Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Causes finales

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Éd. Garnier - Tome 18
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CAUSES FINALES[1].

SECTION PREMIÈRE.

Virgile dit (Æn., VI, 727) :

Mens agitat molem, et magno se corpore miscet.
L’esprit régit le monde ; il s’y mêle, il l’anime.

Virgile a bien dit ; et Benoît Spinosa[2] qui n’a pas la clarté de Virgile, et qui ne le vaut pas, est forcé de reconnaître une intelligence qui préside à tout. S’il me l’avait niée, je lui aurais dit : « Benoît, tu es fou ; tu as une intelligence et tu la nies, et à qui la nies-tu ? »

Il vient, en 1770, un homme très-supérieur à Spinosa à quelques égards, aussi éloquent que le juif hollandais est sec ; moins méthodique, mais cent fois plus clair ; peut-être aussi géomètre[3], sans affecter la marche ridicule de la géométrie dans un sujet métaphysique et moral : c’est l’auteur du Système de la nature[4] ; il a pris le nom de Mirabaud, secrétaire de l’Académie française. Hélas ! notre bon Mirabaud n’était pas capable d’écrire une page du livre de notre redoutable adversaire. Vous tous qui voulez vous servir de votre raison et vous instruire, lisez cet éloquent et dangereux passage du Système de la nature. (Partie II, chapitre v, pages 153 et suivantes.)

« On prétend que les animaux nous fournissent une preuve convaincante d’une cause puissante de leur existence ; on nous dit que l’accord admirable de leurs parties, que l’on voit se prêter des secours mutuels afin de remplir leurs fonctions et de maintenir leur ensemble, nous annonce un ouvrier qui réunit la puissance à la sagesse. Nous ne pouvons douter de la puissance de la nature ; elle produit tous les animaux que nous voyons, à l’aide des combinaisons de la matière, qui est dans une action continuelle ; l’accord des parties de ces mêmes animaux est une suite des lois nécessaires de leur nature et de leur combinaison ; dès que cet accord cesse, l’animal se détruit nécessairement. Que deviennent alors la sagesse, l’intelligence[5], ou la bonté de la cause prétendue à qui l’on faisait honneur d’un accord si vanté ? Ces animaux si merveilleux, que l’on dit être les ouvrages d’un Dieu immuable, ne s’altèrent-ils point sans cesse, et ne finissent-ils pas toujours par se détruire ? Où est la sagesse, la bonté, la prévoyance, l’immutabilité[6] d’un ouvrier qui ne paraît occupé qu’à déranger et briser les ressorts des machines qu’on nous annonce comme les chefs-d’œuvre de sa puissance et de son habileté ? Si ce Dieu ne peut faire autrement[7], il n’est ni libre ni tout-puissant. S’il change de volonté, il n’est point immuable. S’il permet que des machines qu’il a rendues sensibles éprouvent de la douleur, il manque de bonté[8]. S’il n’a pu rendre ses ouvrages plus solides, c’est qu’il a manqué d’habileté. En voyant que les animaux, ainsi que tous les autres ouvrages de la Divinité, se détruisent, nous ne pouvons nous empêcher d’en conclure, ou que tout ce que la nature fait est nécessaire, et n’est qu’une suite de ses lois, ou que l’ouvrier qui la fait agir est dépourvu de plan, de puissance, de constance, d’habileté, de bonté.

« L’homme, qui se regarde lui-même comme le chef-d’œuvre de la Divinité, nous fournirait plus que toute autre production la preuve de l’incapacité ou de la malice[9] de son auteur prétendu. Dans cet être sensible, intelligent, pensant, qui se croit l’objet constant de la prédilection divine, et qui fait son Dieu d’après son propre modèle, nous ne voyons qu’une machine plus mobile, plus frêle, plus sujette à se déranger par sa grande complication que celle des êtres les plus grossiers. Les bêtes dépourvues de nos connaissances, les plantes qui végètent, les pierres privées de sentiment, sont à bien des égards des êtres plus favorisés que l’homme ; ils sont au moins exempts des peines d’esprit, des tourments de la pensée, des chagrins dévorants, dont celui-ci est si souvent la proie. Qui est-ce qui ne voudrait point être un animal ou une pierre toutes les fois qu’il se rappelle la perte irréparable d’un objet aimé[10] ? Ne vaudrait-il pas mieux être une masse inanimée qu’un superstitieux inquiet qui ne fait que trembler ici-bas sous le joug de son Dieu, et qui prévoit encore des tourments infinis dans une vie future ? Les êtres privés de sentiment, de vie, de mémoire et de pensée, ne sont point affligés par l’idée du passé, du présent, et de l’avenir ; ils ne se croient pas en danger de devenir éternellement malheureux pour avoir mal raisonné, comme tant d’êtres favorisés, qui prétendent que c’est pour eux que l’architecte du monde a construit l’univers.

« Que l’on ne nous dise point que nous ne pouvons avoir l’idée d’un ouvrage sans avoir celle d’un ouvrier distingué de son ouvrage. La nature n’est point un ouvrage : elle a toujours existé par elle-même[11] ; c’est dans son sein que tout se fait ; elle est un atelier immense pourvu de matériaux, et qui fait les instruments dont elle se sert pour agir : tous ses ouvrages sont des effets de son énergie et des agents ou causes qu’elle fait, qu’elle renferme, qu’elle met en action. Des éléments éternels, incréés, indestructibles, toujours en mouvement, en se combinant diversement, font éclore tous les êtres et les phénomènes que nous voyons, tous les effets bons ou mauvais que nous sentons, l’ordre ou le désordre, que nous ne distinguons jamais que par les différentes façons dont nous sommes affectés ; en un mot, toutes les merveilles sur lesquelles nous méditons et raisonnons. Ces éléments n’ont besoin pour cela que de leurs propriétés, soit particulières, soit réunies, et du mouvement qui leur est essentiel, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un ouvrier inconnu pour les arranger, les façonner, les combiner, les conserver et les dissoudre.

« Mais en supposant pour un instant qu’il soit impossible de concevoir l’univers sans un ouvrier qui l’ait formé et qui veille à son ouvrage, où placerons-nous cet ouvrier[12] ? sera-t-il dedans ou hors de l’univers ? est-il matière ou mouvement ? ou bien n’est-il que l’espace, le néant, ou le vide ? Dans tous ces cas, ou il ne serait rien, ou il serait contenu dans la nature et soumis à ses lois. S’il est dans la nature, je n’y pense voir que de la matière en mouvement, et je dois en conclure que l’agent qui la meut est corporel et matériel, et que par conséquent il est sujet à se dissoudre. Si cet agent est hors de la nature, je n’ai plus aucune idée[13] du lieu qu’il occupe, ni d’un être immatériel, ni de la façon dont un esprit sans étendue peut agir sur la matière dont il est séparé. Ces espaces ignorés, que l’imagination a placés au delà du monde visible, n’existent point pour un être qui voit à peine à ses pieds[14] : la puissance idéale qui les habite ne peut se peindre à mon esprit que lorsque mon imagination combinera au hasard les couleurs fantastiques qu’elle est toujours forcée de prendre dans le monde où je suis ; dans ce cas je ne ferai que reproduire en idée ce que mes sens auront réellement aperçu ; et ce Dieu, que je m’efforce de distinguer de la nature et de placer hors de son enceinte, y rentrera toujours nécessairement et malgré moi.

« L’on insistera, et l’on dira que si l’on portait une statue ou une montre à un sauvage qui n’en aurait jamais vu, il ne pourrait s’empêcher de reconnaître que ces choses sont des ouvrages de quelque agent intelligent, plus habile et plus industrieux que lui-même : l’on conclura de là que nous sommes pareillement forcés de reconnaître que la machine de l’univers, que l’homme, que les phénomènes de la nature, sont des ouvrages d’un agent dont l’intelligence et le pouvoir surpassent de beaucoup les nôtres.

« Je réponds, en premier lieu, que nous ne pouvons douter que la nature ne soit très-puissante et très-industrieuse[15] ; nous admirons son industrie toutes les fois que nous sommes surpris des effets étendus, variés et compliqués que nous trouvons dans ceux de ses ouvrages que nous prenons la peine de méditer : cependant elle n’est ni plus ni moins industrieuse dans l’un de ses ouvrages que dans les autres. Nous ne comprenons pas plus comment elle a pu produire une pierre ou un métal qu’une tête organisée comme celle de Newton. Nous appelons industrieux un homme qui peut faire des choses que nous ne pouvons pas faire nous-mêmes. La nature peut tout ; et dès qu’une chose existe, c’est une preuve qu’elle a pu la faire. Ainsi ce n’est jamais que relativement à nous-mêmes que nous jugeons la nature industrieuse ; nous la comparons alors à nous-mêmes, et comme nous jouissons d’une qualité que nous nommons intelligence, à l’aide de laquelle nous produisons des ouvrages où nous montrons notre industrie, nous en concluons que les ouvrages de la nature qui nous étonnent le plus ne lui appartiennent point, mais sont dus à un ouvrier intelligent comme nous, dont nous proportionnons l’intelligence à l’étonnement que ses œuvres produisent en nous, c’est-à-dire à notre faiblesse et à notre propre ignorance[16]. »

Voyez la réponse à ces arguments aux articles Athéisme et Dieu, et la section suivante, écrite longtemps avant le Système de la nature[17].

SECTION II.

Si une horloge n’est pas faite pour montrer l’heure, j’avouerai alors que les causes finales sont des chimères ; et je trouverai fort bon qu’on m’appelle cause-finalier, c’est-à-dire un imbécile.

Toutes les pièces de la machine de ce monde semblent pourtant faites l’une pour l’autre. Quelques philosophes affectent de se moquer des causes finales, rejetées par Épicure et par Lucrèce. C’est plutôt, ce me semble, d’Épicure et de Lucrèce qu’il faudrait se moquer. Ils vous disent que l’œil n’est point fait pour voir, mais qu’on s’en est servi pour cet usage quand on s’est aperçu que les yeux y pouvaient servir. Selon eux, la bouche n’est point faite pour parler, pour manger, l’estomac pour digérer, le cœur pour recevoir le sang des veines et l’envoyer dans les artères, les pieds pour marcher, les oreilles pour entendre. Ces gens-là cependant avouaient que les tailleurs leur faisaient des habits pour les vêtir, et les maçons des maisons pour les loger ; et ils osaient nier à la nature, au grand Être, à l’Intelligence universelle, ce qu’ils accordaient tous à leurs moindres ouvriers.

Il ne faut pas sans doute abuser des causes finales. Nous avons remarqué[18] qu’en vain M. le prieur, dans le Spectacle de la nature, prétend que les marées sont données à l’Océan pour que les vaisseaux entrent plus aisément dans les ports, et pour empêcher que l’eau de la mer ne se corrompe. En vain dirait-il que les jambes sont faites pour être bottées, et les nez pour porter des lunettes.

Pour qu’on puisse s’assurer de la fin véritable pour laquelle une cause agit, il faut que cet effet soit de tous les temps et de tous les lieux. Il n’y a pas eu des vaisseaux en tout temps et sur toutes les mers ; ainsi l’on ne peut pas dire que l’Océan ait été fait pour les vaisseaux. On sent combien il serait ridicule de prétendre que la nature eût travaillé de tout temps pour s’ajuster aux inventions de nos arts arbitraires, qui tous ont paru si tard ; mais il est bien évident que si les nez n’ont pas été faits pour les besicles, ils l’ont été pour l’odorat, et qu’il y a des nez depuis qu’il y a des hommes. De même les mains n’ayant pas été données en faveur des gantiers, elles sont visiblement destinées à tous les usages que le métacarpe et les phalanges de nos doigts, et les mouvements du muscle circulaire du poignet, nous procurent.

Cicéron, qui doutait de tout, ne doutait pas pourtant des causes finales.

Il paraît bien difficile surtout que les organes de la génération ne soient pas destinés à perpétuer les espèces. Ce mécanisme est bien admirable, mais la sensation que la nature a jointe à ce mécanisme est plus admirable encore. Épicure devait avouer que le plaisir est divin, et que ce plaisir est une cause finale, par laquelle sont produits sans cesse des êtres sensibles qui n’ont pu se donner la sensation.

Cet Épicure était un grand homme pour son temps ; il vit ce que Descartes a nié, ce que Gassendi a affirmé, ce que Newton a démontré, qu’il n’y a point de mouvement sans vide. Il conçut la nécessité des atomes pour servir de parties constituantes aux espèces invariables : ce sont là des idées très-philosophiques. Rien n’était surtout plus respectable que la morale des vrais épicuriens : elle consistait dans l’éloignement des affaires publiques, incompatibles avec la sagesse, et dans l’amitié, sans laquelle la vie est un fardeau ; mais, pour le reste de la physique d’Épicure, elle ne paraît pas plus admissible que la matière cannelée de Descartes. C’est, ce me semble, se boucher les yeux et l’entendement que de prétendre qu’il n’y a aucun dessein dans la nature ; et, s’il y a du dessein, il y a une cause intelligente, il existe un Dieu.

On nous objecte les irrégularités du globe, les volcans, les plaines de sables mouvants, quelques petites montagnes abîmées, et d’autres formées par des tremblements de terre, etc. Mais de ce que les moyeux des roues de votre carrosse auront pris feu, s’ensuit-il que votre carrosse n’ait pas été fait expressément pour vous porter d’un lieu à un autre ?

Les chaînes des montagnes qui couronnent les deux hémisphères, et plus de six cents fleuves qui coulent jusqu’aux mers du pied de ces rochers ; toutes les rivières qui descendent de ces mêmes réservoirs, et qui grossissent les fleuves, après avoir fertilisé les campagnes ; des milliers de fontaines qui partent de la même source, et qui abreuvent le genre animal et le végétal : tout cela ne paraît pas plus l’effet d’un cas fortuit et d’une déclinaison d’atomes, que la rétine qui reçoit les rayons de la lumière, le cristallin qui les réfracte, l’enclume, le marteau, l’étrier, le tambour de l’oreille qui reçoit les sons, les routes du sang dans nos veines, la systole et la diastole du cœur, ce balancier de la machine qui fait la vie.

SECTION III[19].

Mais, dit-on, si Dieu a fait visiblement une chose à dessein, il a donc fait toutes choses à dessein. Il est ridicule d’admettre la Providence dans un cas, et de la nier dans les autres. Tout ce qui est fait a été prévu, a été arrangé. Nul arrangement sans objet, nul effet sans cause : donc tout est également le résultat, le produit d’une cause finale ; donc il est aussi vrai de dire que les nez ont été faits pour porter des lunettes, et les doigts pour être ornés de bagues, qu’il est vrai de dire que les oreilles ont été formées pour entendre les sons, et les yeux pour recevoir la lumière[20].

Il ne résulte de cette objection rien autre, ce me semble, sinon que tout est l’effet prochain ou éloigné d’une cause finale générale ; que tout est la suite des lois éternelles.

Les pierres, en tout lieu et en tout temps, ne composent pas des bâtiments ; tous les nez ne portent pas des lunettes ; tous les doigts n’ont pas une bague ; toutes les jambes ne sont pas couvertes de bas de soie. Un ver à soie n’est donc pas fait pour couvrir mes jambes, précisément comme votre bouche est faite pour manger, et votre derrière pour aller à la garde-robe. Il y a donc des effets immédiats produits par les causes finales, et des effets en très-grand nombre qui sont des produits éloignés de ces causes.

Tout ce qui appartient à la nature est uniforme, immuable, est l’ouvrage immédiat du Maître : c’est lui qui a créé les lois par lesquelles la lune entre pour les trois quarts dans la cause du flux et du reflux de l’Océan, et le soleil pour son quart ; c’est lui qui a donné un mouvement de rotation au soleil, par lequel cet astre envoie en sept minutes et demie des rayons de lumière dans les yeux des hommes, des crocodiles, et des chats.

Mais si, après bien des siècles, nous nous sommes avisés d’inventer des ciseaux et des broches, de tondre avec les uns la laine des moutons et de les faire cuire avec les autres pour les manger, que peut-on en inférer autre chose sinon que Dieu nous a faits de façon qu’un jour nous deviendrions nécessairement industrieux et carnassiers ?

Les moutons n’ont pas sans doute été faits absolument pour être cuits et mangés, puisque plusieurs nations s’abstiennent de cette horreur. Les hommes ne sont pas créés essentiellement pour se massacrer, puisque les brames et les respectables primitifs qu’on nomme quakers ne tuent personne ; mais la pâte dont nous sommes pétris produit souvent des massacres, comme elle produit des calomnies, des vanités, des persécutions, et des impertinences. Ce n’est pas que la formation de l’homme soit précisément la cause finale de nos fureurs et de nos sottises : car une cause finale est universelle et invariable en tout temps et en tout lieu ; mais les horreurs et les absurdités de l’espèce humaine n’en sont pas moins dans l’ordre éternel des choses. Quand nous battons notre blé, le fléau est la cause finale de la séparation du grain, Mais si ce fléau, on battant mon blé, écrase mille insectes, ce n’est point par ma volonté déterminée, ce n’est pas non plus par hasard : c’est que ces insectes se sont trouvés cette fois sous mon fléau, et qu’ils devaient s’y trouver.

C’est une suite de la nature des choses, qu’un homme soit ambitieux, que cet homme enrégimente quelquefois d’autres hommes, qu’il soit vainqueur ou qu’il soit battu ; mais jamais on ne pourra dire : L’homme a été créé de Dieu pour être tué à la guerre.

Les instruments que nous a donnés la nature ne peuvent être toujours des causes finales en mouvement. Les yeux donnés pour voir ne sont pas toujours ouverts ; chaque sens a ses temps de repos. Il y a même des sens dont on ne fait jamais d’usage. Par exemple, une malheureuse imbécile, enfermée dans un cloître à quatorze ans, ferme pour jamais chez elle la porte dont devait sortir une génération nouvelle ; mais la cause finale n’en subsiste pas moins ; elle agira dès qu’elle sera libre.


  1. Dans la première édition des Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770, et dans toutes les éditions données du vivant de l’auteur, voici quelle était la disposition de l’article : 1° en forme de préambule, ce qui forme aujourd’hui la première section ; 2° sous le titre de Cause finale, première section, le morceau qui fait aujourd’hui la deuxième section ; 3° sous le titre de seconde section, ce qui forme aujourd’hui la troisième. (B.)

    — Voltaire, qu’Helvétius appelait un cause-finalier, combat, dans cet article, le célèbre Système de la nature, du baron d’Holbach. Ce traité de l’athéisme parut en 1770, sous le nom de feu M. Mirabaud, qui avait été secrétaire perpétuel de l’Académie française, ancien oratorien et instituteur des princesses de la maison d’Orléans. Le fond de la théorie de d’Holbach se trouve dans la Lettre de Thrasybule à Leucippe, publiée également sous le nom d’un mort, le savant Fréret, mais qu’on attribue, les uns à Lévesque, les autres à Naigeon. Ce qui est certain, c’est que Diderot initia d’Holbach à la doctrine que celui-ci prêcha toute sa vie, et qu’il rédigea en partie le Système de la nature. D’origine allemande, d’Holbach était laborieux, bienveillant, libéral, bonhomme, vivant dans sa famille et tout à ses amis. Cet homme, si simplement simple, pour parler comme Mme Geoffrin, avait fait de son hôtel une sorte d’académie où se réunissaient à jour fixe Diderot, Helvétius, Raynal, Marmontel, Saint-Lambert, Morellet, Galiani, Grimm, La Grange, Naigeon. On vit aussi chez lui Turgot, Hume, Condillac, d’Alembert, et Buffon, ainsi que J.-J. Rousseau, dont la brouille avec les d’holbachiens est fameuse. Cette société s’appelait la synagogue. Le baron d’Holbach, qui avait poussé plus qu’aucun autre à la révolution, eut le bonheur de la voir éclore, car il ne mourut qu’en 1789. (G. A.)

  2. Ou plutôt Baruch ; car il s’appelait Baruch, comme on le dit ailleurs. Il signait B. Spinosa. Quelques chrétiens fort mal instruits, et qui ne savaient pas que Spinosa avait quitté le judaïsme sans embrasser le christianisme, prirent ce B pour la première lettre de Benedictus, Benoît. (Note de Voltaire.) — Cette note de Voltaire a paru pour la première fois dans l’édition in-4o. Dès 1771, dans la quatrième partie de ses Questions sur l’Encyclopédie, il avait dit que Spinosa s’appelait Baruch, et non Benoît. Voyez ci-après la note à la fin de la troisième section de l’article Dieu ; voyez cet article. (B.)
  3. L’édition originale porte : non moins méthodique, cent fois plus clair, aussi géomètre, etc. ; mais l’édition in-4o, l’édition encadrée ou de 1775, données du vivant de l’auteur, contiennent la version que j’ai conservée et qui est aussi celle qu’ont suivie les éditeurs de Kehl. (B.)
  4. Le baron d’Holbach.
  5. Y a-t-il moins d’intelligence, parce que les générations se succèdent ? (Note de Voltaire.)
  6. Il y a immutabilité de dessein quand vous voyez immutabilité d’effet. Voyez Dieu. (Id.)
  7. Être libre, c’est faire sa volonté. S’il l’opère, il est libre. (Id.)
  8. Voyez la Réponse dans les articles Athéisme et Dieu. (Id.)
  9. S’il est malin, il n’est point incapable ; et s’il est capable, ce qui comprend pouvoir et sagesse, il n’est pas malin. (Id.)
  10. L’auteur tombe ici dans une inadvertance à laquelle nous sommes tous sujets. Nous disons souvent : J’aimerais mieux être oiseau, quadrupède, que d’être homme, avec les chagrins que j’essuie. Mais quand on tient ce discours, on ne songe pas qu’on souhaite d’être anéanti ; car si vous êtes autre que vous-même, vous n’avez plus rien de vous-même. (Note de Voltaire.)
  11. Vous supposez ce qui est en question, et cela n’est que trop ordinaire à ceux qui font des systèmes. (Id.)
  12. Est-ce à nous à lui trouver sa place ? C’est à lui de nous donner la nôtre. Voyez la Réponse. (Id.)
  13. Êtes-vous fait pour avoir des idées de tout, et ne voyez-vous pas dans cette nature une intelligence admirable ? (Note de Voltaire.)
  14. Ou le monde est infini, ou l’espace est infini, choisissez. (Id.)
  15. Puissante et industrieuse : je m’en tiens là. Celui qui est assez puissant pour former l’homme et le monde est Dieu. Vous admettez Dieu malgré vous. (Id.)
  16. Si nous sommes si ignorants, comment oserons-nous affirmer que tout se fait sans Dieu ? (Note de Voltaire.)
  17. Le Système de la nature est de 1770 ; et ce qui forme la section suivante est une partie du chapitre x Des Singularités de la nature, traité public deux ans auparavant. Voyez les Mélanges, année 1768. (B.)
  18. Voyez les articles Bornes de l’Esprit humain et Calebasse.
  19. Le texte de cette section est tel que Voltaire l’a donné en 1770, dans les Questions sur l’Encyclopédie ; mais ce morceau avait déjà paru en 1764 dans le Dictionnaire philosophique, article Fin, Causes finales. Il commençait alors ainsi :

    « Il paraît qu’il faut être forcené pour nier que les estomacs soient faits pour digérer, les yeux pour voir, les oreilles pour entendre.

    « D’un autre côté, il faut avoir un étrange amour des causes finales pour assurer que la pierre a été formée pour bâtir des maisons, et que les vers à soie sont nés à la Chine afin que nous ayons du satin en Europe. Mais, dit-on, etc. » (B.)

  20. Dans le Dictionnaire philosophique on lisait, en 1764 :

    « Je crois qu’on peut aisément éclaircir cette difficulté. Quand les effets sont invariablement les mêmes, en tout lieu et en tout temps ; quand ces effets uniformes sont indépendants des êtres auxquels ils appartiennent ; alors il y a visiblement une cause finale.

    « Tous les animaux ont des yeux, ils voient ; tous ont des oreilles, et ils entendent ; tous ont une bouche par laquelle ils mangent ; un estomac, ou quelque chose d’approchant, par lequel ils digèrent ; tous un orifice qui expulse les excréments ; tous un instrument de la génération ; et ces dons de la nature opèrent en eux sans qu’aucun art s’en mêle. Voilà des causes finales clairement établies, et c’est pervertir notre faculté de penser, que de nier une vérité si universelle.

    « Mais les pierres, en tout lieu, etc. » Les éditeurs de Kehl avaient rétabli dans le texte ce passage, et aussi celui que j’ai transcrit dans la note précédente. (B.)


De Caton, du suicide

Causes finales

Celtes