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Encyclopédie méthodique/Economie politique/ANTILLES

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Panckoucke (1p. 226-231).

ANTILLES, isles de l’Amérique. Voyez leur position, leur nombre, &c. dans le Dictionnaire de Géographie.

Nous donnerons ici, i°. un précis historique de la découverte 8c de la conquête des Antilles. 1Q. Nous parlerons de Tétat où elles se trouvóient lórfque les Européens y firent des établiffemens. 30. Des avantages qu’en retirent les européens. 40. Des moy’eós d’augmenter çes avantages. 5°..Des rapports de ces.colonies avec leurs métropoles,, Sc des moyens de les conserver.

" SEÇTIQ1}PREMIERE. Précis historique de la découverte & de la conquête ’ des Antilles. ; Çhistophe ; Colomb , après s’être établi à sainf-Dominguè, une des grandes Antilles -, reconnut les pérîtes : il n’y trouva pas d.aiìs les caraïbes "des insulaires aussi foibles, aussi timides que ceiix qu’il avoit d’abord subjugués. Lés espagnols, malgré Tavantage deJeurs armes, firent long-tempsla guerre a çe .peuple’^ Sine la firent pas toujóû’rsayëc.’ ._íuÇçès.’P'ábofd ils ne cherchoiènt que de Tor. Depuis, ils cherchèrent des esclaves. ; mais n’ayant pas ’ troiivéi.dès

,D.

d ::.Hi,’•-.’•mines, & les caraïbes si fiers & si mélancoliques, mourant dans l’esclavage, le cabinet de Madrid renonça à des conquêtes qu’il jugeoit de peu de valeur, & qu’il ne pouvoit ni faire, ni conserver sans des guerres continuelles & sanglantes.

Les anglois 8c les françois, instruits de ce qui se passoit , hasardèrent quelques foibles arméniens pour intercepter les vaisseaux des espagnols qui passoient dans ces parages. Leurs succès multiplièrent les corsaires. La paix qui règnoit.fouvent en Europe,,n’e.mpêchoit pas les expéditions. L’usage où étoit TEspagne , d’arrêter tous les bárímens qu’elle trouvoit au - delà du tropique , justifioit ces pirateries. . ’Les anglois Sc les françois fréquentoient de-- puis long-temps les Isles du vent-, fans avoir songé à s’y établir, ou fans en avoir trouvé les moyens. Peut-être craignoient-ils de sc brouiller avec les caraïbes dont ils étoient bien reçus ; peut-être ne jugeoient-ils pas digne de leur atren--tion un fol qui ne produisoit aucune des "denrées qui étoient d’usage dans Tancien monde. Enfin. dès anglois conduirs par Warner ,’ des françois aux ordres de X>enambuc , abordèrent en rèij à Saint-Christophe, le même jour , par deux côtés opposés. Des échecs multipliés convainquirent les uns Sc les autres qu’ils ne s’enrichiraient sûrement des dépouilles de Tennenli commun , que lorsqu’ils auraient une demeure fixe , des ports , un point de ralliement. Comme- ils ri’avoient nulle idée de commerce, d’agriculture Sç de conquête, ils partagèrent paisiblement les côtes de Tille .où le hasard les avoit réunis. Les naturels du pays s’éloignèrent d’eux ,, en leur disant : il faut que la terre soit bien mauvaise cher vous , ou que vous en aye^. bien peu , pour en ve- ìtlr chercher si loin a travers tant de périls.

La cour de Madrid ne prit pas un parti si pacifique. Frédéric de Tolède, qu’elle envoyoit en 1630 au Brésil avec une flotte redoutable destinée contre les hollandois, eut ordre d’exterminer, en passant, les pirates qui, suivant les préjugés .-de’cette puissance, avoient usurpé une de ses possessions. Le voisinage de deux nations actives, industrieuses C3usoit de vives inquiétudes aux espagnols. Ils sentirent que leurs Colonies feraient . exposées , si d’autres peuples parvenoient • àse fixer dans cette partie de TAmérique. Les françois Sc les anglois réunirent inutilement leurs foibles moyens. Us furent battus ; ceux qui ne furent pas tués ou faits prisonniers -,

se réfugièrent aVec précipitation

dans les ifles ’ voisines. Le danger passé , la plupart retournèrent àTeurs-hâbitations. L’Espagne , occupée d’intérêts qu’elle croyoit plus importans, ne les in- . quiéta "plus , Sc sc reposa peut-être de leur destruction sur leur jaJousie. ’ "-’

. Dans les premiers temps, les anglois Sc les

-.. f jançois faisoient cause commune contre’ les caraïbes 5 mais cettë efpècé’de société fortuite étoit souvent interrompue ; elle n’émportoit point d’engagement durable , encore moins de garantie des possessions réciproques. Quelquefois les sauvages avoient Tadresse de faire la paix-, tantôt avec une nation, tantôt avec l’autre , Scpar là ils sc ménageoient la douceur de n’avoir-qu’un ennemi à la fois. C’eût été peu pour la sûreté de ces insulaires, si l’Europe qui ne songeoit guère à un petit nombre d’avanturiers dont lès courses ne lui avoient encore procuré aucun bien, Scqui n’étoit pas d’ailleurs assez éclairée pour lire dans l’avenir, n’eût également négligé le soin de les gouverner, Sc de les mettre en état de pousser ou de reprendre leurs avantages. L’indifférence des’deux, métropoles détermina, au mois de janvier 1660, leurs sujets du nouveau monde à faire eux-mêmes une convention qui assurait à chaque peuple les possessions que lés événemens variés de la guerre lui avoient donnés, 8c qui n’avoient eu jusqu’alors aucune consistance. Cet. acte étoit accompagné d’une ligue offensive Sc défensive, pour forcer Tés naturels du pays à accéder à cet arrangement, ce que la crainte leur fit faire la même année. j. ’ Par ce traité qui assura la tranquillité de cette partie de TAmérique , la France conserva la Guadeloupe’, la Martinique, la Grenade, 8c quelques-autres propriétés moins importantes. L’Angleterre fut maintenue à la Barbade, à Nieves, à Antigue, àM’ontferrat, dans plusieurs autres ifles de peu’ de’valeur. Saint-Christophe resta en commun aux deux puissances. Les caraïbes furent concentrés à la Dominique Sc à Saint-Vincent , où tous les membres épars de cette nation se réunirent. "Lëur population n’excédoit pas alors six mille hommes. - - A cette époque , les établissemens anglpisqui, sous, un gouvernement supportable, quoique vicieux, avoient acquis quelque consistance, virent aûgmëritèr leur propriété. Les Colonies françoiscs au contraire furent abandonnées d’un grand nombre de leurs habitans, désespérés d’avoir encore à gémir sous les entraves des privilèges exclusifs. Ces hommes passionnés ppur la liberté sc réfugièrent à la côte septentrionale de S. Domingue, qúi serv.oit d’asyle à plusieurs avanturiers de leur nation , ’depuis environ trente ans qu’ils avoient été chassés de Saint-Christophe. Voya^ l’art. SAINT-DOMINGUE. SECTIÒNSECONì>E. De l’état où se trouvolent les Antilles , lorsqueles européens y firent des établiffemens. Le ~íól des Antilles est en-général une’couche d’argile ou de tuf plus ou moins épaisse’, fui ùn noyau de pierre’ou de roc vif. Ce tuf Sc cette argile ont différentes qualités plus propresles unes que les autres à la végétation. Là ou Targlie moins humide & plus friable se mêle avec les feuilles & les débris des plantes, il se forme une couche de terre plus épaisse que celle qu’on trouve sur des argiles grasses. Le tuf a aussi des propriétés suivant ses différentes qualités. Là où il est moins dur ,-moins compacte , moins poreux, de petites parties se détachent en forme de caissons toujours altérés, mais conservant une fraicheur utile aux plantes. C’est ce qu’on appelle en Amérique un fol de pierre-ponce. Par-tout où T argile 8c le tuf ne comportent pas ces modifications, le sol est stérile, aussi-tôt que la couche , fuite de la décomposition des plantes originaires, est détruite par la nécessité des sarclages qui exposent’ trop souvent les sels aux rayons du soleil. De-là vient que la culture qui exige le moins de sarclage , Sc dont la plante couvre de ses feuilles les sels végétaux , en perpétue la fécondité. Lorsque les européens abprdèrent aux Antilles, ils les trouvèrent couvertes de grands arbres , liés, pour ainsi dire, les uns autres par des plantes rampantes qui, s’élevant comme du Hère, embrasìoient toutes les branches-, 8c les dérobo’ient à la vue. Cette espèce parasite croissoit en telle abondance , qu’on ne pouvoit pénétrer " dans, les bois -fans la couper. On lui donna le nom de liane, analogue à fa flexibilité. Ces forêts , aussianciennes que le monde, avoient plusieurs générations d’arbres, qui, par une singulière prédilection de Ta nature-, étoient d’une grande élévation, très droits , fans excressence ni déféctuosités. La chute annuelle des feuilles., leur décomposition , la destruction des troncs pourris par le temps ’, formoient fur la surface de la terre un sédiment gras , qui, après Te défrichement , opérait une végétation prodigieuse_dans les nouvelles plantations qu’on fubstituoit à ces arbres. Les vallées, toujours fertilisées aux dépens des , montagnes, étoient remplies’de bois mous. Au pied de ces arbres çroissoient indistinctement les plantes que là terre libérale.produisoit pour la nourriture des naturels du pays. Celles d’un usage plus universel étoient le cauhcoulh, Tignáme, le choux caraïbe 8c la patate. Ç’étoient des espèces "de pommes de terre nées à la racine des plantes’qui rampoiént, mais forçoient tous les obstacles dpnt elles sembloient devoir être étouffées. -_’ -’"' . Outre les racines , les ifles offraient à leurs habitans des fruits extrêmement variés. On y tiOuvpit des oranges, des citrons, des limons, dés grenades. II y en avoit qui ne s’éloigneient pas absolument de nos pommes, dé nos poires, de •nos cerises, de nos abricots, Sc nous n’avons rien dans nos climats qui puisse nous donner Tidée de la plupart, des autres. Le plus utile étoit la banane ; elle.croissoit dans des lieux frais fur une flçche molle , spongieuse 8c haute d’environ sept pieds. Cette flèche périssoit avec son fruit j mais, avant qu’elle tombât, on voyoit sortir de fa souche un rejetton qui, un an après, périssoit à son tour , 8ç se régénérait successivement de la même manière. Les ifles n’avoient pas été traitées aussi favorablement en plantes potagères qu’en racines Sc en fruits. Le pourpier 8c le cresson formoient eu ce genre toute leur richesse. Les autres moyens de subsistance y étoient fort bornés. II n’y avoit point de volailles domestiques. Tous les quadrupèdes étoient bons à manger ; mais ils se.réduisoient à cinq espèces, dont la plus grosse ne furpassoit pas nos lapins.- Les oiseaux, plus brillans Sc moins variés que dans nos climats , n’avoient guères d’autre mérite que leur parure. SECTIONTROISIEME. Des avantages que les européensretirent des Antilles. Les eurp.péens surent à peine établis dans les Antilles, qu’ils songèrent à faire travailler la terre par des esclaves. Us condamnèrent d’abord à une espèce de servirudè les naturels du pays ; mais lorsque la race des sauvages fut diminuée, la difficulté de tirer d’Europe assez d’hommes libres pour {’exploitation, Sc fur-tout Tidée que les naturels, du, pays, ou des nègres pourraient seuls cultiver la terre sous ce climat très-chaud , firent qu’ils allèrent en Afrique acheter des esclaves. On tourna les premiers travaux de ces esclaves -vers les objets nécessaires pour la conservation de leur misérable existence. Excepté dans les ifles occupées par les espagnols, où les choses sont à-peu-près ce qu’elles étoient à Tarrivéedes européens dans le Nouveau-Monde, les provisions qui fuffisoient aux_sauvages, ont diminué à mesure qu’on a abattu les forêts pour former des cultures. II a fallu se procurer d’autres subsistances ; Sc les. principales ont été tirées du pays même des.nouveaux consommateurs ; tels sont les pois d’Angola, le manioc, la canne qui donne le sucre, 8cc. C’est principalement avec le sucre que íes ifles achetent tout ce qui Convient ou qui plaît à leurs colons. Elles tirent de l’Europe des farines, des viandes salées , des soieries , . des toiles., des quincailleries , tout ce qui est ’nécessaire à leur vêtement, à leur nourriture , à leur ameublement , à leur parure, , à leurs commodités ,

à leurs fantaisies même : leurs consommations

en tout genre sont prodigieuses , Sc doivent influer nécessairement fur les moeurs des habitans, la plupart assez riches pour se les permettre. On a calculé que les productions du grand Archipel de TAmérique j valent, rendues en Eu- , , Ddi rope, deux cens sept millions (1). Ce n’est pas un don que le Nouveau-Monde fait à l’ancien. Les nations qui reçoivent ce fruit important du travail de leurs sujets établis dans un autre hémisphère, donnent en échange, mais avec un avantage marqué, ce que leur sol ou leurs atteliers leur fournissent de plus précieux. Quelques unes consomment en totalité ce qu’elles tirent de leurs iſles ; les autres, ſur-tout la France, font de leur superflu la base d’un commerce florissant avec leurs voisins. Ainsi chaque nation propriétaire en Amérique, quand elle est vraiment industrieuse, gagne moins encore par le nombre de sujets qu’elle entretient au loin ſans aucuns frais, que par la population que lui procure au-dedans celle du dehors. Pour nourrir une colonie en Amé- rique, il lui faut cultiver une province en Eu- rope ; et ce surcroît de culture augmente sa force intérieure, sa richesse réelle : enfin au commerce des colonies tient aujourd’hui celui du monde entier.

Les travaux des colons établis dans ces iſles long-temps méprisées, sont l’unique base du commerce d’Afrique ; ils étendent les pêcheries et les défrichemens de l'Amérique septentrionale ; ils procurent des débouchés avantageux aux manufactures d’Asie, et doublent, et triplent peut-être l'activité de l’Europe entière : ils peuvent être regardés comme la cause principale du mouvement rapide qui agite notre globe. Cette fermentation doit augmenter à mesure que la culture des iſles, qui n’a pas encore atteint la moitié de son terme, approchera de ſ a perfection. Non-ſeulement la population s’est accrue dans les états propriétaires des iſles, mais elle y est devenue plus heureuse. Le bonheur est en général le résultat des commodités, et il doit être plus grand à mesure qu’on peut les varier et les étendre. Les iſles ont procuré cet avantage à leurs possesseurs ; ils ont tiré de ces régions fertiles dès productions agréables, dont la consommation a ajouté à leurs jouissances ; ils en ont tiré qui, échangées contre les denrées de leurs voisins, les ont fait entrer en partage des douceurs des autres climats. De cette manière, les empires que le hasard, le bonheur des circonstances ou des vues bien combinées, avoient mis en possession des iſles, sont devenus le séjour des arts et de tous les agrémens, qui font une fuite naturelle et nécessaire d’une grande, abondance.

Ce n’ést pas tout ; ces colonies ont élevé les îiations qui les ont fondées, à une supériorité d’influence dans le monde politique ; Sc voici comment. L’or 8c Targent, qui forment la circulation générale de l’Europe, viennent du Mexique, du Pérou Sc du Brésil ; ils n’appartiennent pas aux Espagnols 8c aux Portugais, mais aux

peuples qui donnent leurs marchandises en échange de ces métaux. Ces peuples ont entr’eux des comptes qui, en dernier résultat, ;vont seTblder-

à Lisbonne Sc à Cadix , qu’on peut regardercomme úne caisse commune Sc universelle. C’estlà qu’on doit juger de Taccroissement ou de la’ décadence du commerce de chaque nation ; celle qui est en équilibre de vente ou d’achat avec les. autres , retire son intérêt entier ; celle qui a acheté plus qu’elle n’a.vendu,

retire moins que son in-

rêt, parce qu’elle en a cédé une partie pour i s’acquitter avec la nation dont elle étoir débitrice ; celle qui a plus vendu aux autres nations qu’elle n’a acheté d’elles , ne retire pas sculei ment ce qui lui est dû par l’Espagne Scie Portugal , mais encore ce que lui doivent les autres nations avec lesquelles elle a fait des échanges. Ce dernier avantage est spécialement réservé aux peuples qui possèdent les ifles ; ils voient grossir annuellement leur numéraire par la vente des riches productions de ces contrées ; cette augmentation de numéraire assure leur prépondérance, Scies rend les arbitres de la paix 8c de la guerre.

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SECTION

QUATRIÈME.

Des moyens d’augmenter ces avantages. Rien ne seroit plus propre à augmenter ces avantages, que"le sacrifice du commerce exclusif que se sont réservé toutes les nations, chacune dans les colonies qu’elle a fondées. La liberté illimitée de voyager aux ifles, exciterait les plus grands efforts, échaufferait les esprits par une concurrence générale. Les hommes véritablement éclairés ont toujours fait des voeux pour voir tomber les barrières qui interceptent la communication directe de tous les ports de TAmérique avec tous les ports de l’Europe. Les gouvernemens, qui ne peuvent se conduire par Tes principes de cette bienveillance universelle , ont cru que des sociétés fondées , îa plupart fur Tintérêt partícú- . lier d’une nation ou d’un seul homme, dévoient restreindre à leur métropole toutes les liaisons de lèurs colonies : ces loix prohibitives assurent, ont-ils dit, à chaque nation commerçante de l’Europe, la vente de ces productions territoriales, des moyens pour se procurer des.denrées dont elle auroit besoin , ScUne "balance avantageuse avec toutes les autres nations commerçantes. Ce système, après avoir été lpng-temps jugé le meilleur , ^s’esi vu vivement attaqué , lorsque la théorie du commerce a franchi les entraves des préjugés qui lui scrvoient de bornes. Aucune nation, a-t -on dit, n’a dans fa propriété dé quoi fournir à tous les besoins que la nature ou Tinîagination donnent à, ses colonies. 11"n’y en a pas . (,) Nòus dirçns dans des articlesparticuliersce yit chaquenation de l’Europe tire des ifles de l’Amériçue. une seule qui ne soit obligée de tirer de l’étranger de quoi completter les cargaisons qu’elle destine pour ses établissemens du Nouveau-Monde. Cette nécessité met tous les peuples dans une communication-du moins indirecte avec ces possessions éloignées. Ne seroit-il pas raisonnable d’éviter la route tortueuse des échanges , 8c de faire arriver chaque chose à fa destination par la. ligue Ta plus droite ? Moins de frais à faire ; des consommations plus Considérables ; une plus grande culture^, une augmentation de revenu pour le fisc, mille avantages dédommageraient les métropoles dudroit exclusif quelles s’arrogent toutes à leur préjudice réciproque. Ces maximes sont vraies , solides j, utiles, mais elles ne seront pas adoptées : en voici la raison. Une grande révolution se préparé dans le commerce de l’Europe ; 8c elle est déjà trop avancée ; pour ne pas s’accomplir. Tous lèst gouvernemens, travaillent à sc passer de Tindustrie étrangère : la plupart y ont réussi 5 les autres ne tarderont pas - à s’affranchir de cette dépendance. Déjà les anglois Sc les françois, qui sont les grands manufacturiers de l’Europe, voient refuser de toutes parts leurs,chef-d’oeuvres. Ces deUx peuples, qui font en même temps les plus grands cultivateurs’des ifles, iront-ils en ouvrir les ports à ceux qui les forcent, pour ainsi dire, à fermer’ leurs boutiques ? Plus -ils perdront dans les marchés étrangers, moins ils voudront consentir à la concurrence dans le seul débouché qui leur restera. Ils travailleront bien plutôt à Tétendre , pour y.multiplier leurs ventes, pour en. retirer une plus grande quantité de productions. C’est avec ces retours qu’ils conserveront leur avantage dans la balance du commerce, fans craindre - ,,que í’abondanee de ces denrées les fasse tomber ’ dans T’avilissement. , SEGTIONCIN QU|| ;E ME. Des rapports des colonies des Antilles avec leurs métropoles, & des moyens de conserver ces colonies. Les ifles sont dans une dépendance entière de Tancien monde, pour tous leurs besoins. Ceux qui né regardent que le vêtement, que les moyens de culture, peuvent supporter des délais ; mais le moindre retard dans Tapprovisionnement des vivres, excite une désolation universelle , une sorte d’alarme s qui sait plutôt désirer que craindre l’appfoche de Tennemi. Aussi passe-t^il en proverbe aux- colonies , qu’elles ne manqueront ja mais de capituler devant une escadre, qui, au lieu de barils de poudre à canon, armera ses vergues de barils de farine. Prévenir ; ces inconvéniens, en obligeant les habitans de cultiver póur leur subsistance , ce seroit sapper par les íbndemens Tobjet de Tétablissement,, fans utilité réelle. La’métropole sc priverait d’une grande/ partie, des riches productions qu’elle reçoit de ses colonies , 8c ne les préserverait pas de Tinvasion. En vain efpéreroit-on repousser une descente avec des nègres, qui, nés dans un climat où la mollesse étouffe tous les germes du courage, sont encore avilis par la servitude, 8c he- peuvent mettre aucun intérêt dans le’ choix de leurs mairies. A Tégard des blancs, dispersés dans de vastes habitations , que peuvent-ils faire en si petit nombre ? Quand ils pourraient empêcher une invasion, le voudroient-ils ? Tous les colons ont pour maxime, qu’il faut regarder leurs.ifles comme ces grandes villes de l’Europe, qui, ouvertes au premier occupant, changent de domination fans attaque, fans siège, Sc. presque fans s’appercevoir de la guerre. Le plus fort est leur maître : Vive le vainqueur, disent leurs habitans , à Texemple des italiens, passant Sc repassant d’un joug à l’autre dans une feule .campagne. Qu’à la paix la cité- rentre sous ses premières loix, ou reste sous la main qui Ta conquise, elle n’a rien perdu de fa splendeur,,-, tandis que les places, revêtues de ramparts Sc difficiles à prendre, sont toujours dépeuplées Sc réduites en un monceau de ruines : aussi’,n’y a-t -il peut-être pas un habitant dans TArchipel améri- cain., qui ne, regarde comme un préjugé destructeur , Taudacè d^exposer fa fortune pour fa patrie. Qu’importe à ce cultivateur avide de-quel peuple il reçoive la loi, pourvu que ses récoltes restent fur pied : c’est pour s’enrichir qu’il a passé . . Jes mers ; s’il conserve ses trésors, il a rempli son but. La métropole qui Tabandonne sotvent après Tav’oir opprimé, qui le cédera, le vendra peut-être à la paix, mérite-t-elle toujours le sacrifice de fa vie ? Sans doute, il est beau de mourir pour la patrie. Mais un état où la prospérité de Ja nation est sacrifiée à la forme du gouvernement 5 où Ton veut des esclaves Sc non des citoyens ; où Ton fait la guerre Sc la paix fans consulter ni Tppinion ni le voeu du public ; où les mauvais projets sont toujours concertés par Tintrigue ou.le monopole ; où les bons projets ne sont reçus qu’avec des moyens Sc des entraves qui les font avorter, ne doit pas attendre cet excès de zèle de ses sujets. Les fortifications élevées pour la défense des colonies , né lés mettront pas plus à couvert que le bras des colons, Fussent-elles meilleures, mieux gardées, mieux pourvues qu’elles ne Tont jamais été , il faudra toujours finir par sc rendre , à moins qu’on ne soit secouru. Quand.la résistance des assiégés durerait,au-delà de six mois, elle ne rebuterait pas ^assaillant, qui, Tibre de sc procurer des rafraîchissemeas par mer Sc par terre 3 soutiendra mieux Tintempérie du,climat qu’une garnison ne saurait résister à la longueur d’un siège II n’est pas d’âutre moyen de conserveries iûes^ qu’une marine redoutable. C’est sur les chantiers & dans les ports de l’Europe que doivent être construits les bastions & les boulevards des colonies de l’Amérique. La métropole les tient , pour ainsi dire, sous les aîles de scs vaisseaux ; si elle remplit dé ses flottes le vaste intervalle qui ta sépare de cesifles, filles de son industrie 8c de fa puissance, fa vigilance maternelle fur lem prospérité lui répondra de leur attachement. L. elt donc versìes forces de.iner que les peuples , propriétaires du nouveau monde , doivent porter désormais leurs regards. "La politique de l’Europe veut en général garder les fronnères des états par des places ; mais, pour les puissances maritimes j il faudrait peut-être des citadelles dans les centres, Sc des vaisseaux fur la circonférence. Une ifle : commerçante n’a "pas même besoin déplaces. Son rempart, c’est Ta mer qui fait fa sûreté, sa subsistance, fò richesse. Les vents font à scs ordres , 8c tous Tes élémens conspirent à fa gloire., .

Voyez l’art. AMÉRIQUE & les articles particuliers des isles antilles.