doigts ; ensuite on nomme les personnes soupçonnées de larcin ou de quelque crime secret, et on juge coupable celle au nom de qui le crible tourne ou tremble, comme si celui qui tient les tenailles ne pouvait pas remuer le crible à sa volonté !

Au lieu du crible, on met aussi (car ces divinations se pratiquent encore) un tamis sur un pivot, pour connaître l’auteur d’un vol ; on nomme de même les personnes soupçonnées, et le tamis tourne au nom du voleur. C’est ce qu’on appelle dans les campagnes tourner le sas. Cette superstition est surtout très-répandue dans la Bretagne[468]. Voy. Crible.

Cossen, rocher du Fichtelberg, que les Allemands disent être le sommet du haut duquel le diable montra à Notre-Seigneur tous les royaumes de la terre.

Côte. Dieu prit une côte d’Adam pour en faire notre mère Ève. Mais il ne faut pas croire pour cela, comme fait le vulgaire, que dans les descendants d’Adam les hommes ont une côte de moins que les femmes.

Cou. On regardait chez les anciens comme un augure favorable une palpitation dans la partie gauche du cou, et comme funeste celle qui avait lieu dans la partie droite.

Couberen, idole de l’Inde, qui donne les richesses.

Couches. On prétendait en certains pays faire accoucher aisément les femmes en liant leur ceinture à la cloche de l’église, et en sonnant trois coups. Ailleurs, la femme en couches mettait la culotte de son mari. Voy. Aétite.

Coucou. On croit en Bretagne qu’en comptant le chant du coucou, on y trouve l’annonce de l’année précise où l’on doit se marier[469]. S’il chante trois fois, on se mariera dans trois ans, etc.

On croit aussi, dans la plupart des provinces, que si on a de l’argent avec soi la première fois qu’on entend le chant du coucou, on en aura toute l’année. — Le coucou de Balkis, probablement la reine de Saba, est un des dix animaux que Mahomet place dans son paradis.

Coucoulampons, anges du deuxième ordre, qui, quoique matériels, selon les habitants de Madagascar, sont invisibles et ne se découvrent qu’à ceux qu’ils honorent d’une protection spéciale. Il y en a des deux sexes ; ils contractent mariage entre eux et sont sujets à la mort ; mais leur vie est bien plus longue que celle des hommes, et leur santé n’est jamais troublée par les maladies. Leur corps est à l’épreuve du poison et de tous les accidents.

Coudaïs, dieux des Tartares de l’Altaï en Sibérie. Ils sont au nombre de sept, tous géants de forme humaine, assez peu puissants et assez peu honorés.

Coudrier. Les branches de cet arbre ont servi à quelques divinations. Voy. Baguette divinatoire.

Couleurs. Pline le naturaliste nous apprend que les anciens tiraient des augures et des présages de la couleur des rayons du soleil, de la lune, des planètes, de l’air, etc. Le noir est le signe du deuil, dit Babelais, parce que c’est la couleur des ténèbres, qui sont tristes, et l’opposé du blanc, qui est la couleur de la lumière et de la joie.

Coumbhacarna, géant de la mythologie indienne, qui était si vorace qu’on craignait qu’il ne dévorât la terre. Il fut tué par Bama.

Coupe (divination par la), très-usitée en Égypte dès le temps de Joseph, employée encore aujourd’hui. Voy. Hydromancie.

Coups. En 1582, dit Pierre Delancre[470], il arriva qu’à Constantinople, à Rome et à Paris, certains démons et mauvais esprits frappaient des coups aux portes des maisons ; c’était un indice de la mort d’autant de personnes qu’il y avait de coups.

Cour infernale. Wierus et d’autres démonomanes, versés dans l’intime connaissance des enfers, ont découvert qu’il y avait là des princes, des nobles, des officiers, etc. Ils ont même compté le nombre des démons, et distingué leurs emplois, leurs dignités et leur puissance. Suivant ce qu’ils ont écrit, Satan n’est plus trop le souverain de l’enfer ; Belzébuth règne à sa place. Voici l’état actuel du gouvernement infernal :

Princes et grands dignitaires. Belzébuth, chef suprême de l’empire infernal, fondateur de l’ordre de la Mouche ; Satan, chef du parti de l’opposition. Eurynome, prince de la mort, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Moloch, prince du pays des larmes, commandeur de l’ordre ; Pluton, prince du feu ; Léonard, grand maître des sabbats, chevalier de la Mouche ; Baalberith, maître des alliances ; Proserpine, archidiablesse, souveraine princesse des esprits malins.

Ministères. Adrameleck, grand chancelier, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Astaroth, grand trésorier ; Nergal, chef de la police secrète ; Baal, général en chef des armées infernales, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Léviathan, grand amiral, chevalier de la Mouche.

Ambassadeurs. Belphégor, ambassadeur en France ; Mammon, ambassadeur en Angleterre ; Bélial, ambassadeur en Turquie ; Bimmon, ambassadeur en Bussie ; Thamuz, ambassadeur en Espagne ; Hutgin, ambassadeur en Italie ; Martinet, ambassadeur en Suisse, etc.

Justice. Lucifer, grand justicier ; Alaslor, exécuteur des hautes œuvres.

Maison des princes. Verdelet, maître des cérémonies ; Succor-Benoth, chef des eunuques ; Chamos, grand chambellan, chevalier de la Mouche ; Melchom, trésorier payeur ; Nisroch, chef de la cuisine ; Béhemoth, grand échanson ; Dagon, grand panetier ; Mullin, premier valet de chambre.

Menus plaisirs. Kobal, directeur des spectacles ; Asmodée, surintendant des maisons de jeu ; Nybbas, grand paradiste. Antéchrist, escamoteur et nécromancien. Boguet l’appelle le singe de Dieu.

On voit que les démonomanes se montrent assez gracieux envers les habitants du noir séjour. Dieu veuille qu’après tant de rêveries ils n’aient pas mérité d’aller en leur société !

M. Berbiguier a écrit en 1821, après avoir transcrit cette liste des princes de la cour infernale ; « Cette cour a aussi ses représentants sur la terre : Moreau, magicien et sorcier à Paris, représentant de Belzébuth ; Pinel père, médecin à la Salpêtrière, représentant de Satan ; Bonnet, employé à Versailles, représentant d’Eurynome ; Bouge, associé de Nicolas, représentant de Pluton ; Nicolas, médecin à Avignon, représentant de Moloch ; Baptiste Prieur, de Moulins, représentant de Pan ; Prieur aîné, son frère, marchand droguiste, représentant de Lilith ; Étienne Prieur, de Moulins, représentant de Léonard ; PaponLominy, cousin des Prieur, représentant de Baalberith ; Jeanneton Lavalette, la Mansotte et la Vandeval, représentant l’archidiablesse Proserpine, qui a voulu mettre trois diablesses à mes trousses[471]. » Voy. Berbiguier

Courils, petits démons malins, corrompus et danseurs, dont M. Gambry a trouvé la croyance établie sur les côtes du Finistère. On les rencontre au clair de la lune, sautant autour des pierres consacrées ou des monuments druidiques. S’ils vous saisissent par la main, il faut suivre leurs mouvements ; ils vous laissent exténués sur la place quand ils la quittent. Aussi, les Bretons, dans la nuit, évitent-ils avec soin les lieux habités par cette espèce de démons, genre des cobales.

On ajoute que les courils perdirent une grande partie de leur puissance à l’arrivée des apôtres du Catholicisme dans le pays. Voy. Willis.

Courma-Vataram. Les Indiens adorent sous ce nom leur dieu Vichnou, dans sa seconde incarnation, qui est celle d’une tortue.

Couronne nuptiale. Chez les habitants de l’Entlebuch, en Suisse, le jour des noces, après le festin et les danses, une femme vêtue de jaune demande à la jeune épousée sa couronne virginale, qu’elle brûle en cérémonie. Le pétillement du feu est, dit-on, de mauvais augure pour les nouveaux mariés.

Courroie de soulier. C’était un mauvais présage chez les Romains de rompre la courroie de son soulier en sortant de chez soi. Celui qui avait ce malheur croyait ne pouvoir terminer une affaire commencée et ajournait celles qu’il s’était proposé d’entreprendre.

Court de Gébelin, écrivain extravagant, venu de Lausanne à Paris au dernier siècle ; il fit, sous le titre de Monde primitif, un roman philosophique en neuf volumes in-/i°, que la livrée de Voltaire prôna parce qu’il attaquait la vérité religieuse, et qui est descendu chez les épiciers. Il se passionna pour le magnétisme, et le 13 mai 1784 il se magnétisa si bien lui-même qu’il en tomba roide mort. On lui fit cette épigraphe :

Ci-gît ce pauvre Gébelin,
Qui parlait grec, hébreu, latin.
Admirez tous son héroïsme :
Il fut martyr du magnétisme.

Courtinière. Un gentilhomme breton, nommé M. de la Courtinière, ayant reçu un jour dans son château plusieurs seigneurs ses voisins, les traita bien pendant quelques jours. Après leur départ, il se plaignit à sa femme de ce qu’elle ne leur avait pas fait assez bon visage ; il fit sans doute ces remontrances avec des paroles peu honnêtes : la femme, d’une humeur hautaine, ne répondit rien, mais elle résolut intérieurement de se venger. M. de la Courtinière s’étant couché et dormant profondément, la dame, après avoir corrompu deux de ses domestiques, leur fit égorger son mari, dont ils portèrent le corps dans un cellier. Ils y firent une fosse, l’enterrèrent, et ils placèrent sur la fosse un tonneau plein de porc salé. La dame, le lendemain, annonça que son mari était allé faire un voyage. Peu après, elle dit qu’il avait été tué dans un bois, en porta le deuil, montra du chagrin et fit faire des services dans les paroisses voisines.

Mais ce crime ne resta pourtant pas impuni : le frère du défunt, qui venait consoler sa belle-sœur et veiller à ses affaires, se promenant un jour dans le jardin du château, et contemplant un parterre de fleurs en songeant à son frère, fut pris d’un saignement de nez qui l’étonna, n’ayant jamais éprouvé cet accident. Au même instant il lui sembla voir l’ombre de M. de la Courtinière qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le spectre jusqu’au cellier, où il le vit disparaître. Ce prodige lui ayant donné des soupçons, il en parla à la veuve, qui se montra épouvantée. Les soupçons du frère se fortifiant de ce trouble, il fit creuser dans le lieu où il avait vu disparaître le fantôme. On découvrit le cadavre, qui fut levé et reconnu par le juge de Quimper Corentin. Les coupables, arrêtés, furent condamnés, la veuve (Marie de Sornin), à avoir la tête tranchée et tous les membres de son corps dispersés, pour être ensuite brûlés et les cendres jetées au vent ; les deux domestiques, à avoir là* main droite coupée, et après être pendus et étranglés, leurs corps aussi brûlés[472]. — Cet événement eut lieu vers la fin du seizième siècle.

Courtisanes. Les chrétiens sont bien étonnés de voir des courtisanes servir de prêtresses dans les Indes. Ces filles, justement déshonorées chez nous, sont privilégiées là depuis l’aventure de l’une d’elles. Dévendiren, dieu du pays, alla trouver un jour cette courtisane sous la figure d’un homme, et lui promit une haute récompense si elle était fidèle ; pour l’éprouver le dieu fit le mort. La courtisane, le croyant véritablement mort, se résolut à mourir aussi dans les flammes qui allaient consumer le cadavre, malgré les représentations qu’on Lui faisait de ce qu’elle n’était pas mariée. Elle allait se mettre sur le bûcher déjà enflammé, lorsque Dévendiren se réveilla, avoua sa supercherie, prit la courtisane pour sa femme et l’emmena dans son paradis…

Coutellier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Couvéra, dieu des richesses dans l’Inde, arrière-petit-fils de Brahma. C’est un lépreux difforme ; il a trois jambes. Sa bouche ne possède que huit dents, et une pièce d’or couvre un de ses yeux.

Crabançon (Jacques de). Voy. Images.

Crabes. Ces hideux petits habitants de la mer sont attachés par quelque lien aux démons des eaux, et, suivant le dire des Écossais riverains,


ils dansent au sabbat des sorcières, lorsqu’il se rassemble sur la plage.

Craca, magicienne qui, au rapport de Saxon le Grammairien, changeait les viandes en pierres ou autres objets, aussitôt qu’elle les voyait posées sur une table.

Crachat. Lorsque les sorciers renoncent au diable, ils crachent trois fois à terre. Ils assurent que le diable n’a plus alors aucun pouvoir sur eux. Ils crachent encore lorsqu’ils guérissent des écrouelles et font de leur salive un remède.

Les anciens avaient l’habitude de cracher trois fois dans leur sein pour se préserver de tous charmes et fascinations. Cracher sur soi : mauvais présage. Voy. Chevillement.

Crachat de la lune. Les alchimistes appellent ainsi la matière de la pierre philosophale avant sa préparation. C’est une espèce d’eau congelée, sans odeur et sans saveur, de couleur verte, qui sort de terre pendant la nuit ou après un orage. Sa substance aqueuse est très-volatile et s’évapore à la moindre chaleur, à travers une peau extrêmement mince qui la contient. Elle ne se dissout ni dans le vinaigre, ni dans l’eau, ni dans l’esprit-de-vin ; mais si on la renferme dans un vase bien scellé, elle s’y dissout d’elle-même en une eau puante. Les philosophes hermétiques la recueillent avant le lever du soleil dans du verre ou du bois et en tirent une espèce de poudre blanche semblable à l’amidon, qui produit ensuite ou ne produit pas la pierre philosophale.

Crampe. Les morses ont sur « les babines, comme au-dessous, plusieurs soies creuses. Il n’y a point de matelot qui ne se fasse une bague de ces soies, dans l’opinion qu’elles garantissent de la crampe[473].

Crâne d’enfant. La cour d’assises de la Haute-Marne a jugé, en février 1857, une affaire qui puise sa cause première dans une horrible superstition. « Des cultivateurs de la commune d’Heuillez-le-Grand, dit l’acte d’accusation, vivaient dans une ferme isolée, et devaient à cet isolement même une tranquillité que rien ne semblait vouloir troubler, lorsque le 21 janvier dernier un crime horrible, unique peut-être dans les annales judiciaires, vint les jeter dans le deuil et la désolation. Le mari, Jean-Baptiste Pinot, était parti dès le matin pour le travail, et sa femme l’avait bientôt rejoint après s’être assurée toutefois que son enfant, âgé de onze mois, qui était couché dans son berceau, dormait profondément. Comme la grange où elle allait travailler n’était qu’à quelques pas de la maison d’habitation, elle n’avait pas pensé en sortant à fermer les portes à la clef.

» Le travail dura quelque temps ; la femme Pinot rentra la première pour s’assurer si l’enfant dormait encore. Quel ne fut pas son effroi lorsqu’elle s’aperçut que le berceau était vide. On fit immédiatement de vaines recherches. Ce ne fut que le lendemain, dans l’après-midi, que l’on découvrit, caché sous des gerbes de paille, dans une écurie de la ferme, le corps de l’enfant entièrement nu, affreusement mutilé. La tête en avait été détachée au moyen d’un instrument tranchant, et ne put être retrouvée. De profondes entailles, faites sur l’une des épaules, indiquaient qu’on avait eu la pensée de couper le corps en morceaux pour le faire disparaître. Le crime était constant, mais quel était l’assassin, et quel intérêt avait pu armer son bras ? La pauvre victime était âgée de onze mois à peine ; les soupçons ne tardèrent pas à se porter sur un homme qui était au service de la ferme. Ses antécédents étaient faits pour les éveiller. Voleur d’habitude depuis son enfance, il avait été condamné pour vol à deux ans de prison, et pour se soustraire aux recherches de la justice, il avait changé de nom ; il avait substitué à son nom de Vautrin celui de Morisot. Cet homme est âgé de vingt-quatre ans. Il était taciturne, recherchait l’isolement, et avait plusieurs fois donné des preuves d’une froide cruauté. A la nouvelle de la disparition de l’enfant, Vautrin avait pâli ; et au lieu de se livrer comme tous à des recherches actives, on l’avait vu morne et préoccupé, cherchant à diriger les soupçons sur un ancien domestique de son maître, qui aurait pris l’enfant pour lui couper la tête et aller avec cette tête dans les châteaux.

» Mais cet étrange propos, émis avant que personne sût si la tête de l’enfant avait été mutilée, était une révélation. Il indiquait le mobile et l’intérêt du crime. Vautrin avouait en effet le lendemain qu’il avait entendu dire que le crâne d’un enfant assassiné avait la propriété de rendre invisible celui qui le portait, et de permettre à un voleur qui s’en ferait une lanterne, de pénétrer impunément dans les habitations. Vautrin croyait à cette odieuse superstition ; ainsi s’expliquaient l’intérêt du crime et la mutilation. Vautrin fut arrêté, et l’interrogatoire qui suivit ne vint que trop confirmer les soupçons qu’on avait eus sur lui. Les investigations ont d’ailleurs fait découvrir derrière des buissons des débris de chemise et un pantalon souillés de sang et de boue appartenant à Vautrin et reconnus par lui ; la tête de la victime a été également retrouvée dans un bois voisin, et à quelques mètres un vieux bonnet rayé ayant appartenu à l’inculpé. A l’audience, comme dans l’instruction, Vautrin se renferma dans un système complet de dénégations. Mais les dépositions des témoins étaient si accablantes, que le verdict du jury fut affirmatif sans circonstances atténuantes., En conséquence, Vautrin fut condamné à la peine de mort. »

Crânologie. Voy. Gall.

Crapaud. Les crapauds tiennent une grande place dans la sorcellerie. Les sorcières les aiment et les choient. Elles ont toujours soin d’en avoir

Crapaud se rendant au sabbat.


quelques-uns, qu’elles soignent, qu’elles nourrissent et qu’elles accoutrent de livrées de velours vert, rouge ou noir. Pierre Delancre dit que les grandes sorcières sont ordinairement assistées de quelque démon, qui est toujours sur leur épaule gauche en forme de crapaud, ayant deux petites cornes en tête ; il ne peut être vu que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. Le diable baptise ces crapauds au sabbat. Jeannette Abadie et d’autres femmes ont révélé qu’elles avaient vu de ces crapauds habillés de velours rouge, et quelques-uns de velours noir ; ils portaient une sonnette au cou et une autre aux pattes de derrière.

Au mois de septembre 1610, un homme se promenant dans la campagne, près de Bazas, vit un chien qui se tourmentait devant un trou ; ayant fait creuser, il y trouva deux grands pots renversés l’un sur l’autre, liés ensemble à leur ouverture et enveloppés de toile ; le chien ne se calmant pas, on ouvrit les pots, qui se trouvèrent pleins de son, au dedans duquel reposait un gros crapaud vêtu de taffetas vert[474]. C’était à coup sûr une sorcière qui l’avait mis là pour quelque maléfice.

Crapauds dansant au sabbat.

Nous rions de ces choses à présent, mais c’étaient choses sérieuses au seizième siècle, et choses dont l’esprit ne nous est pas expliqué.

Le peuple est persuadé, dit M. Salgues[475], que le crapaud a la faculté de faire évanouir ceux qu’il regarde fixement, et cette assertion est accréditée par un certain abbé Rousseau, qui a publié, dans le cours du dernier siècle, quelques observations d’histoire naturelle : il prétend que la vue seule du crapaud provoque des spasmes, des convulsions, la mort même. Il rapporte qu’un gros crapaud, qu’il tenait renfermé sous un bocal, l’ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt saisi de palpitations, d’angoisses, de mouvements convulsifs, et qu’il serait mort infailliblement si l’on n’était venu à son secours… Élien, Dioscoride, Nicandre, Etius, Gesner, ont encore écrit que l’haleine du crapaud était mortelle, et qu’elle infectait les lieux où il respire. On a cité l’exemple de deux amants qui, ayant pris de la sauge sur laquelle un crapaud s’était promené, moururent aussitôt[476]. Mais ce sont là souvent des contes. Cependant le crapaud est en horreur chez tous les peuples, excepté sur les bords de l’Orénoque, où, pour le consoler de nos mépris, des Indiens lui rendaient les honneurs d’un culte ; ils gardaient soigneusement les crapauds sous des vases, pour en obtenir de la pluie ou du beau temps, selon leurs besoins, et ils étaient tellement persuadés qu’il dépendait de ces animaux de l’accorder, qu’on les fouettait chaque fois que la prière n’était pas exaucée[477].

Crapaudine, pierre qui se trouve dans la tête des crapauds ; les sorcières la recherchent pour leurs maléfices. Plusieurs écrivains assurent que c’est un objet très-rare, et si rare, que quelquesuns nient l’existence de cette pierre. Cependant Thomas Brown ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il, tous les jours on trouve des substances pierreuses dans la tête des morues, des carpes, des gros limaçons sans coquilles. Il en est qui pensent que ces crapaudines sont des concrétions minérales que les crapauds rejettent après les avoir avalées, pour nuire à l’homme[478]. Mais ce ne sont là encore que des contes.

Crapoulet. Voy. Zozo.

Cratéis, déesse des sorciers et des enchanteurs, mère de la fameuse Scylla.

Crédulité. Elle a ses excès, qui pourtant sont moins funestes que ceux de l’incrédulité.

Crescence, cardinal, légat du saint-siége au concile de Trente, qui mourut paisiblement en 1552. Jean de Chassanion, huguenot, n’aimant pas ce prince de l’Église, parce qu’il s’était élevé contre les protestants, a écrit que le diable, en forme de chien noir, était venu le voir à son dernier moment et l’avait étranglé[479], ce qui est un mensonge niais. Voy. Carlostad et Luther.

Crespet (Pierre), religieux célestin, mort en 1594, auteur d’un traité contre la magie intitulé Deux livres de la haine de Satan et des malins esprits contre l’homme, etc. Paris, 1590, in-8o. Cet ouvrage est rare et curieux.

Crétinisme, infirmité qui dispose quelquefois, dit-on, au vampirisme.

Crible. Parler au crible est un ancien proverbe qui signifiait faire danser un tamis par le moyen de paroles mystérieuses. Théocrite nommait les gens qui avaient ce pouvoir crible-sorciers ou sorciers du crible. « Je me suis trouvé, dit Bodin[480], il y a vingt ans, dans une maison à Paris où un jeune homme fit mouvoir un tamis sans y toucher, par la vertu de certaines paroles françaises, et cela devant une société, et la preuve, dit-il, que c’était par le pouvoir de l’esprit malin, c’est qu’en l’absence de ce jeune homme on essaya vainement, d’opérer en prononçant les mêmes paroles. » Voy. Cosquinomancie.

Criériens, fantômes des naufragés, que les habitants de l’île de Sein, en Bretagne, croient entendre demander la sépulture, à travers ce bruit sourd qui précède les orages. Les anciens Bretons disaient:« Fermons les portes, on entend les criériens; le tourbillon les suit. »

Crimes. Voy. Possessions.

Cristalomancie, divination par le moyen du cristal. On tirait des présages des miroirs et des vases de cristal, dans lesquels le démon faisait, dit-on, sa demeure. Le roi Childéric cherchait l’avenir dans les prismes d’un petit globe de cristal.

Les devins actuels prédisent encore par le miroir. L’anecdote suivante fera connaître leur méthode. — Un pauvre laboureur des environs de Sézanne, à qui on avait volé six cents francs, alla consulter le devin ; c’était en 1807. Le devin lui fit donner douze francs, lui mit —trois mouchoirs sur les yeux, un blanc, un noir et un bleu, lui diC de regarder dans un miroir où il faisait venir le diable et tous ceux qu’il voulait évoquer. — Que voyez-vous ? lui demanda-t-il. — Rien, répondit le paysan. Là-dessus le sorcier parla fort et longtemps ; il recommanda au bonhomme de songer à celui qu’il croyait capable de l’avoir volé, de se représenter les choses et les personnes. Le paysan se monta la tête, et, à travers les trois mouchoirs qui lui serraient les yeux, il crut voir passer dans le miroir un homme qui avait un sarrau bleu, un chapeau à grands bords et des sabots. Un moment après il crut le reconnaître, et il s’écria qu’il voyait son voleur. — Eh bien, dit le devin, vous prendrez un cœur de bœuf, et soixante-trois clous à lattes que vous planterez en croix dans ledit cœur ; vous le ferez bouillir dans un pot neuf avec un crapaud et une feuille d’oseille ; trois jours après, le voleur, s’il n’est pas mort, viendra vous rapporter votre argent, ou bien il sera ensorcelé.

Le paysan fit tout ce qui lui était recommandé. Mais son argent ne revint pas ; d’où il conclut que son voleur était ensorcelé, et il s’en frotta les mains.

Cristoval de Garalde. Voy. Marissane.

Critomancie, divination qui se pratiquait par le moyen des viandes et des gâteaux. On considérait la pâte des gâteaux qu’on offrait en sacrifice, et la farine d’orge qu’on répandait sur les victimes, pour en tirer des présages.

Crocodiles. Les Égyptiens modernes assurent que jadis les crocodiles étaient des animaux doux, et ils racontent de la manière suivante l’origine de leur férocité. Humeth, gouverneur d’Égypte sous Gisar Al-Mutacil, calife de Bagdad, ayant fait mettre en pièces l’image de plomb d’un grand crocodile (figure talismanique) que l’on avait trouvée en creusant les fondements d’un ancien temple de païens, à l’heure même de cette exécution les crocodiles sortirent du Nil, et ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire par leur voracité[481]. Voy. Étoiles. Pline et Plutarque témoignent que les Égyptiens connaissent, par l’endroit où les crocodiles pondent


leurs œufs, jusqu’où ira le débordement du Nil. Mais il serait difficile, dit Thomas Brown, de comprendre comment ces animaux ont pu deviner un effet qui, dans ces circonstances, dépend de causes extrêmement éloignées, c’est-à-dire de la mesure des rivages dans l’Éthiopie. Les habitants de Thèbes et du lac Mœris rendaient un culte particulier aux crocodiles. Ils leur mettaient aux oreilles des pierres précieuses et des ornements d’or, et les nourrissaient de viandes consacrées. Après leur mort, ils les embaumaient et les déposaient en des urnes que l’on portait dans le labyrinthe qui servait de sépulture aux rois. Les Ombites poussaient même la superstition jusqu’à se réjouir de voir leurs enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces animaux étaient en horreur dans le reste de l’Egypte, excepté à Tentiris ou Denderah, dont les habitants ne les redoutaient pas. Ceux qui les adoraient disaient que, pendant les sept jours consacrés aux fêtes de la naissance d’Apis, ils oubliaient leur férocité naturelle et ne faisaient aucun mal ; mais que le huitième jour, après midi, ils redevenaient furieux.

Croft (Elisabeth). Quand les Anglais apprirent que leur reine Marie Tudor, que l’on a si lâchement calomniée, allait épouser le roi d’Espagne Philippe II, ce fut parmi les réformés un grand effroi, et plusieurs intrigues surgirent pour empêcher cette union. Un certain Drack obtint d’une jeune fille nommée Elisabeth Croft, moyennant une somme d’argent, qu’elle se laisserait enfermer entre deux murs, et qu’au moyen de tuyaux dissimulés elle pourrait dire les paroles qu’on lui mettrait à l’oreille, ce qui se fit. Bientôt donc on apprit dans Londres qu’on entendait des voix qui venaient certainement du ciel, puisqu’on ne voyait absolument personne. La multitude accourut. La voix menaçait l’Angleterre des plus affreux désastres si la reine se mariait avec l’Espagnol ; elle s’élevait avec fureur contre le Pape et contre l’Église romaine, et les réformés se pâmaient d’aise. Cette imposture dura plusieurs jours sans qu’on en soupçonnât le procédé, et il n’était bruit dans Londres que de l’ange qui parlait. Mais parmi les magistrats, quelques-uns étaient encore catholiques ; ils soupçonnèrent un stratagème ; on démolit le mur d’où sortait la voix, et on découvrit Élisabeth Croft. Il ne paraît pas qu’on l’ait punie, non plus que son suborneur, parce qu’ils avaient dans la foule de nombreux partisans.

Croix. Ce saint nom, qui est la terreur de l’enfer, ne devrait pas non plus figurer ici. Mais la superstition, qui abuse de tout, ne l’a pas respecté. Il y a des croix dans toutes les formules des grimoires, et aucun sorcier ne s’est jamais vanté de commander au moindre démon sans ce signe.

Les croix que les sorcières portent au cou et à leurs chapelets, et celles qui se trouvent aux lieux où se fait le sabbat, ne sont jamais entières, comme on le voit par celles que l’on découvre dans les cimetières infestés de sorciers et dans les lieux où les sabbats se tiennent. La raison en est, disent les démonomanes, que le diable ne peut approcher d’une croix intacte.

Croix (Épreuve de la). Voy. Épreuves.

Croix (Magdeleine de la). Voy. Magdeleine.

Cromeruach, idole principale des Irlandais, avant l’arrivée de saint Patrice en leur pays. L’approche du saint la fit tomber, disent les légendes, tandis que les divinités inférieures s’enfoncèrent dans la terre jusqu’au menton. Suivant certains récits, en mémoire de ce prodige, on voit encore leurs têtes à fleur de terre dans une plaine qui ne se trouve plus.

Cromniomancie, divination par les oignons. Ceux qui la pratiquaient mettaient, la veille de Noël, des oignons sur un autel. Ils écrivaient sur les oignons le nom des personnes dont on voulait avoir nouvelle. L’oignon qui germait le plus vite annonçait que la personne dont il portait le nom jouissait d’une bonne santé.

Cette divination est encore en usage dans plusieurs cantons de l’Allemagne, parmi les jeunes filles, qui cherchent à savoir ainsi qui elles auront pour époux[482].

Croque-Mitaine, espèce d’ogre dont on épouvante à Paris les petits enfants indociles. Aujourd’hui que ses dents sont tombées, il se contente de les mettre au cachot et de leur donner le fouet, malgré les lumières du siècle. Voy. Babau.

Crucifixion au sabbat. On lit dans les déclarations de Madeleine Bavent, de la possession de Louviers, qu’au sabbat, où elle a assisté longtemps, elle a vu crucifier plusieurs fois des hosties consacrées, attachées à une croix et dont quelques-unes ont saigné. Une certaine nuit, celle du vendredi saint au samedi saint, elle vit une sorcière apporter un enfant nouveau-né, que l’on crucifia en lui clouant à une croix noire les pieds et les mains. On lui enfonça ensuite des clous autour de la tête en forme de couronne, et on lui perça le côté. Elle ajoutait que deux hommes qui étaient venus au sabbat en novices, ayant à ce sujet témoigné quelque sentiment d’horreur, furent crucifiés eux-mêmes et mis à mort. Voy. Louviers.

Crusembourg (Guy de), alchimiste. Voy. Pierre philosophale.

Cubomancie, divination par le moyen des dés. Auguste et Tibère avaient grande confiance en cette manière de consulter le sort. Les Grecs s’en servaient aussi. C’est à peu près la même chose que l’astragalomancie. Voy. ce mot.

Cuivre. Théocrite assure que le cuivre pur a naturellement la vertu de chasser les spectres et les fantômes ; c’est pourquoi les Lacédémoniens frappaient sur un chaudron toutes les fois qu’un de leurs rois venait à mourir.

Culte. Les démons recevaient un culte par tout l’univers avant le christianisme. Jupiter et les autres dieux n’étaient véritablement que des démons ; mais le diable a reçu un culte plus spécial de gens qui savaient bien qu’ils s’adressaient à lui et non à un dieu. Ainsi les sorciers au sabbat adorent le diable par son nom. Le culte qu’ils lui rendent consiste principalement à Lui baiser le derrière, à genoux, avec une chandelle noire à la main, et à commettre ensuite tout le contraire de ce que prescrit l’Église.

Certains peuples de l’Afrique ne rendent aucun culte à Dieu, qu’ils croient bon, et font des sacrifices au diable pour la raison contraire. Voy. Kurdes.

Cunégonde, femme de Henri II, empereur d’Allemagne. Elle fut accusée d’adultère par des calomniateurs, et se purgea de l’accusation en marchant pieds nus, sans accident, sur des socs de charrue rougis au feu. Voy. Épreuves.

Cupai. Voy. Kupay.

Curdes. Voy. Kurdes.

Cureau de la Chambre, habile médecin, mort en 1669. On a de lui un Discours sur les principes de la chiromancie et de la métoposcopie. Paris, 1653, in-8o. On l’a aussi imprimé sous le titre de l’Art de connaître les hommes.

Curko, divinité des Prussiens avant leur conversion au christianisme. Elle était leur pourvoyeuse, et ils rendaient quelques honneurs à son image. Or cette image était une peau de chèvre élevée sur une perche de trois mètres et couronnée d’épis.

Curma. Du temps de saint Augustin, un paysan des environs d’Hippone, nommé Curma, mourut un matin et demeura deux ou trois jours sans sentiment. Comme on allait l’enterrer, il rouvrit les yeux et demanda ce qui se passait chez un autre paysan du voisinage qui, comme lui, se nommait Curma. On lui répondit que ce dernier venait de mourir à l’instant où lui-même était ressuscité. — Cela ne me surprend pas, dit-il ; on s’était trompé sur les noms : on vient de me dire que ce n’était pas Curma le jardinier, mais Curma le maréchal qui devait mourir. — Il raconta en même temps qu’il avait entrevu les enfers, et il mena depuis meilleure vie.

Curson. Voy. Pursan.

Curtius, fils d’un gladiateur romain. On dit qu’un spectre lui annonça ainsi sa mort : il avait accompagné en Afrique un lieutenant du gouverneur de ce pays conquis. Il vit un jour dans une galerie le spectre d’une femme de haute stature, qui lui dit qu’elle était l’Afrique, et qu’elle venait lui annoncer le bonheur. Elle l’assura qu’il aurait de grands honneurs à Rome ; qu’il reviendrait encore sur le sol africain, non plus comme valet, mais avec la qualité de commandant en chef, et qu’il y mourrait. Cette prédiction s’accomplit entièrement ; Curtius fut questeur, puis préteur ; il eut les privilèges du consulat, et fut envoyé comme gouverneur en Afrique ; mais en débarquant il se sentit frappé d’une maladie dont il mourut[483]. Il est très-probable que ce conte a été fait après coup. Pour un autre Curtius, voy. Dévouement.

Cwes. Voy. Chien.

Cyclopes, personnages fabuleux qui habitaient la Sicile dans la partie qui entoure l’Etna. Ils étaient forgerons ; géants rudes et grossiers, anthropophages, ils n’avaient qu’un œil au milieu du front. Voy. l’Odyssée.

Cylindres, sortes d’amulettes circulaires que les Perses et les Égyptiens portaient au cou, et qui étaient ornées de figures et d’hiéroglyphes.

Cymbale, c’est le nom que les sorciers donnent au chaudron dans lequel ils mangent leur soupe au lard parmi les fêtes du sabbat.

Cynanthropie. Ceux qui sont attaqués de cette espèce de frénésie se persuadent qu’ils sont changés en chiens. C’est, comme la bousanthropie, une nuance de l’état de loup-garou. Voy. Loups-garous.

Cynobalanes, nation imaginaire que Lucien représente avec des museaux de chien et montés sur des glands ailés.

Cynocéphale, singe que les Égyptiens nourrissaient dans leurs temples pour connaître le temps de la conjonction du soleil et de la lune. On était persuadé que, dans cette circonstance, l’animal devenu aveugle refusait toute nourriture. Son image, placée sur les clepsydres, était purement hiéroglyphique. On prétendait qu’à chaque heure du jour le cynocéphale criait très exactement. Voy. Loups-garous.

Cyprien (saint). Avant de se convertir au christianisme, saint Cyprien s’occupait de magie. On voit dans ses Actes, écrits par Siméon Métaphraste, qu’il évoquait les démons, et que ce furent les épreuves qu’il fit de leur impuissance contre le simple signe de la croix qui l’amenèrent à la foi chrétienne.

Cyrano de Bergerac, écrivain remarquable du dix-septième siècle. On trouve dans ses œuvres deux lettres très-originales sur les sorciers. Nous n’avons pas besoin d’indiquer ses histoires des empires du soleil et de la lune. Il a fait aussi un voyage aux enfers ; c’est une pure plaisanterie[484].



D

Dabaïda. Les naturels de Panama ont une idole de ce nom, qui était née de race mortelle et qu’on déifia après sa mort. Quand il tonne ou qu’il fait des éclairs, c’est Dabaïda qui est fâchée ; alors on brûle des esclaves en son honneur.

Dactyles, génies phrygiens du genre des cabires ; ils enseignèrent aux hommes l’art de forger le fer, si on veut bien en croire la mythologie grecque.

Dactylomancie, divination qui se pratiquait au moyen de bagues ou anneaux fondus sous l’aspect de certaines constellations, et auxquels étaient attachés des charmes et des caractères magiques. C’est, dit-on, avec un de ces anneaux que Gygès se rendait invisible en tournant le chaton dans sa main. Clément d’Alexandrie parle de deux anneaux que possédaient les tyrans de la Phocide, et qui les avertissaient, par un son, du temps propre à certaines affaires ; ce qui ne les empêcha pas de tomber dans les griffes du démon, lequel leur tendait un piège par ses artifices[485].

Dadjal ou Deggial, nom de l’Antéchrist chez les Chaldéens et chez les mahométans ; il signifie dans leur langue le menteur et l’imposteur par excellence.

Dagobert Ier, roi de France, mort en 638, à l’âge de trente-sept ans. Une vieille légende établit qu’après qu’il fut mort un bon ermite, nommé Jean, qui s’était retiré dans une petite île voisine des côtes de la Sicile, vit en songe, sur la mer, l’âme du roi Dagobert enchaînée dans une barque, et des démons qui la maltraitaient en la conduisant vers l’Etna, où ils devaient la précipiter. On croyait autrefois que le cratère de ce volcan était une des entrées de l’enfer, et il n’est pas encore vérifié que ce soit une erreur. L’âme appelait à son secours saint Denis, saint Maurice et saint Martin, que le roi, en son vivant, avait fort honorés, parce qu’un jour qu’il avait offensé son père ils lui avaient promis leur appui, dans une vision. Les trois saints descendirent, revêtus d’habits lumineux, assis sur un nuage brillant. Ils arrêtèrent les malins esprits, leur enlevèrent la pauvre âme et l’emportèrent[486]. Un monument curieux, le tombeau de Dagobert, sculpté au temps de saint Louis, retrace naïvement ces circonstances. La principale façade est divisée en trois bandes. Dans la première on voit quatre démons (deux ont des oreilles d’âne) qui emmènent l’âme du roi dans une barque ; la seconde représente saint Denis, saint Maurice et saint Martin, accompagnés de deux anges, avec un bénitier ; ils chassent les démons. Sur la troisième bande, on voit l’âme qui s’enlève, et une main généreuse sort d’un nuage pour l’accueillir. Les farceurs ont glosé sur cette poésie du moyen âge, sur cette légende et sur le monument, qui est toujours dans l’église de Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc dans ces récits que l’Église n’a jamais imposés, et qui sont au moins des fleurs ? Ce qu’il y a de mal, c’est que ces fleurs tombent quelquefois devant des pourceaux.

 
Vision de Dagobert
Vision de Dagobert
Vision de Dagobert
 

Dagon, démon de second ordre, boulanger et grand panetier de la cour infernale. On le trouve figurant dans la possession d’Auxonne. Les Philistins l’adoraient sous la forme d’un monstre réunissant le buste de l’homme à la queue du poisson. Ils lui attribuaient l’invention de l’agriculture, qu’on a attribuée à tant d’autres. On lit dans le premier livre des Rois que, les Philistins s’étant rendus maîtres de l’arche du Seigneur, et l’ayant placée à Azot dans leur temple, où se trouvait l’idole de Dagon, on vit le lendemain cette idole mutilée, et sa tête avec ses deux mains sur le seuil de la porte. « Depuis lors, dit l’auteur sacré, les sacrificateurs de Dagon et tous ceux qui entraient dans son temple ne marchaient plus sur le seuil de cette porte. » Au Pégu on regarde Dagon comme le Dieu créateur, et on croît là que, quand les kiakias auront détruit ce monde, Dagon ou Dagoun en fera paraître un autre qui sera bien plus beau et beaucoup plus agréable.

Dahman est chez les Persans le génie qui reçoit et protège les âmes des morts, et il les place comme elles l’ont mérité.

Dahut. Voy. Is.

Damnetus ou Damachus, loup-garou de l’antiquité. On conte qu’ayant mangé le ventre d’un petit enfant sacrifié à Jupiter Lycien en Arcadie, il fut changé en loup. Mais il reprit sa première forme au bout de dix ans. Il remporta même, depuis, le prix de la lutte aux jeux Olympiques[487].

Danaké. C’est le nom de l’obole que l’on plaçait chez les païens sous la langue des morts, et qu’ils donnaient à Charon pour leur passage dans sa barque.

Daniel, l’un des quatre grands prophètes. On lui attribue un traité apocryphe de l’Art des songes. Les Orientaux le regardent aussi comme l’inventeur de la géomancie,

Danis, sorcier du dernier siècle, qui fut accusé d’avoir ensorcelé un jeune homme de Noisy le Grand, en 1705. Ce fait est rapporté longuement dans l’Histoire des pratiques superstitieuses du père Lebrun, qui pense qu’il pourrait bien y avoir là de la sorcellerie. D’autres croient que le jeune homme ensorcelé n’avait que des hallucinations. Le magnétisme, dont on commence à comprendre la puissance, pourrait donner raison au père Lebrun, comme il explique maintenant beaucoup de maléfices qu’on niait, contre tous les témoignages, il n’y a pas encore trente ans[488].

Danse de saint Guy, danse épidémique qui gagnait au moyen âge des populations tout entières, et que les uns attribuaient à un châtiment de Dieu, les autres à l’obsession des démons ; et cela à propos d’un ménétrier qu’on voulait mettre à mort injustement, et qui amena sa délivrance en faisant danser les masses[489]. On

 
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach.
 
en chercha la guérison à Echternach, en Luxembourg, devant les reliques vénérées de saint Willibrord, et le souvenir de ce singulier phénomène y est toujours vivant. Ces danses eurent lieu au quatorzième siècle surtout. On croyait ces danseurs possédés, parce qu’ils dansaient malgré eux et qu’ils se disaient frappés souvent de visions merveilleuses. Au reste on ne les guérit que par des exorcismes.

Danse des Esprits. Olaüs Magnus, au troisième livre de son Histoire des peuples septentrionaux, écrit qu’on voyait encore de son temps, en beaucoup de ces pays-là, des esprits et fantômes dansant et sautant, principalement de nuit, au son de toutes sortes d’instruments de musique. Cette danse est appelée par les gens du pays chorea elvarum (danse des elfes). Saxon le Grammairien fait mention de ces danses fantastiques dans son Histoire de Danemark. Pomponius Mela, dans sa description de l’Ethiopie, dit qu’on a vu quelquefois, au delà du mont Atlas, des flambeaux, et entendu des flûtes et clochettes, et que le jour venu on n’y trouvait plus rien[490]. On ajoutait que les fantômes faisaient danser ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin, lesquels ne manquaient pas de se tenir pour avertis qu’ils mourraient bientôt. On ne rencontre plus guère de ces choses-là.

Danse des fées. On prétendait chez nos pères que les fées habitaient les forêts désertes, et qu’elles venaient danser sur la gazon au clair de lune. Voy. Fées.

Danse des géants. Merlin, voulant faire une galanterie de courtisan, fit venir, dit-on, d’Irlande en Angleterre, des rochers qui prirent la figure de géants, et s’en allèrent en dansant former un trophée pour le roi Ambrosius. C’est ce qu’on appela la danse des géants. Des écrivains soutenaient, il n’y a pas longtemps, que ces rochers dansaient encore à l’avénement des rois d’Angleterre.

Danse des morts. L’origine des danses des morts, dont on fit le sujet de tant de peintures, date du moyen âge ; elles ont été longtemps en vogue. D’abord on voyait fréquemment, pendant

 
 
le temps du carnaval, des masques qui représentaient la mort ; ils avaient le privilège de danser avec tous ceux qu’ils rencontraient en les prenant par la main, et l’effroi des personnes qu’ils forçaient de danser avec eux amusait le public. Bientôt ces masques eurent l’idée d’aller dans les cimetières exécuter leur danse en l’honneur des trépassés. Ces danses devinrent ainsi un effrayant exercice de dévotion ; elles étaient accompagnées de sentences lugubres, et l’on ne sait pourquoi alors elles prirent le nom de danses macabres. On fit des images de ces danses qui furent révérées par le peuple. Ces danses macabres se multiplièrent à l’infini au quinzième et au seizième siècle : les artistes les plus habiles furent employés à les peindre dans les vestibules des couvents et sur les murs des cimetières. La danse des morts de Bâle fut d’abord exécutée dans cette ville en 1435 par l’ordre du concile qui y était rassemblé. Ce qui l’a rendue célèbre, c’est qu’elle fut ensuite refaite par Holbein. « L’idée de cette danse est juste et vraie, disait il y a quelque temps M. Saint-Marc Girardin. Ce monde-ci est un grand bal où la mort donne le branle. On danse plus ou moins de contredanses, avec plus ou moins de joie ; mais cette danse enfin, c’est toujours la mort qui la mène : et ces danseurs de tous rangs et de tous états, que sont-ils ? Des mourants à plus ou moins long terme.
 
Danse des fées
Danse des fées
Danse des fées.
 
Danse des fées
Danse des fées
Danse des fées.
 

» Je connais deux danses des morts, poursuit le même écrivain : l’une à Dresde, dans le cimetière au delà de l’Elbe ; l’autre en Auvergne, dans l’admirable église de la Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque que l’humidité ronge chaque jour. Dans ces deux danses des morts, la mort est en tête d’un chœur d’hommes d’âges et d’états divers : il y a le roi et le mendiant, le vieillard et le jeune homme, et la mort les entraîne tous après elle. Ces deux danses des morts expriment l’idée populaire de la manière la plus simple. Le génie d’Holbein a fécondé cette idée dans sa fameuse Danse des morts du cloître des dominicains à Bâle ; c’était une fresque, et elle a péri comme périssent peu à peu les fresques. Il en reste au musée de Bâle quelques débris et des miniatures coloriées. La danse d’Holbein n’est pas, comme celles de Dresde et de la Chaise-Dieu, une chaîne continue de danseurs menés par la mort ; chaque danseur a sa mort costumée d’une façon différente, selon l’état du mourant. De cette manière, la danse d’Holbein est une suite d’épisodes réunis dans, le même cadre. Il y a quarante et une scènes dans le drame d’Holbein, et dans ces quarante et une scènes une variété infinie. Dans aucun de ces tableaux vous ne trouverez la même pose, la même attitude, la même expression : Holbein a compris que les hommes ne se ressemblent pas plus dans leur mort que dans leur vie, et que, comme nous vivons tous à notre manière, nous avons tous aussi notre manière de mourir.

 
Danse des morts
Danse des morts
 

» Holbein costume le laid et vilain squelette sous lequel nous nous figurons la mort, et il le

 
Danse des morts
Danse des morts
 
costume de la façon du monde la plus bouffonne, exprimant, par les attributs qu’il lui donne, le caractère et les habitudes du personnage qu’il veut représenter. Chacun de ses tableaux est un chef-d’œuvre d’invention. — Il est incroyable avec quel art il donne l’expression de la vie et du sentiment à ces squelettes hideux, à ces figures décharnées. Tous ses morts vivent, pensent, respirent ; tous ont le geste, la physionomie, j’allais presque dire les regards et les couleurs de la vie.

» Holbein avait ajouté à l’idée populaire de la Danse des morts : le peintre inconnu du pont de Lucerne a ajouté aussi à la danse d’Holbein. Ce ne sont pas des peintures de prix que les peintures du pont de Lucerne ; mais elles ont un mérite d’invention fort remarquable. Le peintre a représenté, dans les triangles que forment les poutres qui soutiennent le toit du pont, les scènes ordinaires de la vie, et comment la mort les interrompt brusquement.

» Dans Holbein, la mort prend le costume et les attributs [de tous les états, montrant par là que nous sommes tous soumis à sa nécessité. Au

 
Danse des morts
Danse des morts
 
pont de Lucerne, la mort vit avec nous. Faisons-nous une partie de campagne, elle s’habille en cocher, fait claquer son fouet ; les enfants rient et pétillent : la mère seule se plaint que la voiture va trop vite. Que voulez-vous ! c’est la mort qui conduit, elle a hâte d’arriver. Allez-vous au bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le peigne à la main. « Hâtez-vous, dit la jeune fille, hâtez-vous ! je ne veux pas arriver trop tard. — Je ferai vite ! » Elle fait vite ; car à peine a-t-elle touché du bout de son doigt décharné le front de la danseuse, que ce front de dix-sept ans se dessèche aussi bien que les fleurs qui devaient le parer.

» Le pont de Lucerne nous montre la mort à nos côtés et partout : à table, où elle a la serviette autour du cou, le verre à la main, et porte des santés ; dans l’atelier du peintre, où, en garçon barbouilleur, elle tient la palette et broie les couleurs ; dans le jardin, où, vêtue en jardinier, l’arrosoir à la main, elle mène le maître voir si ses tulipes sont écloses ; dans la boutique,

 
Danse des morts
Danse des morts
 
où en garçon marchand, assise sur des ballots d’étoffe, elle a l’air engageant et appelle les pratiques ; dans le corps de garde, où, le tambour en main, elle bat le rappel ; dans le carrefour, où, en faiseur de tours, elle rassemble les badauds ; au barreau, où, vêtue en avocat, elle prend des conclusions : le seul avocat (dit la légende en mauvais vers allemands placés au bas de chaque tableau) qui aille vite et qui gagne toutes ses causes ; dans l’antichambre du ministre, où, en solliciteur, l’air humble et le dos courbé, elle présente une pétition qui sera écoutée ; dans le combat, enfin, où elle court en tête des bataillons, et pour se faire suivre elle s’est noué le drapeau autour du cou… »

Danse des tables. Voy. Tables tournantes.

Danse du sabbat. Pierre Delancre assure que les danses du sabbat rendent les hommes furieux et font avorter les femmes. Le diable, dit-on, apprenait différentes sortes de danses aux sorciers de Genève. Ces danses étaient fort rudes, puisqu’il se servait de verges et de bâtons comme ceux qui font danser les animaux. Il y avait dans ce pays une jeune femme à qui le diable avait donné une baguette de fer qui avait la vertu de faire danser les personnes qu’elle touchait. Elle se moquait des juges durant son procès, et leur protestait qu’ils ne pourraient la faire mourir ; mais elle déchanta[491].

 
Danse du sabbat
Danse du sabbat
 

Les démons[492] dansent avec les sorcières, en forme de bouc ou de tout autre animal. On danse généralement en rond au sabbat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y a trois branles : le premier se nomme le branle à la bohémienne ; le second s’exécute comme celui de nos artisans dans les campagnes, c’est-à-dire en sautant toujours le dos tourné ; dans le troisième branle, on se place tous en long, se tenant par les mains et avec certaine cadence, à peu près comme dans ce qu’on appelle aujourd’hui le galop. On exécute ces danses au son d’un petit tambourin, d’une flûte, d’un violon ou d’un autre instrument que l’on frappe avec un bâton. C’est la seule musique du sabbat. Cependant des sorciers ont assuré qu’il n’y avait pas de concerts au monde mieux exécutés…

Danse du soleil. C’est une croyance encore répandue dans beaucoup de villages que le soleil danse le jour de Pâques. Mais cette gracieuse tradition populaire n’est que de la poésie, comme les trois soleils qui se lèvent sur l’horizon le matin de la Trinité.

Dante, le plus grand poète de l’Italie, mort en 1321, a fait dans sa Divina Comedia une description prodigieuse, en trente-trois chants, de l’enfer et une autre du purgatoire. Mais il ne faut chercher là qu’une grande poésie. M. E. Aroux, dans son livre intitulé l’Hérésie du Dante, a voulu démontrer que Dante était attaché à l’hérésie vaudoise, qui entraîna tant d’imaginations au treizième siècle ; c’est douteux.

Daphnéphages, devins qui, avant de répondre aux questions qu’on leur faisait, mangeaient des feuilles de laurier, parce que, cet arbre étant consacré à Apollon, ils se croyaient de la sorte inspirés de ce dieu.

Daphnomancie, divination par le laurier. On en jetait une branche dans le feu ; si elle pétillait en brûlant, c’était un heureux présage ; mais si elle brûlait sans faire de bruit, le pronostic était fâcheux.

Dards magiques. Les Lapons, qui passaient autrefois pour de grands sorciers et qui le sont à présent bien peu, lançaient, dit-on, des dards de plomb longs d’un doigt contre leurs ennemis absents, et croyaient leur envoyer avec ces dards enchantés des maladies et des douleurs violentes. Voy. Tyre.

Daroudji. C’est le nom que les Persans donnent à la troisième classe de leurs mauvais génies. Darvands, mauvais génies en Perse, opposés aux amschaspands.

Darvands, mauvais génies en Perse, opposés aux amschaspands.

Daugis, auteur peu connu d’un livre contre les sorciers intitulé Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, où l’on en démontre la vérité et la réalité ; avec une méthode sûre et facile pour les discerner, et les règlements contre les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris, in-12, 1732.

Dauphin. On ne sait pas trop sur quoi est fondée cette vieille croyance populaire, que le dauphin est l’ami de l’homme. Les anciens le connaissaient si imparfaitement, qu’on l’a presque toujours représenté avec le dos courbé en arc, tandis qu’il a le dos plat comme les autres poissons, à moins que nous ne donnions le nom de dauphin à un poisson qui ne serait pas celui des anciens. Il y a des races perdues. On trouve dans Élien et dans d’autres naturalistes des enfants qui se promènent en mer à cheval sur des dauphins apprivoisés ; ce sont de ces merveilles qui ne sont plus faites pour nous. — On sait que le dauphin est le symbole de la rapidité : et c’est dans un sens emblématique, pour rappeler qu’il faut se hâter avec prudence, qu’on a peint le dauphin entortillé à une ancre ; car il est faux que par affection pour l’homme il la conduise au fond de la mer, comme le contaient nos pères[493].

Dauphiné, ancienne province de France qui, dès le quatorzième siècle, attaquée dans sa foi, ainsi que les Cévennes, par diverses bandes hérétiques, accueillit rapidement le calvinisme, et lors de la révocation de l’édit de Nantes, devint le théâtre de phénomènes extraordinaires où se glissa vite la magie. Il s’éleva là des écoles de prophètes, qui, dans des extases et des transports, disaient et faisaient des choses tout à fait excentriques. En nommé Serre ou Duserre était le gouverneur et le maître de l’école de prophétie. Quelques-uns de ses élèves se firent un nom, entre autres Gabriel Astier et une jeune fille (car il y avait prophètes et prophétesses) nommée Isabelle, connue sous le nom de la belle Isabeau. Des ministres protestants se mêlaient à cet ébranlement ; Jurieu lui-même prophétisa. Il fallut envoyer des troupes pour abattre cette tempête qui devenait menaçante. Isabeau, se convertit ; et la répression, que les réformés ont fort noircie, se fit avec modération[494]. On a appelé ces singuliers rebelles camisards, à cause de leur manière de se reconnaître dans leurs réunions secrètes : ils se mettaient une chemise par-dessus leurs habits.

David. Selon les Orientaux, ce prophète-roi se faisait obéir des poissons, des oiseaux et des pierres ; ils ajoutent que le fer qu’il tenait dans ses mains s’amollissait, et que les larmes qu’il versa pendant les quarante jours qu’il pleura son péché faisaient naître des plantes. Adam, disent les musulmans, avait donné soixante ans de la durée de sa vie pour prolonger celle de David, dont il prévoyait le règne glorieux.

David, prêtre apostat, mêlé à la possession de Louviers par ses relations avec Madeleine Bavent. Il eut une mort subite.

David Georges, vitrier de Gand, qui en 1525 se mit à courir les Pays-Bas, en disant qu’il était le Messie envoyé sur la terre pour remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de vide. On le signala comme un fou dangereux ; mais il changeait de nom pour se mettre à couvert des poursuites. Il ensorcelait les esprits, dit Delancre, tandis que les autres sorciers ensorcelaient les corps. Au bout de treize ans qu’il séjourna à Bâle, il mourut. Ses disciples furent étonnés de sa mort, car ils le croyaient immortel : cependant il leur avait prédit qu’il ressusciterait trois jours après son trépas. Ce qui n’eut pas lieu[495]; et ses restes furent brûlés en 1559.

David Jones. Les matelots anglais appellent de ce nom le mauvais génie qui préside à tous les esprits malfaisants de la mer. Il est dans tous les ouragans ; on l’a vu quelquefois d’une taille gigantesque, montrant trois rangs de dents aiguës dans sa bouche énorme, ouvrant de grands yeux effrayants et de larges narines, d’où sortaient des flammes bleues.

Deber. Des théologiens hébreux disent que Deber signifie le démon qui offense la nuit ; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense en plein midi.

Decarabia. Voy. Carabia.

Décius (Publius). Pendant la guerre des Romains contre les Latins, les consuls Publius Décius et Manlius Torquatus, campés près du Vésuve, eurent tous deux le même songe dans la même nuit : ils virent en dormant un homme d’une figure haute, qui leur dit que l’une des deux armées devait descendre chez les ombres, et que celle-là serait victorieuse dont le général se dévouerait aux puissances de la mort.

Le lendemain les consuls, s’étant raconté leur songe, firent un sacrifice pour s’assurer encore de la volonté des dieux, et les entrailles des victimes confirmèrent ce qu’ils avaient vu. Ils convinrent donc entre eux que le premier qui verrait plier ses bataillons s’immolerait au salut de la patrie.

Quand le combat fut engagé, Décius, qui vit fléchir l’aile qu’il commandait, se dévoua, et avec lui toute l’armée ennemie aux dieux infernaux, et se précipita dans les rangs des Latins, où il reçut la mort en assurant à Rome une victoire éclatante[496].

Si ce double songe des consuls et les présages des victimes publiés dans les deux armées n’étaient qu’un coup de politique, le dévouement de Décius était un acte de patriotisme bien grand, même chez les Romains.

Decremps escamoteur du dernier siècle, qui publia un Traité de la magie blanche.

Dedshail, le diable chez plusieurs tribus arabes.

Dée (Jean), savant fou, né à Londres en 1527. Il s’occupa de cabale, d’alchimie et d’astrologie. La reine Élisabeth le tira de sa misère et l’appela son philosophe. Il a laissé quelques écrits que Casaubon a publiés. Mort en 1607.

Déification. Vespasien, se voyant sur le point de mourir, dit à ses amis, par une assez fine raillerie de l’adulation des Romains, qui déifiaient leurs empereurs après la mort : « Je sens que je deviens dieu. »

Deiphobe, sibylle de Cumes. Voy. Sibylles.

Déisme. Le déisme n’est autre chose que la religion de la nature matérielle, mais en niant tout dans le surnaturel : cette triste et froide doctrine n’explique rien, ne produit rien, ne mène à rien.

Déjections. Le médecin de Haën, dans le dernier chapitre de son Traité de la magie, dit que si l’on voit sortir de quelques parties que ce soit du corps humain, sans lésion considérable, des choses qui naturellement ne peuvent y entrer, comme des couteaux, des morceaux de verre, du fer, de la poix, des touffes de crin, des os, des insectes, de grosses épingles tordues, des charbons, etc., on doit attribuer tout cela au démon et à la magie. Voy. Excréments.

Delancre (Pierre), démonographe renommé, né à Bordeaux dans le seizième siècle. Il fut chargé d’instruire le procès de quantités de vauriens accusés de sortilèges. Dans ces travaux il demeura convaincu de toutes les abominations du sabbat et des sorciers. Il mourut à Paris vers 1630. On a de lui deux ouvrages recherchés sur ces matières.

L’incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, où il est amplement et curieusement traité de la vérité ou illusion du sortilège, de la fascination, de l’attouchement, du scopélisme, de la divination, de la ligature ou liaison magique, des apparitions et d’une infinité d’autres rares et nouveaux sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en son conseil d’État. Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4o de près de 900 pages, assez rare, dédié au roi Louis XIII, divisé en dix traités.

Dans le premier traité, l’auteur prouve que tout ce qu’on dit des sorciers est véritable. Le second, intitulé de la Fascination, démontre que les sorcières ne fascinent, en ensorcelant, qu’au moyen du diable. Par le troisième traité, consacré à l’attouchement, on voit ce que peuvent faire les sorciers par le toucher, bien plus puissant que le regard. Le traité quatrième, où il s’agit du scopélisme, nous apprend que par cette science secrète on maléficie les gens en jetant simplement des pierres charmées dans leur jardin. Le magnétisme explique aujourd’hui la plupart de ces prodiges. Le traité suivant détaille toutes les divinations. Au sixième traité, on s’instruit de tout qui tient aux ligatures. Le septième roule sur les apparitions. L’auteur, qui ne doute peut-être pas assez, en rapporte beaucoup. Il tombe, dans le huitième traité, sur les juifs, les apostats et les athées. Dans le neuvième, il s’élève contre les hérétiques, dont l’apparition dans tous les temps a produit en effet des fanatismes plus ou moins absurdes ou abominables. Il se récrie, dans le dernier traité, contre l’incrédulité et mécréance des juges en fait de sorcellerie. Le tout est suivi d’un recueil d’arrêts notables contre les sorciers.

Tableau de Vinconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité de la sorcellerie et des sorciers ; livre très-curieux et très-utile, avec un discours contenant la procédure faite par les inquisiteurs d’Espagne et de Navarre à cinquante-trois magiciens, apostats, juifs et sorciers, en la ville de Logrogne, en Castille, le 9 novembre 1610 ; en laquelle on voit combien l’exercice de la justice en France est plus juridiquement traité et avec de plus belles formes qu’en tous autres empires, royaumes, républiques et États, par P. Delancre, conseiller du roi au parlement de Bordeaux ; Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4o d’environ 800 pages[497], très-recherché, surtout lorsqu’il est accompagné de l’estampe qui représente les cérémonies du sabbat.

Cet ouvrage est divisé en six livres ; le premier contient trois discours sur l’inconstance des démons, le grand nombre des sorciers et le penchant des femmes du pays de Labourd pour la sorcellerie. Le second livre traite du sabbat en cinq discours. Le troisième roule sur la même matière et sur les pactes des sorciers avec le diable, pareillement en cinq discours. Le quatrième livre, qui contient quatre discours, est consacré aux loups-garous ; le livre cinquième, en trois discours, aux superstitions et apparitions ; et le sixième, aux prêtres sorciers, en cinq discours.

Tout ce que ces ouvrages présentent de curieux tient sa place dans ce dictionnaire.

Delangle (Louis), médecin espagnol et grand astrologue. On raconte qu’il prédit au roi de France Charles VII la journée de Frémigny en 1450 ; il prédit aussi, selon quelques auteurs, l’emprisonnement du petit prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon l’année suivante. On l’accusa de superstition, quoiqu’il ne se dît qu’astrologue. Le roi le retint à quatre cents livres de pension et l’envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit plusieurs livres et traduisit d’espagnol en latin les Nativités, de Jean de Séville. On ajoute qu’il prévit le jour de sa mort. Il fit faire, dit-on, quinze jours d’avance son service, que l’on continua jusqu’à l’heure marquée où en effet il mourut[498].

Delphes (l’oracle de). Diodore de Sicile nous apprend l’origine des merveilles qu’on en a contées. Il arriva un jour que des chèvres s’étant approchées sur le Parnasse d’un trou d’où sortait une exhalaison forte, elles se mirent à danser. La nouveauté de la chose et l’ignorance où l’on était de la vertu naturelle de ces vapeurs firent croire qu’il y avait là-dessous du merveilleux, et que sans doute ce trou était la demeure de quelque dieu (ou démon), dont on ne devait pas négliger les inspirations. Il n’en fallut pas plus : on y bâtit un temple, on y institua un oracle, des prêtres, une pythie, des cérémonies. L’exhalaison qui montait à la tête de la prêtresse l’agitait violemment : c’était, comme le remarque Benjamin Binet, l’inspiration du dieu qui la saisissait. Elle parlait sans se faire comprendre : c’était le dieu qui combattait ses facultés. Elle revenait à elle-même et prononçait l’oracle : c’était le dieu qui, devenu le maître, parlait par son organe. La force de l’exhalaison était quelquefois si violente qu’elle faisait mourir la pythie. Plutarque en cite un exemple.

Delrio (Martin-Antoine), né à Anvers en 1551, savant jésuite, auteur d’un livre intitulé Recherches magiques[499], en six livres, où il est traité soigneusement des arts curieux et des vaines superstitions ; in-4o, Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre célèbre, qui eut dans son temps beaucoup de vogue, a été abrégé et traduit en français par André Duchesne, Paris, in-4o et in-8o, 2 vol., 1611, très-recherché. L’auteur se montre généralement plus éclairé que la plupart des écrivains de son siècle. Son ouvrage est divisé en six livrés ; le premier traite de la magie en général, naturelle et artificielle, et des prestiges ; le second, de la magie infernale ; le troisième, des maléfices ; le quatrième, des divinations et prédictions ; le cinquième, des devoirs du juge et de la manière de procéder en fait de sorcellerie ; le sixième, des devoirs du confesseur et des remèdes permis ou prohibés contre la sorcellerie. En général, ces disquisitions magiques sont un recueil de faits bizarres, mêlés de raisonnements et de citations savantes.

Déluge. Voy. Is[500].

Démence. Voy. Possession.

Démocrite, philosophe célèbre qui florissait en Grèce environ trois cents ans après la fondation de Rome. Les écrivains du quinzième et du seizième siècle l’ont accusé de magie ; quelques-uns lui ont même attribué un traité d’alchimie. Psellus prétend qu’il ne s’était crevé les yeux qu’après avoir soufflé tout son bien à la recherche de la pierre philosophale. La cécité de Démocrite a embarrassé bien des personnes. Tertullien dit qu’il se priva de la vue parce qu’elle était pour lui une occasion de mauvaises convoitises. Plutarque pense que c’était pour philosopher plus à son aise, et c’est le sentiment le plus répandu, quoiqu’il soit aussi dénué de fondement que les autres. Démocrite ne fut point aveugle, si l’on en croit Hippocrate, qui raconte qu’appelé par les Abdéritains pour guérir la folie prétendue de ce philosophe, il le trouva occupé à la lecture de certains livres et à la dissection de quelques animaux, ce qu’il n’eût point fait s’il eût été aveugle.

De jeunes Abdéritains, sachant que Démocrite s’était enfermé dans un sépulcre écarté de la ville pour philosopher, s’habillèrent un jour en démons avec de longues robes noires et des masques hideux ; puis ils l’allèrent trouver et se mirent à danser autour de lui ; Démocrite n’en parut pas effrayé ; il ne leva pas même les yeux de dessus son livre et continua d’écrire[501]. Il riait de tout, nous dit-on, mais son rire était moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquait. Croyons donc, avec Scaliger, qu’il était aveugle moralement, quod aliorum more oculis non uteretur.

On a dit qu’il entendait le chant des oiseaux, et qu’il s’était procuré cette faculté merveilleuse en mangeant un serpent engendré du sang mélangé de certains oisillons ; mais que n’a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu’il commerçait avec le diable, parce qu’il vivait solitaire.

Démogorgon, adoré en Arcadie, a laissé une curieuse histoire. Il était enfoui au milieu de la terre, alors inerte, et il s’y ennuyait, car il n’avait pour compagnon que le chaos. Il s’avisa donc de se faire une petite voiture en forme de sphère ; il la lança et se mit dessus. Comme elle tournait toujours circulairement, son excursion forma le ciel. Ayant rencontré le feu en chemin, il en fit le soleil, et pièce à pièce il construisit ce monde. Voilà un des dogmes des païens.

Démon barbu. Voy. Barbu.

Démoniaques. Voy. Possédés.

Démonocratie, gouvernement des démons, influence immédiate des esprits malfaisants, religion de quelques peuplades américaines, africaines, asiatiques, sibériennes, kamtschadales, etc., qui révèrent le diable avant tout, comme par exemple les Kurdes.

Démonographie, histoire et description de ce qui regarde les démons. On appelle démonographes les auteurs qui écrivent sur ce sujet, comme Boguet, Delancre, Leloyer, Wierus, etc.

Démonolâtrie, culte des démons. On a publié à Lyon vers 1819 un volume in-12 intitulé Superstitions et démonolâtrie des philosophes. Ce livre a été un peu bafoué, quoiqu’il contienne de très-bonnes choses et de sérieuses vérités. Il est certain que chez nous-mêmes, qui sommes si fiers de nos lumières et de nos progrès, le démon compte encore d’innombrables serviteurs. Qu’on lise les savantes pages de la Mystique divine, naturelle et diabolique de Görres, on y verra qu’aujourd’hui, au moment où ces lignes se lisent, il y a sur notre sol, dans les bas-fonds de la société, une foule de démonolâtres ou adorateurs du démon, qui lui rendent un culte ténébreux, qui se donnent et se livrent à lui et qui agissent en conséquence. C’est du reste la suite logique et constante de toutes les ères philosophiques.

Démonologie, discours et traités sur les démons. Pour la démonologie du roi Jacques, voy. ce nom. Voy. aussi Walter Scott.

Démonomancie, divination par le moyen des démons. Cette divination a lieu par les oracles qu’ils rendent ou par les réponses qu’ils font à ceux qui les évoquent.

Démonomanie, manie de ceux qui croient sans réserve à tout ce qu’on raconte sur les démons et les sorciers, comme Boguet, Leloyer, Delancre, Wierus, etc. Un ouvrage de Bodin porte le titre de Démonomanie des sorciers ; mais là ce mot signifie diablerie. Voy. Bobin.

Démons. Ce que nous savons d’exact sur les démons se borne à ce que nous en enseigne l’Église : que ce sont des anges tombés, qui, privés de la vue de Dieu depuis leur révolte, ne respirent plus que le mal et ne cherchent qu’à nuire. Ils ont commencé leur règne sinistre par la séduction de nos premiers pères ; ils continuent de lutter contre les anges fidèles qui nous protègent, et ils triomphent de nous quand nous ne leur résistons pas avec courage, oubliant de nous ap-

 
 
puyer sur la grâce de Dieu. On ne peut nier leur existence sans tomber dans l’absurde et dans l’inexplicable. Lock, Clarke, Leibniz, Newton, toutes les têtes solides ont compris l’impossibilité de cette négation.

Nous ne pouvons faire ici un traité dogmatique sur les démons. Nous devons nous borner à rapporter les opinions bizarres et singulières auxquelles ces êtres maudits ont donné de l’intérêt. Les païens admettaient trois sortes de démons, les bons, les mauvais et les neutres. Mais ils appelaient démon tout esprit. Nous entendons par démon un ange de ténèbres, un esprit mauvais. Presque toutes les traditions font remonter l’existence des démons plus loin que la création de l’homme. La chute des anges a eu lieu en effet auparavant. Parmi les Juifs, Aben-Esra prétend qu’on doit fixer cette chute au second jour de la création. Ménassé Ben-Israël, qui suit la même opinion, ajoute qu’après leur chute, Dieu les plaça dans les nuages et leur donna le pouvoir d’habiter l’air inférieur[502].

Origène et quelques philosophes soutiennent que les bons et les mauvais esprits sont beaucoup plus vieux que notre monde ; qu’il n’est pas probable que Dieu se soit avisé tout d’un coup, il y a seulement six ou sept mille ans[503], de tout créer pour la première fois ; que les anges et les démons étaient restés immortels après la ruine des mondes qui ont précédé le nôtre, etc. Manès, ceux qu’il a copiés et ceux qui ont adopté son système font le diable presque éternel et le regardent comme le principe du mal, ainsi que Dieu est le principe du bien. Quoique faux à l’excès, ce système a encore trop de partisans. Pour nous, nous devons nous en tenir sur les démons au sentiment de l’Église catholique. Dieu avait créé les chœurs des anges. Toute cette milice céleste était pure et non portée au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à l’orgueil ; ils osèrent se croire aussi grands que leur Créateur, et entraînèrent dans leur révolte une partie de l’armée des anges. Satan, le premier des séraphins et le plus grand de tous les êtres créés[504], s’était mis à la tête des rebelles. Il jouissait dans le ciel d’une gloire inaltérable et ne reconnaissait d’autre maître que L’Éternel. Une folle ambition causa sa pert ; il voulut régner sur la moitié du ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que celui du Créateur. L’archange Michel et les anges restés dans le devoir lui livrèrent combat. Satan fut vaincu et précipité avec tous ceux de son parti[505], loin du ciel, dans un lieu que nous nommons l’enfer ou l’abîme, et que plusieurs opinions placent au centre enflammé de notre globe. Mais les démons habitent aussi l’air, qu’ils remplissent. Nous le lisons dans saint Paul. Saint Prosper les place dans les brouillards. Swinden a voulu démontrer qu’ils logeaient dans le soleil ; d’autres les ont relégués dans la lune. Bornons-nous à savoir qu’ils sont dans les lieux inférieurs, et que Dieu leur permet de tenter les hommes et de les éprouver. Nous connaissons la dure et incontestable histoire du péché originel, réparé, dans ses effets éternels, par la rédemption. Depuis, le pouvoir des démons, resserré dans de plus étroites limites, se borne à un rôle vil et ténébreux qui a produit pourtant de lamentables faits.

On n’a aucune donnée du nombre des démons. Wierus, comme s’il les avait comptés, dit qu’ils se divisent en six mille six cent soixante-six légions, composées chacune de six mille six cents soixante-six anges noirs ; il en réduit ainsi le nombre à quarante-cinq millions, ou à peu près, mais il y en a bien davantage. Il leur donne soixante-douze princes, ducs, marquis ou comtes. Ils ont leur large part dans le mal qui se fait ici-bas, puisque les mauvaises inspirations viennent d’eux seuls.

 
Figure d’un démon
Figure d’un démon
Figure d’un démon.
 

Selon Michel Psellus, les démons se divisent en six grandes sections. Les premiers sont les démons du feu, qui en habitent les régions ; les seconds sont les démons de l’air, qui volent autour de nous et ont le pouvoir d’exciter les orages ; les troisièmes sont les démons de la terre, qui se mêlent avec les hommes et s’occupent de les tenter ; les quatrièmes sont les démons des eaux, qui habitent la mer et les rivières, pour y élever des tempêtes et causer des naufrages ; les cinquièmes sont les démons souterrains, qui préparent les tremblements de terre, soufflent les volcans, font écrouler les puits et tourmentent les mineurs ; les sixièmes sont les démons ténébreux, ainsi nommés parce qu’ils vivent loin du soleil et ne se montrent que peu sur la terre. On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé ces détails ; mais c’est dans ce système que les cabalistes ont imaginé les salamandres, qu’ils placent dans les régions du feu ; les sylphes qui remplissent l’air ; les oudins, ou nymphes, qui vivent dans l’eau, et les gnomes, qui sont logés dans l’intérieur de la terre.

Des doctes ont prétendu que les démons multiplient entre eux comme les hommes ; ainsi, leur nombre doit s’accroître, surtout si l’on considère la durée de leur vie, que quelques savants ont bien voulu supputer ; car il en est qui ne les font pas immortels. Hésiode leur donne une vie de six cent quatre-vingt mille quatre cents ans. Plutarque, qui ne conçoit pas bien qu’on ait pu faire l’expérience d’une si longue vie, la réduit à neuf raille sept cent vingt ans…

Ajoutons ici une remarque de Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme : « Les anciens s’étaient imaginé que, Dieu étant esprit, il fallait que les anges et les démons fussent des corps, à cause de la distance infinie qui éloigne le Créateur de la créature. » « Il est certain, dit Tertullien, que les anges n’ont pas eu une chair qui leur fût personnelle, étant spirituels de leur nature ; et s’ils ont un corps, il convient à leur nature. (Tert., De carne Christi, cap. 6.) » Saint Macaire l’ancien pousse encore la chose plus loin en ce passage : « Chacun est corps selon sa propre nature ; en ce sens, l’ange et l’âme et le démon sont corps. « (Mac., hom. 4.)

Plutarque compare la nature des démons à celle des hommes. Il les représente sujets aux mêmes besoins, aux mêmes infirmités, se nourrissant de la fumée, de la graisse et du sang des sacrifices…

Il y a bien des choses à dire sur les démons et sur les diverses opinions qu’on s’est faites d’eux. On trouvera généralement ces choses à leurs articles dans ce dictionnaire.

Les Moluquois s’imaginent que les démons s’introduisent dans leurs maisons par l’ouverture du toit et apportent un air infect qui donne la petite vérole. Pour prévenir ce malheur, ils placent à l’endroit où passent ces démons certaines petites statues de bois pour les épouvanter, comme nous hissons des hommes de paille sur nos cerisiers pour écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires sortent le soir ou la nuit, temps attristé par les excursions des esprits malfaisants, ils portent toujours sur eux comme sauvegarde un oignon ou une gousse d’ail, un couteau, quelques morceaux de bois ; et quand les mères mettent leurs enfants au lit, elles ne manquent pas de mettre l’un ou l’autre de ces préservatifs sous leur tête.

Les Chingulais pour empêcher que leurs fruits ne soient volés annoncent qu’ils les ont donnés aux démons. Dès lors, personne n’ose plus y toucher.

Les Siamois ne connaissent point d’autres démons que les âmes des méchants qui, sortant des enfers où elles étaient détenues, errent un certain temps dans ce monde et font aux hommes tout le mal qu’elles peuvent. De ce nombre sont encore les criminels exécutés, les enfants mort-nés, les femmes mortes en couches et ceux qui ont été tués en duel.

À ceux qui sont assez obtus pour nier les démons, nous citerons encore Bayle, qu’on n’accusera pas de crédulité excessive. Il reconnaît lui-même l’existence des démons et les faits que l’Église leur attribue avec fondements. « Il se trouve dans les régions de l’air, dit-il, des êtres pensants, qui étendent leur empire aussi bien que leurs connaissances sur notre monde. Et comme on ne peut nier l’existence sur la terre d’êtres méchants qui font le mal et s’en réjouissent, on serait ridicule si on osait nier qu’il y ait, outre ceux-là qui ont des corps, plusieurs autres qu’on ne voit pas et qui sont encore plus malins et plus habiles que l’homme[506]. »

Démons blancs. Voy. Femmes blanches.

Démons familiers, démons qui s’apprivoisent et se plaisent à vivre avec les hommes qu’ils aiment assez à obliger.

Un historien suisse rapporte qu’un baron de Regensberg s’était retiré dans une tour de son château de Bâle pour s’y adonner avec plus de soin à l’étude de l’Écriture sainte et aux belles-lettres. Le peuple était d’autant plus surpris du choix de cette retraite, que la tour était habitée par un démon. Jusqu’alors le démon n’en avait permis l’entrée à personne ; mais le baron était au-dessus d’une telle crainte. Au milieu de ses travaux, le démon lui apparaissait, dit-on, en habit séculier, s’asseyait à ses côtés, lui faisait des questions sur ses recherches et s’entretenait avec lui de divers objets, sans jamais lui faire aucun mal. L’historien crédule ajoute que, si le baron eût voulu exploiter méthodiquement ce démon, il en eût tiré beaucoup d’éclaircissements utiles. Voy. Bérith, Cardan, Esprits, Lutins, Farfadets, Kobold, Socrate, etc.

Démons de midi. On parlait beaucoup chez les anciens de certains démons qui se montraient particulièrement vers midi à ceux avec lesquels ils avaient contracté familiarité. Voy. Agathion. Ces démons visitent ceux à qui ils s’attachent, en forme d’hommes ou de bêtes, ou en se laissant enclore en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un anneau vide et creux au dedans. « Ils sont connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui s’en servent, et, à mon grand regret, je suis contraint de dire que l’usage n’en est que trop commun[507]. » Voy. Empuse.

Démons obsesseurs. Voy. Obsessions.

Démons possesseurs. Voy. Possessions.

Denis Anjorand, docteur de Paris, médecin et astrologue au quatorzième siècle. Ce fut lui qui prédit la venue du prince de Galles, et qui configura d’avance par astrologie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on n’en tint pas compte. Néanmoins, après que la chose fut advenue, il fut grandement estimé à la cour[508].

Denis le Chartreux, écrivain pieux du quinzième siècle, né dans le pays de Liège. Nous ne citerons que son ouvrage Des quatre dernières fins de l’homme, où il traite du purgatoire et de l’enfer. Voy. Enfer.

Denis de Vincennes, médecin de la faculté de Montpellier et grand astrologue. Appelé au service du duc Louis d’Anjou, il fut fort expert en ses jugements particuliers, entre lesquels il en fit un audit duc, qui était gouverneur du petit roi Charles VI, au moyen duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui était seulement à la connaissance d’un nommé Errart de Serreuze, homme vertueux, discret et sage. Il y avait dans ce trésor, que Denis de Vincennes découvrit par son art, dix-huit millions d’or. Aucuns (attendu que ce roi avait toujours eu la guerre) disent que Jean de Meung, auteur du roman de la Rose, lui avait amassé ce trésor par la vertu de la pierre philosophale[509].

Dents. Il y a aussi quelques histoires merveilleuses sur les dents ; et d’abord on a vu des enfants naître avec des dents ; Louis XIV en avait deux lorsqu’il vint au monde. Pyrrhus, roi des Épirotes, avait au lieu de dents un os continu en haut de la mâchoire et un os pareil en bas. Il y avait même en Perse une race d’hommes qui apportaient ces os-là en naissant[510]. La république des Gorgones devait être bien laide, comme dit M. Saignes, s’il est vrai que ces femmes n’avaient pour elles toutes qu’un œil et qu’une dent, qu’elles se prêtaient l’une à l’autre.

En 1691, le bruit courut en Silésie que les dents étant tombées à un enfant de sept ans, il lui en était venu une d’or. On prétendait qu’elle était en partie naturelle et en partie merveilleuse, et qu’elle avait été envoyée du ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs, quoiqu’il n’y eût pas grand rapport entre cette dent et les Turcs, et qu’on ne voie pas quelle consolation les chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle occupa plusieurs savants ; elle éleva plus d’une dispute entre les grands hommes du temps, jusqu’à ce qu’un orfèvre ayant examiné la dent, il se trouva que c’était une dent ordinaire à laquelle on avait appliqué une feuille d’or avec beaucoup d’adresse : mais on commença par disputer et faire des livres, puis on consulta l’orfévre.

On voit dans les Admirables secrets d’Albert le Grand qu’on calme le mal de dents en demandant l’aumône en l’honneur de saint Laurent. G est une superstition. — Les racines d’asperges sont, dit-on, un très-bon spécifique : séchées et appliquées sur les dents malades, elles les arrachent sans douleur. Nous ne l’avons pas éprouvé.

Dérodon (David), dialecticien du dix-septième siècle. On conte qu’un professeur, pressé par un argumentateur inconnu, lui dit, sur le point de se rendre : « Tu es le diable, ou tu es Dérodon. » Ce savant a laissé un Discours contre l’astrologie judiciaire, in-8o, 1663.

Dersail ou Detsail, sorcier du pays de Labourd, qui portait le bassin au sabbat, vers l’an 1610. Plusieurs sorcières ont avoué l’y avoir vu recevant les offrandes à la messe du sabbat ; elles ont assuré de plus qu’il employait cet argent pour les affaires des sorciers et pour les siennes[511].

Desbarolles (M. Adolphe), auteur d’un livre intitulé les Mystères de la main, chiromancie nouvelle, assez fantastique. Un vol. in-12 de 624 pages.

Desbordes, valet de chambre du duc de Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en 1628, d’avoir avancé la mort de la princesse Christine, mère du duc, et causé diverses maladies que les médecins attribuaient à des maléfices. Charles IV avait conçu de violents soupçons contre Desbordes, depuis une partie de chasse où il avait servi un grand dîner au duc, sans autres préparatifs qu’une petite boîte à trois étages, dans laquelle se trouvait un repas exquis. C’était peut-être un autoclave. Dans une autre occasion, il s’était permis de ranimer trois pendus (car il faisait toujours tout par trois) qui, depuis trois jours, étaient attachés à trois gibets ; et il leur avait ordonné de rendre hommage au duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs potences. On vérifia encore qu’il avait ordonné aux personnages d’une tapisserie de s’en détacher et de venir danser dans le salon… Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut qu’on informât contre Desbordes. On lui fit son procès et il fut condamné au feu[512] ; mais soyez assuré qu’il y avait à la charge de cet homme autre chose que des tours-de gibecière et des tours de passe-passe.

Descartes (René), l’un des hommes célèbres du dix-septième siècle. Il fut persécuté en Hollande lorsqu’il publia pour la première fois ses opinions. Voët (Voetius), qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht, l’accusa d’athéisme ; il conçut même le dessein de provoquer sa condamnation, sans lui permettre de se défendre, et, avec la mansuétude protestante, de le faire brûler à Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la flamme serait aperçue de toutes les Provinces-Unies[513]…, pays assez plat pour une telle tentative. — À côté de ces fureurs peu chrétiennes, comparez l’Église romaine, qui s’est contentée de signaler les quelques erreurs de Descartes parce qu’elles sont dangereuses, et que ce danger est reconnu bien réel, puisque les philosophes séparés s’en appuient.

Déserts. C’est surtout dans les lieux déserts et abandonnés que les sorciers font leur sabbat et les démons leurs orgies. C’est dans de tels lieux que le diable se montre à ceux qu’il veut acheter ou servir. C’est là aussi qu’on a peur et qu’on voit des fantômes. Voy. Carrefours.

Desfontaines. En 1695, un certain M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valognes), étant alors écolier de quinze ans, fit la connaissance des enfants d’un procureur nommé d’Abaquène, écoliers comme lui. L’aîné était de son âge ; le cadet, un peu plus jeune, s’appelait Desfontaines ; c’était celui des deux frères que Bézuel aimait davantage. Se promenant tous deux, en 1696, ils s’entretenaient d’une lecture qu’ils avaient faite de l’histoire de deux amis, lesquels s’étaient promis que celui qui mourrait le premier viendrait dire des nouvelles de son état au survivant. Le mort revint, disait-on, et conta à son ami des choses surprenantes. Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de se faire mutuellement une pareille promesse. Bézuel ne le voulut pas d’abord ; mais quelques mois après il y consentit, au moment où son ami allait partir pour Caen. Desfontaines tira de sa poche deux petits papiers qu’il tenait tout prêts, l’un signé de son sang, où il promettait, en cas de mort, de venir voir Bézuel ; l’autre, où la même promesse était écrite, fut signée par Bézuel. Desfontaines partit ensuite avec son frère, et les deux amis entretinrent correspondance.

 
Desbordes
Desbordes
Desbordes.
 

Il y avait six semaines que Bézuel n’avait reçu de lettres lorsque, le 31 juillet 1697, se trouvant dans une prairie, à deux heures après midi, il se sentit tout d’un coup étourdi et pris d’une faiblesse, laquelle néanmoins se dissipa ; le lendemain, à pareille heure, il éprouva le même symptôme ; le surlendemain il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui lui faisait signe de venir à lui… Comme il était assis, il se recula sur son siège. Les assistants remarquèrent ce mouvement. Desfontaines n’avançant pas, Bézuel se leva enfin pour aller à sa rencontre ; le spectre s’approcha, le prit par le bras gauche et le conduisit à trente pas de là dans un lieu écarté. — « Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mourais avant vous je viendrais vous le dire : je me suis noyé avant-hier dans la rivière, à Caen, vers cette heure-ci. J’étais à la promenade ; il faisait si chaud qu’il nous prit envie de nous baigner. Il me vint une faiblesse dans l’eau et je coulai. L’abbé de Ménil-Jean, mon camarade, plongea ; je saisis son pied ; mais, soie qu’il crût que c’était un saumon, soit qu’il voulût promptement remonter sur l’eau, il secoua si rudement le jarret qu’il me donna un grand coup dans la poitrine et me jeta au fond de la rivière, qui est là très-profonde. » Desfontaines raconta ensuite à son ami beaucoup d’autres choses. Bézuel voulut l’embrasser, mais il ne trouva qu’une ombre. Cependant son bras était si fortement tenu qu’il en conserva une douleur. Il voyait continuellement le fantôme, un peu plus grand que de son vivant, à demi nu, portant entortillé dans ses cheveux blonds un écriteau où il ne pouvait lire que le mot in… Il avait le même son de voix ; il ne paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillité parfaite. Il pria son ami survivant, quand son frère serait revenu, de le charger de dire certaines choses à son père et à sa mère ; il lui demanda de réciter pour lui les sept psaumes qu’il avait eus en pénitence le dimanche précédent et qu’il n’avait pas encore récités ; ensuite il s’éloigna en disant : jusqu’au revoir, qui était le terme ordinaire dont il se servait quand il quittait ses camarades. Cette apparition se renouvela plusieurs fois. Quelques-uns l’expliqueront par les pressentiments, la sympathie, etc. L’abbé Bézuel en raconta les détails dans un dîner, en 1708, devant l’abbé de Saint-Pierre, qui en fait une longue mention dans le tome IV de ses œuvres politiques.

Desforges (Pierre-Jean-Baptiste Choudard), né à Paris en 1746, auteur plus que frivole. Dans les Mille et un souvenirs, ou Veillées conjugales, livre immoral qu’on lui attribue, il raconte plusieurs histoires de spectres qui ont été reproduites par divers recueils.

Deshoulières. Madame Deshoulières étant allée passer quelques mois dans une terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit de choisir la plus belle chambre du château ; mais on lui en interdisait une qu’un revenant visitait toutes les nuits. Depuis longtemps madame Deshoulières désirait voir des revenants ; et, malgré les représentations qu’on lui fit, elle se logea précisément dans la chambre infestée. La nuit venue, elle se mit au lit, prit un livre selon sa coutume ; et, sa lecture finie, elle éteignit sa lumière et s’endormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ; on l’ouvrit, quelqu’un entra qui marchait assez fort. Elle parla d’un ton très-décidé ; car elle n’avait pas peur. On ne lui répondit point. L’esprit fit tomber un vieux paravent et lira les rideaux avec bruit. Elle harangua encore l’âme, qui, s’avançant toujours lentement et sans mot dire, passa dans la ruelle du lit, renversa le guéridon et s’appuya sur la couverture. Ce fut là que madame Deshoulières fit paraître toute sa fermeté. — « Ah ! dit-elle, je saurai qui vous êtes !… » Alors, étendant ses deux mains vers l’endroit où elle entendait le spectre, elle saisit deux oreilles velues qu’elle eut la constance de tenir jusqu’au matin. Aussitôt qu’il fut jour, les gens du château vinrent voir si elle n’était pas morte. Il se trouva que le prétendu revenant était un gros chien, qui trouvait plus commode de coucher dans cette chambre déserte que dans la basse-cour.

Despilliers. Le comte Despilliers le père, qui mourut avec le grade de maréchal de camp de l’empereur Charles VI, n’était encore que capitaine de cuirassiers lorsque, se trouvant en quartier d’hiver en Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le prier de le changer de logement, disant que toutes les nuits il revenait dans sa chambre un esprit qui ne le laissait pas dormir. Despilliers se moqua de sa simplicité et le renvoya. Mais le militaire revint au bout de quelques jours et répéta la même prière ; il fut encore moqué. Enfin il revint une troisième fois et assura à son capitaine qu’il serait obligé de déserter si on ne le changeait pas de logis. Despilliers, qui connaissait cet homme pour bon soldat, lui dit en jurant : — « Je veux aller cette nuit coucher avec toi et voir ce qui en est. » Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier. Ayant mis ses pistolets armés sur la table, il se couche tout vêtu, son épée à côté de lui. Vers minuit il entend quelqu’un qui entre dans la chambre, qui, en un instant, met le lit sens dessus dessous, et enferme le capitaine et le soldat sous le matelas et la paillasse. Après s’être dégagé de son mieux, le comte Despilliers, qui était cependant très-brave, s’en retourna tout confus et fit déloger le cavalier. Il raconta depuis son aventure, pensant bien qu’il avait eu affaire avec quelque démon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le lutin n’était qu’un grand singe.

Desrues, empoisonneur, rompu et brûlé à Paris en 1777, à l’âge de trente-deux ans. Il avait été exécuté depuis quinze jours lorsque tout à coup le bruit se répandit qu’il revenait toutes les nuits sur la place de Grève. On voyait un homme en robe de chambre, tenant un crucifix à la main, se promenant lentement autour de l’espace qu’avaient occupé son échafaud et son bûcher, et s’écriant d’une voix lugubre : — « Je viens chercher ma chair et mes os. » Quelques nuits se passèrent ainsi, sans que personne osât s’approcher assez pour savoir quel pouvait être l’auteur de cette farce un peu sombre. Plusieurs soldats de patrouille et de garde en avaient été épouvantés. Mais enfin la terreur cessa : un intrépide eut le courage de s’avancer sur la place ; il empoigna le spectre et le conduisit au corps de garde, où l’on reconnut que ce revenant était le frère de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui était devenu fou de désespoir.

Destinée. Voy. Fatalisme.

Desvignes, Parisienne qui avait, au commencement du dix-septième siècle, des attaques de nerfs dont elle voulut tirer parti pour se faire une ressource. Les uns la disaient sorcière ou possédée, les autres la croyaient prophétesse. Le père Lebrun, qui parle d’elle dans son Histoire des superstitions, reconnut, comme les médecins, qu’il y avait dans son fait une grande fourberie. Le bruit qu’elle avait fait tomba subitement.

Detsail. Voy. Dersail.

Deuil. Les premiers poètes disaient que les âmes, après la mort, allaient dans le sombre empire ; c’est peut-être conformément à ces idées, dit Saint-Foix, qu’ils crurent que le noir était la couleur du deuil. Les Chinois et les Siamois choisissent le blanc, croyant que les morts deviennent des génies bienfaisants. En Turquie, on porte le deuil en bleu ou en violet ; en gris chez les Éthiopiens ; on le portait en gris de souris au Pérou quand les Espagnols y entrèrent. Le blanc, chez les Japonais, est la marque du deuil, et le noir est celle de la joie. En Castille, les vêtements de deuil étaient autrefois de serge blanche. Les Perses s’habillaient de brun et se rasaient avec toute leur famille et tous leurs animaux. Dans la Lycie, les hommes portaient des habits de femme pendant tout le temps du deuil. Chez nous, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, changea en noir le deuil, qui jusquelà avait été porté en blanc à la cour. À Argos on s’habillait de blanc et on faisait de grands festins. À Délos on se coupait les cheveux, qu’on mettait sur la sépulture du mort. Les Égyptiens se meurtrissaient la poitrine et se couvraient le visage de boue. Ils portaient des vêtements jaunes ou feuille-morte. Chez les Romains, les femmes étaient obligées de pleurer la mort de leurs maris, et les enfants celle de leur père, pendant une année entière. Les maris ne pouvaient pleurer leurs femmes ; et les pères n’avaient droit de pleurer leurs enfants que s’ils avaient au moins trois ans. Le grand deuil des Juifs dure un an ; il a lieu à la mort des parents. Les enfants ne s’habillent pas de noir ; mais ils sont obligés de porter toute l’année les habits qu’ils avaient à la mort de leur père, sans qu’il leur soit permis d’en changer, quelque déchirés qu’ils soient. Ils jeûnent tous les ans à pareil jour. Le deuil moyen dure un mois ; il a lieu à la mort des enfants, des oncles et des tantes. Ils n’osent, pendant ce temps, ni se laver, ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même se couper les ongles ; ils ne mangent point en famille. Le petit deuil dure une semaine : il a lieu à la mort du mari ou de la femme. En rentrant des funérailles, l’époux en deuil se lave les mains, déchausse ses souliers et s’assied à terre, se tenant toujours en cette posture, et ne faisant que gémir et pleurer, sans travailler à quoi que ce soit jusqu’au septième jour. Ces usages n’ont lieu que chez les Juifs pur sang. Les Chinois en deuil s’habillent de grosse toile blanche, coupent leur queue et pleurent pendant trois mois. Le magistrat n’exerce pas ses fonctions ; le plaideur suspend ses procès. Les jeunes gens vivent dans la retraite, ne peuvent se marier qu’après trois années et n’écrivent qu’à l’encre bleue pendant un an. Le deuil des Caraïbes consiste à se couper les cheveux et à jeûner rigoureusement jusqu’à ce que le corps du défunt qu’ils pleurent soit pourri ; après quoi ils font la débauche pour chasser toute tristesse de leur esprit. Chez certains peuples de l’Amérique, le deuil était conforme à l’âge du mort. On était inconsolable à la mort des enfants et on ne pleurait presque pas les vieillards. Le deuil des enfants, outre sa durée, était commun, et ils étaient regrettés de tout le canton où ils étaient nés. Le jour de leur mort, on n’osait pas approcher des parents, qui faisaient un bruit effroyable dans leur maison, se livraient à des accès de fureur, hurlaient comme des désespérés, s’arrachaient les cheveux, se mordaient, s’égratignaient tout le corps. Le lendemain ils se renversaient sur un lit qu’ils trempaient de leurs larmes. Le troisième jour ils commençaient les gémissements qui duraient toute l’année, pendant laquelle le père et la mère ne se lavaient jamais. Le reste de la ville, pour compatir à leur affliction, pleurait trois fois le jour, jusqu’à ce qu’on eût porté le corps à la sépulture[514]. Voy. Funérailles.

Deumus ou Deumo, divinité des habitants de Calicut, au Malabar. Cette divinité, qui n’est qu’un diable adoré sous le nom de Deumus, a une couronne, quatre cornes à la tête et quatre dents crochues à la bouche, qui est fort grande ; elle a le nez pointu et crochu, les pieds en pattes de coq, et tient entre ses griffes une âme qu’elle semble prête à dévorer[515].

Dévadi, pénitent hindou de noble race, qui avait reçu de ses dieux le privilège de rajeunir les vieillards.

Devaux, sorcier du seizième siècle, à qui Ton trouva une marque sur le dos, de la forme d’un chien noir. Lorsqu’on lui enfonçait une épingle dedans, il n’en éprouvait aucune douleur ; mais lorsqu’on se disposait à y planter l’aiguille, il se plaignait beaucoup, quoiqu’il ne vît pas celui qui portait les doigts au-dessus de la marque[516].

Devendiren. Voy. Courtisanes.

 
Deumus
Deumus
Deumus.
 

Devins, gens qui devinent et prédisent les choses futures. Dans un siècle aussi éclairé que le nôtre prétend l’être, il est encore des personnes qui croient aux devins ; souvent même ces personnes si crédules ont reçu une éducation qui devrait les élever au-dessus de ces préjugés vulgaires. Un plat d’argent ayant été dérobé dans la maison d’un grand seigneur, celui qui avait la charge de la vaisselle s’en alla avec un de ses compagnons trouver une vieille qui gagnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir découvert le voleur et recouvré le plat, ils arrivèrent de bon matin à la maison de la devineresse, qui, remarquant en ouvrant sa porte qu’on l’avait salie de boue et d’ordure, s’écria tout en colère : — « Si je connaissais le gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la nuit, je lui rejetterais tout au nez. » Celui qui la venait consulter regardant son compagnon : — « Pourquoi, lui dit-il, allons-nous perdre de l’argent ? cette vieille nous pourra-t-elle dire qui nous a volés, quand elle ne sait pas les choses qui la touchent[517]? »

Un passage des Confessions de saint Augustin (liv. IV, chap. ii) nous donne une idée de ce que faisaient les devins de son temps. — « J’ai un souvenir bien distinct, dit-il, quoiqu’il y ait longtemps que la chose soit arrivée, qu’ayant eu dessein de disputer un prix de poésie qui se donnait publiquement à celui qui avait le mieux réussi, un certain homme qui faisait le métier de devin voulut traiter avec moi pour me faire remporter le prix. Saisi d’horreur pour les sacrifices abominables que les gens de cette profession offraient aux démons, je le renvoyai au plus loin et lui fis dire que, quand la couronne dont il s’agissait ne se devrait jamais flétrir, quand même ce serait une couronne d’or, je ne consentirais jamais que, pour me la procurer, il en coûtât la vie à une mouche. »

 
Devin
Devin
Devin.
 

Aujourd’hui, chez nous, dans beaucoup de départements encore, les jeunes villageois que le recrutement militaire menace dans la plus sainte des libertés vont trouver les devins pour obtenir un heureux numéro au tirage. L’Irlande a toujours des devineresses. Elles font la médecine, et disent surtout la bonne aventure ; elles tordent pour cela un écheveau mystique qu’il faut descendre dans la carrière à chaux, au bord de laquelle la curieuse demande : « Qui tient ? » Elle attend la réponse avec grande inquiétude. La devineresse explique si c’est un prétendant ou un démon. Ces femmes connaissent le lieu où quatre sources se réunissent. C’est là qu’à une époque mystérieuse de l’année elles trempent la chemise qui doit ensuite être déployée devant le feu, à minuit, au nom de Belzébuth, pour être retournée avant le matin par l’image de l’époux destiné à celle qui consulte cette voix du sort. Elles font tenir le peigne de la main gauche à une jeune fille qui porte en même temps de la droite une pomme à sa bouche, pour voir son futur adjuré dans une glace. On ôte pendant cette opération tout instrument de fer de la maison ; car sans cela, au lieu d’un beau jeune homme avec une bague au doigt, la curieuse verrait un corps sans tête venir à elle armé d’une broche ou d’un fourgon.

Voy. Cartomancie, Main, Prédictions, et cent autres moyens de deviner.

Dévouement, mouvement de ceux qui se dévouent ou sort de ceux qu’on dévoue. Les histoires grecque et romaine fournissent beaucoup de traits de dévouement. Nous ne rappellerons pas ici le dévouement de Décius (Voy. ce mot), ni celui de Codrus, ni tant d’autres. Il y avait aussi des villes où l’on donnait des malédictions à un homme pour lui faire porter tous les maux publics que le peuple avait mérités. Valère-Maxime rapporte l’exemple d’un chevalier romain, nommé Curtius, qui voulut attirer sur lui-même tous les malheurs dont Rome était menacée. La terre s’était épouvantablement entrouverte au milieu du marché ; on crut qu’elle ne reprendrait son premier état que lorsqu’on verrait quelque action de dévouement extraordinaire. Le jeune chevalier monte à cheval, fait le tour de la ville à toute bride, et se jette dans le précipice que l’ouverture de la terre avait produit, et qu’on vit se refermer ensuite presque en un moment. On lit dans Servius, sur Virgile, qu’à Marseille, avant le christianisme, dès qu’on apercevait quelque commencement de peste, on nourrissait un pauvre homme des meilleurs aliments ; on le faisait promener par toute la ville en le chargeant hautement de malédictions, et on le chassait ensuite, afin que la peste et tous les maux sortissent avec lui[518]. Les Juifs dévouaient un bouc pour la rémission de leurs péchés. Voy. Azazel.

Voici des traits plus modernes : un inquisiteur, en Lorraine, ayant visité un village devenu presque désert par une mortalité, apprit qu’on attribuait ce fléau à une femme ensevelie, qui avalait peu à peu le drap mortuaire dont elle était enveloppée. On lui dit encore que le fléau de la mortalité cesserait lorsque la morte, qui avait dévoué le village, aurait avalé tout son drap. L’inquisiteur, ayant rassemblé le conseil, fit creuser la tombe. On trouva que le suaire était déjà avalé et digéré. À ce spectacle, un archer tira son sabre, coupa la tête au cadavre, le jeta hors de la tombe et la peste cessa. Après une enquête exacte, on découvrit que cette femme avait été adonnée à la magie et aux sortilèges[519]. Au reste, cette anecdote convient au vampirisme. Voy. Envoûtement et Vampires.

Dia. Les anciens peuples de la Sibérie adoraient une divinité appelée Dia, qu’ils croyaient triple et une. Ses images la représentaient avec trois têtes et six bras. Elle tenait un sceptre, un miroir et un cœur enflammé.

Diable. C’est le nom général que nous donnons à toute espèce de démons. Il vient d’un mot grec qui désigne Satan, précipité du ciel. Mais on dit le diable lorsqu’on parle d’un esprit malin, sans le distinguer particulièrement. On dit le diable pour nommer spécialement l’ennemi des hommes.

On a fait mille contes sur le diable. Citons-en un.

Un chartreux étant en prières dans sa chambre sent tout à coup une faim non accoutumée, et aussitôt il voit entrer une femme, laquelle n’était qu’un diable. Elle s’approche de la cheminée, allume le feu et, trouvant des pois qu’on avait donnés au religieux pour son dîner, les fricasse, les met dans l’écuelle et disparaît. Le chartreux continue ses prières, puis il demande au supérieur s’il peut manger les pois que le diable a préparés. Celui-ci répond qu’il ne faut jeter aucune chose créée de Dieu, pourvu qu’on la reçoive avec actions de grâces. Le religieux mangea les pois, et assura qu’il n’avait jamais rien mangé qui fut mieux préparé.

Nous ne dirons rien de ce petit trait, qui est rapporté sans doute en manière de rire par le cardinal Jacques de Vitry. Mais voici d’autres histoires qui font voir qu’on a pris quelquefois pour le diable des gens qui n’étaient pas de l’autre monde. Un marchand breton s’embarqua pour le commerce des Indes, et laissa à sa femme le soin de sa maison. Cette femme était sage ; le mari ne craignit pas de prolonger le cours de son voyage et d’être absent plusieurs années. Or, un jour de carnaval, la dame, voulant pourtant s’égayer un peu, donna à ses parents et à ses amis une petite fête qui devait être suivie d’une collation. Lorsqu’on se mit au jeu, un masque habillé en procureur, ayant des sacs de procès à la main, entra et proposa à la dame de jouer quelques pistoles avec elle ; elle accepta le défi et gagna ; le masque présenta encore plusieurs pièces d’or qu’il perdit sans dire mot. Quelques personnes ayant voulu jouer contre lui perdirent ; il ne se laissait gagner que lorsque la dame jouait. On lit d’injurieux soupçons sur la cause qui l’engageait à perdre. — Je suis le démon des richesses, dit alors le masque en sortant de ses poches plusieurs bourses pleines de louis. Je joue tout cela, madame, contre tout ce que vous avez gagné. La dame trembla à cette proposition et refusa le défi en femme prudente. Le masque lui offrit cet or sans le jouer ; mais elle ne voulut pas l’accepter. Cette aventure commençait à devenir extraordinaire. Une dame âgée, qui se trouvait présente, vint à s’imaginer que ce masque pouvait bien être le diable. Cette idée se communiqua à l’assemblée, et comme on disait à demi-voix ce qu’on pensait, le masque, qui l’entendit, se mit à parler plusieurs langues pour les confirmer dans cette opinion ; puis il s’écria tout à coup qu’il était venu de l’autre monde pour venir prendre une dame qui s’était donnée à lui, et qu’il ne quitterait point la place qu’il ne se fut emparé d’elle, quelque obstacle qu’on voulût y apporter… Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse du logis. Les gens crédules étaient saisis de frayeur, les autres à demi épouvantés ; la dame de la maison se mit à rire. Enfin le faux diable leva son masque, et se fit reconnaître pour le mari. Sa femme jeta un cri de joie en le reconnaissant. — J’apporte avec moi l’opulence, dit-il. Puis se tournant vers les joueurs : Vous êtes des dupes, ajouta-t-il ; apprenez à jouer. Il leur rendit leur argent, et la fête devint plus vive et plus complète.

Un vieux négociant des États-Unis, retiré du commerce, vivait paisiblement de quelques rentes acquises par le travail. Il sortit un soir pour toucher douze cents dollars qui lui étaient dus. Son débiteur, n’ayant pas davantage pour le moment, ne lui paya que la moitié de la somme.

 
 
En rentrant chez lui, il se mit à compter ce qu’il venait de recevoir. Mais, pendant qu’il s’occupait de ce soin, il entend quelque bruit, lève les yeux, et voit descendre de sa cheminée dans sa chambre le diable en personne. Il était en costume : tout son corps, couvert de poils rudes et noirs, avait six pieds de haut. De grandes cornes surmontaient son front, accompagnées d’oreilles pendantes ; il avait des pieds fourchus, des griffes au lieu de mains, une queue, un museau comme on n’en voit point, et des yeux comme on n’en voit guère.

À la vue de ce personnage, le vieux marchand eut le frisson. Le diable s’approcha et lui dit : — Mes affaires vont mal, je suis le diable ; il faut que tu me donnes sur l’heure douze cents dollars, si tu ne veux pas que je t’emporte en enfer. — Hélas ! répondit le négociant, je n’ai pas ce que vous me demandez…… — Tu mens, interrompit brusquement le diable ; je sais que tu viens de les recevoir à l’instant. — Dites que je devais les recevoir ; mais on ne m’en a pu donner que six cents. Si vous voulez me laisser jusqu’à demain, je promets de vous compter la somme…

Eh bien, ajouta le diable en prenant les six cents dollars, après un moment de réflexion, j’y consens ; mais que demain, à dix heures du soir, je trouve ici les six cents autres, ou je t’entraîne sans miséricorde. Surtout que personne, si tu tiens à la vie, ne soit instruit de notre entrevue. — Après avoir dit ces mots, le diable sortit par la porte. — Le lendemain matin, le négociant, qui était un méthodiste calme, alla trouver un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents dollars. Son ami lui demanda s’il en était bien pressé. — Oh ! oui, très-pressé ; il me les faut avant la nuit. Il y va de ma parole et peut-être d’autre chose. — Mais n’avez-vous pas reçu hier une somme ? — J’en ai disposé. — Cependant je ne vous connais aucune affaire qui nécessite absolument de l’argent. — Je vous dis qu’il y va de ma vie. Le vieil ami, étonné, demande l’éclaircissement d’un pareil mystère. On lui répond que le secret ne peut se trahir. — Considérez, dit-il au négociant effaré, que personne ne nous écoute ; dites-moi votre affaire : je vous prêterai les six cents dollars. — Sachez donc que le diable est venu me voir ; qu’il faut que je lui donne douze cents dollars ; que je n’ai pu hier lui en remettre que six cents, et qu’il me faut les six cents autres. — L’ami ne répliqua plus ; il savait l’imagination de ce pauvre ami facile à effrayer. Il tira de son coffre la somme qu’on lui demandait, et la prêta de bonne grâce ; mais à huit heures du soir il se rendit chez le vieux marchand. — Je viens vous faire société, lui dit-il, et attendre avec vous le diable que je ne serais pas fâché de voir. Le négociant répondit que c’était impossible, ou qu’ils s’exposeraient à être emportés tous les deux. Après des débats, il permit que son ami attendît l’événement dans un cabinet voisin. À dix heures précises, un bruit se fit entendre dans la cheminée, le diable paraît dans son costume de la veille. Le vieillard se met en tremblant à compter les écus. En même temps, l’homme du cabinet entra. — Es-tu bien le diable ? dit-il à celui qui demandait de l’argent… — Puis, voyant qu’il ne se pressait pas de répondre, et que son ami frissonnait, grelottait et tremblotait, il tira de sa poche deux longs pistolets, et, les présentant à la gorge du diable, il s’écria : — Je veux savoir si tu es à l’épreuve du feu…… Le diable recula, cherchant à gagner la porte. — Fais-toi bien vite connaître ou tu es mort… — Le démon se hâta de se démasquer et de mettre bas son costume infernal. On trouva sous ce déguisement un voisin du bon marchand, qui faisait quelquefois des dupes et qu’on n’avait pas encore soupçonné. Il fut jugé comme escroc, et le négociant apprit par là que le diable n’est pas le seul qui soit disposé à nous nuire.

Voici une autre aventure où la coquinerie a voulu se cacher sous le masque du diable. Elle a eu lieu il n’y a que quelques années. Toute la ville de Brunn était en émoi ; les rues étaient encombrées. Les jeunes gens riaient ; les vieillards et les femmes pleuraient, se signaient et appelaient à leur aide tous les saints. Cinq gendarmes conduisaient à la prison le diable même. Tête surmontée de deux cornes, et flanquée d’oreilles de bouc, corps velu, à jambes de cheval, à pieds fourchus, et ce Lucifer penaud se laissait conduire à la geôle. Voici dans quelles circonstances. Au village de Dernou, une paysanne, Marie Hert, venait d’accoucher ; pendant qu’elle se trouvait seule dans sa chambre, elle entendit un bruit semblable à un cliquetis de chaînes, puis à l’instant même s’approcha de son lit le diable que nous venons de décrire, et qui lui dit : « Donnez-moi votre enfant nouveau-né ou les cent florins que vous avez en pièces neuves de vingt-quatre kreulzers ! » La pauvre femme intimidée indiqua au diable l’endroit où se trouvait cette somme ; le diable s’en empara et disparut.

Le jour venu, Marie Hert fit appeler son curé, et lui raconta ce qui lui était arrivé ; elle ajouta que les cent florins que le diable lui avait enlevés, elle les avait économisés sou par sou. Le bon curé lui demanda si elle n’avait dit à personne qu’elle possédât les cent florins ; elle lui répondit qu’elle n’avait confié ce secret qu’à sa sage-femme. « Alors, dit le curé, il y a peut-être un moyen d’arracher au diable votre argent. Voici ce que vous devez faire : racontez votre aventure de la nuit à votre sage-femme, et dites-lui qu’il est fort heureux que le diable ignorât que vous eussiez encore cinquante florins en bonne monnaie blanche, car autrement il vous aurait forcé à les lui livrer aussi. Si le diable revient chez vous, ne craignez rien ; je placerai dans le voisinage de votre maison un exorciste qui l’empêchera de faire le moindre mal à vous et aux vôtres. » Ce conseil, Marie Hert le suivit. Elle fit la communication dont il s’agissait à la sage-femme. Dans la même nuit, le diable lui fit une nouvelle visite, mais cette fois il n’eut pas le temps de lui demander de l’argent, car, au moment où il ouvrait la porte de la chambre, l’exorciste, c’est-à-dire un des gendarmes, le saisit par le collet. Ce prétendu diable était le mari de la sage-femme.

Encore une historiette sur les idées qu’on se fait du diable :

Rich, célèbre arlequin de Londres, sortant un soir de la comédie, appela un fiacre, et lui dit de le conduire à la taverne du Soleil, sur le marché de Clarri. À l’instant où le fiacre était près de s’arrêter, Rich s’aperçut qu’une fenêtre de la taverne était ouverte, et ne fit qu’un saut de la portière dans la chambre. Le cocher descend, ouvre son carrosse, et est bien surpris de n’y trouver personne. Après avoir bien juré, suivant l’usage, contre celui qui l’avait ainsi escroqué, il remonte sur son siège, tourne et s’en va. Rich épie l’instant où la voiture repassait vis-à-vis la fenêtre, et d’un saut se remet dedans. Alors il crie au cocher qu’il se trompe et qu’il a passé la taverne. Le cocher, tremblant, retourne de nouveau, et s’arrête encore à la porte. Rich descend de voiture, gronde beaucoup cet homme, tire sa bourse et veut le payer. « À d’autres ! monsieur le diable, s’écria le cocher, je vous connais bien ; vous voudriez m’empaumer ; gardez votre argent. » À ces mots, il fouette et se sauve à toute bride.

Nous nous représentons souvent le diable comme un monstre noir : les nègres lui attribuent la couleur blanche. Au Japon, les partisans de la secte de Sintos sont persuadés que le diable n’est que le renard. En Afrique le diable est généralement respecté. Les nègres de la Côte-d’Or n’oublient jamais, avant de prendre leur repas, de jeter à terre un morceau de pain qui est destiné pour le mauvais génie. Dans le canton d’Auté, ils se le représentent comme un géant d’une prodigieuse grosseur, dont la moitié du corps est pourrie, et qui cause infailliblement la mort par son attouchement ; ils n’oublient rien de ce qui peut détourner la colère de ce monstre. Ils exposent de tous côtés des mets pour lui. Presque tous les habitants pratiquent une cérémonie bizarre et extravagante, par laquelle ils prétendent chasser le diable de leurs villages ; huit jours avant cette cérémonie, on s’y prépare par des danses et des festins ; il est permis d’insulter impunément les personnes même les plus distinguées. Le jour de la cérémonie arrivé, le peuple commence dès le matin à pousser des cris horribles ; les habitants courent de tous côtés comme des furieux, jetant devant eux des pierres et tout ce qu’ils trouvent sous leurs mains ; les femmes furètent dans tous les coins de la maison, et récurent toute la vaisselle, de peur que le diable ne se soit fourré dans une marmite ou dans quelque autre ustensile. La cérémonie se termine quand on a bien cherché et qu’on s’est bien fatigué ; alors on est persuadé que le diable est loin.

Les habitants des îles Philippines se vantent d’avoir des entretiens avec le diable. Ils racontent que quelques-uns d’entre eux, ayant hasardé de parler seuls avec lui, avaient été tués par ce génie malfaisant ; aussi se rassemblent-ils en grand nombre lorsqu’ils veulent conférer avec le diable. Les insulaires des Maldives mettent tout en usage lorsqu’ils sont malades pour se rendre le diable favorable. Ils lui sacrifient des coqs et des poules.

Le diable nous est singulièrement dépeint par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de saint Benoit. Un jour que le saint allait dire ses prières à l’oratoire de Saint-Jean, sur le mont Cassin, il rencontra le diable sous la forme d’un vétérinaire, avec une fiole d’une main et un licou de l’autre. Le texte disait : In mulo medici specie ; par l’introduction d’une virgule qui décompose le sens : In mulo, medici specie, un copiste fit du diable ainsi déguisé un docteur monté sur sa mule, comme cheminaient les docteurs en

 
Diable
Diable
 
médecine avant l’invention des carrosses, et un tableau de cet épisode ayant été exécuté d’après ce texte corrompu, Satan a été souvent représenté avec la robe doctorale et les instruments de la profession en croupe sur sa monture.

Une autre fois, on dénonça à saint Benoît la conduite légère d’un jeune frère appartenant à l’un des douze monastères affiliés à la règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou ne pouvait prier avec assiduité ; à peine s’était-il mis à genoux, qu’il se levait et allait se promener. Saint Benoît ordonna qu’on le lui amenât au mont Cassin, et là, lorsque le moine, selon son habitude, interrompit ses devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un petit diable noir qui le tirait de toutes ses forces par le pan de sa robe.

Parmi les innombrables épisodes de l’histoire du diable dans les Vies des Saints, quelques-uns sont plus bizarres, quelques autres plus effrayants. Saint Antoine vit Satan dresser sa tête de géant au-dessus des nuages, et étendre ses larges mains pour intercepter les âmes des morts qui prenaient leur vol vers le ciel. Parfois le diable est un véritable singe, et sa malice ne s’exerce qu’en espiègleries. C’est ainsi que, pendant des années, il se tint aux aguets pour troubler la piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses avaient été vaines, lorsque enfin il se résolut à un dernier effort. C’était la coutume de cette noble et chaste vierge de se lever au chant du coq et d’aller prier à l’église, précédée de sa servante portant une lanterne. Que fit le père de toute malice ? il éteignit la lanterne en soufflant des sus. La sainte eut recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se ralluma ; miracle de la foi qui suffit pour renvoyer le malin honteux et confus.

Il n’est pas sans exemple que le diable se laisse tromper par les plus simples artifices, et une équivoque suffit souvent pour le rendre dupe dans ses marchés avec les sorciers ; comme lorsque Nostradamus obtint son secours à condition qu’il lui appartiendrait tout entier après sa mort, soit qu’il fût enterré dans une église, soit qu’il fût enterré dehors. Mais Nostradamus ayant ordonné par testament que son cercueil fût déposé dans la muraille de la sacristie, son corps y repose encore, et il n’est ni dans l’église ni dehors.

Le vieil Heywood a rédigé en vers une nomenclature curieuse de tous les petits démons de la superstition populaire ; il y comprend les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les Robin Goodfellows, et ces lutins que Shakespeare a don nés pour sujets à Oberon et à Titania. On a prouvé que le roi ou la reine de féerie n’est autre que Satan lui-même, n’importe son déguisement. Voy. Puck et tous les lutins.

On trouvera peut-être un peu de frivolité dans tout ce qui vient d’être dit ici sur le diable. Mais ce livre n’est pas un livre de théologie. Les lecteurs chrétiens savent que ce diable, dont saint Louis ne prononçait jamais le nom et qui est à tout propos dans la bouche de nous tous, cet esprit de malice noire, que nous citons souvent pour avoir l’air de nous en jouer, est le plus perfide, le plus cruel et le plus implacable de nos ennemis ; « qu’il rôde autour de nous cherchant qui dévorer ». Si nous l’avons traité ici d’une manière trop légère, c’est par mépris ; ce qui l’offense, comme l’a remarqué saint François de Sales, et ce même saint conseille à ceux qui se trouvent circonvenus de lui ou des siens de repousser ces misérables en les nommant de sobriquets qui les humilient.

On a publié à Amsterdam une Histoire du diable, 2 volumes in-12, qui est une espèce de mauvais roman, où les aventures du diable sont plus que médiocrement accommodées à la fantaisie de l’auteur. M. Frédéric Soulié a prodigué dans les Mémoires du diable beaucoup de talent à faire un livre, qui aurait pu être fort singulier et fort piquant si l’auteur avait respecté les mœurs. Voy. Démons.

Diable de mer. « Grand bruit parmi les ma telots ; on a crié tout d’un coup : Voilà le diable, il faut l’avoir. Aussitôt tout s’est réveillé, tout a pris les armes. On ne voyait que piques, harpons et mousquets ; j’ai couru moi-même pour voir le diable, et j’ai vu un grand poisson qui ressemble à une raie, hors qu’il a deux cornes comme un taureau. Il a fait quelques caracoles, toujours accompagné d’un poisson blanc qui, de temps en temps, va à la petite guerre et vient se remettre sous le diable. Entre ses deux cornes, il porte un petit poisson gris, qu’on appelle le pilote du diable, parce qu’il le conduit et le pique quand il voit du poisson ; et alors le diable part comme un trait. Je vous conte tout ce que je viens de voir[520]. »

Diablerets, montagnes de Suisse qui ont reçu ce nom parce que dans la contrée on les croit habitées intérieurement par des diables. Les bonnes gens disent que c’est un faubourg de l’enfer.

Diables bleus. On appelle ainsi les hallucinations. Voy. ce mot.

Diamant. La superstition lui attribuait des ver tus merveilleuses contre le poison, la peste, les terreurs paniques, les insomnies, les prestiges et les enchantements. Il calmait la colère et entretenait l’union entre les époux, ce qui lui avait fait donner le nom de pierre de réconciliation. Il avait en outre cette propriété talismanique de rendre invincible celui qui le portait, pourvu que, sous la planète de Mars, la figure de ce dieu ou celle d’Hercule surmontant l’hydre y fût gravée. On a été jusqu’à prétendre que les diamants en engendraient d’autres ; et Ruérus parle sérieusement d’une princesse de Luxembourg qui en avait d’héréditaires, lesquels en produisaient d’autres en certains temps[521]. — Enfin les savants du seizième siècle croyaient qu’on pouvait amollir le diamant avec du sang de bouc[522].

Diambiliche, nom du diable dans l’île de Madagascar. Il y est plus révéré que les dieux mêmes : les prêtres lui offrent les prémices de tous les sacrifices.

Diave. C’est le nom du diable dans les îles Maldives. On lit dans le voyage de Pyrard de Laval, imprimé en 1615, que les habitants de ces îles se figuraient alors la terre comme un grand plateau flottant dans l’espace, entouré d’un immense rempart de cuivre qui le protège contre l’envahissement des eaux. Ils croyaient que toutes les nuits le diable cherchait à percer ce rempart, et que quand il y serait parvenu ce serait le der nier déluge et la fin du monde. Aussi tous ces habitants se levaient avant le jour pour prier Dieu d’empêcher le diable.

Dibasson, sorcière arrêtée à vingt-cinq ans, avec Marie de la Raide. Elle allait au sabbat et disait que le sabbat est un vrai paradis.

Dicke (Alice), jeune Anglaise de Wincauton dont parle Glanvill. Elle avait un esprit familier qui lui suçait un peu de sang tous les soirs.

Didier, imposteur bordelais du sixième siècle, qui parut vers ce temps-là dans la ville de Tours. Il se vantait de communiquer avec saint Pierre et saint Paul ; il assurait même qu’il était plus puissant que saint Martin et se disait égal aux apôtres. Comme il avait su gagner le peuple, on lui amenait de tous côtés des malades à guérir ; et voici, par exemple, comment il traitait les paralytiques. Il ordonnait qu’on étendît le malade à terre, puis il lui faisait tirer les membres si fort que quelquefois il en mourait ; s’il guérissait, c’était un miracle. Didier n’était pourtant qu’un magicien et un sorcier, comme dit Pierre Delancre ; car si quelqu’un disait du mal de lui en secret, il le lui reprochait lorsqu’il le voyait ; « ce qu’il ne pouvait savoir que par le moyen du démon qui lui allait révéler tout ce qui se passait. » Pour mieux tromper le public, il avait un capuchon et une robe de poil de chèvre. Il était sobre devant le monde ; mais lorsqu’il se retrouvait en son particulier, il mangeait tellement qu’un homme n’aurait pu supporter la viande qu’il avalait. Enfin ses fourberies ayant été découvertes, il fut arrêté et chassé de la ville de Tours ; et on n’entendit plus parler de lui.

Didron, savant archéologue qui a publié récemment une curieuse Histoire du diable.

Didyme. Voy. Possédés de Flandre.

Diémats. Petites images chargées de caractères que les guerriers de l’île de Java portent comme des talismans, et avec lesquelles ils se croient invulnérables : persuasion qui ajoute à leur intrépidité.

Dieux. On lit dans Tite-Live (IV, 30) : « Les édiles sont chargés de veiller à ce qu’aucun dieu ne soit reçu à Rome, s’il n’est Romain et adoré à la romaine… »

Digby (Le chevalier), original anglais du dix-septième siècle, connu sous le nom du Docteur sympathique. Il avait le secret d’une poudre sympathique avec laquelle il guérissait les malades sans les voir et donnait la fièvre aux arbres. Cette poudre, composée de rognures d’ongles, d’urine ou de cheveux du malade et placée dans un arbre, communiquait, disait-il, la maladie à l’arbre.

Digonnet. C’est, de nos jours, le dieu d’une secte de béguins qui descend des manichéens et des anabaptistes. Ce dieu est vivant et M. Daniel Wurth a donné de lui, dans le journal la Patrie, une notice si curieuse que nous croyons devoir la rapporter ici :

« Jean-Baptiste Digonnet est né à Tence (Haute-Loire) ; il fut successivement maçon, scieur de long et sabotier. Un chef de la secte des momiers lui ayant rempli la tête d’idées mystiques, il abandonna ses travaux et se livra au vagabondage. Arrêté en 1845, conduit dans les prisons de Moulins, puis rendu à la liberté, il continua sa vie errante pendant plusieurs mois. Arrêté de nouveau l’année suivante, il fut incarcéré dans la maison d’arrêt de Saint-Étienne, où se trouvait un jeune béguin de Saint-Jean-Bonnefond qui, l’entendant citer à tout propos des passages de la Bible, lui confia que depuis longtemps les habitants de cette commune attendaient le Dieu prédit par les Écritures.

» Digonnet se promit de tirer parti de cette confidence. Peu de temps après, ayant recouvré sa liberté, il se rendit à Saint-Jean-Bonnefond, où il exécuta son projet. Les béguins crurent à sa divinité et le surnommèrent leur petit bon dieu. À partir de cette époque, de fréquentes réunions de béguins eurent lieu dans cette commune. Dans ces réunions Digonnet prêchait la religion à sa manière, et par suite de son ascendant sur les hommes et surtout sur les femmes, se livrait à des actes d’une immoralité si profonde que la décence ne permet pas de les raconter. Arrêté au milieu de ses fidèles, il subit diverses condamnations et fut détenu plusieurs fois dans des maisons d’aliénés. S’étant évadé de celle d’Aurillac le 7 juillet 1848, il revint à Saint-Jean-Bonnefond, où la gendarmerie le saisit de nouveau pour l’emprisonner à Montbrison.

» Ce fut dans cette dernière ville que je le vis. Digonnet est de petite taille ; il a le regard terne

 
Jean-Baptiste Digonnet
Jean-Baptiste Digonnet
 
et sans aucune expression ; son front ne présente aucun indice d’intelligence ; ses joues et le dessous de ses yeux sont colorés d’une teinte bleuâtre et par endroits légèrement violacée ; un tic nerveux balance continuellement sa tête sur ses épaules, et lorsqu’il débite ses lamentations ridicules, on voit de temps à autre passer entre les trois dents jaunes qui lui restent une petite chique, qu’il parait sucer avec un sentiment de délicieuse volupté.

» Ce fut un de mes amis, commis greffier au tribunal de Montbrison, qui me procura l’avantage de voir ce divin vieillard et qui voulut bien le prier de me faire connaitre les diverses condamnations qu’il avait déjà subies. — N’ayant jamais passé en jugement, répondit-il, je n’ai pas encore subi de condamnation. Des brigands, il est vrai, m’ont fait emprisonner pour étouffer ma parole ; mais je n’ai point été jugé et ne le serai jamais en ce monde, parce que ne relevant que du Père, la justice des hommes ne peut arriver jusqu’à moi !…

— Qu’appelez-vous donc le Père ? lui demandai-je, après lui avoir entendu prononcer ce mot pour la seconde fois. — Le Père ! s’écria-t-il, c’est Dieu !… c’est le Tout-Puissant qui m’a envoyé sur la terre pour annoncer aux hommes que les temps sont proches et que le châtiment sera terrible ! — Mais, murmura en souriant mon compagnon, vous n’êtes donc que prophète ?… Je croyais que vous étiez dieu ? — Je suis dieu et prophète tout à la fois, me répondit-il d’une voix lente. Je suis le premier des sept élus qui sont répandus sur la terre. Il m’a mis au-dessus d’eux parce que j’avais une foi plus forte que leur foi, et en ceci il a agi comme un père de famille, qui ayant sept enfants en aimerait un plus que les autres, parce que dans celui-là il aurait reconnu des qualités dont les autres seraient dépourvus. »

» En ce moment, j’avoue que j’éprouvais un certain plaisir à écouter ce vieillard, fou pour les uns, fripon pour les autres. Le voyant assez bien disposé à me répondre, je me préparais à l’interroger longuement ; mais j’avais compté sans mon hôte, c’est-à-dire sans mon ami, qui, voulant taquiner un peu son prophète, comme il l’appelait, s’écria tout à coup : — Mais, père Digonnet, ditesmoi donc pourquoi vous êtes si bien vêtu, vous qui défendez le luxe à vos fidèles ?… Savez-vous qu’il n’y a pas à Paris de plus beaux par-dessus que le vôtre ; qu’on n’y voit rien d’aussi coquet que cette calotte de velours brodée d’or qui orne votre tête ; que ce superbe gilet noir brodé comme votre calotte ; que cette chemise si fine, si blanche… si…

— Je sais tout cela, interrompit Digonnet sans se fâcher du ton railleur de mon compagnon ; je porte ces vêtements parce que pour me les donner les béguins s’appauvrissent, ce qui les empêche de penser au superflu… Pour moi, je vous assure que je ne tiens pas à ces beaux habits. J’en ai de toutes les façons. Mes béguins m’ont donné une culotte où il y a pour plus de douze mille francs d’or en broderies. Tenez, voyez ces attaches, continua-t-il en déboutonnant son gilet pour me montrer de superbes bretelles marquées à ses initiales ; eh bien, j’en ai encore de plus belles… Mais, ajouta-t-il en faisant un geste des plus comiques, ça me coupe horriblement les épaules… j’aimerais mieux n’en pas avoir. »

» Mon ami se mordit les lèvres pour ne pas rire ; quant à moi, je me hâtai de demander à Digonnet à quel âge il avait été inspiré. — À cinquante-cinq ans, me répondit-il ; je ne devais l’être qu’à soixante, mais le Père m’a avancé de cinq années, à cause des iniquités qui se commettent sur la terre.

— Comme dieu, comme prophète, vous devez avoir le don des miracles ? — Oui ! — Ainsi, si vous le vouliez, vous sortiriez à l’instant de cette prison ? — Non pas ! Descendu sur la terre pour y accomplir un sacrifice, je dois tout souffrir sans me plaindre. Les portes de cette prison seraient ouvertes que je n’en sortirais pas avant l’ordre du Père. Oh ! je suis d’une garde facile maintenant ; mais quand le moment sera venu, les geôliers auront beau fermer leurs portes, tirer leurs verrous, je m’ouvrirai un passage invisible dans les murs épais qui m’entourent, et quittant la laide carcasse dans laquelle je suis incarné, j’irai rejoindre le Père.

— On dit, je crois, que vous fabriquez une échelle pour vous faciliter cette ascension. — Ce sont les brigands qui disent ces absurdités… Est-ce que la puissance du Père ne suffira pas pour me faire traverser l’espace et m’y soutenir ?… Est-ce que le soleil, est-ce que la lune, est-ce que les étoiles ont eu besoin d’une échelle pour monter au firmament ? Est-ce que la puissance du Père n’est pas infinie ? Est-ce que je ne puis pas ce que je veux, moi ! » Le petit dieu des béguins prononça ces dernières paroles avec un ton d’animation qui, malgré sa mauvaise prononciation et quelques liaisons hasardées, ne manquait pas d’une certaine poésie. Son visage s’était fortement empourpré, et ne voulant pas sans doute s’entretenir plus longtemps avec nous, il rentra dans sa chambre sans ajouter un seul mot.

» Maintenant si, abandonnant le côté comique de ce monomane, on se prend à penser qu’au dix-neuvième siècle il peut encore se rencontrer des populations assez crédules pour se laisser prendre aux absurdes prédications d’un individu sans intelligence, sans apparence même, on est saisi d’un sentiment de tristesse amère, et l’on se demande en tremblant s’il est vrai que la civilisation ait chassé le fanatisme et l’ignorance du fond de nos campagnes ? »

Dindarte (Marie), jeune sorcière de Sare, dans les Basses-Pyrénées. Elle confessa avoir été souvent au sabbat. Quand elle se trouvait seule et que ses voisines étaient absentes, le diable lui donnait un onguent dont elle se frottait, et sur-

 
Marie Dindarte
Marie Dindarte
 
le-champ elle se transportait par les airs. Elle voyageait ainsi la nuit du 27 septembre 1609 ; on l’aperçut et on la prit le lendemain. Elle confessa aussi avoir mené des enfants au sabbat, lesquels se trouvèrent marqués de la marque du diable[523]. On lui demanda si on pouvait faire éveillé le voyage du sabbat. Elle répondit qu’on n’y allait qu’après avoir dormi, et que quelquefois il suffisait d’avoir fermé un œil pour s’enlever.

Dinscops, sorcière et sibylle du pays de Clèves, dont parle Bodin en son quatrième livre. Elle ensorcelait et maléficiait tous ceux vers qui elle étendait la main. On la brûla ; et quand sa main sorcière et endiablée fut bien cuite, tous ceux qu’elle avait frappés de quelque mal revinrent en santé…

Dioclétien. N’étant encore que dans les grades inférieurs de l’armée, il réglait un jour ses comptes avec une cabaretière de Tongres, dans la Gaule Belgique. Comme cette femme, qui était druidesse, lui reprochait d’être avare : « Je serai plus généreux, lui dit-il en riant, quand je serai empereur. — Tu le seras, répliqua la druidesse, quand tu auras tué le sanglier. » Dioclétien, étonné, sentit l’ambition s’éveiller dans son âme et chercha sérieusement à presser l’accomplissement de cette prédiction, qui nous a été conservée par Vopiscus. Il se livra particulièrement à la chasse du sanglier. Cependant il vit plusieurs princes arriver au trône sans qu’on songeât à l’y élever ; et il disait sans cesse : « Je tue bien les sangliers ; mais les autres en ont le profit. » Il avait été consul et il occupait des fonctions importantes. Quand Numérien eut été tué par son beau-père, Arius Aper, toutes les espérances de Dioclétien se réveillèrent : l’armée le porta au trône. Le premier usage qu’il fit de son pouvoir fut de tuer lui-même de son épée le perfide Aper, dont le nom est celui du sanglier, en s’écriant qu’il venait enfin de tuer le sanglier fatal. — On sait que Dioclétien fut ensuite un des plus cruels persécuteurs de l’Église. Il était philosophe.

Diocres. Voy. Chapelle du damné.

Diodore de Catane, magicien dont le peuple de Catane garda longtemps le souvenir. C’était le plus grand sorcier de son temps ; il fascinait tellement les personnes qu’elles se persuadaient être changées en bêtes : il faisait voir en un instant aux curieux ce qui se passait dans les pays les plus éloignés. Comme on l’eût arrêté en qualité de magicien, il voulut se faire passer pour faiseur de miracles. Il se fit donc transporter par le diable de Catane à Constantinople, et de Constantinople à Catane en un jour, ce qui lui acquit tout d’un coup parmi le peuple une grande réputation ; mais ayant été pris malgré son habileté et sa puissance, on le jeta en un feu ardent où il fut brûlé[524]. Le peuple de Catane, qui ne l’a pas oublié, l’appelle Liodore.

Dion de Syracuse. Étant une nuit couché sur son lit, éveillé et pensif, il entendit un grand bruit, et se leva pour voir ce qui pouvait le produire. Il aperçut au bout d’une galerie une femme de haute taille, hideuse comme les Furies, qui balayait sa maison. Il fit appeler aussitôt ses amis et les pria de passer la nuit auprès de lui. Mais le spectre ne reparut plus. — Quelques jours après le fils de Dion se précipita d’une fenêtre et se tua. Sa famille fut détruite en peu de temps, et, « par manière de dire, ajoute Leloyer, balayée et exterminée de Syracuse, comme la Furie, qui n’était qu’un diable, avait semblé l’en avertir par le balai ».

Dionysio dal Borgo, astrologue italien qui professait la théologie à l’université de Paris au treizième siècle. Villani conte (livre X) qu’il prédit juste la mort de Castruccio, tyran de Pistoie.

Diopite, bateleur, né à Locres, qui, après avoir parcouru la Grèce, se présenta sur le théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il avait sur le corps deux peaux de bouc, l’une remplie de vin et l’autre de lait, par le moyen desquelles il faisait sortir de ces liqueurs par sa bouche, si bien qu’on l’a mis au rang des sorciers.

Discours. Discours des esprits follets, publié dans le Mercure galant de 1680. — Discours épouvantable d’une étrange apparition de démons en la maison d’un gentilhomme en Silésie, in-8o, Lyon, par Jean Gazeau, 1609, brochure de 7 pages. — Discours sur la vanité des songes, et sur l’opinion de ceux qui croient que ce sont des pressentiments. Voy. Songes, etc.

Disputes. L’abominable Henri VIII avait une telle passion pour l’argumentation, qu’il ne dédaigna pas d’argumenter avec un pauvre argumentateur nommé Lambert. Une assemblée extraordinaire avait été convoquée à Westminster pour juger des coups. Le roi, voyant qu’il avait affaire à forte partie, et ne voulant pas avoir le dernier, donna à Lambert le choix d’être de son avis ou d’être pendu. C’est ainsi qu’un dey d’Alger, faisant un cent de piquet avec son vizir, lui disait : « Joue cœur, ou je t’étrangle. » Lambert ne joua pas cœur ; il fut étranglé. Nous citons cette anecdote parce que l’abominable Henri VIII était assurément possédé du diable.

Diti, et son œuf. Voy. Garuda.

Dives. Les Persans nomment ainsi les mauvais génies ; ils en admettent de mâles et de femelles et disent qu’avant la création d’Adam Dieu créa les Dives ou génies mâles et leur confia le gouvernement du monde pendant sept mille ans ; après quoi, les Péris ou génies femelles leur succédèrent et prirent possession de l’univers pour deux autres mille ans, sous l’empire de Gianben-Gian, leur souverain ; mais ces créatures étant tombées en disgrâce pour leur désobéissance, Dieu envoya contre eux Éblis, qui, étant d’une plus noble nature, et formé de l’élément du feu, avait été élevé parmi les anges. Éblis, chargé des ordres divins, descendit du ciel et fit la guerre contre les Dives et les Péris, qui se réunirent pour se défendre ; Éblis les défit et prit possession de ce globe, lequel n’était encore habité que par des génies. Éblis ne fut pas plus sage que ses prédécesseurs ; Dieu, pour abattre son orgueil, fit l’homme et ordonna à tous les anges de lui rendre hommage. Sur le refus d’Éblis, Dieu le dépouilla de sa souveraineté et le maudit. Ce ne sont là, comme on voit, que des altérations de l’Écriture sainte.

Divinations. Il y en a plus de cent sortes. Voy. Alectryomancie, Alphitomancie, Astragalomancie, Astrologie, Botanomancie, Cartoman­cie, Catoptromancie, Chiromancie, Cristallomancie, Cranologie, Daphnomancie, Gastromancie, Hydromancie, Lampadomancie, Métoposcopie, Mimique, Nécromancie, Onomancie, Ornithoman­cie, Physiognomonie, Pyromancie, Rabdomancie, Théomancie, etc., etc., etc. Cicéron réduit toute la divination à deux espèces, dont l’une était naturelle et l’autre artificielle (Cicero, De divin., lib. i). La première se faisait par une émotion de l’esprit qui, étant saisi d’une espèce de fureur, prédisait les choses à venir. Tel était l’esprit qui animait la Pythie sur le trépied. La divination artificielle se faisait par l’observation de signes et de circonstances naturelles dans les sujets que l’on savait destinés à prédire l’avenir. À cette seconde espèce appartenait l’astrologie, les augures, les auspices, les sortilèges et les prodiges.

Djilbéguenn, magicien tartare dont le souvenir est vivace encore en Sibérie. Il brillait dans les temps héroïques ; et on raconte de lui de grandes merveilles. Il se montrait quelquefois sous la figure d’un monstre à neuf têtes. Il était monté sur un bœuf à trente cornes lorsqu’il coupa la tête de Comdaï-Mirguenn. Il entendait le langage de toutes les bêtes. À la suite de beaucoup d’actions atroces, il est allé en enfer et n’en est pas revenu.

Dobie, esprit familier dans le comté d’York en Angleterre. On donne cet esprit à toute famille qui porte le nom de Dobie. C’est, dit-on, le spectre d’un ancêtre qui s’attache à quelques-uns de ses descendants.

Docètes, hérétiques du premier siècle qui niaient l’incarnation et qui soutenaient que NoireSeigneur était trop pur pour avoir pris une chair humaine. Saint Jérôme écrit à ce sujet que le sang du Sauveur fumait encore dans la Judée, lorsqu’on se mit à enseigner que son corps n’avait été qu’un fantôme. Ils doivent leur nom de docètes à un mot grec qui signifie apparence et qui explique leur système que Jésus avait simplement paru un homme.

Docks. Voy. Alfares.

Dodone. Hérodote raconte ainsi l’origine des oracles de Dodone. Deux colombes noires, selon les habilants de la contrée, vinrent dans le pays ; furie s’abattit sur un chêne et dit d’une voix humaine qu’il fallait bâtir sous ce chêne un temple à Jupiter : ce qui eut lieu ; et le chêne rendit des oracles. Hérodote explique ensuite que ces deux colombes étaient deux prêtresses égyptiennes. La seconde de ces colombes se rendit en Libye, où elle institua le culte de Jupiter Ammon.

Dogdo, ou Dodo, et encore Dodu. Voy. Zoroastre.

Doigt. Dans le royaume de Macassar, si un malade est à l’agonie, le prêtre idolâtre lui prend la main et lui frotte doucement le doigt du milieu, afin de favoriser par cette friction un chemin à l’âme, qui sort toujours, selon eux, par le bout du doigt.

Les Turcs mangent habituellement le riz avec les doigts ; ils n’emploient pour cela que le pouce, l’index et le médius ; ils soilt persuadés que le diable mange avec les deux autres doigts.

Dans certaines contrées de la Grèce moderne, on se croit ensorcelé quand on voit quelqu’un étendre la main en présentant les cinq doigts.

Doigt annulaire. C’est une opinion reçue que le quatrième doigt de la main gauche a une vertu cordiale ; que cette vertu vient d’un vaisseau, d’un nerf ou d’une veine qui lui est communiquée par le cœur, et, par cette raison, qu’il mérite préférablement aux autres doigts l’honneur de porter l’anneau. Levinus Lemnius assure que ce vaisseau singulier est une artère, et non pas un nerf, ni une veine, ainsi que le prétendent les anciens. Il ajoute que les anneaux qui sont portés à ce doigt influent sur le cœur. Dans les évanouissements, il avait coutume de frotter ce doigt, pour tout médicament. Il dit encore que la goutte l’attaque rarement, mais toujours plus tard que les autres doigts, et que la fin est bien proche quand il vient à se nouer.

Dojartzabal, jeune sorcière de quinze à seize ans qui confessa, vers 1609, avoir été menée au sabbat par une autre sorcière, laquelle était détenue en prison[525] ; ce que celle-ci niait, disant qu’étant attachée à de grosses chaînes de fer et surveillée, elle ne pouvait être sortie de son cachot ; et que, si elle en était sortie, elle n’y serait pas rentrée. La jeune personne expliqua toutefois que, comme elle était couchée près de sa mère, cette sorcière l’était venue chercher sous la forme d’un chat…, pour la transporter au sabbat, et que, malgré leurs fers, les sorcières peuvent aller à ces assemblées, bien que le diable n’ait pas moyen de les délivrer des mains de la justice. Elle assura encore que le diable, qui la faisait enlever ainsi d’auprès de sa mère, mettait en sa place une figure qui lui ressemblait. Cette prétendue sorcière, qui n’exerçait probablement qu’une petite vengeance, si elle n’était pas en proie à quelque illusion, ne fut pas châtiée.

Dolers, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Domfront (Guérin de), fils de Guillaume de Bellême, seigneur de Domfront, ayant traitreusement fait couper la tête à son ennemi endormi chez lui, fut, dit-on, étouffé par le diable[526].

Domingina-Maletana, sorcière qui, dans une joute qu’elle fit avec une autre sorcière, sauta sans se blesser du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d’Espagne et de Navarre, et gagna le prix[527].

Dominique. Voy. Hallucinations.

Domitien. Un jour qu’il donnait un festin aux sénateurs de Rome, à l’occasion de son triomphe sur les Daces, Domitien, qui avait de singuliers caprices, les fit entrer dans une salle qu’il avait fait tendre en noir, et qui était éclairée par des lampes sépulcrales. Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d’un cercueil, sur lequel il vit son nom écrit… Une troupe d’enfants barbouillés de noir représentait une danse des ombres infernales. La danse finie, ils se dispersèrent, chacun auprès du convive qu’il devait servir. Les mets furent les mêmes que ceux que l’on offrait aux morts dans les cérémonies funèbres. Un morne silence régnait dans cette assemblée. Domitien parlait seul ; il ne racontait que des histoires sanglantes et n’entretenait les sénateurs que de mort. Les convives sortirent enfin de la salle du festin et furent accompagnés chacun à leur maison par des hommes vêtus de noir, armés et silencieux. — À peine respiraient-ils, que l’empereur les fit redemander ; mais c’était pour leur donner la vaisselle qu’on avait servie devant eux et à chacun celui de ces petits esclaves qui les avaient servis. C’était bien là un plaisir de tyran.

Domovoï, esprits de ténèbres chez les Russes. On les chasse par l’eau de la Néva, bénite le jour de l’Épiphanie.

Donatistes, sectateurs de Donat, qui dominaient et ne pardonnaient rien. Dans leurs fureurs contre les catholiques, qui admettent à la réconciliation ceux qui sont tombés, les donatistes attaquaient partout les fidèles enfants de l’Église, les assommaient, brûlaient leurs maisons et leurs églises. « Ils commencent leurs massacres au chant de l’Alléluia, disent les récits contemporains ; ni l’âge, ni l’innocence n’obtiennent grâce à leurs yeux ; quand ils veulent bien faire miséricorde, ils tuent d’un seul coup. » Leur schisme, élevé au commencement du quatrième siècle, dura une centaine d’années. Les procédés des donatistes ont été renouvelés par les Albigeois, puis par les hussites, par les luthériens et par les calvinistes. Les camisars entraient dans cette voie, si on ne les eût pas arrêtés.

Doni (Antoine-François), Florentin, né en 1503 ; il y a des choses bizarres dans ses Mondes célestes, terrestres et infernaux, volume in-4o, dont on a une vieille traduction française.

Doppet (François-Amédée), membre du conseil des Cinq-Cents, auteur d’un Traité théorique et pratique du magnétisme animal ; Turin, 1784, un vol. in-8o ; d’une Oraison funèbre de Mesmer, avec son testament, Genève, 1785, in-8o ; d’une Médecine occulte ou Traité de la magie naturelle et médicinale, 1785, in-4o.

Dorâch-y-Rhibyn, fée sinistre du pays de Galles. Elle vient frotter ses ailes de cuir contre les vitres pour annoncer la mort de quelqu’un. Elle appelle le malade par un long cri lamentable.

Dorée (Catherine), sorcière du dix-septième siècle, qui fut brûlée vive pour avoir tué son enfant par ordre du diable ; elle jetait des poudres et guérissait les ensorcelés en leur mettant un pigeon sur l’estomac. Barbe Dorée, autre sorcière, était parente de Catherine.

Dormants. L’histoire des sept Dormants est encore plus fameuse chez les Arabes que chez les chrétiens. Mahomet l’a insérée dans son Koran, et les Turcs l’ont embellie.

Sous l’empire de Décius, l’an de notre ère 250, il y eut une grande persécution contre les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au service de l’empereur, ne voulant pas désavouer leur croyance et craignant les supplices, se réfugièrent dans une caverne située à quelque distance d’Éphèse. Par une grâce particulière, ils y dormirent d’un sommeil profond pendant deux cents ans. Les mahométans assurent que, durant ce sommeil, ils eurent des révélations surprenantes, et qu’ils apprirent en songe tout ce que pourraient savoir des hommes qui auraient employé un pareil espace de temps à étudier assidument.

Leur chien, ou du moins celui d’un d’entre eux, les avait suivis dans leur retraite ; il mit à profit, aussi bien qu’eux, le temps de son sommeil. Il devint le chien le plus instruit du monde.

Sous le règne de Théodose le jeune, l’an de Notre-Seigneur 450, les sept Dormants se réveillèrent et entrèrent dans la ville d’Éphèse, croyant n’avoir fait qu’un bon somme ; mais ils trouvèrent tout bien changé. Il y avait longtemps que les persécutions contre le christianisme étaient finies ; des empereurs chrétiens occupaient les deux trônes impériaux d’Orient et d’Occident. Les questions des frères et l’étonnement qu’ils témoignèrent aux réponses qu’on leur fit surprirent tout le monde. Ils contèrent naïvement leur histoire Le peuple, frappé d’admiration, les conduisit à l’évêque, celui-ci au patriarche et le patriarche à l’empereur. Ces sept Dormants révélèrent les choses du monde les plus singulières, et en prédirent qui ne l’étaient pas moins. Ils annoncèrent entre autres l’avènement de Mahomet, l’établissement et les succès de sa religion, comme devant avoir lieu deux cents ans après son réveil.

Quand ils eurent satisfait la curiosité de l’empereur, ils se retirèrent de nouveau dans leur caverne et y moururent tout de bon : on montre encore cette grotte auprès d’Éphèse.

Quant à leur chien Kratim ou Katmir, il acheva sa carrière et vécut autant qu’un chien peut vivre, en ne comptant pour rien les deux cents ans qu’il avait dormi en compagnie de ses maîtres. C’était un animal dont les connaissances surpassaient celles de tous les philosophes, les savants et les beaux esprits de son siècle ; aussi s’empressait-on de le fêter et de le régaler ; et les musulmans le placent dans le paradis de Mahomet, entre l’âne de Balaam et celui qui portait Notre-Seigneur le jour des Rameaux.

Cette historiette a tout l’air d’une contre-partie de la fable d’Épiménides de Crète, qui, s’étant endormi sur le midi dans une caverne en cherchant une de ses brebis égarée, ne se réveilla que quatre-vingt-sept ans après, et se remit à chercher ses brebis comme s’il n’eût dormi qu’un peu de temps.

Delrio parle d’un paysan qui dormit un automne et un hiver sans se réveiller[528].

Dosithée, magicien de Samarie, contemporain de Simon le Magicien ; il se présentait comme étant le vraie Messie, et il parvint à séduire la foule par des prestiges, des enchantements et des tours d’adresse. Il menait avec lui trente disciples, autant qu’il y avait de jours dans le mois, et n’en voulait pas plus. Il avait admis à sa suite une femme qu’il appelait la Lune. Il judaïsait, et le point capital de sa doctrine consistait, pour ceux qu’il entraînait, à passer le jour du sabbat dans l’immobilité la plus complète.

Double. On croit en Écosse qu’un homme peut être double, c’est-à-dire qu’il peut être vu à la fois en deux lieux différents, qu’il peut lui-même, en certaines occasions, voir sa doublure devant lui. Cette doublure n’est qu’une ombre, à la vérité. Eh bien, nous pouvons avoir le même avantage en nous plaçant devant une glace. — Voy. Flaxbinder.

Dourga, monstrueuse divinité des Indiens. Voy. Fêtes religieuses de l’Inde.

Dourlet (Simone). Voy. Possédées de Flandre.

Douze, c’est un nombre heureux. Les apôtres étaient douze, dit Césaire d’Hesterbach, parce que le nombre douze est composé de quatre fois trois, ou de trois fois quatre. Ils ont été élus douze ajoute-t-il, pour annoncer aux quatre coins du monde la foi de la sainte Trinité. Les douze apôtres, dit-il encore, sont les douze signes du zodiaque, les douze mois de l’année, les douze heures du jour, les douze étoiles de la couronne de l’épouse. Les douze apôtres sont encore les douze fils de Jacob, les douze fontaines du désert, les douze pierres du Jourdain, les douze bœufs de la mer d’airain, les douze fondements de la Jérusalem céleste.

Drac, démon du rang des princes de l’enfer. Il se montra à Faust en manière de flamme bleue, avec une queue rougeâtre.

Drack, lutin du midi de la France. Dans certaines contrées, ce n’est, qu’un follet malin qui prend toutes sortes de formes et fait toutes sortes d’espiègleries. Dans d’autres, c’est un ogre. Voy. Ogres.

Draconites ou Dracontia. Pierre fabuleuse que Pline et quelques naturalistes anciens ont placée dans la tête du dragon. Pour se la procurer, il fallait l’endormir avant de lui couper la tête.

Dragon. Les dragons ont fait beaucoup de bruit ; et, parce que nous n’en voyons plus, les sceptiques les ont niés : mais Cuvier et les géologues modernes ont reconnu que les dragons avaient existé. C’est seulement une race perdue. C’étaient des sortes de serpents ailés. Philostrate dit que, pour devenir sorciers et devins, les Arabes mangeaient le cœur ou le foie d’un dragon volant. On montre auprès de Beyrouth le

 
Dragon
Dragon
 
lieu où saint Georges tua un monstrueux dragon ; il y avait sur ces lieux, consacrés par le courage de saint Georges, une église qui ne subsiste plus[529]. Il est fait mention de plusieurs dragons dans les légendes ; quelques-uns peuvent être des allégories où par le dragon il faut entendre le démon que les saints ont vaincu. Le diable, en effet, porte souvent le nom d’ancien dragon, et quelquefois il a pris la forme de cet animal merveilleux : c’est ainsi qu’il se montra à sainte Marguerite. On dit que le dragon dont parle Possidonius couvrait un arpent de terre, et qu’il avalait, comme une pilule, un cavalier tout armé ; mais ce n’était encore qu’un petit dragon en comparaison de celui qu’on découvrit dans l’Inde, et qui, suivant Maxime de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.

Les Chinois rendent une espèce de culte au dragon. On en voit sur leurs vêtements, dans leurs livres, dans leurs tableaux. Ils le regardent comme le principe de leur bonheur ; ils s’imaginent qu’il dispose des saisons et fait à son gré tomber la pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persuadés que tous les biens de la terre ont été confiés à sa garde, et qu’il fait son séjour ordinaire sur les montagnes élevées.

Le dragon était aussi très-important chez nos aïeux ; et tous nos contes de dragons doivent remonter à une haute antiquité. Voici la chronique du dragon de Niort[530]. Un soldat avait été condamné à mort pour crime de désertion ; il apprit qu’à Niort, sa patrie, un énorme dragon faisait depuis trois mois des ravages, et qu’on promettait bonne récompense à celui qui pourrait en délivrer la contrée. Il se présente ; on l’admet à combattre le monstre, et on lui promet sa grâce s’il parvient à le détruire. Couvert d’un masque de verre et armé de toutes pièces, l’intrépide soldat va à l’antre obscur où se tient le monstre ailé, qu’il trouve endormi. Réveillé par une première blessure, il se lève, prend son essor et vole contre l’agresseur. Tous les spectateurs se retirent, lui seul reste et l’attend de pied ferme. Le dragon tombe sur lui et le terrasse de son poids ; mais au moment qu’il ouvre la gueule pour le dévorer, le soldat saisit l’instant de lui enfoncer son poignard dans la gorge. Le monstre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait recueillir les fruits de sa victoire, lorsque, poussé par une fatale curiosité, il ôta son masque pour considérer à son aise le redoutable ennemi dont il venait de triompher. Déjà il en avait fait le tour, quand le monstre, blessé mortellement, et nageant dans son sang, recueille des forces qui paraissaient épuisées, s’élance subitement au cou de son vainqueur et lui communique un venin si malfaisant qu’il périt au milieu de son triomphe. — On voyait encore, il y a peu de temps, dans le cimetière de l’hôpital de Niort, un ancien tombeau d’un homme tué par le venin du serpent. Est-ce aussi une allégorie ?

À Mons, on vous contera l’histoire du dragon qui dévastait le Hainaut[531], lorsqu’il fut tué par le vaillant Gilles de Chin, en 1132. Et que direzvous du dragon de Rhodes, qui n’est certainement pas un conte[532] ? Voy. Trou du château de Carnoët.

Dragon rouge. Le dragon rouge, ou l’art de commander les esprits célestes, aériens, terrestres, infernaux, avec le vrai secret de faire parler les morts, de gagner toutes les fois qu’on met aux loteries, de découvrir les trésors cachés, etc., etc., in-18, 1521.

On a réimprimé très-fréquemment ce fatras absurde, dont on trouvera les plus curieuses élucubrations à leur place, dans ce dictionnaire.

Drames. Le théâtre n’a pas négligé les merveilleuses ressources que lui offraient les démons, les follets, les revenants, la magie et les sciences occultes. De nos jours on a fait les Sept châteaux du Diable, les Pilules du Diable, la Part du Diable ; on a même mis en vaudeville les Mémoires du Diable, de M. Soulié. L’Esprit follet, de Collé ; le Spectre, de Séraminis ; celui d’Hamlet ; les Sorcières, de Macbeth ; la Sylphide, le Magicien du Pied de mouton, et une foule d’autres données sont prises, comme Robin des bois, le Chasseur rouge, Trilby, le Vampire, les Wilis, etc., etc., du vaste répertoire de prodiges qui alimentent les livres de démonologie.

Drapé. On donne à Aigues-Mortes le nom de Lou Drapé à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l’aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand Lou Drapé vient à passer, il ramasse sur son dos, l’un après l’autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d’abord de taille ordinaire, s’allonge, au besoin, jusqu’à contenir cinquante et cent enfants qu’il emporte on ne sait où.

Drawcansir, lutin matamore qui, chez les Anglais, gourmande les rois, disperse les armées et sème le désordre partout. C’est probablement ce que les anciens appelaient la terreur panique.

Drépano. L’esprit de Drépano a aussi sa célébrité : il faisait grand bruit, jetait des pierres qui ne blessaient pas, lançait en l’air les ustensiles de ménage sans rien briser, et chantait des chansons scandaleuses, le tout sans se montrer. Quand le maître de la maison où il hantait revenait de quelque course trempé par la pluie, il l’annonçait avant que personne le vît, et pressait la famille d’allumer un grand feu. C’était un démon obsesseur qui ne réussit pas ; car les habitants de la maison se conduisirent en chrétiens, ce qui suffit souvent[533].

Driff, nom donné à la pierre de Buttler, à laquelle on attribuait la propriété d’attirer le venin ; elle était, dit-on, composée de mousse formée sur des têtes de mort, de sel marin, de vitriol cuivreux empâté avec de la colle de poisson. On a poussé le merveilleux jusqu’à prétendre qu’il suffisait de toucher cette pierre du bout de la langue pour être guéri des maladies les plus redoutables. Van Helmont en fait de grands éloges.

Drolles. Les drolles sont des démons ou lutins qui, dans certains pays du Nord, prennent soin de panser les chevaux, font tout ce qu’on leur commande et avertissent des dangers. Voy. Farfadets, Bérith, Kobold, etc.

Drouva, roi de l’Hindoustan, qui régna vingt-six mille ans, on ne sait où, et qui laissa trois

 
Drouva
Drouva
 
enfants : Karpagatarou, Kouraga et Kourkala ; ce qui est peu pour une si longue vie.

Drows. C’est le nom qu’on donne aux duergars dans les îles Orcades.

Drude (la), cauchemar femelle qui, en forme d’une vieille furie, paraît serrer la gorge d’une personne endormie. Pline l’appelle Malum dæmoniacum.

Druides, prêtres des Gaulois. Ils enseignaient la sagesse et la morale aux principaux personnages de la nation. Ils disaient que les âmes circulaient éternellement de ce monde-ci dans l’autre ; c’est-à-dire que ce qu’on appelle la mort est l’entrée dans l’autre monde, et ce qu’on appelle la vie en est la sortie pour revenir dans ce monde-ci[534].

Les druides d’Autun attribuaient une grande vertu à l’œuf de serpent ; ils avaient pour armoiries dans leurs bannières : d’azur à la couchée de serpents d’argent, surmontée d’un gui de chêne garni de ses glands de sinople. Le chef des druides avait une clef pour symbole[535].

Druidesses. Dans la petite île de Sena, aujourd’hui Sein, vis-à-vis la côte de Quimper, il y avait un collège de druidesses que les Gaulois appellent Senes (prophétesses). Elles étaient au nombre de neuf, gardaient une perpétuelle virginité, rendaient des oracles et avaient le pouvoir de retenir les vents et d’exciter les tempêtes ; elles pouvaient aussi prendre la forme de toute espèce d’animaux, guérir les maladies les plus invétérées et prédire l’avenir. Elles exerçaient un sacerdoce. Il y avait d’autres druidesses qui se mariaient ; mais elles ne sortaient qu’une fois dans l’année, et ne passaient qu’un seul jour avec leurs maris[536]. Voy. aussi Dioclétien, Velléda, etc.

 
Druide
Druide
Druide.
 

Druses, peuplade féroce qui habite le Liban. Elle adore un veau et n’est ni chrétienne ni musulmane.

Drusus. Chargé par l’empereur Auguste du commandement de l’armée romaine qui faisait la guerre en Allemagne, Drusus se préparait à passer l’Elbe, après avoir déjà remporté plusieurs victoires, lorsqu’une femme majestueuse lui apparut et lui dit : — « Où cours-tu si vite, Drusus ? Ne seras-tu jamais las de vaincre ? Apprends que tes jours touchent à leur terme… » Drusus troublé tourna bride, fit sonner la retraite et mourut au bord du Rhin. On vit en même temps deux chevaliers inconnus qui faisaient caracoler leurs chevaux autour des tranchées du camp romain, et on entendit aux environs des plaintes et des gémissements de femmes[537] ; ce qui n’est pas merveille dans une déroute.

Drutes. Les drutes sont des sorcières qui suivent Holda avec leurs quenouilles. Voy. Holda.

Dryden (Jean), célèbre poète anglais, mort en 1707. On rapporte qu’il tirait aux dés le jour de la naissance de ses enfants, pour deviner s’il aurait un garçon ou une fille ; et sa prédiction relative au sexe de son fils Charles se réalisa[538] ; ce qui n’est pas fort étonnant. Voy. Astragalomancie.

Dsigofk, partie de l’enfer japonais où les méchants sont tourmentés suivant le nombre ou la qualité de leurs crimes. Leurs supplices ne durent qu’un certain temps, au bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans ce monde, pour animer les animaux impurs dont les vices s’accordent avec ceux dont ces âmes s’étaient souillées. De là elles passent successivement dans les corps des animaux plus nobles, jusqu’à ce qu’elles rentrent dans des corps humains, où elles peuvent mériter ou démériter sur nouveaux frais.

Dualisme. Il y a des tremblements de terre, des tempêtes, des ouragans, des débordements de rivières, des maladies pestilentielles, des bêtes venimeuses, des animaux féroces, des hommes naturellement méchants, perfides et cruels. Or, un être bienfaisant, disaient les dualistes, ne peut être l’auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux principes, l’un bon, l’autre mauvais, également puissants, coéternels, et qui ne cessent point de se combattre. Si l’on réfléchit sur le dualisme, dit Saint-Foix, je crois qu’on le trouvera encore plus absurde que l’idolâtrie.

 
Duergars
Duergars
Duergars.
 

Les Lapons disent que Dieu, avant de produire la terre, se consulta avec l’esprit malin, afin de déterminer comment il arrangerait chaque chose. Dieu se proposa donc de remplir les arbres de moelle, les lacs de lait, et de charger les plantes et les arbres de tous les plus beaux fruits. Par malheur, un plan si convenable à l’homme déplut à l’esprit malin, qui fit toutes sortes de niches ; et il en résulta que Dieu n’établit pas les choses aussi bien qu’il l’aurait voulu… Un certain Ptolomée soutenait que le grand Être avait deux femmes ; que, par jalousie, elles se contrariaient sans cesse, et que le mal, tant dans le moral que dans le physique, venait uniquement de leur mésintelligence, l’une se plaisant à gâter, à changer ou à détruire tout ce que faisait l’autre. Les manichéens ont adopté le système des deux principes. Bardesane, les Appellistes et une foule d’autres chefs de secte les ont dans cette voie précédés ou suivis. La vérité et le sens commun ont toujours repoussé ces absurdes suppositions. Les luttes du bien et du mal nous sont exposées dans leur réalité par la doctrine de l’Église catholique.

Duende. Le Duende, lutin espagnol, correspond au Gobelin normand et au Tomtegobbe suédois. Duende, selon Cobaruvias, est une contraction de dueno de casa, maître de la maison. Ce farfadet espagnol a été cité de tout temps pour la facilité de ses métamorphoses.

Duergars. Les diables nains ou duergars de la Scandinavie sont de la même famille que les elfs de la nuit. Ils assistent à la mort de la dame de la maison qu’ils hantent et la gardent la nuit. Les doctrines Scandinaves disent que leurs dieux les ont fait naître en foule du cadavre d’Imer, et leur ont infusé toutes les sciences et tous les arts. Les Norvégiens attribuent la forme régulière et le poli des pierres cristallisées aux travaux de ces petits habitants de la montagne dont l’écho n’est autre chose que leur voix. Cette personnification poétique a donné naissance à un mètre particulier en Islande, appelé le galdralag, ou le lai diabolique, dans lequel le dernier vers de la première stance termine toutes les autres.

Dufay (Charles-Jérôme de Cisternay), alchimiste, quoique homme de guerre. Il s’occupait du grand œuvre ; et il dépensa beaucoup d’argent à la recherche de la pierre philosophale. Il mourut en 1723.

Duffo ou Duffus, roi d’Écosse. Pendant une maladie de ce prince, on arrêta plusieurs sorciers de son royaume qui rôtissaient, auprès d’un petit feu, une image faite à la ressemblance du roi, sortilège qui, selon leurs confessions, causait le mal du monarque. En effet, après leur arrestation, la santé de Duffus se rétablit[539].

 
 

Dulot (Jacques), magicien. Voy. Marigny.

Dumons (Antoine), sorcier du dix-septième siècle, accusé de fournir des chandelles au sabbat pour l’adoration du diable.

Duncanius, abbé de Liebenthal, qui, au douzième siècle, lit un pacte avec le diable pour l’érection d’un immense édifice et crut jouer le malin. Mais le diable lui avait laissé un livre de conjurations au moyen duquel tout était possible. L’abbé osa s’en servir ; il fit des choses prodigieuses, entra dans les voies de l’orgueil, tomba dans les vices, et, au bout de quinze ans, devint la proie de Satan, qui l’emporta. Sa légende a été écrite par Henry Zschokke.

Dupleix (Scipion), conseiller d’État et historiographe de France, mort en 1661. Parmi ses ouvrages très-remarquables, on peut voir la Cause de la veille et du sommeil, des songes, de la vie et de la mort. Paris, 1615, in-12 ; Lyon, 1620, in-8o.

Durandal, épée merveilleuse de Charlemagne. C’était, selon les romans de chevalerie, un ouvrage des fées.

Durer (Albert), peintre illustre, né à Nuremberg en 1471, mort en 1528, avec la gloire assez rare d’avoir laissé beaucoup de chefs-d’œuvre où son pinceau, son crayon et son burin n’ont jamais offensé en rien la religion ni les mœurs. On raconte de lui une vision que nous rapporterons ici :

« Albert, le pieux artiste, rêvait quelque nouveau chef-d’œuvre ; il voulait se surpasser lui-même ; mais le génie de l’homme a ses limites que jamais il ne peut franchir sans se perdre dans les abîmes du monde intellectuel. Pendant une belle nuit d’été, il avait commencé et recommencé l’esquisse des quatre évangélistes. Il voulait retracer les traits de ces hommes inspirés qui furent trouvés dignes de devenir les historiens de l’Homme-Dieu. Mais rien de ce que sa main produisait ne rendait à son gré les traits qui se peignaient dans son âme. C’était à Nuremberg. La nuit était superbe, la lune éclairait de sa magique lumière les églises de Saint-Sébald et de Saint-Laurent. Des milliers d’étoiles brillaient à la voûte céleste au-dessus de cette ville silencieuse et de ses rues désertes. « Dieu, s’écria Albert, a permis à des hommes de transformer ici des débris de rochers en bâtiments magnifiques, pleins d’harmonie dans leur ensemble et dans toutes leurs parties, élevant majestueusement leurs tours vers le ciel, et il ne me permettrait pas à moi de rendre sur la toile et en son honneur les portraits de ses saints envoyés, portraits que cependant je porte en mon âme ! » Albert se sent ému ; ses mains se rejoignent pour prier ; et en ce moment l’église de Saint-Sébald se colore de feu et de flamme ; des nuages bleus forment le fond sur lequel se dessinent les figures imposantes des quatre évangélistes. « Oh ! voilà, dit-il, les traits que j’ai en vain cherchés, qui échappaient à mon art débile ! » Il court à sa toile abandonnée, il saisit ses pinceaux et bientôt l’esquisse est terminée. Il ne sera pas difficile au grand artiste d’achever dignement son œuvre.

» Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi il sut créer des chefs-d’œuvre d’une si pure spiritualité. Beaucoup de ceux qui voulurent marcher sur ses traces échouèrent souvent, non parce que le talent leur manquait, mais parce qu’ils n’avaient pas sa foi naïve et forte. Le ciel et ses merveilles restèrent cachés pour eux, derrière les sombres nuages du monde matériel[540]. »

Duses, démons de la nuit qui effrayent les Allemands par une sorte de cauchemar.

Duvernois. Voy. Rolande.

Dysers, déesses des anciens Celtes, que l’on supposait employées à conduire les âmes des héros au palais d’Odin, où ces âmes buvaient de la bière dans des coupes faites des crânes de leurs ennemis.

Dythican, démon prince qui se montra au docteur Faust sous la forme d’une perdrix colossale, avec le cou moucheté de vert.

Dzivogeon, femmes étranges, du genre des esprits élémentaires. Elles habitent plusieurs montagnes de la Russie.



E

Eatuas ou Atouas, dieux subalternes des (Haïtiens, enfants de leur divinité suprême, Taroataihétoomoo, et du rocher Lépapa. Les Eatuas, dit-on, engendrèrent le premier homme.

Ces dieux sont des deux sexes : les hommes adorent les dieux mâles, et les femmes les dieux femelles. Ils ont des temples où les personnes d’un sexe différent ne sont pas admises, quoiqu’ils en aient aussi d’autres où les hommes et les femmes peuvent entrer.

Le nom d’Eatua ou Atoua est aussi donné à des oiseaux, tels que le héron et le martin-pêcheur. Les (Haïtiens et les insulaires leurs voisins honorent ces oiseaux d’une attention particulière ; ils ne les tuent point et ne leur font aucun mal ; mais ils ne leur rendent pourtant aucune espèce de culte, et paraissent n’avoir à leur égard que des idées superstitieuses relatives à la bonne ou mauvaise fortune ; ainsi le peuple à demi dégrossi en a chez nous sur le rouge-gorge, sur l’hirondelle et sur quelques autres oiseaux.

Les Otaïtiens croient que le grand Eatua lui-même est soumis en certains cas aux génies inférieurs à qui il a donné l’existence, qu’ils le dévorent souvent, mais qu’il a toujours le pouvoir de se recréer.

Eau. Presque tous les anciens peuples ont fait une divinité de cet élément, qui, suivant certains philosophes, était le principe de toutes choses. Les Guêbres le respectent ; un de leurs livres sacrés leur défend d’employer l’eau la nuit et de jamais emplir tout à fait un vase d’eau pour la faire bouillir, de peur d’en renverser quelques gouttes.

Les cabalistes peuplent l’eau d’ondins et de nymphes. Voy. ces mots.

Eau amère (Épreuve de l’). Elle avait lieu ainsi chez les anciens Juifs : lorsqu’un homme soupçonnait sa femme en mal, il demandait qu’elle se purgeât selon la loi. Le juge envoyait les parties à Jérusalem, au grand consistoire, composé de soixante vieillards. La femme était exhortée à bien regarder sa conscience, avant de se soumettre au hasard de boire les eaux amères. Si elle persistait à dire qu’elle était nette de péché, on la menait à la porte du Saint des saints, et on la promenait afin de la fatiguer et de lui laisser le loisir de songer en elle-même. On lui donnait alors un vêtement noir. Un prêtre était chargé d’écrire son nom et toutes les paroles qu’elle avait dites ; puis se faisant apporter un pot de terre, il versait dedans avec une coquille la valeur d’un grand verre d’eau ; il prenait de la poudre du tabernacle, avec du jus d’herbes amères, raclait le nom écrit sur le parchemin et le donnait à boire à la femme, qui, si elle était coupable, aussitôt blêmissait ; les yeux lui tournaient et elle ne tardait pas à mourir[541] ; mais il ne lui arrivait rien si elle était innocente.

Eau ardente, renommée chez les sorciers d’autrefois. Elle prenait feu au contact d’une allumette enflammée : ce que fait l’eau-de-vie à présent.

Eau bénite. C’est une coutume aussi ancienne que l’Église et de tradition apostolique[542], de bénir par des prières, des exorcismes et des cérémonies, l’eau dont on fait des aspersions sur les fidèles et sur les choses qui sont à leur usage. Par cette bénédiction, l’Église demande à Dieu de purifier du péché ceux qui s’en serviront, d’écarter d’eux les embûches de l’ennemi du salut et les fléaux de ce monde[543]. Dans les constitutions apostoliques, l’eau bénite est appelée un moyen d’expier le péché et de mettre en fuite le démon.

On se sert aussi au sabbat d’une eau particulière, que l’on ose appeler eau bénite. Le sorcier qui fait les fonctions sacrilèges qu’on appelle la messe du sabbat est chargé d’en asperger les assistants[544].

Eau bouillante (Épreuve de l’). On l’employait autrefois pour découvrir la vérité dans les tortures qu’on appelait témérairement jugements de Dieu. L’accusé plongeait la main dans un vase plein d’eau bouillante, pour y prendre un anneau suspendu plus ou moins profondément. Ensuite on enveloppait la main du patient avec un linge sur lequel le juge et la partie adverse apposaient leurs sceaux. Au bout de trois jours on les levait ; s’il ne paraissait point de marque de brûlure, l’accusé était renvoyé absous.

Eau d’ange. Pour faire de bonne eau d’ange, ayez un grand alambic dans lequel vous mettez les drogues suivantes : benjoin, quatre onces ; styrax, deux onces ; sandal citrin, une once ; clous de girofle, deux drachmes ; deux ou trois morceaux d’iris de Florence ; la moitié d’une écorce de citron ; deux noix muscades ; cannelle, demi-once ; deux pintes de bonne eau de roche ; chopine d’eau de fleurs d’orange ; chopine d’eau de mélilot ; vous mettez le tout dans un alambic bien scellé et vous distillez au bain-marie. Cette distillation sera une eau d’ange exquise[545], ainsi nommée parce que la recette en fut enseignée par un ange… Elle guérit beaucoup de maladies, disent ses prôneurs.

Eau froide (Épreuve de l’). Elle était fort en usage au neuvième siècle et s’étendait non-seulement aux sorciers et aux hérétiques, mais encore à tout accusé dont le crime n’était pas évident. Le coupable ou prétendu tel était jeté, la main droite liée au pied gauche, et la main gauche liée au pied droit, dans un bassin ou dans une grande cuve pleine d’eau, sur laquelle on priait pour qu’elle ne pût supporter un criminel : de façon que celui qui n’enfonçait pas était déclaré innocent.

Eau lustrale. Eau commune dans laquelle, chez les peuples païens, on éteignait un tison ardent tiré du foyer des sacrifices. Quand il y avait un mort dans une maison, on mettait à la porte un grand vase rempli d’eau lustrale, apportée de quelque maison où il n’y avait point de mort. Tous ceux qui venaient à la maison en deuil s’aspergeaient de cette eau en sortant. — Les druides employaient l’eau lustrale à chasser les maléfices.

Eau verte. On lit dans Delancre que les sorciers composaient de son temps une eau verte, dont le contact donnait la mort. Voy. Poisons.

Ébérard, archevêque de Trêves, mort en 1067. Ayant menacé les Juifs de les chasser de sa ville, si dans un certain temps qu’il leur accorda pour se faire instruire, ils n’embrassaient pas le christianisme, ces misérables, qui se disaient réduits au désespoir, subornèrent un sorcier qui, pour de l’argent, leur baptisa du nom de l’évêque une image de cire, à laquelle ils attachèrent des mèches et des bougies ; ils les allumèrent le samedi saint, comme le prélat allait donner le baptême. Pendant qu’il était occupé à cette sainte fonction, la statue étant à moitié consumée, Ébérard se sentit extrêmement mal ; on le conduisit dans la sacristie, où (dit la chronique) il expira bientôt après[546].

Éblis, nom que les mahométans donnent au diable. Ils disent qu’au, moment de la naissance de leur prophète, le trône d’Éblis fut précipité au fond de l’enfer et que les idoles des gentils furent renversées.

Ébroin. On lit ceci dans le B. Jacques de Varasc (legenda exiv) : — Une petite troupe de pieux cénobites regagnait de nuit le monastère. Ils arrivèrent au bord d’un grand fleuve et

s’arrêtèrent sur le gazon pour se reposer un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs rameurs qui descendaient le fleuve avec une grande impétuosité. L’un des moines leur demanda qui ils étaient : « Nous sommes des démons, répondirent les rameurs, et nous emportons aux enfers l’âme d’Ébroïn, maire du palais, qui tyrannisa la France et qui abandonna le monastère de Saint-Gai pour rentrer dans le monde. »

Ébron, démon honoré à Tournay, du temps de Glovis. On ne voyait que sa tête, qui se remuait pour répondre à ses dévots. Il est cité parmi les démons dans le roman de Godefroid de Bouillon, vieux poëme dont l’auteur était du Hainaut.

Écho. Presque tous les physiciens ont attribué la formation de l’écho à une répercursion de son, semblable à celle qu’éprouve la lumière quand elle tombe sur un corps poli. L’écho est donc produit par le moyen d’un ou de plusieurs obstacles qui interceptent le son et le font rebrousser en arrière. Il y a des échos simples et des échos composés. Dans les premiers, on entend une simple répétition du son, dans les autres on l’entend une, deux, trois, quatre fois et davantage. Il en est qui répètent plusieurs mots de suite les uns après les autres ; ce phénomène a lieu toutes les fois qu’on se trouve à une distance de l’écho telle qu’on ait le temps de prononcer plusieurs mots avant que la répétition du premier soit parvenue à l’oreille. Dans la grande avenue du château de Villebertain, à deux lieues de Troyes, on entend un écho qui répète deux fois un vers de douze syllabes. Quelques échos ont acquis une sorte de célébrité. On cite celui de la vigne de Simonetta, qui répétait quarante fois le même mot. A Woodstock, en Angleterre, il y en avait un qui répétait le même son jusqu’à cinquante fois. A quelques lieues de Glascow, en Écosse, il se trouve un écho encore plus singulier. Un homme joue un air de trompette de huit à dix notes ; l’écho les répète fidèlement, mais une tierce plus bas et cela jusqu’à trois fois, interrompues par un petit silence.

Il y eut des gens assez simples pour chercher des oracles dans les échos. Les écrivains du dernier siècle nous ont conservé quelques dialogues de mauvais goût sur ce sujet : — Un amant : Dis-moi, cruel amour, mon bonheur est-il évanoui ? L’écho : Oui. — L’amant : Tu ne parles pas ainsi quand tu séduis nos cœurs, et que tes promesses les entraînent dans de funestes engagements. L’écho : Je mens. — L’amant : Par pitié, ne ris pas de ma peine. Réponds— moi, me reste-t-il quelque espoir ou non ? L’écho : — Non. — L’amant : Eh bien, c’en est fait, tu veux ma mort, j’y cours. L’écho : Cours. — L’amant : La contrée, instruite de tes rigueurs, ne sera plus assez insensée pour dire de toi un mot d’éloges. L’écho : Déloge.

Les anciens Écossais croyaient que l’écho était un esprit qui se plaisait à répéter les sons. Les païens en avaient fait une nymphe. Voy. Lavisari.

Eckart (Le fidèle). Ce héros d’une tradition allemande vivait à la cour d’un duc de Bourgogne de la première dynastie. Dans un combat il sauva ce duc en exposant sa vie. Le prince reconnaissant le combla de faveurs et lui donna le nom de fidèle que la tradition lui maintient. Mais les courtisans, jaloux de son influence, parvinrent à le faire tomber en disgrâce. Le duc de Bourgogne le bannit et lui enleva ses deux fils, dont il n’eut plus de nouvelles qu’au bout de plusieurs années. Alors il apprit que l’ingrat prince avait fait périr ses deux fils, voulant anéantir sa race, et qu’il était lui-même en danger. Or il y avait dans un canton de l’Helvétie, qui reconnaissait alors l’autorité de ce duc, une montagne dite la Montagne de Freya (la Vénus des Germains). Un mystérieux joueur de guitare en sortait de temps en temps, et il tirait de sa guitare des sons d’une magie si puissante qu’ils entraînaient les passants dans une caverne dont on ne les voyait, plus sortir. Le fidèle Eckart s’était retiré non loin de là et connaissait ce sortilège. Un jour le duc de Bourgogne, égaré à la chasse où il avait perdu son cheval, se traînait épuisé dans le bois qui servait de refuge au fidèle Eckart. Le vieux serviteur eut pitié de son prince malgré son crime ; il le porta sur ses épaules à une cabane où il reçut des soins ; là il fut reconnu par le duc, qui lui rendit ses bonnes grâces et le nomma tuteur de ses fils. Il s’acquitta dignement de ses devoirs sans quitter sa retraite. Un soir qu’il se promenait avec eux, le joueur de guitare parut et les entraîna. Mais Eckart était avec eux : il combattit et mit en fuite les mauvais génies qui voulaient s’emparer des jeunes princes, les écarta de la caverne de Freya, et craignant que ce danger se renouvelât pour eux, il se dévoua à rester devant l’entrée’du repaire infernal pour en repousser tous ceux qui y seraient attirés ; il y est encore, mais on ne le voit pas.

Éclairs. On rendait autrefois une espèce de culte aux éclairs, en faisant du bruit avec la bouche ; et les Romains honoraient sous le nom de Papysma une divinité champêtre, pour qu’elle en préservât les biens de la terre. Les Grecs de l’Orient les redoutent beaucoup.

Éclipses. C’était une opinion générale chez les païens que les éclipses de lune procédaient de la vertu magique de certaines paroles par lesquelles on arrachait la lune du ciel, et on l’attirait vers la terre pour la contraindre à jeter sur les herbes une écume qui les rendait plus propres aux sortilèges des enchanteurs. Pour délivrer la lune de son tourment et pour éluder la force du charme, on empêchait qu’elle n’en entendît les paroles en faisant un bruit horrible.

Une éclipse annonçait ordinairement de grands malheurs, et on voit souvent dans l’antiquité des armées refuser de se battre à cause d’une éclipse. Au Pérou, quand le soleil s’éclipsait, les gens du pays disaient qu’il était fâché contre eux et se croyaient menacés d’un grand malheur. Ils avaient encore plus de crainte dans l’éclipsé de lune. Ils la croyaient malade lorsqu’elle paraissait noire ; ils comptaient qu’elle mourrait infailliblement si elle achevait de s’obscurcir ; qu’alors elle tomberait du ciel, qu’ils périraient tous et que la fin du monde arriverait. Ils en avaient une telle frayeur, qu’aussitôt qu’elle commençait à s’éclipser ils faisaient un bruit terrible avec des trompettes, des cornets et des tambours ; ils fouettaient des chiens pour les faire aboyer, dans l’espoir que la lune, qui avait de l’affection pour ces animaux, aurait pitié de leurs cris et s’éveillerait de l’assoupissement que sa maladie lui causait. En même temps, les hommes, les femmes et les enfants la suppliaient, les larmes aux yeux et avec de grands cris, de ne point se laisser mourir, de peur que sa mort ne fut cause de leur perte universelle. Tout ce bruit ne cessait que quand la lune reparaissant ramenait le calme dans les esprits épouvantés.

Les Talapoins prétendent que quand la lune s’éclipse, c’est un dragon qui la dévore ; et que quand elle reparaît, c’est le dragon qui rend son dîner. Dans les vieilles mythologies germaniques, deux loups poursuivaient sans cesse le soleil et la lune ; les éclipses étaient des luttes contre ces monstres. Les Européens, crédules aussi, regardaient autrefois les éclipses comme des signes fâcheux, une éclipse de soleil qui eut lieu le 13 août 1664 fut annoncée comme l’avant-coureur d’un déluge semblable à celui qui était arrivé du temps de Noé ou plutôt d’un déluge de feu qui devait amener la fin du monde. Cette prédiction épouvanta tellement les masses qu’un curé de campagne (c’est un petit conte que nous rapportons) ne pouvant suaire à confesser tous ses paroissiens, qui craignaient de mourir dans cette circonstance, et sachant que tout ce qu’il pourrait leur dire de raisonnable à cet égard ne prévaudrait pas contre les prédictions fâcheuses, fut contraint de leur annoncer au prône qu’ils ne se pressassent pas tant, et que l’éclipsé avait été remise à quinzaine[547].

Dans les Indes on est persuadé, quand le soleil ou la lune s’éclipse, qu’un certain démon aux griffes noires les étend sur l’astre dont il veut se saisir ; pendant ce temps on voit les rivières couvertes de têtes d’Indiens qui croient soulager l’astre menacé en se tenant dans l’eau jusqu’au cou, et jetant sans relâche avec leurs mains de l’eau au nez du soleil ou de la lune. Les Lapons sont convaincus aussi que les éclipses de lune sont l’ouvrage des démons. Les Chinois prétendaient, avant l’arrivée des missionnaires jésuites, qui les éclairèrent, que les éclipses étaient occasionnées par un mauvais génie, lequel cachait le soleil de sa main droite et la lune de sa main gauche. Cependant cette opinion n’était pas générale, puisque quelques-uns d’entre eux disaient qu’il y avait au milieu du soleil un grand trou, et que, quand la lune se rencontrait vis-à-vis, elle devait naturellement être privée de lumière. Dieu, disent les Persans, tient le soleil enfermé dans un tuyau qui s’ouvre et se ferme au bout par un volet. Ce bel œil du monde éclaire l’univers et l’échauffé par ce trou ; et quand Dieu veut punir les hommes par la privation de la lumière, il envoie l’ange Gabriel fermer le volet, ce qui produit les éclipses. Mais Dieu est si bon qu’il n’est jamais fâché longtemps.

Les Mandingues, nègres mahométans de l’intérieur de l’Afrique, attribuent les éclipses de lune à un chat gigantesque qui met sa patte entre la lune et la terre ; et pendant tout le temps que dure l’éclipsé, ils ne cessent de chanter et de danser en l’honneur de Mahomet. Les Mexicains effrayés jeûnaient pendant les éclipses. Les femmes se maltraitaient, et les filles se tiraient du sang des bras. Ils s’imaginaient que la lune avait été blessée par le soleil pour quelque querelle de ménage.

On racontait des habitants de l’Arcadie qu’ils étaient tellement ignorants qu’au moment d’une éclipse ils éventrèrent un âne qu’ils accusaient d’avoir mangé la lune, parce que l’image de la lune avait disparu dans l’eau où l’âne buvait à l’instant où l’éclipsé avait eu lieu.

Écregores, pères des géants, suivant un livre apocryphe d’Énoch. Les anges qu’il nomme ainsi s’assemblèrent sur le mont Hémon, du temps du patriarche Jared, et s’engagèrent par des anathèmes à ne se point séparer qu’ils n’eussent enlevé les filles des hommes.

Écriture. Art de juger les hommes par l’écriture, d’après Lavater. Tous les mouvements de notre corps reçoivent leurs modifications du tempérament et du caractère. Le mouvement du sage n’est pas celui de l’idiot, le port et la démarche diffèrent sensiblement du colérique au flegmatique, du sanguin au mélancolique.

De tous les mouvements du corps, il n’en est point d’aussi variés que ceux de la main et des doigts, et de tous les mouvements de la main et des doigts, les plus diversifiés sont ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre mot jeté sur le papier, combien de points, combien de courbes ne renferme-t-il point !… Il est évident encore, poursuit Lavater, que chaque tableau, que chaque figure détachée, et aux yeux de l’observateur et du connaisseur, chaque trait conservent et rappellent l’idée du peintre. — Que cent peintres, que tous les écoliers d’un même maître dessinent la même figure, que toutes ces copies ressemblent à l’original de la manière la plus frappante, elles n’en auront pas moins chacune un caractère particulier, une teinte et une touche qui les feront distinguer. Si l’on est obligé d’admettre une expression caractéristique pour les ouvrages de peinture, pourquoi voudrait-on qu’elle disparût entièrement dans les dessins et dans les figures que nous traçons sur le papier ? Chacun de nous a son écriture propre, individuelle et inimitable, ou qui du moins ne saurait être contrefaite que très-difficilement et très-imparfaitement. Les exceptions sont en trop petit nombre pour détruire la règle. Cette diversité incontestable des écritures ne serait-elle point fondée sur la différence réelle du caractère moral ?

On objectera que le même homme, qui

pourtant n’a qu’un seul et même caractère, peut diversifier son écriture. Mais cet homme, malgré son égalité de caractère, agit ou du moins paraît agir souvent de mille manières différentes. De même qu’un esprit doux se livre quelquefois à des emportements, de même aussi la plus belle main se permet dans l’occasion une écriture négligée ; mais alors encore celle-ci aura un caractère tout à fait différent du griffonnage d’un homme qui écrit toujours mal. On reconnaîtra la belle main du premier jusque dans sa plus mauvaise écriture, tandis que l’écriture la plus soignée du second se ressentira toujours de son barbouillage. Cette diversité de l’écriture d’une seule et même personne ne fait que confirmer la thèse ; il résulte de là que la disposition d’esprit où nous nous trouvons influe sur notre écriture. Avec la même encre, avec la même plume et sur le même papier, l’homme façonnera tout autrement son écriture quand il traite une affaire désagréable, ou quand il s’entretient cordialement avec son ami. Chaque nation, chaque pays, chaque ville a son écriture particulière, tout comme ils ont une physionomie et une forme qui leur sont propres[548]. Tous ceux qui ont un commerce de lettres un peu étendu pourront vérifier la justesse de cette remarque. L’observateur intelligent ira plus loin, et il jugera déjà du caractère de son correspondant sur la seule adresse (j’entends l’écriture de l’adresse, car le style fournit des indices plus positifs encore), à peu près comme le titre d’un livre nous fait connaître souvent la tournure d’esprit de l’auteur. Une belle écriture suppose nécessairement une certaine justesse d’esprit, et en particulier l’amour de l’ordre. Pour écrire avec une belle main, il faut avoir du moins une veine d’énergie, d’industrie, de précision et de goût, chaque effet supposant une cause qui lui est analogue. Mais ces gens dont l’écriture est si belle et si élégante, la peindraient peut-être encore mieux, si leur esprit était plus cultivé et plus orné. On distingue dans l’écriture la substance et le corps des lettres, leur forme et leur arrondissement, leur hauteur et leur longueur, leur position, leur liaison, l’intervalle qui les sépare, l’intervalle qui est entre les lignes, la netteté de récriture, sa légèreté ou sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une parfaite harmonie, il n’est nullement difficile de découvrir quelque chose d’assez précis dans le caractère fondamental de l’écrivain.

Une écriture de travers annonce un esprit faux, dissimulé, inégal. Il y a la plupart du temps une analogie admirable entre le langage, la démarche et l’écriture. Des lettres inégales, mal jointes, mal séparées* mal alignées, et jetées en quelque sorte séparément sur le papier, dénotent un naturel flegmatique, lent, peu ami de l’ordre et de la propreté. Une écriture plus liée, plus suivie, plus énergique et plus ferme accuse plus de vie, plus de chaleur, plus de goût. Il y a des écritures qui signalent la lenteur d’un homme lourd et d’un esprit pesant. Une écriture bien formée, bien arrondie, promet de l’ordre, de la précision et du goût. Une écriture extraordinairement soignée annonce plus de précision et de fermeté, mais peut-être moins d’esprit. Une écriture lâche dans quelques-unes de ses parties, serrée dans quelques autres, puis longue, puis étroite, puis soignée, puis négligée, laisse entrevoir un caractère léger, incertain et flottant. Une écriture lancée, des lettres jetées pour ainsi dire d’un seul trait, et qui dénotent la vivacité de l’écrivain, désignent un esprit ardent, du feu et des caprices. Une écriture un peu penchée sur la droite et bien coulante annonce de l’activité et de la pénétration. Une écriture bien liée, coulante et presque perpendiculaire, promet de la finesse et du goût. Une écriture originale et hasardée d’une certaine façon, sans méthode, mais belle et agréable, porte l’empreinte du génie, etc.

Il est inutile d’observer combien, avec quelques remarques judicieuses, ce système est plein de témérités et d’exagérations. Voy. Mimique et Physiognomonie.

Écrouelles. Delancre dit que ceux qui naissent légitimement septièmes mâles, sans mélanges de filles, ont le don inné de guérir les écrouelles en les touchant. Les anciens rois d’Angleterre, suivant certains auteurs, avaient ce pouvoir[549], mais d’une autre source. Quand Jacques II fut reconduit de Rochester à White-Hall, on proposa de lui laisser faire quelque acte de royauté, comme de toucher les écrouelles. Il ne se présenta personne. On attribua aussi aux rois de France le don d’enlever les écrouelles par l’imposition des mains, accompagnée du signe de la croix. Louis XIII en 1639 toucha à Fontainebleau douze cents scrofuleux, et les mémoires du temps attestent que plusieurs furent guéris. On fait remonter cette prérogative jusqu’à Glo vis. Voy. Lancinet, Crachat, Gréatrakes, etc.

Écume. On a remarqué que beaucoup de possédés écument de la bouche comme les chiens enragés. Une jeune fille que l’on amena à saint Vincent Ferrier, rendait par la bouche et par le nez une écume qui prenait successivement plusieurs nuances[550].

Ecureuils. Les chasseurs des monts Ourals ont pour la chasse de l’écureil une superstitieuse idée qu’on ne peut déraciner. Ils ne cherchent dans toute la journée les écureuils qu’au haut des sapins rouges, si le premier tué le matin s’est trouvé sur un arbre de cette espèce ; et ils sont fermement convaincus qu’ils’en chercheraient en vain ailleurs. Si c’est au contraire sur un sapin sylvestris qu’ils ont aperçu leur premier écureuil, ils ne porteront leurs regards que sur cette sorte d’arbres pendant tout le jour de la chasse.

Edda, livre des origines Scandinaves. Il est plein de rudes merveilles.

Edeline ou Adeline (Guillaume), docteur en théologie du quinzième siècle, prieur des Carmes de Saint-Germain en Laye. Il fut exposé et admonesté publiquement à Évreux pour s’être donné au diable, afin de satisfaire ses passions mondaines. Il avoua, sans y être poussé par la torture, qu’il s’était transporté au sabbat à cheval sur un balai[551] ; que de sa bonne volonté il avait fait hommage à l’ennemi, qui était là sous la forme d’un mouton ; qu’il lui avait alors baisé brutalement sous la queue son derrière en signe de révérence et d’hommage[552] Ce sabbat n’était composé que de Vaudois. Le jour du jugement étant arrivé, il fut conduit en place publique, ayant une mitre de papier sur la tête ; l’inquisiteur l’engagea à se repentir et lut la sentence qui le condomnait à la prison, au pain et à l’eau. « Lors ledit maître Guillaume commença à gémir et à condouloir de son méfait, criant merci à Dieu, à l’évêque et à justice[553]. » Quinzième siècle.

Edris, nom que les musulmans donnent à Enoch ou Hénoch, sur lequel ils ont forgé diverses traditions. Dans les guerres continuelles que se faisaient les enfants de Seth et de Caïn, Hénoch, disent-ils, fut le premier qui introduisit la coutume de faire des esclaves. Il avait reçu du ciel, avec le don de science et de sagesse, trente volumes remplis des connaissances les plus abstraites ; lui-même en composa beaucoup d’autres, aussi peu connus que les premiers. Dieu l’envoya aux Caïnites pour les ramener dans la bonne voie. Mais ceux-ci ayant refusé de l’écouter, il leur fit la guerre et réduisit leurs femmes et leurs enfants en esclavage. Les Orientaux lui attribuent l’invention de la couture et de l’écriture[554], de l’astronomie, de l’arithmétique, et encore plus particulièrement de la géomancie. On dit de plus qu’il fut la cause innocente de l’idolâtrie. Un de ses amis, affligé de son enlèvement, forma de lui, par l’instigation du démon, une représentation si vivement exprimée, qu’il s’entretenait des jours entiers avec elle, et lui rendait des hommages particuliers, qui peu à peu dégénérèrent en superstition. Voy. Hénoch.

Effrontés, hérétiques qui parurent dans la première moitié du seizième siècle. Ils niaient le Saint-Esprit, pratiquaient diverses superstitions, rejetaient le baptême et le remplaçaient par une cérémonie qui consistait à se racler le front avec un clou jusqu’à effusion de sang, puis à le panser avec de l’huile. C’est cette marque qui leur restait au front qui leur a fait donner leur nom d’effrontés.

Égérie, nymphe qui seconda Numa Pompilius dans son projet de civiliser les Romains. Les démonomanes en ont fait un démon succube, et les cabalistes un esprit élémentaire, une ondine selon les uns, une salamandre selon les autres, qui la disent fille de Vesta. Voy. Zoroastre et Numa.

Égipans, démons que les païens disaient habiter les bois et les montagnes, et qu’ils représentaient comme de petits hommes velus, avec des cornes et des pieds de chèvre. Les anciens parlent de certains monstres de Libye, auxquels on donnait le même nom ; ils avaient un museau de chèvre avec une queue de poisson : c’est ainsi qu’on représente le capricorne. On trouve cette même figure dans plusieurs monuments égyptiens et romains.

Égithe, sorte d’épervier boiteux, dont une idée bizarre avait répandu l’opinion chez les anciens que sa rencontre était du plus heureux présage pour les nouveaux mariés.

Église (l’) et les Sorciers. Les pauvres êtres accusés de sorcellerie n’ont jamais été traités par l’Église avec les cruautés des juges laïques. Voy. l’article Sorciers, à la fin.

Élaïs, une des filles d’Anios, d’Élée, magicienne qui changeait en huile tout ce qu’elle touchait.

Élasticité. Il y a des pierres élastiques et des grès flexibles. Une poutre en marbre, qui fait l’étonnement des curieux à la cathédrale de Lincoin, est élastique[555]. De telles raretés ont passé autrefois pour œuvres de féerie.

Éléazar, magicien, Juif de nation, qui attachait au nez des possédés un anneau où était enchâssée une racine dont Salomon se servait, et que l’on présume être la squille[556]. À peine le démon l’avait-ii flairée qu’il jetait le possédé par terre et l’abandonnait. Le magicien récitait ensuite des paroles que Salomon avait laissées par écrit ; et, au nom de ce prince, il défendait au démon de revenir dans le même corps ; après quoi il remplissait une cruche d’eau et commandait audit démon de la renverser. L’esprit malin obéissait ; ce signe était la preuve qu’il avait quitté son gîte.

Éléazar de Garniza, auteur hébreu qui a laissé divers ouvrages dont plusieurs ont été imprimés et d’autres sont restés manuscrits. On distingue de lui un Traité de l’âme, cité par Pic de la Mirandole dans son livre contre les astrologues, et un Commentaire cabalistique sur le Pentateuque.

Éléments. Les éléments sont peuplés de substances spirituelles, selon les cabalistes. Le feu est la demeure des salamandres ; l’air, celle des sylphes ; les eaux, celle des ondins ou nymphes, et la terre, celle des gnomes. Il est certain que les éléments, l’air surtout, sont abondamment peuplés de démons et d’esprits, et que les puissances de l’air ne le laissent pas vide.

Éléphant. On a dit des choses merveilleuses de l’éléphant. On lit encore dans de vieux livres qu’il n’a pas de jointures, et que, par cette raison, il est obligé de dormir debout, appuyé contre un arbre ou contre un mur ; que s’il tombe, il ne peut se relever. Cette erreur a été accréditée par Diodore de Sicile, par Strabon et par d’autres écrivains. Pline conte aussi que l’éléphant prend la fuite lorsqu’il entend un cochon : et, en effet, on a vu en 1769 qu’un cochon ayant été introduit dans la ménagerie de Versailles, son grognement causa une agitation si violente à un éléphant qui s’y trouvait qu’il eût rompu ses barreaux si l’on n’eût retiré aussitôt l’animal immonde. Mien assure qu’on a vu un éléphant qui avait écrit des sentences entières avec sa trompe, et même qui avait parlé. Christophe Acosta assure la même chose[557]. Dion Cassius prête à cet animal des sentiments religieux. Le matin, dit-il, il salue le soleil de sa trompe ; le soir il s’agenouille ; et quand la nouvelle lune paraît sur l’horizon, il rassemble des fleurs pour lui en composer un bouquet. On sait que les éléphants ont beaucoup de goût pour la musique ; Arrien rapporte qu’il y en a eu un qui faisait danser ses camarades au son des cymbales. On vit à Rome des éléphants danser la pyrrhique et exécuter des sauts périlleux sur la corde… Enfin, avant les fêtes données par Germanicus, douze éléphants en costume dramatique exécutèrent un ballet en action. On leur servit ensuite une collation ; ils prirent place avec décence sur des lits qui leur avaient été préparés. Les éléphants mâles étaient revêtus de la toge ; les femelles de la tunique. Ils se comportèrent avec toute l’urbanité de convives bien élevés, choisirent les mets avec discernement et ne se firent pas moins remarquer par leur sobriété que par leur politesse[558].

Au Bengale l’éléphant blanc a les honneurs de la divinité ; il ne mange jamais que dans la vaisselle de vermeil. Lorsqu’on le conduit à la promenade, dix personnes de distinction portent un dais sur sa tête. Sa marche est une espèce de triomphe, et tous les instruments du pays l’accompagnent. Les mêmes cérémonies s’observent lorsqu’on le mène boire. Au sortir de la rivière, un seigneur de la cour lui lave les pieds dans un bassin d’argent.

Voici sur l’éléphant blanc des détails plus étendus : « Un Européen, établi à Calcutta depuis deux ans, écrivait dernièrement au '


Sémaphore de Marseille une lettre dont le passage suivant rappelle une des plus étranges superstitions des peuples de l’Inde :

« Je vous envoie le récit que vient de me faire M. Smithson, voyageur anglais, arrivé tout récemment de Juthia, capitale du royaume de Siam. M. Smithson m’a beaucoup amusé aux dépens de ces Siamois qui continuent toujours à adorer leurs éléphants blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse était à la cour et parmi tous les habitants de Juthia : un seul éléphant blanc avait survécu à une espèce de contagion qui s’était glissée dans les écuries sacrées. Le roi fit publier à son de trompe qu’il donnerait dix esclaves, autant d’arpents de terre qu’un éléphant pourrait en parcourir dans un jour, et une de ses filles en mariage à l’heureux Siamois qui trouverait un autre éléphant blanc. — M. Smithson avait pris à son service, pour lui faire quelques commissions dans la ville, un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué de misère, qui s’appelle Tungug-Poura. Ce Tungug-Poura avait touché le cœur compatissant du voyageur anglais, qui l’avait fait laver, habiller, et le nourrissait dans sa cuisine. Tungug, malgré sa chétive et stupide apparence, nourrissait une vaste ambition dans sa chemise de toile, son unique vêtement ; il entendit la proclamation de l’empereur de Siam et vint, d’un air recueilli, se présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup en l’entendant lui déclarer qu’il allait chercher un éléphant blanc, et qu’il était décidé à mourir s’il ne trouvait pas l’animal sacré. Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smithson l’effet d’un chasseur bien habile : les éléphants blancs se trouvent en très-petit nombre dans des retraites d’eaux et de bois d’un accès difficile. Mais rien ne put changer la résolution de Tungug, qui, serrant avec reconnaissance une petite somme d’argent dont son maître le gratifia, partit avec un arc, des flèches et une mauvaise paire de pistolets. — M. Smithson, que je vais laisser parler, me disait donc l’autre soir : « Cinq mois après, je me réveillai au bruit de tous les tambours de l’armée du roi ; un tintamarre affreux remplissait la ville. Je m’habille et descends dans la rue, où des hommes, des femmes, des enfants couraient en poussant des cris de joie. Je m’informai de la cause de tous ces bruits ; on me répondit que l’éléphant blanc arrivait. Curieux d’assister à la réception de ce grand et haut personnage, je me rendis à la porte de la ville que précède une place immense entourée d’arbres et de canaux ; la foule la remplissait. Sous un vaste dais, des officiers richement vêtus attendaient le monarque, qui a bientôt paru avec tous ses ministres et ses esclaves. On agitait devant lui un vaste éventail de plume. — L’éléphant sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit sous une tente magnifique dont j’apercevais les banderoles. Peu après les gongs, les tambours, les cymbales retentirent avec leurs sons aigres et perçants. J’étais assez commodément placé. Un cortège de talapoins commença à défiler ; ces prêtres avaient l’air grave et s’avançaient lentement. Une triple rangée de soldats entourait le noble animal, qui avait un air maladif et marchait difficilement. — On cria à mes côtés : Voilà celui qui l’a pris. — Je regardai et vis un petit homme borgne et bossu qui tenait un des nombreux rubans dorés passés au cou de l’éléphant ; cet homme était mon domestique, Tungug-Poura. Le voilà donc gendre du roi. Il vint me voir un jour en palanquin et me parut fort content de sa nouvelle position. L’éléphant blanc qui a fait sa fortune se présenta à lui à cinquante journées de marche de Juthia, dans un marais où il était couché, abattu par une fièvre à laquelle les animaux de cette espèce sont sujets ; car leur couleur blanche est, comme on sait, le résultat d’une maladie. Tungug-Poura s’approcha de l’éléphant, le nettoya, versa de l’eau sur les plaies et les boutons du dos, et prodigua tellement ses soins et ses caresses à l’intelligente bête que celle-ci lécha Tungug de sa trompe et se mit à le suivre avec la docilité d’un petit chien. Tungug est ainsi parvenu, favorisé d’abord par un hasard presque inespéré, à s’emparer d’un éléphant blanc. Le pauvre bossu a maintenant des esclaves et possède la princesse dont le nom signifie en langue siamoise les yeux de la nuit. »

Éléphant-Dieu. Voy. Kosaks.

Elfdal, vallée des Elfes dans la Suède. Là on faisait subir des épreuves aux enfants qu’on voulait initier au sabbat. On les menaçait de les jeter dans des fondrières s’ils refusaient de renoncer à Dieu. Dans les procédures qui eurent lieu contre eux, plusieurs de ces enfants déclarèrent que souvent un ange blanc s’en venait au devant d’eux et leur défendait de faire ce que le démon leur demandait.


La reine des Elfes.

Elfes, génies Scandinaves. On croit aux bords de la Baltique qu’il y a un roi des Elfes, lequel règne à la fois sur l’île de Stern, sur celle de Mœ et sur celle de Rugen. Il a un char attelé de quatre étalons noirs. Il s’en va d’une île à l’autre en traversant les airs ; alors on distingue très-bien le hennissement de ses chevaux, et la mer est toute noire. Ce roi a une grande armée à ses ordres ; ses soldats ne sont autre chose que les grands chênes qui parsèment l’île. Le jour ils sont condamnés à vivre sous une écorce d’arbre ; mais la nuit ils reprennent leur casque et leur épée et se promènent fièrement au clair de la lune. Dans les temps de guerre, le roi les assemble autour de lui. On les voit errer au-dessus de la côte, et alors malheur à celui qui tenterait d’envahir le pays[559] ! La tradition des bons et des mauvais anges est sensible dans les fictions de l’Edda. Snorro Sterlason nous apprend que les elfs de la lumière, dont Ben Johnson a fait les esprits blancs de ses masques, séjournent dans Alf-Heim (demeure des Elfs), le palais du ciel, tandis que les swart elfs, elfs de la nuit, habitent’les entrailles de la terre. Les premiers ne seront pas sujets à la mort ; car les flammes de Surtur ne les consumeront pas, et leur dernière demeure sera Vid-Blain, le plus haut ciel des bienheureux ; mais les swart elfs sont mortels et sujets à toutes les maladies, quels que soient d’ailleurs leurs attributs. — Les Islandais modernes considèrent aussi le peuple elf comme formant une monarchie, ou du moins ils le font gouverner par un vice-roi absolu qui, tous les ans, se rend en Norvège avec une députation de pucks (lutins), pour y renouveler son serment d’hommage-lige au souverain seigneur qui réside dans la mère patrie. Il est évident que les Islandais croient que les elfs sont, comme eux, une colonie transplantée dans l’île[560]. Voy. Danses des esprits.

Elfland, le pays, l’île, le royaume des fées et des Elfes. Les fées et les Elfes, qui sont les fées du Nord, enlèvent quelquefois les enfants et les emportent dans l’Elfland pour le peupler. Quelques hommes faits y ont été transportés aussi, lorsqu’ils s’étaient endormis sur quelque montagne hantée par les fées ou les Elfes. Voy. Erceldoune.

Elf-Roi, le roi des Elfes. Voy. Nain-Laurin.

Élie. Les musulmans et la plupart des Orientaux font de ce grand prophète un puissant magicien[561] : ils l’appellent Khizzer.

Élie de Worms, rabbin juif allemand, qui passait au treizième siècle pour un magicien très-habile.

Éligor, démon, le même qu’Abigor. Voy. Abigor.

Élinas, roi d’Albanie, père de Mélusine. Voy. Mélusine.

Élingsor. Dans le poëme de Percival, c’est un magicien qui descend de la famille de Virgile. Il est né dans la Galabre ; il est initié à la magie par des Juifs. Il bâtit sur une montagne un palais enchanté où l’on voit un lit qui fuit devant celui qui veut y monter et qui lui lance des flèches s’il y parvient. C’est un vieux conte populaire qui remonte au temps où les Sarasins occupaient la Sicile et une partie du pays de Naples.

Élixir de vie. L’élixir de vie n’est autre chose, selon le Trévisan, que la réduction de la pierre philosophale en eau mercurielle ; on l’appelle aussi or potable. Il guérit toutes sortes de maladies et prolonge la vie bien au delà des bornes ordinaires. L’élixir parfait au rouge


change le cuivre, le plomb, le fer et tous les métaux en or plus pur que celui des mines. L’élixir parfait au blanc, qu’on appelle encore huile de talc, change tous les métaux en argent très-fin.

Voici la recette d’un autre élixir de vie. Pour faire cet élixir, prenez huit livres de suc mercuriel ; deux livres de suc de bourrache, tiges et feuilles ; douze livres de miel de Narbonne ou autre, le meilleur du pays ; mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon pour l’écumer ; passez-le par la chausse à hypocras et clarifiez-le. Mettez à part infuser, pendant vingt-quatre heures, quatre onces de racine de gentiane coupée par tranches dans trois chopines de vin blanc, sur des cendres chaudes, agitant de temps en temps ; vous passerez ce vin dans un linge sans l’exprimer ; mettez cette colature dans lesdits sucs avec le miel, faisant bouillir doucement le tout et cuire en consistance de sirop ; vous le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée, ensuite le déposerez dans des bouteilles que vous conserverez en un lieu tempéré, pour vous en servir, en en prenant tous les matins une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, rétablit la santé contre toutes sortes de maladies, même la goutte, dissipe la chaleur des entrailles ; et quand il ne resterait dans le corps qu’un petit morceau de poumon et que le reste serait gâté, il maintiendrait le bon et rétablirait le mauvais ; il guérit les douleurs d’estomac, la sciatique, les vertiges, la migraine et généralement les douleurs internes. Ce secret a été donné par un pauvre paysan de Galabre à celui qui fut nommé par Charles-Quint pour général de cette armée navale qu’il envoya en Barbarie. Le bonhomme était âgé de cent trente-deux ans, à ce qu’il assura à ce général, lequel était allé loger chez lui, et, le voyant d’un si grand âge, s’était informé de sa manière de vivre et de celle de plusieurs de ses voisins, qui étaient presque tous âgés comme lui[562].

On conte qu’un médecin charlatan apporta un jour à l’empereur de la Chine Li-kon-pan un élixir merveilleux et l’exhorta à le boire, en lui promettant que ce breuvage le rendrait immortel. Un ministre qui était présent, ayant tenté inutilement de désabuser le souverain, prit la coupe et but la liqueur. Li-kon-pan, irrité de cette hardiesse, condamna à mort le mandarin, qui lui dit d’un air tranquille : « Si ce breuvage donne l’immortalité, vous ferez de vains efforts pour me faire mourir ; et s’il ne la donne pas, auriez-vous l’injustice de me faire mourir pour un si frivole larcin ? » Ce discours calma l’empereur, qui loua la sagesse et la prudence de son ministre.

Éloge de l’enfer, ouvrage critique, historique et moral ; nouvelle édition ; la Haye, 1759, 2 vol. in-12, fig. — C’est un livre satirique très-pesamment écrit, dans un esprit très-médiocre.

Élossite, pierre qui a la vertu de guérir les maux de tête. On ne sait pas trop où elle se trouve.

Elpide, médecin qui vivait sous Théodoric, roi des Ostrogoths. Sa maison était hantée par des lutins qui lui jetaient souvent des pierres. Saint Césaire, d’Arles, étant venu à Ravenne, purifia cette maison avec de l’eau bénite, et dès lors elle ne fut plus infestée.

Elspeth-Rule, sorcière écossaise qui

florissait en 1708. Elle était signalée comme faisant mourir ceux qui la priaient et guérissant ceux qui la maltraitaient.

Elxai ou Elcesai, chef des elcésaïtes, hérétique du deuxième siècle, qui faisait du Saint-Esprit une femme, et qui proposait une liturgie dont les prières étaient des jurements absurdes.

Émaguinquilliers, race de géants, serviteurs d’Iamen, dieu de la mort chez les Indiens. Ils sont chargés de tourmenter les méchants dans les enfers.

Embarrer. Voy. Ligatures.

Embungala, prêtre idolâtre du Congo. Il passe, chez les noirs de ces contrées, pour un si grand sorcier, qu’il peut d’un coup de sifflet faire venir devant lui qui bon lui semble, s’en servir comme d’un esclave et le vendre même s’il le juge à propos.

Émeraude. La superstition a longtemps attribué à cette pierre des vertus miraculeuses, telles entre autres que celle d’empêcher les symptômes du mal caduc, et de se briser lorsque la crise est trop violente pour qu’elle puisse la vaincre. La poudre de franche émeraude arrêtait, disait-on, la dyssenterie et guérissait la morsure des animaux vénéneux. Les peuples de la vallée de Manta, au Pérou, adoraient une émeraude grosse comme un œuf d’autruche et lui offraient d’autres émeraudes.

Emma, fille de Richard II, duc de Normandie. Cette princesse épousa Ethelred, roi d’Angleterre, et en eut deux fils dont l’un régna après la mort de son père : c’est saint Édouard. Ce prince écoutait avec déférence les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux que l’histoire peint sous d’assez laides couleurs, Godwin, comte de Kent, qui était son ministre, et qui voyait avec peine son autorité partagée avec Emma, chercha à perdre cette princesse ; il l’accusa de différents crimes, et il eut l’adresse de faire appuyer son accusation par plusieurs seigneurs, mécontents comme lui du pouvoir d’Emma. Le r, oi dépouilla sa mère de’toutes ses richesses. La princesse eut recours à Ahvin, évêque de Winchester, son parent. Le comte de Kent, voulant écarter un protecteur aussi puissant, et ne reculant pas devant les moyens les « plus infâmes, accusa la princesse d’un commerce coupable avec ce prélat : cette odieuse accusation, appuyée impudemment par les ennemis de la princesse et du saint évêque, fit impression sur l’esprit d’Édouard : il eut la faiblesse de mettre sa mère en jugement ; elle fut condamnée à se purger par l’épreuve du feu. La coutume de ce temps-là en Angleterre voulait que l’accusé passât nu-pieds sur neuf contres de charrue rougis au feu ; et la condamnation portait qu’Emma ferait sur ces coutres neuf pas pour elle-même et cinq pour l’évêque de Winchester. Elle employa en prières la nuit qui précéda cette périlleuse épreuve ; puis raffermie, elle marcha sur les neuf coutres, au milieu de deux évêques, habillée comme une simple bourgeoise et les jambes nues jusqu’aux genoux. Le feu ne lui fit aucun mal ; de sorte que son innocence fut reconnue.

Émodès, l’un des démons qui possédaient Madeleine de la Palud.

Émole, génie que les basilidiens invoquaient dans leurs cérémonies magiques.

Empuse, démon de midi. Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, le représente comme un spectre horrible, qui prend diverses formes, de chien, de femme, de bœuf, de vipère, qui a le regard atroce, un pied d’âne et un pied d’airain, une flamme autour de la tête, et qui ne cherche qu’à faire du mal. Les paysans grecs et russes ont conservé des idées populaires attachées à ce monstre ; ils tremblent au temps des foins et des moissons à la seule pensée de l’Empuse, qui, dit-on, rompt bras et jambes aux faucheurs et aux moissonneurs, s’ils ne se jettent la face en terre lorsqu’ils l’aperçoivent. On dit même en Puissie que l’Empuse et les démons de midi, qui sont soumis à cet horrible fantôme, parcourent quelquefois les rues à midi en habits de veuve et rompent les bras à ceux qui osent les regarder en face. Le moyen de conjurer l’Empuse et de s’en faire obéir chez les anciens, c’était de lui dire les plus grandes injures. Chacun a ses goûts.

Vasco de Gama, cité par Leloyer[563], rapporte qu’il y a dans la ville de Calicut un temple consacré à des démons qui sont des espèces d’Empuses. Personne n’ose entrer dans ces temples, surtout le mercredi, qu’après que le midi est passé ; car si on y entrait à cette heure-là, on mourrait à l’instant même.

Énarque. Il revint de l’autre monde (ou d’une syncope) après avoir passé plusieurs jours en enfer, et raconta à Plutarque lui-même tout ce qui concernait Pluton, Minos, Éaque, les Parques, etc.[564].

Encelade, géant de la mythologie grecque. Il avait cent bras et donnait de grandes inquiétudes à Jupiter. Minerve, qui n’avait que deux bras, mais longs et solides, jeta sur le géant l’île de la Sicile ; et il est retenu sous l’Etna, où il soupire toujours. C’est là cette mythologie que Boileau admirait.

Encens. « En la région Sachalite, qui n’est autre que le royaume de Tartas, l’encens qui s’y recueillait se mettait à grands monceaux en certaine place, non loin du port où les marchands abordaient. Cet encens n’était gardé de personne, parce que le lieu était assez gardé des démons ; et ceux qui abordaient près de la place n’eussent osé, en cachette ni ouvertement, prendre un seul grain d’encens et le mettre en leur navire sans la licence et permission expresse du prince ; autrement leurs navires étaient retenus par la puissance secrète des démons, gardiens de l’encens et ne pouvaient se mouvoir ni partir du port[565]. »

Enchantements. On entend par enchantement l’art d’opérer des prodiges par des paroles chantées ; mais on a beaucoup étendu le sens de ce mot.

On voyait, au rapport de Léon l’Africain, tout au haut des principales tours de la citadelle de Maroc, trois pommes d’or d’un prix inestimable, si bien gardées par enchantement, que les rois de Eez n’y ont jamais pu toucher, quelques efforts qu’ils aient faits. Ces pommes d’or ne sont plus.

Marc Paul conte que les Tartares, ayant pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils étaient en guerre, se disposaient à les décapiter ; mais ils n’en purent venir à bout, parce que ces insulaires portaient au bras droit, entre cuir et chair, une petite pierre enchantée qui les rendait insensibles au tranchant du cimeterre : de sorte qu’il fallut les assommer pour les faire mourir. Voy. Paroles magiques, Charme, Fascination, Tour enchantée, etc.

On entend souvent par enchantement quelque chose de merveilleux. Les arts ont aussi produit des enchantements, mais naturels, et regardés comme œuvre de magie par ceux-là seuls qui attribuent à la magie tout ce qui est extraordinaire. — M. Van Estin, dit Decremps dans sa Magie blanche dévoilée, nous fit voir son cabinet de machines. Nous entrâmes dans une salle bien éclairée par de grandes fenêtres pratiquées dans le dôme. — Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j’ai pu rassembler de piquant et de curieux en mécaniques. Cependant nous n’apercevions de tous côtés que des tapisseries sur lesquelles étaient représentées des machines utiles, telles que des horloges, des pompes, des pressoirs, des moulins à vent, des vis d’Archimède, etc.

— Toutes ces pièces ont apparemment beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill ; elles peuvent récréer un instant la vue ; mais il paraît qu’elles ne produiront jamais de grands effets par leurs mouvements. M. Van Estin répondit par un coup de sifflet. Aussitôt les quatre tapisseries se lèvent et disparaissent ; la salle s’agrandit et nos yeux éblouis voient ce que l’industrie humaine a inventé de plus étonnant. D’un côté des serpents qui rampent, des fleurs qui s’épanouissent, des oiseaux qui chantent ; de l’autre, des cygnes qui nagent, des canards qui mangent et qui digèrent, des orgues jouant d’elles-mêmes, et des automates qui touchent du clavecin.

M. Van Estin donna un second coup de sifflet, et tous les mouvements furent suspendus.

Un instant après nous vîmes un canard nageant et barbotant dans un vase, au milieu duquel était un arbre. Plusieurs serpents rampaient autour du tronc et allaient successivement se cacher dans les feuillages. Dans une cage voisine étaient deux serins qui chantaient en s’accompagnant, un homme qui jouait de la flûte, un autre qui dansait, un petit chasseur et un sauteur chinois, tous artificiels et obéissant au commandement. Voy. Brioché, etc.

Enchiridion. Voy. Léon III.

Encre. Divination par la goutte d’encre. Voy. Harvis.

Endor (Pythonisse d’). Voy. Pythonisse.

Énergumène. On appelle énergumènes ceux qui sont possédés du démon. Voy. Possession.

Enfants. Croirait-on que des savants en démence et des médecins sans clientèle ont recherché les moyens de s’assurer du sexe d’un enfant qui n’était pas né, et qu’on a fait autour de ce thème absurde des livres niais qui trouvent de niais lecteurs ? Voy. Sexe.

Enfants du diable. Voy. Gambions.


Enfant volé par une Fée. — Page 238.


Enfants volés par les fées. On prétend dans le Nord que les fées enlèvent quelquefois les enfants qui leur plaisent et leur substituent de petits monstres nés d’elles. Pour les forcer à rendre l’enfant qu’elles ont pris, on expose l’enfant substitué sur une pelle et on le tourmente cruellement. En Danemark la mère chauffe le four et met l’enfant sur la pelle en menaçant de le lancer dans la flamme, ou bien elle le fouette avec des verges, elle le jette dans la rivière. En Suède et en Irlande on l’expose à la porte sur une pelle. Quelquefois on lui fait boire une potion de coquilles d’œufs. Dans le Glossaire provincial de Grose, on voit la mère d’un enfant volé casser une douzaine d’œufs et placer les vingt-quatre demi-coquilles devant l’enfant substitué, qui s’écrie : J’avais sept ans quand on me mit en nourrice, quatre ans se sont passés depuis, et je n’ai jamais vu de petits pots aussi blancs. » Le changement d’un enfant est toujours fait avant le baptême. Le moyen de prévenir ce malheur est de faire une croix sur la porte et sur le berceau, de mettre un morceau de fer auprès de l’enfant, de laisser une lumière allumée. En Thuringe on suspend au mur les culottes du père[566]. En Écosse on attribue le même crime de rapt aux elfes, et quand un enfant est sourd, muet, aveugle ou contrefait, ou le croit substitué.

Les sorcières, ce que les procédures ont établi, enlevaient aussi des enfants, ou pour les affilier au diable ou pour les lui sacrifier. Voy. Elfdal.

Enfants au sabbat.


Enfants dans la divination. Voy. Harvis.

Enfers, lieux inférieurs où les méchants subissent après leur mort le châtiment dû à leurs crimes. Nier qu’il y ait des peines et des récompenses après le trépas, c’est nier l’existence de Dieu, puisqu’il ne peut être que nécessairement juste. Mais les tableaux que certains poètes et d’autres écrivains nous ont faits des enfers ont été souvent les fruits de l’imagination. On doit croire ce que l’Église enseigne, sans s’égarer dans des détails que Dieu n’a pas jugé à propos de révéler. Les anciens et la plupart des modernes placent les enfers au centre de la terre. Le docteur Swinden, dans ses recherches sur le feu de l’enfer, prétend que l’enfer est dans le soleil, 44parce que le soleil est le feu perpétuel44. Quelques-uns ont ajouté que les damnés entretiennent ce feu dans une activité continuelle, et que les taches qui paraissent dans le disque du soleil après les grandes catastrophes ne sont produites que par l’encombrement.

Il serait très-long de rapporter les sentiments des différents peuples sur l’enfer[567]. Les Druses disent que tout ce qu’on mangera dans les enfers aura un goût de fiel et d’amertume, et que les damnés porteront sur la tête, en signe d’une éternelle réprobation, un bonnet de poil de cochon d’un pied et demi de long.

Ce que nous savons positivement, c’est que l’enfer a été fait pour les démons et pour ceux qui les suivent.

Enflure. L’enflure du corps est un symptôme de la possession. Un moine fut possédé au couvent de l’abbé Baithin, successeur de saint Colomban, en Écosse. Il était tout enflé. L’abbé offrit pour lui le saint sacrifice, le fit amener dans l’église et chassa le démon. Au moment où le démon sortit, l’enflure disparut tout à coup et la peau parut collée sur les os. Souvent l’enflure est mobile et passe d’une partie du corps à une autre, affectant diverses formes[568].

Engagements du sabbat. L’initié s’oblige par d’horribles serments à faire tout le contraire de ce que prescrit l’Église, à détruire tout ce qui est sacré, à séduire au moins une fois par mois un chrétien pour l’attacher au démon, à lui amener des enfants, en un mot à reculer devant tout ce qui est bien et à faire avec zèle tout ce qui est réprouvé. Ces excès ont été avoués dans presque toutes les procédures.

Engastrimisme, art des ventriloques. On l’attribuait autrefois à la magie.

Engastrimithes ou Engastrimandres, devins qui faisaient entendre leurs réponses dans leur ventre. Voy. Ventriloque, Cécile, etc.

Engelbrecht (Jean), visionnaire allemand, mort en 1642. Il était protestant et d’un naturel si mélancolique qu’il tenta souvent de s’ôter la vie. Un soir, vers minuit, il lui sembla que son corps était transporté, et il arriva à la porte de l’enfer où régnait une obscurité profonde, et d’où s’exhalait une puanteur à laquelle il n’y a rien à comparer sur la terre. De là il fut conduit en paradis. Quand il en eut goûté les délices, un ange le renvoya sur la terre, et il raconta sa vision. Il en eut d’autres ; il entendit pendant quarante nuits une musique céleste si harmonieuse qu’il ne put s’empêcher d’y joindre sa voix. Parcourant la basse Saxe, il prêchait, disait-il, comme il en avait reçu l’ordre d’en haut. Un jour qu’il racontait ses extases, il dit qu’il avait vu les âmes des bienheureux voltiger autour de lui, sous la forme d’étincelles, et que voulant se mêlera leur danse,


il avait pris le soleil d’une main et la lune de l’autre. Ces absurdités ne l’empêchèrent pas de faire des prosélytes parmi les réformés. Il a laissé divers volumes : 1o Véritable vue et histoire du ciel, Amsterdam, 1690, in-4o : c’est le récit de son excursion en enfer et en paradis ; 2o Mandat et ordre divin et céleste délivrés par la chancellerie céleste, Brème, 1625, in-4o ; cet écrit manque dans le recueil intitulé Œuvres, visions et révélations de Jean Engelbrecht, Amsterdam, 1680.

Énigme. On lit dans de vieilles histoires de Naples que, sous le règne de Robert Guiscard, on trouva une statue qui avait eu la tête dorée, et sur laquelle était écrit : Aux calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j’aurai la tête toute d’or. Robert chercha longtemps à deviner le sens de cette énigme ; mais ni lui ni les savants de son royaume ne purent la résoudre. Un prisonnier de guerre sarasin promit de l’interpréter si on lui accordait la liberté sans rançon. Il avertit donc le prince d’observer aux premiers jours de mai l’ombre de la tête de la statue au lever du soleil, et de faire bêcher la terre à l’endroit où tomberait cette ombre. Robert suivit ce conseil et trouva de grands trésors, qui lui servirent dans ses guerres d’Italie. Il récompensa le Sarasin, non-seulement en lui accordant la liberté, mais en lui donnant de bonnes sommes.

Il y a beaucoup d’énigmes dans les divinations. On peut voir le traité des énigmes du père Ménestrier, de la compagnie de Jésus, intitulé la Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus, et de la baguette. Lyon, 1694, in-12.

Enlèvement. Nous ne parlons ici que de ceux qui ont été enlevés par le diable. Une Allemande


avait contracté l’habitude de jurer et de dire des mots de corps de garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par quelques femmes de son pays, et il fallut un exemple qui arrêtât le désordre. Un jour qu’elle prononçait avec énergie ces paroles qui sont tristes, surtout dans la bouche d’une femme : Que le diable m’emporte !… le diable arriva en hussard et l’emporta[569]. On lit en beaucoup de livres qu’un certain comte de Mâcon, homme violent et impie, exerçait une espèce de tyrannie contre les ecclésiastiques et contre ce qui leur appartenait, sans se mettre en peine de cacher ni de colorer ses violences. Un jour qu’il était assis dans son palais, bien accompagné, on y vit entrer un inconnu à cheval, qui s’avança jusqu’auprès du comte, et lui dit : — Suivez-moi, j’ai à vous parler : — Le comte suit l’étranger, entraîné par un pouvoir surnaturel. Lorsqu’il arrive à la porte, il trouve un cheval, préparé, le monte et il est transporté dans les airs, criant d’une voix terrible à ceux qui étaient présents : — À moi ! au secours !… On le perdit de vue, et on ne put douter que le diable ne l’eût emporté[570]. Dans la même ville, il y eut un bailli qui fut aussi enlevé par le diable à l’heure de son dîner et porté trois fois autour de Mâcon, à la vue de tous les habitants, qui assurent ne l’avoir pas vu revenir[571]. Ce fait est raconté par un protestant. Voy. Agrippa, Carlostad, Gabrielle d’Estrées, Luther, etc., etc.

Ennoïa, la suprême intelligence chez quelques disciples de Simon le Magicien. Voy. Ménandre.

Énoch. Voy. Hénoch.

Enrico, comte allemand qui reparut en fantôme. Voy. Armées prodigieuses.

Enrôleurs de Satan. Ceux qui s’engagent au diable s’obligent à lui amener des recrues ; comme il se fait au reste dans toute société secrète. Voy. Engagements.

Ensalmadores. Voy. Saludadores.

Ensoph, dieu suprême de la cabale juive. Il est caché dans les plus profonds abîmes de l’être. Il est tout, et pourtant il n’est rien de ce qui est. C’est lui qui a tout créé par Menra, qui est son verbe. Et Menra a produit les trois grands séphiroths ; de ces trois sont sortis les séphiroths inférieurs. Ensoph s’est manifesté dans les dix sphères qui composent l’univers ; ses émanations s’étendent sur les quatre mondes, depuis les esprits les plus hauts jusqu’à la matière la plus infime. Dans ces émanations se trouvent diverses séries d’esprits ou démons que l’on rencontre partout ; des esprits particuliers sont chargés de surveiller les soixante-dix peuples. De ces esprits, les uns sont des esprits de lumière qui ont pour chef suprême Jézer-Job ; les autres sont des esprits de ténèbres qui obéissent à Jézer-Hara. Trois intelligences supérieures, Métraton, Sandalphon et Acatries, président les phalanges des bons esprits, qui se partagent en dix chœurs et ont pour séjours les trois cieux et les sept planètes. Le chef des esprits mauvais est Samaël ou Satan, qui a pour lieutenants Asmodée et Bédargon, et pour ministres les Schédim, les Sayrim, les Malache-Chabbalah. Ces mauvais esprits ou démons ont domicile dans les sept régions de l’enfer. Les esprits de la nature (sans doute les fées, les elfes, les follets et toutes les espèces de ce genre), sont dispersés entre les bons et les mauvais esprits des séjours invisibles. Ils pullulent dans notre atmosphère et se montrent à l’occasion[572].

Ensorcellement. Bien des gens se sont crus ensorcelés, qui n’étaient que le jouet de quelque hallucination. On lisait ce fait dans le Journal des Débats du 5 mars 1841. — « Il y a trois jours, M. Jacques Coquelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean, n° 21, à Paris, logé au troisième étage, rentrait chez lui vers onze heures du soir, la tête échauffée par le vin. Arrivé sur le palier du deuxième étage, il se croit dans son domicile ; il se déshabille tranquillement, jette une à une ses hardes par une large fenêtre donnant sur la cour et que dans son ivresse il prend pour son alcôve ; puis il se fait un bonnet de nuit avec sa cravate, et n’ayant plus que sa chemise sur le corps il se lance lui-même par la fenêtre, croyant se jeter sur son lit… Ce ne fut que le lendemain vers six heures du matin que les autres habitants de la maison s’aperçurent de ce malheureux événement. Le corps de l’infortuné Coquelin était étendu sans mouvement sur les dalles de la cour. Pourtant cet homme, âgé seulement de vingt-sept ans et doué d’une grande force physique, n’était pas mort, quoique son corps fût horriblement mutilé. Transporté chez lui, il vécut deux jours encore ; mais son état était désespéré, et il expira après soixante heures des plus cruelles souffrances. » — Dans d’autres temps ou dans d’autres pays, on eût vu là un ensorcellement. Voy. toutefois Sortilèges, Paroles, Bergers, etc., etc.

Enterrés vivants. Voy. Vampire, à la fin.

Enthousiastes. On a donné ce nom à certains sectaires qui, étant agités du démon, se croyaient inspirés.

Énus. Voy. Gunem.

Envie (L’), péché capital qui réjouit le démon, parce qu’il offense Dieu.

Envoûtement. Les sorciers font, dit-on, la figure en cire de leurs ennemis, la piquent, la tourmentent, la fondent devant le feu, afin que les originaux vivants et animés ressentent les mêmes douleurs. C’est ce que l’on appelle envoûter, du nom de la figure, vols ou voult. Voy. Vols.

Éon de l’Étoile. Dans le douzième siècle, un certain Éon de l’Étoile, gentilhomme breton, abusant de la manière dont on prononçait ces paroles : Per eum qui venturus est (on prononçait per Eon), prétendit qu’il était le fils de Dieu qui doit venir juger les vivants et les morts, se donna pour tel, eut des adhérents qu’on appela Éoniens, et qui se mirent, comme tous les novateurs, à piller les églises et les monastères.

Éons. Selon les gnostiques, les Éons sont les êtres vivants et intelligents que nous appelons des esprits. Les Grecs les nommaient démons ; ce mot a le même sens. Ces Éons prétendus étaient ou des attributs de Dieu personnifiés, ou des mots hébreux Lires de l’Écriture, ou des mots barbares forgés à discrétion. Ainsi de Pléroma, la plénitude ou la divinité, sortaient Sophia, la sagesse ; Nous, l’intelligence ; Sigé, le silence ; Logos, le verbe ; Achamoth, la prudence, etc. L’un de ces Éons avait formé le monde, l’autre avait gouverné les Juifs et fabriqué leur loi, un troisième était venu parmi les hommes sous le nom de Fils de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n’en coûtait rien pour les multiplier ; les uns étaient mâles et les autres femelles, et de leurs mariages il était sorti une nombreuse famille. Les Éons étaient issus de Dieu par émanation et par nécessité de nature. Les inventeurs de ces rêveries disaient encore que l’homme a deux âmes, l’une sensitive qu’il a reçue des Éons, et l’autre intelligente et raisonnable que Dieu lui a donnée pour réparer les bévues des Éons maladroits[573].

Épaule de mouton. Giraud, cité par M. Gautrel, dans son mémoire sur la part que les Flamands prirent à la conquête de l’Angleterre par les Normands, dit que les Flamands qui vinrent en Angleterre connaissaient l’avenir et le passé par l’inspection de l’épaule droite d’un mouton, dépouillée de la viande non rôtie, mais cuite à l’eau : « Par un art admirable et vraiment prophétique, ajoute le même écrivain, ils savent les choses qui dans le moment même se passent loin d’eux ; ils annoncent avec la plus grande certitude, d’après certains signes, la guerre et la paix, les massacres et les incendies, la maladie et la mort du roi. C’est à tel point qu’ils prévirent un an auparavant le bouleversement de l’État après la mort de Henri Ier, vendirent tous leurs biens et échappèrent à la ruine en quittant le royaume avec leurs richesses. » — Pourtant on voit dans les historiens du temps que ce fait avancé par Giraud n’est pas exact, et qu’il arriva au contraire à ces Flamands beaucoup de choses qu’ils n’avaient pas prévues.

Éphialtes ou Hyphialtes, Éphélès, nom grec


du cauchemar. Les Éoliens donnaient ce nom à une sorte de démons incubes qui étouffent[574].

Épicure. « Qui pourrait ne pas déplorer le sort d’Épicure, qui a le malheur de passer pour avoir attaché le souverain bien aux plaisirs des sens, et dont à cette occasion on a flétri la mémoire ? Si l’on fait réflexion qu’il a vécu soixantedix ans, qu’il a composé plus d’ouvrages qu’aucun des autres philosophes, qu’il se contentait de pain et d’eau, et que quand il voulait dîner avec Jupiter, il n’y faisait ajouter qu’un peu de fromage, on reviendra bientôt de cette fausse prévention. Que l’on consulte Diogène Laërce, on trouvera dans ses écrits la vie d’Épicure, ses lettres, son testament, et l’on se convaincra que les faits que l’on avance contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que l’on a mal pris sa doctrine ; en effet, il ne faisait pas consister la félicité dans les plaisirs du corps, mais dans ceux de l’âme, et dans la tranquillité que selon lui on ne peut obtenir que de la sagesse et de la vertu[575]. » Voilà ce que disent quelques critiques combattus par d’autres.

Épidémies démoniaques. Voy. Bourignon, Orphelines d’Amsterdam, Kentorp, etc.

Épilepsie. Les rois d’Angleterre ne guérissaient pas seulement les écrouelles ; ils bénissaient encore des anneaux qui préservaient de la crampe et du mal caduc. Cette cérémonie se faisait le vendredi saint. Le roi, pour communiquer aux anneaux leur vertu salutaire, les frottait entre ses mains. Ces anneaux, qui étaient d’or ou d’argent, étaient envoyés dans toute l’Europe comme des préservatifs infaillibles ; il en est fait mention dans différents monuments anciens[576]. Il y a d’autres moyens naïfs de traiter l’épilepsie, qui n’obligent pas à passer la mer. On croyait en guérir chez nos aïeux en attachant au bras du malade un clou tiré d’un crucifix. La même cure s’opérait en lui mettant sur la poitrine ou dans la poche les noms des trois mages, Gaspar, Balthazar, Melchior. Cette recette est indiquée dans des livres anciens :

Gaspar fert myrrham, Unis Melchior, Balthazar aurum,
Hœc tria qui secum portabit nomina regum
Solvitur a morbo, Christi a pietate, caduco.

Mais il y a encore bien d’autres remèdes. Le Journal du Cateau publiait dernièrement, sous le titre d’une tradition suédoise, les faits que voici : « Dans ce pays de Suède que j’habite depuis peu, la peine de mort consiste en la décollation par le moyen d’une hache, et à cet effet la tête du patient est posée sur un billot devant lequel on creuse une fosse où la tête tombe après avoir été coupée, et où l’on jette aussi le corps du supplicié ; après quoi on la remplit de manière qu’il n’en reste aucune trace à la surface du sol. Or, il existe parmi le peuple suédois une croyance déplorable ; à savoir, que le sang d’une personne décapitée, pris comme médicament interne, guérit radicalement l’épilepsie ; et ce qui est encore plus déplorable, c’est que l’autorité, d’après un usage immémorial, permette ou tolère que les spectateurs des exécutions recueillent ce sang. Dans une exécution qui a eu lieu ces jours-ci, après que la tête du criminel eut été séparée du corps, une paysanne d’un âge mûr, atteinte du haut mal, se précipita vers le lieu du supplice avec un morceau de pain à la main, pour le tremper dans le sang qui jaillissait du cadavre ; mais au moment où elle allait consommer cet acte, elle fut frappée d’une attaque de sa cruelle maladie, et elle tomba roide morte dans la fosse où venait de rouler la tête ensanglantée. Cet effet a produit sur l’opinion égarée un grand mouvement. La foule semblait frappée de terreur. Alors l’autorité, profitant de cette épouvante, s’est empressée de faire comprendre au public, par des affiches qui défendent à l’avenir un pareil usage, combien Dieu le réprouvait, puisqu’il le punissait de mort subite et faisait tomber les deux cadavres dans la même fosse. »

Épona, déesse des écuries chez les Romains. Son image était honorée dans les étables. Elle avait eu pour père Fulvius Stellus et pour mère une jument.

Époques diaboliques. On donna ce nom aux temps déplorables où la recrudescence des sorciers a produit le plus d’horreurs. Les manichéens albigeois ont présenté au treizième siècle une de ces époques sinistres. Le seizième siècle a vu renaître dans la guerre des paysans, dans les atrocités des premiers anabaptistes et ailleurs, une de ces époques. La guerre de trente ans, dont le héros était un manichéen affilié aux sociétés infernales, a failli jeter l’Europe dans la barbarie. Les triomphes de la philosophie séparée se sont presque toujours clos par un retour aux choses de Satan. Les États-Unis sont aujourd’hui avec leur spiritisme à une de ces époques que nous signalons.

Épreuves. L’épreuve gothique qui servait à reconnaître les sorciers a beaucoup de rapport avec la manière judicieuse que le peuple emploie pour s’assurer si un chien est enragé ou ne l’est pas. La foule se rassemble et tourmente autant que possible le chien qu’on accuse de rage. Si l’animal dévoué se défend et mord, il est condamné d’une voix unanime d’après ce principe, qu’un chien enragé mord tout ce qu’il rencontre. S’il tâche au contraire de s’échapper et de fuir à toutes jambes, l’espérance de salut est perdue sans ressource ; on sait de reste qu’un chien enragé court avec force et tout droit devant lui sans se détourner. La sorcière soupçonnée était plongée dans l’eau, les mains et les pieds fortement liés ensemble. Surnageait-elle, on l’enlevait aussitôt pour la précipiter dans un bûcher comme convaincue d’être criminelle, puisque l’eau des épreuves la rejetait de son sein. Enfonçait-elle, son innocence était dès lors irréprochable ; mais cette justification lui coûtait la vie[577].

Il y avait bien d’autres épreuves. Celle de la croix consistait généralement, pour les deux adversaires, à demeurer les bras étendus devant une croix, celui qui s’y tenait le plus longtemps gagnait sa cause. Mais le plus souvent les épreuves judiciaires se faisaient autrefois par l’eau ou le feu. Voy. Eau bouillante, Cercueil, Fer chaud, Ordalie, etc.

Épreuves du Sabbat. Voy. Elfdal.

Érard, vieillard de Césarée, dont la fille fut ensorcelée par un valet lui-même possédé. Saint Basile les délivra[578].

Erceldoune. Les aventures merveilleuses de Thomas d’Erceldoune sont l’une des plus vieilles légendes de fées que l’on connaisse. Thomas d’Erceldoune, dans le Lauderdale, surnommé le Rimeur, parce qu’il avait composé un roman poétique sur Tristrem et Yseult, roman curieux comme l’échantillon de vers anglais le plus ancien qu’on sache exister, florissait sous le règne d’Alexandre III d’Écosse. Ainsi que d’autres hommes de talent à cette époque, Thomas fut soupçonné de magie. On disait aussi qu’il avait le don de prophétiser, parce qu’il était entré un jour, dans le royaume des fées[579].

Érèbe, fleuve des enfers. On le prend aussi pour une partie de l’enfer et pour l’enfer même. Il y avait chez les païens un sacerdoce particulier pour les âmes qui étaient dans l’Érèbe.

Ergenna, devin d’Étrurie dans l’antiquité.

Éric au chapeau venteux. On lit dans Hector de Boëce que le roi de Suède Éric ou Henri, surnommé le Chapeau venteux, faisait changer les vents, en tournant son bonnet ou chapeau sur sa tête, pour montrer au démon avec qui il avait fait pacte de quel côté il les voulait ; et le démon était si exact à donner le vent que demandait ; le signal du bonnet, qu’on aurait pu en toute sûreté prendre le couvre-chef royal pour une girouette.

Erichtho, sorcière qui, dans la guerre entre César et Pompée, évoqua un mort lequel prédit toutes les circonstances de la bataille de Pharsale[580].

Erles, esprits ou génies qui donnent la peur en Allemagne. Goethe a fait sur eux une ballade.

Erleursortok, le diable au Groenland. Il est toujours aux aguets, et il se jette sur toute âme qui s’échappe de sa prison mortelle ; habituellement il la dévore, car il a toujours faim.

Erlik ou Erlig. Les Kalmouks croient que tout désastre leur est causé par un mauvais génie nommé Erlik ou le diable, qui, avec son nez en


trompe, flaire les mourants. Dès qu’un malade n’offre plus d’espoir, les guéloungs (leurs prêtres) ont recours à l’expédient du rachat, en présentant à l’Erlik, qui s’obstine à ne pas se montrer, une poupée d’argile comme offrande. Pour conserver la vie d’un kan ou de quelque autre chef important, si l’opiniâtreté de la maladie prouve clairement que l’Erlik est décidé à s’emparer du malade, on cherche parmi ses subordonnés un individu qui, par attachement, soit disposé à se sacrifier pour lui. Des exemples d’un pareil dévouement ne sont pas rares chez les Kalmouks. Celui qui se détermine à sauver des griffes de l’Erlik un chef atteint d’une affection mortelle reçoit le nom, les habillements les plus riches et l’armure complète du malade ; on tâche de lui donner extérieurement la plus grande ressemblance avec lui ; il monte son cheval favori, couvert d’une selle brillante ; et aux sons guerriers de la trompette et d’autres instruments, escorté par le peuple et les guélongs qui font les prières prescrites pour un tel cas, il est conduit autour de l’houroul (temple de l’idole), et puis on le poursuit à grands cris comme un andyne (exclu). L’andyne peut cependant se naturaliser dans un autre oulousse (village) ; il peut même s’y marier ; mais il conserve le nom d’andyne et le transmet à ses enfants. Toutefois cet usage se perd, et on substitue des andynes d’argile ou de farine aux andynes vivants. — Indépendamment de ces artifices, les guéloungs se servent d’autres expédients. Dans le but de satisfaire leur avidité, ils réussissent quelquefois à persuader au malade que son âme s’est déjà séparée du corps, et qu’il faut attribuer aux derniers efforts de sa force vitale ce qui lui reste encore de connaissance et de respiration. Cependant ils lui laissent l’espoir qu’il est possible de réunir son âme à son corps, alors que l’infortuné offre tout ce qu’il possède pour prolonger ses jours. Le guéloung semble faire des efforts pour rappeler l’âme, d’abord en faisant entendre le son d’instruments à vent ; puis il sort de la kibithé (tente), fait des signes à l’âme qui s’enfuit et l’invite en lui criant : « Reviens sur tes pas, si tu ne veux être dévorée par les loups. » Le malade, flottant entre la crainte et l’espérance, demande le résultat de ces efforts, et le guéloung répond : « Tout va bien ; l’âme se montre déjà dans le lointain et semble disposée à revenir. » Il continue ainsi à flatter son malade jusqu’à sa mort ou jusqu’à son rétablissement. Dans ce dernier cas il le félicite de l’heureux retour de son âme ; mais si l’événement est contraire, il assure aux parents du défunt que l’âme était sur le point de revenir, quand le méchant Erlik employa un artifice inattendu qu’il raconte en détail.

Si dans une maladie grave un homme tombe dans le délire et prononce des paroles inintelligibles, les assistants ne manquent pas de croire que l’Erlik le tourmente et veut lui ravir son âme. Alors ils font non-seulement dans la kibithé, mais aussi au dehors, un bruit effroyable ; ceux qui se trouvent auprès du malade s’arment de tout ce qui leur tombe sous les mains, courent de tous les côtés en jetant de grands cris, frappent l’air et s’efforcent de chasser le mauvais génie, encouragés d’ailleurs par l’exemple et les exhortations des guéloungs[581].

Erlik-Khan, prince des enfers ; il a une tête de buffle ornée de cornes et un collier de crânes autour du cou. Quelquefois il prend une tête d’homme, car il en a deux à son usage. Quand il fait l’homme, il tient dans l’une de ses quatre au pays mains un sceptre surmonté d’une tête de mort. Sa femme s’appelle Samorindo ou Samoundo.

Éroconopes, peuples imaginaires que Lucien représente comme d’habiles archers, montés sur des moucherons monstres.

Érocordacès, autre peuple imaginaire que le même auteur représente combattant avec des raves en guise de flèches.

Éromantie, une des six espèces de divinations pratiquées chez les Perses par le moyen de l’air. Ils s’enveloppaient la tête d’une serviette, exposaient à l’air un vase rempli d’eau et proféraient à voix basse l’objet de leurs vœux. Si l’eau venait à bouillonner, c’était un pronostic heureux.

Érotylos, pierre fabuleuse dont Démocrite et Pline après lui vantent la propriété pour la divination.

Erouniakcha. Dans la mythologie hindoue, c’est un fils de Diti, mère des génies malfaisants. Un jour il prit le monde et le jeta dans la mer. Nous ne chargeons pas, nous copions. Vichnou irrité revêtit pour le combattre la forme d’un sanglier ; ce qui est sa troisième incarnation. Il éventra le fils de Diti et remit le monde à sa place. Voilà des dogmes !

Erreurs populaires. Lorsque le Dante publia son Enfer, la simplicité de son siècle le reçut comme une véritable narration de sa descente dans les sombres manoirs. À l’époque où l’utopie de Thomas Morus parut pour la première fois, elle occasionna une plaisante méprise. Ce roman poétique donne le modèle d’une république imaginaire dans une île qui est supposée avoir été nouvellement découverte en Amérique. Comme c’était le siècle, dit Granger, Buddée et d’autres écrivains prirent le conte pour une histoire véritable et regardèrent comme une chose importante qu’on envoyât des missionnaires dans cette île. — Ce ne fut que longtemps après la publication des Voyages de Gulliver, par Swift, qu’un grand nombre de ses lecteurs demeurèrent convaincus qu’ils étaient fabuleux[582].

Les erreurs populaires sont en si grand nombre qu’elles ne tiendraient pas toutes dans ce livre. Nous ne parlerons pas des erreurs physiques ou des erreurs d’ignorance : nous ne nous élèverons ici que contre les erreurs enfantées par les savants. Ainsi Cardan eut des partisans lorsqu’il débita que, dans le nouveau monde, les gouttes d’eau se changent en petites grenouilles vertes. Cédrénus a écrit très-merveilleusement que tous les rois francs de la première race naissaient avec l’épine du dos couverte et hérissée d’un poil de sanglier. Le peuple croit fermement, dans certaines provinces, que la louve enfante, avec ses louveteaux, un petit chien qu’elle dévore aussitôt qu’il voit le jour. — Voy. la plupart des articles de ce dictionnaire.

Érus ou Er, fils de Zoroastre. Platon assure qu’il sortit de son tombeau douze jours après avoir été brûlé sur un bûcher, et qu’il conta beaucoup de choses sur le sort des bons et des méchants dans l’autre monde.

Escalibor, épée merveilleuse du roi Arthus.

Escamotage. On l’a pris quelquefois pour la sorcellerie ; le diable, dit Leloyer, s’en est souvent mêlé. Delrio (liv. II, quest.) rapporte qu’on punit du dernier supplice, à Trêves, une sorcière très-connue qui faisait venir le lait de toutes les vaches du voisinage en un vase placé dans le mur. Sprenger assure pareillement que certaines sorcières se postent la nuit dans un coin de leur maison, tenant un vase devant elles ; qu’elles plantent un couteau ou tout autre instrument dans le mur ; qu’elles tendent la main pour traire, en invoquant le diable, qui travaille avec elles à traire telle ou telle vache qui paraît la plus grasse et la mieux fournie de lait ; que le démon s’empresse de presser les mamelles de la vache et de porter le lait dans l’endroit où se trouve la sorcière, qui l’escamote aussi. Dans nos villages, les escamoteurs ont encore le nom de sorciers. Mais il y a mieux qu’eux :

« Faisant route de Bombay à Pounah (en 1839), dit M. Théodore Pavie[583], je m’arrêtai à Karli pour visiter le temple souterrain creusé dans la colline qui fait face au village ; et pendant la chaleur du jour je me reposais sous l’ombrage des cocotiers, si beaux en ce lieu, quand je vis s’avancer, au bruit d’instruments discordants, une bande d’Hindous. L’un d’eux tenait dans chaque main une cobra-capella, la plus terrible espèce de serpents dont l’Inde puisse se vanter, et en outre il portait en sautoir un énorme boa. Arrivé près de moi, le jongleur jeta ses serpents à terre, les fit courir, irrita les cobras, qui découlaient leurs anneaux d’une manière effrayante, embrassa son boa ; puis il se prit à les faire danser tous les trois au son d’un flageolet singulier qui se touchait comme une vielle, bien qu’il fût formé d’une calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes avaient disposé tout leur établissement sur la poussière ; le tambourin rassemblait les enfants du village, et bientôt se forma un cercle considérable de spectateurs de dix ans et au-dessous : les plus petits nus, les autres portant une ceinture, et tous accroupis dans l’attente des grandes choses qui se préparaient.

» Ce jongleur avait toute la volubilité d’expressions d’un saltimbanque européen. Il s’exprimait très-clairement, en bon hindoustani, bien qu’il se trouvât en pays mahratte ; mais le public semblait n’y rien perdre, tant ses gestes et ses gambades étaient inintelligibles. D’abord il posa par terre une marionnette, soldat portant le sabre et l’arc. À l’entendre, c’était un sipahi, un grand chasseur, un tueur de lions, de tigres, de gazelles… Bientôt, à son commandement, la marionnette lança une flèche et renversa le but disposé devant elle, non pas une fois, mais à plusieurs reprises, à la satisfaction évidente de la jeune assemblée.

» Ce n’était là qu’un préambule, les bagatelles de la porte ! Le jongleur prit une poignée de blé noir (djouari), la mit dans un manteau ; puis, quand on eut bien secoué le manteau, bien vanné le grain, il se trouva changé en un beau riz blanc, pur, prêt à faire un karry. Je n’y avais rien compris, et je commençais à rentrer dans mes habitudes de crédulité lorsque l’escamoteur ambulant étala une seconde marionnette

Escamoleur indien.


longue de six pouces au plus et de la grosseur du poignet. Cette informe poupée épouvanta grandement la partie la plus naïve du public ; mais quelle ne fut pas la surprise générale quand de ce morceau de bois caché sous un mouchoir sortirent successivement jusqu’à quatre gros pigeons ! Ils devaient y être contenus d’avance, à moins de sortilège… Quant à moi, j’aurais eu peine à y introduire quatre moineaux. Notre jongleur accompagnait ses tours de mantras (prières magiques) et traçait des cercles avec sa baguette. Mais il avait sur ses confrères d’Europe un avantage, ou plutôt une supériorité bien marquée ; car il opérait sur le sol, sans table ni gobelets, et complètement nu, sauf le turban et la ceinture que les Hindous ne quittent jamais : donc, pas de manches, pas de gibecière. Son cabinet consistait en quelques mauvais paniers de bambou, destinés à porter les serpents qu’il escamotait aussi et faisait paraître et disparaître avec une telle adresse que le plus fin n’y eût rien compris. Ainsi d’un mouchoir déroulé, secoué et mis au vent comme un pavillon, je le vis faire sortir une de ces cobras laissée dans un panier près de moi, à une très-grande distance du lieu où il se trouvait ; en sorte que, voyant le nid de l’animal entièrement vide, je soupçonnai qu’il s’était frayé un chemin sous terre.

» Cependant les tours de magie continuaient sans interruption. Le jongleur tenait à la main une cruche aussi impossible à vider que le tonneau des Danaïdes l’était à remplir : il versait l’eau à terre, la jetait dans son oreille et la rendait par la bouche, s’administrait des douches sur la tête, et toujours le vase était plein jusqu’au bord. Ensuite il tira de son sac une paire de pantoufles de bois plus larges que la plante de ses pieds. Après bien des discours et des charges, il finit par faire adhérer à ses talons nus ces semelles très-polies, et fit plus de gambades avec de telles chaussures que n’en pourraient faire à l’Opéra de jolis petits pieds chaussés d’élégants escarpins. Tantôt il s’élevait en l’air ; tantôt il frappait la pantoufle sur la terre, de manière à la faire tomber ; mais jamais elle ne glissait. Ce fut encore là une chose inexplicable pour moi ; car il n’avait appliqué à ses pieds aucune substance collante, et il pouvait à volonté lâcher ces pantoufles unies comme la glace.

» Enfin la séance se termina par une expérience plus surprenante encore que, par cette raison sans doute, notre magicien gardait pour la dernière. L’un des joueurs de tambourins, grand garçon d’une belle taille, se laissa attacher les pieds, lier les mains derrière le cou et enfermer dans un filet à poissons bien serré par une douzaine de nœuds. Dans cet état, après l’avoir promené autour du cercle des spectateurs, on le conduisit près d’un panier de deux pieds de haut sur quatorze pouces de large. « — Voulez-vous que je le jette dans l’étang ? demanda le chef de bande. C’est un vaurien ; le voilà bien lié ; l’occasion est bonne : j’ai envie de m’en défaire ! »

» Et l’auditoire crédule se tournait déjà du côté de cette pièce d’eau ombragée d’arbres magnifiques et creusée au bas de la pagode pour les ablutions et les besoins du village. — Non, dit en s’interrompant le jongleur, après une minute de réflexion ; je vais l’escamoter, l’envoyer… où vous voudrez : à Pounah, à Dehli, à Ahmed-Nagar, à Bénarès !

» Et sur-le-champ il enleva le patient, toujours incarcéré dans son filet, et le plaça au fond du panier, en rabattant le couvercle sur sa tête ; il s’en fallait de plus de trois pieds que les bords se joignissent. On jeta un manteau sur le tout.

» Insensiblement le volume diminua, s’affaissa ; on vit voler en l’air le filet et les cordes qui attachaient le jeune Hindou ; puis le panier se ferma de lui-même, et une voix qui semblait sortir des nues cria : — Adieu !

» — Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est envolé ; Our-Gaya ! Our-Gaya ! répéta le jongleur avec transport ; il ne saurait tenir dans un aussi petit espace (et cela paraissait physiquement impossible). Je vais donc attacher le panier et prendre congé de l’assemblée.

» Le paquet fut ficelé ; il ne restait plus qu’à le mettre sur le dos du buffle destiné à porter les bagages de la troupe. — Un instant ! reprit subitement le jongleur ; si pourtant il était dans le panier ! Qui sait ? — Et là-dessus, tirant un long sabre, il traversa le panier presque par le milieu… Le sang coula en abondance… l’anxiété était à son comble… lorsque tout à coup le couvercle se lève de nouveau, et d’un bond le grand garçon saute hors de sa niche frais et dispos, sans la moindre égratignure !

» Ce tour est simple, très simple, dira-t-on ; mais se débarrasser des cordes et du filet, se cacher dans un si petit espace, y rester un quart d’heure sans broncher, et de telle façon que le sabre ne puisse rencontrer quelque membre à entamer, ce sont là des prodiges de dextérité, de souplesse et de patience que l’on ne peut concevoir, surtout quand on les a vus.

» Après ce nec plus ultra de la science, les jongleurs firent leurs paquets et se mirent en marche vers Nagapour, leur patrie. Je les vis se perdre dans la foule de bœufs chargés que des troupes de mahrattes, tribus ambulantes traînant avec eux armes et bagages, femmes et enfants, conduisent dans l’intérieur. La foule se dispersa peu à peu[584]. » Escargots. On ne voit nulle part que ces honnêtes créatures aient jamais figuré au sabbat. Mais il paraît qu’elles ont aussi leur côté mystérieux, et qu’elles pourraient, quand les études dont s’occupent les savants auront abouti, faire concurrence au télégraphe électrique. On a donc proposé en 1850 un procédé qui se mûrit, c’est la boussole pasilalinique-sympathique. Si vous trouvez ce nom bizarre, l’agent de cette boussole ne l’est pas moins ; c’est l’escargot. Deux amis séparés par de grandes distances se seront munis chacun d’un escargot de même espèce, les auront magnétisés ensemble pour établir la sympathie ; puis l’ami resté à Paris chargera son


escargot des nouvelles qu’il veut transmettre à son ami installé à Pékin, et ce dernier répondra de la même manière ; par quels moyens faciles ? nous l’ignorons ; mais en mars de la présente année, les journaux disaient qu’on était à la veille de résultats satisfaisants, et les spiriles affirment que cette découverte se rattache à ce que nos pères appelaient la magie naturelle. Un Américain prétend même que les escargots magnétisés parleront, ou bien un esprit, de ceux qui tiennent aux tables, pourra parler pour eux.

Eschyle, tragique grec à qui on avait prédit qu’il mourrait de la chute d’une maison, ce qui fit qu’il s’alla loger en pleine campagne ; mais le conte ajoute qu’un aigle qui portait une tortue entre ses griffes la laissa tomber sur la tête chauve du poëte, pensant que ce fût un rocher, et la prédiction s’accomplit.

Esdras, pour les écrits cabalistiques qu’on lui attribue, voy. Pic de la Mirandole[585].

Eskthirnir, daim monstrueux des mythologies Scandinaves. C’est de ses cornes que s’échappent les fleuves qui circulent sur la terre.

Espagnet (Jean d’), philosophe hermétique, qui a fait deux traités intitulés, l’un Enchiridion de la physique l’établie, l’autre Secret de la philosophie hermétique[586] ; encore lui conteste-t-on ce dernier, que l’on attribue à un inconnu qui se faisait appeler le Chevalier Impérial[587]. Le Secret de la philosophie renferme la pratique du grand œuvre, et l’Enchiridion la théorie physique sur laquelle repose la transmutabilité des métaux. D’Espagnet est encore auteur de la préface qui précède le Traité de l’inconstance des démons de Pierre Delancre. On lit dans cette préface que les sorcières ont coutume de voler les petits enfants pour les consacrer au démon.

Espagnol (Jean l’), docteur en théologie, grand prieur de Saint-Remi de Reims, auteur d’un livre intitulé Histoire notable de la conversion des Anglais, etc., in-8o, Douai, 1614 — La vingtième annotation, qui commence à la page 206 et va jusqu’à la page 306, est un traité sur les apparitions des esprits, où avec des choses passables et médiocres on trouve de bonnes observations[588].

Esprits. Les anciens ont cru que les esprits, qu’ils appelaient démons ou génies, étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Apulée, même chaque famille et chaque homme, a son esprit qui le guide et qui veille sur sa conduite. Tous les peuples avaient du respect pour eux et les Romains les révéraient. Ils n’assiégeaient les villes et n’entreprenaient leurs guerres qu’après que leurs prêtres avaient invoqué le génie du pays. Caligula même fit punir publiquement quelques-uns de ceux qui les avaient maudits[589]. Des philosophes se sont imaginé que les âmes des morts, dès qu’elles étaient séparées de leurs corps, erraient incessamment sur la terre. Ce sentiment leur paraissait d’autant plus vraisemblable, qu’ils se vantaient de voir des spectres auprès des tombeaux, dans les cimetières et dans les lieux où l’on avait tué quelques personnes. « Les esprits, dit Wecker, sont les seigneurs de l’air ; ils peuvent exciter les tempêtes, rompre les nues et les transporter où ils veulent avec de grands tourbillons, enlever l’eau de la mer, en former la grêle et tout ce que bon leur semble. »

Il y a dans l’intérieur de l’Amérique septentrionale des peuplades sauvages qui croient que lorsqu’un homme est enterré sans qu’on place auprès de lui tout ce qui lui a appartenu, son esprit revient sous forme humaine, et se montre sur les arbres les plus près de sa maison armé d’un fusil ; on ajoute qu’il ne peut jouir du repos qu’après que les objets qu’il réclame ont été déposés dans sa tombe. Les Siamois admettent une multitude d’esprits répandus dans l’air ; leur puissance est fort grande et ils sont très-malfaisants. On trace certaines paroles magiques sur des feuilles de papier pour se prémunir contre leur malice. Lorsqu’on prépare une médecine, on garnit le bord du vase d’un grand nombre de ces papiers, de peur que les esprits n’emportent la vertu des remèdes. Les auteurs cabalistiques prétendent que les esprits sont des créatures matérielles, composées de la substance la plus pure des éléments ; que plus cette matière est subtile, plus ils ont de pouvoir et d’action. Ces auteurs en distinguent de deux sortes, de supérieurs et d’inférieurs : les supérieurs sont ou célestes ou aériens ; les inférieurs sont ou aquatiques ou terrestres. Ceux qui ont cru que ces esprits étaient des créatures matérielles les ont assujettis à la mort comme les hommes. Cardan dit que les esprits qui apparurent à son père lui firent connaître qu’ils naissaient et qu’ils mouraient comme nous ; mais que leur vie était plus longue et plus heureuse que la nôtre.

Voici de petits traits d’esprits : Guillaume de Paris écrit que, l’an 1447, il y avait un esprit à Poitiers dans la paroisse de Saint-Paul, lequel rompait vitres et verrières et frappait à coups de pierres sans blesser personne[590]. Caesarius raconte que la fille d’un prévôt de Cologne était si tourmentée d’un esprit malin qu’elle en devint frénétique. Le père fut averti de faire aller sa fille au delà du Rhin et de la changer de lieu, ce qu’il fit. L’esprit fut obligé d’abandonner la fille, mais il battit tant le père qu’il en mourut trois jours après[591]. Cet esprit pouvait bien être un corps. — Au commencement du règne de Charles IV, dit le Bel, l’esprit d’un bourgeois mort depuis quelques années parut sur la place publique d’Arles en Provence ; il rapportait des choses merveilleuses de l’autre monde. Le prieur des jacobins d’Arles, homme de bien, pensa que cet esprit pouvait être un démon déguisé. Il se rendit sur la place ; soudain l’esprit découvrit qui il était et pria qu’on le tirât du purgatoire. Ayant ainsi parlé, il disparut, et comme on pria pour son âme, il ne fut oncques vu depuis[592].

En 1750 un officier du prince de Conti, étant couché dans le château de l’Ile-Adam, sentit tout à coup enlever sa couverture. Il la retire ; on renouvelle le manège tant qu’à la fin l’officier ennuyé jure d’exterminer le mauvais plaisant, met l’épée à la main, cherche dans tous les coins et ne trouve rien. Étonné, mais brave, il veut avant de conter son aventure éprouver encore le lendemain si l’importun reviendra. Il s’enferme avec soin, se couche, écoute longtemps et finit par s’endormir. Alors on lui joue le même tour que la veille. Il s’élance du lit, renouvelle ses menaces et perd son temps en recherches. La crainte s’empare de lui ; il appelle un frotteur qu’il prie de coucher dans sa chambre, sans lui dire pour quel motif. Mais l’esprit, qui avait fait son tour, ne paraît plus. La nuit suivante il se fait accompagner du frotteur, à qui il raconte ce qui lui est arrivé, et ils se couchent tous deux. Le fantôme vient bientôt, éteint la chandelle qu’ils avaient laissée allumée, les découvre et s’enfuit. Comme ils avaient entrevu cependant un monstre difforme, hideux et gambadant, le frotteur s’écria que c’était le diable et courut chercher de l’eau bénite. Mais au moment qu’il levait le goupillon pour asperger la chambre, l’esprit le lui enlève et disparaît… Les deux champions poussent des cris ; on accourt, on passe la nuit en alarmes, et le matin on aperçoit sur le toit de la maison un gros singe qui, armé du goupillon, le plongeait dans l’eau de la gouttière et en arrosait les passants.

En 1210 un bourgeois d’Épinal, nommé Hugues, fut visité par un esprit qui faisait des choses merveilleuses, et qui parlait sans se montrer. On lui demanda son nom et de quel lieu il venait. Il répondit qu’il était l’esprit d’un jeune homme de Clérentine, village à sept lieues d’Épinal, et que sa femme vivait encore. Un jour Hugues ayant ordonné à son valet de seller son cheval et de lui donner à manger, le valet différa de faire ce qu’on lui commandait ; l’esprit fit son ouvrage au grand étonnement de tout le monde. Un autre jour Hugues, voulant se faire saigner, dit à sa fille de préparer des bandelettes. L’esprit alla prendre une chemise neuve dans une autre chambre, la déchira par bandes et vint la présenter au maître en lui disant de choisir les meilleures. Un autre jour la servante du logis ayant étendu du linge dans le jardin pour le faire sécher, l’esprit le porta au grenier et le plia plus proprement que n’aurait pu faire la plus habile blanchisseuse. Ce qui est remarquable, c’est que pendant six mois qu’il fréquenta cette maison, il n’y lit aucun mal à personne et ne rendit que de bons offices, contre l’ordinaire de ceux de son espèce. Voy. Hecdekin.

Sur la fin de l’année 1746 on entendit comme des soupirs qui partaient d’un coin de l’imprimerie du sieur Lahard, l’un des conseillers de la ville de Constance. Les garçons de l’imprimerie n’en firent que rire d’abord. Mais dans les premiers jours de janvier on distingua plus de bruit qu’auparavant. On frappait rudement contre la muraille, vers le même coin où l’on avait d’abord entendu des soupirs ; on en vint jusqu’à donner des soufflets aux imprimeurs et à jeter leurs chapeaux par terre. L’esprit continua son manège pendant plusieurs jours, donnant des soufflets aux uns, jetant des pierres aux autres ; en sorte que les compositeurs furent obligés d’abandonner ce coin de l’imprimerie. Il se fit alors beaucoup d’autres tours, dans lesquels les expériences de la physique amusante entrèrent probablement pour beaucoup, et enfin cette farce cessa sans explication. Voy. Revenants, Apparitions, Drolles, etc.

Voici l’histoire d’un esprit qui fut cité en justice : — En 1761 un fermier de Southams, dans le comté de Warwick (Angleterre), fut assassiné en revenant chez lui. Le lendemain un voisin vint trouver la femme de ce fermier et lui demanda si son mari était rentré ; elle répondit que non et qu’elle en était dans de grandes inquiétudes. — Vos inquiétudes, répliqua cet homme, ne peuvent égaler les miennes, car comme j’étais couché cette nuit sans être encore endormi, votre mari m’est apparu, couvert de blessures et m’a dit qu’il avait été assassiné par son ami John Dick et que son cadavre avait été jeté dans une marnière. La fermière alarmée fit des perquisitions. On découvrit dans la marnière le corps blessé aux endroits que le voisin avait désignés. Celui que le revenant avait accusé fut saisi et mis entre les mains des juges, comme violemment soupçonné de meurtre. Son procès fut instruit à Warwick ; les jurés l’auraient condamné aussi témérairement que le juge de paix l’avait arrêté, si lord Raymond, le principal juge, n’avait suspendu l’arrêt. — Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que vous donnez plus de poids au témoignage d’un revenant qu’il n’en mérite. Quelque cas qu’on fasse de ces sortes d’histoires, nous n’avons aucun droit de suivre nos inclinations particulières sur ce point. Nous formons un tribunal de justice, et nous devons nous régler sur la loi ; or je ne connais aucune loi existante qui admette le témoignage d’un revenant, et quand il y en aurait une qui l’admettrait, le revenant ne paraît pas pour faire sa déposition. Huissier, ajouta-t-il, appelez le revenant. Ce que l’huissier fit par trois fois sans que le revenant parût. — Messieurs, continua lord Raymond, le prisonnier qui est à la barre est, suivant le témoignage de gens irréprochables, d’une réputation sans tache, et il n’a point paru dans le cours des informations qu’il y ait eu aucune espèce de querelle entre lui et le mort. Je le crois absolument innocent, et comme il n’y a aucune preuve contre lui, ni directe ni indirecte, il doit être renvoyé. Mais par plusieurs circonstances qui m’ont frappé dans le procès, je soupçonne fortement la personne qui a vu le revenant d’être le meurtrier, auquel cas il n’est pas difficile de concevoir qu’il ait pu désigner la place, les blessures, la marnière et le reste sans aucun secours surnaturel ; en conséquence de ces soupçons, je me crois en droit de la faire arrêter jusqu’à ce que l’on fasse de plus amples informations. — Cet homme fut effectivement arrêté ; on fit des perquisitions dans sa maison ; on trouva les preuves de son crime, qu’il avoua lui-même à la fin, et il fut exécuté aux assises suivantes.

Esprits élémentaires. Les cabalistes, qui s’obstinent à ne reconnaître que quatre éléments : l’air, le feu, l’eau et la terre, peuplent ces éléments d’esprits divers. Les salamandres habitent le feu ; les sylphes, l’air ; les gnomes, la terre ; l’eau est le séjour des ondins ou nymphes. Voy. ces mots. Les cabalistes, cherchant les mystères du grand œuvre dans toutes les figures, les trouvent jusque dans les cartes. Suivant ces doctes, les carreaux sont les salamandres ; les cœurs, les sylphes ; les trèfles, les ondins, et les piques, les gnomes.

Esprits familiers. Scaliger, Cecco d’Ascoli, Cardan et plusieurs autres visionnaires ont eu, comme Socrate, des esprits familiers. Bodin dit avoir connu un homme qui était toujours accompagné d’un esprit familier, lequel lui donnait un petit coup sur l’oreille gauche quand il faisait bien et le tirait par l’oreille droite quand il faisait mal. Cet homme était averti de la même façon si ce qu’il voulait manger était bon ou mauvais, s’il se trouvait avec un honnête homme ou avec un coquin, etc. C’était très-avantageux.

Esprits follets. Voy. Feux follets.

Esprits frappeurs. Depuis les précédentes éditions de ce livre, des faits nouveaux sont venus jeter de grandes lumières sur les esprits. Tout le monde sait aujourd’hui qu’on peut les évoquer par divers procédés, et notamment au moyen de tables qu’ils animent. Ces tables dès lors frappent, tournent, s’agitent, marchent, gesticulent et répondent aux questions. C’est aux États-Unis que Dieu a permis d’abord ces manifestations. Elles ont éclaté bientôt partout, comme pour confirmer ces paroles de saint Paul, que nous vivons entourés des puissances de l’air contre lesquelles nous avons à lutter. Les consciencieux ouvrages de M. Eudes de Mirville et de M. des Mousseaux ont parfaitement donné l’histoire de ces nouveaux prodiges. Mais leurs savants écrits ne peuvent pas être mis indifféremment dans toutes les mains. Il y a danger à se jouer avec les démons, et quoique les esprits frappeurs et parleurs se donnent quelquefois pour de bons anges ou pour des âmes d’honnêtes défunts, il ne faut pas s’y tromper. On voit dans saint Thomas que souvent les esprits se font passer pour des âmes dont ils prennent frauduleusement le nom, afin de ne pas effrayer tout d’abord[593]. Aussi l’Église catholique a-t-elle partout défendu ces coupables tentatives qui appellent les démons.

Sur ces faits nouveaux qui déconcertent la science humaine, voici le jugement d’un savant médecin, publié dans la Revue médicale :

« En ma qualité de chrétien, je crois sur la parole de l’Évangile que la foi, cette force de l’homme par excellence, peut faire qu’un mûrier planté sur une rive du fleuve, aille se planter sur l’autre rive. Je crois, sur la parole de saint Paul, qu’il y a des puissances répandues dans l’air, des esprits, des intelligences intermédiaires dont Dieu, le diable et l’homme peuvent provoquer l’intervention, pour produire dans le monde physique des phénomènes dont le physicien aura le droit d’être fort étonné… Quant à la question spéciale du fait réalisé, la quantité, et dans cette quantité la qualité des témoins qui l’attestent, me paraît suffisante pour obliger à l’admettre. Les tables ont donc tourné et parlé. Mais après la question de réalité vient pour moi la question de l’utilité des tables tournantes au beau milieu du dix-neuvième siècle. Selon moi, si un fait comme celui-là n’était pas utile, il aurait beau être possible, il ne se serait pas réalisé. Je crois donc qu’à l’époque où des corps bruts et inertes ont exécuté des mouvements et reproduit des signes d’intelligence, il y avait utilité à ce que cela eût lieu ainsi. Je ne sais pas, ignorant que je suis, tout ce à quoi pouvaient servir ces manifestations ; mais je sais que, lorsqu’elles ont paru, la science selon nos savants n’existait que pour et par l’observation : la science était l’observation même et l’observation sensuelle la plus grossière ! L’intelligence avait failli, dans ces temps de lumière menteuse, devenir inutile et superflue… Je connais des savants de la veille qui n’osent plus prononcer le mot observation depuis qu’ils ont observé des tables tournantes. Le fait était donc utile pour le rétablissement des droits de l’intelligence. En un mot, je crois que les tables ont tourné pour la mystification des savants, qui avaient dégradé la science jusqu’à la réduire à ce qu’ils appelaient l’observation sensuelle… »

Voici un fait très-singulier et en même temps assez remarquable pour donner à réfléchir au lecteur ; il est raconté par M. de Mirville dans son livre sur la Question des esprits : « M. le baron de N***, occupant une position officielle et considérable dans un des ministères de Paris, en nous permettant, à M. des Mousseaux et à nous, de raconter les faits qui vont suivre, a bien voulu y joindre la permission de le nommer verbalement. Nous rappelant parfaitement ses expressions, nous croyons pouvoir les reproduire avec la plus grande fidélité. — Nourri, nous dit-il, ou plutôt saturé de tout le scepticisme du dix-huitième siècle, doublé au dix-neuvième de celui que je tenais de ma propre nature, j’avais et j’aurais défié tous les prédicateurs du monde de pratiquer la moindre brèche a une pareille forteresse… Mais arrivèrent les tables ; les manier, les écouter et deviner tout le mystère ne fut pas long pour moi. Vous dire quelle révolution cette conviction nouvelle opéra dans mon esprit serait une chose impossible. Dès le premier instant, j’entrevis à quelles extrémités tout cela devait infailliblement me conduire, et je ne le cachai pas à ces convertisseurs d’un nouveau genre. — Savez-vous bien, leur disais-je, que vous travaillez contre vous ? Savez-vous que vous me mènerez tout droit à confesse ? — Non, non, répondirent-ils. — Mais si, si. — Non. — Si. — Non, je t’en empêcherai bien. — Et comment pensez-vous vous y prendre ? — Tu le verras. Le fait est que je remportai la victoire et que j’allai tout droit à ce qui les révoltait tant. Mais à partir de ce moment, leur vengeance fut atroce : je devins leur table à mon tour ; ils s’emparèrent de moi et l’identification fut complète. Je ne pensais plus par moi-même ; ce n’était plus moi qui parlais ; je souffrais tous les tourments de l’enfer et littéralement j’étais fou ou plutôt possédé. Mon désespoir était extrême, et je ne sais ce que tout cela fût devenu, sans la grande et prudente vertu du directeur que je m’étais donné. Grâce à lui, à la paix, à l’obéissance, au redoublement de prière et de confiance dans lesquels il avait su me maintenir, la possession disparut, et le dernier de ces cruels hôtes me quitta en me disant : — Adieu, tu l’emportes, mais nous te retrouverons sur ton lit et à l’heure de la mort ; c’est là que nous sommes tout-puissants. Depuis lors, messieurs, je me regarde comme sauvé, et suis le plus heureux des hommes. Néanmoins, un jour, je voulus encore essayer de tirer d’eux quelques vérités et peut-être quelque bien. — Donnez-nous, leur disais-je, quelque idée de la bonté divine. — Comment le voudrais-tu, puisqu’elle est infinie ? — Elle est infinie, et cependant tu souffres, malheureux ! — Cruellement… — Et toujours ? — Toujours… — Mais, misérable comme tu parais l’être, et Dieu étant bon comme tu le dis, si tu essayais de le fléchir !… Qui sait ? — Tu demandes encore là une chose absolument impossible. — Et pourquoi ? — Il ne saurait me pardonner, puisque je ne le veux pas ? — Et s’il te proposait l’anéantissement complet, accepterais-tu ? Après quelque hésitation, l’un des esprits répond : — Oui, parce que l’être est le seul bien que je tienne encore de lui, et qu’alors, ne lui devant plus rien, je serais quitte envers lui. Quant à l’autre : — Non, je n’accepterais pas, dit-il, parce que je n’aurais plus la consolation de le haïr. — Tu hais donc bien !… — Si je hais ! Mais mon nom est : la haine. Je hais tout ; je me hais moi-même… Quant à l’authenticité du récit, nous ferons remarquer pour la dernière fois que la permission de nommer équivaut à l’acte de signer. »

Ce qui doit sembler prodigieux à tout esprit qui n’est pas détraqué, c’est que les pays protestants voient s’élever dans leur sein le culte des esprits à la hauteur d’une religion. Les démons, qui ont déjà des temples à Genève, à New-York et ailleurs, se flatte sans doute de ramener le paganisme au sein des sociétés que les philosophes ont égarées. C’est du reste la fin et la clôture de toutes les époques de philosophie.

Citons encore un petit trait fort original, rapporté dans le journal français de New-York :

« Un jeune homme, fiancé à une jeune fille de Bordentown, où il demeurait, mourut vendredi dernier. Les deux promis et leurs familles étaient les uns et les autres de fermes croyants dans l’existence et les manifestations des esprits, ce qui leur suggéra l’idée la plus bizarre dont on ait entendu parler. Il fut résolu d’un commun accord que le mariage ne serait pas suspendu par la mort du futur, mais que son esprit, dégagé de l’enveloppe terrestre, serait néanmoins uni à l’esprit incarné dans le corps de la fiancée.

» Dimanche, en effet, la cérémonie a été célébrée entre la jeune fille, pleine de vie et de jeunesse, et le cadavre inanimé de son adorateur, dont l’esprit avait guidé ces absurdes prescriptions.

» Heureusement cette mêmerie impie ne saurait avoir d’effet qu’autant que la survivante le trouvera bon, car il n’est pas de loi au monde qui reconnaisse un pareil mariage. Lors donc que la première exaltation sera calmée, elle sera libre encore de reconnaître efficacement que, si l’union des esprits a quelque chose de séduisant, c’est surtout lorsqu’ils ont des corps animés pour leur servir d’intermédiaires. » Voy. Drépano, Hudemullen, Spiritisme, Tables tournantes, Wesley, Bortisme, etc.

Esséniens, secte célèbre parmi les Juifs. Les Esséniens avaient des superstitions particulières. Leurs devins prétendaient connaître l’avenir par l’étude des livres saints faite avec certaines préparations. Ils y trouvaient même la médecine et toutes les sciences, par des combinaisons cabalistiques.

Esterelle, fée. Voy. Fées.

Étang de la vie. Au sortir du pont où se fait la séparation des élus et des réprouvés, les docteurs persans font descendre les bienheureux dans cet étang dont les eaux sont blanches et douces comme le miel. Pour la commodité des âmes, il y a tout le long de l’étang des cruches en forme d’étoiles, toujours pleines de cette eau ; les fidèles en boiront avant d’entrer dans le paradis, parce que c’est l’eau de la vie éternelle, et que si l’on en boit seulement une goutte, on n’a plus rien à désirer.

Éternité. Boëce définit l’éternité : l’entière, parfaite et complète possession d’une manière d’exister, sans commencement, sans fin, sans aucune succession. Le latin est plus rapide : Interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio. L’éternité n’a point de parties qui se succèdent ; elle ne va point par le présent du passé au futur, comme fait le temps ; elle est un présent continuel. Voilà pourquoi, comme le remarquent les théologiens, Dieu dit en parlant de lui-même : Ego sum qui sum. L’éternité n’appartient qu’à Dieu ; elle ne peut être communiquée à aucune créature, puisque ce qui est créé a un commencement. Mais pourtant on dit l’éternité, pour désigner la vie future des intelligences créées, vie qui n’aura point de fin. Dans ce sens il y aura dans le ciel l’éternité de bonheur pour les justes et dans l’enfer l’éternité de peines pour les réprouvés. C’est un dogme que les cerveaux impies ont combattu, mais qu’ils n’ont pu ébranler ; et saint Thomas d’Aquin en a démontré la nécessité équitable.

Éternument. On vous salue quand vous éternuez, pour vous marquer, dit Aristote, qu’on honore votre cerveau, le siège du bon sens et de l’esprit. Cette politesse s’étend jusque chez les peuples que nous traitons de barbares. Quand l’empereur du Monomotapa éternuait, ses sujets en étaient avertis par un signal convenu, et il se faisait des acclamations générales dans tous ses États. Le père Famien Strada prétend que, pour trouver l’origine de ces salutations, il faut remonter jusqu’à Prométhée ; que cet illustre contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un rayon solaire dans une petite boîte pour animer sa statue, le lui insinua dans les narines comme une prise de tabac, ce qui la fit éternuer aussitôt. Les rabbins soutiennent que c’est à Adam qu’il faut faire honneur du premier éternument. Dans l’origine des temps, c’était, dit-on, un mauvais pronostic et le présage de la mort. Cet état continua jusqu’à Jacob, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi légère, pria Dieu de changer cet ordre de choses ; et c’est de là qu’est venu, selon ces docteurs, l’usage de faire des souhaits heureux quand on éternue. On a trouvé une autre raison de cette politesse ; c’est que, sous le pontificat de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie une sorte de peste qui se manifestait par des éternuments ; tous les pestiférés éternuaient ; on se recommanda à Dieu, et c’est de là qu’est venue l’opinion populaire que la


coutume de se saluer tire son origine d’une maladie épidémique qui emportait ceux dont la membrane pituitaire était stimulée trop vivement.

En général l’éternument chez les anciens était pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part, suivant les temps, les lieux et les circonstances. Un bon éternument était celui qui arrivait depuis midi jusqu’à minuit, et quand la lune était dans les signes du Taureau, du Lion, de la Balance, du Capricorne et des Poissons ; mais s’il venait de minuit à midi, si la lune était dans le signe de la Vierge, du Verseau, de l’Écrevisse, du Scorpion ; si vous sortiez du lit ou de la table, c’était alors le cas de se recommander à Dieu[594]. L’éternument, quand on l’entendait à sa droite, était regardé chez les Grecs et les Romains comme un heureux présage. Les Grecs, en parlant d’une belle personne, disaient que les amours avaient éternué à sa naissance. Les Siamois admettent un enfer. Ils disent que, dans cet affreux séjour, il y a des juges qui écrivent sûr un grand livre tous les péchés des hommes, que leur chef est continuellement occupé à parcourir ce recueil, et que les personnes dont il lit l’article ne manquent jamais d’éternuer au même instant. De là, disent-ils, est venue la coutume de souhaiter une longue vie ou l’assistance divine à ceux qui éternuent. Lorsque le roi de Sennaar éternuait, ses courtisans lui tournaient le dos, en se donnant de la main une claque sur la fesse droite.

Étienne. Un homme qui s’appelait Étienne avait la mauvaise habitude de parler à ses gens comme s’il eût parlé au diable, ayant toujours le diable à la bouche. Un jour qu’il revenait de voyage, il appela son valet en ces termes : — Viens ça, bon diable, tire-moi mes chausses. À peine eut-il prononcé ces paroles qu’une griffe invisible délia ses caleçons, fit tomber ses jarretières et descendit ses chausses jusqu’aux talons. Étienne, effrayé, s’écria : — Retire-toi, Satan, ce n’est pas toi, mais bien mon domestique que j’appelle. Le diable se retira sans se montrer, et maître Étienne n’invoqua plus ce nom[595].

Pour un autre Étienne, Voy. Guido.

Etna. Le christianisme chassa de l’Etna et des îles de Lipari Vulcain, les Cyclopes et les Géants. Mais les démons se mirent à leur place ; et quand on institua la fête des morts, afin d’enlever au purgatoire et de rendre au paradis une foule d’âmes souffrantes, on entendit, comme le raconte un saint ermite, des bruits affreux dans l’Etna et des détonations étourdissantes dans les îles voisines. C’était Satan et toute sa cour, Satan et tout son peuple de démons qui hurlaient de désespoir et redemandaient à grands cris les âmes que la nouvelle foi venait de leur ravir[596].

Ethnophrones, hérétiques du septième siècle, qui joignaient au christianisme les superstitions païennes, l’astrologie, les augures, les expiations, les jours heureux et malheureux, les divinations diverses.

Étoiles. Mahomet dit que les étoiles stables et les étoiles qui filent sont les sentinelles du ciel ; elles empêchent les diables d’en approcher et de connaître les secrets de Dieu. Les Romains voyaient des divinités dans les étoiles. Les Étéens observaient, un certain jour de l’année, le lever de l’étoile Sirius : si elle paraissait obscure, ils croyaient qu’elle annonçait la peste.

Étraphill, l’un des anges des musulmans. Il se tient toujours debout : c’est lui qui embouchera la trompette pour annoncer le jour du jugement.

Étrennes. Dans les temps reculés, chez nos pères, loin de se rien donner mutuellement dans les familles le premier jour de l’an, on n’osait même rien prêter à son voisin. Mais chacun mettait à sa porte des tables chargées de viandes pour les passants. On y plaçait aussi des présents superstitieux pour les esprits. Peut-être était-ce un reste de ce culte que les Romains rendaient, le premier jour de l’année, aux divinités qui présidaient aux petits cadeaux d’amis. Quoi qu’il en soit, l’Église fut obligée, sous Charlemagne, d’interdire les présents superstitieux que nos ancêtres déposaient sur leurs tables. Les canons donnent à ces présents le nom d’étrennes du diable.

Etteilla. On a publié sous ce nom déguisé, qui est l’anagramme d’Alliette, plusieurs traités de cartomancie.

Eubius, auteur d’un livre intitulé Apparitions d’Apollonius, ou Démonstration des apparitions d’aujourd’hui, in-4o, Amsterdam, 1735 (en latin).

Eucharistie. « L’épreuve par l’Eucharistie se faisait en recevant la communion. Ainsi Lotaire, roi de Lotharingie, jura, en recevant la communion de la main du pape Adrien II, qu’il avait renvoyé Valdrade, sa concubine ; ce qui était faux. Comme Lothaire mourut un mois après, en 868, sa mort fut attribuée à ce parjure sacrilège. Cette épreuve fut supprimée par le pape Alexandre II[597]. »

Euchites. Voy. Satanaki.

Eumèces, caillou fabuleux, ainsi nommé de sa forme oblongue, et que l’on disait se trouver dans la Bactriane. On lui attribuait la vertu d’apprendre à une personne endormie ce qui s’était passé pendant son sommeil, si elle avait dormi avec cette pierre posée sur sa tête.

Eurynome, démon supérieur, prince de la mort, selon quelques démonomanes. Il a de grandes et longues dents, un corps effroyable tout rempli de plaies, et pour vêtement une peau


de renard. Les païens le connaissaient. Pausanias dit qu’il se repaît de charognes et de corps morts. Il avait dans le temple de Delphes une statue qui le représentait avec un teint noir, montrant ses grandes dents comme un loup affamé et assis sur une peau de vautour.

Évangile de saint Jean. On croit dans les campagnes que celui qui porte sur soi l’Évangile de saint Jean, In principio erat Verbum, écrit sur du parchemin vierge, et renfermé dans un tuyau de plume d’oie, le premier dimanche de l’année, une heure avant le lever du soleil, sera invulnérable et se garantira de quantité de maux[598]. Voy. Cléidomangie.

Ève. Les musulmans et les talmudistes lui donnent, comme à notre premier père, une taille d’une lieue[599]. Voy. Adam et une singulière facétie au mot Paniers.

Évêque marin. On lit dans la Grande Chronique des Pays-Bas, sous l’année 1433, qu’on pécha cette année-là dans la mer du Nord un poisson qui avait la forme d’un homme mal dégrossi, une mitre en tête formée d’écaillés, et les nageoires disposées de manière à présenter la ressemblance des autres ornements d’un évêque qui officie. On ajoute qu’il se pouvait dresser sur ses pieds, qu’il se laissait toucher sans témoigner d’effroi ; mais qu’il manifestait un extrême désir de retourner à la mer. Aldovrandus, dans son livre des poissons, décrit un être tout semblable à celui que la Grande Chronique des Pays-Bas appelle l’évêque marin. Est-ce un conte ? est-ce un phénomène ?

Évocations. Celui qui veut évoquer le diable lui doit le sacrifice d’un chien, d’un chat ou d’une poule, à condition que ces trois animaux soient sa propriété. Il jure ensuite fidélité et obéissance éternelles et reçoit une marque au moyen de laquelle il jouit d’une puissance absolue sur trois esprits infernaux, l’un de la terre, l’autre de la mer, le troisième de l’air[600]. On se flatte de faire venir le diable en lisant certaines formules du Grimoire. Voy. Conjurations. — Deux chevaliers de Malte avaient un esclave qui se vantait de posséder le secret d’évoquer les démons et de les obliger à découvrir les choses cachées. On le conduisit dans un vieux château où l’on soupçonnait des trésors enfouis. L’esclave descendit dans un souterrain, fit ses évocations : un rocher s’ouvrit, et il en sortit un coffre. Il tenta plusieurs fois de s’en emparer ; mais il n’en put venir à bout, parce que le coffre rentrait dans le rocher dès qu’il s’en approchait. Il vint dire aux chevaliers ce qui lui arrivait et demanda un peu de vin pour reprendre des forces. On lui en donna. Quelque temps après, comme il ne revenait point, on alla voir ce qu’il faisait ; on le trouva étendu mort, ayant sur toute sa chair des coups de canif représentant des croix. Les chevaliers portèrent son corps au bord de la mer et l’y précipitèrent avec une pierre au cou[601]. — Sur l’évocation des âmes, voy. Nécromancie, Tables tournantes, etc.

Exael, le dixième des premiers anges. Il apprit aux hommes, selon le livre d’Enoch, l’art de fabriquer les armes et les machines de guerre, les ouvrages d’or et d’argent qui plaisent aux femmes ; il leur enseigna l’usage des pierres précieuses et du fard.

Exagération. Il y en a beaucoup dans la plupart des juges laïques qui ont écrit sur les sorciers et qui ont vu trop généralement des crimes où il n’y avait souvent que démence ou maladie. Cependant le mal diabolique, malum dœmoniacum, était si répandu à certaines époques qu’il est permis de leur trouver là des excuses. Les juges ecclésiastiques ont pourtant toujours été beaucoup plus indulgents. Voy., à la fin de l’article Sorciers, les prescriptions de la cour romaine, et comparez-les au code des sorciers de Boguet.

Excommunication. Il y a eu quelquefois des abus de la part des hommes dans l’usage des excommunications ; et on est parti de là pour crier contre ces excommunications, qui ont rendu cependant de si grands services à la société dans des siècles barbares. Mais on ne trouverait pas facilement dans toute l’histoire un excommunié frappé régulièrement par le saint-siége qui ait prospéré jusqu’au bout[602]. On lit dans les Menées des Grecs, au 16 octobre, « qu’un religieux du désert de Scélé, ayant été excommunié par son supérieur pour quelque désobéissance, sortit du désert et vint à Alexandrie, où il fut arrêté par le gouvernement de la ville, dépouillé du saint habit, puis vivement sollicité de sacrifier aux faux dieux. Le solitaire résista généreusement ; il fut tourmenté en diverses manières, jusqu’à ce qu’enfin on lui tranchât la tête ; on jeta son corps hors de la ville. Les chrétiens l’enlevèrent la nuit, et l’ayant enveloppé de linceuls l’enterrèrent dans l’église comme martyr. Mais pendant le saint sacrifice de la messe le diacre ayant crié tout haut à l’ordinaire : « Que les catéchumènes et ceux qui ne communient pas se retirent », on vit tout à coup le tombeau s’ouvrir de lui-même et le corps du martyr se retirer dans le vestibule de l’église. Après la messe il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un pieux vieillard ayant prié pendant trois jours apprit par révélation que ce religieux avait encouru l’excommunication pour avoir désobéi à son supérieur, et qu’il demeurait lié jusqu’à ce que ce même supérieur lui eût donné l’absolution. On alla donc au désert ; on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le cercueil du martyr et lui donna l’absolution ; après quoi il demeura en paix dans son tombeau[603]. » C’est là un fait merveilleux que nous ne prétendons pas donner comme fréquent.

Dans le second concile de Limoges, tenu en 1031, l’évêque de Cahors raconte une aventure qui lui était particulière et qu’il présenta comme toute récente : « Un chevalier de notre diocèse, dit ce prélat, ayant été tué dans l’excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l’absolution : je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte ; il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l’assistance des prêtres, dans une église dédiée à saint Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans aucune marque qui prouvât qu’on y eût touché. Les gentilshommes qui l’avaient enterré n’y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé ; ils l’enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d’une énorme quantité de terre et de pierres. Le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même chose arriva jusqu’à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l’excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane ; ce qui remplit les seigneurs voisins d’une si grande terreur qu’ils vinrent tous demander la paix[604]. »

Jean Bromton raconte dans sa chronique que saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, ayant dit devant tout le peuple, avant de commencer la messe : « Que nul excommunié n’assiste au saint sacrifice ! » on vit sortir aussitôt de l’église un mort qui était enterré depuis longues années. Après la messe, saint Augustin, précédé de la croix, alla demander à ce mort pourquoi il était sorti. Le défunt répondit qu’il était mort dans l’excommunication. Le saint pria cet excommunié de lui dire où était enterré le prêtre qui avait porté contre lui la sentence. On s’y transporta. Augustin conjura le prêtre de se lever : il le fit ; à la demande du saint évêque, il donna l’absolution à l’excommunié, et les deux morts retournèrent dans leurs tombeaux. » Les Grecs schismatiques croient que les corps excommuniés ne pourrissent pas en terre, mais qu’ils s’y conservent noirs et puants.

En Angleterre, le tribunal des doctors commons excommunie encore ; et, en 1837, il a frappé de cette peine un marchand de pain d’épices, nommé Studberry, pour avoir dit une parole injurieuse à un autre paroissien, dans une sacristie anglicane. Voy. Interdit.

Excréments. On sait que le dalaï-lama, chef de la religion des Tartares indépendants, est regardé comme un dieu. Ses excréments sont conservés comme des choses vénérables. Après qu’on les a fait sécher et réduire en poudre, on les renferme dans des boîtes d’or enrichies de pierreries, et on les envoie aux plus grands princes. Son urine est un élixir propre à guérir toute espèce de maladie. Dans le royaume de Boutan, on fait sécher également les plus grossières déjections du roi, et après les avoir renfermées dans de petites boites, on les vend dans les marchés pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjections, Fiente, Tanchelm, Vache, etc.

Exorcisme, conjuration, prière à Dieu et commandement fait au démon de sortir du corps des personnes possédées. Souvent il est seulement destiné à les préserver du danger. On regarde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes ; cependant la conjuration n’est que la formule par laquelle on commande au démon de s’éloigner ; l’exorcisme est la cérémonie entière[605]. — Les gens qui s’occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. Voy. Conjurations.

Voici une légende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Césaire d’Hesterbach[606] que « Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec deux de ses moines, fut obligé de tenir tête à une possédée. Il fit à l’esprit malin des questions auxquelles celui-ci répondit comme il lui plut. Le diable faisant autant de mensonges que de réponses, l’abbé s’en aperçut et le conjura de dire la vérité ; il obéit. Il apprit au bon abbé comment se portaient plusieurs défunts dont il voulait savoir des nouvelles. Un des frères qui l’accompagnaient voulut lier conversation avec le diable.

— Tais-toi, lui dit l’esprit malin, tu as volé hier douze sous à ton abbé ; ces douze sous sont maintenant dans ta ceinture. — L’abbé, ayant entendu ces choses, voulut bien en donner l’absolution à son moine ; après quoi il ordonna au diable de quitter la possédée.

» — Où voulez-vous que j’aille ? demanda le démon. — Je vais ouvrir ma bouche, répondit l’abbé, tu entreras dedans, si tu peux. — Il y fait trop chaud, répliqua le diable ; vous avez communié. — Eh bien ! mets-toi ici. Et l’abbé, qui était gai, tendait son pouce. — Merci, vos doigts sont sanctifiés. — En ce cas, vas où tu voudras, mais pars. — Pas si vite, répliqua le diable ; j’ai permission de rester ici deux ans encore…

» L’abbé dit alors au diable : — Montre-toi a nos yeux dans ta forme naturelle. — Vous le voulez ? — Oui. — Voyez.

» En même temps la possédée commença de grandir et de grossir d’une manière effroyable. En deux minutes elle était déjà haute comme une tour de trois cents pieds ; ses yeux devinrent ardents comme des fournaises et ses traits épouvantables. Les deux moines tombèrent évanouis ; l’abbé, qui seul avait conservé du courage, adjura le diable de rendre à la possédée la taille et la forme qu’elle avait d’abord. Il obéit encore et dit à Guillaume : — Vous faites bien d’être pur : car nul homme ne peut, sans mourir, me voir tel que je suis, s’il est souillé. » Voy. Pactes, Possessions, etc.

Expiation. Les anciens Arabes coupaient l’oreille à quelque animal et le lâchaient au travers des champs en expiation de leurs péchés.

— Un juif, dit Saint-Foix, s’arme d’un couteau, prend un coq, le tourne trois fois autour de sa tête et lui coupe la gorge en lui disant : — Je te charge de mes péchés ; ils sont à présent à toi : tu vas à la mort, et moi je suis rentré dans le chemin de la vie éternelle.

Extases. L’extase (considérée comme crise matérielle) est un ravissement d’esprit, une suspension des sens causée par une forte contemplation de quelque objet extraordinaire et surnaturel. Les mélancoliques peuvent avoir des extases. Saint Augustin fait mention d’un prêtre qui paraissait mort à volonté et qui resta mort, très-involontairement sans doute, dans une de ses expériences. S’il fit le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nommait Prétextât ; il ne sentait rien de ce qu’on lui faisait souffrir pendant son extase.

Les démonomanes appellent l’extase un transport en esprit seulement, parce qu’ils reconnaissent le transport en chair et en os, par l’aide et assistance du diable. Une sorcière se frotta de graisse, puis tomba pâmée sans aucun sentiment ; et trois heures après elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu’elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite avérées[607]. Le magnétisme fait tout cela.

Cardan dit avoir connu un homme d’église qui tombait sans vie et sans haleine toutes les fois qu’il le voulait. Cet état durait ordinairement quelques heures ; on le tourmentait, on le frappait, on lui brûlait les chairs sans qu’il éprouvât aucune douleur. Mais il entendait confusément, et comme à une distance très-éloignée, le bruit qu’on faisait autour de lui. Cardan assure encore qu’il tombait lui-même en extase à sa volonté ; qu’il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu’il ne sentait aucunement les douleurs.

Le père de Prestantius, après avoir mangé un fromage maléficié, crut qu’étant devenu cheval il avait porté de très-pesantes charges, quoique son corps n’eût pas quitté le lit ; et l’on regarda comme une extase produite par sortilège ce qui n’était qu’un cauchemar causé par une indigestion.

« Saint Augustin distingue deux sortes d’extases[608], l’une naturelle et l’autre surnaturelle, et cite comme appartenant à la première l’exemple d’un prêtre nommé Restitut, de l’église de Talama. Toutes les fois qu’on imitait devant lui la voix d’un homme qui se plaint, il perdait l’usage de ses sens et devenait semblable à un mort ; de sorte qu’on pouvait le piquer, le pincer ou même le brûler sans qu’il le sentît. Sa respiration s’arrêtait. Cependant, si on lui parlait sur un ton élevé, il lui semblait, disait-il, entendre des voix lointaines[609]. » Les extases naturelles sont généralement périodiques ou amenées par des causes spéciales. L’extase surnaturelle est à son tour de deux sortes : L’extase chrétienne et l’extase diabolique. De la première on peut voir beaucoup de faits dans la vie des saints. L’autre est souvent exposée dans les procédures de ces malheureux qui ont abandonné la cité de Dieu pour entrer dans la cité du diable. C’était souvent dans des extases que les sorcières assistaient au sabbat. Bodin raconte dans sa Démonomanie qu’en 1571 une sorcière emprisonnée à Bordeaux ayant avoué qu’elle allait au sabbat toutes les semaines, le magistrat Bélot la pria d’y aller devant lui. Elle répondit qu’elle n’en avait pas le pouvoir. Il la mit donc en liberté. Aussitôt elle s’oignit tout le corps d’un onguent dont l’effet fut tel qu’elle tomba comme morte. Le magistrat ne la quitta point. Elle revint à elle au bout de cinq heures et raconta beaucoup de choses toutes actuelles des lieux qu’elle avait parcourus. On fit prendre sur-le-champ des informations, et les déclarations de la sorcière furent trouvées véritables. — Les âmes des somnambules magnétisés font la même chose. Ce qui est la preuve de l’existence des âmes, à part des corps qu’elles occupent. Voy. Elfdal.

Ézéchiel. Les musulmans disent que les ossements desséchés que ranima le prophète Ézéchiel étaient les restes de la ville de Davardan, que la peste avait détruite et qu’il releva par une simple prière[610].



F

Faal, nom que les habitants de Saint-Jean d’Acre donnent à un recueil d’observations astrologiques, qu’ils consultent dans beaucoup d’occasions.

Faber (Albert-Othon), médecin de Hambourg au dix-septième siècle ; il a écrit quelques rêveries sur l’or potable.

Faber (Abraham) ; de simple soldat, il devint maréchal de France, et il s’illustra sous Louis XIV. C’était alors si extraordinaire qu’on l’accusa de devoir ses succès à un commerce avec le diable. Ce qui a pu donner lieu à cette prévention, c’est qu’il croyait à l’astrologie judiciaire.

Fabre (Pierre-Jean), médecin de Montpellier, qui fit faire des pas à la chimie au commencement du dix-septième siècle. Il y mêlait un peu d’alchimie. Il a écrit sur cette matière et sur la médecine spagyrique. Son plus curieux ouvrage est l’Alchimiste chrétien (Alchimista christianus), in-8o ; Toulouse, 1632. Il a publié aussi l’Hercules piochymicus, Toulouse, 1634, in-8o, livre où il soutient que les travaux d’Hercule ne sont que des emblèmes qui couvrent les secrets de la philosophie hermétique.

Fabricius (Jean-Albert), bibliographe allemand, né à Leipzig en 1668. Il y a des choses curieuses sur les superstitions et les contes populaires de l’Orient dans son recueil des livres apocryphes que l’Église a repoussés de l’Ancien et du Nouveau Testament[611].


Fadhel-ben-Sahal.

Fadhel-ben-Sahal, vizir du kalife Almamon, était aussi grand astrologue, et on cite de lui des horoscopes et des prévisions surprenantes, si elles sont vraies. Il est certain que sa prudence habile tira souvent son maître d’embarras[612].

Faim diabolique. Il y a des possédés chez lesquels le démon s’est plu à produire une faim insatiable. Brognoli délivra un enfant qui mangeait sans s’arrêter du matin au soir et ne pouvait se rassasier. Gorres, auchap. xx du livre VII de sa Mystique, cite beaucoup d’exemples de cette faim enragée, entre autres un enfant qui buvait d’un seul coup un seau d’eau. Ce qui est digne de remarque, c’est que ces affreuses maladies n’ont jamais été guéries que par l’exorcisme.

Fairfax (Edouard), poëte anglais du seizième siècle, auteur d’un livre intitulé la Démonologie, où il parle de la sorcellerie avec assez de crédulité.

Fairfolks, espèce de farfadets qui se montrent en Écosse, et qui sont à peu près nos fées.

Fairies. C’est le nom qu’on donne aux fées en Angleterre.

Fakir. Voy. Faquir.

Fakone, lac du Japon, où les habitants placent une espèce de limbes habités par tous les enfants morts avant l’âge de sept ans. Ils sont persuadés que les âmes de ces enfants souffrent quelques supplices dans ce lieu-là, et qu’elles y sont tourmentées jusqu’à ce qu’elles en soient rachetées par les passants. Les bonzes vendent des papiers sur lesquels sont écrits les noms de Dieu. Comme ils assurent que les enfants éprouvent allégement lorsqu’on jette ces papiers sur l’eau, on en voit les bords du lac couverts. — Il est aise de reconnaître dans ces usages des traditions altérées de l’Église.

Falcon. L’annaliste allemand Archenolz, mort

Le docteur Falcon.


en 1812, raconte ce qui suit, dans son Tableau de l’Angleterre, publié à Paris en 1788 : « Il y a à Londres un homme extraordinaire qui depuis trente ans est célèbre dans les annales ca » balistiques. Il se nomme Caïn Chenul Falk, et il est connu généralement sous le nom de docteur Falcon. Un certain comte de Ranzow, mort depuis peu au service de France comme maréchal de camp, assure dans ses mémoires cabalistiques, magiques, etc., avoir vu ce Falk dans le pays de Brunswick, sur une des terres de son père, en présence de beaucoup de personnes connues, qu’il nomme toutes et qu’il prend à témoin de la vérité de ce qu’il avance. (Il évoquait les esprits.) Falk s’est-il servi dans cette opération de la méthode de Schropfer ? Je n’en sais rien, ce qu’il y a de certain, c’est que cet homme vit actuellement à Londres. Lorsqu’il sort, ce qui arrive très-rarement, il est toujours revêtu d’un long talar, qui va très-bien avec sa longue barbe et sa figure sérieuse et intéressante. Il est actuellement âgé de soixante-dix ans à peu près. Je ne me donnerai pas la peine de rapporter, ici toutes les choses incroyables et extraordinaires qu’on raconte de ce vieillard… » Voy. Schopfer.

Falconet (Noël), médecin, mort en 1734.

Falconet.


Nous ne citerons de ses ouvrages que ses Lettres et ses remarques sur l’or prétendu potable ; elles sont assez curieuses.

Fanatisme. L’Église l’a toujours condamné, comme elle condamne tous les excès. Les actes de fanatisme des conquérants du nouveau monde étaient commis par des scélérats, contre lesquels le clergé s’élevait de toutes ses forces. On peut le voir dans la vie et dans les écrits de Barthélemi de Las Casas. Les écrivains philosophes ont souvent appelé fanatisme ce qui ne l’était pas. Ils se sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par exemple, ils ont attribué le massacre politique de la Saint-Barthélemi à la religion, qui y fut étrangère ; lorsqu’ils ont défendu les fanatiques des Cévennes, qui exterminaient tout autour d’eux, etc.

Il y a eu très-souvent du fanatisme outré dans les hérésies et même dans la sorcellerie. Sous le règne de Louis XII, un écolier de l’université de Paris, persuadé que la religion d’Homère était la bonne, arracha la sainte hostie des mains d’un prêtre qui la consacrait et la foula aux pieds. Voilà du fanatisme. Les Juifs en ont fourni de nombreux exemples, et un très-grand fanatisme distingue beaucoup de philosophes modernes. « Il y a un fanatisme politique, un fanatisme littéraire, un fanatisme guerrier, un fanatisme philosophique[613]. » On a nommé d’abord fanatiques les prétendus devins qui rendaient leurs oracles dans les temples, fana. Aujourd’hui on entend par fanatisme tout zèle aveugle.

Fannius (Gaius), historien qui mourut de peur en composant un ouvrage contre Néron. Il en avait terminé trois livres, et il commençait le quatrième, lorsque Néron, dont il avait l’imagination remplie, lui apparut en songe, et, après avoir parcouru les trois premiers livres de son ouvrage, se retira sans toucher au quatrième qui était en train. Ce rêve frappa Fannius ; il crut y voir que son ouvrage ne serait pas achevé, et il mourut en effet peu après.

Fantasmagoriana, titre d’un recueil de contes populaires, où les apparitions et les spectres jouent les premiers rôles. Ces contes prolixes sont, pour la plupart, traduits de l’allemand, 2 vol. in-12 ; Paris, 1812.

Fantasmagorie, spectacle d’optique, du genre des lanternes magiques perfectionnées, et qui, aux yeux des ignorants, peut paraître de la sorcellerie.

Fantômes, esprits ou revenants de mauvais augure, qui effrayaient fort nos pères, quoiqu’ils sussent bien qu’on n’a aucunement peur des fantômes, si l’on tient dans sa main de l’ortie avec du millefeuille[614]. Les Juifs prétendent que le fantôme qui apparaît ne peut reconnaître la personne qu’il doit effrayer, si elle a un voile sur le visage ; mais quand cette personne est coupable, ils croient, au rapport de Buxtorf, que le masquetombe, afin que l’ombre puisse la voir et la poursuivre. Des fantômes sont venus quelquefois annoncer la mort ; un spectre se présenta pour cela aux noces du roi d’Écosse, Alexandre III, qui


mourut peu après. Camerarius rapporte que de son temps on voyait quelquefois dans les églises


des fantômes sans tête, vêtus en moines et en religieuses, assis dans les stalles des vrais moines et des sœurs qui devaient bientôt mourir. — Un chevalier espagnol avait osé concevoir une passion criminelle pour une religieuse. Une nuit qu’il traversait l’église du couvent dont il s’était procuré la clef, il vit des cierges allumés et des prêtres, qui lui étaient inconnus, occupés à célébrer l’office des morts autour d’un tombeau. Il s’approcha de l’un d’eux et demanda pour qui on faisait le service. « Pour vous, » lui dit le prêtre. Tous les autres lui firent la même réponse ; il sortit effrayé, monta à cheval, s’en retourna à sa maison, et deux chiens l’étranglèrent à sa porte[615].

Une dame voyageant dans une chaise de poste fut surprise par la nuit près d’un village où l’essieu de sa voiture s’était brisé. On était en automne, l’air était froid et pluvieux ; il n’y avait point d’auberge dans le village ; on lui indiqua le château. Comme elle en connaissait le maître, elle n’hésita pas à s’y rendre. Le concierge alla la recevoir, et lui dit qu’il y avait au château dans ce moment beaucoup de monde qui était venu célébrer une noce, et qu’il allait informer le seigneur de son arrivée. La fatigue, le désordre de sa toilette et le désir de continuer son voyage engagèrent la voyageuse à prier le concierge de ne point déranger son maître. Elle lui demanda seulement une chambre. Toutes étaient occupées, à l’exception d’une seule, dans un coin écarté du château, qu’il n’osait lui proposer à cause de son délabrement ; mais elle lui dit qu’elle s’en contenterait, pourvu qu’on lui fît un bon lit et un bon feu. Après qu’on eut fait ce qu’elle désirait, elle soupa légèrement, et s’étant bien réchauffée, elle se mit au lit. Elle commençait à s’endormir, lorsqu’un bruit de chaînes et des sons lugubres la réveillèrent en sursaut. Le bruit approche, la porte s’ouvre, elle voit, à la clarté de son feu, entrer un fantôme couvert de lambeaux blanchâtres ; sa figure pâle et maigre, sa barbe longue et touffue, les chaînes qu’il portait autour du corps, tout annonçait un habitant d’un autre monde. Le fantôme s’approche du feu, se couche auprès tout de son long, se tourne de tous côtés en gémissant, puis, à un léger mouvement qu’il entend près du lit, il se relève promptement et s’en approche. Quelle amazone eût bravé un tel adversaire ? Quoique notre voyageuse ne manquât pas de courage, elle n’osa l’attendre, se glissa dans la ruelle du lit, et, avec une agilité dont la frayeur rend capables les moins légères, elle se sauve en chemise à toutes jambes, enfile de longs et obscurs corridors, toujours poursuivie par le terrible fantôme, dont elle entend le frottement des chaînes contre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible clarté, et, reconnaissant la porte du concierge, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil. Il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit et lui prodigue tous les secours qui sont en son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était arrivé. Hélas ! s’écria le concierge, notre fou aura brisé sa chaîne et se sera échappé ! Ce fou était un parent du maître du château, qu’on gardait depuis plusieurs années. Il avait effectivement profité de l’absence de ses gardiens, qui étaient à la noce, pour détacher ses chaînes, et le hasard avait conduit ses pas à la chambre de la voyageuse, qui en fut quitte pour une grande peur[616]. Voy. Apparitions, Visions, Hallucinations, Esprits, Revenants, Spectres, Deshoulières, etc., etc.

Fantôme volant. On croit, dans la BasseBretagne, entendre dans les airs, lorsqu’il fait un orage, un fantôme volant qu’on accuse de déraciner les arbres et de renverser les chaumières. Voy. Voltigeur hollandais.

Fapisia, herbe fameuse chez les Portugais, qui l’employaient comme un excellent spécifique pour chasser les démons[617].

Faquir ou Fakir. Il y a dans l’Inde des fakirs qui sont d’habiles jongleurs. On lit ce qui suit dans l’ouvrage de M. Osborne, intitulé la Cour et le camp de Rundjet-Sing : « À la cour de ce prince indien, la mission anglaise eut l’occasion de voir un personnage appelé spécialement le Fakir, homme enterré et ressuscité, dont les prouesses avaient fait du bruit dans les provinces du Punjaub. Ce Fakir est en grande vénération parmi les Sihks, à cause de la faculté qu’il a de s’enterrer tout vivant pendant un temps donné. Nous avions ouï raconter de lui tant d’histoires, que notre curiosité était excitée. Depuis plusieurs années, il fait le métier de se laisser enterrer. Le capitaine Wade me dit avoir été témoin d’une de ses résurrections, après un enterrement de quelques mois. La cérémonie préliminaire avait eu lieu en présence de Rundjet-Sing, du général Ventura et des principaux sirdars. Les préparatifs avaient duré plusieurs jours, on avait arrangé un caveau tout exprès. Le Fakir termina ses dispositions finales en présence du souverain ; il se boucha avec de la cire les oreilles, le nez et tous les autres orifices par lesquels l’air aurait pu entrer dans son corps. Il n’excepta que la bouche. Cela fait, il fut déshabillé et mis dans un sac de toile, après qu’il se fut retourné la langue pour fermer le passage de la gorge, et qu’il se fut posé dans une espèce de léthargie ; le sac fut fermé et cacheté du sceau de RundjetSing et déposé dans une boîte de sapin, qui, fermée et scellée également, fut descendue dans le caveau. Par-dessus on répandit et on foula de la terre, on sema de l’orge et on plaça des sentinelles permanentes.

» Il paraît que le maha-rajah, très-sceptique sur cette mort, envoya deux fois des gens fouiller la terre, ouvrir le caveau et visiter le cercueil. On trouva chaque fois le Fakir dans la même position et avec tous les signes d’une suspension de vie. Au bout de dix mois, terme fixé, le capitaine Wade accompagna le maha-rajah pour assister à l’exhumation : il examina attentivement par lui-même l’intérieur de la tombe ; il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et porter la boîte ou cercueil au grand air. Quand on en tira le Fakir, les doigts posés sur son artère et sur son cœur ne purent percevoir aucune pulsation. La première chose qui fut faite pour le rappeler à la vie, et la chose ne se fit pas sans peine, fut de ramener sa langue à sa place naturelle. Le capitaine Wade remarqua que l’occiput était brûlant, mais le reste du corps très-frais et très-sain. On l’arrosa d’eau chaude, — et au bout de deux heures le ressuscité était aussi bien que dix mois auparavant.

» Il prétend faire dans son caveau les rêves les plus délicieux : aussi redoute-t-il d’être réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses cheveux cessent de croître : sa seule crainte est d’être entamé par des vers ou des insectes ; c’est pour s’en préserver qu’il fait suspendre au centre du caveau la boîte où il repose. Ce Fakir eut la maladroite fantaisie de faire l’épreuve de sa mort et de sa résurrection devant la mission anglaise, lorsqu’elle arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une cruelle méfiance, proposèrent de lui imposer quelques précautions de plus : ils montrèrent des cadenas à eux appartenant, et parlèrent de mettre au tombeau des factionnaires européens. Le Fakir fit d’abord de la diplomatie ; il se troubla et finalement refusa de se soumettre aux conditions britanniques. Rundjet-Sing se fâcha. — Je vois bien, dit le Fakir au capitaine Osborne, que vous voulez me perdre, et que je ne sortirai pas vivant de mon tombeau. Le capitaine, ne désirant pas du tout avoir à se reprocher la mort du pauvre charlatan, renonça à l’épreuve. » Voy. Jamambuxes.

Farfadets, esprits, lutins ou démons familiers, que les personnes simples croient voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se montrent sous des figures d’animaux ; le plus grand nombre restent invisibles. Ils passent généralement pour rendre de bons offices. Des voyageurs content que les Indes sont pleines de ces esprits bons ou mauvais, et qu’ils ont un commerce habituel avec les hommes du pays.

Voici l’histoire d’un farfadet : En l’année 1221, vers le temps des vendanges, le frère cuisinier d’un monastère de Cîteaux chargea deux serviteurs de garder les vignes pendant la nuit. Un soir, l’un de ces deux hommes, ayant grande envie de dormir, appela le diable à haute voix et promit de le bien payer s’il voulait garder la vigne à sa place. Il achevait à peine ces mots, qu’un farfadet parut. — Me voici prêt, dit-il à celui qui l’avait demandé. Que me donneras-tu si je remplis ta charge ? — Je te donnerai un panier de raisin, répondit le serviteur, et du bon, à condition que tu veilleras jusqu’au matin. — Le farfadet accepta l’offre ; et le domestique rentra à la maison pour s’y reposer. Le frère cuisinier, qui était encore debout, lui demanda pourquoi il avait quitté la vigne ? — Mon compagnon la garde, répondit-il, et il la gardera bien. — Va, va, reprit le cuisinier, qui n’en savait pas davantage, ton compagnon peut avoir besoin de toi. — Le valet n’osa répliquer et sortit ; mais il se garda bien de paraître dans la vigne. Il appela l’autre valet, lui conta le procédé dont il s’était avisé ; et tous deux, se reposant sur la bonne garde du lutin, entrèrent dans une petite grotte qui était près de là et s’y endormirent. Les choses se passèrent aussi bien qu’on pouvait l’espérer ; le farfadet fut fidèle à son poste jusqu’au matin, et on lui donna le panier de raisin promis. — Ainsi finit le conte[618]. Voy. Berbiguier, Bérith, Esprits, Feux follets, Hecdekin, Orthon, etc.

Farfarelli. C’est le nom qu’on donne aux farfadets en Italie.

Farmer (Hugues), théologien anglican, mort en 1787. On a de lui un Essai sur les démoniaques du Nouveau Testament, 1775, où il cherche à prouver, assez gauchement, que les maladies attribuées à des possessions du démon sont l’effet de causes naturelles, et non l’effet de l’action de quelque malin esprit.

Fascination, espèce de charme qui fait qu’on ne voit pas les choses telles qu’elles sont. Un bohémien sorcier, cité par Boguet, changeait des bottes de foin en pourceaux, et les vendait comme tels, en avertissant toutefois l’acheteur de ne laver ce bétail dans aucune eau. Un acquéreur de la denrée du bohémien, n’ayant pas suivi ce conseil, vit, au lieu de pourceaux, des bottes de foin nager sur l’eau où il voulait décrasser ses bêtes.

Delrio conte qu’un certain magicien, au moyen d’un certain arc et d’une certaine corde tendue à cet arc, tirait une certaine flèche, faite d’un certain bois, et faisait tout d’un coup paraître devant lui un fleuve aussi large que le jet de cette flèche. Et d’autres rapportent qu’un sorcier juif, par fascination, dévorait des hommes et des charretées de foin, coupait des têtes et démembrait des personnes vivantes, puis remettait tout en bon état.

Dans la guerre du duc Vladislas contre Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sorcière dit à son beau-fils, qui suivait le parti de Vladislas, que son maître mourrait dans la bataille, avec la plus grande partie de son armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver du carnage en faisant ce qu’elle lui conseillerait ; c’est-à-dire, qu’il tuât le premier qu’il rencontrerait dans la mêlée ; qu’il lui coupât les deux oreilles, et les mît

Le bonnet magique.


dans sa poche ; puis qu’il fît, avec la pointe de son épée, une croix sur la terre entre les pieds de devant de son cheval, et qu’après avoir baisé cette croix il se hâtât de fuir. Le jeune homme, ayant accompli toutes ces choses singulières, revint sain et sauf de la bataille où périrent Vladislas et le plus grand nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans la maison de sa marâtre, ce jeune guerrier trouva sa femme, qu’il chérissait uniquement, percée d’un coup d’épée, expirante et sans oreilles…

Mais beaucoup et la plupart des fascinations ne sont généralement que des tours d’adresse. On lit dans les Aventures de Till l’espiègle des fascinations de ce genre. Un jour, dans une foire, il paria avec un grand seigneur que, sur un signe magique qu’il allait faire, une marchande de faïence briserait toute sa boutique, ce qui eut lieu. Mais il avait payé d’avance les pots cassés. Il joua un autre tour semblable en payant un festin, au moyen de son chapeau, qu’il disait magique, et qu’il faisait pirouetter sur son doigt pour solder l’addition. Le dîner pareillement se trouvait payé d’avance.

Les femmes maures s’imaginent qu’il y a des sorciers qui fascinent par leur seul regard, et tuent les enfants. Cette idée leur est commune avec les anciens Romains, qui honoraient le dieu Fascinus, à qui l’on attribuait le pouvoir de garantir les enfants des fascinations et maléfices. Voy. Yeux, Zilon, Prestiges, etc.

Les faïences brisées


Fatalisme, doctrine de ceux qui reconnaissent une destinée inévitable. Si quelqu’un rencontre un voleur, les fatalistes disent que c’était sa destinée d’être tué par un voleur. Ainsi cette fatalité a assujetti le voyageur au fer du voleur, et a donné longtemps auparavant au voleur l’intention et la force, afin qu’il eût, au temps marqué, la volonté et le pouvoir de tuer celui-ci. Et si quelqu’un est écrasé par la chute d’un bâtiment, le mur est tombé parce que cet homme était destiné à être enseveli sous les ruines de sa maison Dites plutôt qu’il a été enfoui sous les ruines parce que le mur est tombé[619]. Où serait la liberté des hommes, s’il leur était impossible de se soustraire à une fatalité aveugle, à une destinée inévitable ? Est-il rien de plus libre que de se marier, de suivre tel ou tel genre de vie ? Est-il rien de plus fortuit que de périr par le fer, de se noyer, d’être malade ?… L’homme vertueux, qui parvient par de grands efforts à vaincre ses passions, n’a donc plus besoin de s’étudier à bien faire, puisqu’il ne peut être vicieux ?… C’est un peu la détestable doctrine de Calvin.

Faunes, dieux rustiques inconnus aux Grecs. On les distingue des satyres et sylvains, quoiqu’ils aient aussi des cornes de chèvre ou de bouc, et la forme d’un bouc depuis la ceinture jusqu’en bas. Mais ils ont les traits moins hideux, une figure plus gaie que celle des satyres, et moins de brutalité. D’anciens Pères les regardent comme des démons incubes[620] ; et voici l’histoire qu’en donnent les docteurs juifs : « Dieu avait déjà créé les âmes des faunes et des satyres, lorsqu’il fut interrompu par le jour du sabbat, en sorte qu’il ne put les unir à des corps, et qu’ils restèrent ainsi de purs esprits et des créatures imparfaites. Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent le jour du sabbat, et se cachent dans les ténèbres jusqu’à ce qu’il soit passé ; ils prennent quelquefois des corps pour épouvanter les hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Cependant ils peuvent approcher si près des intelligences célestes, qu’ils leur dérobent quelquefois la connaissance de certains événements futurs, ce qui leur a fait produire des prophéties, au grand étonnement des amateurs. »

Faust (Jean), célébrité allemande dans la magie. Il brilla au commencement du seizième siècle. Un génie plein d’audace, une curiosité indomptable, un immense désir de savoir, telles étaient, disent ses panégyristes, ses qualités prononcées. Il apprit la médecine, la jurisprudence, la théologie ; il approfondit la science des astrologues ; quand il eut épuisé les connaissances naturelles, il se jeta dans la magie. — On l’a confondu souvent avec Faust, l’associé de Guttenberg dans l’invention de l’imprimerie ; on sait que quand les premiers livres imprimés parurent, on cria à la sorcellerie ; on soutint qu’ils étaient l’ouvrage du diable ; et sans la protection de Louis XI et de la Sorbonne, l’imprimerie en naissant était étouffée à Paris.

Faust et Méphistophélès.

Mais l’histoire de Faust ne sera jamais bien connue dans ses détails intimes. Ceux qui l’ont vu poétiquement le font naître à Weimar, ou à Anhalt, ou dans la Souabe, ou dans la Marche de Brandebourg. On ne peut guère trouver rien de positif sur cet homme que dans Trithème et dans Mélanchthon. Il était né à Gundling, dans le Wurtemberg, à la fin du quinzième siècle. Son père était un paysan ; il avait des parents riches à Wittemberg ; il y alla, y fit ses études et connut là Luther, Mélanchthon et plusieurs autres philosophes avancés. On voit, dit Philippe Camerarius, qu’il alla, à dix-neuf ans, étudier la magie à Cracovie, où l’on donnait alors des leçons de sciences occultes. Il reparut ensuite, se disant le chef des nécromanciens, le premier astrologue, le second dans la magie, dans la chiromancie et les autres divinations. Ayant hérité alors des biens considérables que laissait un oncle qu’il avait à Wittemberg, il se livra sans frein à la débauche et s’adonna entièrement à l’évocation des esprits et aux sortilèges. Il se procura tous les livres magiques, prit des leçons d’un célèbre cristallomancien (Christophe Kayllinger), et rechercha tous les arts défendus. On dit qu’il se vanta de faire d’aussi grands miracles que le Christ. Ce qui paraît incontestable, c’est qu’à vingt-sept ans il conjura le démon et fit avec lui un pacte qui devait durer vingt-quatre ans, au bout desquels il s’obligeait à livrer son âme. Il reçut pour serviteur assidu le démon Méphistophélès, et dès lors il fit tout ce qu’il voulut. De graves historiens rapportent les fascinations étonnantes qu’il produisit à la cour de l’empereur Maximilien et à la cour de Charles-Quint. Il prétendait que les armées impériales lui devaient toutes leurs victoires, Mélanchthon, qui le connaissait personnellement, le peint comme la bête la plus immonde, le cloaque des hôtes de l’enfer, chassé de partout par les magistrats. Il raconte qu’ayant tenté de voler, comme Simon le magicien, il fut à demi écrasé en tombant. Au terme de son pacte, il fut étranglé par le démon, auprès de Rimlich, et l’écrivain que nous citons parle de cette fin horrible comme d’un fait notoire.

Dans l’étude publiée par M. François Hugo sur le Faust anglais (Revue française du 10 mai 1858), Faust est l’imprimeur. Le Parlement de Paris le tient emprisonné, mais il s’évade et gagne Mayence. Il évoque le diable, qui paraît sous diverses formes, de dragon, de griffon, d’étoile, de poutre de feu, enfin de moine gris. Il s’accorde avec lui et va le visiter en enfer. Sa visite lui est rendue assez vite, et sept princes de l’enfer arrivent chez lui : Belzébub, habillé en bœuf ; Lucifer en homme couleur des glands du chêne rouge ; Astaroth en serpent, avec deux petits pieds jaunes ; Satan en âne, avec une queue de chat ; Anabry en chien noir et blanc, avec des oreilles de quatre aunes ; Dythican en perdrix ; Drac en flamme bleue, avec une queue rouge ; Bélial en éléphant, riche d’une trompe démesurée.

On a recueilli, sous le nom de triple ban de l’enfer de Faust, une sorte de rituel infernal qui donne des formules de la dernière stupidité pour évoquer toute espèce de démons. On y voit qu’il faut écrire des sommations à comparaître sur du papier noir avec du sang de corbeau. Voy. {{DIv|Pactes. — Wagner, disciple de Faust, Videman et plusieurs autres, ont écrit l’histoire de Faust. Goethe en a fait un poëme singulier[621].

Fechner (Jean), auteur d’un traité latin sur la pneumatique, ou doctrine des esprits selon les plus célèbres philosophes de son temps. Breslau, in-12, 1698.

Fécondité. De graves écrivains affirment que le vent produit des poulains et des perdrix. Varron dit qu’en certaines saisons le vent rend fécondes les juments et les poules de Lusitanie. Virgile, Pline, Columelle, ont adopté ce conte, et le mettent au nombre des faits constamment vrais, quoiqu’on n’en puisse dire la raison. On a soutenu autrefois beaucoup d’impertinences de ce genre, qui aujourd’hui sont reconnues des erreurs. On a publié un arrêt donné en 1537 par le parlement de Grenoble, qui aurait reconnu la fécondité d’une femme produite par la seule puissance de l’imagination. Cet arrêt supposé n’est qu’une assez mauvaise plaisanterie.

Fécor, compagnon d’Anarazel. Voy. ce mot.

Fées. Si les histoires des génies sont anciennes dans l’Orient, la Bretagne a peut-être le droit de réclamer les fées et les ogres. Nos fées ou fades (fatidicœ) sont assurément les druidesses de nos pères. Chez les Bretons, de temps immémorial, et dans tout le reste des Gaules, pendant la première race des rois francs, on croyait généralement que les druidesses pénétraient les secrets de la nature, et disparaissaient du monde visible. Elles ressemblaient en puissance aux magiciennes des Orientaux. On en a fait des fées. On disait qu’elles habitaient au fond des puits, au bord des torrents, dans des cavernes sombres. Elles avaient le pouvoir de donner aux hommes des formes d’animaux, et faisaient quelquefois dans les forêts les mêmes fonctions que les nymphes du paganisme. Elles avaient une reine qui les convoquait tous les ans en assemblée générale, pour punir celles qui avaient abusé de leur puissance et récompenser celles qui avaient fait du bien.

Dans certaines contrées de l’Écosse, on dit que les fées sont chargées de conduire au ciel les âmes des enfants nouveau-nés, et qu’elles aident ceux qui les invoquent à rompre les maléfices de Satan. On voit dans tous les contes et dans les vieux romans de chevalerie, où les fées jouent un très-grand rôle, que, quoique immortelles, elles étaient assujetties à une loi qui les forçait à prendre tous les ans, pendant quelques jours, la forme d’un animal, et les exposait, sous cette métamorphose, à tous les hasards, même à la mort, qu’elles ne pouvaient recevoir que violente. On les distinguait en bonnes et méchantes fées ; on était persuadé que leur amitié ou leur haine décidait du bonheur ou du malheur des familles. À la naissance de leurs enfants, les Bretons avaient grand soin de dresser dans une chambre écartée une table abondamment servie, avec trois couverts, afin d’engager les mères ou fées à leur être favorables, à les honorer de leur visite, et à douer le nouveau-né de quelques qualités heureuses. Ils avaient pour ces êtres mystérieux le même respect que les premiers Romains pour les carmentes, déesses tutélaires des enfants, qui présidaient à leur naissance, chantaient leur horoscope et recevaient des parents un culte.

On trouve des fées chez tous les anciens peuples du Nord, et c’était une opinion partout adoptée que la grêle et les tempêtes ne gâtaient pas les fruits dans les lieux qu’elles habitaient. Elles venaient le soir, au clair de la lune, danser dans les prairies écartées ; elles se transportaient aussi vite que la pensée partout où elles souhaitaient, à cheval sur un griffon, ou sur un chat d’Espagne, ou sur un nuage. On assurait que, par un caprice de leur destin, les fées étaient aveugles chez elles et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu’il y avait entre les fées, comme parmi les hommes, inégalité de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes on voit souvent une bonne fée vaincue par une méchante qui a plus de pouvoir.

Les cabalistes ont aussi adopté l’existence des fées, mais ils prétendent qu’elles sont des sylphides, ou esprits de l’air. On vit, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les légendaires appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées. Corneille de Kempen assure que, du temps de Lothaire, il y avait en Frise quantité de fées qui séjournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu’au clair de la lune. Olaùs Magnus dit qu’on en voyait beaucoup en Suède de son temps. « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs dans le plus profond des forêts ; elles se montrent quelquefois, parlent à ceux qui les consultent, et s’évanouissent subitement. » On voit dans Froissart qu’il y avait

Fée des cavernes.


également une multitude de fées dans l’île de Céphalonie ; qu’elles protégeaient le pays contre tout méchef, et qu’elles s’entretenaient familièrement avec les femmes de l’île. Les femmes blanches de l’Allemagne sont encore des fées ; mais celles-là étaient presque toujours dangereuses.

Leloyer conte que les Écossais avaient des fées, ou fairs, ou fairfolks, qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fées paraissent être les striges, ou magiciennes, dont parle Ausone. Hector de Boëce, dans ses Annales d’Ecosse, dit que trois de ces fées prophétisèrent à Banquo, chef des Stuarts, la grandeur future de sa maison. Skakspeare, dans son Macbeth, en a fait trois sorcières. Il reste beaucoup de monuments de la croyance aux fées : telles sont ces grottes du Chablais qu’on appelle les grottes des fées. On n’y aborde qu’avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont l’eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L’eau qui distille dans la grotte supérieure, à travers le rocher, a formé, sous la voûte, la figure d’une poule qui couve ses poussins. À côté du bassin on voit un rouet, ou tour à filer, avec la quenouille. Les femmes des environs, dit un écrivain du dernier siècle, prétendent avoir vu autrefois, dans l’enfoncement, une femme pétrifiée au-dessus du rouet. Aussi on n’osait guère approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu on est devenu moins timide. Auprès de Ganges, en Languedoc, on montre une autre grotte des fées, ou grottes des demoiselles, dont on fait des contes merveilleux. On voit à Merlingen, en Suisse, une citerne noire qu’on appelle le puits de la fée. Non loin de Bord-Saint-Georges, à deux lieues de Chambon, on respecte encore les débris d’un vieux puits qu’on appelle aussi le puits des fées ou fades, et sept bassins qu’on a nommés les creux des fades. On voit près de là, sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : l’une est celle du pied de saint Martial, l’autre appartient, suivant la tradition, à la reine des fées, qui, dans un moment de fureur, frappa si fortement le rocher de son pied droit qu’elle en laissa la marque. On ajoute que, mécontente des habitants du canton, elle tarit les sources minérales qui remplissaient les creux des fées, et les fit couler à Évaux, où elles sont encore. On voyait près de Domremy l’arbre des fées : Jeanne d’Arc fut même accusée d’avoir eu des relations avec les fées qui venaient danser sous cet arbre.

On remarque dans la petite île de Concourie, à une lieue de Saintes, une haute butte de terre qu’on appelle le Mont des fées. La Bretagne est pleine de vestiges semblables : plusieurs fontaines y sont encore consacrées à des fées, lesquelles métamorphosent en or. en diamant, la main des indiscrets qui souillent l’eau de leurs sources[622]. Le mail d’Amiens, appelé aujourd’hui promenade de la Hautoye, était autrefois le mail des fées.

Le comte d’Angeweiller épousa une fée, comme le rapporte Tallemant des Réaux ; elle lui donna un gobelet, une cuiller et une bague, trois merveilleux objets qui restèrent dans sa famille comme gages de bonheur. On lit aussi dans la légende de saint Armentaire, écrite en l’an 1300, quelques détails sur la fée Esterelle, qui vivait auprès d’une fontaine où les Provençaux lui apportaient des offrandes. Elle donnait des breuvages enchantés aux femmes. Le monastère de Notre-Dame de l’Esterel était bâti sur le lieu qu’avait habité cette fée. Mélusine était encore une fée ; il y avait dans son destin cette particularité, qu’elle était obligée tous les samedis de : prendre la forme d’un serpent dans la partie inférieure de son corps. La fée qui épousa le seigneur d’Argouges, au commencement du quinzième siècle, l’avait, dit-on, averti de ne jamais parler de la mort devant elle ; mais un jour qu’elle s’était fait longtemps attendre, son mari, impatienté, lui dit qu’elle serait bonne à aller chercher la mort. Aussitôt la fée disparut en’laissant les traces de ses mains sur les murs, contre lesquels elle frappa plusieurs fois de dépit. C’est depuis ce temps que la noble maison d’Arj gouges porte dans ses armes trois mains posées en pal, et une fée pour cimier. L’époux de Mé ! I usine la vit également disparaître pour n’avoir, pu vaincre la curiosité de la regarder à travers la porte dans sa métamorphose du samedi L La reine des fées est Titania, épouse du roi ; Obéron, qui a inspiré à Wieland un poëme céi lèbre en Allemagne.

Felgenhaver (Paul), visionnaire allemand du dix-septième siècle. Il se vantait d’avoir reçu de Dieu la connaissance du présent, du passé et de l’avenir ; il prêchait un esprit astral, soumis aux régénérés (ses disciples), lequel esprit astral est celui qui a donné, dit-il, aux prophètes et aux apôtres le pouvoir d’opérer des prodiges et de chasser les démons. Ayant été mis en prison à cause de quelque scandale qu’il avait causé, il composa un livre où il prouvait là divinité de sa mission par ses souffrances. Il y raconte une révélation dont le Seigneur, à ce qu’on disait, l’avait favorisé. Ses principaux ouvrages sont :

Chronologie ou efficacité des années du monde, sans désignation du lieu d’impression, 1620, in-4o. Il prétend y démontrer que le monde est de deux cent trente-cinq ans plus vieux qu’on ne le croit : que Jésus-Christ est né l’an ! |235 de la création : et il trouve de grands mystères dans ce nombre, parce que le double septénaire y est contenu[623]. Or, le monde ne pouvant pas subsister plus de six mille ans, il n’avait plus, en 1620, à compter que sur une durée de cent quarante-cinq ans. Le jugement dernier était très-proche, et Dieu lui en avait révélé l’époque, qui était 1765. 2° Miroir des temps, dans lequel, indépendamment des admonitions adressées à tout le monde, on expose aux yeux ce qui a été et ce qui est parmi tous les États écrit par la grâce de Dieu et par l’inspiration du Saint-Esprit…, 1620, in-A° ; 3° Postillon ou Nouveau calendrier et pronosticon-astrologico-propheticum, présenté à tout l’univers et à toutes les créatures, 1636, in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résumé, nous paraît avoir été un rival de Matthieu Laensberg.

Femmes. Il y eut une doctrine adoptée par quelques hérétiques, que les femmes étaient des brutes, mulieres non esse homines. Les prélats, au second concile de Mâcon, foudroyèrent cette extravagance, qui venait des rabbins. Nous ne rapporterons pas ici toutes les mille et une erreurs qu’on a débitées contre les femmes. Delancre et Bodin assurent qu’elles sont bien plus aptes que les hommes à la sorcellerie, et que c’est une terrible chose qu’une femme qui s’entend avec le diable. D’anciens philosophes disent aussi que la présence des femmes en certains jours fait tourner le lait, ternit les miroirs, dessèche les campagnes, engendre des serpents et rend les chiens enragés. Les philosophes sont bien niais.

Femmes blanches. Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux


nymphes et à des fées qui se montraient en Allemagne, protégeant les enfants et s’intéressant à quelques fa milles. D’autres entendent par là certains fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches dans les bois et les prairies ; quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées dont elles laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu’elles peignent et qu’elles tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. En Bretagne, des femmes blanches, qu’on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.

Érasme parle d’une femme blanche célèbre en Allemagne et dont voici le conte : — « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche, qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s’est montré à la mort de la plupart des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd’hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tant que le château de Neuhaus sera debout. Elle y apparaît non-seulement quand quelqu’un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage ou qu’il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c’est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne aussi avoir ouï dire au baron d’Ungenaden, ambassadeur de l’empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir lorsqu’elle prédit en Bohême la mort de quelqu’un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s’étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l’une après l’autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s’est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui leur sont alliées. À l’égard de ses manières d’agir, elle passe quelquefois très-vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S’il arrive que quelqu’un la salue, pourvu qu’on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, une gravité de personne noble, et, après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s’en va. Elle n’adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle s’est fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours inconvenants tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre bonne envers les pauvres et se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques lorsque, après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu’elle a institué de son vivant. Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu’à ce qu’enfin un d’eux rappelât aux autres qu’il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fées.

Femmes-cygnes. Il y a des femmes-cygnes dans les légendes Scandinaves : ce sont des ondines ; mais elles ont quelque chose d’humain, quoiqu’elles ne soient pas de l’espèce, tandis que chez les Tartares de l’Altaï ce sont probablement des démons. On en voit une se déguiser en renard noir pour égarer les héros. Il paraît qu’elles sont au nombre de quarante. Un jour trente de ces femmes se métamorphosèrent en un seul loup-garou. Quelquefois elles concentrent leur quarante perfidies pour constituer une seule femme-cygne dont la malice est alors effroyable. Pour se défatiguer, elle avale du sang trois fois plein sa main, après quoi elle peut courir quarante ans sans désemparer[624].

Femmes vertes. Les Écossais donnent ce nom à des fées qui paraissent, aux lieux déserts, habillées de robes vertes éclatantes.

Fenris. Le loup Fenris est un des monstres de l’enfer Scandinave, né de Loke et de la géante Angerbode. Il est assez fort pour ébranler la terre. Il doit, à la fin du monde, dévorer Odin. Jusque-là il est enchaîné.

Fer chaud (épreuve du). Celui qui voulait se justifier d’une accusation, ou prouver la vérité d’un fait contesté, et que l’on condamnait pour cela à l’épreuve du fer chaud, était obligé de porter à neuf ou douze pas une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette épreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. Emma. Un mari de Didymotèque, soupçonnant la fidélité de sa femme, lui proposa d’avouer son crime ou de prouver son innocence par l’attouchement d’un fer chaud. Si elle avouait, elle était morte ; si elle tentait l’épreuve, elle craignait d’être brûlée. Elle eut recours à l’évêque de Didymotèque, prélat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la réparer. L’évêque, assuré de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue l’innocence, lui dit qu’elle pouvait sans crainte se soumettre à l’épreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois fois le tour d’une chaise, l’ayant toujours à la main ; et le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzène.

Sur la côte du Malabar, l’épreuve du fer chaud était aussi en usage. On couvrait la main du criminel d’une feuille de bananier, et l’on y appliquait un fer rouge ; après quoi le surintendant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de l’accusé avec une serviette trempée dans de l’eau de riz ; il la liait avec des cordons ; puis le roi appliquait lui-même son cachet sur le nœud. Trois jours après on déliait la main et on déclarait le prévenu innocent, s’il ne restait aucune marque de brûlure ; mais s’il en était autrement, il était envoyé au supplice. — Au reste, l’épreuve du fer chaud est fort ancienne ; car il en est question dans l’Electre de Sophocle.

Ferdinand IV, dit l’Ajourné, roi de Castille et de Léon, né en 1285. Ayant condamné à mort deux frères que l’on accusait d’avoir assassiné un seigneur castillan au sortir du palais, il voulut que la sentence fût exécutée, quoique les accusés protestassent de leur innocence et quoiqu’il n’y eût aucune preuve solide contre eux. Alors, disent les historiens de ce temps, les deux frères, en montant le rocher du haut duquel ils devaient être précipités, ajournèrent Ferdinand à comparaître dans trente jours au tribunal du juge des rois ; et, précisément trente jours après, le roi, s’étant retiré après le dîner pour dormir, fut trouvé mort dans son lit. Voy. Ajournement.

Fernand (Antoine), jésuite espagnol, auteur d’un commentaire assez curieux sur les visions et révélations de l’Ancien Testament, publié en 1617.

Ferragus, géant dont parle la Chronique de l’archevêque Turpin. Il avait douze pieds de haut et la peau si dure qu’aucune lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut vaincu par l’un des preux de Charlemagne.

Ferrier (Auger), médecin et astrologue, auteur d’un livre peu connu intitulé Jugements d’astronomie sur les nativités, ou horoscopes, in-16, qu’il dédia à la reine Catherine de Médicis. — Auger Ferrier a laissé encore un petit traité latin, De somniis, imprimé à Lyon en 1549, avec le traité d’Hippocrate sur les insomnies.

Féry (Jeanne), jeune fille de Sore, sur la Sambre, qui, ayant été maudite par son père, fut obsédée d’un démon dès l’âge de quatre ans. Il lui donnait du pain blanc et des pommes et faisait qu’elle ne sentait pas les coups qu’on lui appliquait comme châtiment. Lorsqu’elle fut grande, il la démoralisa peu à peu ; il lui fit signer un papier où elle renonçait à son baptême, à l’Église et au Christ. Elle avala ensuite ce papier dans une orange, et, livrée au démon, elle commit tous les péchés imaginables, profanations, sacrilèges, blasphèmes, abominations. Elle était transportée aux réunions diaboliques, où elle adora plusieurs démons ; elle en nomma quelques-uns dans sa confession : l’un s’appelait Charme, un autre Ninus, un autre Esprit de Sang, un autre Béléal, etc. Lorsqu’elle eut vingt-cinq ans, on remarqua à beaucoup de signes qu’elle était possédée. L’archevêque de Cambrai, Louis de Berlaimont, la fit exorciser. Mais ces exorcismes, où de grandes horreurs furent révélées, durèrent près de deux ans ; et une foule de témoignages très-graves ne permettent pas de contester cette histoire, dont les détails nombreux sont reproduits par Gôrres au livre VIII de sa Mystique, chap. xii. La malheureuse Jeanne fut délivrée enfin par la protection spéciale de sainte Marie Madeleine qu’elle invoquait ardemment.

Festins du sabbat. Le sel n’y paraît jamais. Le pain n’est pas fait de farine de blé, mais de farine de pois. Les viandes sont de la chair de chien ou de chat volé. Si elle est en putréfaction, c’est un régal. On mange des cadavres d’enfants. En quelques lieux, les habitués du sabbat ont déterré le corps d’un des leurs décédé et l’ont mangé à toutes sauces. Dans les procès des sorciers, on voit des sorcières convaincues d’avoir mis à la broche des enfants dérobés. On ne boit que des liqueurs. Le vin, l’huile, le sel et tout ce que l’Église bénit est exclu dans ces hideuses fêtes.

Fêtes dans l’Inde. Nous donnons ici une idée du culte public en un pays où les Anglais, depuis cent ans, auraient porté la lumière s’ils étaient restés catholiques : c’est la fête que les Hindous célèbrent au commencement d’octobre, en l’honneur de la déesse Dourga, épouse de Siva, appelée aussi Bhavani, et de sa fille Cali, née de son œil, appelée encore Mohakali, la noire, la grande noire, et Roudrani, la mère des larmes. Cette fête est l’une des plus magnifiques, des plus coûteuses et des plus populaires du culte hindou. Voici les détails que donne, à propos de ces cérémonies religieuses, l’India, de J.-Th. Stocqueler :

Les préliminaires seuls prennent plus de temps que l’adoration, qui dure cependant trois jours.

Pendant toute cette période, les affaires sont suspendues, et chacun se livre sans mesure au plaisir et à la gaieté. Le premier jour on donne la vue et l’existence à l’idole destinée à devenir l’objet de la vénération générale. Un brahmes en acquitte en touchant les joues, les yeux, la poitrine et le front de la divinité, en disant : « Puisse l’âme de Dourga être longtemps heureuse dans ce corps ! » D’autres cérémonies, ainsi que l’immolation d’un grand nombre de bestiaux, tels que des bisons, des moutons, des chèvres, etc., succèdent à celle-là. La chair et le sang des victimes sont offerts en holocauste aux images de la déesse et des divinités qui l’entourent. Les cérémonies et les sacrifices qui s’accomplissent le deuxième et le troisième jour sont presque semblables à ceux du premier. À la fin, lorsque tous les animaux ont été immolés, la multitude se couvre de boue et de sang coagulé, puis danse avec frénésie au lieu même où elle s’est prosternée. Le lendemain des fêtes, l’idole est dépouillée de ses pouvoirs par le même brahme qui l’en avait revêtue.

Cette statue, l’une des plus révoltantes qu’on puisse imaginer, représente Dourga ou Cali, personnifiant la mort : c’est une horrible femme très-noire, quelquefois bleue, qui tient d’une de ses quatre mains un cimeterre, de l’autre une tête de géant qu’elle a saisie par les cheveux ; de la troisième, étendue tout ouverte, elle semble bénir, et de la quatrième elle défend d’avoir peur. Ses boucles d’oreilles sont deux squelettes ; son collier une rangée de crânes. Sa langue tombe jusqu’au bas de son menton, en témoignage de la honte qu’elle éprouve en s’apercevant que, dans sa fureur indomptable, elle a foulé aux pieds son mari Siva. Des têtes de géants coupées entourent sa taille d’une ceinture, et ses nattes tombent jusque sur ses talons. Comme elle a bu le sang des géants qu’elle a tués pendant le combat, ses sourcils ont pris la couleur du breuvage qui l’a désaltérée, et un ruisseau vermeil, de la même nature, s’échappe de sa poitrine ; ses yeux sont rouges comme ceux d’un ivrogne ; elle est debout, un pied sur la poitrine de son mari, l’autre sur sa cuisse.

Cette statue est placée par les prêtres sur une estrade de bambous et transportée, accompagnée d’une foule immense, au bruit des tambours, des cornets et d’autres instruments hindous, sur la rive du fleuve sacré ; on la précipite dans les flots, en présence d’un concours de tous rangs et de toutes conditions, tandis que les prêtres invoquent la déesse et lui demandent la vie, la santé et la prospérité, la suppliant, elle, leur mère universelle, comme ils disent, de retourner momentanément dans ses domaines, pour revenir plus tard au milieu d’eux.

Pendant ces trois jours d’adoration, les maisons des riches Hindous sont splendidement illuminées la nuit, et ouvertes le jour à tout venant.

Mais tout n’est pas fini : le jour suivant on apporte des villages, souvent fort éloignés du fleuve, des idoles que l’on vient y jeter, et le tumulte, la confusion qui règnent alors sont indescriptibles. Les statues exhibées en pareille occasion sont faites de foin, de morceaux de bois, d’argile, et quelques-unes atteignent dix à douze pieds de haut.

Ces fêtes absorbent des sommes immenses ; une partie, et c’est la plus considérable, est distribuée en aumônes, employées à nourrir et à vêtir les prêtres et les mendiants ; le reste est consacré aux réjouissances publiques et à enrichir les bayadères qui dansent devant la déesse.

Les Anglais n’ont jamais porté la lumière dans ces hideuses ténèbres ; et ils n’ont rien fait pour empêcher ces abominations.

Fétiches, divinités des nègres de Guinée. Ces divinités varient : ce sont des animaux desséchés, des branches d’arbres, des arbres mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. Ils en ont de petits qu’ils portent au cou ou au bras, souvent des coquillages. Ils honorent un arbre qu’ils appellent l’arbre des fétiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Cet arbre est un oracle que l’on consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaître sa réponse par l’organe d’un chien noir, qui est le diable, selon nos démonographes. — Un énorme rocher nommé Tabra, qui s’avance dans la mer en forme de presqu’île, est le grand fétiche du cap Corse. On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fétiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation à son principal fétiche, qui est souvent une défense d’éléphant.

Nous empruntons ce qui suit à la Revue coloniale:

« Dans les deux Guinées règne partout un affreux fétichisme, avec un cortège de superstitions ridicules, dégradantes et parfois cruelles. La métempsycose, la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et même souvent l’anthropophagie sont consacrés par la religion.

» Pour comprendre la force et l’influence des idées et des pratiques superstitieuses de ces peuples, il est bon de faire observer qu’elles font partie intégrante de leur état social, et que les fétichistes, pas plus que les mahométans, n’établissent de distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux. Chez eux les idées et les pratiques religieuses sont l’essence de leur état social. Aussi le culte de leurs fétiches ou génies protecteurs se révèle partout, dans la vie publique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fétiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de l’individu.

» C’est au nom du fétiche que les chefs gouvernent, qu’ils jugent les litiges, qu’ils règlent le commerce et même l’usage des aliments. C’est au nom du fétiche que le maître exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient l’aliment de l’homme. C’est au fétiche supposé irrité qu’on immole des victimes humaines pour l’apaiser.

» Les formes sous lesquelles le fétiche est honoré varient selon les pays. Tantôt c’est sous la figure d’un animal, tel que le lézard, le cheval, l’hyène, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent ; tantôt c’est sous la forme d’un arbre ou d’une plante dont l’espèce devient sacrée ; tantôt, enfin, c’est sous l’image d’une statuette de bois à figure humaine. »

Feu. Plusieurs nations ont adoré cet élément. En Perse, on faisait des enclos fermés de murailles et sans toit, où l’on entretenait du feu. Les grands y jetaient des essences et des parfums. Quand un roi de Perse était à l’agonie, on éteignait le feu dans les villes principales du royaume, pour ne le rallumer qu’au couronnement de son successeur. Certains Tartares n’abordent jamais les étrangers qu’ils n’aient passé entre deux feux pour se purifier ; ils ont bien soin de boire la face tournée vers le midi, en l’honneur du feu. Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu’il existe dans le feu un être qui dispense le bien et le mal ; ils lui offrent des sacrifices perpétuels.

On sait que, selon les cabalistes, le feu est l’élément des Salamandres. Voy. ce mot.

Parmi les épreuves superstitieuses qu’on appelait jugements de Dieu, l’épreuve du feu ne doit pas être oubliée. Voy. Fer chaud, Eau bouillante, etc.

Feu de la Saint-Jean. En 1634, à Quimper, en Bretagne, les habitants mettaient encore des sièges auprès des feux de joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents morts pussent en jouir à leur aise. — On réserve, en ce pays, un tison du feu de la Saint-Jean pour se préserver du tonnerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se marier dans l’année, sont obligées de danser autour de neuf feux de joie dans cette même nuit : ce qui n’est pas difficile, car ces feux sont tellement multipliés dans la campagne qu’elle paraît illuminée. On conserve ailleurs la même opinion qu’il faut garder des tisons du feu de Saint-Jean comme d’excellents préparatifs qui, de plus, portent bonheur. — À Paris, autrefois, on jetait deux douzaines de petits chats (emblèmes du diable sans doute) dans le feu de la Saint-Jean[625] parce qu’on était persuadé que les sorciers faisaient leur grand sabbat cette nuit-là. — On disait aussi que la nuit de la Saint-Jean était la plus propre aux maléfices, et qu’il fallait recueillir alors le trèfle à quatre feuilles, et toutes les autres herbes dont on avait besoin pour les sortilèges.

Feu grégeois. Du terrible feu grégeois et de la manière de le composer. « Ce feu est si violent qu’il brûle tout ce qu’il touche, sans pouvoir être éteint, si ce n’est avec de l’urine, de fort vinaigre ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du tartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentréole et de l’huile commune ; on fait bien bouillir le tout, jusqu’à ce qu’un morceau de toile qu’on aura jeté dedans soit consumé ; on le remue avec une spatule de fer. Il ne faut pas s’exposer à faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour ; parce que si le feu prenait, on serait très-embarrassé pour l’éteindre[626]. » Ce n’est sans doute pas là le feu grégeois d’Archimède.

Feu Saint-Elme, ou Feu Saint-Germain, ou Feu Saint-Anselme. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, parle d’un feu qui parut plusieurs fois au haut du grand mât du vaisseau sur lequel il était monté ; il le nommait feu Saint-Germain ; d’autres, feu Saint-Elme, et feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce prodige à Castor et Pollux, parce que quelquefois il paraît double. Les physiciens disent que ce n’est qu’une exhalaison enflammée. Mais les anciens croyaient y voir quelque chose de surnaturel et de divin[627].

Feux follets. On appelle feux follets, ou esprits follets, ces exhalaisons enflammées que la terre, échauffée par les ardeurs de l’été, laisse échapper de son sein, principalement dans les longues nuits de l’Avent ; et, comme ces flammes roulent naturellement vers les lieux bas et les


marécages, les paysans, qui les prennent pour de malins esprits, s’imaginent qu’ils conduisent au précipice le voyageur égaré que leur éclat éblouit, et qui prend pour guide leur trompeuse lumière. Olaùs Magnus dit que les voyageurs et les bergers de son temps rencontraient des esprits follets qui brûlaient tellement l’endroit où ils passaient qu’on n’y voyait plus croître ni herbe ni verdure[628]. Chez les Russes et chez les Polonais, les feux follets sont les âmes des morts.

Un jeune homme, revenant de Milan pendant une nuit fort noire, fut surpris en chemin par un orage ; bientôt il crut apercevoir dans le lointain une lumière et entendre plusieurs voix à sa gauche ; peu après il distingua un char enflammé qui accourait à lui, conduit par des bouviers dont les cris répétés laissaient entendre ces mots : Prends garde à toi ! Le jeune homme épouvanté pressa son cheval ; mais plus il courait, plus le char le serrait de près. Enfin, après une heure de course, il arriva, en se recommandant à Dieu de toutes ses forces, à la porte d’une église où tout s’engloutit. Cette vision, ajoute Cardan, était le présage d’une grande peste qui ne tarda pas à se faire sentir, accompagnée de plusieurs autres fléaux. Cardan était enfant lorsqu’on lui raconta cette histoire, de sorte qu’il peut aisément l’avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut la vision n’avait que vingt ans ; il était seul, il avait éprouvé une grande frayeur. Quant à la peste qui suivit, elle était occasionnée, aussi bien que l’exhalaison, par une année de chaleurs extraordinaires. Voy. Elfs, Jack of Lantern, etc.

Un des habitants de Cardigan, en Écosse, eut une vision de follets qui ne paraît pas tant une illusion. Elle est rapportée par Barter, dans son livre De la certitude des esprits. S’étant réveillé une nuit après minuit sonné, il vit entrer successivement, un à un, dans sa chambre, douze feux follets qui avaient forme de femmes portant de petits enfants. Sa chambre en était parfaitement éclairée. Les follets, après avoir dansé, s’assirent autour d’un tapis et parurent se disposer à souper. Ils l’invitèrent même à venir manger avec eux ; et comme il priait pendant cette vision, une voix lui dit de n’avoir pas peur. Au bout de quatre heures la vision disparut. Celui qui l’avait eue jura qu’il était bien éveillé et qu’il n’était pas le jouet d’une illusion. C’était un homme de bon sens et qui méritait confiance.

Féval (Paul), auteur de la belle légende intitulée la Femme blanche des marais, de la Fée des grèves et Du fils du diable. 1846. Ce dernier ouvrage est moins recommandable.

Fèves. Pythagore défendait à ses élèves de manger des fèves, légume pour lequel il avait une vénération particulière, parce qu’elles servaient à ses opérations magiques et qu’il savait bien qu’elles étaient animées. On dit qu’il les faisait bouillir ; qu’il les exposait ensuite quelques nuits à la lune, jusqu’à ce qu’elles vinssent à se convertir en sang, dont il se servait pour écrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il faisait voir à ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, tout ce qu’il avait écrit sur son miroir… Pythagore avait puisé ses idées sur les fèves chez les Égyptiens, qui ne touchaient pas à ce légume, s’imaginant qu’il servait de refuge à certaines âmes, comme les oignons servaient de logement à certains dieux. On conte qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver à travers un champ de fèves. C’est du moins une légende borgne très-répandue. Quoi qu’il en soit, on offrait chez les anciens des fèves noires aux divinités infernales.

Il y avait en Égypte, aux bords du Nil, de petites pierres faites comme des fèves, lesquelles mettaient en fuite les démons. N’étaient-ce pas des fèves pétrifiées ? Festus prétend que la fleur de la fève a quelque chose de lugubre, et que le fruit ressemble exactement aux portes de l’enfer… Dans l’ Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincue, page 263, Delancre dit qu’en promenant une fève noire, avec les mains nettes, par une maison infestée, et la jetant ensuite derrière le dos en faisant du bruit avec un pot de cuivre et priant neuf fois les fantômes de fuir, on les force de vider le terrain. Les jeunes filles de Venise pratiquaient avec des fèves noires une divination qui n’est pas encore passée de mode. Quand on veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le plus fidèle, on prend des fèves noires, on leur donne à chacune le nom d’un des jeunes gens par qui on est recherchée, on les jette ensuite sur le carreau : la fève, qui se fixe en tombant, annonce le cœur certain ; celles qui s’écartent avec bruit sont des poursuivants volages.

Fey, nom que l’on donne en Écosse à toute personne que l’on croit ensorcelée.

Fian, docteur en médecine, qui, selon les procédures, était associé ou affilié aux sorcières du temps du roi Jacques. Voy. Jacques.

Fiard (l’abbé), auteur de Lettres philosophiques sur la magie, du livre intitulé la France trompée par les démonolâtres, d’un autre intitulé les Précurseurs de l’Antéchrist, d’un autre intitulé Superstitions et prestiges des philosophes ou les démonolâtres du siècle de lumières, mort à Paris en 1818. On l’a beaucoup critiqué, parce qu’il voyait dans les ennemis de Dieu des serviteurs du diable. C’est pourtant conforme à l’adage divin : qui n’est pas pour moi est contre moi. Il disait que Voltaire était un démon ; mais Thomas l’a dit avant lui.

Ficino (Marsile), philosophe florentin, né en 1433. Un jour qu’il disputait avec Michel Mercati, son disciple, sur l’immortalité de l’âme, comme ils ne s’entendaient pas, ils convinrent que le premier qui partirait du monde en viendrait donner des nouvelles à l’autre. Peu après ils se séparèrent. Un soir que Michel Mercati, bien éveillé, s’occupait de ses études, il entendit le bruit d’un cheval qui venait en toute hâte à sa porte, et en même temps la voix de Marsile Ficino qui lui criait : — Michel, rien n’est plus vrai que ce qu’on dit de l’autre vie. — Michel Mercati ouvrit la fenêtre et vit son maître Ficino, monté sur un cheval blanc, qui s’éloignait au galop. Il lui cria de s’arrêter ; mais Marsile Ficino continua sa course jusqu’à ce qu’on ne le vit plus. Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt chez Ficino et apprit qu’il venait d’expirer.

Marsile Ficino a publié sur l’astrologie, sur l’alchimie, sur les apparitions et sur les songes, divers ouvrages devenus rares.

Fidélité. On lit dans Les admirables secrets d’Albert le Grand qu’en mettant un diamant sur la tête d’une femme qui dort, on connaît si elle est fidèle ou infidèle ; parce que, si elle est infidèle, elle s’éveille en sursaut et de mauvaise humeur ; si, au contraire, elle est fidèle, elle a un réveil gracieux. Le Petit Albert dit qu’on peut être bien sûr de la fidélité d’une femme, quand on lui a fait manger de la moelle de l’épine du dos d’un loup[629].

Fien (Thomas), Anversois, auteur d’un livre curieux sur les effets prodigieux de l’imagination, De viribus imaginationis, Londres, 1657.

Fientes. Des vertus et propriétés de plusieurs sortes de fientes. — « Comme l’homme est la plus noble créature, ses excréments ont aussi une propriété particulière pour guérir plusieurs maladies. Dioscoride et Galien en font cas et assurent qu’ils enlèvent les maux de gosier ou esquinancies. Voici la manière de les préparer. On donnera à manger à un jeune homme de bon tempérament des lupins pendant trois jours et du pain bien cuit, où il y aura du levain et du sel ; on lui fera boire du vin clairet, et on gardera les excréments qu’il rendra après trois jours de ce régime. On les mêlera avec autant de miel, et on les fera boire et avaler comme de l’opiat, ou bien, si le malade n’est pas ragoûté d’un tel condiment, on les appliquera comme un cataplasme : le remède est infaillible. » Nous ne dirons pas s’il est agréable.

Fiente de chien. — « Si on enferme un chien et qu’on ne lui donne pendant trois jours que des os à ronger, on ramassera sa fiente, qui, séchée et réduite en poudre, est un admirable remède contre la dyssenterie. On prendra des cailloux de rivière qu’on fera chauffer ; ensuite on les jettera dans un vaisseau plein d’urine, dans lequel on mettra un peu de cette fiente de chien réduite en poudre ; on en donnera à boire au malade deux fois la journée, pendant trois jours, sans qu’il sache ce qu’on lui donne… Cette fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs pour les vieux ulcères malins et invétérés… »

Fiente de loup. — « Comme on sait que cet animal dévore souvent les os avec tel chair de sa proie, on prendra les os que l’on trouvera parmi sa fiente, parce que, pilés bien menus, bus dans du vin, c’est un spécifique contre la colique. »

Fiente de bœuf et de vache. — « La fiente de bœuf et de vache, récente et nouvelle, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de chou, et chauffée dans les cendres, guérit les inflammations causées par les plaies. La même fiente apaise la sciatique. Si on la mêle avec du vinaigre, elle a la propriété de faire suppurer les glandes scrofuleuses et écrouelles. Galien dit qu’un médecin de Mysie guérissait toutes sortes d’hydropisies en mettant sur l’enflure de la fiente chaude de vache. Cette fiente aussi appliquée sur la piqûre des mouches à miel, frelons et autres, en enlève aussitôt la douleur. »

Fiente de porc. — « Cette fiente guérit les crachements de sang. On la fricasse avec autant de crachats de sang du malade, y ajoutant du beurre frais, et on la lui donne à avaler (s’il en a le courage). »

Fiente de chèvre. — « La fiente de chèvre a la vertu de faire suppurer toutes sortes de tumeurs. Galien guérissait fort souvent ces tumeurs et les duretés des genoux, mêlant cette fiente avec de la farina d’orge et de l’oxycrat, et l’appliquant en forme de cataplasme sur la dureté ; elle est admirable pour les oreillons, mêlée avec du beurre frais et de la lie d’huile de noix. Ce secret semblera ridicule ; mais il est véritable, car on a guéri plus de vingt personnes de la jaunisse, leur faisant boire tous les matins, pendant huit jours, à jeun, cinq petites crottes de chèvre dans du vin blanc… »

Fiente de brebis. — « Il ne faut jamais prendre cette fiente par la bouche comme celle des autres animaux, mais l’appliquer extérieurement sur le mal : elle a les mêmes propriétés que la fiente de chèvre. Elle guérit toutes sortes de verrues, de furoncles durs et de clous, si on la détrempe avec du vinaigre, et qu’on l’applique sur la douleur. »

Fiente des pigeons ramiers et des pigeons domestiques. — « Pour les douleurs de l’os ischion, la fiente des pigeons ramiers ou domestiques est admirable, étant mêlée avec de la graine de cresson d’eau ; et lorsqu’on veut faire mûrir une tumeur ou une fluxion, on peut user d’un cataplasme dans lequel entre une once de cette fiente, deux drachmes de graine de moutarde et de cresson, une once d’huile distillée de vieilles tuiles. Il est sûr que plusieurs personnes ont été guéries par cette fiente, mêlée avec de l’huile de noyaux de pêches. » Galien dit que la fiente d’oie est inutile à cause de son âcreté ; mais on est certain qu’elle guérit aussi de la jaunisse, lorsqu’on la détrempe dans du vin blanc et qu’on en boit pendant neuf jours. « Dioscoride dit que la fiente de poule ne peut être efficace que pour guérir de la brûlure, lorsqu’elle est mêlée avec de l’huile rosat ; mais Galien et Éginette assurent que, jointe avec de l’oxymel, cette fiente apaise la suffocation et soulage ceux qui ont mangé des champignons, car elle fait vomir tout ce qui embarrasse le cœur. Un médecin du temps de Galien guérissait la colique avec cette fiente, détrempée d’hypocras fait de miel et de vin. La fiente de souris, mêlée avec du miel, fait revenir le poil lorsqu’il est tombé, pourvu qu’on en frotte l’endroit avec cette mixtion… »

« Pour conserver la beauté, voici un secret très-important au beau sexe : c’est une manière de faire le fard. On prendra de la fiente de petits lézards, du tartre de vin blanc, de la raclure de corne de cerf, du corail blanc et de la farine de riz, autant de l’un que de l’autre ; on broiera le tout dans un mortier, bien menu, on le fera tremper ensuite dans de l’eau distillée d’une semblable quantité d’amandes, de limaces de vigne ou de jardin, et de fleurs de bouillon-blanc, après cela on y mêlera autant de miel blanc, et l’on broiera encore le tout ensemble. Cette composition doit être conservée dans un vase d’argent ou de verre, et l’on s’en servira pour se frotter le visage et les mains[630]… » Voilà, convenez-en, une singulière pharmacopée.

Fièvre. Quelques personnes croient encore se guérir de la fièvre en buvant de l’eau bénite la veille de Pâques ou la veille de la Pentecôte. En Flandre, on croyait autrefois que ceux qui sont nés un vendredi ont reçu de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre[631].

Figuier (M. Louis), auteur d’études curieuses sur le merveilleux dans les temps modernes. Trop sceptique.

Figures du diable. Le diable change souvent de formes, selon le témoignage de quantité de sorcières. Marie d’Aguerre confessa qu’il sortait en figure de bouc d’une cruche placée au milieu du sabbat. Françoise Secrétain déclara qu’il avait la mine d’un grand cadavre. D’autres sorcières ont dit qu’il se faisait voir sous les

Une des figures du diable.


traits d’un tronc d’arbre, sans bras et sans pieds, assis dans une chaire, ayant cependant quelque forme de visage humain. Mais plus généralement c’est un bouc ayant deux cornes par devant et deux par derrière. Lorsqu’il n’a que trois cornes, on voit une espèce de lumière dans celle du milieu, laquelle sert à allumer les bougies noires du sabbat. Il a encore une manière de bonnet ou chapeau au-dessus des cornes. Il s’est montré aussi en squelette.

On a prétendu que le diable se présente souvent sous l’accoutrement d’un homme qui ne veut pas se laisser voir clairement, et qui a le visage rouge de feu[632]. D’autres disent qu’il a deux visages à la tête, comme Janus. Delancre rapporte que, dans les procédures de la Tournelle, on l’a représenté en grand lévrier noir, et parfois ressemblant à un bœuf d’airain couché à terre. Il prend encore la forme d’un dragon, ou bien c’est un gueux qui porte les livrées de la misère, dit Leloyer. D’autres fois il abuse de la figure des prophètes ; et, du temps de Théodose, il prit celle de Moïse pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer à pied sec[633]. Le commentateur de Thomas Valsingham rapporte que le diable sortit du corps d’un diacre schismatique sous la figure d’un âne, et qu’un ivrogne du comté de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin déguisé en grenouille. Leloyer cite quelque part un démon qui se montra à Laon sous la figure d’une mouche ordinaire. Ces métamorphoses diverses que se donnent les démons pour se faire voir aux hommes sont multipliées à l’infini. Quand ils apparaissent avec un corps d’homme, on les reconnaît à leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs griffes et à leurs cornes, qu’ils peuvent bien cacher en partie, mais qu’ils ne déposent jamais entièrement.

Cœsarius d’Heisterbach ajoute à ce signalement qu’en prenant la forme humaine, le diable n’a ni dos ni derrière, de sorte qu’il se garde de montrer ses talons. (Miracul. lib. III.) Les Européens représentent ordinairement le diable avec un teint noir et brûlé ; les nègres au contraire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un officier français se trouvant au dix-septième siècle dans le royaume d’Ardra, en Afrique, alla faire une visite au chef des prêtres du pays. Il aperçut dans la chambre du pontife une grande poupée blanche et demanda ce qu’elle représentait. On lui répondit que c’était le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Français, le diable est noir. — C’est vous qui êtes dans l’erreur, répliqua le vieux prêtre ; vous ne pouvez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tous les jours, et je vous assure qu’il est blanc comme vous[634]. Voy. à leurs articles particuliers les principaux démons. Voy. aussi Formes.

Fil de la Vierge. Les bonnes gens croient que ces flocons blancs cotonneux qui nagent dans l’atmosphère et descendent du ciel sont des présents que la sainte Vierge nous fait, et que c’est de sa quenouille céleste qu’elle les détache. Ils annoncent le beau temps. Le physicien Lamarck prétend que ce ne sont pas des toiles d’araignées ni d’autres insectes fileurs, mais des filaments atmosphériques qui se remarquent dans les jours qui n’ont pas offert de brouillard. Selon le résultat des observations de ce savant, le fil de la Vierge n’est qu’un résidu des brouillards dissipés, et en quelque sorte réduits et condensés par l’action des rayons solaires, « de sorte qu’il ne nous faudrait qu’une certaine suite de beaux soleils et de brouillards secs pour approvisionner nos manufactures et nous fournir un coton tout filé, beaucoup plus beau que celui que nous tirons des pays chauds[635]. »

Filiat-Chout-Chi, dieu des Kamtschadales, père de Touita.

Filles du diable. Voy. Mariage du diable.

Fin du monde. Hérodote a prédit que le monde durerait 10, 800 ans ; Dion, qu’il durerait 13, 984 ans ; Orphée, 120, 000 ; Cassander, 1, 800, 000. Il serait peut-être mieux de croire à ces gens-là, dont les prédictions ne sont pas encore démenties, qu’à une foule de prophètes, maintenant réputés sots dans les annales astrologiques. Tels furent Aristarque, qui prédisait la débâcle générale du genre humain en l’an du monde 3384 ; Darétès en l’an 5552 ; Arnauld de Villeneuve, en l’an de Notre-Seigneur 1395 ; Jean Hilten, Allemand, en 1651. L’Anglais Wistons, explicateur de l’Apocalypse, qu’il voulait éclaircir par la géométrie et l’algèbre, avait conclu, après bien des supputations, que le jugement dernier aurait lieu en 1715, ou au plus tard en 1716. On nous a donné depuis bien d’autres frayeurs. Le 18 juillet 1816 devait être le dernier jour. M. de Krudener l’avait remis à 1819, M. de Libenstein à 1823, M. de Sallmard-Montfort à 1836, et d’autres prophètes, sans plus de succès, au 6 janvier 1840. Attendons ; mais si nous sommes sages, tenons-nous prêts.

Non loin d’Avignon et, village qui est auprès de Villefranche en Languedoc, est un petit monticule situé au milieu d’une des plus fertiles plaines de l’Europe ; au haut de ce monticule sont placées les pierres de Naurause, c’est-à-dire deux énormes blocs de granit qui doivent avoir été transportés là du temps des druides. Or, il faut que vous sachiez (tous les gens du pays vous le diront) que quand ces deux pierres viendront à se baiser, ce sera le signal de la fin du monde. Les vieilles gens disent que depuis un siècle elles se sont tellement rapprochées qu’un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, tandis qu’il y a cent ans un homme à cheval y passait sans difficulté. Voy. Bernard de Thuringe, Felgenhaver, Éclipses, etc.

Finnes. On lit dans Albert Krantz[636] que les Finnes ou Finlandais sont sorciers, qu’ils ont le pouvoir de connaître l’avenir et les choses cachées ; qu’ils tombent en extase ; que, dans cet état, ils font de longs voyages sans que leur corps se déplacent qu’à leur réveil ils racontent ce qu’ils ont vu, apportant en témoignage de la vérité une bague, un bijou que leur âme a pris en voyageant dans les pays éloignés. Delancre dit que ces sorciers du Nord vendent les vents, dans des outres, aux navigateurs, lesquels se dirigent alors comme ils veulent. Mais un jour un maladroit, qui ne savait ce que contenaient ces outres, les ayant crevées, il en sortit une si furieuse tempête que le vaisseau y périt. Olaùs Magnus rapporte que certains de ces magiciens vendaient aux navigateurs trois nœuds magiques serrés avec une courroie. En dénouant le premier de ces nœuds, on avait des vents doux et favorables ; le second en élevait de plus véhéments ; le troisième excitait les plus furieux ouragans.

Finskgalden, espèce de magie en usage chez les Islandais ; elle a été apportée en Islande par un magicien du pays, qui avait fait à ce dessein un voyage en Laponie. Elle consiste à maîtriser un esprit, qui suit le sorcier sous la forme d’un ver ou d’une mouche, et lui fait opérer des merveilles.

Fioravanti (Léonard), médecin, chirurgien et alchimiste du seizième siècle. On remarque parmi ses ouvrages, qui sont nombreux, le Résumé des secrets qui regardent la médecine, la chirurgie et l’alchimie[637]. Venise, 1571, in-8o, 1666 ; Turin, 1580.

Fiorina. Voy. Florine.

Fischer (Gertrude). M. l’abbé David, du diocèse de Liège, a conté l’histoire de cette fille, à la suite d’un récit très-remarquable intitulé le Million de l’usurière : « L’histoire d’une personne nommée Gertrude, fille de Fischer, bourgeois de Lubus, qui vivait au seizième siècle, prouve que l’amour de l’argent nous dispose quelquefois à recevoir les influences du démon. Gertrude n’avait qu’à prendre quelqu’un par son habit, ou par sa manche, ou par sa barbe, pour être sûre d’attraper toujours de l’argent ; puis elle le mettait aussitôt dans sa bouche, le mâchait et l’avalait, si on ne l’en empêchait. Plusieurs habitants de sa ville natale ont conservé longtemps des pièces de monnaie qui leur étaient venues d’elle. Son contemporain, le trop fameux docteur Martin Luther, fut consulté sur l’état de Gertrude. Il conseilla de la conduire au sermon et de prier Dieu pour elle. Les pasteurs protestants n’ayant rien pu pour la soulager, le père de Gertrude Fischer s’adressa à un prêtre catholique, qui reconnut en elle une véritable possession du démon de l’avarice, et la délivra par l’exorcisme. Gertrude servit, après sa guérison, comme domestique dans une maison où l’on n’eut qu’à se louer de sa conduite.

» Voici comment Gertrude avait été séduite par le démon. Elle était tourmentée du désir de posséder de l’or et de l’argent. Une nuit elle entend pendant son sommeil une voix qui lui dit : — De grandes richesses te seront données ; lève-toi. Gertrude obéit et voit devant elle un homme qui lui dit : — Si tu veux être mon esclave, tu posséderas tous mes trésors qui sont dans la terre. Elle avait eu l’imprudence de répondre, poussée par l’avarice : — Qui que tu sois, tu es mon maître. — Tout à coup l’apparition avait pris une forme terrible, et Gertrude était possédée. L’histoire de cette fille offre des circonstances bizarres qu’il est inutile de raconter[638]. Qu’on sache seulement qu’avant que le démon, chassé de son corps par les prières de l’Église, l’eût définitivement quittée, elle exerçait sur les métaux une attraction inimaginable. Gardons-nous (Jonc de l’avarice, qui, corroborée par des influences sataniques, peut nous attirer le même sort. »

Flade, recteur de l’université de Trêves, grand ennemi des sorciers, en fit brûler plusieurs ; après quoi, reconnu sorcier lui-même et vendu aux démons que ses cruautés servaient, il fut brûlé publiquement lui-même dans sa ville, en l’an 1586. Temps et pays de réforme !

Flaga, fée malfaisante des Scandinaves.


Quelques-uns disent que ce n’était qu’une magicienne qui avait un aigle pour monture.

Flambeaux. Trois flambeaux allumés dans la même chambre sont un présage de mort. Ayez donc soin d’en avoir deux ou quatre.

Flamel (Nicolas), célébrité du quatorzième siècle. On ne sait précisément ni la date ni le lieu de sa naissance, que l’on suppose avoir eu lieu à Paris ou à Pontoise. Il fut écrivain public aux charniers des Innocents, poêle, peintre, architecte. De pauvre qu’il était, il devint extrêmement riche, et on attribua sa fortune au bonheur qu’il avait eu de trouver la pierre philosophai. Les uns disent qu’elle lui fut révélée par un esprit dont on ne déclare pas l’espèce ; Quelques-uns les autres qu’il la dut à une certaine prière cabalistique que plusieurs curieux ont récitée sans profit, et qu’il parvint à changer le cuivre en or.

Dans un livre que M. Aug. Vallet, de l’École des chartes, a analysé, Flamel conte qu’il trouva, à force d’aides et d’application, le secret du grand œuvre. Il devint riche à cinq millions, qui en valaient plus de cinquante d’aujourd’hui. Mais ce ne sont là que des fables. L’abbé Vilain a démontré que Flamel était un simple bourgeois qui devint riche par le travail opiniâtre, et qui fit de bonnes œuvres. Toutefois bien des amateurs voient encore en lui le plus habile des philosophes hermétiques ; et il se trouve des gens, même de nos jours, qui croient que, grâce à la pierre philosophale, qui est aussi l’élixir de vie, Nicolas Flamel n’est pas mort.

Voici toutefois sa légende : « Une nuit, dit-on, pendant son sommeil, un ange lui apparut, tenant un livre assez remarquable, couvert de cuivre bien ouvragé, les feuilles d’écorce déliée, gravées d’une très-grande industrie, et écrites avec une pointe de fer. Une inscription en grosses lettres dorées contenait une dédicace faite à la gent des Juifs, par Abraham le Juif, prince, prêtre, astrologue et philosophe. — Flamel, dit l’ange, vois ce livre auquel tu ne comprends rien : pour bien d’autres que toi il resterait inintelligible ; mais tu y verras un jour ce que tout autre n’y pourrait voir. — À ces mots Flamel tend les mains pour saisir ce présent précieux ; mais l’ange et le livre disparaissent, et il voit des flots d’or rouler sur leur trace. Il se réveilla ; et le songe tarda si longtemps à s’accomplir, que son imagination s’était beaucoup refroidie, lorsqu’un jour, dans un livre qu’il venait d’acheter en bouquinant, il reconnut l’inscription du même livre qu’il avait vu en songe, la même couverture, la même dédicace et le même nom d’auteur. Ce livre avait pour objet la transmutation métallique, et les feuillets étaient au nombre de vingt et un, « qui font la mystérieuse combinaison cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit à étudier ; et, ne pouvant comprendre les figures, il fit un vœu, disent les conteurs hermétiques ? pour posséder l’interprétation d’icelles, qu’il n’obtint pourtant que d’un rabbin. Le pèlerinage à Saint-Jacques, qui était son vœu, eut lieu aussitôt ; Flamel en revint tout à fait illuminé. Et voici, selon les mêmes conteurs, la prière qu’il avait faite pour obtenir l’intelligence : — « Dieu tout-puissant, éternel, père de la lumière, de qui viennent tous les biens et tous les dons parfaits, j’implore votre miséricorde infinie ; laissez-moi connaître votre éternelle sagesse ; c’est elle qui environne votre trône, qui a créé et fait, qui conduit et conserve tout. Daignez me l’envoyer du ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre gloire, afin qu’elle soit et qu’elle travaille en moi ; car c’est elle qui est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes, qui possède la science et l’intelligence de toutes choses. Faites qu’elle m’accompagne dans toutes mes œuvres ; que par son esprit j’aie la véritable intelligence ; que je procède infailliblement dans l’art noble auquel je me suis consacré, dans la recherche de la miraculeuse pierre des sages que vous avez cachée au monde, mais que vous avez coutume au moins de découvrir à vos élus ; que ce grand œuvre que j’ai à faire ici-bas je le commence, je le poursuive et je l’achève heureusement ; que, content, j’en jouisse à toujours. Je vous le demande par Jésus-Christ, la pierre céleste, angulaire, miraculeuse et fondée de toute éternité, qui commande et règne avec vous[639], etc. »

Cette prière eut tout son effet, puisque Flamel convertit d’abord du mercure en argent, et bientôt du cuivre en or. Il ne se vit pas plutôt en possession de la pierre philosophale qu’il voulut que des monuments publics attestassent sa piété et sa prospérité. Iï n’oublia pas aussi de faire mettre partout ses statues et son image, sculptées, accompagnées d’un écusson où une main tenait une écritoire en forme d’armoirie. Il fit graver, de plus, le portrait de sa femme, Pernelle, qui l’accompagna dans ses travaux alchimiques.

Flamel fut enterré dans l’église de Saint-Jacques de la Boucherie, à Paris. Après sa mort, plusieurs personnes se sont imaginé que toutes les sculptures allégoriques de cette église étaient autant de symboles cabalistiques qui renfermaient un sens qu’on pouvait mettre à profit. Sa maison, vieille rue de Marivaux, n° 16, passa dans leur imagination pour un lieu où l’on devait trouver des trésors enfouis : un ami du défunt s’engagea, dans cet espoir, à la restaurer gratis ; il brisa tout et ne trouva rien.

D’autres ont prétendu que Flamel n’était pas mort, et qu’il avait encore mille ans à vivre : il pourrait même vivre plus, en vertu du baume universel qu’il avait découvert. Quoi qu’il en soit, le voyageur Paul Lucas affirme, dans une de ses relations, avoir parlé à un derviche ou moine turc, qui avait rencontré Nicolas Flamel et sa femme s’embarquant pour les Indes.

On ne s’est pas contenté de faire de Flamel un adepte, on en a fait un auteur. En 1561, cent quarante-trois ans après sa mort, Jacques Gohorry publia, in-18, sous le titre de Transformation métallique, trois traités en rhythme française : la Fontaine des amoureux des sciences ; les Remontrances de nature à l’alchimiste errant, avec la réponse, par Jean de Meung, et le Sommaire philosophique attribué à Nicolas Flamel. On met aussi sur son compte le Désir désiré, ou Trésor de philosophie, autrement le Livre des six paroles, qui se trouve avec le Traité du soufre, du Cosmopolite, et l’œuvre royale de Charles VI, Paris, 1618, 1629, in-8o. On le fait encore auteur du Grand éclaircissement de la pierre philosophale pour la transmutation de tous métaux, in-8o, Paris, 1628. L’éditeur promettait la Joie parfaite de moi, Nicolas Flamel, et de Pernelle, ma femme, ce qui n’a point paru. On a donné enfin la Musique chimique, opuscule très-rare, et d’autres fatras qu’on ne recherche plus.

Au résumé, Flamel était un homme laborieux qui sut acquérir de la fortune en travaillant avec les juifs, et comme il en fit mystère, on l’attribua à des moyens merveilleux. L’abbé de Villars métamorphose Flamel, dans le Comte de Gabalis, en un chirurgien qui commerçait avec les esprits élémentaires. On a débité sur lui mille contes singuliers ; et de nos jours un chercheur de dupes, ou peut-être un plaisant, répandit en mai 1818, dans les cafés de Paris, une espèce d’avertissement où il déclarait qu’il était le fameux Nicolas Flamel qui recherchait la pierre philosophale au coin de la rue Marivaux, à Paris, il y a plus de quatre cents ans ; qu’il avait voyagé dans tous les pays du monde, et qu’il prolongeait sa carrière depuis quatre siècles par le moyen de l’élixir de vie qu’il avait le bonheur de posséder. Quatre siècles de recherches l’avaient rendu, disait-il, très-savant et le plus savant des alchimistes. Il faisait de l’or à volonté. Les curieux pouvaient se présenter chez lui, rue de Cléry, no 22, et y prendre une inscription qui coûtait trois cent mille francs, moyennant quoi ils seraient initiés aux secrets du maître, et se feraient sans peine un million huit cent mille francs de rente.

Flaque (Louis-Eugène), sorcier jugé à Amiens en 1825. On l’accusa d’escroqueries à l’aide d’opérations magiques et cabalistiques, de complicité avec Boury, teinturier, logé rue des HautesCornes, audit Amiens, et encore avec François Russe, laboureur de Conti. — Au mois de mars 1825, la cour royale d’Amiens confirma un jugement par lequel il appert que les trois individus susnommés ont, par des manœuvres frauduleuses, persuadé à des particuliers l’existence d’un pouvoir mystérieux surnaturel ; sur quoi, et pour en user, l’un de ces crédules particuliers remit à Boury la somme de cent quatre-vingt-douze francs ; Boury présenta le consultant à un individu déguisé en démon, dans le bois de Naours. Le démon promit au particulier huit cent mille francs, qui n’arrivèrent jamais. Boury, Flaque et Russe n’en gardèrent pas moins les cent quatre-vingt-douze francs ; mais le bailleur les poursuivit. Boury fut condamné à quinze mois de prison, Flaque et Russe à une année, à l’amende de cinquante francs, et au remboursement des frais, etc.

Voici ce qu’on apprit dans les débats. Boury exerçait l’état de chirurgien dans la commune de Mirvaux ; n’étant pas toujours heureux dans ses cures, il persuadait à ses malades que l’on avait jeté un sort sur eux ; il leur conseillait de chercher un devin plus savant que lui ; cependant il se faisait payer et se retirait. Ces escroqueries n’étaient que le prélude de facéties plus graves. En 1820, le charron Louis Pâque, ayant besoin d’argent, se rendit à Amiens ; là il en emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la chose, dit qu’il procurerait de l’argent à meilleur compte, moyennant quelques avances. Le charron alla le trouver ; Boury lui déclara que le meilleur moyen d’avoir des fonds était de se vendre au diable" ; et voyant que Pâque ne reculait pas à une telle proposition, il lui demanda deux cents francs pour assembler le conseil infernal ; Louis Pâque les donna. Boury s’arrangea de façon à toucher ainsi pour frais préliminaires sept à huit mille francs. Enfin il fut convenu qu’en donnant encore quatre louis, Pâque obtiendrait cent mille francs ; malheureusement il s’était fort dépouillé ; il n’en put donner que deux. Il partit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef sorcier, et un sieur de Noyencourt, pour le bois de Saint-Gervais. Boury tira d’une de ses poches un papier écrit qu’il fit tenir aux assistants, chacun par un coin. Il était minuit. Flaque fit aussitôt trois conjurations. Le diable ne parut pas. Noyencourt et Boury dirent alors que le diable était occupé ce jour-là ; on prit un autre rendez-vous au bois de Naours. Pâque à cet autre rendez-vous mena sa fille avec lui ; pauvre fille ! Mais Boury lui avait dit qu’il fallait que son premier-né assistât à l’opération. Flaque et Boury appelèrent le diable en latin. Le diable enfin parut. Il avait une redingote rouge-bleuâtre, un chapeau galonné. Il portait un sabre. Sa taille était d’environ cinq pieds six pouces. Le nom de ce démon était Robert, et celui du valet qui l’accompagnait Saday. Boury dit au diable : — Voici un homme que je te présente ; il désire avoir quatre cent mille francs pour quatre louis, peux-tu les lui donner ? — Le diable répondit : — Il les aura. — Pâque lui présenta l’argent ; et le diable lui fit faire le tour du bois en quarante-cinq minutes, avec Boury et Flaque, avant de bailler les quatre cent mille francs. L’un des sorciers perdit même un de ses souliers dans la course. Pâque, à son détour, aperçut une table et des chandelles dessus ; il poussa un cri : — Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout perdu ; l’affaire est manquée. — Le stupide charron s’enfuit à travers le bois ; puis reprenant courage, il revint devant le diable, qui lui dit : — Scélérat, tu as traversé le bois au lieu d’en faire le tour. Retire-toi sans te retourner, ou je te tords le cou…

Mais ce n’était pas fini. Une autre opération eut encore lieu dans le même bois ; quand Pâque cette fois demanda l’argent, le diable lui dit : — Adresse-toi au bureau. — C’était un buisson… Comme il n’y avait rien dans ce buisson, le démon promit que la somme se trouverait le lendemain dans la cave même du charron ; Pâque s’y rendit le lendemain, avec sa femme et celle du bonhomme qui avait donné les cent quatre-vingt-douze francs pour la première affaire. Mais néant encore ; et pour surcroît, Boury, qu’ils prenaient à partie, les menaça de se plaindre au procureur du roi… Pâque reconnut qu’il était trompé, et se retira avec son argent perdu… Nous sommes cependant dans le dix-neuvième siècle, et nous avons les lumières du dix-huitième !…

Flauros, grand général aux enfers. Il se fait voir sous la figure d’un terrible léopard. Lorsqu’il prend la forme humaine, il porte un visage

affreux, avec des yeux enflammés. Il connaît le passé, le présent et l’avenir, soulève tous les démons ou esprits contre ses ennemis les exorcistes, et commande vingt légions[640].

Flavia-Veneria-Bessa, femme qui fit bâtir une chapelle en l’honneur des anciens monarques de l’enfer, Pluton et Proserpine, par suite d’un avertissement qu’elle avait eu en songe[641].

Flavin, auteur d’un ouvrage intitulé l’État des âmes trépassées, in-8o, Paris, 1579.

Flaxbinder. Le professeur Hanov, bibliothécaire à Dantzig, après avoir combattu les apparitions et les erreurs des différents peuples touchant les revenants et les spectres, raconte toutefois le fait suivant :

« Flaxbinder, plus connu sous le nom de Johannes de Curiis, passa les années de sa jeunesse dans l’intempérance et la débauche. Un soir, tandis qu’il se plongeait dans l’ivresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un spectre qui ressemblait si fort, par la figure et la contenance, à son fils qu’elle le prit pour lui-même. Ce spectre était assis près d’un bureau couvert de livres, et paraissait profondément occupé à méditer et à lire tour à tour. Persuadée qu’elle voyait son fils, et agréablement surprise, elle se livrait à la joie que lui donnait ce changement inattendu, lorsqu’elle entendit dans la rue la voix de ce même Flaxbinder, qui lui semblait être dans la chambre. Elle fut horriblement effrayée. On le serait à moins. Cependant ayant observé que celui qui jouait le rôle de son fils ne parlait pas, qu’il avait l’air sombre, hagard et taciturne, elle conclut que ce devait être un spectre ; et, cette conséquence redoublant sa terreur, elle se hâta de faire ouvrir la porte au véritable Flaxbinder. Il entre, il approche ; le spectre ne se dérange pas. Flaxbinder, pétrifié à ce spectacle, forme, en tremblant, la résolution de s’éloigner du vice, de renoncer à ses désordres, d’étudier enfin et d’imiter le fantôme. À peine a-t-il conçu ce louable dessein que le spectre sourit d’une manière un peu farouche, comme font les savants, ferme les livres et s’envole… »

Flèches. Voici une divination qui se pratique chez les Turcs par le moyen des flèches. S’ils doivent aller à la guerre, entreprendre un voyage, ou acheter quelque marchandise, ils prennent quatre flèches qu’ils dressent en pointe l’une contre l’autre, et qu’ils font tenir par deux personnes, c’est-à-dire par quatre mains ; puis ils mettent sur un coussin une épée nue devant eux, et lisent un certain chapitre du Koran. Alors les flèches se battent durant quelque temps, et enfin les unes montent sur les autres. Si, par exemple, les victorieuses ont été nommées chrétiennes (car dans les divinations relatives à la guerre ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et donnent aux deux autres le nom de leur ennemi), c’est signe que les chrétiens vaincront ; si autrement, c’est une marque du contraire[642]Voy. Bélomancie.

Fleurs. On a eu aussi des idées mystérieuses sur les fleurs. On donnait des vertus à leurs pétales, surtout quand ils sont au nombre de cinq. On croyait guérir la fièvre quotidienne avec un pétale, la fièvre tierce avec trois, la fièvre quarte avec quatre.

Flins. Les anciens Vandales adoraient sous ce nom une grosse pierre qui représentait la Mort couverte d’un long drap, tenant un bâton à la main et portant une peau de lion sur les épaules. Ces peuples croyaient que cette divinité, lorsqu’elle était de bonne humeur, pouvait les ressusciter après leur trépas.

Florent de Villiers. Voy. Villiers.

Florimond de Rémond, conseiller au parlement de Bordeaux, mort en 1602. Il s’était jeté dans la réforme de Calvin. Les révélations d’une possédée qu’il vit exorciser le firent rentrer dans l’Église. Il a écrit sur l’Antéchrist et sur les hérésies, et ses ouvrages présentent de précieuses recherches. Mais les protestants qu’il avait désertés se sont efforcés de l’amoindrir.

Florine, Fiorina et Florinde, nom d’un démon familier qui, au rapport de Pic de la Mirandole, fréquenta longtemps un sorcier nommé Pinet.

Floron, démon familier de Cecco d’Ascoli. Il est de l’ordre des chérubins damnés.

Flotilde. Ce personnage est inconnu ; mais ses Visions ont été conservées. On les trouve dans le Recueil de Duchesne[643].

Flots. Gambry parle d’un genre de divination assez curieux, qui se pratique dans les environs de Plougasnou : des devins interprètent les mouvements de la mer, les flots mourants sur la plage, et prédisent l’avenir d’après cette inspection[644].

Fluide. « Cette force souveraine, et simple ou composée, que le vulgaire nomme fluidique, elle est nommée ; donc elle existe, cette force ! elle fonctionne ; elle est connue de toute antiquité. Verrons-nous se former et naître d’elle, — on nous le dit, — le lien qui noue le magnétisme à la magie, l’âme au corps, notre personne à d’autres esprits que le nôtre, nos âmes et ces esprits enfin aux êtres divers de la création, avec lesquels je ne sais quelle nécessité de nature les oblige à communiquer[645] ? » Des hommes sérieux pensent que le fluide nerveux est l’agent qui met les hommes en communication avec les esprits. Voy. Magnétisme, Panthéisme, Esprits frappeurs, Spiritisme, etc.

Fo ou Foé, l’un des principaux dieux des Chinois. Il naquit dans les Indes, environ mille ans avant notre ère. Sa mère, étant enceinte de lui, songea qu’elle avalait un éléphant blanc, conte qui peut-être a donné lieu aux honneurs que les rois indiens rendent aux éléphants de cette couleur. Il finit ses jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes assurent qu’il est né huit mille fois, et qu’il a passé successivement dans le corps d’un grand nombre d’animaux avant de s’élever à la divinité. Aussi est-il représenté dans les pagodes sous la forme d’un dragon, d’un éléphant, d’un singe, etc. Ses sectateurs l’adorent comme le législateur du genre humain.

Focalor, général aux enfers. Il se montre sous les traits d’un homme ayant des ailes de griffon. Sous cette forme il tue les bourgeois et les jette dans les flots. Il commande à la mer, aux vents, et renverse les vaisseaux de guerre. Il espère rentrer au ciel dans mille ans ; mais il se trompe. Il commande à trente légions, et obéit en rechignant à l’exorciste[646].

Foi. Un ministre suisse de la secte des dissidents méthodistes, persuadé que tout est possible à la foi et à l’esprit de Dieu, deux grâces qu’il se flattait vaniteusement de posséder, se vanta en 1832 qu’il marcherait sur le lac de Constance. Le résultat de cette épreuve insensée a été ce qu’on pouvait prévoir, sans que cette étrange confiance ait pu s’ébranler dans le cœur de celui qui s’y livrait. Il en tira la conséquence que sa foi était trop faible, que son cœur n’avait’pas assez ressenti l’efficacité de l’esprit de Dieu ; et il remit à l’année suivante de recommencer sa tentative. Cette seconde épreuve faite en 1833 s’est terminée comme la première. Le ministre a pris un bain[647] ; et il a pu apprendre là 1o que la foi vraie ne s’amuse pas à tenter Dieu ; 2o qu’il ne se fait pas de miracles dans les branches séparées de l’Église. Voy. Raison.

Folgar, fête des nègres du Sénégal, avec les âmes de leurs parents. Voy. Lézards.

Folie. Voy. Possession.

Follet. Voy. Feux follets, Lutins, Farfadets, etc.

Fong-Chwi, opération mystérieuse qui se pratique en Chine dans la disposition des édifices, et surtout des tombeaux. Si quelqu’un bâtit par hasard dans une position contraire à ses voisins, et qu’un coin de sa maison soit opposé au côté de celle d’un autre, c’est assez pour faire croire que tout est perdu. Il en résulte des haines qui durent aussi longtemps que l’édifice. Le remède consiste à placer dans une chambre un dragon ou quelque autre monstre de terre cuite, qui jette un regard terrible sur le coin de la fatale maison, et qui repousse ainsi toutes les influences qu’on en peut appréhender. Les voisins qui prennent cette précaution contre le danger ne manquent pas chaque jour de visiter plusieurs fois le magot chargé de veiller à leur défense. Ils brûlent de l’encens devant lui, ou plutôt devant l’esprit qui le gouverne, et qu’ils croient sans cesse occupé de ce soin.

Fong-Onhang, oiseau fabuleux auquel les Chinois attribuent à peu près les mêmes propriétés qu’au phénix. Les femmes se parent d’une figure de cet oiseau, qu’elles portent en or, en argent ou en cuivre, suivant leurs richesses et leurs qualités.

Fonséca (le P. Pierre de). Dans sa métaphysique estimée il établit que les âmes des saints, qui reviennent en ce monde, peuvent prendre un corps et le rendre visible.

Fontaines. On prétend encore dans la Bretagne que les fontaines bouillonnent quand le prêtre chante la préface le jour de la Sainte-Trinité[648]. Voy. Hydromancie. Il y avait au château de Coucy, en Picardie, une fontaine appelée Fontaine de la Mort, parce qu’elle se tarissait lorsqu’un seigneur de Coucy devait mourir.

Fontenelle. Son Histoire des oracles est loin d’être exacte. File a été réfutée par le P. Baltus. Ses Entretiens sur la pluralité des mondes sont un jeu d’esprit.

Fontenettes (Charles), auteur d’une Dissertation sur une fille de Grenoble qui depuis quatre ans ne boit ni mange, 1737, in-4o, prodige qu’on attribuait au diable, et dont Fontenettes explique les causes moins ténébreuses.

Foray ou Morax. Voy. Morax.

Forças, Forras ou Furcas, chevalier, grand président des enfers ; il apparaît sous la forme d’un homme vigoureux, avec une longue barbe et des cheveux blancs ; il est monté sur un grand


cheval et tient un dard aigu. Il connaît les vertus des harbes et des pierres précieuses ; il enseigne la logique, l’esthétique, la chiromancie, la pyromancie et la rhétorique. Il rend l’homme invisible, ingénieux et beau parleur. Il fait retrouver les choses perdues ; il découvre les trésors, et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de démons[649].

Force. Milon de Crotone n’eut pas seul une force prodigieuse. Louis de Boufïlers, surnommé le Fort, au quatorzième siècle, possédait une force et une agilité extraordinaires, s’il faut en croire les récits du temps. Quand il avait croisé ses deux pieds, il était impossible de le faire avancer ou reculer d’un pas. Il brisait sans peine un fer à cheval ; et lorsqu’il saisissait un taureau par la queue, il l’entraînait où il voulait. Il enlevait un cheval et l’emportait sur ses épaules. On l’a vu souvent, armé de toutes pièces, sauter à cheval sans s’appuyer et sans mettre le pied dans l’étrier. Sa vitesse à la course n’était pas moins remarquable, puisqu’il dépassait le cheval d’Espagne le plus léger, dans un espace de deux cents pas. Un certain Barsabas, qui servait au commencement du dix-huitième siècle dans les armées françaises, emporta un jour, devant Louis XIV, un cheval chargé de son cavalier. Il alla trouver une autre fois un maréchal ferrant ; il lui donna un fer de cheval à forger. Celui-ci s’étant un peu éloigné, Barsabas prit l’enclume et la cacha sous son manteau. Le maréchal se retourne bientôt pour battre le fer ; il est tout étonné de ne plus trouver son enclume, et bien plus surpris encore de voir cet officier la remettre sans difficulté à sa place. Un Gascon, que Barsabas avait offensé dans une compagnie, lui proposa un duel : — Très-volontiers, lui répondit Barsabas ; touchez là. — Il prit la main du Gascon, et la lui serra si fort que tous les doigts en furent écrasés. Il le mit ainsi hors d’état de se battre. Le maréchal de Saxe était de même calibre. — Dans les anciens jours, on regardait comme favorisés par le diable les gens doués d’une force extraordinaire.

Forêts. Les forêts sombres sont des lieux où, comme dit Leloyer[650], les diables se mêlent avec les sorciers. Ces diables y font leurs orgies commodément sous la feuillée, et il n’y a pas de lieux où ils se rendent plus volontiers visibles.

Formes du diable. « Le démon, quand il veut approcher de l’homme, prend diverses


formes, à l’exception de celles de l’agneau et, de la colombe que Dieu semble lui avoir interdites. Il prend souvent la forme du bouc. S’il veut se


rendre familier, il prend celle d’un chat ou d’un chien ; celle d’un cheval, s’il veut emporter quelqu’un ; celle d’une souris ou d’une fouine, s’il faut passer par un lieu étroit ; celle d’un bourdon, s’il veut empêcher de parler ; celles d’un loup, d’un vautour, d’un renard, d’un hibou, d’une araignée, d’un dragon, s’il prétend effrayer. Quelquefois il prend une tête d’homme sur un corps de bête. Les coqs alors le devinent et s’en effrayent. Sil paraît en homme, la contrefaçon ne peut jamais être parfaite ; il est donc toujours sale, puant, laid ; son nez est incorrect ; ses yeux sont enfoncés, ses mains et ses pieds ont des griffes ; il boite d’une jambe quand il ne boite pas des deux. Sa voix semble sortir d’une pierre creuse ou d’un tonneau[651]… »

M. Didron, en tête de sa curieuse Histoire du diable (Histoire archéologique), fait remarquer que « dans l’Inde le diable, avec ses formes

monstrueuses, ne se compose que de membres confus d’animaux féroces ou perfides ; il a

généralement plusieurs têtes et plusieurs bras. En Occident, le diable a le plus souvent la forme humaine, mais laide et repoussante. » Le savant archéologue induit de l’Apocalypse que le chef des démons est Satan ; il est représenté par saint Jean avec sept têtes, dix cornes, sept couronnes et une queue immense. Il a deux lieutenants : l’un, qui règne sur les mers, a pareillement sept têtes, dix cornes et dix couronnes, trois de plus

que le maître, avec un corps de léopard, des pieds d’ours et une queue de lion ; l’autre, qui règne sur la terre, estime bête à deux cornes qui n’a que le nom de la Bête. Les démons subalternes ont d’autres formes de bêtes monstrueuses. Voy. Figures.

Fornéus, marquis infernal, semblable à un monstre marin. Il instruit l’homme dans les plus hautes affaires, fait du bien à ses amis et du mal à ses ennemis ; il a sous son pouvoir vingt-neuf légions de Trônes et d’Anges[652].

Forras. Voy. Forças.

Fortes-épaules. Le peuple de Dijon croit à l’existence d’une espèce de lutin de ce nom qui porte des fardeaux, et qui rappelle le Forte-échine de madame d’Aulnoy, dans le conte du Chevalier Fortuné.

Fosite. Saint Willibrord, au septième siècle, apôtre des Frisons, jeté par une tempête dans une petite île des côtes de la Frise, l’île d’Alemand, appelée alors Fositeland[653], vit avec douleur que ces pauvres peuples adoraient là le démon P’osite, qui donnait son nom au pays. Il y recevait un culte étendu. On regardait comme impie et sacrilège quiconque aurait osé tuer les animaux qui y vivaient, manger quelque chose de ce qu’elle produisait, et parler en puisant de l’eau à une fontaine qui y était. Le saint voulut détromper ces peuples, aveuglés d’une superstition si grossière. Il fit tuer quelques animaux que lui et ses compagnons mangèrent ; et il baptisa trois enfants dans la fontaine, en prononçant à haute voix les paroles prescrites par l’Église. Les insulaires s’attendaient à voir les saints punis de mort ; mais ils durent reconnaîtreque leur dieu Fosite ne pouvait rien contre eux. Le roi frison, Radbod, furieux de l’audace des missionnaires, ordonna de tirer au sort trois jours de suite et trois fois chaque jour, déclarant qu’il ferait périr celui sur qui le sort tomberait. Il tomba sur un compagnon du saint, qui fut sacrifié à la superstition, et mourut martyr de la vérité. Mais il ne tomba jamais sur saint Willibrord.

Fossiles. Ce qu’on a découvert des fossiles, dans ce premier feuillet de la géologie, que nous n’avons encore tourné qu’à demi, est venu démolir toutes les tours de Babel que dressaient les philosophes du dernier siècle. Et Cuvier, qui n’est pas allé loin, a déjà fait voir aux pauvres têtes étroites, qui n’ont pas place pour loger un peu de foi, que Moïse ne pouvait pas être attaqué. — Attendons.


Fossoyeur des catacombes.

Fossoyeur. Dans beaucoup de villages peu avancés, les bonnes gens ont une certaine peur


du fossoyeur ; on le croit en communication avec les morts ; et on n’ose pas trop l’aller visiter la nuit ; les âmes des corps qu’il a mis en terre pourraient vaguer autour de sa demeure. — On oublie trop que la fonction de fossoyeur doit être entourée, quand elle est dignement remplie, de respect et non de crainte, et que dans les catacombes elle était un des ordres mineurs établis par l’Église. Les fossoyeurs préparaient les tombes ; ils prenaient soin des vases où l’on recueillait le sang des martyrs, et des lampes qui éclairaient les saintes funérailles.

Lampe éclairant les funérailles.


Foudre. L’empereur Auguste gardait soigneusement une peau de veau marin pour se mettre à l’abri de la foudre. — Tibère portait dans la même vue une couronne de laurier. — Quand la foudre partait de l’orient, et que, n’ayant fait qu’effleurer quelqu’un, elle retournait du même côté, c’était le signe d’un bonheur parfait. Les Grecs modernes chassent les chiens et les chats quand il tonne, parce que leur présence est censée attirer la foudre sur les maisons.

Fougère. « Personne n’ignore les mauvaises et diaboliques façons dont on se sert pour cueillir la fougère aux maléfices. Le 23 juin, veille de la Saint-Jean-Baptiste, après un jeûne de quarante jours, plusieurs sorciers, conduits par Satan, recueillent pendant cette nuit la graine de cette herbe, qui n’a ni tige, ni fleur, ni semence, et qui renaît de la même racine ; qui plus est, le malin se joue de ces misérables sorciers en leur apparaissant cette nuit-là, au milieu des tempêtes, sous quelques formes monstrueuses, pour les épouvanter davantage. Ils croient s’en défendre par leurs exorcismes, par les cercles et caractères qu’ils font sur la terre autour d’eux ; ensuite ils mettent une nappe neuve de fin lin ou de chanvre sous la fougère qu’ils croient voir fleurir en une heure, pour en recevoir, la graine. Ils la plient dans un taffetas ou dans un parchemin vierge, et la gardent soigneusement pour deviner les songes et faire paraître les esprits. Le démon, par ses malices et menteries, leur persuade que cette semence n’est pas seulement propre à deviner, et que si on met de l’or ou de l’argent dans la bourse où l’on doit garder la semence de fougère, le nombre en sera doublé le jour suivant. Si l’événement n’a pas lieu, les magiciens vous accuseront de mauvaise foi, ou ils diront que vous avez commis quelque crime, tant nous nous laissons aller à ces abominables impostures de Satan[654]. » Des sorciers anglais prétendaient avoir un secret’par lequel, au moyen de la graine de fougère, ils se rendaient invisibles.

Foulques. Au temps de la guerre des Albigeois, vivait un méchant comte Foulques, lequel avait la coutume détestable de jurer et maugréer. Un jour qu’étant à cheval, il blasphémait furieusemant, il fut jeté à bas de sa monture et ne se releva point. On pensa qu’il avait été assommé par le diable, son grand ami.

Fourberies. Voy. Sorciers, Sabbat, etc. — Voy. aussi les divers imposteurs.

Fourmis. Les Thessaliens honoraient ces animaux, dont ils croyaient tirer leur origine. Les Grecs étaient si sottement vains qu’ils aimaient mieux descendre des fourmis de la forêt d’Égine, que de reconnaître qu’ils étaient des colonies de peuples étrangers. — La fourmi était un attribut de Cérès ; elle fournissait matière aux observations des augures.

Fourner (Catherine). Voy. Possédées de Flandre.

Fous. On sait le respect superstitieux que les musulmans ont pour les fous. Ils les croient des saints. Voy. Possession.

Francs-maçons. Les francs-maçons font remonter leur origine jusqu’au temps de Salomon et l’entourent de contes merveilleux. C’est un ordre qui paraît avoir pris naissance en Angleterre, et qui avait pour but dans le principe la construction des églises. Maintenant ce goût de maçonnerie est purement allégorique, et il a bien changé de destination : former le cœur, régler l’esprit, rappeler le bon ordre, voilà, disent les maçons, ce qu’on entend par le compas et l’équerre. Mais la vérité est que la franc-maçonnerie, comme société secrète, créée au commencement du dernier siècle par un Anglais, lord Montague, n’est autre chose que le protestantisme parvenu à l’état d’indifférence, et une sourde conspiration contre le Catholicisme. — Quand la franc-maçonnerie, qui détruit à présent, construisait, il n’y avait qu’un seul grand maître, qui résidait en Angleterre ; aujourd’hui chaque pays a le sien. Les assemblées des maçons se nomment communément loges. Une loge doit être au moins composée de sept membres. Le président de la loge porte le nom de vénérable. Il a au-dessous de lui deux surveillants, qui font exécuter les règlements de l’ordre. — Dans les assemblées solennelles, chaque frère a un tablier de peau ou de soie blanche, dont les cordons sont blancs aussi et d’étoffe pareille à celle du tablier ; les apprentis le portent tout uni, les compagnons l’entourent des couleurs de la loge, les maîtres y font broder une équerre, un compas, deux colonnes et les divers ornements de l’ordre. Les maîtres portent aussi un cordon bleu, auquel pendent une équerre et un compas. — Dans les repas, les lumières doivent être en triangle ; la table servie a trois, cinq, sept, neuf couverts et plus, suivant le nombre des convives, mais toujours en nombre impair. Tous les termes qu’on y emploie sont empruntés de l’artillerie, comme ceux qu’on emploie dans les travaux sont empruntés de l’architecture. On porte la première santé au prince à qui on obéit, la seconde au grand maître, la troisième au vénérable de la loge. On boit ensuite aux surveillants, aux nouveaux reçus et à tous les frères. — Le fils d’un franc-maçon est Loufton[655] ; il peut être reçu à quatorze ans. Le fils d’un profane (celui qui n’est pas franc-maçon) ne peut l’être qu’à vingt et un ans. Entre plusieurs signes mystérieux qui se voient dans les loges, on remarque au milieu de Y étoile flamboyante, un G, première lettre de God (en anglais Dieu). — Il y a dans la maçonnerie trois principaux grades. Il faut être apprenti avant d’être compagnon, et compagnon avant d’être maître. Les maîtres n’entrent en loge qu’avec le geste de l’horreur[656], et cela en mémoire de la mort d’Adoniram ou Hiram, dont on raconte diversement l’histoire. — Cette histoire ou ce conte n’est que pour amuser les niais. On peut appeler ainsi ceux qui se parent des trois grades dont nous venons de parler, et qui ne sont pas initiés aux grands secrets réservés aux dignitaires supérieurs. — Les uns vous diront que dans ce récit il s’agit de Hiram, roi de Tyr, qui fit alliance avec Salomon, et lui fut d’un grand secours pour la construction du temple. — D’autres content que ce Hiram était un excellent ouvrier en or, en argent et en cuivre ; qu’il était fils d’un Tyrien et d’une femme de la tribu de Nephtali[657] ; que Salomon le fit venir de Tyr pour travailler aux ornements du temple, comme on le voit au quatrième livre des Rois ; qu’entre autres ouvrages, il construisit, à l’entrée du temple, deux colonnes de cuivre, qui avaient chacune dix-huit coudées de haut et quatre de diamètre ; qu’il donna le nom de Jahin à l’une, près de laquelle on payait les apprentis, et le nom de Booz à l’autre, près de laquelle on payait les compagnons, etc. Mais voici l’histoire d’Adoniram[658] ou de Hiram, suivant l’opinion la plus commune chez les francs-maçons. Ils prétendent qu’elle a été puisée dans le Talmud, où on lit que le vénérable Hiram donna l’habit et le caractère de maçon à Salomon, qui se fit honneur de le porter.

Adoniram, que Salomon avait chargé de diriger les travaux de son temple, avait un si grand nombre d’ouvriers à payer, qu’il ne pouvait les connaître tous. Pour ne pas risquer de payer l’apprenti comme le compagnon, et le compagnon comme le maître, il convint avec les maîtres de mots et d’attouchements qui serviraient à les distinguer de leurs subalternes, et donna pareillement aux compagnons des signes de reconnaissance qui n’étaient point connus des apprentis. — Trois compagnons, peu satisfaits de leur paye, formèrent le dessein de demander le mot de maître à Adoniram, dès qu’ils pourraient le trouver seul, ou de l’assassiner s’il ne voulait pas le leur dire. Ils l’attendirent un soir dans le temple, et se postèrent, l’un au nord, l’autre ail midi, le troisième à l’orient. Adoniram étant entré seul par la porte de l’occident, et voulant sortir par celle du midi, un des trois compagnons lui demanda le mot de maître, en levant sur lui le marteau qu’il tenait à la main. Adoniram lui dit qu’il n’avait pas reçu le mot de maître de cette façon-là. Aussitôt le compagnon lui porta sur la tête un coup de marteau. Le coup n’ayant pas été assez violent pour le renverser, Adoniram s’enfuit vers la porte du nord, où il trouva le second, qui lui en fit autant. Cependant ce second coup lui laissant encore quelques forces, il tenta de sortir par la porte de l’orient, où le troisième, après lui avoir fait la même demande que les deux premiers, acheva de l’assommer. Les assassins enfouirent le corps sous un tas de pierres, et quand la nuit fut venue, ils le transportèrent sur un monticule où ils l’enterrèrent ; et, afin de pouvoir reconnaître l’endroit, ils plantèrent une branche d’acacia sur la fosse. — Salomon, ayant été sept jours sans voir Adoniram, ordonna à neuf maîtres de le chercher. Ces neuf maîtres exécutèrent fidèlement l’ordre. Après de longues et vaines recherches, trois d’entre eux, qui se trouvaient fatigués, s’étant assis par hasard à l’endroit où Adoniram avait été enterré, l’un, des trois arracha machinalement la branche d’acacia, et s’aperçut que la terre, en cet endroit, avait été remuée depuis peu. Les trois maîtres, curieux d’en savoir la cause, se mirent à fouiller et trouvèrent le corps d’Adoniram. Alors ils appelèrent les autres, et ayant tous reconnu leur chef, dans la pensée que quelques compagnons pouvaient bien avoir commis le crime, et qu’ils avaient peut-être tiré d’Adoniram le mot de maître, ils le changèrent sur-le-champ[659], et allèrent rendre compte à Salomon de cette aventure. Ce prince en fut touché ; il ordonna à tous les maîtres de transporter le corps d’Adoniram dans le temple, où on l’enterra en grande pompe. Pendant la cérémonie, tous les maîtres portaient des tabliers et des gants de peau blanche, pour marquer qu’aucun d’eux n’avait souillé ses mains du sang de leur chef. ;

Telle est l’histoire d’Adoniram. — L’ordre des francs-maçons a des prétentions à la gravité, quoiqu’il soit pétri et nourri de ridicules. Ce serait peu s’il n’avait pas en religion de pernicieuses tendances. Aussi le Saint-Siège, par quatre actes différents, a-t-il formellement condamné la franc-maçonnerie. Les mystérieuses jongleries de leurs loges leur ont donné la réputation de sorciers dans les campagnes. — Outre les ordres de chevalerie qu’ils ont créés pour leur amusement, il y a chez eux plusieurs schismes, et on citerait beaucoup de sociétés secrètes de ce genre plus ou moins absurdes. Les mopses, en Allemagne, étaient des francs-maçons qui avaient pour emblème un bouledogue. Une autre secte s’appelle l’ordre de la liberté, et ceux-là regardent Moïse comme leur fondateur. Les chevaliers prussiens font remonter leur origine à la tour de Babel ; d’autres à Noé.

On ne reçoit les femmes chez les francs-maçons que dans les loges dites d’adoption, loges où l’on fait bals et festins. On change alors les mots et les signes d’argot, pour ne pas exposer les secrets de l’ordre. — Insulte de plus aux femmes[660].

Frank (Christian), visionnaire qui mourut en 1590 ; il changea souvent de religion, ce qui le fit surnommer la Girouette. Il croyait la religion japonaise meilleure que les autres, parce qu’il avait lu que ses ministres avaient des extases.

Frank (Sébastien), autre visionnaire du seizième siècle, sur la vie duquel on a peu de données positives, quoiqu’il ait dans son temps excité l’attention du public. Il donna en 1531 un traité de l’Arbre de la science du bien et du mal, dont Adam a mangé la mort, et dont encore aujourd’hui tous les hommes la mangent. Le péché d’Adam n’est selon lui qu’une allégorie, et l’arbre que la personne, la volonté, la science, la vie d’Adam. Frank mourut en 1545.

On a encore de lui une traduction allemande de l’Eloge de la folie, par Érasme ; le Traité de la vanité des sciences, et l’Éloge de l’âne, traduits d’Agrippa en allemand ; Paradoxa ou Deux cent quatre-vingts discours miraculeux, tiré de l’Écriture sainte, Ulm, 1533, in-8o. Témoignage de l’Écriture sur les bons et les mauvais anges, 1535, in-8o, etc. N’était-il pas le père du précédent ?

Franzotius, auteur d’un ouvrage intitulé : De la divination des anges, in-4o, Francfort ou Venise, 1632.

Frappeurs. On cite dans le pays de Galles des esprits dits frappeurs qui habitent les mines. Louis Merris a écrit deux lettres sur ces esprits dans le troisième volume du Gentleman s magazine. Ces esprits ont peu de rapports avec ceux qui parlent aujourd’hui par les tables. Voy. Esprits frappeurs.

Fratricelles, ramas de vagabonds qui formaient au treizième et au quatorzième siècle une société occulte, opposée à l’Église, mais alliée à ceux qu’on appelait vaudois ou sorciers. Ils avaient des orgies, où hommes et femmes se jetaient de main en main un enfant jusqu’à ce qu’il fût mort. Celui entre les mains duquel il expirait, on le proclamait grand prêtre. Il brûlait l’enfant mort ; quand il était réduit en cendres, il noyait ces cendres dans du vin et faisait boire cette potion à tous ceux qui voulaient être initiés.

Frayeur. Piron racontait souvent qu’il avait environ dix ans lorsqu’un soir d’hiver, soupant en famille chez son père, on entendit des cris affreux qui partaient de chez un tonnelier voisin ; on alla voir ce que c’était. Un petit garçon, transi de peur, conduisit les curieux dans la chambre d’où venaient les cris, qui redoublèrent bientôt. — Ah ! messieurs, dit le tonnelier tremblant, couché en travers sur son lit, daignez au plus tôt faire appeler un chirurgien, car je sens que je n’ai pas longtemps à vivre. — Le père de Piron, après avoir chargé un domestique de remplir les intentions du prétendu malade, s’étant approché de lui, et l’ayant interrogé sur la cause de sa maladie : — Vous voyez, mon cher voisin, répondit le tonnelier, l’homme le plus misérable ! Ah ! maudite femme ! on m’avait bien dit que ses liaisons avec la plus détestable sorcière de la Bourgogne ne tarderaient guère à m’être fatales… — Ces propos faisant soupçonner que la tête de cet homme était dérangée, on attendit que le chirurgien fût arrivé. — Monsieur, s’écria le tonnelier lorsqu’il le vit entrer, j’implore votre secours, je suis un homme mort ! — Sachons d’abord, lui dit le chirurgien, de quoi il s’agit. — Ah ! faut-il que je sois forcé, en vous disant d’où partent mes douleurs, de déshonorer ma femme même ! répondit le pauvre homme. Maiselle le mérite, et, dans mon état, je n’ai plus rien à ménager. Apprenez donc qu’en rentrant chez moi ce soir, après avoir passé deux heures au plus chez le marchand de vin du coin, ma femme, qui me croit toujours ivre, m’ayant trop poussé à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me coucher en paix, d’être un peu rude à son égard ; sur quoi, après m’avoir menacé de sa vengeance, elle s’est sauvée du logis ; je me suis déshabillé pour gagner mon lit ; mais au moment d’y monter… Dieu ! la méchante créature ! une main, pour ne pas dire une barre de fer, plus brûlante qu’un tison, est tombée sur ma fesse droite, et la douleur que j’en ai ressentie, jointe à la peur qui m’a saisi, m’a fait manquer le cœur, au point que je ne crois pas y survivre !… Mais vous en riez, je crois ? Eh bien, messieurs, voyez si toute autre main que celle de Lucifer même put jamais appliquer une pareille claque ! Au premier aspect de la plaie, de sa noirceur et des griffes qui semblaient y être imprimées, la plupart des assistants furent saisis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais on rassura le malade sur les idées qu’il avait conçues, tant contre sa femme que contre la prétendue sorcière ; le chirurgien lui appliqua les remèdes convenables : on le laissa un peu dans son effroi, ce qui le corrigea légèrement de son ivrognerie. Ce remède avait été employé par la femme (au moyen d’un parent qu’elle avait fait cacher dans la maison) pour corriger l’intempérance du tonnelier. Voici une autre anecdote assez connue : Un homme, couché dans une hôtellerie, avait pour voisinage, sans qu’il le sût, une compagnie de chèvres et de boucs ; une cloison fort mince et ouverte par plusieurs trous les séparait de son appartement. Notre homme, très-fatigué, s’était couché sans examiner son gîte et dormait depuis deux heures d’un sommeil tranquille, lors qu’il fut troublé par la visite d’un bouc, son voisin, qui avait profité d’une grande ouverture pour le venir voir. Le bruit de ses sabots éveilla aisément notre voyageur, qui fut fort inquiet et prit l’animal pour un voleur de nuit ; le bouc, après plusieurs tours de chambre, vint au lit et mit les deux pieds dessus. Le pauvre homme, en ce moment, balançant entre le choix d’une prompte retraite ou d’une attaque vigoureuse, prit le parti de se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui les premiers se présentent à lui, l’intriguent ; mais il est bien plus surpris, lorsque mettant sa main sur la face pointue de cet animal, il y trouve une grande barbe, et plus haut des cornes. Persuadé alors que ce ne pouvait être que le diable, il sauta de son lit tout troublé, et passa le reste de la nuit à genoux, en prières et dans une continuelle frayeur. Le jour, qui dissipa enfin les ténèbres, fit voir à cet homme son prétendu diable.

Frédéric Barberousse. On croit en Allemagne qu’il n’est pas mort, mais endormi dans un souterrain du vieux château de Kiffhausen, devant une table de marbre, que sa barbe, qui pousse toujours, a déjà enveloppée de trois tours. Il apparaît quelquefois sur sa montagne, et il est l’objet de beaucoup de légendes[661].

Frédéric Barberousse.


Frêne. Get arbre passe, dans le Nord, pour avoir une vertu qui éloigne les esprits malfaisants.

Fribourg. M. Lucien Brun, dans un piquant récit, a conté comment un jour le vieux Conrad de Blumenthal, alors bourgmestre de Fribourg en Brisgaw, ayant dit à propos des privilèges de sa ville que l’on entamait, cette imprudente parole : — Je veux que Satan nous emporte et avec nous la moitié de notre bonne cité, si dès hier je n’y ai mis quelque ordre ! — C’était une bravade. Deux démons, qui l’entendaient sans être vus, enlevèrent aussitôt la moitié de Fribourg en Brisgaw et s’en allèrent la poser sur le flanc d’une montagne de la vieille Helvétie. — Telle est l’origine de Fribourg en Suisse[662].

Frisson des cheveux. On disait autrefois, dans certaines provinces, que le frisson des cheveux annonçait la présence ou le passage d’un démon.

Front. Divination par les rides du front. C’est la métoposcopie.

Cardan publia au seizième siècle un traité de Métoposcopie, dans lequel jl fait connaître au public une foule de découvertes curieuses. Le front, dit-il, est de toutes les parties du visage la plus importante et la plus caractéristique ; un physionomiste habile peut, sur l’inspection du front seul, deviner les moindres nuances du caractère d’un homme. En général, un front très-élevé, avec un visage long et un menton qui se termine en pointe, est l’indice de la nullité des moyens. Un front très-osseux annonce un naturel opiniâtre et querelleur. Si ce front est aussi


très-charnu, il est le signe de la grossièreté. Un front carré, large, avec un œil franc sans effronterie, indique du courage uni à la sagesse. Un front arrondi et saillant par le haut, qui descend ensuite perpendiculairement sur l’œil, et qui paraît plus large qu’élevé, annonce du jugement, de la mémoire, de la vivacité, mais un cœur froid. Des rides obliques au. front, surtout si elles se trouvent parallèles, annoncent un esprit soupçonneux. Si ces rides parallèles sont presque droites, régulières, pas très-profondes, elles promettent du jugement, de la sagesse, un esprit net. Un. front qui serait bien ridé dans sa moitié supérieure, et sans rides dans sa moitié inférieure, serait l’indice de quelque stupidité. Les rides ne se prononcent qu’avec les années. Mais avant de paraître, elles existent dans la conformation du front ; le travail quelquefois les marque dans l’âge tendre. Il y a au front sept rides ou lignes principales qui le traversent d’une tempe à l’autre. La planète de Saturne préside à la première, c’est-à-dire la plus haute ; Jupiter préside à la seconde ; Mars préside à la troisième ; le Soleil à la quatrième ; Vénus à la cinquième ; Mercure à la sixième ; la Lune à la septième, qui est la dernière, la plus basse et la plus voisine des sourcils. Si ces lignes sont petites, tortueuses, faibles, elles annoncent un homme débile et dont la vie sera courte. Si elles sont interrompues, brisées, inégales, elles amènent des maladies, des chagrins, des misères ; également marquées, disposées avec grâce ou prononcées fortement, c’est l’indice d’un esprit juste et l’assurance d’une vie longue et heureuse. Remarquons cependant que chez un homme à qui le travail ou des revers ont sillonné le front de rides profondes, on ne peut plus tirer de ce signe les mêmes conséquences ;


car alors ces lignes étant forcées, ce n’est plus que l’indice de la constance. Quand la ligne de Saturne n’est pas marquée, on peut s’attendre à des malheurs que l’on s’attirera par imprudence. Si elle se brise au milieu du front, c’est une vie agitée. Prononcée fortement, c’est une heureuse mémoire, une patience sage. La ride de Jupiter,


quand elle est brisée, présage qu’on fera des sottises. Si elle n’est pas marquée, esprit faible, inconséquent, qui restera dans la médiocrité. Si elle se prononce bien, on peut espérer les honneurs et la fortune. La ligne de Mars brisée promet un caractère inégal. Si elle ne paraît point, c’est un homme doux, timide et modeste. Fortement prononcée, elle contient de l’audace, de la colère, de l’emportement. Quand la ligne du Soleil manque tout à fait, c’est le signe de l’avarice. Brisée et inégale, elle dénote un bourru maussade et avare, mais qui a de meilleurs moments. Fortement prononcée, elle annonce de la modération, de l’urbanité, du savoir-vivre, un penchant à la magnificence. La ride de Vénus fortement prononcée est le signe d’un homme porté aux plaisirs. Brisée et inégale, cette ride promet des retours sur soi-même. Si elle n’est presque pas marquée, la complexion est froide. La ride de Mercure bien prononcée donne de l’imagination, les inspirations poétiques, l’éloquence Brisée, elle n’amène plus que l’esprit de conversation, le ton de la société. Si elle ne paraît pas du tout, caractère nul. Enfin la ride de la Lune, lorsqu’elle est très-apparente, indique un tempérament froid, mélancolique. Inégale et brisée, elle promet des moments de gaieté entremêlés de tristesse. Si elle manque tout à fait, c’est l’enjouement et la bonne humeur. L’homme qui a une croix sur la ride de Mercure se consacrera aux lettres et aux sciences. Deux lignes parallèles et perpendiculaires sur le front annoncent qu’on se mariera deux fois, trois fois si ces lignes sont au nombre de trois, quatre fois si elles sont au nombre de quatre, et toujours ainsi. Une figure qui aura la forme d’un C, placée au haut du front sur la ligne de Saturne, annonce une grande mémoire. Ce signe était évident sur le front d’un jeune Corse dont parle Muret, qui pouvait retenir en un jour et répéter sans effort dix-huit mille mots barbares qu’il n’entendait pas. Un C sur la ligne de Mars présage la force du corps. Ce signe était remarquable sur le front du maréchal de Saxe, qui était si robuste qu’il cassait des barres de fer aussi aisément qu’un paysan ordinaire casse une branche d’arbre ou un bâton de bois blanc. Un C sur la ligne de Vénus promet de mauvaises affaires. Un C sur la ligne de Mercure annonce un esprit mal fait, un jugement timbré. Un C entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la Lune, annonce un naturel prompt à s’emporter, une humeur vindicative. Les hommes qui portent cette figure sont ordinairement des duellistes, des boxeurs. Les époux qui ont le front chargé de ce signe se battent en ménage…

Ces aphorismes sont bien hardis. Celui qui aura entre les deux sourcils, sur la ligne de la Lune, la figure d’un X, est exposé à mourir au champ d’honneur dans une grande bataille. Celui qui porte au milieu du front, sur la ligne du Soleil, une petite figure carrée ou un triangle,’fera fortune sans peine. Si ce signe est à droite, il promet une succession. S’il est à gauche, il annonce des biens mal acquis. Deux lignes partant du nez et se recourbant des deux côtés sur le front, au-dessus des yeux, annoncent des procès. Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu’elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d’être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger… Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux. Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d’une goutte remontée. La figure du chiffre 3 sur la ligne de Saturne annonce des coups de bâton ; sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif ; sur la ligne de Mars, commandement d’un corps d’armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu’il mourra malheureusement, s’il ne réprime sa passion pour le vol. La figure d’un V sur la ligne de Mars annonce qu’on sera soldat et qu’on mourra caporal. La figure d’un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu’on sera persécuté pour des opinions politiques. La figure d’un P est le signe, partout où elle paraît, d’un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes. Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur : c’est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l’estime générale et une bonne mort. Toutes bénédictions que je vous souhaite.

Frothon. On lit dans Albert Krantz que Frothon, roi de Danemark, fut tué par une sorcière transformée en vache. Ce roi croyait à la magie et entretenait à sa cour une insigne sorcière qui prenait à son gré la forme des animaux. Elle avait un fils aussi méchant qu’elle, avec qui elle déroba les trésors du roi, et se retira ensuite. Frothon, s’étant aperçu du larcin et ayant appris que la sorcière et son fils s’étaient absentés, ne douta plus qu’ils n’en fussent coupables. Il résolut d’aller dans la maison de la vieille. La sorcière, voyant entrer le roi chez elle, eut recours aussitôt à son art, se changea en vache et son fils en bœuf. Le roi s’étant baissé pour contempler la vache plus à son aise, pensant bien que c’était la sorcière, la vache se rua avec impétuosité sur lui et lui donna un si grand coup dans les flancs qu’elle le tua sur-le-champ[663].

Fruit défendu. Voy. Tabac, Pomme d’Adam, etc.

Fruitier. Celui qui fait le fromage et le beurre dans le Jura est le docteur du canton. On l’appelle le fruitier ; il est sorcier, comme de juste. La richesse publique est dans ses mains ; il peut à volonté faire avorter les fromages, et en accuser les éléments. Son autorité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays les sources du Pactole ; on sent quelle considération ce pouvoir doit lui donner, et quels ménagements on a pour lui ! Si vous ajoutez à cela qu’il est nourri dans l’abondance, et qu’une moitié du jour il n’a rien à faire qu’à songer au moyen d’accaparer encore plus de confiance ; qu’il voit tour à tour, en particulier, les personnes de chaque maison, qui viennent faire le beurre à la fruiterie ; qu’il passe avec elles une matinée tout entière ; qu’il peut les faire jaser sans peine, et par elles apprendre, sans même qu’elles s’en doutent, les plus intimes secrets de leurs familles ou de leurs voisins ; si vous pesez bien toutes ces circonstances, vous ne serez point étonné d’apprendre qu’il est presque toujours sorcier, au moins devin ; qu’il est consulté quand on a perdu quelque chose, qu’il prédit l’avenir, qu’il jouit enfin dans le canton d’un crédit très-grand, et que c’est l’homme qu’on appréhende le plus d’offenser[664].

Fume-Bouche, démon invoqué, nous ne savons à quel titre, dans les litanies du sabbat.

Fumée. Dans toutes les communes du Finistère, on voit à chaque pas, dit Cambry, des usages antérieurs à la religion catholique. Quand un individu va cesser d’être, on consulte la fumée. S’élève-t-elle avec facilité, le mourant doit habiter la demeure des bienheureux. Est-elle épaisse, il doit descendre dans les antres du désespoir, dans les cavernes de l’enfer. — C’est une espèce de proverbe en Angleterre que la fumée s’adresse toujours à la plus belle personne. Et quoique cette opinion ne semble avoir aucun fondement dans la nature, elle est pourtant fort ancienne. Victorin et Casaubon en ont fait la remarque, à l’occasion d’un personnage d’Athénée, où un parasite se dépeint ainsi : — « Je suis toujours le premier arrivé aux bonnes tables, d’où quelques-uns se sont avisés de m’appeler soupe. Il n’y a point de porte que je n’ouvre comme un bélier ; semblable à un fouet, je m’attache à tout, et, comme la fumée, je me lie toujours à la plus belle[665]. » On dit en Champagne que la fumée du foyer, quand elle s’échappe, s’adresse aux plus gourmands.

Fumée (Martin), sieur de Génillé ; il a publié, comme traduit d’Athénagore, un roman dont il est l’auteur, intitulé Du vrai et parfait amour. Tout insipide qu’est ce roman, Fumée trouva le moyen de le faire rechercher des adeptes alchimistes, par diverses allusions, et surtout par un passage curieux où, sous le voile de l’allégorie, il peint la confection du grand œuvre. Ce passage, devenu célèbre chez les enfants de l’art, se trouve à la page 345 de l’édition de 1612, moins rare que la première, ainsi que dans l’Harmonie mystique de David Laigneau, Paris, 1636, in-8o.

Fumigations. Quelques doctes pensent que les bonnes odeurs chassent les démons, gens qui puent et qui ne peuvent aimer, comme a dit une grande sainte. Les exorcistes emploient diverses fumigations pour chasser les démons ; les magiciens les appellent également par des fumigations de fougère et de verveine ; mais ce ne sont que des cérémonies accessoires.

Funérailles. Voy. Deuil.

Furcas (le même que Forcas). Voy. ce nom.


Furfur.

Furfur, comte aux enfers. Il se fait voir sous la forme d’un cerf avec une queue enflammée ; il ne dit que des mensonges, à moins qu’il ne soit enfermé dans un triangle. Il prend souvent la figure d’un ange, parle d’une voix rauque et entretient l’union entre les maris et les femmes. Il fait tomber la foudre, luire les éclairs et gronder le tonnerre dans les lieux où il en reçoit l’ordre. Il répond sur les choses abstraites. Vingt-six légions sont sous ses ordres[666].

Furies, divinités infernales chez les anciens, ministres de la vengeance des dieux, et chargées d’exécuter les sentences des juges de l’enfer.

Fusely (Henri), célèbre artiste anglais. Il ressemblait un peu à nos peintres de l’école romantique : il affectionnait les sujets hideux et sauvages. C’est pour cela, sans doute, qu’il aimait beaucoup la mythologie barbare des Scandinaves : il l’a prouvé par plusieurs tableaux, la Descente d’Odin au Nastrund ; Lock, dieu des jours noirs, dévorant des victimes humaines, etc. Fusely avait tant de prédilection pour son Thor combattant le serpent, qu’il le présenta à l’Académie royale, comme son tableau d’admission. Il était embarrassé quand il avait à peindre la beauté tranquille ou les grâces paisibles. Dans les sujets chrétiens, il introduisait toujours Satan ou Lucifer. Son goût pour les sujets effrayants était si connu de ses confrères qu’ils l’avaient surnommé le peintre ordinaire du diable. Il en riait lui-même en causant avec eux. — C’est vrai, disait-il, le diable a souvent posé pour moi, et si j’avais pu le rendre comme je l’ai vu, j’aurais surpassé Michel-Ange, et vous seriez tous morts de peur et d’admiration.


G

Gaap (autrement dit Tap). Voy. Tap.

Gabinius ou Gabienus. Dans la guerre de Sicile, entre Octave et Sextus Pompée, un des gens d’Octave, nommé Gabinius, ayant été fait prisonnier, eut la tête coupée. Un loup emporta cette tête ; on l’arracha au loup, et sur le soir on entendit ladite tête qui se plaignait et demandait à parler à quelqu’un. On s’assembla autour ; alors la bouche de cette tête dit aux assistants qu’elle était revenue des enfers pour révéler à Pompée des choses importantes. Pompée envoya aussitôt un de ses lieutenants, à qui le mort déclara que ledit Pompée serait vainqueur. La tête chanta ensuite dans un poëme les malheurs qui menaçaient Rome ; après quoi elle se tut, à ce que disent Pline et Valère Maxime.

Si ce trait a quelque fondement, c’était sans doute une fourberie exécutée au moyen d’un ventriloque, et imaginée pour relever le courage des troupes. Mais elle n’eut point de succès : Sextus Pompée, vaincu et sans ressource, s’enfuit en Asie, où il fut tué par les gens de Marc-Antoine.

Gabino, démon de l’espèce de Kleudde ; il se montre le plus souvent sous la peau du cheval sauvage, très-redouté dans le pays de Vannes.

Gabkar. Les Orientaux croient à une ville fabuleuse appelée Gabkar, qu’ils disent située dans les déserts habités par les génies.

Gabriel (Gilles) a écrit au dix-septième siècle un essai de la morale chrétienne comparée à la morale du diable : Specimina moralis christianæ et moralis diabolicæ in praxi. Bruxelles, 1675, in-12.

Gabrielle. Dans le Vexin français, le bourgeois qui a quatre filles et veut avoir un garçon nomme la dernière Gabrielle ; charme qu’il croit de nature à lui amener infailliblement un fils.

Gabrielle d’Estrées, maîtresse de Henri IV, morte en 1599. Elle cherchait à épouser le roi et se trouvait logée dans la maison de Zamet, riche financier de ce temps. Comme elle se promenait dans les jardins, elle fut frappée d’une apoplexie foudroyante. On la porta chez sa tante, madame de Sourdis. Elle eut une mauvaise nuit ; le lendemain elle éprouva des convulsions qui la firent devenir toute noire : sa bouche se contourna, et elle expira horriblement défigurée. On parla diversement de sa mort ; plusieurs en chargèrent le diable ; on publia qu’il l’avait étranglée ; et au fait il en était bien capable.

Gabrielle de P., auteur de l’Histoire des fantômes et des démons qui se sont montrés parmi les hommes, in-12, 1819, et du Demoniana, ou Anecdotes sur les apparitions de démons, de lutins et de spectres, in-18, 1820.

Gaetch, fils de Touita, dieu des morts chez les Kamtschadales. Voy. Lézards.

Gaffarel (Jacques), hébraïsant et orientaliste, né à Mannes en Provence en 1601, mort en 1681. Ses principaux ouvrages sont : Mystères secrets de la cabale divine, défendus contre les paradoxes des sophistes, Paris, 1625, in-4o. Curiosités inouïes sur la sculpture talismanique des Persans, l’horoscope des patriarches et la Lecture des Étoiles. Paris, 1629, in-8o. Index de 19 cahiers cabalistiques dont s’est servi Jean Pic de la Mirandole. Paris, 1651, in-8o. Histoire universelle du monde souterrain, contenant la description des plus beaux antres et des plus rares grottes, caves, voûtes, cavernes et spèlonques de la terre. Le prospectus de ce dernier ouvrage fut imprimé à Paris, 1666, in-folio de 8 feuillets : il est très-rare. Quant au livre, il ne parut pas, à cause de la mort de l’auteur. On dit que c’était un monument de folie et d’érudition. Il voyait des grottes jusque dans l’homme, dont le corps présente mille cavités ; il parcourait les cavernes de l’enfer, du purgatoire et des limbes, etc. Ce savant avait été bibliothécaire du cardinal de Richelieu.

Gaïlan, Les Arabes appellent ainsi une espèce de démon des forêts qui tue les hommes et les animaux.

Gaillard (François). Voy. Coirières.

Gaius, aveugle guéri par un prodige, du temps d’Antonin. Esculape l’avertit, dans un songe, de venir devant son autel, de s’y prosterner, dépasser ensuite de la droite à la gauche, de poser ses cinq doigts sur l’autel, de lever la main, et de la mettre sur ses yeux. Il obéit et recouvra la vue en présence du peuple, qui applaudit avec transport. — C’était une singerie qu’on faisait pour balancer les miracles réels du christianisme.

Galachide ou Garachide, pierre noirâtre, à laquelle des auteurs ont attribué plusieurs vertus merveilleuses, celle entre autres de garantir celui qui la tenait des mouches et autres insectes. Pour en faire épreuve, on frottait un homme de miel pendant l’été, et on lui faisait porter cette pierre dans la main droite : quand cette épreuve réussissait, on reconnaissait que la pierre était véritable. On prétendait aussi qu’en la portant dans sa bouche, on découvrait les secrets des autres.

Galanta, sorcière du seizième siècle. Elle donna un jour une pomme à goûter à la fille du suisse de l’église du Saint-Esprit à Bayonne, qui désirait avoir trois paniers de ces pommes. Cette fille n’eut pas plutôt mordu la pomme, qu’elle tomba du haut mal ; et la force du maléfice fut telle, qu’elle en fut tourmentée toute sa vie. Aussitôt qu’elle voyait la sorcière, les accès lui prenaient très-violemment : « ce qui a été confirmé devant nos yeux, » comme dit Delancre. De nos jours, on n’attribuerait peut-être pas cela au sortilège ; mais alors on poursuivit la sorcière.

Galdarkraftigans, sorciers des Anglo-Saxons, qui liaient ou déliaient par des chants magiques appelés Galdra. Ce chant vient d’Odin.

Galien, Le plus grand médecin des temps passés après Hippocrate. On lui attribue un Traité des enchantements, et les médecins empiriques ont souvent abusé de son nom.

Galigaï ( Léonora), épouse du maréchal d’Ancre Concino Concini, qui fut tué par la populace en 1617. On la crut sorcière ; et en effet elle s’occupait de sciences occultes et de charmes. On publia que par ses maléfices elle avait ensorcelé la reine ; surtout lorsqu’on eut trouvé chez elle trois volumes pleins de caractères magiques, cinq rouleaux de velours destinés à dominer les esprits des grands, des amulettes qu’elle se mettait au cou, des agnus que l’on prit pour des talismans, car elle mêlait les choses saintes aux abominations magiques, et une lettre que Léonora avait ordonné d’écrire à une sorcière nommée Isabelle. Il fut établi au procès que le maréchal et sa femme se servaient pour envoûter d’images de cire qu’ils gardaient dans de petits cercueils ; qu’ils consultaient des magiciens, des astrologues et des sorciers ; qu’ils en avaient fait venir de Nancy pour sacrifier des coqs aux démons, et que dans ces cérémonies Galigaï ne mangeait que des crêtes de coqs et des rognons de bélier qu’elle faisait charmer auparavant. Elle fut encore convaincue de s’être fait exorciser par un certain Matthieu de Montanay, charlatan sorcier. Sur ses propres aveux, dit-on, elle eut la tête tranchée, en place de Grève à Paris, et fut brûlée en 1617. Cependant le président Courtin ! lui demandant par quel charme elle avait ensorcelé la reine, elle répondit fièrement : « Mon sortilège a été le pouvoir que les âmes fortes ont sur les âmes faibles. »

Galilée. Les protestants, copiés par les jansénistes, ont beaucoup déclamé contre la prétendue persécution qu’essuya Galilée à cause de ses découvertes astronomiques. On a fait fracas de ce qu’on appelle sa condamnation au tribunal de l’inquisition romaine. Mais il est prouvé, il est constant, il est avéré, il est établi, depuis longtemps déjà, qu’on en impose effrontément dans ces récits infidèles : ce qui n’empêche pas les écrivailleurs de les répéter toujours, et les peintres ignorants de déshonorer leurs pinceaux par ces mensonges. Galilée ne fut pas censuré comme astronome, mais comme mauvais théologien. Il voulait expliquer la Bible. — Ses découvertes, à l’appui du système de Copernic, ne lui eussent pas fait plus d’ennemis qu’à cet autre savant. Ce fut son entêtement à vouloir concilier, à sa manière, la Bible et Copernic, qui le fit rechercher par l’inquisition. En même temps que lui, vivaient à Rome un grand nombre d’hommes célèbres, et le saint-siége n’était pas entouré d’ignorants. En 1611, pendant son premier voyage dans la capitale du monde chrétien, Galilée fut admiré et comblé d’honneurs par les cardinaux et les grands seigneurs auxquels il montra ses découvertes. Lorsqu’il y retourna, en 1615, le cardinal Delmonte lui traça le cercle savant dans lequel il devait se renfermer. Mais son ardeur et sa vanité l’emportèrent. « Il exigeait, dit Guichardin, que le Pape et le saint-office déclarassent le système de Copernic fondé sur la Bible. » Il écrivit à ce sujet mémoires sur mémoires. Paul V, fatigué de ses instances, accorda que cette controverse fût jugée dans une congrégation. Malgré tout l’emportement qu’y mit Galilée, il ne fut point intéressé dans le décret rendu par la congrégation, qui déclara seulement que le système de Copernic ne paraissait pas s’accorder avec les expressions de la Bible. Avant son départ, il eut une audience très-gracieuse du Pape ; et Bellarmin se borna, sans lui interdire aucune hypothèse astronomique, à lui interdire ses prétentions théologiques.

Quinze ans après, en 1632, sous le pontificat d’Urbain VIII, Galilée imprima ses célèbres dialogues Delle due massime système del mondo, avec une permission et une approbation supposées. Personne ne réclama. Il fit reparaître ses mémoires écrits en 1616, où il s’efforçait d’ériger la rotation du globe sur son axe en question de dogme. Ses bravades le firent citer à Rome. Il y arriva le 3 février 1633. Il ne fut point logé à l’inquisition, mais au palais de l’envoyé de Toscane. Un mois après, il fut mis, — non dans les prisons de l’inquisition, — comme tant de menteurs l’ont écrit, mais dans l’appartement du fiscal. Au bout de dix-huit mois, s’étant rétracté, c’est-à-dire ayant renoncé à sa conciliation de Copernic et de la sainte Bible, seule question qui fût en cause, il s’en retourna dans sa patrie. Voici ce qu’il écrivait en 1633, au P. Bécénéri, son disciple : — « Le pape me croyait digne de son estime. Je fus logé dans le délicieux palais de la Trinité-du-Mont. Quand j’arrivai au saint-office, deux pères dominicains m’invitèrent très-honnêtement à faire mon apologie. J’ai été obligé de rétracter mon opinion en bon catholique. Pour me punir, on m’a défendu les dialogues, et congédié après cinq mois de séjour à Rome. Comme la peste régnait à Florence, on m’a assuré pour demeure le palais de mon meilleur ami, monseigneur Piccolomini, archevêque de Sienne ; j’y ai joui d’une pleine tranquillité. Aujourd’hui je suis à ma campagne d’Arcêtre, où je respire un air pur auprès de ma chère patrie[667]. » Néanmoins les philosophes rebelles continueront à faire de Galilée une victime de la superstition et du fanatisme. On citera le conte de Galilée en prison, écrivant sur la muraille, autour d’un cercle, e pur si muove ; « et pourtant elle tourne ! » Comme si jamais on lui eût interdit d’avancer cela. On consacrera cette malice absurde par la peinture et la gravure ; et on citera avec emphase la même fausseté malveillante illustrée par les beaux vers de Louis Bacine, dans le poëme de la Religion : Tant il est difficile de déraciner une erreur passionnée ! Dans tout cela, nous ne jugeons pas le système de Galilée, sur lequel il n’est pas impossible que le dernier mot ne soit pas dit. On vient de retrouver les manuscrits de Galilée, que l’on avait dit brûlés par l’inquisition. Que ne peut-on retrouver, à l’usage des ennemis de l’Église, la bonne foi !

Gall (Jean-Joseph), né vers 1775 dans le Wurtemberg, mort à Montrouge, près Paris, en 1828, inventeur d’une science qui juge le caractère et les dispositions des hommes sur l’inspection des protubérances du crâne. Cette science était chez lui le résultat de longues études sur un grand nombre de crânes d’hommes et d’animaux. On l’appelle crânologie et phrénologie. Comme Gall est mort après cinq jours d’idiotisme, où il ne put témoigner d’aucun sentiment religieux, on l’a accusé de matérialisme ; et on a jeté cette même injure à son système, un peu aventureux.

Nous ne voyons pas cependant, comme quelques-uns l’ont dit, que la crânologie consacre le matérialisme, ni qu’elle consolide les funestes principes de la fatalité. Nous sommes persuadé au contraire que les dispositions prétendues innées se modifient par l’éducation religieuse, surtout par rapport aux mœurs. Dans les arts on dit bien que le génie est inné : c’est peut-être vrai en partie seulement, car il n’y a pas de génie brut qui ait produit des chefs-d’œuvre. Les grands poètes et les grands peintres ne sont pourtant devenus grands qu’à force de travail. Le génie, a dit Buffon, c’est la patience ; et Socrate, né vicieux, est devenu homme de bien. Avant Gall et Spurzheim, son élève, les vieux physiologistes n’avaient jeté que des idées vagues sur la crânologie, ou crânoscopie, ou phrénologie, qui est l’art de juger les hommes au moral

par la conformation du crâne et ses protubérances. Gall et Spurzheim en firent un système qui, à son apparition, divisa le public en deux camps, comme c’est l’usage ; les uns admirèrent et applaudirent ; les autres doutèrent et firent de l’opposition. Peu à peu on reconnut des vérités dans les inductions crânologiques des deux Allemands. Le système devint une science ; la médecine légale y recourut ; aujourd’hui il y a des chaires de crânologie, et peut-être que cette science, dont on avait commencé par rire, deviendra un auxiliaire de la procédure criminelle.

On a soutenu fréquemment que l’âme a son siège dans le cerveau. Dans toute l’échelle de la création, la masse du cerveau et des nerfs augmente en raison de la capacité pour une éducation plus élevée. La gradation, pour ne parler ici que matériellement, a lieu jusqu’à l’homme, qui, parmi tous les êtres créés, roi de la création, est susceptible du plus haut degré d’ennoblissement, et à qui Dieu a donné le cerveau le plus parfait et proportionnellement le plus grand. Il y a dans certains animaux certaines dispositions innées. Il y a immensément de ces dispositions dans l’homme, que peut-être on n’aurait jamais dû comparer à ce qui n’a pas comme lui la raison. L’histoire nous offre plusieurs grands hommes qui, dès leur tendre jeunesse, ont eu un penchant décidé pour tel art ou telle science. La plupart des grands peintres et des poêles distingués se sont livrés aux beaux-arts par cette inclination et sont devenus fameux quelquefois malgré leurs parents. Ces dispositions peuvent être développées et perfectionnées par l’éducation ; mais elle n’en donne pas le germe, car les premiers indices de ces talents commencent à se montrer quand les enfants ne sont pas encore propres à une éducation proprement dite.

Dans le règne animal, toutes les espèces ont des inclinations qui leur sont particulières : la cruauté du tigre, l’industrie du castor, l’adresse de l’éléphant, sont dans chaque individu de ces espèces, sauf quelques variations accidentelles. L’homme n’est pas ainsi restreint dans une spécialité.

De même donc qu’il y a des dispositions innées, de même il existe autant d’organes rassemblés et placés les uns près des autres dans le cerveau, qui est le mobile des fonctions supérieures de la vie. Ces organes s’expriment sur la surface du cerveau par des protubérances. Plus ces protubérances sont grandes, plus on doit s’attendre à de grandes dispositions. Ces organes, exprimés à la surface du cerveau, produisent nécessairement des protubérances à la surface extérieure du crâne, enveloppe du cerveau depuis sa première existence dans le sein maternel. Cette thèse au reste n’est applicable qu’aux cerveaux sains en général, les maladies pouvant faire des exceptions. Mais il ne faut pas, comme a fait Gall, l’appliquer aux vertus et aux vices, qui seraient sans mérite si les bosses du crâne les donnaient. Ce serait admettre une fatalité matérielle. S’il est vrai qu’un voleur ait la protubérance du vol, c’est son mauvais penchant qui, peu à peu, a fait croître la protubérance en agissant sur le cerveau. Mais la protubérance antérieure n’est pas vraie.

Voici une notice rapide de tout ce système : L’instinct de propagation se manifeste par deux éminences placées derrière l’oreille immédiatement au-dessus du cou. Cet organe est plus fortement développé chez les mâles que chez les femelles. L’amour des enfants est dans la plus étroite union avec ces organes. Aussi la protubérance qui le donne est-elle placée auprès de celle qui indique l’instinct de la propagation. Elle s’annonce par deux éminences sensibles derrière la tête, au-dessus de la nuque, à l’endroit où se termine la fosse du cou. Elle est plus forte chez les femelles que chez les mâles ; et si on compare les crânes des animaux, on le trouvera plus prononcé dans celui du singe que dans tout autre. L’organe de l’amitié et de la fidélité est placé dans la proximité de celui des enfants ; il se présente des deux côtés par deux protubérances arrondies, dirigées vers l’oreille. On le trouve dans les chiens, surtout dans le barbet et le basset. L’organe de l’humeur querelleuse se manifeste de chaque côté par une protubérance demi-globulaire, derrière et au-dessus de l’oreille. On le trouve bien prononcé chez les duellistes. L’organe du meurtre s’annonce de chaque côté par une protubérance placée au-dessus de l’organe de l’humeur querelleuse, en se rapprochant vers les tempes. On le trouve chez les animaux carnivores et chez les assassins. L’organe de la ruse est indiqué de chaque côté par une éminence qui s’élève au-dessus du conduit extérieur de l’ouïe, entre les tempes et l’organe du meurtre. On le rencontre chez les fripons, chez les hypocrites, chez les gens dissimulés. On le voit aussi chez de sages généraux, d’habiles ministres et chez des auteurs de romans ou de comédies, qui conduisent finement les intrigues de leurs fictions. L’organe du vol se manifeste de chaque côté par une protubérance placée au haut de la tempe, de manière à former un triangle avec le coin de l’œil et le bas de l’oreille. On le remarque dans les voleurs et dans quelques animaux. Il est très-prononcé au crâne de la pie. L’organe des arts forme une voûte arrondie à côté de l’os frontal, au-dessous de l’organe du vol ; il est proéminent sur les crânes de Raphaël, de Michel-Ange et de Rubens. L’organe des tons et de la musique s’exprime par une protubérance à chaque angle du front, au-dessous de l’organe des arts. On trouve ces deux protubérances aux crânes du perroquet, de la pivoine, du corbeau et de tous les oiseaux mâles chantants ; on ne les rencontre ni chez les oiseaux et les animaux à qui ce sens manque, ni même chez les hommes qui entendent la musique avec répugnance. Cet organe est d’une grandeur sensible chez les grands musiciens, tels que Mozart, Gluck, Haydn, Viotti, Boïeldieu, Rossini, Meyerbeer, etc. L’organe de l’éducation se manifeste par une protubérance au bas du front, sur la racine du nez, entre les deux sourcils. Les animaux qui ont le crâne droit, depuis l’occiput jusqu’aux yeux, comme le blaireau, sont incapables d’aucune éducation ; et cet organe se développe de plus en plus dans le renard, le lévrier, le caniche, l’éléphant et l’orang-outang, dont le crâne approche un peu des têtes humaines mal organisées. L’organe du sens des lieux se manifeste extérieurement par deux protubérances placées au-dessus de la racine du nez, à l’os intérieur des sourcils. Il indique en général la capacité de concevoir les distances, le penchant pour toutes les sciences et arts où il faut observer, mesurer et établir des rapports d’espace : par exemple, le goût pour la géographie. Tous les voyageurs distingués ont cet organe, comme le prouvent les bustes de Cook, de Colomb et d’autres. On le trouve aussi chez les animaux errants. Les oiseaux de passage l’ont plus ou moins, selon le terme plus ou moins éloigné de leurs migrations. Il est très-sensible au crâne de la cigogne. C’est par la disposition de cet organe que la cigogne retrouve l’endroit où elle s’est arrêtée l’année précédente, et que, comme l’hirondelle, elle bâtit tous les ans son nid sur la même cheminée. L’organe du sens des couleurs forme de chaque côté une protubérance au milieu de l’arc des sourcils, immédiatement à côté du sens des lieux. Lorsqu’il est porté à un haut degré, il forme une voûte particulière. C’est pour cela que les peintres ont toujours le visage plus jovial, plus réjoui, que les autres hommes, parce que leurs sourcils sont plus arqués vers le haut. Cet organe donne la manie des fleurs et le penchant à réjouir l’œil parla diversité des couleurs qu’elles offrent. S’il est lié avec l’organe du sens des lieux, il forme le paysagiste. Il paraît que ce sens manque aux animaux, et que leur sensibilité à l’égard de certaines couleurs ne provient que de l’irritation des yeux. L’organe du sens des nombres est placé également au-dessus de la cavité des yeux, à côté du sens des couleurs, dans l’angle extérieur de l’os des yeux. Quand il existe à un haut degré, il s’élève vers les tempes un gonflement qui donne à la tête une apparence carrée. Cet organe est fortement exprimé sur un buste de Newton, et, en général, il est visible chez les grands mathématiciens. Il est ordinairement lié aux têtes des astronomes avec l’organe du sens des lieux. L’organe de la mémoire a son siège au-dessus de la partie supérieure et postérieure de la cavité des yeux. Il presse les yeux en bas et en avant. Beaucoup de comédiens célèbres ont les yeux saillants par la disposition de cet organe. Le sens de la méditation se manifeste par un renflement du crâne, environ un demi-pouce sous le bord supérieur du front. On le trouve au buste de Socrate et à plusieurs penseurs. L’organe de la sagacité se manifeste par un renflement oblong au milieu du front. L’organe de la force de l’esprit se manifeste par deux protubérances demi-circulaires, placées au-dessous du renflement de la méditation et séparées par l’organe de la sagacité. On le trouve dans Lesage, Boileau, Cervantes, etc. L’organe de la bonhomie se manifeste par une élévation oblongue partant de la courbure du front vers le sommet de la tête, au-dessus de l’organe de la sagacité. On le trouve au mouton, au chevreuil et à plusieurs races de chiens. L’organe de la piété vraie ou fausse se manifeste par un gonflement au-dessus de l’organe de la bonhomie. L’organe de l’orgueil et de la fierté se manifeste par une protubérance ovale au haut de l’occiput. L’organe de l’ambition et de la vanité se manifeste par deux protubérances placées au sommet de la tête et séparées par l’organe de la fierté. L’organe de la prudence se manifeste par deux protubérances placées à côté des protubérances de l’ambition, sur les angles postérieurs du crâne. Enfin, l’organe de la constance et de la fermeté se manifeste par une protubérance placée derrière la tête, au-dessous de l’organe de la fierté.

Ce système du docteur Gall a eu, comme on l’a dit, de nombreux partisans, mais il n’a guère eu moins d’ennemis. Quelques-uns l’ont comparé aux rêveries de certains physionomistes, quoiqu’il ait, en apparence du moins, un fondement moins chimérique. On a vu cent fois le grand homme et l’homme ordinaire se ressembler par les traits du visage, et jamais, dit-on, le crâne du génie ne ressemble à celui de l’idiot. Peut-être le docteur Gall a-t-il voulu pousser trop loin sa doctrine, et on peut s’abuser en donnant des règles invariables sur des choses qui ne sont pas toujours constantes. Un savant de nos jours a soutenu, contre le sentiment du docteur Gall, que les inclinations innées n’existaient pas dans les protubérances du crâne, puisqu’il dépendrait alors du bon plaisir des sages-femmes de déformer les enfants, et de les modeler, dès leur naissance, en idiots ou en génies ; mais le docteur Gall trouve cette objection risible, parce que, quand même on enfoncerait le crâne par exemple à un endroit où se trouve un organe précieux, cet organe comprimé se rétablirait peu à peu de lui-même, et parce que le cerveau résiste à toute pression extérieure par l’élasticité des tendres filets, et qu’aussi longtemps qu’il n’a pas été écrasé ou totalement détruit, il fait une répression suffisante. Cependant Blumenbach écrit que les Caraïbes pressent le crâne de leurs enfants avec une certaine machine, et donnent à la tête la forme propre à ce peuple. Les naturalistes placent aussi les qualités de l’esprit, non dans les protubérances, mais dans la conformation du crâne, et plusieurs prétendent qu’un soufflet ou une pression au crâne de Corneille venant de naître en eût pu faire un imbécile. On voit d’ailleurs des gens qui perdent la raison ou la mémoire par un coup reçu à la tête. Au surplus, le docteur Fodéré parle, dans sa Médecine légale, de voleurs et de fous sur le crâne desquels on n’a point remarqué les protubérances du vol ni celles de la folie. Ajoutons que le crâne de Napoléon Ier avait des bosses qui ont fort intrigué les phrénologistes.

Gamahé ou Camaieu, espèce de talisman qui consiste dans des images ou des caractères naturellement gravés sur certaines pierres, auxquels la superstition a fait attribuer de grandes vertus, parce qu’elle les croit produits par l’influence des esprits. Gaffarel dit qu’Albert le Grand avait une de ces pierres, sur laquelle était un serpent qui possédait cette admirable vertu d’attirer les autres serpents lorsqu’on la plaçait dans le lieu où ils venaient. D’autres pierres, ajoutet-il, guérissent les morsures et chassent les venins. Georges Agricola rapporte qu’on voit des. Gamahés de la forme de quelques parties du corps, ou de quelques plantes, et qui ont des vertus merveilleuses ; ainsi celles qui représentent du sang arrêtent les pertes, etc.

Gamoulis, esprits qui, selon les habitants du Kamtschatka, produisent les éclairs, en se lançant dans leurs querelles les tisons à demi consumés qui ont chauffé leurs huttes. Lorsqu’il tombe de la pluie, ce sont les Gamoulis qui rejettent le superflu de la boisson.

Gamygyn, grand marquis des enfers. C’est un puissant démon. On le voit sous la forme d’un petit cheval. Mais dès qu’il prend celle d’un homme, il a une voix rauque et discourt sur les arts libéraux. Il fait paraître aussi devant l’exorciste les âmes qui ont péri dans la mer, et celles qui souffrent dans cette partie du purgatoire qui est appelée Cartagra (c’est-à-dire affliction des âmes). Il répond clairement à toutes les questions qu’on lui fait ; il reste auprès de l’exorciste jusqu’à ce qu’il ait exécuté tout ce qu’on lui ordonne ; cependant là-bas, trente légions lui sont soumises[668].

Gandillon (Pierre), sorcier de la FrancheComté, qui fut brûlé vers 1610, pour avoir couru la nuit en forme de lièvre[669].

Gandreid, sorte de magie en usage chez les Islandais, laquelle magie donne la faculté de voyager dans les airs ; elle est, dit-on, d’invention nouvelle, quoique le nom en soit connu depuis des temps reculés. Mais on attribuait autrefois les cavalcades aériennes au diable et à de certains esprits. Les Islandais prétendent aujourd’hui que ce sont des sorcières montées sur des côtes de cheval et des tibias, en guise de manche à balais, qui se promènent par les airs. Les sorcières de basse Saxe et du duché de Brunswick se mettent à califourchon sur la même monture ; et tous les autres ossements qui se trouvent dans la campagne se pulvérisent à l’approche de l’un de ces cavaliers nocturnes. L’art de préparer leur équipage consiste dans une courroie d’une espèce de cuir qu’ils appellent Gandreid-Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes ou caractères magiques[670].

Ganelon. Voy. Guinefort.

Ganga-Gramma, démon femelle que les Indiens craignent beaucoup, et par conséquent auquel ils rendent de grands honneurs. Il a une seule tête et quatre bras ; il tient dans la main gauche une petite jatte, et dans la droite une fourchette à trois pointes. On le mène en procession sur un char avec beaucoup de pompe ; quelquefois il se trouve des fanatiques qui se font écraser par dévotion sous ses roues. Les boucs sont les victimes ordinaires qu’on lui immole. Dans les maladies ou dans quelque autre danger, il se trouve des Indiens qui font vœu, s’ils en

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