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ART DE NAGER
Panckoucke (1p. 425-445).
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L’ART DE NAGER.

De son utilité.

ON a dit & plusieurs gens instruits ont répété, que l’homme nageoit naturellement, comme le poisson ou l’oiseau aquatique, & que la frayeur seule l’empêchoit de mettre à profit une faculté aussi intéressante pour sa conservation. Cette opinion a été rejettée par Borelli, (de motu animal. ch. 33, prop. 218). Il est vrai que l’homme en nageant n’est pas dans une position qui lui soit naturelle. Touts ses mouvements annoncent la gêne qu’il éprouve ; & le soldat le plus intrépide, le nageur le plus consommé dans son art, l’homme en un mot que la peur n’ébranla jamais dans les dangers les plus imminens, n’est pas moins sujet à se noyer que le néophite. Voilà pourquoi, comme l’observe Borelli, l’enfant qui tombe dans un fleuve, & l’insensé qui s’y précipite, y perdent incontestablement la vie. Considérez au contraire le quadrupède ; voyez avec quelle adresse il brave la fureur des flots ; quelle contenance affurée il montre au milieu même de l’élément dont il n’a jamais approché ! Il ne nage pas ; il marche ; ses pieds semblent tracer des pas semblables à ceux qu’il fait sur la terre ; & s’il ne rencontre aucun obstacle qui l’empêche d’aborder le rivage, vous le verrez traverser impunément les fleuves les plus larges & les plus rapides. Cependant chez les Nègres & plusieurs autres nations, les enfants vont à la mer ou à la rivière voisine dès qu’ils peuvent se traîner, entrent dans l’eau sans crainte, s’effreyent peu-à-peu, & savent nager aussitôt que marcher ; mais il se peut qu’on leur donne d’abord un peu d’aide & de secours.

Toutes les nations de la terre, considérant la profession de nageur, moins comme une faculté naturelle à l’homme, que comme un art véritable, ont eu soin d’y former leurs enfans dès le bias-âge. Toutes, persuadées de l’importance d’une science qui nous paroît aujourd’hui si frivole, ont eu le louable usage d’inspirer à la jeunesse dû goût pour le bain. Les Egyptiens, dont le pays, coupé de toutes parts par une foule de canaux, offroit partout des dangers à celui qui ne s’étoit pas familiarisé avec les eaux, falfoient de l’art de nager une partie essentielle de l’éducation politique. Les Grecs établirent chez eux la même institution ; & le goût que ce peuple avoit pour le commerce de mer, le métier de pirate qu’il exerça longtemps, cette multitude d’îles, dont la région qu’il habitoît étoit parsemée, tout l’invitoit à ne pas négliger une ressource dont il pouvoit tirer un grand avantage en bien des circonstances. Hérodote rapporte que Scyllias de Macédoine rendit son nom célèbre sous


le règne d’Artaxercès Memnon, en faisant sous les eaux de la mer huit stades, pour porter aux Grecs la nouvelle du naufrage de leurs vaisseaux. Les habitans de l’Archipel, marchant à cet égard sur les traces de leurs ancêtres, sont encore pour la plupart de fort bons nageurs ; & Tournefort nous apprend que dans l’isle de Samos, on ne marie guères les garçons qu’ils ne soient en état de plonger sous l’eau, au moins à huit brasses de profondeur.

On sait quelles furent à ce sujet les maximes des Romains. L’art de nager faisoit à Rome une partie si importante de l’instruction de la jeunesse, de touts les ordres & de toutes les conditions, que l’on y considéroit comme un ignorant quiconque ne l’avoit pas appris. Pour caractériser un personnage grossier, un homme sans éducation, un ancien proverbe disoit qu’il ne savoit ni lire ni nager. On exerçoit les soldats dans cet art avec autant de soin que nous en mettons à leur apprendre les évolutions qui nforment le principal objet de notre tactique moderne ; & les plus grands généraux qu’ait eu la république, César, Pompée, Marc-Antoine, savoient parfaitement nager. Aussi, en poursuivant l’ennemi, rien n’arrêtoit ces guerriers. Couverts de sueur, épuisés par la fatigue, criblés de blessures, on les voyait se jeter à la nage, ou traverser les rivières ou les lacs avec une célérité incroyable. De là, tant de passages de fleuve exécutés par des armées entières, & qui nous étonnent aujourd’hui ; de là, cette vigueur mâle, ce tempérament robuste, cette santé parfaite dont jouissoit le plus grand nombre des soldats Romains ; de là la rareté des maladies épidémiques dont les fréquents ravages affligent les nations modernes énervées par le plaisir, la mollesse & l’intempérance ; de là enfin, cette population nombreuse qui couvre l’Europe, malgré le fléau destructeur des combats.

Il est vraisemblable que les Gaulois, nos ancêtres, furent originairement de bons nageurs. La position de leur pays presque environné de la mer, & coupé par plusieurs rivières, la passion qu’ils avoient pour la pêche, la malpropreté de leurs habits, & sur-tout l’exemple des autres peuples, leurs voisins, tout cela les invitoit à se familiariser avec un élément dont ils tiroient une partie de leur subsistance. Il paroît d’ailleurs par le récit de Jules-César, que les soldats de cette nation pouvoient traverser au besoin les rivieres qui s’opposoient à leur passage, & qu’ils étoient assez versés dans l’art de nager, pour sauver avec eux les plus précieux de leurs effets, sans craindre de périr.

Equitation, Escrime & Danse. H h h Les François, conquérans des Gaules, se faisoient honneur de savoir nager. L’épithète de nageur est celle dont se sert Sidonius Apollinaris, pour distinguer ce peuple des nations barbares qui subsistoient alors :

• • • • • • Vincitur illic
Cursu Herulus, chunus jaculis, francusque natatu,
auromata clypso, Salius pede, falce Gelonus.

L’une des principales épreuves auxquelles on assujettissoit les braves à qui l’on conféroit la qualité de chevalier, consistoit dans une espèce d’immersion, où le récipiendaire donnoit des témoignages de sa dextérité dans l’art de nager ; & les traces de cet ancien usage subsistoîent encore du temps de Louis XI. La mollesse, à laquelle une excessive urbanité donna naissance, détruisit bientôt ces institutions salutaires. Les seigneurs quittant les campagnes, où ils eussent pu faire régner l’abondance & la félicité, se concentrèrent dans les villes, où ils prirent de nouvelles mœurs & de nouveaux goûts. La plupart des citoyens des autres ordres abjurèrent aussi les vieux usages ; & les récréations champêtres, les délassements innocents, tels que l’art de nager, furent livrés aux matelots & au reste du bas peuple. Depuis cette révolution, nos citoyens amollis dédaignèrent les plaisirs que la populace pouvoit partager avec eux. Les dangers auxquels il étoit possible qu’ils fussent exposés dans plusieurs circonstances de la vie, l’heureuse expérience qu’ils avoient faite de la néceissité du bain, pour fortifier leurs membres & se conserver en santé, ces émotions délicieuses qu’un homme fatigué éprouve lorsqu’il se plonge dans une eau courante, rien ne put les déterminer à reprendre sur ce point l’ancienne simplicité ; & si l’on a vu par intervalles des âmes assez éclairées pour braver à cet égard le préjugé national, ce font des exceptions à la règle, & qui ne doivent pas tirer à conséquence.

Les bons nageurs sont aujourd’hui relégués dans les climats où notre luxe & notre délicatesse n’ont pas encore pénétré. L’Asie, l’Afrique & l’Amérique offrent une foule de personnages de touts les sexes, de touts les âges & de toutes les conditions, qui estiment cette récréation salutaire. Touts les Nègres sur-tout apprennent à nager dès la plus tendre jeunesse. Aussi est-on souvent étonné des trajets immenses qu’ils font, soit pour aller à la pêche, soit pour regagner leur patrie. Des observateurs dignes de foi attestent les avoir vus nager avec une vigueur surprenante pendant l’espace de quarante lieues.

Cette adresse des peuples que notre délicatesse européenne qualifie de barbares, nous procure des richesses dont la plupart forment aujourd’hui parmi nous des besoins de première nécessité. C’est par elle que nous jouissons des éponges, des coraux, des perles, & d’une foule d’autres objets dont notre luxe fait tant de cas. Souvent c’est à l’aide de ces préten


dus barbares que nous radoubons nos vaisseaux fracassés par les tempêtes ; que nous portons l’alarme & la mort chez un ennemi, dont, sans eux, nous redouterions la puissance, & que nous sauvons les tristes débris d’un naufrage. L’histoire du généreux Bouffard, dont cette capitale a retenti pendant six mois, & les éloges dont on ne cesse de combler ceux des nageurs qui ont rendu quelques services à l’humanité, prouvent assez que l’on sent quelquefois toute importance de cet exercice.

Le détail des moyens qu’emploient les Asiatiques pour nous procurer des perles, mérite de tenir place ici. Cette pêche intéressante commence ordinairement au mois d’avril, & dure six mois entiers. Lorsque la saison est arrivée, le rivage se couvre de petites barques, dont chacune est montée par trois hommes. Deux sont employés à la conduire, & le troisième est le plongeur qui doit courir touts les risques de la pêche. Lorsque ces pêcheurs sont arrivés sur un fond de dix à douze brasses, ils jettent leurs ancres. Alors le plongeur, les oreilles & le nez garnis de coton, se pend au cou un petit panier qui doit recevoir les nacres. On lui passe sous les bras, & on lui attache au milieu du corps une corde de longueur égale à la profondeur de l’eau. Il s’assîed sur une pierre qui pèse environ cinquante livres, attachée à une autre corde de même longueur, qu’il serre avec les deux mains, pour se soutenir & ne pas la quitter, lorsqu’elle tombe avec la violence que lui donne son poids. Il a le soin d’arrêter le cours de sa respiration par le nez, avec une espèce de lunette qui le lui serre. Dans cet état, les deux autres hommes le laissent tomber dans la mer avec la pierre sur laquelle il est assis, & qui le porte rapidement au fond. Ils retirent aussitôt la pierre, & le plongeur demeure au fond de l’eau, pour y ramasser toutes les nacres qui se trouvent sous la main. Il les met dans le panier à mesure qu’elles se présentent, sans avoir le temps de faire un choix, qui seroit d’ailleurs d’autant plus difficile, que ces nacres n’offrent aucune marque à laquelle on puisse distinguer celles qui contiennent des perles. La respiration manque bientôt au plongeur. Alors il tire une corde qui sert de signal à ses compagnons, & revenant en haut, il y respire quelques momens. On lui fait recommencer le même exercice, & toute la journée se passe ainsi à monter & à descendre. Le hasard, comme on l’a dit, fait trouver des perles dans les nacres. Cependant on est toujours sûr de tirer, pour fruit de son travail, une huître d’excellent goût, & un grand nombre de beaux coquillages. Il faut observer qu’à quelque profondeur que les plongeurs soient dans l’eau, la lumière est si grande, qu’ils voient très-distinctement tout ce qui se passe dans la mer, avec la même clarté que sur la terre. Ils apperçoivent de temps en temps des poissons monstrueux, dont ils deviennent quelquefois la proie, quelque précaution qu’ils prennent de troubler l’eau pour n’en être pas apperçus. De touts les dangers de la pêche, il n’en est pas de plus grand ni de plus ordinaire. Souvent les plongeurs, pour les prévenir prennent avec eux un bâton ferré qu’ils enfoncent dans la gorge de ces monstres.

Quand les huîtres perlières sont tirées de la mer, on attend qu’elles s’épanouissent, pour en tirer le trésor quelles contiennent ; car si on les ouvroit, comme nous faisons les huîtres, on courroit risque d’endommager les perles. On les laisse ordinairement quinze jours après qu’elles ont été tirées de l’eau. Elles s’ouvrent alors d’elles-mêmes, & l’on peut sans inconvénient en tirer les perles.

Pline assure que de son temps les plongeurs mettoient dans leur bouche des éponges trempées dans l’huile, pour se ménager quelque portion d’air propre à la respiration. Cet usage est encore observé par les plongeurs de la Méditerranée, par la plupart des Nègres d’Afrique, & par un grand nombre d’Américains indigènes. Mais si l’on considère, d’un côté, la petite quantité d’air renfermée dans les pores d’une éponge, & de l’autre, combien elle est comprimée par l’eau qui l’environne ; on conviendra qu’il est impossible qu’un pareil secours aide longtemps le plongeur. Il est démontré par l’expérience qu’une certaine quantité d’air renfermée dans une vessie, & qu’on a alternativement respiré & fait sortir des poumons par le moyen d’un tuyau, ne peut suffire à la respiration que pour très-peu de temps. La raison de ce phénomène est fort simple. L’élasticité de l’air s’altère peu-à-peu en passant par les poumons ; & cet élément s’épuisant insensiblement, il perd ses esprits vivifians & toute son efficacité.

Pour procurer aux plongeurs la faculté de demeurer au fond de l’eau, on a imaginé deux tuyaux d’une manière flexible, propres à faire circuler l’air jusqu’au fond de l’eau, dans la machine où le plongeur est renfermé comme dans une armure. Par ce moyen, on lui donne l’air qui lui est nécessaire ; on le garantit des pressions de l’eau, & la poitrine se dilate librement pour respirer. L’effet de cette machine qui fait entrer l’air avec des soufflets par l’un des tuyaux, & le fait sortir par l’autre, est le même que celui des artères & des veines.

Mais cette machine, toute avantageuse qu’elle pourroit être dans quelques rivières, ne peut servir dans les endroits, où la profondeur de l’eau est à plus de trois brasses ; parce que l’eau resserre si étroitement les parties sur lesquelles elle peut agir, qu’elle empêche la circulation de l’air. D’ailleurs elle presse avec tant de force toutes les jointures de l’armure, que, si elles offrent quelque défaut, l’eau s’y ménage un passage, par lequel elle inonde dans un instant toute la machine, & met la vie du plongeur dans le plus grand danger.

Pour remédier à touts ces inconvénients, on a imaginé la cloche du plongeur. Les nageurs sont en pleine sûreté dans cette machine, jusqu’à une profondeur raisonnable ; & ils peuvent rester plus ou moins dans l’eau, selon que la cloche est plus ou moins grande. Le plongeur assis dans cette cloche, s’enfonce avec l’air qui y est enfermé. Si la cavité du vaisseau peut contenir un tonneau d’eau, un seul homme peut rester une heure entière à une profondeur de cinq ou six brasses sans aucun danger

On comprend sans peine que plus le plongeur s’enfonce dans l’eau, plus l’air est resserré par la pesanteur de l’eau qui le comprime. La principale incommodité qu’il éprouve en cette occasion, provient de la pression qui s’exerce sur les oreilles dans lesquelles il y a des cavités, dont les ouvertures font en dehors. C’est ce qui fait que dès que la cloche commence à descendre dans l’eau, on sent une pression sur chaque oreille, qui par degré devient plus violente & plus incommode, jusqu’à ce que la force de la pression surmontant l’obstacle, & laissant entrer quelque portion d’air condensé, le plongeur se trouve alors à son aise. Si l’on fait descendre la cloche plus avant, l’incommodité recommence & cesse de même.

Cette machine offre un inconvénient plus dangereux encore : il consiste en ce que l’eau y entrant peu à peu & à mesure que l’on descend, cet élément resserre le volume d’air dans un si petit espace, qu’il s’échauffe promptement, & perd aussitôt les qualités qui le rendent propre à la respiration. Il est donc nécessaire de remonter de temps en temps cette cloche pour en renouveller l’air ; & cette précaution est d’ailleurs d’autant plus essentielle, que le plongeur absorbé par l’eau dont il est presque couvert, ne pourroit pas y rester plus long temps sans perdre la vie.

M. Halley, mort à Greenwich en 1742, frappé de touts ces défauts qui mettoient chaque jour une foule de personnes en danger de périr misérablement, a trouvé le moyen, non-seulement de renouveller l’air de temps en temps & de le rafraîchir, mais encore d’empêcher que l’eau n’entrât dans la cloche à quelque profondeur qu’on la fît descendre. Pour y réussir, il fit faire une cloche de plongeur, de bois dont la cavité étoit d’environ soixante pieds cubes. Il la revêtit en dehors d’une assez grande quantité de plomb, pour qu’elle pût s’enfoncer vuide dans l’eau ; & il mit au bas une plus grande quantité de ce métal, pour empêcher qu’elle ne descendit autrement que d’une manière perpendiculaire. Au haut de la cloche, le géomètre anglois avoit ménagé un verre propre à donner du jour dans l’intérieur de la machine, avec un petit robinet, pour faire sortir l’air chaud. Au bas, environ une toile au-dessous de la cloche, il y avoit un plateau attaché par trois cordes à la cloche, & chargé d’un poids de cent livres pour le tenir ferme.

Pour fournir l’air nécessaire à cette cloche, M. Halley se servit de deux barrils garnis de plomb, de manière qu’ils pouvoient descendre vuides. Au fond de chacun étoit un bondon, dont l’usage étoit de faire entrer l’eau lorsqu’ils descendoient, & de la laisser sortir lorsqu’ils montoient. Au haut de ces bat barils étoit une autre ouverture à laquelle on avoit attaché un tuyau de cuir assez long pour pendre au-dessus du bondon, lorsqu’il étoit abaissé par le poids dont on l’avoit chargé ; de sorte que l’air, étant poussé dans la partie supérieure du barril, à mesure que l’eau montoit, ne pouvoit s’échapper par le haut du tuyau, lorsque le barril descendoit, à moins que l’extrémité qui pendoit en bas ne fût relevée.

On attachoit à des cordages ces barrils pleins d’air, pour les faire monter & descendre alternativement ; de petites cordes attachées au bord de la cloche, servoient à les diriger dans leur descente, de manière qu’ils se présentoient sous la main du plongeur, placé sur le plateau pour le recevoir. Alors, celui-ci relevoit les extrémités des tuyaux ; & aussitôt tout l’air renfermé dans la partie supérieure des barrils, s’élançoit avec violence dans la cloche, & étoit remplacé par l’eau.

Lorsqu’on avoit ainsi vuidé un des barrils, le signal annonçoit qu’il falloit le retirer. L’autre lui succédoit aussitôt. Par le moyen de cette alternative continuelle, on renouvelloit l’air avec la plus grande abondance. M. Halley étoit si persuadé qu’on n’avoit rien à craindre dans cette machine, qu’il ne fit aucune difficulté de se mettre lui-même du nombre des cinq plongeurs qui l’essayérent. Ils descendirent dans l’eau jusqu’à la profondeur de neuf à dix brasses, où ils restèrent une heure & demie, sans y éprouver la moindre incommodité.

La seule précaution que prit M. Hallley en cette occasion, fut de laisser descendre la cloche peu à peu & de suite jusqu’à la profondeur de douze pieds. Il la fît arrêter ensuite, prit, avant de descendre plus bas, de l’air frais dans quatre ou cinq barrils, & fit sortir toute l’eau qui étoit entrée dans la cloche. Lorsqu’il fut arrivé à une profondeur suffisante, il laissa évaporer, par le robinet placé au haut de la cloche, l’air chaud qui avoit été respiré, pour lui substituer le frais qu’il tira de chaque baril. M. Halley remarque que, quelque petite que fut cette ouverture, l’air en sortit avec tant de violence, qu’il fit bouillonner la surface de la mer.

Indépendamment de l’avantage qu’offre cette machine de s’y tenir sans se mouiller, la fenêtre pratiquée au haut de la cloche permet à la lumière de s’y introduire assez, pour que l’on puisse y lire & y écrire aisément, sur-tout quand la mer est calme, & qu’il fait un beau soleil. Lorsqu’on retiroit les barrils d’air, M. Halley envoyoit des ordres écrits avec une plume de fer ; &, si l’eau de la mer étoit trouble, ou l’air obscurci par des nuages, il avoit la facilité de tenir dans la cloche une bougie allumée. Le même auteur assure avoir inventé un autre expédient, propre à donner au plongeur la liberté de sortir de la cloche, & de s’en éloigner à une assez grande distance, en lui fournissant un torrent d’air continuel par de petits tuyaux, qui lui servent aussi de guides pour le ramener vers la cloche.

Si l’on en croit M. Boyle, le célèbre Corneille Drebell a trouvé dans le quinzième siècle un secret bien supérieur à celui-ci. Cet alchymiste hollandois imagina, dit-on, un vaisseau propre à être conduit sous l’eau, à la rame, & une liqueur qui suppléoit à l’air frais, dont on étoit privé dans ce vaisseau. On ne peut guère douter que cette liqueur ne fut l’air dèphlogistique, que nous connoissons aujourd’hui.

De l’art de nager avec la seule aide des membres.
Manière d’entrer dans l’eau.

Ceux qui veulent se former dans l’art de nager, s’effrayeront sans doute de la froideur de l’eau. Elle nous incommode en effet aux premières approches, au milieu même des chaleurs de l’été ; mais nous nous y accoutumons peu à peu & sans beaucoup de difficulté ; & les sensations délicieuses qui passent successivement dans touts nos membre, cette fraîcheur douce & salutaire qui les pénètre, & ce précieux baume qui s’introduit dans la masse du sang & lui donne un nouveau ressort, nous font bientôt oublier l’espèce de saisissement que nous avons éprouvé en commençant.

Les personnes qui ne savent pas nager, doivent entrer tout doucement dans l’eau ; mais ceux qui sont instruits de cet art n’ont pas les mêmes précautions à prendre. Tantôt ils s’y précipitent tout droit & les pieds à-plomb, tantôt après avoir fait quelques pas dans l’eau, ils s’y couchent, en étendant le corps & les bras ; d’autres, tenant la main droite, quelquefois toutes les deux derrière le cou, prennent leur secousse vers le bord de la rivière, dans laquelle ils se jettent la tête la première, & battent l’eau successivement du gras de leurs jambes.

Il y en a qui, après avoir pris leur course d’assez loin du rivage, se précipitent dans l’eau sur le côté droit ou sur le gauche ; d’autres s’y jettent les pieds les premiers, & tenant ainsi le corps droit & ferme, ils s’étendent sur l’eau qu’ils battent avec force du gras de leurs jambes. Cette façon est très-sûre & la meilleure de toutes celles que l’on pourroit adopter.

Il faut pourtant observer que toutes ces manières d’entrer dans l’eau, quoique bonnes, offrent un inconvénient assez dangereux ; c’est que ceux qui les pratiquent courent risque d’être suffoqués par l’eau, qui leur entre par le nez & par les oreilles. Pour éviter cette incommodité, qui pourroit coûter la vie à ceux qui commencent, il faut avoir soin de retenir son haleine. Mais comme il seroit d’autant plus difficile de mettre ce remède en usage, que plusieurs nageurs vont au fond de l’eau en des endroits d’aune grande profondeur, il est essentiel de se tourner sur le dos lorsqu’on se sent gêné ; & cette précaution seule empêchera qu’on ne descende plus bas.

Première leçon sur l’art de nager.

Il est prudent, lorsqu’on veut apprendre à nager, de prendre un guide exercé & habile, qui veuille vous suivre pas à pas, & en vous montrant les principes les plus sûrs, vous avertisse en même temps de touts les dangers à éviter.

Celui qui se charge de cette fonction, doit d’abord reconnoître l’endroit qu’il a choisi pour vous donner ses leçons. Son examen doit surtout porter sur la profondeur de l’eau ; & ce préliminaire est aussi important pour le maître que peur le disciple. Cette précaution prîse, entrez hardiment dans l’eau ; couchez vous-y doucement sur le ventre ; tenez la tête & le cou droits, la poitrine avancée & le dos courbé en forme de demi-cercle. Retirez vos jambes, que leur poids retient au fond de l’eau ; étendez les sur sa surface ; avancez les bras, étendez-les, écartez-les & les rapprochez successivement sans trop de précipitation vers votre poitrine. Dans cet état, avancez fièrement au milieu de l’arène, en vous aidant des pieds & des mains, avec le plus de souplesse & d’agilité que vous le pourrez. Bannissez sur-tout la crainte, fatal obstacle qui ne retarde que trop communément les progrès des nageurs ; & j’ose vous promettre que, pour peu que vous ayez de dispositions, vous serez bientôt en état de maîtriser l’élément, qui vous paroît d’abord si formidable.

Ayez soin de vous soutenir de manière que l’eau ne monte pas plus haut que votre poitrine, & ne descende pas au-dessous des reins. Vous avalerez sans doute beaucoup plus d’eau que vous ne voudrez ; peut être même vous tourmenterez-vous beaucoup sans succès. Ne pensez pas pour cela avoir moins de disposition à bien nager. C’est le sort commun à touts ceux qui entrent dans cette carrière, d’être suffoqués par l’eau, avec laquelle ils ne sont pas encore familiers. On peut d’ailleurs pour animer votre courage, vous donner du secours en pareille occasion. Rien n’empêche que votre maître ne vous soutienne le menton, & ne vous conduise ainsi, comme par la main. Si vous apprenez seul, vous pourrez vous aider d’un faisceau de jonc, ou de vessies de porc pleines de vent, ou de calebasses. Ces sortes d’instruments font les meilleurs guides dont on puisse se servir, quand en commence à nager, si l’on est privé d’un Mentor.

Différentes manières de se retourner en nageant.

On met ordînaîremeot en usage plusieurs façons de se retourner en nageant. D’abord, tournez la paume de la main droite en dehors ; étendez le bras de même, & faites un mouvement contraire de la maint & du bras gauche. Ensuite, penchez peu-à-peu la tête & tout le corps sur le côté gauche, & insensiblement votre évolution se trouvera finie.

Voulez-vous que je vous apprenne une autre manière plus facile encore que cette dernière ? Inclinez la tête & le corps du côté que vous aurez choisi pour retourner. Tournez ensuite les jambes de la manière que je viens de vous indiquer, pour la conversion ordinaire. Si vous voulez vous tourner sur la gauche, inclinez le pouce de la main droite vers le fond de l’eau, courbez les doigts, étendez la main droite, avec laquelle vous chasserez de côté les eaux de devant. Poussez en même temps ces mêmes eaux en arrière avec la main gauche étendue & les doigts joints, & retirez tout d’un coup votre corps & votre visage sur la gauche. Pour se retourner sur la droite, il faut observer les mêmes précautions en sens contraire.

Remarquez, & cette observation est importante, lorsque vous voulez vous tourner de cette manière, de ne pas écarter les jambes, & qu’il y ait assez d’eau pour que vous n’ayez pas à craindre de vous heurter le dos contre les bancs qui tapissent le fond de la rivière. Le coup violent que vous recevriez ainsi par votre faute, pourroit en vous étourdissant vous plonger dans les bras de la mort.

Il y a une troisième façon de se retourner dans l’eau, & que l’on pratique en faisant la cloche. On n’a besoin que d’une fort médiocre étendue d’eau pour y réussir. Elle se fait avec autant de succès quand on nage sur le ventre que lorsqu’on nage sur le dos ; & dans l’un & l’autre cas, on prend un chemin contraire à celui qu’on suivoit auparavant. Si vous nagez sur le ventre, retirez précipitamment vos pieds, rejettez-les en avant, étendez les mains en arrière, & tenez votre corps ferme & assuré. Nagez-vous sur le dos ? ployez tout d’un coup les pieds sur vos fesses, & en les rejettant aussitôt vers le fond, élancez-vous avec force pour vous porter le ventre sur l’eau. Observez sur-tout qu’en pareille occasion, l’eau ait une profondeur assez considérable, & que vous n’alliez vous embarrasser dans la vase ou les herbes, où vont quelquefois malheureusement se perdre les plus habiles.

Il y a une quatrième manière de se tourner, qui s’exécute en roulant de droite à gauche & de gauche à droite, comme fait un globe sur son axe. Voici comment il faut s’y prendre pour y réussir. Si vous nagez sur le ventre, & que vous vouliez tourner sur la gauche, il faut étendre fortement le bras droit, & le pousser le plus que vous pourrez en avant. Renversez ensuite le visage, la poitrine & tout le corps vers la gauche ; & en élevant ainsi la droite à fleur d’eau, vous vous trouverez sur le dos, d’où vous pourrez passer sur le ventre avec la même rapidité, sî vous le jugez à propos. Pour mettre plus de célérité, de sûreté même dans ces différents changements, il ne faut pas négliger de rapprocher les jambes l’une de l’autre le plus qu’il vous sera possible, & d’étendre sur la poitrine les bras sur la même ligne, & fort près l’un de l’autre.

J’ajouterai enfin une dernière manière de se tourner ; c’est celle que l’on met en œuvre quand on est sur le dos, pour passer sur le ventre. Cette évolution, semblable en apparence à celle qu’on exécute en roulant, est tout-à-fait différente. Celle-ci exige la plus grande rapidité. Celle-là, au contraire, s’exécute avec d’autant plus de succès, qu’on y met plus de lenteur & de circonspection. Pour se relever, lorsqu’on est ainsi couché sur le dos, il faut se ferrer le flanc du haut du bras, jetter en dehors la dernière jointure du bras droit, tenir les jambes éloignées l’une de l’autre à la distance d’environ un pied » & tourner la plante des pieds vers le fond de l’eau. De cette manière, vous pourrez vous coucher, tantôt du côté droit, tantôt du côté gauche, & par là vous préviendrez les inconvénients qui pourroient résulter de la violence des courans, qui jettent quelquefois les nageurs sur des bancs de sable ou sur des rochers.

Ne croyez pas d’ailleurs que toutes ces espèces d’évolutions soient inutiles. Indépendamment du danger que je viens d’exposer, & dont elles peuvent vous tirer, elles serviront encore à vous en faire éviter d’autres, dont les suites ne sont pas moins funestes. C’est en mettant cette leçon en usage que vous vous dégagerez des herbes, qui tendent souvent des pièges mortels aux nageurs ; c’est par elle que vous vous éloignerez des vaisseaux, des rochers, des arbres & des corps flottans, dont les mers abondent, & qui pourroient vous faire périr. Enfin c’est en contractant l’habitude de vous remuer ainsi en tout sens, & de subjuguer l’élément impérieux dont vous avez soumis es caprices à vos réflexions, que vous pourrez secourir efficacement ceux qui seront en danger de se noyer.

Manière de nager, les yeux tournés vers le ciel.

Cette manière, toute difficile qu’elle paroisse, est pourtant analogue à la position naturelle à l’homme, de fixer le ciel. Elle est l’une des plus essentielles parties de l’art de nager ; & je puis dire que si l’on voit touts les jours tant de gens se noyer, c’est qu’ils négligent ce précepte important, & qu’au lieu de jetter les yeux vers le ciel lorsqu’ils font dans l’eau, ils tournent la tête vers le fond, embrassent l’eau de toutes leurs forces, & font, pour ainsi dire, tout ce qu’ils peuvent pour se noyer. Si ces gens-là avoient l’adresse de se mettre sur le dos, & de se tenir le corps toujours étendu, ils se tireroient fort aisément du précipice ; ils n’iroient pas même au fond, voulussent-ils y descendre. Cette observation salutaire, à laquelle les citoyens de touts les ordres devroient faire la plus grande attention, est fondée sur l’expérience de touts les siècles & de toute les climats ; & j’ose assurer n’avoir jamais vu de plongeurs qui pussent parvenir au fond de l’eau-en fixant le ciel. Lorsqu’ils veulent y atteindre, il faut, comme je le dirai bientôt, qu’ils élèvent les bras tout droits, & qu’ils se resserrent la poitrine. Touts ces efforts n’empêchent pas même qu’ils n’y arrivem fort lentement ; & ce sont toujours les pieds qui touchent le sol les premiers. Revenons à notre manière de nager sur le dos.

Lorsque vous serez entré dans l’eau, couchez-vous doucement sur le dos. Elevez ensuite votre poitrine sur la surface de l’eau, en tenant toujours votre corps étendu sur la même ligne. Vous appuyerez vos mains sur le bas-ventre ; vous étendrez & retirerez successivement vos jambes, de manière qu’elles ne soient pas éloignées de plus de deux pieds de la surface de l’eau ; & en marchant ainsi en arrière, vous pourrez aller où vous voudrez sans vous fatiguer. Peut-être n’approuverez-vous pas cette manière de nager, parce qu’elle oblige à tenir toujours une grande partie de la tête dans l’eau. Elle est cependant l’une des plus belles, des plus sûres & des moins, fatigantes. De cette manière, on boit beaucoup moins d’eau qu’en toute autre position, on brise plus aisément les flots, & l’on a beaucoup moins à craindre la perfidie des herbes. Je vous préviens d’ailleurs qu’elle vous paroitra d’abord fort difficile, & ce ne fera pas sans peine que vous apprendrez à tenir ainsi vos mains dans l’inaction ; mais, pour mieux vous former, je vous conseille d’employer le secours de quelque habile nageur, ou de vous servir de vessies, ou d’un faisceau de joncs. Muni de ce secours, couchez vous doucement & avec précaution. Que la crainte sur-tout ne vous porte pas à baisser un pied pour vous remettre à sec. Je l’ai déjà dit, & je ne saurois trop le répéter, la crainte est toujours dangereuse en pareil cas. En vous tenant sur le dos avec autant de fermeté que de courage, vous ne devez pas appréhender d’enfoncer ; & ce mouvement du pied, cet effort imprudent, loin de vous soutenir, ne feroit que vous plonger dans le précipice. N’élevez pas trop les genoux, & n’enfoncez pas trop non plus le haut de la cuisse ni les côtés. Vous serez d’autant plus en sûreté, que votre corps s’éloignera plus de la ligne directe.

Ne pensez pas d’ailleurs que les mains soient toujours inutiles pour nager sur le dos. Cette règle n’est pas sans exception. Je vous préviens même que sans leur ministère, vous ne pouvez nager avec une grande célérité. Si vous êtes pressé, employez donc également les pieds & les mains. Cette manière est beaucoup plus propre qu’aucune autre à rompre les vagues, par les moyens qu’elle fournit au nageur de mettre à profit toutes les forces.

Si saisi par la crainte, ou porté par tout autre motif, vous jugez à propos de vous retourner sur le ventre, vous exécuterez cette évolution en nageant & en formant une espèce de cercle ; ou pour mieux m’exprimer, tandis que l’une de vos jambes sera en repos, vous embrasserez de l’autre les eaux qui l’environnent. Ainsi, vous tournerez de droite à gauche, ou de gauche à droite, comme vous le voudrez.

Manière de nager en avant étant sur le dos.

J’ai dit qu’en nageant sur le dos on alloit à reculons. On peut aussi dans cette posture marcher en avant. Pour y réussir, il faut se tenir le corps droit & bien étendu, la poitrine enflée, de manière que le dos puisse former une cavité demi-circulaire, & les mains attachées sur le bas-ventre il est encore essentiel d’élever les jambes l’une après l’autre > de les retirer fortement vers les jarrecs, & de les laiiTer fufpendre dans Teau. Cette tnaniére de nager n’a pas feulement le plaifir pour ^b)et ; elle peut encore fervir à vous délaâer, & à vous donner le temps de prendre de nouvelles forces, iî vous vous trouviez en pleine mer » & fans efpérance d*aborder fitdt.

Manière de faire le compas.

Il y a un moyen bien funple de fe retirer des herbes » lorfqu’on s’y trouve enyeloppé, c’eft de faire le compas. On exécute cette nouvelle manlére, en imitant le mouvement que. fait un com^ pas lorfqu’oo le £dt tourner fur Ion axe, c*eft-idire, que l’on trace un cercle avec IHin des pieds 9 tandis nue Tautre* demeure immobile, ainfi que h tête. Pour là remplir avec fuccès de droite à Î gauche, lorfque vous êtes couché fur le dos, énoncez un peu davantage votre côté gauche ; éle* Tez fucce£vement vos jambes hors de l’eau, en commençant par la gauche » & à chacun de ces mouvements » avansez-les chacune d’environ un pied du côté gauche » tandis oue votre tête demeurera immobile. Vous Terrez 1 écume imprimer fur l’eau les traces du cercle que vous aurez fait. N’élevez pas trop vos pieds en l’aff, vous culbuteriez infailliblement, & votre tête enfonceroit dans Teati. D^ailleurs, cette manière de nager n’eft pas inutile. Elle peut fervir à dégaeer notre tête de ce qui pourroic l’incommoder & retarder notre inarche.

Manière de se tourner tout droit dans l’eau.

Cette manière a l’avantage de nous donner la facilité de voir autour de nous tout ce qui s’y paiTe, & elle eft par-là d’autant plus importante, qu’elle offre les movens de chercher le lieu oii nous pouvons prendre terre, où nous devons at* taquer nos ennemis s’ils nous y pourfuivent, ou éviter leurs traits ; & même u nous avons à les combattre dans l’eau, elle ncuis enfeîgne à le faire avec avantage, & à nous tourner de tous côtèi. On y parvient en tournant de droite à gauche ou de gauche à droite, à fon gré ; fi c’eft vers la droite 9 il faut embrafler l’eau avec le deffous du pied droit, en fiiire autant du pied gauche, & fe pencher adroitement le corps vers le premier côté. Attirez enfuite & repouflêz fucceflivement les eaux avec.les deux mains » & vous reniplirez votre opération avec fuccès ; d’ailleurs cette pofition Vous mettant à portée de fûre ufaee de vos mains avec prefque autant JTagiUté que u vous étiez fur terre, vous ne devez rien négUeer pour apprendre à vous y tenir chaque fois qirelle vous paroitra néceâàire.

Manière de nager les mains jointes.

Cette manière est l’une des plus anciennes & des plus simples. Elle offre aussi des graces & un agré-


ment que les autres n*onÉ pas. Si vous voulez en faire ufàge, tenez toujours les mains jointes, les pouces & les doigts tournés vers le. ciel, dema «  nière qu’ils paroillent hors de l’eau, & approchezles & les éloignez fucceflivement de votre poitrine. Cette manière pourra vous être utile en diverfes circonftances, oc fur-tout fi vous vous trouvez en<* gagé dans des herbes, dont plufieurs de nos mers lonc jonchées. Vos mains vous ouvriront ainfi aifé^ ment un paftige an travers des rofeaux » pourvu oue vous obierviez de les tenir toujours jointot 1 une à l’aun-e.

Manière de nager sur le côté.

Si, lorfque vous nagez, foit fur le dos, foît^fur le ventre, vous voulez prendre le pani de nager fur le côté, abaiffcz la panie gauche de votre corps » en élevant en même temps la droite. Vous vous trouverez auffitôt fur le coté eauche. En nageant dans cet état » remuez fouvent la main gauche » fans l’écarter ni l’enfoncer. Contentez-f ous de l’étendre & de la retirer comme en droite ligne fur la fur «  face de l’eau. Indépendamment du plaifir que vous goûtez à nager ainii, vous avez encore la fatisâc* tion de voir les deux bords de la rivière ; & il eft fouvent des conjonâures où cette reffource n’eft pas d’une médiocre importance. Cette pofition d’ailleurs offre un avantage qui lui eft particulier, en permettant que l’un des côtés de votre corps fe repofe, tandis que l’autre traTaille.

Manière de nager sur le ventre, sans le secours des mains.

Pour nager ainfi, il faut tenir la poitrine avan* cée 9 le cou droit fur l’eau, les deux mains fixées derrière la tète ou fur le é^s, tandis que les mouvements des pieds vous foutiennent & vous font avancer » Cette manière n’eft pas fans quelque utilité. Onpourroit y avoir recours dans le cas où nous éprouverions une crampe » une attaque de goutte, ou ouelque autre indifpofition qui nous priveroit de rufage d’un bras, ou fi nous étions obligés de nager les mains derrière le dos. On pour* roît en faire autant & plus fiicilement, en nageant for le dos ; mais cette dei^ière manière eft d’auunt plus incommode, gu’un nageur en cet état » ne peut voir devant lui, fans fe tourner à chaque ïnstant.

Manière de nager, en tenant son pied de la main.

Si vous voulez nager dans cette posture, élevez l’un de vos pieds » en le ployant fiir votre fefle ; prenez*le enfuite de la main qui lui eft oppofée, tandis que la jambe & la main qui font reftés libres, font leur devoir. Cette difpofition, dont l’objet eft le même que celui de la dernière, peut nous être utile s’il nous furvenoît une goutte ou une crampe, ou fi l’une de nos jambes venoit à fe trouver prife dans quelques herbes. On peut changer de pied au befoin. il ne s’agit pour y parvenir » que d’abaisser promptement la jambe que l’on tient élevée, & ae prendre l’autre de la manière que je viens d’indiquer.

Manière de nager comme les chiens.

Si l’on se trouve sur un fond couvert d’herbes, on ne peut guères se tirer impunément d’un pas si dangereux, qu’en nageant comme les chiens. Cette manière, qui paroit fort difficile au premier coup-d’œil, est pourtant fort aisée à apprendre. Il arrive même que ceux qui se savent pas nager, s’élèvent au-dessus de l’eau, & s’y soutiennent lorsqu’ils sont assez heureux pour rencontrer cette position sans y penser. Si vous voulez nager ainsi, élevez & abaissez successivement un peu les deux mains l’une après l’autre. Faites-en autant des pieds, avec cette différence néanmoins que les mains doivent vous servir à attirer l’eau vers vous, & les pieds à la repousser. Vos mouvements doivent commencer par la main droite & le pied droit, ensuite par les deux autres membres opposés, & ainsi successivement.

Manière de battre l’eau.

Si vous nagez fur le dos, vous pouvez battre Feau avec fracas chaque fois que vous étendez les jambes. Ceux qui y réuffiffent le mieux dans cette efpèce d*amufement ; approchent le menton de leur poitrine. Il y ea a qui, indépendamment de cette difpofition, élèvent la jambe plus haut, frap » pent fuççciTivement des deux)ambes chaque fois qu’ils les étendent | jSc tournent en même temps tout le corps. Cette inanière e(l la plus agréable & la plus lefte. Pour y réuffir parfaitement, il faut tenir tout le corps fort étendu fur le dos, enfler la poitrine, & la foutenir prefque hors de Teau, & fa paume des mains étendue & tournée vei^ le fond. Ce font les mains qui doivent foutenir le corps, tandis que Ton étend les jambes. Vous pouvez battre iVau ^ vous tourner en même temps. En ce cas i fi votre jambe droite fe trouve élevéie, vous l’abaiiTerey d’abord pour firapper Tçau. Au même inftant vous élèverez la gauche, & par un même mouvement, vous ferez faire à votre corps m tour complet. Cette agilité qui caraâérife un bon nageur, peut vous fervir en plufieurs circonflances où vous vous trouverez embarrailé. Vous f>ouvez encore exécuter dans cet état le faut de a chèvre. J’appelle ainſi cette manière, parce qu’en la pratiquant on bat pluſieurs fois l'eau des pieds comme les chèvres font la terre. Ne vous v engagez pas ſi vous n’avez du courage, de la force & de l’expérience. Ayez ſoin de vous tenir la poitrine enflée. Enſuite, battez des deux mains deux ou trois fois & à courtes repriſes, l’eau qui vous preſſe les flancs. Vous la battrez avec plus de violence & de fracas la dernière fois que les autres. En comprimant ainſi l'eau des mains, vous élèverez les deux jambes, avec la précaution de les faire gliſſer l*une après l’autre avant de les laiſſer retomber ſur l'eau, comme font ceux qui cabriolent. Cette ma-

nière eſt la plus difficile de toutes celles que je pourrois vous apprendre, & ſi vous parvenez jamais à la remplir avec dextérité, vous pourrez vous vanter d’avoir atteint au plus haut période de l’art de nager.

Manière de se jouer d’un pied.

Ne pensez pas que touts ces rafinements, toutes ces efpèces de tours de force que je vous indique ici, n’aient que le pur agrément pour ob}er. Cha* cune de ces manières de nager offre une utilité par-> ticulière, dans xétte foule de prefiâns dangers auxquels nous pouvons nous trouver expofés. Ce& lui, par exeinple, qui fait jouer habilement du pied en nageant, fe rend, en quelque forte, maître de rélément qui le fupporte » & fe débarrafle avec dextérité des herbes qui s’offrent à chaque ps^ Air fa route, lorsqu’il a une longue carrière à parcou* rir. L>rt d’y reuffir eft fort fimple. Il ne confifte

! [u*à tourner, tantôt à droite, tantôt à gauche, & en 

e preffant le menton contre le cou. Pour remplir avec fuccès cette évolution, il faut enfler la pot « ’ trine, étendre parfiiitement la paume des mains t la tourner vers le lit de la rivière, & appuyer la jambe libre fur Teau. Si vous négligiez toutes ces précautions, • votre tète fe précipiteroit au fond, Si vous feroit perdre totre équilibre.

Manière de montrer les deux pieds en nageant.

Un bon nageur brave les fureurs de la mer, che^ mine avec autafit de fécurité fur l’eau que fur la terre, & fe fait ui^ jeu de tout ce qui paroit formidable à quiconque ne (onnoit pas ce fougueux élé* ment. Les deux pieds qui fervent communément à nous conferver Téquilipre fur l’eau, il peut les foutenir au-defius de fa furface, avancer ou demeurer en repos dans cette pofture, & rouler, pour ainfi dire, impunément parmi les flots. Si vous voulez effayer cette manière, mettez-vous fur le dos, que vous réduirez en forme convexe ; placez vos mains fur le ventre ^ les paumes étendues ; rapprochezles & les éloignez fucceffivement comme des rames, & tout votre corps fe foiitiendra fur l’eau, tandis que vos pieds feront élevés vers le ciel. Cette manière pourroit fervir à ceux qui, s’étant heurté les pieds au fond de l’eau contre quelques corps durs, voudroient favoir quelle feroit la plaie qu’ilâ s’y feroient faite.

Manière de nager la jambe élevée.

Cette manière de nager vous paroitra peut-être la même que la précédente. Elle eft cependant entièrement différente. Tandis que l’on tient une jambe élevée, il faut que les mains « des deux côtés du corps, embraffent & ramaffent les eaux, les abaiffent & s’appuient fur elles, tandis que Tautre jambe, levée à » demi, bat & preffe leau à courtes repôfes. Cette manière offre une utilité auffi réelle Qu’aucune au^e de celles que je vous ai enseignées jusqu’ici. Elle vous donnera les moyens de transporter, d’un bord de la rivière à l’autre, tout ce que vous jugerez à propos d’attacher au gros doigt du pied, pourvu que le pied ne soit pas assez fort pour vous faire perdre votre équilibre.

Manière de nager les mains élevées.

Cette fliaiiiére vous permettra beaucoup mieux « ncore que la précédente, de vous charger de ce qui vous fera néceffaire fur l’autre bord de la rivière que vous voulez pafler ^ la nage. Pour la remplir avec fuccés, élevez la poitrine, & la tenez toujours enflée le plus que vous pourrez » tandis que vous foutiendrez les bras hors de Teau. Je vous préviens qîie cette pofidon n*eftpas fans inconvénient pour un néopfaite. Car fi vous reflèrriez imprudemment la poitrine lorfque vous élevez les ors », votre corps, emporté par fon propre poids, iroit au fond de Teau ; & cette cataflrophe, propre à vous faire perdre la tète t pourrolt vous mettre en danger de périr.

Manière de nager le menton tendu.

Il est aussi une façon de demeurer tout debout dans l’eau ; & cette manière efl infiniment fupérieure ï toutes les précédentes. Pour bien l’entendre, fouvenez-vous que, quand vous naeez fur b dos^vous pouvez demeurer dans Tina^on, les jambes étendues. Lorfque vous êtes dans cette poflure, laiflez aller vos jambes en bas » jufqu’à ce Ju*elles foient perpendiculaires au lit de la mer. [accourciflez-les enfuite, en pUant les genoux & en enflant la poitrine. Quant à vos mains, vous les fixerez fur vos épaules • les paumes tournées vers le fond, & les doigts joints Tun contre Tautre. Il eA eflèntiel enfuite de les étendre & de les reflerrer fucceflivement des deux cdtés ; & vous n’oublierez pas fur— tout d’élever, le plus que vous le pourrez, le menton vers le ciel. Cette manière, dont Texécution efl fort difficile, pourra vous être d’une grande utilité lorfque vous vous y ferez formé. Si, p^r exemple, la glace venoit à s’ouvrir fous vos pieds, en formant une efpèce de puits, ce ne feroit qu’à l’aide d’une telle manœuvre que vouspourriez vous tirer des bras delà mort. Elle ne vous feroit pas non plus inutile, fi vous vous trouviez forcé a vous précipiter dans quelque rivière pendant Tobfcurité, pour fauver votre vie. Car vous pourriez y demeurer aînfi toute une nuit fans faire aucun bruit, & attendre que le jour vous fournit les moyens de gagner la rive. Je connois encore une autre manière de fe tenir tout droit dans l’eau, & qui s’exécute en comprimant les eaux & fans faire aucun ufage defes mains. En cette occafion, on enveloppe l’eau avec les jambes, en les remuamen formé circulaire & en de* hors, Tune après l’autre, avec la précaution de tenir la plante des pieds toujours tourRée vers le fond. Cette manière, qui nous laifTe les nuins en pleine liberté, nous feroh d’un grand fecourSf si


l’on venoit à nous précîpifer dans la mer les pieds & les mains liés. D’ailleurs, une armée qui rem* ployeroit enfuyant, poqrroit fe défen<jre, & re «  pouifler en naj^eant les traits dont un ennemi viâorieuzvoudroitraccable. r.U faut néanmoins obferv « r qu’il feroit impnident de nager aînfi dans les fonds vafeux ou tapifTés d’herbes, à moins que la néceflité ne nous y obligeât. Dans ces circonflances, il e& efTentiel d’employer toutes fes forces & toutes les refTourcesderarty^pour éviter le da « ger dont une foule de téméraires font fans cefTe U viâime. Cependant s’il arrîvoit que vos deux jam «  bes fe trouvaflTent liées par des herbes, mettez-vous auf&tôt fur le dos, les bras croifés & en repos fur votre poitrine ; & en battant ainfi des deux jambes & on les élevant fucceflivement, vous pourrez atteindre au rivage.

Manière de ramper dans l’eau.

Uart intéref&nt de ramper dans l’eau « pourra vouV être auffi d’un grand lecours pour vous tirer des herbes qui forment un obfbcle à votre paffi^e* Si vous voulez le mettre en ufage, couchez-vou#. furie venire, & jettez doucement vos mains cm devant, & vos pieds en arrière, joints enfemble » Vous avancerez ainfi, en étendant les bras & les mains le plus loin de la poitrine que vous le pour& la paume des mains un peu recourbée & rez

tournée vers le fond. Si, en cet état, vous attirez vers votre poitrine les eaux qui vous précèdent, vous donnerez à votre corps le temps de fe préparer à avancer davantage, & à fe débarrafler des herbes. Cette évolution exige cependant beaucoup de prudence & de circonfpeâion. Car fi vous vous preffez trop à l’exécuter, cette précipitation, loin de vous tirer du danger, ne fera que vous y plonger de nouveau. Au lieu de vous dégager des herbes qui vous retiennent, vous multiplierez les inftruments de votre captivité ; & vous vous trouverez ainfi enveloppé avec tant d*art, nue touts vos eébrts ne ferviront qu’à « vous faire périr dans cetafireux labyrinthe.

Manière de s’asseoir dans l’eau.

On l’a déjà dit, les bons nageurs, maîtres de ^*élément, dont ils ont étudié les loix, fe jouem de (es caprices. Tantôt ils fe promènent fur l’eau, tan* tôt ils if demeurent debout ; quelquefois on les voit étendus fur fa fur face ; fouvcnt ils y font afiîs » & exécutent dans cette pofture différents mouvements dont ils ne pourroient même venir i bout fur la terre. Pour s’alTeoir fur les eaux, il faut s’cmbrafier les deux jambes avec les mains, s’eofler la poitrine, tenir la tête ferme & haute, & élever lucceffivement les jambes & les bras.^ Cette manière, qui vous paroîtra peut-être frivole, n’efl pourtant pas fans quelque utilité. Par eŒ, vous pourrez vous débarrafler des herbes, écueil funefle contre lequel vous ne fauriez trop vous prémunir. Elle fe prèfentera auiS fort à propos, lorfque vouf vous trouverez dans un endroit dont le peu d’étendue ne nous permet pas de nager, ou dont le fond fangeux nous empêche de prendre pied.

D’ailleurs, on exécute dans cette position des mouvements qui pourroient furprendre ceux qui ignorent les reflburces de notre arr. Vous pourrez, par exemple, vous y couper les ongles. Pour y réuilir, prenez des cifeauxde la main droite, élevez enfuite la jambe gauche, dont vous approcherez le pied jufques fur le genou droit. Prenez le de la main gauche, & de la droite coupez-vous les ongles. Indépendamment de ladrefle que cette manière exige y & qui eA propre à faire honneur au nageur, elle peut aufli fervir à enlever les corps étrangers qui pourroient s’introduire dans les)oinfures des pieds. »

Dans cette pofition ^ vous pourrez encoreexécuterun mouvement très furprenant, & affez femblabieà celui que vous faites lorfque vous prenez vos bottes. Elevez fucceffivement vos jambes hors deTeau ; embraffez-les chacune des deux mains, comme font ceux qui fe bottent, & laifTez-les aller doucement en les étendant. Ce n*eft pas tout : il iaut encore tenir la poitrine élevée » & toujours auflî enflée qu’il vous fera pofTible. Cette manière, comme la ptécédentej pourra vous fervir dans Vôcc ^ion à vous nettoyer les pieds des ordures qui vous incommodent.

Manière de montrer quatre parties de son corps hors de l’eau.

Les quatre parties dont je parle ici, font la tèit, les deux coudes & le genou. Pour les montrer à découvert, il faut vous coucher fur le dos, placer vos mains fur votre eflomac, tenir les coudes élevés & la poitrine enflée & auflî élevée que vous le pourrez ; pafl^ez enfuite un genou fur l’autre, en le tournant, tandis que vous élèverez & abattrez fuc^ ceflivemenc l’autre. Cette manière exige beaucoup d’adreflle & de dextérité. Elle vous fervira, comme la plupan des précédentes, à vous dégager dt$ herbes, & à prendre quelque foulagement dans les endroits où vous ne pourrez toucher an fond pour vous repofer.

Manière de plonger dans l’eau.

Ne pensez pas, comme le publie le vulgaire, que l’homme aille naturellement au fond de l’eau. Pour y atteindre, il faut faire violence à la nature, 9a le nageur le plus intelligent & le plus adroit a kefoin de mettre à profit toute fa fcience & fa fa^cfle pour y uarvenir promptement. C’eftpour cela <{u’en Afie oc ta Afrique les plongeurs s attachent fous le corps une pierre épaifle de (ix pouces, & longue d’un pied, qui les met en état d’aller avec plus de fermeté au travers des flots. Indépendamment de cette précaution, ils fe lient à un pied une autre pierre fort pefante, qui les précipite au fonrf 4e la mer dans un inflant. La première façon de plonger con£âe à fe dreflèr fur les pieds, à s’élever


ensuite, en tenant la tête courbée, de manière que le menton s’appuie contre la poitrine, leibmmtf de la tête tourné vers 11 fond, & les dos des mains joints enfsmble l’un fur Tautre devant la tète. Dans cet état, fi Ion fe précipite dans l’eau la tête la première, on arrivera « u fond auffi vite qu’un trait d’arbalète. Remarquez d’ailleurs que vous pouvez vous plonger par tout, pourvu que le fond foit bon. Il eft de principe que, plus l endroit eft pro^ fond, plus il efl avantageux au plongc ; ur. Vous ob-* ferverez feulement de ne perdre jamais de vue la lumière, & d’être en état de retenir afliez long* temps votre haleine pour vous permettre de revenir.

Vous pourrez auflî vous plonger à plomb ; & cette manière doit être mife eu ulage lorfqu’^n fe précipite dans la rivière du fommet de quelque lieu élevé, afin d’arriver plus promptement au rond de l’eau. La difpofition efl la même que la précédente » J’obferverai cependant qu’il eft eflentiel de choifir ainfi un endroit élevé pour plonger, quand la rivière a beaucoup de profondeur, parce que la rapidité avec laquelle on arrive au fond, vous permet de retenir aflez votre haleine pour n’avoir pas à craindre d’être étouffé dans l’eau. Cependant les nombreux dangers qu’elle préfenre, loit à caufe des rochers contre lefquels on peut fe brifer, foit à caufe des précipices où l’on s’engage fans pouvoir en foriir, font que je confeille de ne plonger ainfi S rue fort rarement, & lorfque l’on connoitra paraitement les lieux.

Manière de nager entre deux eaux.

Pour bien nager de cette manière, il faut d’abord vous décider fur la place que vous voulez occuper fous les eaux ; car vous pouvez nager également au fond de l’eau, vers fa furface, ou à une égale diftancc de fes deux extrémités. Si vous prenez ce dernier parti, vous devez d’abord adofl ! er vos deux mains entre les deux épaules, & les étendre enfuite avec beaucoup de célérité, de manière que le pouce foit tourné vers le ciel, & l’index vers le fond de l’eau. Voulez-vous defcendre plus bas ? vous n’avez autre chofe à faire que d’enfoncer plus profondément vos mains dans l’eau lorfque vous les étendez. Si, au contraire, vous voulez remonter vers la furface de Teau, il faut que hi paume de vos mains foit plus étendue, & que les deux pouces fe regardent, comme l’obfervent ceux qui nagent fur le ventre.

Dans cet état, fi vous voulez nager entre deux eaux, vous tiendrez les deux pouces un peu plus tournés vers le fond de l’eau que le refte de la main, & vous attirerez vers vous l’eau qui vous précède en Tembraflant.

Ssppofons qu’étant plongé pour aller chercher une chofe au tond de l’eau, vous ne la trouviez pas. En pareil cas, vous êtes obligé de nager eii cercle autour de l’endroit où elle a été jettée. Voici la maniire dont on doit s*y prendre pour exécutée de cercle. Si Vous voulez commencer à droite, vos mains doivent embrasser les eaux de droite à gauche. Vous ferez le contraire, si vous jugez à profosde tourner de gauche à droite. Lorfquevous ferez defcendu au tond de l’eau, donnez-vous de garde de vous expofer dans les lieux oii vous ne trouvez plus de lumière. Les ténèbres annoncent certainement que vous êtes fous un roc, ou fous guelaue batteau, dont le choc pourroit vous être f unefte. Si vous vous y trouvez engagé fans vous en être apperçu, reprenez promprement le chemin qui vous a conduit dans ce lieu dangereux, & ne ceiTezde reculer)ufqu*à ce que la lumière fe foit offerte à vos regards. N’allez pas fur tout refpirer fous Teau. Une telle imprudence vous coûteroit bientôt la vie. *

Un avis bien important encore, & auquel vous ne fauriez donner trop d’attention, c’eft que quelque foit vflpe empre^Tement à fauver quelqu’un y en nageant aînfi entre deux eaux, ne vous approchez jamais qu’avec précaution d’une perfonne qui 4e noie ; car fi elle trouve le moyen de vousfi^fir, vous ères perdu, malgré votre adreffe & votre expérience. Vous ne courez aucun rifque, fi vous attendez pour lefecourir, qu’elle ait été au fond, 4près avoir perdu l’ufage des yeux. Prenez la alors par les cheveux, & la tirez ainfi fur le dos, jufqu’à ce que vous puiffiez la placer fur le rivage, où vous ferez à portée de lui préfenter fans danger touts les fecours dont fon état la pourra rendre fufceptible.

Manière de revenir sur l'eau, après avoir fait le plongeon.

Un nageur, tout auflî fubtil que le dauphin dont parle la fable, peut monter & defcendre fucceflîvexnent dans l’eau fans aucune difficulté. Cette alternative lui eft néceflaire pour reprendre haleine. En été, on peut faire environ cinquante pas dans l’eau fans ayoir befoin de ce fecours. M. Halley prétend qu’un nageur ne peut refter plus de deux minutes dans l’eau fans être fuffoqué ; & s’il n’a pas un long ufage de fon métier, il y reAera beaucoup moins. Une demi minute fuffira, dit-il, pour étouffer ceux qui ne font pas dans l’habitude de nager. Plufieurs voyageurs nous apprennent néanmoins que les meilleurs plongeurs d’Afie reftcnt une demi heure dans Teau, & les autres un quartd’heure feulement. Pour revenir fur l’eau, il faut employer prefque les mêmes mouvements que pour s’y toarner. Tenant Tune de vos mains étenoue, vous repouffez de la paume, tournée en dehors, les eaux inférieures, & de l’autre difpofée en cavité, vous attireales eaux fupérieures. Quand le bras a fini fon cercle, vous fermez la main, pour kl ! donner le moyen de reprendre la même marche ; SCvainfi fucceffivement, jufqu’à çc que vous

; » 3ie|ç atteii^t U furface de l'eau.


De l’art de nager artificiellement.
Des calebasses.

Les calebasses, les faisceaux de jonc & les vessies furent vraisemblablement les inftrumens dont fe fervirent les premiers hommes pour fe former dans l’art de nager. La plupart des Nègres emploient encore des calebaffes à cet ufage ; & les^Indiens fe fervent, pour le paffage des rivières, de grands pots de terre auxquels deux perfon nés s’attachent, après les avoir remplis de leurs habits. Les joncs fur-tout, dont les marais abondent, & qui furnar Sent auffitôt aue leur racine efi féparée de la vafe, urent fe préfenter namrellement à lefprit des peu* pies voifins des âeuves, ou fixés dans de% pays marécageux, pour les aider dans le paffage des rivières ou des petits bras de mer. Ces fecours font encore en ufage élans plufieurs provinces de France* La plupart des enfans lient des calebaffes deux à deux avec des courroies, & traverfent fouvenc ainfi les fleuves les plus larges fans favoîr nager. Ceux des payfans qui ne peuvent fe procurer ces fortes de bouteilles, fe contentent de deux faifceaux de jonc, fur lefquels ils s’appuient la poitrine, & bravent ainfi les dangers les plus effrayans. Il faut pourtant avouer que ces reffources ne font pas fans inconvénient ; & l’on voit périr touts les ans dans les provinces une foule de jeunes gens ^ faute de ne les avoir pas employées avec anez de circonfpeôion. Je confeille à la jeuneffe de fefervir de calebaffes, lo : fqu-elle fe trouvera privée d’ufii maître en état de 1 infiruire dans l’art de nager, xMais il feroit imprudent de s’expofer avec ce feul fecours dans des endroits profonds ou rapides, & de faire de longs trajets. Livré à vous-même par IVbandon de vos calebaffes, qui pourroient (e détacher ou fe brifer, vous deviendriez infailliblement laviâime de votre imprudence. D’ailleurs, il eft effentiel de n’employer un tel guide qpe dans les premières feipaines de votre apprentiffage ; car je vous préviens que fi la timidité vous empêche d’effayer vos propres forces, vous ne deviendrez jamais un bon nageur.

Naufrage sans péril du chevalier de Lanquer.

Le chevalier de Lanquer, pensionné du Portugal, fit imprimer en 1675 un livret d’une cinquantaine de pages, sous le titre de Naufrage sans péril ^ 9i dont l’objet étoit de nous apprendre à braver les dangers de la— mer. Cet aventurier propofe dans fon ouvrage une machine que Ton peut porter dans fa poche, oc à l’aide de laquelle on peut paffer les fleuves les plus profonds & traverfer les mers, fans même mouiller fes habits ni fes armes, & fans éprouver aucun froid. Une telle machine, fi elle exifloit, feroit fans doute le préfent le plus pré «  cieux qu’un homme pût faire à rhamanité.’Ma^ heureufement fon auteur, qui paroît n’avoir été qu’un cliarlatan, a jugé à propos de nous en dérober la construction. « Comme j’ai déjà dit que le seul but que je me sois proposé dans cet ouvrage, dit-il » n’est que le service de mon roi & l’utilité de ses sujets, mes compatriotes, il ne faut pas que je déclare mon secret d*une manière qui, contre mon dessein, puisse servir aux ennemis de l’état ; il n'est pas juste de se faire battre de ses propres armes, & d’employer pour fon fupplice m les infiruments de ; fa gloire. Je me coixeme donc » de faire favoir à ceux qui voudront fe ferait de 9 » mt% machines, qu’ils n*ont qn*^ me venir trou^ f » ver. Je promets de leur donner en même temps 91 mes machines & le fecret pour s*en fervir. L*un fage en t& aifé & les commodités agréables ». Le chevalier aflure enfuite avoir fait Texpérience de cette machine au-deflbps du pont rouse, en pré* ience d^une multitude de fpeaateurs de touts les ordres. Loiûs XIV fut lui-même témoin de cette merveille » &ce prince accorda à fbn auteur des lettres-patentes, qui lui permettoîent de faire conftniire & de vendre fa machine, à Texclufion de tous autres michaniciens. MM. d*£trées & de Sainte*Colombe font cités dans Touvrage du chevalier de Lanquer, comme des témoins capables de juger du mérite de fa découverte.

tA. Tabbé de la Chapelle qui, comme moi, a vu cet ouvrage, n’y a trouvé qu un^ pure annonce, fans aucunes traces de récompenfe accordée par ’Louis XIV, auquel une telle machine eût cependant paru fort précieufe.

Voici les termes mêmes des lettres-patentes du t% avril 1695, accordées au chevalier de Lanauer. « Louis 9 &c. notre bien amé, le fieur Ricnard j » Lanquer, chevalier de l’ordre de ChijA, & capitaine de chevaux légers, entretenu pendant la M paix pour le fervice du roi de Ponugal, nous a » trés’humblement remontré, que par £es foîns & n fon application il auroit inventé une machine qui » fe peut porter dans la poche, pour paffer fur les » eaux de quelque rivière ou lac que ce foit, un » foMat armé des armes ordinaires » ponant fur foi 9 de quoi tirer plnfieurs coups, & du pain de munition pour fa fubfiflance de huit jours, fans que 9 » dans ledit paflagelefdites armes & munitions de 3t guerre & de bouche foient endommagées par » Feau, de quoi ledit fleur Lanquer auroit fait Tépreuve en notre préfcnce fur la rivière de Seine ; 9 ce qui encore peut utilement fervir fur mer, & 9 fauver la vie aux paffagers & gens de marine, 9 en cas de naufrage, de même que la matière » dont elle efl compofée, à faire des bas, pantalons, cafaques, manteaux, bonnets, eouvertures de chevaux & mulets, tours de lit pour la » campagne & tentes impénétrables i Teau ainfi » qu’au froid, comme il nous a auffi fait voir ; m defquels effets étant pleinement fattsfàit & pers » fnadé, & defbant ne pas frufirer le ^public de » l’avantage qui peut revenir de la nratique de ces 9 chofes, non plus que l’expofant de Tuttlité par9 ticiilièfe qu’il a droit d*cn prétendre parle débit N A G E R.

» qa*il en pourra fbre, œ fpTA nefovroSt fans daii* I » ger de rendre fon fecrti conim, s^il n avott fur If ce nos lettres oéceâàires. A ces cavfes, voulant bt n vorahlement traiter kdit fienr de Lanquer, noue y> loi avons permis, & par ces préfentes fignées de « > notre main, permettons exclufivement à tout » autre de conffmire ou faire conflruire ladite ma «  9 chine, en tel nombre > & par tel » ouvriers quH i> avifera, &c. st.

Le même auteur foupçonne que Fair étoit la principale matière de fa compofition, & que les nabits dont il revêteit fon nageur, écoient faits de plume ou de duvet, objets que Veau ne pénétre pas. Mais, comme Tobferve eiK » re l’auteur du Scaphandre, une pointe, une aiguille, une épée % une balle de fufîl » &c7s pouvoient rendre fubitement inutile, dangereufe même, une telle machine à vent ; & les habits de duvet feroient dune éxêc ». tion tréscdificile & très-dispendieuse.

Cuirasse de M. Bachstrom.

En 1741, 1e fîeur Jeàn*Frédéric Bachfirom, doo* teur en médecine, & direâeur eénéral des £ibri<ques deladuchefle de Radxiwilf, grande chanceiiere de Lithuanie, fit imprimer un ouvrage de 70 pages « fur Tart de nager. Cet Allemand affnre avoir été porté à compofêr ce petit ouvrage par la fignification de foi> nom, oue Fon rend dans notre langue par courant £un rmfftau^ Quoi quH en foit d*un tel motif, que lauteur eût paffé fous filence fans inconvénient, il eA certain que fon ouvrage contient des vues faines & de fort bonnes idées fur 1 art de voyager fous Teau. Après plufieurs épreuves dont if rend compte, il trouva enfin le moyen de conflruire une cuirafTe de liège propre à le foutenir fur Feau, & à faciliter à des armées entières le paâàge des rivières les plus larges, les plus profondes oc les plus rapides. Cette cuirafTe, dont le poids doit être d’environ dix livres, eft compofée de deux plaques de liège, appliquées fur le dos, fans defcenore plus bas que (^ reins, & de deux autres fur la poitrine, croifées en forme de camifole, oui ne paflent pas *la ceinture. On y en ajoute quelques morceaux fous les aiâelles & fur les épaules & toutes ces pièces, enveloppées entre deux groâes toiles, forment par leur réunion une cuirafTe qui vous foutient tout droit dans l’eau. Pour empêcher que cette cuirafle, agitée par la violence des âots, ne vienne à vous incommoder les aiflelles & le menton, vouslattachexà la ceinture d’un grand pantalon, qui defccnd jufqu’au deflfous des pieds » Si vous deflinez cet habit aux foldats » laiiTez^en les plaques entières. Les balles de fufil ne pourront les entamer mais fi vous le préparez Kur les matelots, il eft ^emiel de rompre le ge en morceaux, afin qu’ils puifTent fe prêter aux différents mouvements (^u*exigent leurs ma «  nceuvres. Avec cet accoutrement, dit l’ auteur, vous serez assis commodément sur l’eau, & vous flotterez au milieu même des tempêtes comme un canard, ou comme un enfant qui repose dans son berceau ; & si votre voyage est de longue durée, il vous sera permis de vous reposer, de dormir même dans le sein des flots.

Voulez-vous, ajoute M. Bashstrom, faire passer une rivière à plusieurs escadrons de cavalerie ? attachez cinq livres de bois de liège derrière la selle de chaque cheval, & autant par devant. Cette précaution même sera inutile, puisque les chevaux nagent naturellement, si le cavalier, revêtu de sa cuirasse de liège, est assez habile pour se jetter à propos dans la rivière, & pour y marcher en tenant son cheval par la bride. Je vous promets que, dans cet état, il pourra passer le Danube à la nage, ou toute autre rivière large & rapide.

Soubreveste du sieur Bonal.

Quelque temps après Bachistrom, le sieur Bonal, citoyen de Dieppe, imagina une soubreveste de liège, dont l’objet étoit de préserver les marins d’une mort qui ne les attend que trop communément dans les flots. Si l’on en croit M. l’abbé de la Chapelle, qui a vu de ces sortes de scaphandres, le sieur Bonal, sans aucune connoissance de la physique, de l’hydrostatique, ni des mouvements du corps humain, les avoit formés sans principes & sans aucun jugement. Quoi qu’il en soit de cette critique, peut-être trop amère de la part d’un auteur qu’on a accusé d’avoir profité des lumières du sieur Bonal, il est certain que M. le marquis de Crussol d’Amboise, dont la candeur & l’honnêteté sont aussi connues que son profond savoir, n’a pu se dispenser d’avouer, après avoir essayé en 1759 l’une de ces soubrevestes, qu’à la longue on seroit incommodé de sa suspension. Des officiers du régiment de la Reine, infanterie, dont il étoit alors colonel, essayèrent aussi ce corselet en sa présence, & pensèrent faire la culbute.

Habit de mer de M. Gelaci.

Les registres de l’académie des sciences du 30 juillet 1757, contiennent une espèce de dissertation, dans laquelle M. Gelaci propose des moyens de se soutenir sur l’eau. L’habillement qu’il a imaginé à cet effet, n’est qu’une espèce de gilet, revêtu de morceaux de liège équarris, placés comme le sont les écailles de poisson, & attachés par une petite face sur laquelle sur laquelle ils puissent se mouvoir comme sur une charnière. Cette disposition de différentes pièces de liège, dont le gilet est hérissé, a été formée ainsi, pour qu’elles puissent prendre & conserver une position horizontale, lorsqu’elles sont agitées par les flots. M. l’abbé de la Chapelle trouve plusieurs défauts dans la construction de cet habit ; & ses observations à cet égard nous paroissent fort sensées.

1°. il est faux que ces morceaux de liège, distribués en manière d’écailles, doivent flotter horizontalement dans l’eau.

2°. Le liège, lorsqu’on fait usage de l’habit de


M. Gelaci, doit être agité beaucoup sur ses charnières par les impulsions irrégulières de l’eau ; & ce frottement parvient bientôt à bouleverser ces écailles, & à causer leur entière destruction.

3°. Ces lièges flottants & ballotés par l’eau, sont exposés à tout moment à s’accrocher à d’autres corps, & à faire périr ainsi le nageur.

4°. Ils présentent un trop grand nombre de surfaces à l’impulsion des eaux, & rendent le mouvement de progression fort difficile.

Jaquette de M. Wilkinson.

Les jaquettes de M. Wilkinson, anglois, paroissent avoir été calquées sur la cuirasse de M. Bachstrom. M. l’abbé de la Chapelle, qui en a vu un modèle, assure qu’elles ont été faites sans principes, & sans aucune connoissance du centre de gravité du corps humain. Les nageurs, ceux au moins qui savent déjà les premiers principes de l’art de nager, peuvent seuls s’en servir. Ce jugement paroit en effet avoir été confirmé par les compatriotes mêmes de l’inventeur. L’histoire du voyage fait autour du monde, par Byron, chef d’escadre, en 1764 & 1765, nous apprend que « pendant qu’on alloit prendre de l’eau pour la provision du vaisseau, les matelots commandés pour cela, avoient ordre de mettre des jaquettes de liège lorsque la houle étoit forte, pour aller & venir en nageant, des canots à la côte, & de la côte aux canots. Notre commodore ne voulut pas permettre qu’ils se missent à l’eau sans ce secours, qui garantit du danger de se noyer, pourvu qu’on ait l’attention de tenir la tête hors de l’eau ; ce qui est aisé à observer ». Si, comme le remarque l’auteur du Scaphandre, ces jaquettes eussent été bien faites, il auroit été inutile de recommander l’attention de se tenir la tête hors de l’eau.

Ceinture de liège de M. le comte de Puysegur, lieutenant général des armées du roi.

Nous ne connoissons le corselet de liège, imaginé au milieu de ce siècle par M. de Puysegur, que par le tableau qu’il en a tracé lui-même dans une lettre écrite le 19 septembre 1765, à M. l’abbé de la Chapelle. « L’hiver de 1747 à 1748, dit-il, le hasard me fit tomber sous la main un livret in-12 intitulé fort improprement l’art de nager. L’auteur fait de bonne foi cette mauvaise plaisanterie sur le motif de son ouvrage : il paroît ne l’avoir entrepris qu’à cause de la signification de son nom de Bachistrom, qui signifie en langue allemande le courant d’un ruisseau, à ce qu’il dit. Il s’est cru obligé de publier les moyens de ne jamais aller au fond de l’eau.  »

« Le résultat de toutes ses recherches, & des efforts de son imagination, ne consiste que dans un habillement de liège, du poids d’environ dix livres, renfermé dans la toile en forme de corset, pourpoint, camisole, gilet, veste ou cuirasse, qui soutient un homme dans l'eau, ayant la tête & le haut des épaules dehors.

« Je pensai que l'on pouvoit se servir de cette idée. L’année suivante je me rappellai ce projet , M que j*exécutai avec aflcz de peine. Je fis faire un » cor fct ou cuiraflTe de liège , & elle produifit Tef- " fet que je m’en étois promis , mais dans l’eau «dormante ; cardans une rivière rapide , j’ai re-

?» connu que , pour fe tenir debout, fans fc mouil- 

7> 1er la tête , il failoit un certain poids aux pieds n, ( M. l’abbé de la Chapelle n’approuve pas cet expédient. Les contrepoids, dit- il fort fenfôment, font d.e nouvelles charges & de nouveaux foins. Si l’on venoit à les oublier ou à les perdre , on pafleroit fort mal fon tçmps dans l’eau. Le matelot qui n’auroit pas le temps de s’en défaire , feroit retardé dans ks manœuvres, parle poids accablant dont cette efpèce de balançoire le furchargeroit,&le foldat , furpris par l’ennemi , en s’en défaifant , feroit maffacré avant de pouvoir fe défendre ). a Je com- »>mençaî alors, (continue M. de Puy fégur ) , à j) perfeôionner l’ouvrage , & fis joindre aux fou- ») îiers deux femellçs 4e plomb , du poids d’une n livre chacune,

9> J’éprouvai un nouvel inconvénient. La oui-M raffe tendant à remonter , &le corps àdefcendre, fi elle s’élevoit fous le menton & fous les bras , de » façon à empêcher ceux-ci d’agir. J’y ai remédié, 9i en faifant faire ce qu’on appelle à préfent un y> pantalon. Je fis attacher des courroies à la cein- )> ture que Von boucloit à lacuirafife. Par ce moyen , V en entrant dans l’eau , on pouyoit plus ou moins i> l’abaiflfer . , . . On peut , en arrivant à terre , lân cher fes courroies’plus ou moins , par le moyen »i des boucles, & marcher ou fe baifler à fon aife. w En 1756 , j’allai un jour à la rade de Granville ii en chaloupe > au moment de la marée baflbt Je » me jetrai à la mer avec mon corfet , & le flot 3>..montant me ramena au rivage fans peine , ans V fatigue & fans avoir eu la tête mouillée. Je pris Tf feulement mes précautions , pouf avoir le moins Il que je pourrois de fpeâateurs de tout le camp Il de Granville, que je commandois alors. » Pour pouvoir tirer parti des armes dans l’eau , n j’ai faitconflruire un bonnet, une forte de cafp aue de fer blanc , auquel le fufil eft attaché par la 9» lous-garde. Le bout du canon , que Ton a foin V de bien boucher avec du linge , pend dans l’eau , f» & la crofTe eft en l’air attachée au bonnet, qui , 9 par fa firuâiîre, contient les cartouches & le linge, f propres à charger & nettoyer le fufil^ n Pour le faire plus commodément , j’ai arrangé V une petite ca(rette de liége , doublée d’une légère 9 feuille de plomb , aue l’on traîne avec une 6-Il celte. Cette cafiette lert à appuyer la crofTe du lf.fufil pendant qii’on le charge.

• j> Au lieu de pourpoint , j& me fuis à préfent » borné à une ceinture de liège » large de huit poup ces furfix d’épaiâeur , pefant treize livres , attal’ N, A O É R.

» de plomb aux fouliers. La ceinture eft aii£ folt* " tentie par des bandelettes au-deffus des épaules^ » de façon que , fi quelque accident renverfoit le

  • » flotteur dans l’eau , cul par deffus rète , cette ceinture

ne pût fortir par les pieds , & faire féparation » de corps avec lui ». M. le comte de Puyfégur ajoute , qu’avec cet habillement il a flotté en 176» dans le baffin de Dunkerque , en préfence du comte d’Hérouville & du chevalier d’Arcy , & non» feulemem marché avec aifance dans l’eau , mai^ encore chargé & tiré plufieurs fois fon fufd.

Machine de M. Ozanam.

M. Ozanam , membre de Tacadémie des fciences , & profeijeur en mathématiques , propofe dans fes récréations phyfiques & mathématiques , un problème dont l’objet eft la conftruôion d’une machine à nager. Voici l’idée de ce favant & judicieux académicien. Faites deux coffres plats & demi-circulaires , peu importe de quelle matière , pourvu qu’ils ne reçoivent point d’eau , qu’ils foient légers &affez folides pour pouvoir réfifteràla vio-p Icnce des flots. Vous joindrez ces deux pièces en* femble , & vous en formerez une ceinture au na^ geur, qui , par ce moyen , aura toujours la moitié du corps au-defl’us de l’eau. On y peut ajouter , fi on le juge à propos , des ouvertures avec des portes , pour y renfermer de l’or , de l’argent , des papiers, & tout ce que Ton voudroit fauver d’un naufrage , ou faire fervir à fa fubfiftance. Quoiqn’avec cette machine on puifle fe porter où Ton veut , par le feul mouvement du corps Se des pieds , on peut , pour faciliter encore la progr <7ffion , attacher des efpéces de nageoires aux pieds du nageur. Ces nageoires, que rt>n attache à une femelle de bois que le nageur a fous la planta des pieds , font compofées d un gros cuir doable , ou triple & pliant » qui peut s’étendre ou fe reflerrer comme la patte d’un cygne.

Cette machine , dit M. Ozanam , peut être d’un grand fecours en différentes circonftances. I^ Dans un naufrage ; car on peut fe fauver avec cette reffource au travers des flots , fans avoir pliis à craindre la mort qu’un oifeau aquatique. Il eft d’ailleurs inutile de quitter fes habits ; & l’on doit d’autant moins appréhender la faim, que l’on peut renfermer dans cette machine des vivres pour quatorze ou quinze joun.

2^* Dans ces inondations fubîtes , qui ravagent les campagnes , & couvrent d’eau en up inftantdes ragions entières. Cette machine feroit d’autant plus précièufe en de tels accidens , qu’un homme pourroit fauver avec lui un ou deux de ks enfans. ^% Cette découverte feroit aufli d une grande utilité à une armée , pour faire pafler fes efpions , fans dan*ger, d•^n bord k l’autre, 4**. Enfin, M. Ozanam ajoute qu’on pourroit auffi l’employer à exécuter fur l’eau quelques évolutions agréables , fous def^ fi|urç$ dç fyrç^e^i dç tritons & d^olfcay Xr >

Description du Scaphandre de M. l’abbé de la Chapelle.

Le Scaphandre dont nous allons parler, est le résultat de toutes les observations qu’on vient de passer en revue. Cet accoutrement, quoiqu’en dise son auteur, n’est que la copie des habits imaginés par Bachstrom & par ceux qui se sont occupés du même objet ; mais cette copie a été enrichie de tant d’augmentations importantes, essentielles même, qu’elle peut passer à bon droit pour un original. Je dois dire aussi à la louange de M. l’abbé de la Chapelle, que personne n’a mieux approfondi que lui la matière dont il s’est si longtemps occupé, Pour donner à son corselet la proportion qu’il a cru a plus convenable. Il a examiné 1°. jusqu’à quelle profondeur le corps doit être plongé, pour que l’homme soit à son aise & sans courir aucuns risques. 2°. Quel est le poids du volume d’eau, mesuré par la partie du corps plongé. 3°. De combien le poids total du corps excède le poids du volume d’eau de pluie. 4°. Quelle est la pesanteur spécifique du linge, comparée à celle de l’eau. 5°. Quel doit être en conséquence le volume du corselet, relativement à sa pesanteur propre, & à l’excès de celle du corps sur celle du volume d’eau de pluie. 6°. Quelles sont les parties du corps que l’on doit revêtir de linge préférablement aux autres.

Après avoir fait ces recherches préliminaires, l’auteur passe à la construction de son scaphandre. Si vous voulez vous former un corselet d’après ses principes, taillez-vous un gillet de coutil, ou d’une forte toile, également large de haut en bas, & dont le pourtour soit de quatre pieds deux pouces, & la hauteur de deux pieds. Avant d’assembler les épaulettes de ce corselet, étendez-le sur un plan ; sur toute la largeur, tirez une ligne a trois pouces de distance du bord inférieur ; à dix pouces plus loin, & au-dessus de cette ligne, tirez-en une autre parallèle & semblable à la précédente. C’est dans cet intervalle que vous placerez des morceaux de liège, de forme cubique, & épais de deux pouces & demi ; quatre rangs de ces cubes suffiront pour remplir l’espace de dix pouces que vous voulez couvrir.

Les échancrures du gillet s’avanceront jusqu’à cette dernière ligne, à un pouce & demi prés, que vous laisserez pour les replis ; ainsi vous avez déjà pris quatorze pouces & demi sur la hauteur du corselet ; en partant de son bord inférieur, huit pouces au-dessus, tirez encore une ligne qui doit terminer toute la hauteur de l’habit ; il ne vous restera plus qu’un pouce & demi que vous employerez aux replis du bord supérieur.

M. l’abbé de la Chapelle entre ensuite dans une foule d’autres détails, qui sont d’autant plus inutiles ici, qu’on peut avoir recours à son tailleur, pour se procurer un de ses scaphandres, J’observerai seulement qu’il ajoute une espèce de queue ou suspensoir, terminée par un plastron qui, après avoir passé entre les cuisses, vient s’attacher sur la poitrine. Ce plastron qui est garni de petits morceaux de liège, taillés & placés régulièrement comme dans le scaphandre, est destiné à deux usages également essentiels. Le premier, d’empêcher que le corselet ne remonte trop haut sous les aisselles, ce qui gêneroit beaucoup le mouvement des bras ; le second, de fournir à celui qui en fait usage, un siège sur lequel il peut se reposer aussi longtemps qu’il lui plaira. Les scaphandres qu’on destineroit aux soldats, doivent avoir leur plastron d’une seule pièce de liège, courbée au feu, pour qu’il puisse mieux s’ajuster sur la poitrine, il peut être plus épais, & monter plus haut qu’à l’ordinaire, avec une échancrure vers les clavicules en forme de hausse-col ; & cette espèce d’armure suffiroit pour parer le coup de fusil & de sabre qui porte vers la poitrine & le cou. M. l’abbé de la Chapelle a aussi imaginé une espèce de pantalon, garni d’étriers par le bas, qu’on attache au corselet par le haut, & qui aide à marcher avec moins de fatigue quand on est à flot. Pour rendre son habillement complet, l’auteur y ajoute la description d’un bonnet, dans lequel on peut déposer des choses qu’on a intérêt à ne vas mouiller.

On n’éprouve aucune difficulté à faire usage de ce scaphandre ; on peut s’en revêtir en aussi peu de temps qu’il en faut pour prendre une veste commune. Après avoir noué les cordons par-devant, on passe le suspensoir entre les cuisses, & l’on attache ce plastron sur la poitrine ; on est alors en état de se mettre à l’eau, dans laquelle, moyennant cet habit, on n’enfonce que jusques vers la région des mamelles ; on s’y trouve dans une position verticale, la tête & les bras hors de l’eau, & à portée d’en faire tel usage qu’on voudra. Si l’on veut avancer, il faut faire usage du pantalon, qui diminue beaucoup le travail qu’on éprouveroit sans ce secours. Alors on chemine dans l’eau par un mouvement des jambes, à-peu-près semblable à celui par lequel nous marchons sur la terre, avec, cette différence, que les mouvements des jambes sont beaucoup plus grands, & la progression plus lente & plus pénible, à cause de la résistance du fluide dans lequel on avance.

Les commissaires nommés par l’académie des sciences pour examiner ce scaphandre, assurent que M. l’abbé de la Chapelle a exécuté plusieurs fois devant eux ces mouvements, & dans l’eau courante & dans l’eau dormante ; ils observent que dans les rivières dont le courant est un peu rapide, il est impossible de remonter vers leur source, on peut seulement traverser la rivière, mais en dérivant beaucoup ; dans l’eau dormante, on avance dans telle direction que l’on veut. M. l’abbé de la Chapelle a parcouru devant les mêmes commissaires deux cents seize pieds en cinq minutes de temps.

Les mêmes savans ont cru devoir conseiller à ceux qui se serviront d’un scaphandre, de ne pas se jetter sans précaution dans l’eau, sur-tout dans les endroits qu’on ne connoîtroit pas ; on pourroit rencontrer au fond, des choses capables de blesser ou d’arrêter l’homme, de manière à le faire périr, malgré sa légéreté respective.

A ces préceptes de M. Thévenot, nous allons joindre ceux ne Nicolas Roger, plongeur de profession.

Méthode sûre pour apprendre à nager en peu de jours.

Mcthodt fure four ^pfrtndre i nager en peu de jours» A rage de Gx ans j’étois plongeur. Parmi les perfonnes àqui j’ai montré à nager, quelques-unes m’ont à peîae coûté quatre leçons ; voila je crois des titras fuffilàns pour être lu* On ne peut être bon nageur fans être plongeur ; & il eft rare de trouver des perfonnes qui , noyant appris qu’à nager , ne confervent toute leur vie pour i’aôion 4e plonger une répugnance trop fouvent fun^Aeu ’e confeille donc de commei^cer parla : c’eil le feul moyen de fe familiariser véritablement avec l’eau.

Choififle^un endroit où vous ayez de l’eau juCqu

  • au¥ genoux. Aflèyez-vous , & tendez les bras

à ri compagnon qui fera debout vis-à-vis de vous , les*) imbes £ :artées , afin de biffer aux vôtres qui (^r#nt jointes » la facilité de fe placer entre elles, li vous tiendra par les poignets » tandis que vous vous inclinerez en arrière ; dès que l’eau aura couvert votre vifage , votre compagnon vous retirera. Ufaut répéter cet exercice iufciu*à cCAu’on (bit en état de (ç renverfer aind, oc de fe relever feul à l’jaide de (es mains « ^cç .^ ui arrive quelquefois à la première leçon.

Mais gardez^vous bien de vous faire plonger l’un ’l'ann’ep^r furprife» ou même de vous jetter de Feaju au vlfage , tant que vous ne ferez pas âimiliarifés avec cet élément. Ces fortes de plaifanteries font naître des craintes nue l’on ne furmonte pas toujours , même à l’aide d’une raifon éclairée. Vous vous accoutumerez enfuite à plonger fur le ventre , obfervam d’avoir les reins tendus , le corps droite les j>ras en avant Sc dans la direâion * d^xorps^le vifageexaâement tourné contre terre. Pour vous relever , voiis vous appuyerez fur les nains , en foulevant le corps fans précipitation , de manière que vos bras forment avec votre tronc un ^ngle qui diminue pen-à-peu de grandeur. L*ufage de fe boucher le nez eft tort mauvais : il luffit qu’on retienne fa refpiration , & chacun fait la retenir. On n’eft point incommodé de la petite quantité d’eau qui entre dans les narines ; on ne s apperçoit pas même s’il y en entre. Il n’en eft pas ainu 4es oreilles : l’eau qu’elles reçoivent ^ufe une petite furdité , mais qui ne lire point à conféquence ; au moment où l’on ne s*y attend pas , elle fort d’idle-mème , & rend à i’ouie fa première fineflb* Cependant les perfonnes délicates ne feront pas tffl49 l’imrp<bius dans les oreillps ducotoa qpi cle N A G E iL’

les auront fortement exprimé ;q»cês favair in gué d*hutle.

Si l’on ouvre les yeux dans une eau fablonneule i on éprouvera une légère citiftbn lorfqu’on fera à l’air ; fi l’eau eft claire , on n’en refTcntira aucune. Dans tours les cas , on aura foin de refermer les yeux , tandis qu’Us feront encore dans Teau , pour les rouvrir lorfqu’ils feront i Tair, afin d’empécUer que les cils ne fe replient entre l’oeil &la paupière «  ce qui fuffiroit pour rebuter un écolier. Si l’on fe tient dans Teau de la manière qne je viens de dire • en s’appercevra que le corps tendra à fiirnagier. Choififfez alors un endroit (|ui ait à- peuprès un pied d eau de plus que celui ou vous êtes ; vous ne pourrez réellement pas toucher le fond. Agitez vos membres comme pour nager en gre^ nouUU ( ce que j’enfeignerai plus loin , ) vous ferez ce qu’on appelle proprement nager entre deux eaux»

La difficulté eonfifte à fe relever » & l’on recon* nokra fans peine cette difficulté , il l’on fait attention que la tête ne peutfortir dei^aufans augmen* ter le poids de la partie antérieure du corps ; que par cette augmentatien elle Tenfoncc, & s’enfonce avec elle » jufqu’à ce que le tout ait repris ibn équi«  libre. Pour obvier è cet inconvénient , le compar gnon préfentera au plongeur un gros bâton , duquel il appuyera un bout en terre ; celui-ci faifira le bâton » le fuîvra des mains en l’empoignant alternativement de chacune , & parviendra ainfi à metr trela tète hors de l’eau.

Si l’on s*exerce dans un lieu dont le fond efl inégal , on fent que (ç moyen de fc relever devient inutile.

Que mon leâeur ne s’épouvante pas de voir . que je commence par le faire plonger , tandis qu’il pafle pour confiant que c’eft-là le terme des travaux du nageur. J’ai pour moi Texpërience ; & ceux qui ne font pas de mon avis s’y rangeront bientôt , s*ils raifonnent fans prévention. Néanmoins , comme je veux que perfonne ne fe croie en droit d’accufec de menfongele titre de ma brochure» j’avertis qu’on trouvera f^us loin la manière de nager promptement fans ètrt obligé de plonger ; mais j’avertis en même temps que le plus beau nageur» s’il ne fait plonger , n’eft guéres plus à l’abri des accidens que celui qui ne fait rien du tout. Sur cent nageurs qui fe noient , quatre-vingt-dix-huit ne périflent que faute d’avoir û) plonger^ Revenons i mon icofier. docile.

Nos corps ne furnagent que parce qu’ils font plus légers qu’un égal volume d*eau ; lans cela# tout l’tft du monde n’y feroit rien, & nous irions toujours au fond. Ceft ce qui arrive aux noyés dont les poumons fe reflerrent, dont le corps fe flétrit , & qui ne reviennetit fur l’eau que loriqu’au bout de plufieurs jours , ftir contenu dans leur corps cherche à s’ouvrir un paflàge en tout feus «  & par fon élafticité groffit le cadavre fans augmenter fon poids.

Msii

L’art de Nager 441

Mais touts let hommes ne sont pas également légers par rapport à leur volume. Il est des noyés dont le corps n*éprouve pas la révolution dont je viens de parier , & qui reftent (ur l’eau îufqu*à une décompofîtion totale. Il eft même des gens qui fe noient fans que leur corps foit entièrement couvert d^ao ; ceux* ci font chargés deeraiiïe ; & de même que la ckair pèfe moins que 1 eau y la graiâe péfe SBoins que la chair. Comment font-ils donc pour fe noyer , direz • vous ? Hélas I ils fe trcmouffent beaucoup » parce qu’ils ont peur ; s*il leur étoit pof- £bic de raifonner , ils fe tourneroient fur le dos , 6c, conferveroientainfi la liberté de refpirer. De plus, il eft des perfonnes qtit , fans paroitre grafles, font beaucoup plus légères que d*aucres qui font de leur taille ;" & chez touts les hommes , les jambes feront plus ou moins légères dans Teau , nelativement à leur forme, à leur longueur , à la capacitédu tronc , à la grofleur de la téie. Ceft pourquoi les uns ont befoin de nager dans une lltuatloopeu inclinée à Ihorifon pour diminuer le poids de leurs japibes & de leurs cuifies , d*aiitres de 8*tncliner davantaze pour Taugmenter , d’autres enfin de fe tenir entièrement debouN Le véritable nageur eft celui qui nage dans toutes les fuuations , qui ne fe repofe d’une manière que par une autre , qui, ayant beaucoup de chemin à faire , & craignant d’être faifi d une crampe , variera fes attitudes pour donner de Taâion aux mufcles qu’il fent prés de fe roidir.

• Si mon écolier a le corps tendu , les cuiftes & les ïambes ferrées , les talons joints , les pieds en dehors ^ les bras tendus, les doigts de chaque main ferfésies uns contre les autres & bien tendus , les mains au niveau des épaules , & la paume des mains tournée contre le fond , il aura la légèreté Héceflâire fjour furnager ; fon corps arrivera à fleur ieau ; fes It&ts & fa tète fe préfenteront en même temps.

Mais fa tète ne pourra pas fortir toute entière ; le fpeâateur n’en verra que la moitié. Ce n’eft pas quelaforce.manqueà Teaupour fontenir le tout ; car j’ai vu des gens dans cette fttuiRon porter un morceau de plomb de trente livres & plus, qu’on leur mettoit fur le dos. Ceft donc le défaut d’équilibre oui s’oppofe à ce que la tête puiffe fonif ; & cela eft fi vrai , oue fi , au lieu de placer fuï le dos lé morceau de plomb dont Je parle , on en mettoit feulement quelques onces (ur une feffe , le plongeur ne pourroit les foutenir , & enfonceroit du côfé qu’on les auroit mifes.

• Il ne manque donc à mon écolier qu’un contrepoids pour qull parvienne à mettre la tête hors de l’eau ; il eft nècefiSitre que ce contre-poids foit i>lacè à l’autre extrémité de fon corps, & qu’il foit e maître de l’augmenter ou de le diminuer à fouhait. Ce contrepoids fe trouve dans fes jambes ; elles acquerront plus ou m«tns de pefaateur, félon, qu’il les rapprochera ou les éloignera de la ligne verticale. ,

EiuhêÛQn^Efcrimt&Dât^i.

N .A.G E’R ; .441

Les deux mouvements doivent être faits à la fois , celui d*élever la tête « & celui d’abaifler les jambes. Vous ferez ce dernier par gradation , i me* fdre que vous fentirez yotte tète s^ppefantir. Pendant cette double opération , vos bras refteront tendus liorifontalement & en avant. Si vous les abaifr fiez , cela fuffiroit pour vous faire perdre rêauili^ bre ; à plus forte raifon fi vous tentiez de les lortir de l’eau.

Vous avez la tête à l’air , vos pieds touchent la terre ; mais cela ne fuffit pas : il fiiut encore une pe» tite manœuvre pour vous relever, la voici. «  Vos bras forment , en avant de votre corps , VLtk poids qui vous eft devenu nuifible , & qui vous lera utile par derrière ; il faut le^ y porter , mais de façon à diminuer leur pefanteur dans leur route > plutôt que de l’augmenter. Vous réuflîrez pleinement fi vous leur faites décrire fans vous pr^fler , une portion de cercle autour de votre corps ; obfervant que les mains ne ceflent d’être tendues , que la paume foit fixée Invariablement contre terre, que la main foit auffi élevée que le coude , & le coude auffi élevé que l’épaule. Lorfqu’ils fercnt afiez en arrière pour augmenter le contFcpoids.que forment vos jambes i vous tournerez vos» n &ins comme fi vous vouliez les joiodre derrière le« :’dos. Les doigts garderont la même difpofition les uns à regard des autres ; mais les mains feront difpofées de manière que les deux paumes fe feront face ; abaiflez un peu les bras.

En fuite pliez les genoux, portez les feftes en arrière , & vous ferez le maître de vous redrefler. Cette manœuvre doit fe faire avec beaucoup de lenteur, parce qu’en agi(rant avec précipitation , il pourroit arriver que le poids de Jerrière devint trop confidérable : ce qui expoferoit l’écolier à tomber à la renverfe, s’il n’avoir foin , aufiitôt qu’il fe fentiroit chanceler • de rejetter fes bras en avant en leur donnant une direélion plus ou moins oblique* Ceft ici que Ion commence à éprouver l’avantage defavoir plonger. Mon écolier tombe-t-il à la renverfe ? il s’étend auflitôt met la main gauche fur le ventre , élève le bras droit & la jambe droite , & fon corps fe trouve tourné fur le côté droit. Qu'il rapproche la jambe droite de la gauche > qu’il étende le braj^ droit le long du corps ; & en portant le bras gauche en avant, il achèvera de fe tourner fur le ventre.

Enfuite il emploie, pour omettre le nezâ Tair, les’ moyens indiques plus haut.

Y eut-il refpirer fans changer la pofition renverfée dans laauelle il eft tombé .^ je le reprends an* moment de fa châte. Qu’il joigne les talons , écarte la pointe des pieds , étende le bras de chaque côté le long de fon corps , la paume de la main tournée contre le fond « & l’articulation du pouce appuyée ’ contre la hanche. Qu’il fe roidifle bien : ion corjptf montera au même’ inftaot ; fon nez & fa bouche le* Vont audeffus de la furface de l’eau. Maïs il fiiutfe’. garder de soulever la tête.

Equitation, Escrime & Danse. K k k

442 L’art de Nager

Quand il aura refpirè tout à fon aife , il pourra faciiement nager dans c«(te po{lure# Il hin pour cela que les jambes , pendant le mouyement , ne s’écartent jeuères du plan horifotnal. Ce mouvement confi/te à rapprocher les talons des feffes , en écartant les genoux ; & à roidir les jambes & jes cuiflçs ^ en les étendant avec promptitude. La plante des pieds éprouvera une réfiftance en raifon de laquelle le nageur avancera (vr le dos. Nous n’avions encore prié que du poids de Teau : & nous venons d’y joindre la réfiflance. On peut employer la réfiftance de Teau avec fuccès , fOur fe relever lorfqu’on eft plongé fur le ventre. 7e reprends nK>n écolier à Tinftant oii fa tête étoit à moitié dans Teau»

Inclincz^vos jambes vers le fond, maïs lemement & en pliant les reins. Eloignez un peu les coudes , en rapprochant les mains Tune de l’autre ( mais que la pofiiion horifontale (ubfifte toujours ) ; donnez à vos mains la forme Qu’elles prendroient ft vous les appuyiez fur un globe de fept à huit pouces de diamètre , en obfervant néanmoins de renir les d«igts bien ferrés les uns contre les autres. Preflez avec vigueur & d’un fcul coup l’eau ou’ellcs rencontreront dans leur chemin , comme . fryous vouliez la faire pafTer entre vos cuiiïes , & fanes un faut par-defTus , les jambes écartées. L’apfui fera plus que fuffifant pour vous remettre deoiit.

Paflbns à h manière fimple d*apprendre à nager. La plupart de ceux qui le mêlent de donner des leçons, prétendent qu’il eft eflentiel de ne pas chercher unappui dans un corps léger, fous prétexte que loriqu’on eft parvenu ^ déployer fes propres forces , on enfonce trop dans l’eau , & que cela fe convenir en habitude. Il ne faut que réfléchir un moment pour reconnoître l’ablurdité de cette prétention. Ce n’eft point une erreur de leur part, c’eft une petite fupercherîe qui leur rapporte de l’argent. Ih dirigent leurs écoliers plufieurs mois de fuhe, plufieurs années même , en leur tenant la main fous le menton , fous le ventre , ou enfin en les anachant à une corde qu’ils rirent par un bout ; delà vient peut-être que des gens d’efprit qui n’ont jamais pu rénffir à nager , en prenant de ces fortes 4le leçons , fo font perfuadés qiaeja nataiion eft un art rempli di difficultés.

Mais touts les appuis ne font pas également fflrs , & toutes les ma’niéres de s’en fervir ne font pas également bonnes.

Les bottes de jonc empêchent les bras de fe mouvoir avec facilité.

Les veffies font fujettes à crever. Les calebaftes ou bouteîllts d€ pèlerin ont auffi lenr inconvénient r Id chaleur du foleil dilate l’air qu’elles contiennent, le bouchon faute , & l’eau y pénétre ; d’ailleurs, un choc peut les cafièr , de meine que les boites de ferblanc on d’antiie métal. J*ai été témoin de plu* fieurs accidents occafionnés par toutes ces macbises à vent* On verra plus bas qu’il £uiilroir encore E N*A G E R^

lesrejetter, quand mêm^ cHetndfefoiestpa» Jaiir gereufes.

Je ne connois que le liéee quï puifle être eni«  ployé par les commençans. Les uns s’en font une double cuirafle qu*ils attachent par les côtés avec des cordts : d’autres fe fervent d’une feiile pbachc qui leur couvre la poitrine &. le ventre ; d*autres mettent la planche par deiriêre , & laifleat le de«  vant à nud. Cette manière eft moins mauvaife que la précédente. J’ai vu un jeune homme qui^s’êtant cuirafié pardevant , s avifa de fe tourner iur le.doi ; touts les efforts qu’il fit pour fe remettre fur le ventre furent vains , &ilferoit péri s’il n’eât été fecouru.

On fe fert» le long du Rhône & ailleurs , deveftes de toile piquées de liège « & fixées par une bande qui pane entre les cuifies, oufimplement de corfelets fabriqués avec des bouchons de grofleur inégale, dont on fait une efpéce de tiflu avec de la ficelle ; ces inflruments font commodes pour al* 1er fur Teau, & je fuis fort aife qu’on les ait fait connoitre à Paris ; mais je ne voudrois pas qu’on leur eût donné un nom grec. Cependant leur utilité fe borne au moment préfent , Ac Ton ne par-^ vient pas plus à devenir nageur en en faifant ufage , qu’on n’y parviendroit en fe promenant dans une baraue.

Voici la manière qui me |)aroit la plus f&re , h plus commode , la moins coûteufe , & la feule ca* pable de mettre un homme d*une conformation ordinaire en état de nager feul au bout de hiiit jours. Je ne me donne pas pour en être l’invemeur ; le petit nombre de combinaifons qu’on peut faire fur cette matière, eft fans douce épuifé depuis bien des fiècles.

Enfilez à une corde grofTe comme le petit doigt ; & longue de deux pieds & demi , pins ou moins , un morceau de liège coupé en rond « & oui ait un pouce & demi de diamètre fur neuf à dix lignes d’épaifieur ; qu’un autre morceau d’un diamètre plus confidèrable vienne après ; que celui-ci foit fttivi d’un troiftème , & ainfi de fuite jufiiu’à ce que vous ayiez forïffSb une efpéce de cône ou pjtn de fucre de cinq à fix pouces de hauteur fur neuf i dix poucçs de bafe.

Ce câ ?e fera arrêté à fon fommet par un double nceud que vous ferez à l’extrémité de la corde» & à travers lequel vous planterez une cheville que vous afTujettirez avec de la ficelle pour plus de iblidité.

L’autre extrémité de la corde fera garnie d*une autre cône difpofé comme celui là. ’ Etendez cette corde fur l’eau , & mettez-vous deflus en travers : vous vous femirez fumager au point que ce ne feroit qu’avec effort que vous parviendriez k mettre le vifage dans Feaja. Cependant fi vous êtes mince , iMaudra raccourcir la corde : & dans touis les cas , vous la difpoferea de manière que vos lièges ne flottent pas trop pris des aisselles, ce qui pourroît gêner le mouvement de vos bras.

Ici vous avez un seul accident à craindre, mais il est si grave, que le plongeur le plus exercé n’auroît que de foibles ressources à y opposer. La corde peut abandonner la poitrine, glisser le long du ventre, s'arrêter à la naissance des cuisses ; la tête plonge ; le tronc la suit ; les jambes demeurent suspendues ; & la mort se présente.

J’ai vu 4ies maîtres înAécilles faire faire cette culbute a ieurs écoliers, pour avoir le plaifir de les relevée un inftant après. Si Ton fe perfuade quV>n accoutumera un homme à Teau en le traitant de la forte, on fe trompe lourdement ; ilcft certain ^ contraire qu*il n’y auroit pas de moyen plus afujé de la lui faire prendre en horreur. Voici le remède Prépaiaez deux anneaux de corde qui aient le double 4e la grandeur dont vous auriez befom pour y feire entrer vos bras jufqu’aux cpauj î r^ c « s Jinneaux i la corde principale avec «  « ’^. » cellc^ en laiAnt entre deux la largeur néce &irepour afleoir commodément votre poitrine. Aidant de vous abandonner à Tcau fur cet inftruent, vous aurez foin de paffer un bras dans chaque anneau jufqu’à l’épaule.

/^"^™*nager la poitrine des dames ^^e leur ^^polerfurredos k corde principale, &je fal )nque les aaneaux avec de fortes trèfles de laine garni » de velours ; ainfi l’articulation de Tépaule « t la feule partie de leur corps qui éprouve quelque frottement, & encore ce frottement cfl-il prefque infcnfible ; j’appelle cela nager à U li/ière. Je ne .fais fi les Grecs ou les Romains ont conn^ ce moyen de faciliter au beau fexe un exercice auffi Mtilc qu agréable ; mais je me fais bon gré de le lui avoir fait connoitre dans ce ficde. Si Ton vouloit faire naeer à la lifière un individu • chargé d une bofle ( car il eft bon de tout prévoir, afin miele public ne foit pas étourdi des préten^^^àécowenes de certains perfeffionncurs), on fubflituefoit à la corde un morceau de bois courbé^ ca arc^ aux deux bouts duquel on attaclieroit les aoneaiu ft les pains defiure.

Pour TOUS préparer à vous porter en avant, vos hru doivent être plies, & vos mains bien rendues, la paume K^urnée contre le fond ; elles feront rapprochées de forte que les deux pouces & les doigts qmlesfuivent ( index) fo toucheront mutuellewent par le bout, Ay « ç les coudes au niveau des épaules, & les mains an niveau 4es coudes ; ( j’îhte fur ce précepte, parce que c’cfl celui dont les écolwrsfe reflbnyiennent le moins dans Tafiion. 1— habitude ou nous fommes de porter les mains à terre pour nous retenir lorfque nous feîfons une chSte, ine paroîtétrelacaufe de ce méchanifroe, qui, à la moindrcpeur, difpofe les meml^res d’un tcober comme pour marcher à quatre pattes). Que vos mains foient rapprochées de votre corps de manière que la main droite forme en dehors un •’"8* «  « wram, d^environ ç^^t quirame^cinq dé-E N A G E R. 443

grés, avec Tavantrbras droit, & réciproquement. Que vos talons fe touchent, ou à-peu-prés, & qu’ils fbient’ « approchés des fefles ; que vos genoux fotent éloignés l’un de l’autre le plus qu’il fera poflîbie.

Tenez-vous prêt à chafler vigooreufement de la plante des pieds Teau quife trouvera dans leur direâion ; &Tetenec-foien ceci. :

Comme 4 vn même reflbrt fsifoit pa^nîr à la fois vos pieds & vos mains, que vos bras & vos jambes fe déploient au même iiiftanr. Vos mains fe porteront en avant & à la htujteur des épaules, & ne cefleroflt defe toucher même lorfque vos bras feront déployés dans toute leur longueur. Cet élan, auquel vos membres feuls doivent avoirparticipé, Vous a fait avancer en ralfon de k promptitude que vous y avez « ife. Il ne faut pas vous hâter cle raflemblervos membres, parce que votre mouvement fubftâe encore, quoique la caufe qui. l’a produit ne fuUlfte plus. Attendez » pour changer de pofture, qu’il (bit prefque fini : ce que vous recon^oitrez à Ta^gnientatioa de votre poids, qui vous fera un peu enfoucer. Alors vous difpoferez vos membres comme ils étoient avant de faire l’élan ; mais il faut tirer parti de ce nouveau travail, en l’employant à avancer encore ; vos cutdes, vos ïambes, ni vos pieds ne peuvent vous fervir pour c^la ; vos bras &. vos mains y fuppléeront.

Eloignez d’abord très-lentement vos mains l’une de l’autre, obfervant de tenir les bras bien tendus ; & lorfque les mains feront éloignées entre elles d’environ deux pieds &4lemi, pour un homme de dna pieds fix pouces, inclinez-les de forte que le côte du petit doigt de chacune foit un peu plus élevé que celui du pouce. Mettez alors de la vi «  sueur à la continuation du mouvement de vos bras, vous avancerez. Vos mains n’ont pas encore ceflé d’être au niveau des épaules ; mais for(qu’elle9 feront diamétralement oppofées, il faudra que l’extrémité des bras, fans qu’ils ceflent d’êu-e tendus, pénétre plus avant dans l’eau à mefure que vous agrandirez la portion de cercle qu’ils décriront, lei le mouvement doit être rapide ; car ce n’eft que par la réfiftance de l’eau non-feulemenc que vous continuez d’avancer, mais encore que vous irous foutenez fans. faire la culbute. Je fup «  pofe dans cet inflaot qu’on n’a pas de lièges, & S’on veut nager dans une fituacion horifontale* pendant û touts jos mouvements ont été bien ménagés, vous aurez du temps derefte pour plier vos bras, les rapporter devant votre poitrine ( obfervant de leur faire repretidre, ainfi qu’aux nfsin ? » leur pofition horifbntale pendant ce trajet), fie vous élancer une féconde tois.

Malgré les efforts que j’ai faits pour me rendre intelligible, je ne me flatte’pas d’être entièrement compris à la première leâure ; mais j’efpère qu’en me lifant avec attention une —féconde fois, on entendra facilement tout 48e qui n’aura pas été ea-, Kkkij tendu la première. Cependant si l'on ne trouvoit pas toutes mes explications également claires, il ne faudroît point se rebuter pour cela. Il suffira d’en avoir compris quelques unes pour être en état de fuppléer foi- même les autres , avec un peu d atr temion puifqti’eUes portent toutes furun petit nombre de principes fimples & faciles à retenir ; fçavoir , que nos corps fom plus légers que l’eau ; que nos corps ne font pas par* tout ègalemem légers ; qu’il faut donner aux parties^les plus légères un poids caparble de les tenir en équilibre avec les plus pefantes ; que les différenres parties de notre corps ne peuvent acquérir cette variété de poids Jue par la diver(ité de leur pofition , ou par la ré- (lance de Teau.

En s^exerçant à la lifiêre une heure par jour » il faudra retrancher à chaque fois une portion égale des deux cônes , pour le$ diminuer de volume en raifon des forces qu’on aura acquifes. L*homme le plus ftupide fur l’eau , c’eft à dire » le plus craintif , nagera fans aucun fecours avant la quinzaine^ Ceux qui auront d’abord préfcré de plonger » pourront également s’exercer a la lifiêre , lorfqu*ils voudront commencer à nager. Mais j’ai vu des S^erfonnes qui n’avoient pas befoin de cette ref- ’ burce, & qui, après avoir plongé quatre ou cinq i’ours au plus 5 enayoient leurs ferces , en fortant a tête de leau ;, & oe les eflayoîent pas en vain. 11 eft vrai que )*attribuois une partie de leurs fuccès à la confiance qu’elles avoient en moi. Lorfque vous ne ferez plus à la lifière , vous vous accoutumerez à donner à vos memb’Fes divers mouvements pour vous faire avancer. On nage en €hien , on nage en grenouille , on" coupe Veau , on nage en çrtffon , on nage à coups de poings , on nage à coups de pieds , &c.7e vous ai fait nager en grenouille. Mes leçons vous feroient inutiles pour nager autrement ; il vous luiEra de regarder un nageur une fois ; mais fouvenezvous que celui qui ne nage que d’une manière eA bientôt fatigué , oc que celui qui ulonge ne TeA jamais. Jufqu’ici )’ai luppofé que vous nagiez dans une eau morte ; mais lorfque vos forces vous le permettront , ne négligez pas de vous exercer dans les «aux courantes. C’eftià feulement qu’on peut déployer toutes les reflburces dont on aura befoin dans les grands daneers. Le philofophe qui vouloir apprendre à fon difctple à traverier l’Hellefpont dans les canaux de fon jardin , n’étoit pas nageur. )e ferois graver des milliers de planches en tailledoqce, quMles n*enfeigneroient point comment 4pn peut gatder fur Teau certaines poAures. . Les ’ m<3^ns qu’on y emploie dépendent du poids du corps , de ïa conformation , du poids de Teau , de h profondeur , de fa rapidité , de fon agitation ; eniorte que le plus habile napur emploie d’autres moyens fur la 5eine , fur le Rhîn , fur le Rhône & ; dans rOcéan. Mais il ne faut pas croire que la découverte de ces diflerents moyens exige de profondes tiûexions ; le nageur le plus borné en &it. Nager. « 

autant là-defliis que le nageur qui profeATelaphjrfi* que ; fembiable à ces brutes qui fe perchent fur le bord d’un précipice , après s’être auurés que le roc qui eft fous leurs pieds efl aflèz fort pour les foutenir.

Il eA cependant deux ou trois préceptes généraux qui épargneront à mon leâeur oivcfies tentatives ; les voici.

Pour nager debout , fans le fecours des bras, il faut écarter les jambes le plus qu’on pourra , & mar* cher dans cette ficuation. Si » maigre cet écart , on enfonçoit , il faudroit plier les jambes & marcher à genoux.

Si l’on veut nager debout dans une rivtèrç , il faut fe grefenter incliné contre le courant, afin de n’être pas culbuté par l’eau , dont la rapidité ai^mente à mefure qu’elle eft éloignée du fond. Si en nageant dans une eau morte , on fe trouve arrêté par des herbes , il ne faut point batailler pour s’en débarraïïer de force , mais s’arrêter tout de fuite, dégager d’abord les bras fans les fortîr de l’eau ; charger fes poumons de beaucoup d’air » fi Ton a de la peine à fe foutenir ; & pour reprendre fa refpi ration, pofer les mains horifontalement ^ ainfi que les br^s. On répétera la chofe suffi fouvent qu’on en aura befoin.

Les bras étant dégagés, on ôte les herbes qui peuvent s’être entortillées autour du cou ; enfuiie on

que

fe met debout , & d’une feule main » tandis . î Tautre eft à la furface de l’eau , on tire délicatement & brin à brin toutes les herbes qui font autour des jambes & des cuifies.

Votre corps étant bien nettoyé» le plus fflr ; pour vous tirer de ce mauvais pas , eft de vous étendre fur le ventre , les cuifles & les jambes jointes & immobiles. Vous vous coulerez à travers les herbes en nageant des bras feulement. Si Tefpace vous manque pour les déployer autour de vous, âl faudra les mouvoir «« chien ^ & vous êtes hors de danger.

Je viens de parler, pour la première fois , du parti au’un nageur peur tirer de laîr en Vaccumulant dans fes poumons. Ce moyen d’allé«r le corps , toutes les fois que les autres ne fumfenc pas , eft fi naturel , que la plupart des écoliers fe gonflent dans Teau dés la première leçoQ, fans qu’ils en apperçoivent eux mêmes. > Il me refie à donner quelques avis aux plongeurs.

Puifque wnts les hommes ne^fent pas é^alemeflC lourds relativement à leur volume , tous n ont pas la même facilité de pénétrer dans le fein dcseaus. Bien plus, il en eft qui éprouvent une impoftîbilitè abfolue de plonger. Tài vu à Naples un eccléfiafttqueti chargé de graiffe , qu’il fe promenoit dans Ja mer fans fe mouiller plus haut que la ceinture, Îiuelqucs efforts qu’il fit pour enfoncer. Je fuli peruadé que fi une malsdie le maigriflbit an point de lui enlever cette faculté , il n’oftroit pks fe confier à l’eaufans avoir appris à nagci^î il too« dansJe cas d’un homme qui, ayant toujours fait usage d’un corset de liège, se trouveroit tout-à-coup privé de cet instrument.

L’expérience apprend bientôt à un plongeur les moyens qui lui sont le plus propres ; cependant on peut établir quelques règles générales.

Pour disparoître tout-à-coup, qu’on se mette debout, les jambes jointes, les pieds tendus, les bras élevés ou abaissés, & appliqués le long du corps. Pour remonter, on se mettra sur le ventre ou sur le dos ; ou seulement on écartera les jambes & les bras en se tenant debout.

On peut aussi entrer la tête la première en abaissant les bras & en élevant les jambes de sorte que les pieds soient la dernière partie du corps qui disparoisse. Cette manière de plonger cause plus d’étonnement que les autres à ceux des spectateurs qui ne font pas initiés.

Si l’on veut se jetter dans l’eau d’un lieu élevé, il faut se tenir bien droit, les bras collés le long du corps, les jambes croisées dans leur longueur, les pieds tendus, & présenter les orteils les premiers. Mais je conseille d’abandonner aux gens du métier cet exercice dangereux.


Quoique l’air dont on remplit ses poumons rende moins lourd & paroisse aller contre le but qu’on se propose en plongeant, je fuis d’avis qu’on s’en munisse d’une bonne dose, s’il se peut. C’est le moyen de conserver plus longtemps ses forces, lorsqu’on a du chemin à faire dans l’eau. D’ailleurs on y prolonge son séjour de plusieurs secondes, en lâchant par intervalles des bouffées, qu’on aura soin de ménager le plus qu’il fera possible.

Les éponges qu’on tient à la bouche après les avoir huilées, offrant aux poumons un léger secours, en leur procurant le peu d’air que l’eau n’en aura pu chasser.

Je ne connois aucun plongeur qui, sans employer les secours de l’art, soit en état de demeurer trois minutes sous l’eau. Les plongeurs de profession se bornent communément à deux ; & plusieurs ne vont pas jusques-là. J’ai vu des gens me soutenir que j’étois resté plus de cinq minutes ; mais ils n’avoient pas regardé leur montre.

Quant aux personnes assez heureuses pour pouvoir vivre sous l’eau des heures entières, elles font une exception à la règle, & l’avantage dont elles jouissent ne s’acquiert point par le travail.


Fin du Volume.