Du principe de l'art et de sa destination sociale/Chapitre XV

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CHAPITRE XV


Confirmation de la théorie criticiste. — Les Casseurs de pierres, Les Demoiselles de la Seine.


Les débuts de l’école critique, aux expositions de 1851 et 1853, produisirent une impression généralement désagréable, pénible. Cela ne pouvait manquer d’arriver : d’abord nous sommes au prélude d’une révolution ; de même que l’histoire est à écrire, — l’art tout entier est à refaire : on devait s’attendre que les premiers essais laisseraient à désirer ; puis le goût public est dépravé et l’impatience de la vérité extrême. Vous sentez-vous corrompus ? demandait un jour aux électeurs de Lisieux M. Guizot. Il était sûr de la réponse ; aussi le suffrage de ces honnêtes citoyens ne lui manqua pas. Avec Courbet, c’est autre chose : il ne ménage pas-la vérité à son public ; aussi les applaudissements sont rares et le succès médiocre.

Le plus grand mal d’une société qu’ont fait déchoir les surexcitations de l’idéalisme, c’est qu’elle n’a plus de goût que pour ce qui l’a perdue, et qu’elle n’offre plus de prise au réformateur, artiste ou philosophe, qui cherche à la faire revenir. Elle ressemble à ces malades pris de dégoût, que ni l’exercice, ni la diète, ni le-grand air, ni les raffinements de la gastronomie n’ont la puissance de mettre en appétit. L’idéal est une des puissances de notre âme : une fois épuisée, elle ne peut se rétablir que par un vigoureux effort de la conscience. Que si l’abus des jouissances a détendu jusqu’au ressort moral, l’homme est fini : ni art ni raison n’y peuvent plus rien ; il n’y a qu’à jeter le cadavre.

Ces réflexions m’ont été principalement suggérées par deux tableaux de Courbet, bien différents pour le sujet, mais qui se font pendant par l’idée : les Casseurs de pierres et les Demoiselles de la Seine. On accuse Courbet de tuer l’idéal par son réalisme ; jamais peintre, au contraire, ne l’excita plus fortement qu’il n’a fait dans ces deux remarquables ouvrages.

Les Casseurs de pierres.

D’autres, avant Courbet, ont essayé de la peinture socialiste, et n’ont pas réussi. C’est qu’il ne suffit pas de vouloir : il faut être artiste. Reproduire des réalités, encore une fois, n’est rien : il faut faire penser ; il faut toucher, faire luire sur la conscience un idéal d’autant plus énergique qu’il se dérobe aux regards.

Les Casseurs de pierres sont une ironie à l’adresse de notre civilisation industrielle, qui tous les jours invente des machines merveilleuses pour labourer, semer, faucher, moissonner, battre le grain, moudre, pétrir, Mer, tisser, coudre, imprimer, fabriquer des clous, du papier, des épingles, des cartes ; exécuter enfin toutes sortes de travaux, souvent fort compliqués et délicats, et qui est incapable d’affranchir l’homme des travaux les plus grossiers, les plus pénibles, les plus répugnants, apanage éternel de la misère. Nos machines en général, chefs-d’œuvre de précision, ont plus d’habileté que nous-mêmes ; elles font mieux que-nous, pour peu que ce que nous leur demandons exige d’intelligence et même d’art ; une fois en mouvement, elles nous remplacent avec un immense avantage. Il n’y a qu’un reproche à leur faire : elles ne se meuvent pas d’elles-mêmes ; elles ont besoin qu’on les surveille, qu’on les gouverne et même qu’on les serve. Or, quel est le serviteur des machines ? L’homme. L’homme serf, tel est le dernier mot de l’industrialisme moderne. Il y a longtemps que le problème de la spéculation capitaliste, consistant à reporter chaque année au compte de capital les salaires économisés des ouvriers, serait résolu, si la mécanique avait pu, de son côté, résoudre celui du mouvement perpétuel ; si, en définitive, le moteur originel de l’industrie pouvait être autre que l’homme...

Voilà, direz-vous, bien de la philosophie à propos d’un tableau ! Qui empêche d’inventer une machine à casser les pierres, comme on en a inventé une cour les scier ? M. Courbet n’aurait eu alors rien à dire. — A quoi je réponds : Courbet eût tout simplement modifié son sujet, car l’idée serait demeurée exactement la même, le problème étant insoluble. Une invention en appelle une autre ; de sorte que, pour esquiver toute main-d’œuvre, nous tombons dans le machinisme universel, aussi impossible, aussi introuvable que le mouvement perpétuel. Sans doute on ferait une machine à casser des pierres ; mais, pour être conséquent au point de vue du capitalisme, il en faudrait une autre pour les extraire de la carrière, une autre pour les charger, une pour les voiturer et les conduire, une encore pour les répandre ; ce qui n’aurait pas de fin. Ce n’est pas tout : admettant ce machinisme, que ferez-vous des malheureux qui aujourd’hui vivent de ces travaux pénibles, et qui alors, sans occupation, n’auraient pour subsister ni capital, ni propriété, ni revenu ?... Si bien qu’en résultat, l’homme est l’esclave de la machine, de la machine qu’il a inventée et construite de ses mains ; que plus nous développons autour de nous la mécanique, plus nous multiplions la servitude, et que la misère physique, intellectuelle et morale de nos esclaves est d’autant plus grande que leur besogne est plus grossière et leur fonction plus servile. Telle est la loi du travail : elle est fatale ; il n’y a pas moyen de faire qu’il en soit autrement. Que pensez-vous de cette situation ?-Elle est on ne peut plus affligeante. N’y aurait-il pas moyen d’y trouver quelque remède, quelque adoucissement ?- On n’en connaît qu’un : c’est de répartir cette lourde tâche comme un service public, corvée ou prestation, entre tous les membres valides de la société. Hors de là il y a exploitation, asservissement des uns par les autres, partant dégradation de la race, enlaidissement. — Comment ! est-ce que l’esthétique aussi conclurait à cela ? — Sans doute, et si l’art ne s’est pas avisé plus tôt d’en dire son mot, c’est que jusqu’à l’année 1789 de Jésus-Christ, le droit de l’homme et du citoyen était resté lettre close. L’idéalisme égyptien admettait la servitude ; l’idéalisme grec, tout de même...

Fermez les yeux maintenant. Les personnages qui figurent dans le tableau de Courbet sont au nombre de deux : un jeune homme de dix-huit ans et un vieillard de soixante. Avant d’examiner la peinture, dites-moi lequel de ces deux hommes vous semble devoir exprimer le mieux la servitude et la misère. — Le vieillard, assurément ; la vieillesse ajoute au malheur et à l’indigence, tandis qu’il n’est pas d’afflictions que ne rachète la jeunesse. — Eh bien, vous vous êtes trompé ; regardez maintenant.

Ce vieillard à genoux, courbé sur sa rude tâche, qui casse des pierres au bord du chemin, avec un marteau à long manche, attire certainement votre compassion. Sa figure immobile est d’une mélancolie qui va au cœur. Ses bras enroidis se lèvent et tombent avec la régularité d’un levier. Voilà bien l’homme mécanique ou mécanisé, dans la désolation que lui font notre civilisation splendide et notre incomparable industrie. Pourtant cet homme a eu des jours meilleurs, puisqu’il a vécu ; si le présent est pour-lui sans illusion, sans espérance, il a du moins pour s’entretenir ses souvenirs, ses regrets, et ce n’est pas rien que d’avoir à se remémorer quelque chose ; tandis que ce déplorable garçon qui porte les pierres ne saura rien des joies de la vie ; enchaîné avant le temps à la corvée, déjà il se découd ; son épaule se déjette, sa démarche est affaissée, son pantalon tombe ; l’insoucieuse misère lui a fait perdre le soin de sa personne et la prestesse de ses dix-huit ans. Broyé dans sa puberté, il ne vivra pas. Ainsi le servage moderne dévore les générations dans leur croissance : voilà le prolétariat. Et nous parlons de liberté, de dignité humaine ! nous déclamons contre l’esclavage des Noirs, que leur qualité de bêtes de somme garantit au moins contre cet excès d’indigence ? Plût à Dieu que nos prolétaires fussent matériellement aussi bien traités que les Noirs 1 Sans doute il ne serait pas tout à fait juste de juger, d’après ce triste échantillon, le grand peuple aux dix millions d’électeurs souverains ; mais en est-il moins vrai que c’est là une des faces honteuses de notre société, et qu’il n’est pas un de nous, citadin ou paysan, ouvrier ou propriétaire, qui ne puisse un jour, par un accident de fortune, se voir réduit là ? La condition des casseurs de pierres est celle de plus de six millions d’âmes en France ; vantez donc votre industrie, votre philanthropie et votre politique !

Un critique, d’une école qui n’est pas la nôtre, a dit des Casseurs de pierres que ce tableau était « en son genre un chef-d’œuvre.» J’accepte ce jugement. Le genre auquel appartiennent les Casseurs de pierres est aujourd’hui le genre le plus’élevé, le seul admissible. Que manque-t-il à cette toile pour qu’elle réunisse tous les suffrages ? Précisément d’être, en son genre, moins achevée. Si Courbet, par exemple, était aussi amoureux de l’antithèse que Victor Hugo, rien ne lui eût été plus facile que de créer dans son tableau un contraste : il aurait placé les casseurs de pierres à côté de la grille d’un château ; derrière cette grille, en perspective, un vaste et superbe jardin : au fond, l’habitation du maître, avec terrasse, portique, statues de marbre représentant Vénus, Hercule, Apollon et Diane. Cela eût produit son effet, Courbet a préféré la grande route toute nue, avec son désert et sa monotonie : en quoi je suis tout à fait de son sentiment. La route solitaire est d’une bien autre poésie que ce contraste affecté de l’opulence et de la misère. C’est là qu’habitent le travail sans distraction, la pauvreté sans fêtes et la tristesse désolée.

Des paysans, qui avaient eu l’occasion de voir le tableau de Courbet, auraient voulu l’avoir pour le placer, devinez où ? Sur le maitre-autel de leur église. Les Casseurs de pierres valent une parabole de l'Évangile ; c’est de la morale en action. Je recommande cette idée paysanesque à M. Flandrin : elle pourra l’éclairer dans ses compositions religieuses.


Les Demoiselles de la Seine.


La pauvreté vous chagrine ; ce labeur de cheval aveugle attaché au manège vous fait mal à voir. Vous admettez la tragédie, les infortunes éclatantes, le malheur héroïque ; mais vous demandez s’il est de la dignité de l’art de reproduire ces vulgaires souffrances On sait bien, dites-vous, que tout dans cette vie n’est pas rose et amour : nos hôpitaux, nos prisons, nos asiles, nos monts-de-piété, nos bagnes, sont les monuments gigantesques de nos douleurs. La peine, c’est chose acquise, tient plus de place en ce bas monde que la joie. Mais pourquoi les confondre ? Pourquoi empoisonner le peu qui nous reste de félicité en mêlant les images de l’une à celles de l’autre. L’art a pour mission de jeter un voile de consolation et de décence sur la face misérable du siècle. Rome, qui bâtit le Colysée, avait ses égouts et ses cloaques, ou certes ne s’assemblèrent jamais ni le sénat ni le peuple. Ah ! faites-nous grâce de votre réalité : elle est assez odieuse par elle-même, sans que vous y ajoutiez encore par les raffinements de votre art critique...

Et voilà justement en quoi consiste votre erreur, l’erreur de toutes les écoles d’art depuis le commencement du monde : vous voulez séparer ce qui est de soi inséparable, la lumière des ténèbres, l’esprit de la matière, la forme de la substance, la beauté de la laideur, le plaisir de la peine, l’art de la science et de l’industrie, l’idéal de la conscience, la jouissance du travail et de la maladie, la liberté de la servitude, la vie de la mort, la gloire de l’humiliation. Vous ne savez pas que la vie humaine se’ compose incessamment de l’union de ces contraires, mêlés à diverses doses. Vous vous êtes fait un type des dieux et un type de l’homme, un type de l’aristocrate et un type de l’esclave ; vous avez rêvé une existence de perfection et de béatitude, et une autre de damnation et de supplice ; et vous avez dit : Ceci est l’Idéal, le Paradis, l’Art ; et cela est la Réalité, la Barbarie, l’Enfer. Et vous avez ainsi proscrit les neuf dixièmes du genre humain, vous réservant l’idéal et les condamnant au travail Nous rejetons vos catégories égoïstes ; nous prétendons que l’art doit tout embrasser, à peine d’infamie pour lui et pour vous.

Mais il faut vous contenter. Voici du luxe, de l’élégance, du loisir, des pensées hautes et ambitieuses, d’ardentes passions. Contemplez et jugez.

Les Demoiselles de la Seine : titre dépourvu de sens, parfaitement imaginé pour tuer une œuvre. La Seine n’a rien à faire ici ; on ne la découvre seulement pas. L’auteur a voulu dire : Deux jeunes personnes à la mode, sous le second Empire. Mais ce titre aurait paru séditieux ; on ne le pouvait permettre. Notez cependant que l’Empire ne sert à désigner ici qu’une date ; de même que la Seine indique, par synecdoque, la civilisation parisienne. C’est tout ce qu’il y a de politique dans le tableau de Courbet.

Sous le premier Empire, à quoi songeaient les jeunes filles ? Je suppose qu’en 1812 cette idée fût venue à un peintre, comme elle est venue de notre temps à Courbet. Il aurait peint ses deux figures pleurant, comme les Troyennes de l’Énéide au bord de la mer ; lisant le bulletin de la Moskowa ou celui de la Bérésina ; pâles et amaigries, comme il convient à des demoiselles en train de coiffer sainte Catherine, et portant dans leur cœur le deuil de leurs amoureux. Grâce au ciel, nous n’en sommes pas là. Napoléon III a fait de grandes guerres ; il a livré de grandes batailles ; il a remporté de grandes victoires : on ne peut pas dire qu’il ait fait rareté d’hommes ; et si l’on épouse moins aujourd’hui, si la population semble diminuer, cela tient à d’autres causes. Nos idées ainsi que nos mœurs ont pris une autre direction. C’est ce que vont nous apprendre les deux figures qui posent là devant nous, sans qu’elles s’en doutent, et que le livret a appelées Demoiselles de la Seine. Demoiselles, oui ; car elles ne sont ni mariées ni veuves, cela se voit du premier coup ; elles ne sont pas même promises, peut-être par leur faute, et c’est pourquoi vous les voyez plongées dans leurs réflexions.

La première est une belle brune, aux traits accentués, légèrement virils, de ces traits qui donnent à une femme de dix-huit à vingt-deux ans des séductions sataniques. Elle est étendue sur l’herbe, pressant la terre de sa poitrine brûlante ; ses yeux, à demi ouverts, nagent dans une érotique rêverie. C’est Phèdre qui rêve d’Hippolyte :


Dieux ! que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !


C’est Lélia qui accuse les hommes des infortunes de son cœur, qui leur reproche de ne savoir pas aimer, et qui cependant repousse le timide et dévoué Sténio. Au premier abord, le sentiment qu’elle vous inspire est celui d’une pitié mêlée de crainte. On a une peur instinctive de ces créatures aux passions tantôt concentrées, tantôt bondissantes, jamais assouvies. Il y a en elles du vampire. Puis, à mesure que vous considérez cette tête charmante, étrangement magnétique, votre pitié tourne à la sympathie ; vous vous sentez fasciné par elle, saisi du démon qui l’obsède. Vous voudriez, au prix de tout votre sang, éteindre l’incendie qui la consume. Fuyez, si vous tenez à votre liberté, à votre dignité d’homme ; si vous ne voulez que cette Circé fasse de vous une bête.

L’autre est blonde, assise, semblable à un buste de marbre. Elle parle cependant ; elle s’entretient tout haut avec elle-même ; sa compagne ne l’écoute pas. Elle aussi poursuit sa chimère, chimère non d’amour, mais de froide ambition. Pourquoi ne serait-elle pas un jour princesse, comme tant d’autres, femme tout au moins d’un archimillionnaire ?N’a-t-elle pas la jeunesse, la beauté, l’esprit, les talents ?Serait-elle déplacée dans une haute position ? Elle vaut bien sa pareille. Personne d’ailleurs ne pourra dire qu’il l’a épousée sans dot ; elle a recueilli déjà ; elle attend encore quelque chose ; elle a su augmenter sa fortune, bien suffisante pour une femme seule. Elle possède des actions et des titres de rente ; elle se connaît aux affaires et suit attentivement les cours. Elle ne joue pas : quelque sotte ! elle opère sur bonnes valeurs achetées à propos, et dont elle sait, avec non moins d’à-propos, se défaire. Oh ! on ne la prendra pas au dépourvu ; elle ne se fait pas d’illusions ; le fol amour ne la tourmente pas. Elle saura attendre : tout ne vient-il pas à point à qui sait attendre ? Bien différente de son amie, elle est maîtresse de son cœur et sait commander à ses désirs. Elle gardera longtemps sa fraîcheur : à trente ans, elle n’en paraîtra pas plus de vingt. D’ici là, peut-elle manquer de rencontrer un lord, un prince russe, un grand d’Espagne ou un agent de change ? Du reste, à quelque âge qu’elle se marie, elle n’aura pas d’enfants : c’est la première condition qu’une fille prudente met à son contrat de mariage.

Les Demoiselles de la Seine font pendant et contraste aux Casseurs de pierres ; l’un des deux tableaux explique l’autre, le complète et le justifie. Tous deux sont dans la réalité, et tous deux puissants par l’idéal ; il suffit, pour s’en convaincre, de s’arrêter quelques minutes à les considérer tour à tour. D’après les principes que nous ayons développés, les deux sujets sont également du domaine de l’art. Demandez-vous cependant, après vous être rendu compte de votre double impression, laquelle de ces existences, celle de ces malheureux journaliers ou celle de ces élégantes, vous semble la plus antiesthétique, la plus démoniaque, sinon au point de vue de la misère matérielle, du moins à celui de la misère morale et de ses effroyables débordements. Ces deux femmes vivent dans le bien être, entourées de tout ce que les arts de luxe peuvent ajouter de raffinements à l’existence. Elles cultivent ce qu’on appelle l’idéal ; elles sont jeunes, belles, délicieuses ; elles savent écrire, peindre, chanter, déclamer ; ce sont de vraies artistes. Mais l’orgueil, l’adultère, le divorce et le suicide, remplaçant les amours, voltigent autour d’elles et les accompagnent ; elles les portent dans leur douaire ; c’est pourquoi, à la fin, elles paraissent horribles. Les Casseurs de pierres, au rebours, crient par leurs haillons vengeance contre l’art et la société ; au fond, ils sont inoffensifs, et leurs âmes sont saines.


On a fait je ne sais plus quels reproches aux Demoiselles de la Seine. La seconde figure me paraît, à moi, trop effacée. J’aime, je l’avoue, que tout soit rendu et mis en saillie dans une peinture d’expression ; plus le sens m’en paraît élevé et profond, moins je supporte les négligences. Je bais la pochade. Ces réserves faites, je demande si de telles conceptions ne sont pas dans la vraie donnée de l’art : si ce n’est pas du plus haut idéalisme, de cet idéalisme qui, au lieu de s’ériger en religion, double sa puissance en se mettant au service de la philosophie et de la morale.