Dostoïevski (Suarès)/né à Moscou

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Né à Moscou, le 12 octobre 1821. Mort à Pétersbourg, le 28 janvier 1881. Il perd sa mère en 1837, son père en 1839. Il étudie à Pétersbourg, dès 1837, avec son frère Michel. Il entre à l’École du Génie militaire, en 1841 ; il donne sa démission en 1844. Il vit dans la misère jusqu’en 1846, où il publie avec succès les Pauvres Gens. De 1847 à 1849, il donne sans succès plusieurs nouvelles et romans.

Il est impliqué dans l’affaire des Pétrachevtsy, arrêté en mars 1849, condamné à mort, le 22 décembre 1849 ; commué en quatre ans de travaux forcés et à la déportation, il part pour la Sibérie, le 25 décembre 1849.

Il vit au bagne, de 1850 à 1854 ; il en sort le 2 mars 1854. Il est incorporé, comme simple soldat, dans un régiment sibérien ; il y sert deux ans ; et libéré en 1856, sans aucunes ressources, il se remet à écrire.

Il épouse la veuve d’un médecin militaire, femme malade et plus âgée que lui ; il adopte le fils de cette femme. Vie misérable à Semipalatinsk, 1857-58. Après bien des démarches, il obtient de rentrer en Russie : d’abord, à Tver, 1858-60 ; enfin, à Pétersbourg, où il est rendu à la liberté entière, sans conditions. Son épreuve et son exil ont duré douze ans. Dès cette époque, il a deux ou trois amis dévoués.

Il fonde une Revue avec son frère, 1861. Elle a du succès. Elle est résolument russe et nationaliste. Il publie Humiliés et Offensés, puis la Maison des Morts, 1861-62. Ces deux années sont les meilleures qu’il ait encore connues. Il a quelques ressources, et peut faire des voyages à l’étranger, 1862-63. Mais sa santé est de plus en plus mauvaise : atteint d’épilepsie, depuis 1849, les accès se multiplient lamentablement ; et sa femme ne cesse plus d’être malade. Enfin, il joue et perd au jeu tout ce qu’il a.

En 1863 triple désastre : sa femme et son frère meurent ; sa revue est supprimée, pour raison politique. Deux familles restent à sa charge, avec quinze mille roubles de dettes.

Trois années terribles, de 1864 à 1867. Il est seul à 45 ans, plus abattu chaque jour par l’épilepsie, accablé de soucis, traqué par les créanciers. Il publie alors Crime et Châtiment, 1865-66.

Le 15 février 1867, il épouse une jeune fille de 22 ans, Anna Grigorievna Svitkine. Il a eu quatre enfants, deux morts en bas âge, deux qui survivent.

De 1867 à 1871, il passe près de cinq ans à l’étranger, chassé de Russie par la terreur de la prison pour dettes. Le plus souvent il est à Dresde, où il aurait pu voir Ibsen et Wagner, qu’il semble ne pas avoir connus même de nom. Le reste du temps, il séjourne en Italie, en France, en Suisse et surtout à Genève, qu’il déteste.

Ces années peineuses et misérables sont pourtant capitales dans son œuvre. La revue de Katkov, le célèbre nationaliste orthodoxe, publie l’Idiot, en 1868 ; l’Éternel Mari, en 1870 ; les Possédés, en 1871-72.

En 1871, Dostoïevski rentre à Pétersbourg. Il n’en sort plus.

De 1875 à 1877, il édite une brochure périodique, dont il est le seul rédacteur, et qui fonde, soudain, sa gloire. Le Journal d’un Écrivain obtient un succès immense. Il fait plus pour Dostoïevski, cent fois, que tous ses chefs-d’œuvre ensemble. À 56 ans, il devient la voix de la Russie même. Il est l’écrivain national de son pays. En toute circonstance, il parle désormais pour la nation : à propos de Pouchkine ou de Nékrassov, au sujet de la guerre contre les Turcs, aux étudiants, aux juges. Il a pour lui le peuple et les lettrés.

En 1880, il donne les Frères Karamazov.

Il meurt le 28 janvier 1881. On lui fait des funérailles à la Victor Hugo. Quarante-deux députations suivent le convoi, et représentent toutes les classes de la société. Le cortège s’étend sur la longueur d’une lieue.

Quinze ans plus tard, Tolstoï condamnant tous les livres et les siens mêmes, n’excepte dans l’art moderne que les œuvres de Dostoïevski.