Encyclopédie méthodique/Physique/AIMANT ARTIFICIEL

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AIMANT ARTIFICIEL. C’eſt le nom que l’on donne communément à un ou à pluſieurs faiſceaux de lames d’acier trempées qui ſont fortement aimantées & diſpoſées de pluſieurs manières différentes. Tantôt tous les pôles de même nom ſont d’un même côté en ſe touchant, comme ſi pluſieurs lames ne formoient qu’un aimant ; tantôt les pôles ſont placés de manière qu’ils alternent pluſieurs lames ayant leurs pôles ſud placés parallèlement au pôle nord des autres, & réciproquement, de ſorte que ces deux faiſceaux ſont ſéparés par un intervalle, comme s’ils formoient deux aimans qui ſoient en regard par leurs pôles de différens noms. On voit cette première eſpèce d’aimant artificiel, formant un ſeul faiſceau, dans la figure 393 ; les lames ſont réunies par pluſieurs brides qui les tiennent fortement ſerrées : tous les pôles ſeptentrionaux ſont du côté de s, & tous les pôles méridionaux du côté de m. La ſeconde eſpèce eſt repréſentée dans la figure 394. Pluſieurs lames ſont réunies à gauche, dans le faiſceau S N, leurs pôles ſud étant en haut, & leurs pôles nord en bas. Les lames du faiſceau à droite N S ſont placées dans un ſens inverſe. Les deux faiſceaux ſont ſéparés par deux cubes de bois S N, N S ; & le tout eſt retenu par des brides & par des vis. On peut donner aux faiſceaux de ſes deux figures, le nom d’Aimans artificiels compoſés, parce que chacun eſt formé de pluſieurs lames aſſemblées. Il en eſt de même de tous les faiſceaux de lames & de barreaux aimantés, quelle que ſoit leur figure.

Les aimans artificiels ſimples ſont des barreaux ou droits ou courbés en arc, ou en fer à cheval, &c. ; mais ils ſont uniques & formés par une ſeule lame d’acier. Le contact de fer qui réunit les deux pôles ne doit point être compté. La figure 395 repréſente un petit barreau droit aimanté. La figure 396 en fait voir un qui eſt courbé en fer à cheval avec ſon contact de fer doux. S’il y avoit pluſieurs lames ſuperpoſées, & toutes de la même figure, cet aimant ſeroit alors compoſé. Dans la figure 397, il y en a un qui eſt en arc de cercle.

La méthode la plus ancienne, la plus ſimple, mais la moins efficace de faire des aimans artificiels, conſiſte à prendre pluſieurs lames de fleuret égales, bien trempées, polies, chacune d’une ligne & demie d’épaiſſeur, de 5 à 6 lignes de largeur, & d’un pied ou 15 pouces de longueur : on peut augmenter ou diminuer ces dimenſions, cependant dans certaines limites, qui ne ſoient pas trop éloignées des proportions aſſignées. Enſuite on aimante chaque lame ſéparément ſur le pôle d’un bon aimant armé, comme dans la figure 392, obſervant de faire gliſſer chaque face d’un bout à l’autre, & dans le même ſens ſur un pied ou bouton de l’armure N, par exemple. Après on réunit toutes ces lames aimantées, en mettant du même côté toutes les extrémités qui forment des pôles de même nom, on leur applique l’armure Α B C D figure 398 ; on ſerre le tout par une ligature E E, un cintre O P P O, & des vis C, F, P, P : de ſorte que ces lames ſont ſerrées & retenues dans tous les ſens par les boutons C, D, par les vis P P, &c. L’épaiſſeur des jambes Α & B, & celle des boutons C & D doivent être d’autant plus grande, qu’il y a plus de lames réunies. Voyez Barreaux aimantés.

[On ſe contente quelquefois d’unir enſemble pluſieurs lames de fleuret aimantées chacune ſéparément, & auxquelles on conſerve toute leur longueur ; on les tient aſſujetties par des cercles de cuivre, en prenant garde que toutes leurs extrémités ſoient bien dans le même plan ; c’eſt ſur cette extrémité qu’on paſſe les lames d’acier & les aiguilles qu’on veut aimanter, & ces ſortes d’aimans artificiels ſont préférables à beaucoup d’aimans naturels. Ces aimans artificiels ſeront d’autant meilleurs, qu’ils ſeront conſtruits d’excellent acier bien trempé & bien poli, qu’ils auront été paſſés ſur le pôle d’un aimant naturel ou artificiel bien vigoureux, qu’ils auront plus de longueur, enfin qu’ils ſeront raſſemblés en plus grand nombre.]

On peut faire des aimans artificiels, 1o. en employant des aimans naturels ou des aimans artificiels. 2o. Sans ſe ſervir d’aucun aimant, de quelque genre qu’il ſoit. Les différentes méthodes qui ont été imaginées juſqu’à ce jour, ſont bien plus efficaces que celles qui étoient anciennement connues, c’eſt pourquoi nous les expoſerons ici avec quelqu’étendue, cette partie étant une des plus importantes de la phyſique expérimentale.

1o. Méthodes de faire des aimans artificiels, en employant d’autres aimans ſoit naturels, ſoit artificiels, méthode de M. Knight. C’eſt aux expériences de M. Knight qu’on doit l’attention particulière qu’on a apportée, vers le milieu de ce ſiècle, aux aimans artificiels : depuis l’époque où il fit connoître les puiſſans effets de ſes aimans, pluſieurs phyſiciens, cherchant à deviner ſa méthode dont il faiſoit un myſtère, en trouvèrent pluſieurs autres auſſi efficaces. Comme ces différentes recherches ont fait faire de grands progrès à la ſcience, par les nombreuſes expériences dont elles ont été l’occaſion, il eſt à-propos de dire quelques mots ſur l’hiſtorique de cet objet.

On cherchoit depuis long-temps le moyen de perfectionner la bouſſole ; & comme le premier objet de ceux qui travailloient à la perfection de cet inſtrument, étoit d’augmenter la force directrice de l’aiguille, qui la porte à ſe tourner vers le nord, on vit avec plaiſir qu’on avoit trouvé une nouvelle méthode de communiquer à l’acier une force ſupérieure à celle qu’on avoit pu lui donner juſqu’alors, avec le ſecours des meilleures pierres d’aimant. On penſa que pouvant par ce moyen doubler, tripler, quadrupler cette impreſſion dans une aiguille, on pourroit proportionnellement en augmenter la direction.

Les premiers témoins de la vertu prodigieuſe des barres magnétiques, furent M. Folkes, préſident de la ſociété royale de Londres, & M. Villams Jones, de la même ſociété, à laquelle ils firent part de cette découverte. Sur les inſtances de cette compagnie, M. Knight qui en étoit membre, répéta, en pleine aſſemblée, ſes expériences. Voici l’idée qu’en donne l’extrait de l’acte de la ſociété de Londres, du 19 février 1746.

M. Knight tira d’un étui deux barres longues de 15 pouces : elles y étoient ſituées parallèlement, ayant entr’elles une règle de bois à-peu-près égale aux barres, qui les ſéparoit l’une de l’autre. Leur ſituation reſpective étoit telle que le pôle du nord de l’une étoit du même côté que le pôle du ſud de l’autre, & deux pièces de fer mol terminoient leurs extrémités ſelon la diſpoſition repréſentée dans la figure 399. SN, NS ſont deux barres magnétiques d’un acier très-poli, & trempé de tout ſon dur. N, N ſont les pôles du nord. S, S ſont les pôles du ſud de ces barreaux. C & C ſont des pièces de fer poli & doux qui les réuniſſent & y reſtent fortement adhérentes par la ſimple attraction. B eſt une règle de bois qui ſépare les deux barreaux & qui empêche leur contact latéral. Les flèches déſignent la circulation du fluide magnétique.

Les deux barreaux étant coulés doucement de l’étui ſur la table, dans la poſition que l’on vient de rapporter, M. Knight fit gliſſer un des deux morceaux de fer, ouvrant les deux barres comme un compas, il les mit en ligne directe, de façon qu’adhérant fortement enſemble par l’attraction, le pôle du nord de l’une ſe trouvoit en contact avec le pôle du ſud de l’autre. M. Knight prit alors un cube d’un fort bon aimant, du poids d’une demi-once ; & ayant bien fait connoître ſes pôles, au moyen d’une aiguille aimantée, il le mit en contact entre les deux barres, de façon qu’il préſentoit à chacune ſes pôles répulſifs ; il laiſſa cet aimant dans cette poſition pendant une demi-minute, & l’ayant retiré il fit voir, au moyen de la même aiguille, que ſes pôles étoient abſolument renverſés, & avoient pris la même direction que celle des pôles des deux barres. Il répéta pluſieurs fois la même expérience, & préſentant l’aimant diagonalement par ſes angles aux deux barres, ſes pôles prirent à chaque fois une nouvelle direction.

M. Knight montra enſuite deux aiguilles pour des compas de mer, toutes deux d’acier trempé : l’une de ces aiguilles n’avoit point été chauffée après la trempe, & l’autre avoit été bleuie, & en conſervoit encore la couleur ; il les aimanta toutes deux avec les barres magnétiques, comme il a été dit au mot Aiguille aimantée, & ainſi qu’on le voit, figure 363. n, n pôle du nord des deux barres ; s s pôle du ſud des deux barres ; a a aiguille de compas de mer, poſée ſur les barres, poſée par le centre de la chape au-deſſus de la ligne de contact des deux barreaux. On y a vu, qu’en appuyant ſur le centre de l’aiguille & en tirant les barreaux de chaque côté, en les faiſant gliſſer ſur l’aiguille, celle-ci acquit par cette ſeule friction la plus forte vertu magnétique, proportionnelle à ſa maſſe. On y a vu encore que les aiguilles dont on a parlé, ayant été aimantées, celle d’acier trempé de tout ſon dur, avoit acquis une force double de celle d’acier de trempe de reſſort, ou bleui ; &c.

Deux barreaux magnétiques de M. Knight furent envoyés à Paris, l’un à M. de Réaumur, & l’autre à M. de Buffon ; le premier qui avoit environ 3 pouces & demi de longueur, ſur deux ou trois lignes & demie en quarré ; &, quoiqu’il ne peſât que 3 gros 36 grains, il portait 3 onces 12 grains. Le ſecond avoit à-peu-près les mêmes proportions que le premier, mais il peſoit 4 gros 55 grains ; auſſi portoit-il un peu plus que le précédent, & il ſoutenoit, étant chargé peu-à-peu, 3 onces 4 gros & demi.

On trouve donc dans les barres de M. Knight une preuve inconteſtable qu’on peut, 1o. communiquer à l’acier, par le moyen de cette nouvelle méthode, une vertu magnétique beaucoup plus forte que celle qu’on avoit pu lui communiquer juſqu’à cette époque, en ſe ſervant même des meilleures pierres d’aimant qu’on connoiſſe. 2o. Que l’acier ainſi aimanté conſerve long-temps ſa vertu, puiſqu’on a vu de ces barres magnétiques n’avoir preſque rien perdu de leur force après un temps très-conſidérable. Il eſt vrai que pour cet effet il faut employer pluſieurs précautions, telles que de ne jamais tirer ces barreaux de l’étui un à un, mais les faire gliſſer enſemble ; de ne les ſéparer, lorſqu’on veut s’en ſervir, qu’en les ouvrant comme un compas ; de ne jamais permettre qu’ils ſe touchent latéralement, mais toujours en pointe, & jamais par ſes pôles répulſifs, ni les placer auprès d’une groſſe maſſe de fer ; enfin de ne pas les fatiguer à enlever des poids conſidérables, ni de s’en ſervir pour changer les pôles d’un aimant naturel, à moins que ces aimans ne ſoient aux barreaux magnétiques en volume & en poids comme 1 à 15.

La découverte de ces barreaux magnétiques diſpenſe du ſoin de ſe procurer de bons aimans naturels, toujours d’un prix aſſez conſidérable ; puiſque deux barreaux aimantés ſuffiſent pour communiquer plus de force à une aiguille de bouſſole, qu’on ne pourroit lui en donner avec les deux plus forts aimans qui ſoient en Angleterre ; car on a prétendu dans le temps qu’une aiguille aimantée ſur la pierre de la ſociété de Londres, ne recevoit que la moitié de la force que pouvoit recevoir une aiguille de même volume & de même poids qui étoit aimantée avec les barres de M. Knight. La pierre d’aimant de la ſociété royale de Londres, qui communique cette vertu à une aiguille d’acier de trempe de reſſort, n’a jamais pu la communiquer pareillement à une aiguille d’acier trempé parfaitement dur.

Cette dernière qualité des barres magnétiques dut bientôt faire une vive impreſſion ſur ceux qui travailloient à perfectionner la bouſſole. L’impoſſibilité d’avoir des pierres d’aimant aſſez fortes pour aimanter ſuffiſamment des aiguilles d’acier trempé parfaitement dur, étoit cauſe qu’on ne ſe ſervoit ordinairement, pour faire les aiguilles, que d’acier revenu bleu. Cependant l’expérience journalière prouve que cette dernière eſpèce d’acier eſt expoſée à perdre, en peu de temps, une grande partie de ſon magnétiſme. C’eſt ce qui fait qu’on étoit obligé, dans les longues navigations, de retoucher de temps en temps les aiguilles de bouſſoles. Par les méthodes anciennes, on étoit obligé de réitérer les frictions magnétiques juſqu’à 120 fois & davantage ; tandis qu’avec les barreaux aimantés dont nous parlons, on peut facilement, par une ſeule opération, ou deux ou trois, communiquer une forte vertu. Voyez Magasins magnétiques.

Ce fut inutilement que M. Knight prétendit dérober ſon ſecret au public ; pluſieurs phyſiciens, tentèrent de le deviner, & s’ils n’ont pas trouvé ſa méthode, ils en ont découvert d’autres par leſquelles on eſt parvenu au même but.

Avant qu’on eût parlé de la méthode de M. Knight, M. le Maire, habile ingénieur pour les inſtrumens de mathématiques, à Paris, avoit trouvé une nouvelle méthode dont nous parlerons bientôt, & ſelon laquelle il aimantoit un barreau d’acier plus parfaitement que par la pratique ordinaire, & qui même ne le cédoit preſque point en force aux aimans artificiels de M. Knight. M. le Maire l’ayant communiqué à M. Duhamel, ces deux phyſiciens multiplièrent les expériences, & trouvèrent des réſultats très-ſatisfaiſans dont on voit le détail dans les mémoires de l’académie des ſciences, année 1745. On en trouvera ci-après un précis, ſous le titre de méthode de M. le Maire. Leurs expériences ayant de plus en plus conſtaté qu’une lame, placée ſur une ou deux autres, recevoit plus de vertu magnétique, ils aimantèrent de cette manière de petits barreaux comme ceux de Knight, & on vit que les barreaux étoient fort approchans des derniers, du moins quant à l’effet.

M. Duhamel ne s’arrêta pas là ; il aimanta enſuite, ſelon la pratique de M. le Maire, deux grandes lames dont il ſe ſervit enſuite pour aimanter de petits barreaux, en ſe conformant pour lors à la pratique dont le docteur anglois s’étoit ſervi pour aimanter ſur ſes barres les aiguilles de bouſſole, & il réuſſit non-ſeulement dans cette expérience, mais encore dans toutes celles qu’il fit pareillement à l’imitation de M. Knight. C’eſt le détail de ces nouvelles expériences qui fait le ſujet d’un autre mémoire que M. Duhamel lut dans la ſéance publique tenue le 8 avril 1750. Cet académicien eut pour adjoint, dans ce nouveau travail, M. Antheaume. On verra bientôt, ſous le titre de méthode de M. Duhamel, le précis que cet académicien en a fait.

M. Canton, connu par un grand nombre d’expériences de phyſique, entra auſſi dans cette carrière. Dans l’aſſemblée de la ſociété royale, du 17 janvier 1750, le préſident rapporta que M. Canton avoit réuſſi à communiquer à des barreaux d’acier trempé de tout ſon dur, une grande vertu magnétique, & même au maximum, & cela ſans le ſecours d’aucun aimant, ſoit naturel, ſoit artificiel ; qu’il avoit auſſi changé les pôles d’un aimant naturel, en le plaçant dans une direction renverſée, outre les pôles contraires de deux de ſes grands barreaux poſés, à quelque diſtance l’un de l’autre, dans une même ligne, & qu’il l’avoit fait même ſans que les barreaux touchaſſent l’aimant, en le plaçant ſeulement entr’eux à une diſtance d’un quart de pouce de l’un & de l’autre. La méthode de faire des aimans artificiels de ce phyſicien ſera expoſée à l’article méthode de M. Canton.

M. Michell, membre du collége de la Reine, à Cambridge, publia, au commencement de l’année 1751, un traité ſur les aimans artificiels ; il y donne auſſi une méthode de compoſer des barres magnétiques qui ne le cèdent point en force à celles de M. Knight : cette nouvelle manière, qui ſera expoſée ci-après à l’article ſuivant, méthode de M. Michell, a de ſingulier de pouvoir aiſément rétablir dans leur première vertu les barres qui auroient perdu une partie même très-conſidérable de leur force, &c. Le père Rivoire, jéſuite, a traduit en français le traité des aimans artificiels, de M. Michell, & celui de M. Canton, en 1752. C’eſt de cette traduction qu’a été tirée une partie de ce qui eſt contenu ſous le mot Aimant artificiel. Nous y avons ajouté ce qui a été découvert & publié depuis cette époque.

M. Antheaume, dans un petit mémoire ſur les aimans artificiels qui remporta le prix de l’académie impériale des ſciences de S.-Petersbourg, le 6 ſeptembre 1760, a donné une nouvelle méthode d’aimanter, qu’on trouvera ſous le titre de méthode de M. Antheaume, ſoit avec, ſoit ſans aimant naturel ou artificiel.

M. Trullard a publié, dans le journal des ſavans, en 1761, une nouvelle manière de faire des aimans artficiels d’une très-grande force, ſans le ſecours de l’aimant naturel : nous la ferons connoître dans cet article.

Un de ceux qui a fait les aimans artificiels les plus forts & les plus vigoureux, eſt ſans contredit M. l’abbé le Noble, chanoine de S. Louis du Louvre, à Paris. J’en ai vu un chez lui, qui n’étoit compoſé que de treize barreaux en fer à cheval, du poids de quinze à ſeize livres, & qui portoit deux cent trente-cinq livres. Sa méthode eſt encore un ſecret : peut-être n’emploie-t-il que les méthodes connues, en y apportant beaucoup de ſoins dans le choix de l’acier, dans la trempe, dans le poli, beaucoup de patience dans l’aimantation, &c. ? Cela eſt très-probable : on verra que dans la méthode de M. Trullard, on peut faire des aimans artificiels qui ſoient encore plus vigoureux. On peut même dire que, parmi les méthodes que nous avons rapportées, il n’y en a aucune dans laquelle, en augmentant le nombre des touches & des barreaux, la grandeur de ceux-ci, & opérant alternativement comme on le verra bientôt, on ne puiſſe faire des aimans d’une force ſurprenante. Après cet expoſé général, il eſt néceſſaire d’entrer dans le détail des diverſes méthodes.

Méthode de M. Michell. Préparez une douzaine de lames d’acier commun, peſant environ une once et trois quarts chacune, longues de 6 pouces, & larges de 6 lignes, ſur un peu plus de 6 lignes d’épaiſſeur. Trempez-les, dit M. Michell, (pag. 4 & ſuiv. de ſon ouvrage cité plus haut), & prenez garde que le feu ne ſoit ni trop vif, ni trop lent, l’un & l’autre extrême étant nuiſible ; ces lames doivent être marquées à l’une de leurs extrémités, afin de pouvoir diſtinguer l’une de l’autre. Pour le faire, il ſuffira d’y donner un ſeul coup de ciſeau dans le temps qu’elles ſont encore chaudes. Après avoir trempé ces lames, il faut en éclaircir les extrémités ſur un marbre ou ſur une roue à aiguiſer les raſoirs ; c’eſt le moyen de les rendre plus propres à ſoulever un poids, & peut-être de les rendre un peu meilleures pour aimanter des aiguilles. On peut, pour la propreté, faire polir de même la lame en entier, quoique cela ne ſoit pas néceſſaire. Les proportions qu’on vient de propoſer ſont celles qui paroiſſent convenir le mieux ; cela n’empêche cependant pas qu’on ne puiſſe faire des lames d’un autre volume & d’une autre forme ; pourvu que l’on obſerve entre leur longueur & leur poids, la proportion indiquée dans la table ſuivante.

Pouces. Onces. Pieds. Pouces. Livres. Onces.
01. 0. 1. 0. 00. 11.
02. 0. 1. 6. 02. 00.
03. 0. 2. 0. 04. 03.
04. 0. 2. 6. 07. 08.
05. . 3. 0. 12. 00.
06. 4. 0. 25. 00.
08. 4. 5. 0. 45. 08.
10. 7. 6. 0. 73. 00.

Les lames d’acier étant préparées, comme nous venons de le dire, il faut travailler à placer le pôle du nord (c’eſt, ſelon la façon de parler des anglois, le pôle au ſud), à l’extrémité marquée ; & le pôle du ſud, à celle qui ne l’eſt pas. Pour le faire, rangez une demi-douzaine de ces lames, de manière qu’elles forment une ligne nord & ſud, & que le bout de la première, qui n’eſt pas marqué, touche le bout marqué de la ſuivante, & ainſi de ſuite, faiſant attention que les bouts marqués de toutes ces lames regardent le ſeptentrion. Cela fait, prenez un aimant armé, & placez ſes deux pôles ſur la première des ſix lames, le pôle du ſud vers le bout marqué de la lame, qui eſt deſtiné à devenir pôle du nord, & le pôle du nord de l’aimant vers le bout non marqué de la lame, qui eſt deſtiné à devenir le pôle du ſud. Coulez enſuite la pierre ſur la ligne des lames d’un bout à l’autre trois à quatre fois, prenant garde qu’elles en ſoient toutes touchées. Après cette première opération, ôtez de leur place les deux lames du milieu ; placez-les aux deux extrémités de la ligne, & ſubſtituez en leur place celles qui auparavant terminoient la ligne, en conſervant toujours la même diſpoſition par rapport aux bouts marqués & non marqués : faites alors gliſſer votre pierre dans le même ſens que ci-devant ſur les quatre lames du milieu ſeulement, ſans aller juſqu’au bout de la ligne, parce que les lames qui la terminent actuellement de chaque côté, & qui étoient auparavant au milieu, ont déjà acquis plus de vertu, qu’elles ne pourroient en recevoir dans l’endroit où elles ſont préſentement, & que bien loin d’acquérir une augmentation de vertu, elles perdroient peut-être quelque choſe de celle qu’elles ont déjà, ſi on les aimantoit de nouveau. Après avoir aimanté le deſſus de ces ſix lames ſelon les règles que nous venons de preſcrire, il faut renverſer la ligne entière des lames, afin de pouvoir en aimanter le deſſous de la même manière qu’on en a aimanté le deſſus : il ne faudra cependant pas faire couler la pierre d’un bout de la ligne à l’autre dans cette ſeconde opération ; il faudra ſe contenter de la faire paſſer ſur la ſeconde, la troiſième, la quatrième & la cinquième lames ; vous tranſporterez enſuite au milieu les deux lames qui terminoient la ligne, mettant à leur place celles qui étoient au milieu, & vous les aimanterez à leur tour.

Si vous n’avez point d’aimant armé, prenez-en un qui ne le ſoit pas, & rangeant, comme auparavant, vos lames ſur une ligne, placez le pôle du nord de votre aimant ſur l’extrémité marquée de la lame la plus éloignée, & faites-le gliſſer juſqu’au bout ſur la ligne entière des lames. Après quoi tournez votre aimant, & changeant de pôle, mettez celui du ſud, non pas à l’extrémité, mais à-peu-près au milieu de la lame qui vient d’être touchée la dernière ; faites-le gliſſer deſſus de nouveau juſqu’au milieu de la première. Là, changez encore de pôle ; & prenant garde de placer toujours votre aimant au milieu, faites-le encore gliſſer juſqu’au bout, comme la première fois ; ce que vous répéterez à quatre ou cinq repriſes. Vous placerez enſuite au milieu les deux lames, qui juſqu’alors terminoient la ligne ; & mettant le pôle du nord de votre aimant ſur l’extrémité marquée de ces deux lames, vous ferez couler votre aimant juſqu’à l’extrémité qui n’eſt pas marquée. Placez enſuite le pôle du ſud ſur le bout qui n’eſt pas marqué, & faites-le couler juſqu’au bout marqué ; ce que vous répéterez trois à quatre fois. Vous renverſerez après cela la ligne entière des lames, pour en aimanter le deſſous de la même façon.

Après avoir communiqué, ainſi que nous l’avons dit, un petit degré de vertu magnétique à une demi-douzaine de ces lames, rangez l’autre demi-douzaine, qui n’a point encore été aimantée, ſur une ligne AB (fig. 400), de la même façon que vous aviez rangée la première demi-douzaine déjà aimantée. Le bout marqué des lames, deſtiné à devenir le pôle du nord, eſt tourné vers B ; & le bout non marqué, deſtiné à devenir le pôle du ſud, eſt tourné vers A. Diviſez enſuite la demi-douzaine des lames déjà aimantées en deux faiſceaux, dont le premier CD en contient trois, & les trois autres compoſent le ſecond faiſceau EF. Elles s’appuient les unes contre les autres par le haut, & elles ſont ſéparées par le bas au moyen d’un petit morceau de bois (ou de telle autre matière qu’on voudra, pourvu que ce ne ſoit pas du fer), qui ait une ligne d’épaiſſeur ou un peu plus. Les trois aimans ou lames, qui compoſent le faiſceau CD, lequel eſt placé vers le bout non marqué des lames à aimanter, ces trois aimans, dis-je, ont leurs pôles du nord placés en en-bas, & leurs extrémités qui ne ſont pas marquées, c’eſt-à-dire, leurs pôles du ſud, placés en en-haut. Au contraire, les trois aimans du faiſceau EF, lequel eſt placé vers le bout marqué des lames à aimanter, ont en en-bas leurs pôles du ſud, & en en-haut leurs extrémités marquées, c’eſt-à-dire, leurs pôles du nord. Ces ſix lames aimantées étant ainſi diſpoſées, faites-les gliſſer trois à quatre fois d’un bout à l’autre dans toute la longueur de la ligne, opérant avec ces lames de la même façon que ſi elles étoient un véritable aimant. Après quoi, placez au milieu de la ligne, comme ci-devant, les deux lames qui ont été juſqu’alors aux extrémités ; faites gliſſer deſſus de nouveau les lames aimantées. Renverſez enſuite la ligne entière, afin de pouvoir en aimanter le deſſous de la même façon, en faiſant toujours attention de ne point paſſer ſur les deux lames qui terminent actuellement la ligne ; parce que, comme nous l’avons déjà dit, elles n’en retireroient pas plus de vertu ; il ſuffira ſeulement de les placer à leur tour au milieu de la ligne, & de les aimanter dans cette nouvelle place comme les autres.

Si les ſix lames aimantées en premier lieu ont reçu de l’aimant, dont vous vous êtes ſervi au commencement, un degré ſuffiſant de vertu, cette ſeconde demi-douzaine, par les moyens que nous avons recommandés, recevra une vertu bien plus forte que celle des premières lames dont on vient de ſe ſervir, pour les aimanter. C’eſt pour cela, dit M. Michell, que vous ferez bien maintenant de placer cette première demi-douzaine ſur une ligne, & de l’aimanter à ſon tour avec le ſecours de la dernière demi-douzaine, à laquelle elle vient elle-même de communiquer la vertu magnétique ; & en leur faiſant ainſi changer de rôle, ſervez-vous tour-à-tour d’une de ces deux demi-douzaines pour aimanter l’autre, juſqu’à ce que toutes ces lames aient reçu autant de vertu qu’elles en peuvent conſerver ; ce que vous connoitrez, quand la répétition de ces opérations ne leur donnera plus aucune augmentation de force. Des lames de ſix pouces, aimantées ſelon ces règles, & bien trempées, doivent porter chacune, par un ſeul de leurs pôles, un poids de fer d’une livre, ou même davantage.

Dans la méthode de M. Michell, les ſix lames aimantées dont on fait uſage pour aimanter les autres, doivent être placées trois d’un côté, comme nous l’avons déjà dit, avec leurs pôles du nord en en-bas, tandis que les trois de l’autre côté auront en en-bas leurs pôles du ſud. Mais comme il arrive que quand divers aimans réunis ont leurs pôles de mêmes noms placés du même côté, ces aimans ſe nuiſent ordinairement les uns aux autres, à moins qu’on ne vienne à bout de les en empêcher par une oppoſition d’action. M. Michell recommande, comme une précaution abſolument néceſſaire, & à laquelle on ne ſauroit faire trop d’attention, de ne jamais placer en même temps deux lames d’un même côté, mais il faut, dit-il, les mettre une à une. Ainſi, en plaçant la première du faiſceau CD, fig. 400, il faut placer en même temps la première du faiſceau EF, & ainſi de ſuite, & les faire pencher, afin qu’elles puiſſent s’appuyer l’une contre l’autre par le haut. On doit en agir de même, quand on les ôte de deſſus la ligne à aimanter. Il y a cependant un moyen plus court de les placer & de les ôter, encore indiqué par M. Michell ; c’eſt, dans l’une & l’autre opération, de rapprocher les deux faiſceaux par le bas, comme ils le ſont déjà par le haut ; de les ôter & les mettre ainſi réunis, & de ne les ſéparer de nouveau, par le bas, que quand, on les aura réunis ſur la ligne qu’ils doivent aimanter.

Si l’aimant dont vous vous ſervez, remarque encore M. Michell, pour donner un commencement de vertu à vos lames, ſe trouvoit trop foible, ce qui arrive aſſez communément aux aimans qui ne ſont point armés, & quelquefois même à ceux qui le ſont, quand les pôles ſont à une grande diſtance), & que vous ne puiſſiez pas avec ſon ſecours communiquer aſſez de vertu à vos lames, vous ferez bien de les aimanter ſelon les règles précédentes, avant de les tremper ; parce qu’elles ſeront alors en état de recevoir la vertu magnétique avec beaucoup plus de facilité. Ayant aimanté toutes les lames, ſelon la méthode ci-deſſus, juſqu’à ce qu’elles le ſoient auſſi fortement qu’elles peuvent l’être dans cet état, on en trempera la moitié ; & après les avoir aimantées avec la moitié qui reſte non trempée, on trempera enſuite celles-ci, & on les aimantera de nouveau avec les premières.

Lorſqu’on aura une douzaine de lames aimantées ſelon les règles preſcrites ci-deſſus, afin de les bien conſerver, il faut les renfermer dans une boîte. Au fond de cette boîte doivent être attachées ſur une même ligne, & à cinq pouces & demi de diſtance l’une de l’autre, deux petites pièces de fer, ayant chacune environ un pouce de ſaillie, en hauteur perpendiculaire, ſur un quart de pouce, ou un peu plus d’épaiſſeur. Cette hauteur répond à l’épaiſſeur d’une demi-douzaine de nos lames, laquelle ne doit guères excéder celle d’un pouce. Il faut avoir ſoin que ces deux petits montans ſoient extrêmement polis. C’eſt contr’eux qu’il faudra placer la douzaine de lames aimantées, ſix d’un côté & ſix de l’autre, & les mettre de façon qu’elles préſentent aux pièces de fer le côté de leur épaiſſeur. Faites attention que les ſix lames poſées d’un même côté aient, ou tous leurs pôles nord, ou tous leurs pôles ſud, placés enſemble, & que les ſix autres, poſées de l’autre côté, préſentent aux pôles des premières leurs pôles de dénomination contraire. Prenez garde encore qu’il ne faut pas placer ni déplacer à-la-fois toutes les lames d’un même côté ; qu’il ne faut pas même en tirer pluſieurs d’un même côté, ſans qu’il en reſte un nombre ſuffiſant pour conſerver, avec celles de l’autre côté, une eſpèce d’équilibre entre la vertu des différens pôles : l’on ne ſauroit être trop attentif ſur ce point.

Méthode de M. Canton. Prenez une douzaine de lames, dont ſix d’acier non trempé aient trois pouces de long, un quart de pouce de large, & un vingtième de pouce d’épais, avec deux morceaux de fer de même largeur & épaiſſeur que ces lames, mais de la moitié plus courts ; & que les ſix autres ſoient d’acier trempé de tout ſon dur, & aient chacune cinq pouces & demi de long, & trois vingtièmes de pouce d’épais, avec deux morceaux de fer, préciſément de même par rapport à ces lames, que ſont les deux premiers par rapport aux leurs. Il faut de plus que toutes ces lames ſoient marquées tout autour, vers l’une de leurs extrémités. Ayant communiqué la vertu magnétique à quatre de ces lames d’acier non trempé, avec des pincettes & un fourgon, de la manière que nous indiquerons ci-deſſous, couchez les deux autres parallèlement ſur une table, (fig. 401), entre les deux morceaux de fer qui leur appartiennent, de façon que ces deux lames ſoient diſtantes l’une de l’autre d’un quart de pouce, & que le bout marqué de l’une, deſtiné à devenir ſon pôle du nord ; & le bout non marqué de l’autre, deſtiné à devenir ſon pôle du ſud, repoſent contre le même morceau de fer, & de même les deux autres extrémités contre l’autre morceau de fer. Enſuite prenez deux des quatre lames déjà aimantées ; placez-les enſemble l’une ſur l’autre, enſorte qu’elles forment comme une ſeule lame d’une double épaiſſeur, le pôle du nord de l’une répondant au pôle du ſud de l’autre ; & poſez les deux autres deſſus les premières, tellement qu’il ſe trouve deux pôles du ſud & deux pôles du nord enſemble. Enfin, entre l’une des deux extrémités de ces lames, mettez une groſſe épingle pour ſéparer le pôle du nord du pôle du ſud ; & cette extrémité étant tournée en en-bas, placez ces lames perpendiculairement ſur le milieu d’une des lames horizontales, de ſorte que le pôle du nord de celle-ci réponde au pôle du ſud des verticales, & que ſon pôle du ſud réponde à leur pôle du nord. Tout étant ainſi diſpoſé, faites gliſſer les verticales quatre ou cinq fois ſur la lame horizontale, en allant & venant d’un bout à l’autre ; & les ôtant enſuite de deſſus cette lame par le milieu ; répétez la même opération ſur l’autre ; après quoi, retournez-les toutes les deux, & frottez-les de même ſur l’autre côté. Ceci étant fait, ôtez ces deux lames d’entre les morceaux de fer ; ſubſtituez à leur place les deux les plus extérieures des verticales, & faites des deux lames verticales reſtantes, & des deux horizontales, un faiſceau tout ſemblable au premier, en obſervant ſeulement que les premières verticales ſoient alors les plus extérieures : enſuite de quoi vous frotterez avec celles-ci, comme auparavant, les deux autres que vous venez de placer horizontalement. Vous répéterez ce procédé juſqu’à ce que chacune de ces barres ait été touchée quatre ou cinq fois ; ce qui leur donnera une très-grande vertu magnétique.

Pour aimanter avec ces lames celles d’acier trempé, diſpoſez-les toutes les ſix comme les quatre verticales dont nous venons de parler, (fig. 402), & frottez ou touchez ſucceſſivement, avec ces ſix lames, quatre de celles d’acier trempé, placées horizontalement, comme ci-deſſus, entre leurs morceaux de fer, à une diſtance l’une de l’autre, d’un quart de pouce.

Ayant ainſi communiqué à ces quatre lames d’acier trempé, une vertu magnétique ſuffiſante, laiſſez les autres, & ſervez-vous de celles-là pour aimanter, ſelon la méthode précédente, (voyez fig. 403), les deux lames d’acier trempé qui reſtent. On remarquera cependant qu’il ne faut ſéparer, par en-bas, les lames verticales d’acier trempé, que lorſqu’elles ſont ſur la lame horizontale, & qu’il faut les rapprocher l’une contre l’autre avant de les en ôter ; de plus, que leur intervalle doit être de deux dixièmes de pouce. Tout ceci étant obſervé, on procédera, ſelon ce qui a été dit plus haut, juſqu’à ce que ces ſix lames aient été touchées deux ou trois fois.

Comme la touche verticale ne communique pas aux lames, toute la vertu magnétique dont elles ſont ſuſceptibles, il faut, pour le faire, les poſer parallèlement, comme ci-deſſus, entre leurs morceaux de fer, (voyez fig. 404) & les frotter avec deux autres lames poſées horiſontalement, ou à-peu-près ; leſquelles lames on tire en même temps, en partant du milieu, l’une ayant ſon pôle du nord ſur la partie du ſud de la lame couchée, & l’autre ayant ſon pôle ſud ſur la partie nord de cette même lame. On répétera la même opération juſqu’à trois ou quatre fois ſur chacun des côtés de cette lame, en obſervant de rapporter, toujours au milieu, les lames frottantes, ſans qu’elles ſe touchent l’une & l’autre. Par ce moyen, la lame couchée acquiert la plus grande vertu magnétique qu’elle ſoit ſuſceptible d’acquérir ; ce que l’on prouve par l’impoſſibilité où l’on eſt de lui en communiquer davantage, ſoit en l’aimantant par la touche verticale, avec un plus grand nombre de lames, ou par la touche horiſontale avec des lames qui aient plus de vertu. Toute cette opération peut ſe faire en une demi-heure ; & on peut communiquer à chacune de ces lames, ſi elles ſont bien trempées, une aſſez grande vertu magnétique, pour qu’elles portent un poids de vingt-huit onces & même davantage.

Lorſqu’une fois ces lames ſont bien aimantées, elles en aimantent d’autres trempées, & toutes ſemblables, auſſi fortement qu’elles peuvent l’être en moins de deux minutes. C’eſt pourquoi elles peuvent ſatisfaire à tous les beſoins que l’on en a, ſoit pour la marine ; ſoit pour la phyſique expérimentale, beaucoup mieux que les aimans naturels qui, comme l’on ſait, ne ſont pas aſſez vigoureux pour aimanter des lames trempées. Ces lames conſervent très-bien leur vertu en les mettant dans un étui, fig. 405, de façon que les deux pôles de mêmes noms ne ſe trouvent point enſemble, & que les deux morceaux de fer ſoient couchés deſſus comme une lame de plus. Manière de faire des aimans artificiels, par M. Canton.

Méthode de M. le Maire. Elle conſiſte à attacher le barreau d’acier, qu’on veut aimanter, à un autre de même métal beaucoup plus long : & par-là on l’aimante beaucoup plus parfaitement que par la pratique ordinaire. Voici la façon dont M. le Maire a procédé, & les réſultats de ſon expérience, faite devant M. Duhamel, & rapportée par lui dans les Mémoires de l’Académie pour l’année 1745. Nous prîmes dit-il, le bout d’une lame de ſabre, long d’un pied, large, par le bas, d’un pouce, ſe terminant par une pointe obtuſe ; ce bout de lame peſoit quatre onces deux gros trente-ſix grains. On l’aimanta le mieux qu’il fut poſſible, avec une très-bonne pierre, mais à la façon ordinaire, en le coulant, de toute ſa longueur, ſur les armures de la pierre. Cette lame porta, étant chargée peu-à-peu, quatre onces deux gros. Il faut ſe ſouvenir, pour ce que nous dirons dans la ſuite, que ce bout de ſabre, que j’appellerai la lame moyenne, ne put acquérir de vertu magnétique, étant aimantée à l’ordinaire, que ce qu’il en fallut pour lui faire ſoutenir le poids de quatre onces deux gros.

Nous prîmes enſuite une lame auſſi tirée d’un ſabre ; elle avoit deux pieds ſept pouces huit lignes de longueur, & un pouce de largeur, étant à-peu-près d’égale largeur aux deux bouts : cette lame étoit d’acier trempé & poli ; je la nommerai, dans la ſuite, la grande lame : elle peſoit dix onces deux gros quarante-cinq grains. On l’aimanta, à l’ordinaire, le mieux qu’il fut poſſible, ſe ſervant toujours de la même pierre ; elle porta en cet état, dix onces deux gros quarante-cinq grains.

Les deux lames dont nous venons de parler ; ſavoir, celle que nous appelons la moyenne, & celle que nous appelons la grande, étant bien aimantées à l’ordinaire, nous posâmes la moyenne ſur la grande, de façon que, l’extrémité pointue de la moyenne excédoit de quatre pouces l’extrémité de la grande ; ainſi elle touchoit la grande barre dans la longueur de huit pouces : nous les liâmes l’une à l’autre, en cette poſition, avec de la ficelle. (Ces lames étoient diſpoſées de façon que le pôle ſud de l’une répondoit au pôle nord de l’autre). Les choſes étant ainſi diſpoſées, nous éprouvâmes la force de la moyenne lame ; elle ſe trouva être de 7 onces 1 gros ; ainſi ſa force magnétique étoit augmentée de 2 onces 7 gros, uniquement parce qu’elle étoit liée ſur la grande lame. Nous éprouvâmes enſuite, & ſans délier les lames, qu’elle étoit la force de la grande ; elle ne ſe trouva que de 4 onces 2 gros ; mais le changement de pôle peut contribuer à cette différence. Sans déſunir les lames, & les laiſſant dans le même état, on les aimanta toutes deux, étant ainſi unies enſemble, poſant la pierre à l’extrémité de la grande lame, & finiſſant par l’extrémité pointue de la moyenne.

On délia enſuite les lames, & on les ſépara pour éprouver ſéparément leur force magnétique ; la moyenne ſoutint 7 onces 3 gros 36 grains, d’où il ſuit que cette lame, étant aimantée de cette façon, portoit 3 onces 1 gros 36 grains de plus qu’étant aimantée à l’ordinaire ; & 2 gros 36 grains de plus qu’elle ne portoit étant unie à la grande lame, avant qu’on les eût aimantées de nouveau. On eſſaya enſuite ce que la grande pouvoit porter, étant ſeule ; elle ne ſoutint que 8 onces 1 gros 46 grains, ainſi la grande lame avoit perdu, par cette opération, 2 onces 71 grains : & la moyenne ayant gagné 3 onces 1 gros 36 grains, on voit qu’il s’en faut 1 once 37 grains que la grande lame ait autant perdu de force que la petite en a gagné. Mémoires de l’Académie des Sciences 1745.

Méthode de M. Duhamel. Il faut avoir quatre grandes barres & deux petites, les unes & les autres du meilleur acier d’Angleterre ; les quatre grandes barres auront au moins 2 pieds 6 pouces de longueur, 12 à 15 lignes de largeur, & 5 ou 6 d’épaiſſeur ; elles ſeront trempées dures & bien polies ; il ſera bon de remarquer un des bouts d’une S, & l’autre d’une N, pour diſtinguer leurs pôles. Les deux petites barres, deſtinées à devenir, dans la ſuite, les barreaux magnétiques, auront 10 ou 12 pouces de longueur, ſur environ 6 à 7 lignes de largeur, & 4 à 5 lignes d’épaiſſeur ; elles doivent être trempées fort dures, & bien polies, ſans aucun recuit. Leurs extrémités ſeront auſſi diſtinguées par les lettres S & N.

On aura une petite règle de bois de la longueur & de l’épaiſſeur des barreaux, & large de 3 ou 4 lignes ; elle eſt deſtinée à mettre entre les barreaux, pour empêcher qu’ils ne ſe touchent. Il faut auſſi ſe pourvoir de deux parallélipipèdes de fer doux de 7 à 8 lignes de largeur, dont l’épaiſſeur ſoit égale à celle des petites barres, & qui aient de longueur, la largeur des petites barres, & de plus celle de la petite règle de bois. Comme ces morceaux de fer ſe placent ſur le bout des barres, nous les nommerons les contacts. Enfin on doit avoir une bonne pierre d’Aimant, qui puiſſe porter 18 ou 20 livres ; car une plus foible ne pourroit pas aimanter les grandes barres. (Remarquez qu’on ne demande une pierre d’Aimant, que pour abréger l’opération ; car, outre qu’on fait communiquer cette vertu ſans Aimant, M. Anthéaume a trouvé une façon de ſimplifier & d’abréger cette opération).

On aimantera, à l’ordinaire, deux des grandes barres, que je nomme A, pour les diſtinguer des deux autres que je nomme B, & cela en les coulant de toute leur longueur, l’une après l’autre, ſur les armures de la pierre d’Aimant. Les deux barres A, étant ainſi un peu aimantées, on placera ſur une grande table, les deux barres B, parallèlement l’une à l’autre, (fig. 406) avec la règle de bois entre deux, & au bout les contacts, de façon que le bout N de l’une ſoit du même côté que le bout S de l’autre ; puis on ajoutera au bout les barres A, qui ſont déjà un peu aimantées, de façon que le bout N de la barre A 1, touche le contact vis-à-vis le bout S de la barre B 1 : l’autre barre A 2, ſera placée à l’autre bout de la même barre B 1, de façon que le bout S de la barre A 2, touche le contact vis-à-vis le bout N de la barre B 1. Tout étant ainſi diſpoſé, on paſſera trois ou quatre fois l’armure N de la pierre d’Aimant, depuis le bout N de la barre A 2, juſqu’au bout S de l’autre barre A 1, faiſant couler l’armure de la pierre tout du long des trois barres : alors la barre B 1, ſera bien aimantée ſur une de ſes faces. Il faut aimanter de même la barre B 2 ; pour cela, on tranſportera la barre A 1, du côté de la barre A 2, la plaçant de façon que le bout N de la barre A 1, touche le contact vis-à-vis le bout S de la barre B 2 ; & on tranſportera la barre A 2 du côté de la barre A 1, pour la placer de façon que le bout S de la barre A 2, touche le contact vis-à-vis le bout N de la barre B 2 ; & tout étant ainſi diſpoſé, on paſſera trois ou quatre fois l’armure N de la pierre commençant par le bout N de la barre A 2, & finiſſant par le bout S de la barre A 1. Alors la barre B 2 ſera auſſi parfaitement aimantée ſur une de ſes faces, que la barre B 1 l’avoit été par la première opération.

On écartera enſuite les deux barres A pour retourner ſur l’autre face les deux barres B, & ayant replacé, comme on l’a expliqué, les deux barres A ſucceſſivement vis-à-vis les bouts des barres B, de façon que le bout N d’une des barres A réponde vis-à-vis le bout S des barres B, & le bout S des barres A vis-à-vis le bout N des barres B, on paſſera l’armure N de la pierre commençant par N & finiſſant par S, comme nous l’avons expliqué ; alors les deux barres B étant aſſez bien aimantées, on fera un échange, & on mettra les deux barres A à la place des deux barres B, & mettant au bout vis-à-vis les contacts les deux barres B, comme on avoit mis les deux barres A, on aimantera les barres A ſur leurs deux faces, comme on a fait les barres B.

Après ces opérations, les quatre barres ſeront aſſez bien aimantées ; néanmoins on augmentera encore leur force magnétique, ſi on répète deux ou trois fois la même choſe, mettant alternativement les barres A au milieu, & enſuite les barres B ; car nous avons conſtamment remarqué que l’acier devient d’autant plus propre à acquérir une grande force magnétique, qu’il a été aimanté un plus grand nombre de fois.

Quand les quatre grandes barres ſont une fois bien chargées de vertu magnétique, on n’a plus beſoin de pierre pour communiquer une grande vertu à de petits barreaux de 9, 10, 12 pouces de longueur, ſemblables à ceux de M. Knight.

Pour les toucher, il n’y a qu’à les mettre ſur une table, comme les grandes barres, avec la règle de bois entre-deux & les contacts, fig. 407 ; placer au bout, comme nous l’avons expliqué plus haut, deux des grandes barres, celles qui paroîtront les plus foibles, A, par exemple. On poſera enſuite ſur le milieu des petits barreaux les deux bouts des barres B, de façon que le bout N de la barre B 1, ſoit du côté S du petit barreau, & le bout S de la barre B 2 du côté N du petit barreau. Alors on ſéparera les deux barres B, en les ouvrant comme on ouvre un compas, & faiſant couler la barre B 1 juſqu’à l’extrémité S de la barre A 1, & la barre B 2 juſqu’à l’extrémité N de la barre A 2 ; & cette même opération étant répétée trois ou quatre fois ſur les deux faces des deux petits barreaux, ils auront acquis une très-grande force magnétique, ſi l’acier, dont ils ſont faits, eſt trempé bien dur, & qu’il ſoit de nature à bien recevoir la vertu magnétique.

On doit employer par préférence l’acier trempé en paquet, parce qu’il eſt communément très-propre à recevoir la vertu magnétique. Il eſt bon, quand les barreaux ſont forgés, de les écrouir à petits coups de marteaux, à meſure qu’ils refroidiſſent. Les bons Forgerons ont coutume de les écailler, en trempant leur marteau dans l’eau ; & cette précaution eſt fort bonne. Il eſt bien difficile d’empêcher que les barreaux ne ſe tourmentent, quand on les trempe : pour diminuer cet inconvénient, il faut recommander aux Forgerons de ne point redreſſer leurs barreaux à froid, mais de les faire chauffer toutes les fois qu’ils veulent les redreſſer ; car les barreaux qu’on a redreſſés à froid, reprennent leur courbure, lorſqu’on les trempe.

M. Duhamel, au moyen des procédés dont nous venons de donner le détail, a communiqué à deux petits barreaux, qui peſoient 6 onces 3 ½ gros, une vertu magnétique aſſez grande pour leur faire porter 36 onces 3 gros.

Il faut, pour que les barreaux conſervent leur vertu, les tenir toujours dans une boîte avec leurs contacts, qui doivent être de fer fort doux, de même épaiſſeur que les barreaux, & ſuffiſamment larges pour que la vertu magnétique ne ſe faſſe point apercevoir au travers des contacts. On ne doit jamais les tirer ſeul à ſeul de leur boîte ; mais, lorſqu’on veut s’en ſervir, il faut les faire couler doucement de leur boîte ſur une table, & cela dans la même poſition dans laquelle ils ſont dans leur boîte, ayant la règle de bois entre eux deux, & les contacts à leurs extrémités : alors, faiſant gliſſer un des contacts, on ouvre les deux barreaux comme un compas, de façon que le pôle nord de l’un ſe préſente au pôle ſud de l’autre. Mém. de l’Acad. des Sciences, année 1750 ; & Traité des Aimans artific. par le P. Rivoire, pag. 49 & ſuiv.

Méthode combinée. Cette manière d’aimanter réunit la méthode de M. Michell & celle de M. Duhamel. On place les barreaux à aimanter, comme dans la figure 406. Enſuite on met deſſus deux faiſceaux à la façon de M. Michell, compoſés de quelques lames déjà aimantées, ainſi qu’on le voit dans la figure 400. On poſe ces deux faiſceaux ſur le milieu des barreaux, & on les tire enſuite en ſens contraire, l’un vers un bout & l’autre vers l’autre bout : après avoir répété ces frottemens trois ou quatre fois ſur les deux petits barreaux & ſur leurs deux faces, on a des barres magnétiques d’une force extrême.

Méthode de M. Anthéaume. Je place horiſontalement, dit-il, la barre que je veux aimanter, & je prends deux barres magnétiques, que je diſpoſe en ligne directe, obſervant que le pôle nord de l’une regarde le pôle ſud de l’autre, & que ces deux pôles ſoient ſéparés l’un de l’autre par un intervalle de l’épaiſſeur de trois cartes à jouer D D, ou d’environ une demi-ligne ; figure 408. Je les gliſſe dans cette poſition toutes deux enſemble, comme ſi elles ne faiſoient qu’un corps, ſur la lame que j’aimante, en allant & venant lentement pluſieurs fois d’un bout à l’autre de cette lame ſans la quitter : après quoi, je la retourne pour l’aimanter de même ſur l’autre face.

Lorſque j’ai deux barres à aimanter, je les place parallèlement, un peu éloignées l’une de l’autre, le bout marqué de l’une vis-à-vis le bout non marqué de l’autre, réuniſſant par deux petites barres de fer C, C, que j’appelle contacts, les quatre extrémités de ces deux barres, comme dans la méthode de M. Canton : & dans cette diſpoſition, je les aimante l’une après l’autre. Cette union des deux barres, par le moyen des contacts y procure une circulation du fluide magnétique pendant tout le cours de l’opération. Je leur communique par ce moyen une vertu magnétique plus conſidérable, je l’oſe dire, que par la manière de M. Knight ; ce que je crois pouvoir prouver par l’adhérence des contacts, qu’on ſépare beaucoup plus difficilement de leurs barres, en opérant par ma méthode, que par celle de M. Knight.

Deux choſes dans cette manière d’aimanter, contribuent, ſelon M. Anthéaume, à lui donner plus d’effet que dans les autres méthodes ; ſavoir, le mouvement modéré qu’il donne aux deux barres aimantées, en les gliſſant ſur la barre qu’il aimante, & la manière de gliſſer en même temps les deux barres qui ſervent à aimanter, les laiſſant toujours jointes enſemble. 1o. En ne précipitant point le mouvement, il donne, à ce qu’il prétend, le temps au fluide magnétique de s’ouvrir plus de paſſage dans la barre qu’il aimante ; ayant éprouvé que ſi on accélère le mouvement, cette barre acquiert moins de vertu magnétique. 2o. La manière dont il ſe ſert pour aimanter, étant de laiſſer toujours les deux barres jointes enſemble, fait qu’il ne ſe forme, pendant tout le cours de l’opération, qu’un ſeul tourbillon magnétique entre les deux barres aimantées, & celle qu’il aimante. Cette réunion des tourbillons doit néceſſairement, dit-il, augmenter conſidérablement la vertu magnétique de la lame qu’on aimante, & cette réunion des tourbillons ne ſe trouve en aucune autre méthode ; les lames ou barres y ont toujours leurs tourbillons ſéparés & par conſéquent communiquent moins de vertu magnétique, le cours de ce fluide ſe trouvant ainſi partagé. Mem. de M. Anthéaume, page 22.

Méthode de M. Œpinus. MM. Michell & Canton, au lieu de ſe ſervir d’une ſeule barre de fer, pour produire des aimans artificiels, ont employé avec ſuccès deux barres déjà magnétiques ; leur méthode a été appelée méthode du double contact, à cauſe du double moyen qu’ils ont préféré. Elle a été perfectionnée par M. Œpinus, qui a cherché & trouvé la manière la plus avantageuſe de placer les forces dans les aimans artificiels, afin que celles qui attirent & celles qui repouſſent, ſe ſervent le plus & ſe nuiſent le moins poſſible. Voici ſon procédé qui eſt l’un des meilleurs auxquels on puiſſe avoir recours pour cet effet, & qu’on doit ſur-tout préférer pour aimanter les aiguilles de bouſſoles.

M. Œpinus ſuppoſe que l’on veuille augmenter juſqu’au degré de ſaturation la vertu de quatre barres déjà douées de quelque magnétiſme. Il en met deux horiſontalement, parallèlement, & à une certaine diſtance l’une de l’autre, entre deux parallélipipèdes de fer ; il place ſur une de ces barres horiſontales les deux autres barres qui lui reſtent ; il les incline, l’une à droite, l’autre à gauche, de manière qu’elles forment un angle de quinze à vingt degrés avec la barre horiſontale, & que leurs extrémités inférieures ne ſoient ſéparées que par un eſpace de quelques lignes ; il les conduit enſuite d’un bout de la barre à l’autre, alternativement dans les deux ſens, & en les tenant toujours à la même diſtance l’une de l’autre. Après que la première barre horizontale a été ainſi frottée ſur ſes deux ſurfaces, il répète l’opération ſur la ſeconde barre ; il remplace alors la première paire de barres par la ſeconde qu’il place de même entre les deux parallélipipèdes, & qu’il frotte de la manière qu’on vient de le dire avec la première paire. Il recommence enſuite l’opération ſur cette première paire, & il continue de frotter alternativement une paire ſur l’autre, juſqu’à ce que les barres ne puiſſent plus acquérir du magnétiſme. M. Œpinus emploie le même procédé avec trois barres, ou avec un plus grand nombre ; mais, ſelon lui, la manière la plus courte & la plus ſûre, eſt d’aimanter quatre barres ; on peut coucher entièrement les aimans ſur la barre que l’on frotte, au lieu de leur faire former un angle de quinze ou vingt degrés, ſi la barre eſt aſſez courte pour que ſes extrémités ne ſe trouvent pas trop voiſines des pôles extérieurs des aimans, qui jouiſſent de forces oppoſées à celles de ces extrémités.

Lorſque la barre à aimanter eſt très-longue, il peut ſe faire que celui de M. Canton produiſe une ſuite de pôles alternativement contraires, ſur-tout ſi le fer eſt mou, & par conſéquent ſuſceptible de recevoir plus promptement le magnétiſme.

M. Œpinus s’eſt ſervi du procédé du double contact de deux manières ; 1o. avec quatre barres d’un fer médiocrement dur, longues de deux pieds, larges d’un pouce & demi, épaiſſes d’un demi-pouce, & douze lames d’acier de ſix pouces de long, de quatre lignes de large, & d’une demi-ligne d’épais. Les quatre premières étoient d’un acier mou, quatre autres avoient la dureté de l’acier ordinaire, avec lequel on fait les reſſorts, & les quatre autres barres étoient d’un acier dur juſqu’au plus haut degré de fragilité. Il a tenu verticalement une des grandes barres & l’a frappée fortement, environ deux cents fois, à l’aide d’un gros marteau ; elle a acquis par cette percuſſion une vertu magnétique aſſez forte, pour ſoutenir un petit clou de fer ; l’extrémité inférieure a reçu la vertu du pôle boréal, & l’extrémité ſupérieure la vertu du pôle auſtral ; il a aimanté de même les trois autres grandes barres. Il a enſuite placé l’une des petites lames d’acier mou ſur une table, entre deux des grandes barres, comme dans le procédé du double contact, & l’a frottée ſuivant le même procédé, avec les deux autres grandes barres ; il l’a ainſi magnétiſée ; il l’a ſucceſſivement remplacée par les trois autres lames d’acier mou, & a porté la force magnétique de ces quatre lames au degré de ſaturation ; il a placé, après cela, deux des lames qui avoient la dureté des reſſorts, entre les deux parallélipipèdes de fer mou, les a frottées avec deux faiſceaux formés des quatre grandes barres, a fait la même opération ſur les deux autres, a remplacé les quatre grandes barres par les quatre petites lames d’acier mou, & a porté ainſi juſqu’à la ſaturation la force magnétique des quatre lames ayant la dureté des reſſorts : il a terminé ſon procédé par répéter la même opération ; &, pour aimanter juſqu’à ſaturation les lames qui préſentoient le plus de dureté, il les a ſubſtituées à celles qui n’avoient que la dureté du reſſort, & il a mis celles-ci à la place des grandes barres.

La ſeconde manière que M. Œpinus a employée, ne diffère de la première, qu’en ce qu’il a fait faire les quatre barres d’un fer très-mou, & qu’il a mis la petite lame molle à aimanter, ainſi que les deux grandes barres placées à ſon extrémité, dans la direction de l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée. Il a enſuite frotté la petite lame d’acier avec les deux autres grandes barres, en les tenant parallèlement à la petite lame, ou en ne leur faiſant former qu’un angle très-aigu. Diſſertat. & Eſſai ſur la théorie de l’électricité & du magnétiſme, par M. Œpinus.

Méthodes de MM. Euler & Fuſſ. L’académie de Petersbourg ayant reçu de M. Krouſe une collection de pièces d’acier, faites avec beaucoup de ſoin, depuis ſix pouces juſqu’à deux & demi de longueur, M. Euler & M. Fuſſ, en profitèrent pour faire pluſieurs expériences ſur les aimans artificiels. La grandeur différente des barres de cette collection qui varioit en cinq manières, ſuivant la même proportion des dimenſions, étoit un avantage qui la rendoit précieuſe, par la facilité de commencer d’abord à aimanter, ſans le ſecours d’aucun aimant, ni artificiel, ni naturel, les petites lames de 6 pouces, moyennant leſquelles on pouvoit paſſer enſuite à celles de 12 pouces, dont on peut ſe ſervir pour frotter celles de 18, & ainſi de ſuite, procédé qui, dans les méthodes ordinaires, accélère extrêmement l’effet des opérations, & qui eſt d’un grand ſecours toutes les fois qu’il faut réparer l’affaibliſſement inſéparable attaché à tous les aimans artificiels, ſur-tout pendant qu’on en fait uſage pour communiquer le magnétiſme à d’autres. Comme la méthode d’aimanter dont ſes ſavans ſe ſont ſervis, a du rapport avec quelques-unes des précédentes dont elle eſt une extenſion & une combinaiſon, nous abrégerons beaucoup, le lecteur pouvant ſuppléer facilement aux détails.

Pour aimanter la collection de lames dont on vient de parler on employa quatre lames d’acier de 15 pouces de longueur qui avoient un foible reſte de magnétiſme.

Opération I. Lames de 12 pouces. Double touche inclinée. Pour frotter les lames de 12 pouces de la collection, on ſe ſervit des lames de 15 pouces qui avoient un peu de vertu magnétique. On diſpoſa deux des premières (de 12 pouces) parallèlement ſur une table, en les réuniſſant aux quatre extrémités par des contacts de fer doux, comme dans la figure 414, mais de ſorte que le bout marqué de l’une regarde le bout non-marqué de l’autre.

Les lames aimantées, de 15 lignes qu’on tenoit à la main étoient tellement placées que leurs pôles attractifs étoient ſur le milieu des lames à aimanter, ſeulement diſtans entr’eux de 3 à 4 lignes, & que les lames K, H qui aimantoient, formoient un angle de 100 à 120 degrés. Dans cette poſition on les promena doucement ſur la lame Α B, d’un bout à l’autre, en allant & revenant une quinzaine de fois. Après avoir répété l’opération, les pôles tournés ſur l’autre lame C D, & enſuite ſur les faces oppoſées, les lames poſées parallèlement ſur la table furent aimantées. E, F ſont les contacts.

Après avoir aimanté de la même manière & au même degré dix de ces lames, qu’on fortifia d’abord, une paire avec l’autre, en ſuivant le même procédé, juſqu’à ce que l’adhérence des contacts parût prouver qu’il n’y avoit plus d’augmentation à attendre de cette méthode, on forma deux faiſceaux (comme dans la figure 415) chacun de cinq lames, arrangées enſorte que les bouts marqués de l’un & de l’autre, étoient enſemble. On diſpoſa parallèlement ces deux faiſceaux, ſéparés par deux cubes m, n, de bois, de trois lignes d’épaiſſeur ; & après les avoir liés enſemble & les avoir réunis par les bouts, dont les marques de l’un regardoient les non-marqués de l’autre, par des contacts de fer, afin d’y conſerver la circulation du fluide magnétique, on s’en ſervit de la manière ſuivante.

Opération II. Lames de 18 pouces. Double touche verticale. On diſpoſa comme dans l’opération précédente, deux des lames de 18 pouces en ſituation parallèle, avec la précaution de les tenir ferme pendant le frottement entre leurs contacts, afin d’empêcher tout mouvement de côté, & toute altération de la figure rectangulaire nuiſible à l’effet de la manœuvre : on gliſſa ſur l’une de ces lames une vingtaine de fois le faiſceau préparé de celles de 12 pouces ; & après en avoir tourné ſur le contact de fer les pôles, dont les attractifs, comme on ſait, doivent toujours regarder les pôles attractifs des lames à aimanter, & réciproquement, on les promena autant de fois ſur l’autre lame, & enſuite ſur les faces oppoſées, avec la précaution de réunir les bouts frottans du faiſceau par ſon contact, avant que de le retirer de la lame, afin d’éviter la perte infaillible des forces, qu’on ne ſauroit aſſez ménager, ſur-tout au commencement, lorſque les pièces ſont encore plus ſenſibles à la moindre altération du tourbillon.

Après avoir aimanté de cette façon trois paires de lames de 18 pouces, on les diſtribua en faiſceaux ſemblables à ceux des lames de 12 pouces, pour fortifier à leur aide celles-ci, ſenſiblement affoiblies par les opérations précédentes ; cette touche leur communiqua un degré de force magnétique très-éminent. L’adhérence des contacts fut telle, que les lames ſe tinrent deux à deux en ſituation verticale, comme ſuſpendues au contact relevé, malgré les mouvemens inévitables d’oſcillation, & l’altération de l’équilibre troublé par le moindre gliſſement.

Le ſuccès de l’opération engagea M. Fuſſ à renforcer encore de la même manière les lames de 18 pouces, moyennant un faiſceau de celles de 12 ; afin de paſſer enſuite avec plus de force aux plus grandes lames & aux barres mêmes. Il forma en conſéquence, un faiſceau de 4 paires, dont il fit uſage pour fortifier les trois paires de 18 pouces.

Opération III. Barres de 12 pouces. Double touche verticale. Ayant aimanté ſix lames de 18 pouces, de la manière qu’on vient de le rapporter, on les diſtribua trois à trois à marques égales, en deux faiſceaux, écartés par un morceau de bois de 4 lignes d’épaiſſeur ; & après les avoir ſerrées & réunies aux bouts ſupérieurs par un contact de fer, on gliſſa les inférieurs ſur la face d’une barre de 12 pouces, dont deux étoient placées parallèlement avec leurs contacts, comme dans les opérations précédentes. Celle-ci, continuée ſur l’autre barre, à laquelle on paſſoit toujours par les contacts, ſans détacher le faiſceau, & enſuite ſur les trois autres faces, douze traits ſur chacune, étoit ſuffiſante pour les rendre magnétiques au point de pouvoir être relevées par les contacts.

On ſe ſervit enſuite avec ſuccès, du même faiſceau pour aimanter les barres de 18 pouces ; mais à cauſe de la groſſeur de ces barres, & de l’affaibliſſement que le faiſceau avoit ſubi pendant l’opération précédente, elles demandèrent plus de temps pour recevoir la force de pouvoir être traînées par les contacts.

Opération IV. Barres de 18 pouces. Double touche à compas. Pour augmenter le magnétiſme de ces mêmes barres, M. Euler ſe ſervit de deux barres de 12 pouces Α B & C D, figure 416, douées du plus haut degré de force qu’il avoit été capable de leur communiquer, en fortifiant une paire par l’autre. Il en preſſa les bouts ſupérieurs B D l’un contre l’autre, pendant que les inférieurs Α C, ſéparés, par un morceau de bois e de cinq lignes d’épaiſſeur, gliſſoient ſur la face de l’une de ces barres c d ; dont il y avoit toujours deux a b & c d, placées parallèlement avec leurs contacts, f & g. Ce procédé en augmenta la force au point qu’on pouvoit les relever par les contacts.

Opération V. Lames de 24 pouces. Quadruple touche verticale. Après avoir renforcé trois paires de lames de 18 pouces & de cinq de 12, réunies enſuite en faiſceaux, MM. Euler & Fuſſ en firent uſage pour aimanter à la fois à quadruple touche, deux lames de 2 pieds, en les gliſſant à traits égaux & uniformes ſur leurs faces. L’effet de cette manœuvre, propoſée, il y a long-temps par M. Euler, fut auſſi efficace que rapide.

On fit uſage du même procédé & des mêmes faiſceaux, pour aimanter à diverſes repriſes les barres de 2 pieds, qui, malgré leur maſſe & la perte continuelle que les faiſceaux avoient ſoufferte pendant les opérations précédentes, grâce à la ſupériorité de cette méthode, reçurent bientôt aſſez de force pour pouvoir être traînées de tous côtés par leurs contacts : vertu très-remarquable, en conſidérant le grand poids d’une double maſſe d’acier trempé, de 2 pieds de longueur ſur 2 pouces d’épaiſſeur, & que M. Fuſſ eſtime équivaloir à un poids avantageuſement ſuſpendu de trois cents livres au moins ; & cette force fut conſidérablement augmentée dans la ſuite, moyennant deux faiſceaux de quatre lames de 2 pieds appliqués de même façon.

Quant aux grandes barres, on les aimanta par la quadruple touche, en promenant ſur deux faces à la fois quatre paires des lames de 2 pieds diſtribuées en deux faiſceaux, & douées du plus haut degré de magnétiſme. Le maniment de ces faiſceaux ſur toutes les quatre faces de ces barres, les renforça juſqu’à pouvoir être traînées, même chargées du poids des barres de 18 pouces, mais en ligne droite par les contacts.

Ce degré de force ayant été jugé ſuffiſant par ces illuſtres ſavans, pour être employé avec ſuccès à aimanter de grands fers-à-cheval, ils y appliquèrent de la manière connue une pièce de la première grandeur, avec les précautions néceſſaires à la conſervation des forces ; & ils la frottèrent à quadruple touche, moyennant deux faiſceaux des lames de 2 pieds, qu’ils promenèrent une trentaine de fois ſur chaque face, ce qui lui donna d’abord aſſez de force pour porter un poids de 40 livres, c’eſt-à-dire, quelques livres au-delà de ſon propre poids. Pour éviter tant ſoit peu la perte des forces qui réſultoit de ces procédés, M. Fuſſ ne détacha le contact entièrement des barres, qu’après avoir diſpoſé par quelques traits les conduits du fer-à-cheval, à recevoir le fluide qui devoit les traverſer ; & pour en augmenter l’affluence, il plaça ſur les grandes barres Α B & C D, une autre paire de celles de 18 pouces a b & c d, figure 417, dont il dirigea le courant dans les inférieures, moyennant des morceaux de fer doux m, n, inclinés ſur leurs faces.

M. Euler, par un autre procédé, parvint à communiquer à un autre fer-à-cheval de la même grandeur, un degré de magnétiſme ſupérieur au précédent. Il le mit ſimplement ſur une table couverte de feutre, pour éviter tout remuement nuiſible, & le frotta, garni de ſon ſupport, avec une paire des barreaux de 12 pouces, par la double touche à compas. Par cette opération, continuée ſur l’autre face, & réitérée enſuite à diverſes repriſes, la pièce acquit une force magnétique telle, qu’ayant été ſuſpendue quelques jours & chargée de quelques autres pièces d’acier, dont le poids pouvoit monter à cent dix livres, elle les a portées ſans la moindre altération.

[La vertu magnétique que l’on communique à un morceau de fer ou d’acier, y réſide tant que ces corps ne ſont pas expoſés à aucune action violente qui puiſſe la diſſiper : il y a néanmoins des circonſtances aſſez légères qui peuvent détruire en très-peu de temps le magnétiſme du fer le mieux aimanté. Nous allons rapporter ici les principales.

Premièrement, lorſqu’on a aimanté un morceau de fer ſur un aimant vigoureux, ſi on vient à le paſſer ſur le pôle ſemblable d’un aimant plus foible, il perd beaucoup de ſa vertu, & n’en conſerve qu’autant que lui en auroit pu donner l’aimant foible ſur lequel on l’a paſſé en dernier lieu. 2o. Lorſqu’on paſſe une lame de fer ou d’acier ſur le même pôle de l’aimant ſur lequel on l’a déja aimantée, mais dans une direction contraire à la première, la vertu magnétique de la lame ſe diſſipe auſſitôt, & ne ſe rétablira qu’en continuant de paſſer la lame ſur le même pôle, dans le dernier ſens : mais les pôles ſeront changés à chaque extrémité, & on aura bien de la peine à lui communiquer autant de vertu magnétique qu’elle en avoit d’abord.

3o. Il eſt eſſentiel de bien toucher les pôles de l’aimant avec le morceau de fer qu’on veut aimanter, & de ne pas ſe contenter de l’en approcher à une petite diſtance, non-ſeulement parce que c’eſt le meilleur moyen de lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, mais parce que la matière magnétique ſe diſtribue dans le fer ſuivant une ſeule & même direction. Voici une expérience qui prouve la néceſſité du contact du fer & de l’armure de l’aimant, pour que la communication ſoit parfaite ; ſi on paſſe une aiguille de bouſſole d’un pôle à l’autre de l’aimant, en lui faiſant toucher ſucceſſivement les deux boutons de l’armure, elle acquerra la vertu magnétique, & ſe dirigera nord & ſud, comme l’on ſait.

Mais ſi, après avoir examiné ſa direction ; on la repaſſe une ſeconde fois ſur l’aimant dans le même ſens qu’on l’avoit fait d’abord, avec cette ſeule différence, qu’au lieu de toucher les boutons de l’armure, on ne faſſe que l’en approcher, même le plus près qu’il eſt poſſible, ſa vertu magnétique s’affoiblira d’abord, & elle en acquerra une autre, mais avec une vertu directive préciſément contraire à la première : & ſi on continue à l’aimanter dans le même ſens, en recommençant à toucher les boutons de l’armure, cette ſeconde vertu magnétique ſe détruira, & elle en reprendra une autre avec ſa première direction ; & on détruira de cette manière ſon magnétiſme & ſa direction autant de fois que l’on voudra.

4o. Pour bien conſerver la vertu magnétique que l’on a communiquée à un morceau de fer, il faut le garantir de toute percuſſion violente ; car toute percuſſion vive & irrégulière, détruit le magnétiſme. On a aimanté une lame d’acier ſur un excellent aimant, & après avoir reconnu la vertu attractive, qui étoit très-forte, on l’a battue, pendant quelque temps, ſur une enclume ; elle a bientôt perdu toute ſa vertu, à cela près, qu’elle pouvoit bien lever quelques parcelles de limaille, comme fait tout le fer battu ; mais elle n’a jamais pu enlever la plus petite aiguille : la même choſe ſeroit arrivée en la jetant pluſieurs fois ſur un carreau de marbre.

5o. L’action du feu détruit auſſi, en grande partie, la vertu magnétique que l’on a communiquée ; après avoir bien aimanté une lame de fer, on la fait rougir dans le feu de forge juſqu’au blanc ; lorſqu’on l’a préſentée, toute chaude, à de la limaille de fer, elle n’en a point attiré : mais elle a repris le magnétiſme en ſe refroidiſſant. Cependant, lorſqu’on a aimanté une lame de fer actuellement rouge, elle a attiré de la limaille de fer, & cette attraction a été plus vive après que la lame a été refroidie.

6o. L’action de plier ou de tordre un morceau de fer aimanté, lui fait auſſi perdre ſa vertu magnétique : on a aimanté un morceau de fil de fer, de manière qu’il ſe dirigeoit avec vivacité, ſuivant le méridien magnétique ; enſuite on l’a courbé pour en former un anneau, & on a trouvé qu’il n’avoit plus de direction ſous cette forme ; on l’a redreſſé dans ſon premier état : mais toutes ces violences lui avoient enlevé la vertu magnétique, enſorte qu’il ne ſe dirigeoit plus. On a conjecturé que les deux pôles avoient agi l’un ſur l’autre, dans le point de contact, & s’étoient détruits mutuellement : on a donc aimanté de nouveau le même fil de fer, & pluſieurs autres ſemblables, & on en a fait des anneaux imparfaits. On a remarqué qu’ils avoient auſſi perdu leur vertu magnétique ſous cette nouvelle forme, & qu’ils ne la recouvroient que quand on les avoit redreſſés.

Cette expérience réuſſit toujours quand le fil de fer eſt bien & duement courbé, & ſur-tout ſi on lui fait faire pluſieurs tours en ſpirale, ſur un cylindre ; car ſi la moindre de ſes parties n’eſt pas courbée avec violence, elle conſervera ſon magnétiſme : la même choſe arrivera à un fil de fer aimanté qu’on plie d’abord en deux, & dont on tortille les deux moitiés l’une ſur l’autre, enſorte qu’il paroît que le magnétiſme eſt détruit par la violence qu’on fait ſouffrir au fer dans tous ces cas, & par le dérangement qu’on cauſe dans ſes parties, comme il eſt facile de s’en convaincre par le moyen du microſcope.

Voici une expérience qui confirme cette vérité, & qui fait voir que le dérangement cauſé dans les parties du fer, détruit le magnétiſme. On a mis de la limaille de fer dans un tuyau de verre bien ſec, & on l’a preſſée avec ſoin ; on l’a aimantée doucement, avec une bonne pierre armée, & le tube a attiré des parcelles de limaille répandues ſur une table : mais ſitôt qu’on a eu ſecoué le tube, & changé la ſituation reſpective des particules de limaille, la vertu magnétique s’eſt évanouie.

II. Procédés & méthodes pour communiquer la vertu magnétique, ſans aucun aimant naturel ni artificiel.

Ces procédés conſiſtent à placer d’une certaine manière le fer, ou à opérer ſur lui d’une façon ſimple.

Premièrement, un morceau de fer quelconque de figure oblongue, qui demeure pendant quelque temps dans une poſition verticale, devient un aimant d’autant plus parfait, qu’il a reſté plus long-temps dans cette poſition : c’eſt ainſi que les croix des clochers de Chartres, de Delft, de Marſeille, &c. ſont devenues des aimans ſi parfaits, qu’elles ont preſque perdu leur qualité métallique, & qu’elles attirent, & exercent tous les effets des meilleurs aimans : d’ailleurs la vertu magnétique qu’elles ont ainſi contractée à la longue, eſt demeurée fixe & conſtante, & ſe manifeſte dans toutes ſortes de ſituations. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à fixer verticalement ſur un liège C un morceau de fer a b, (fig. 409), qui ait reſté long-temps dans la poſition verticale, & faire nager le tout ſur l’eau ; ſi on approche de l’extrémité ſupérieure a de ce morceau de fer, le pôle boréal B d’une pierre d’aimant, le fer ſera attiré ; mais il ſera repouſſé ſi on lui préſente l’autre pôle A de la pierre : de même, ſi on approche le pôle A de l’extrémité inférieure b du fer, celui-ci ſera attiré, & repouſſé ſi on en approche le pôle B de l’aimant.

En ſecond lieu, les pelles & les pincettes, les barres de fer des fenêtres, & généralement toutes les pièces de fer qui reſtent long-temps dans une ſituation perpendiculaire à l’horizon, acquièrent une vertu magnétique plus ou moins permanente, ſuivant le temps qu’elles ont demeuré en cet état ; & la partie ſupérieure de ces barres devient toujours un pôle auſtral, tandis que le bas eſt un pôle boréal.

3o. Il y a de certaines circonſtances dans leſquelles le tonnerre communique au fer une grande vertu magnétique. Il tomba un jour dans une chambre dans laquelle il y avoit une caiſſe remplie de couteaux & de fourchettes d’acier, deſtinés à aller ſur mer. Le tonnerre entra par l’angle méridional de la chambre juſtement où étoit la caiſſe ; pluſieurs couteaux & fourchettes furent fondus & briſés ; d’autres qui demeurèrent entiers, furent très-vigoureuſement aimantés, & devinrent capables d’élever de gros clous & des anneaux de fer ; & cette vertu magnétique leur fut ſi fortement imprimée, qu’elle ne ſe diſſipa pas en les faiſant rougir.

4o. La même barre de fer peut acquérir, ſans toucher à l’aimant, des pôles magnétiques, fixes ou variables, qu’on découvrira facilement, par le moyen d’une aiguille aimantée en cette ſorte. On approche d’une aiguille aimantée, bien mobile ſur ſon pivot, une barre de fer qui n’ait jamais touché à l’aimant, ni reſté long-temps dans une poſition verticale ; on ſoutient cette barre de fer bien horizontalement, & l’aiguille reſte immobile quelle que ſoit l’extrémité de la barre qu’on lui préſente ; ſitôt qu’on préſente la barre dans une ſituation verticale, auſſi-tôt ſon extrémité ſupérieure attire vivement, (dans cet hémiſphère ſeptentrional de la terre), l’extrémité boréale de l’aiguille, & la partie inférieure de la barre, attire le ſud de l’aiguille, (fig. 412), mais ſi on renverſe la barre, enſorte que ſa partie ſupérieure ſoit celle même qui étoit en bas dans le cas précédent, le nord de l’aiguille ſera toujours attiré conſtamment par l’extrémité ſupérieure de la barre, & le ſud par l’extrémité inférieure ; d’où il eſt évident que la poſition verticale détermine les pôles d’une barre de fer ; ſavoir ; le bout ſupérieur eſt toujours (dans notre hémiſphère), un pôle auſtral, & l’inférieur un pôle boréal : & comme on peut mettre chaque extrémité de la barre en haut ou en bas, il eſt clair que les pôles qu’elle acquiert, par cette méthode, ſont variables. On donne à une barre de fer des pôles fixes en cette ſorte : on la fait rougir & on la laiſſe refroidir en la tenant dans le plan du méridien : alors l’extrémité qui regarde le nord, devient un pôle boréal conſtant ; & celle qui ſe refroidit au ſud, devient un pôle auſtral auſſi conſtant. Mais, pour que cette expérience réuſſiſſe, il doit y avoir une certaine proportion entre la groſſeur de la barre & ſa longueur : par exemple, une barre de ⅕ de pouce de diamètre doit avoir, au moins, 30 pouces pour acquérir des pôles fixes par cette méthode ; & une barre de 30 pouces de long, doit n’avoir que ⅕ de pouce de diamètre ; car ſi elle étoit plus épaiſſe, elle n’auroit que des pôles variables.

5o. On a vu précédemment qu’une percuſſion forte & prompte, dans un morceau de fer aimanté, eſt capable de détruire ſa vertu magnétique ; une ſemblable percuſſion dans un morceau de fer qui n’a jamais touché à l’aimant, eſt capable de lui donner des pôles. On a mis ſur une groſſe enclume, & dans le plan du méridien, une barre de fer doux, longue & mince, & on a frappé, avec un marteau, ſur l’extrémité qui étoit tournée du côté du nord ; auſſi-tôt elle eſt devenue pôle boréal ; on a frappé pareillement l’autre extrémité, laquelle eſt devenue pôle auſtral ; il faut toujours obſerver, dans ces ſortes d’expériences, que la longueur de la barre ſoit proportionnée à ſon épaiſſeur, ſans quoi elles ne réuſſiſſent point. Cet effet, au reſte, que l’on produit avec un marteau, arrive auſſi en limant ou en ſciant la barre par une de ſes extrémités.

6o. Les outils d’acier qui ſervent à couper ou à percer le fer, s’aimantent par le travail, ſur-tout en s’échauffant, enſorte qu’il y en a qui peuvent ſoulever des petits clous de fer. Ces outils n’ont preſque point de force au ſortir de la trempe : mais, lorſqu’après avoir été recuits, on les lime & on les uſe, ils acquièrent alors beaucoup de vertu, qui diminue néanmoins quand ils ſe refroidiſſent. Les morceaux d’acier, qui ſe terminent en pointe, s’aimantent beaucoup plus fortement que ceux qui ſe terminent en une langue large & plate : ainſi un poinçon d’acier attire plus par ſa pointe, qu’un ciſeau ou qu’un couteau ordinaire : plus les poinçons ſont longs, plus ils acquièrent de vertu ; enſorte qu’un poinçon long d’un pouce & de 9 lignes de diamètre, attire beaucoup moins qu’un foret de 3 à 4 pouces & d’une ligne ½ de diamètre.

On a remarqué que la vertu attractive de tous les corps, aimantés de cette manière, étoit beaucoup plus forte, lorſqu’on en éprouvoit l’effet ſur une enclume ou ſur quelqu’autre groſſe pièce de fer ; en ſorte que, ſelon toutes les apparences, les petits clous devenus des aimans artificiels par le contact de l’enclume, préſentoient aux poinçons leurs pôles de différens noms, ce qui rendoit l’attraction plus forte que lorſqu’ils étoient ſur tout autre corps, où ils n’avoient plus de vertu polaire.

7o. On aimanta encore très-bien un morceau de fer doux & flexible, & toujours d’une longueur proportionnée à ſon épaiſſeur, en le rompant par l’une ou l’autre de ſes extrémités à force de le plier d’un côté & d’autre. C’eſt ainſi qu’on a aimanté un morceau de fil de fer très-flexible, long de deux pieds & demi, & de la groſſeur du petit doigt ; on l’a ſerré dans un étau à cinq pouces de ſon extrémité, & après l’avoir plié de côté & d’autre, on l’a caſſé : chacun de ſes bouts a attiré par la caſſure, un petit clou de broquette : on a remis dans l’étau le bout le plus long, & on l’a ſerré à un demi-pouce de la caſſure, & on l’a plié & replié pluſieurs fois ſans le rompre, & on a trouvé ſa vertu attractive conſidérablement augmentée à l’endroit de la caſſure : on l’a plié ainſi à huit différentes repriſes juſqu’au milieu, & il a pu lever quatre broquettes : mais lorſqu’on a continué de le plier au-delà du milieu vers l’autre extrémité, ſa vertu a diminué à l’endroit de la caſſure, & il a attiré au contraire, par le bout oppoſé, juſqu’à ce qu’ayant été plié pluſieurs fois juſqu’à cette dernière extrémité, il a ſoulevé quatre broquettes par celle-ci, tandis qu’il pouvoit à peine ſoulever quelques particules de limaille par l’extrémité où il avoit été rompu.

Si on plie un morceau de fer dans ſon milieu, il n’acquerra preſque pas de vertu magnétique : ſi on le plie à des diſtances égales du milieu, chacune de ſes extrémités ſera aimantée ; mais plus foiblement que ſi on ne l’avoit plié que d’un côté.

8o. Enfin M. Marcell, de la ſociété royale de Londres, a trouvé un moyen de communiquer la vertu magnétique à des morceaux d’acier, qui eſt encore indépendant de la pierre d’aimant.

Ce moyen conſiſte à mettre ces pièces d’acier ſur une enclume bien polie, & à les frotter ſuivant leur longueur, & toujours dans le même ſens, avec une groſſe barre de fer verticale, dont l’extrémité inférieure eſt arrondie & bien polie ; en répétant ce frottement un grand nombre de fois ſur toutes les faces de la pièce d’acier qu’on veut aimanter, elle acquiert autant de vertu magnétique que ſi elle eût été touchée par le meilleur aimant ; c’eſt ainſi qu’il a aimanté des aiguilles de bouſſole, des lames d’acier deſtinées à faire des aimans artificiels, & des couteaux qui pouvoient porter une once trois quarts.

Dans les morceaux d’acier qu’on aimante de cette manière, l’extrémité par où commence le frottement ſe dirige toujours vers le nord, & celle par où le frottement finit, ſe dirige vers le ſud, quelle que ſoit la ſituation de l’acier ſur l’enclume.

Cette expérience réuſſit, au reſte, beaucoup mieux lorſque le morceau de fer ou d’acier qu’on veut aimanter, par cette méthode, eſt dans la direction du méridien magnétique, un peu inclinée vers le nord, & ſur-tout entre deux groſſes barres de fer aſſez longues pour contenir & contre-balancer l’effort des écoulemens magnétiques qu’on imprime au morceau d’acier.]

Les huit procédés qu’on vient de décrire d’après M. le Monnier, auteur de l’article magnétiſme de l’ancienne encyclopédie, ſont peu efficaces ; les ſuivans le ſont incomparablement davantage.

Méthode de M. Michell. Je fis faire, dit-il, une demi-douzaine de petites lames d’acier polies, ſans être trempées. Elles avoient deux pouces & demi de longueur, & trois lignes de largeur, & elles peſoient toutes enſemble une once. Je les fis marquer enſuite à une de leurs extrémités de la même manière que les lames de ſix pouces. Je pris une de ces petites lames, que je plaçai à-peu-près dans le méridien magnétique, en tournant vers le nord ſon extrémité marquée, que je deſtinois à être ſon pôle du nord. Je mis à chacun de ſes bouts une grande barre de fer placée ſur la même ligne preſque horizontale, excepté que le bout tourné vers le nord étoit un peu incliné. La barre de fer que je mis du côté du pôle du ſud (c’eſt, ſelon la façon de s’exprimer des anglois, le pôle du nord,) de ma petite lame, avoit quatre pieds de longueur, & peſoit trente livres. Celle qui étoit placée à ſon pôle du nord, avoit quatre pieds & demi de longueur, & ne peſoit néanmoins que dix-huit livres. Après quoi je pris un inſtrument dont les boulangers ſe ſervent pour remuer la braiſe, (& qu’ils appellent fourgon, ou rable, qui peſoit un peu plus d’une livre & ſix onces. Je le plaçai preſque perpendiculairement, la partie ſupérieure un peu inclinée vers le ſud, & la partie inférieure, que j’avois fait polir, afin qu’elle pût mieux toucher, appuyée ſur le pôle du nord de la petite lame d’acier. Le fourgon étant ainſi placé, je le fis gliſſer ſur la petite lame, allant du nord au ſud, & je répétai juſqu’à vingt fois cette opération, ayant ſoin chaque fois de replacer toujours le fourgon de la même manière. Par cette manœuvre, la lame acquit aſſez de vertu pour porter une petite clef, qui peſoit environ la huitième partie d’une once. Je recommençai à aimanter la lame, en répétant l’opération juſqu’à quatre-vingt fois, & elle porta une clef peſant un quart d’once. Après avoir mis à part cet aimant, j’aimantai de la même manière trois autres de ces petites lames. Il m’en reſtoit encore deux : de ces deux, j’en plaçai une entre deux barres de fer, comme les précédentes ; mais au lieu du fourgon, que je mis à quartier, je me ſervis pour l’aimanter des quatre premières lames, auxquelles j’avois déjà communiqué la vertu magnétique, & cela ſelon la méthode preſcrite pour aimanter les lames de ſix pouces. (Voyez, plus haut, la méthode de M. Michell pour faire des aimans artificiels.) Et pour conſerver quelque diſtance entre les pôles du ſud & du nord des deux petits faiſceaux, compoſés par ces quatre lames, j’eus ſoin d’inſérer entr’elles une épingle, qui pouvoit avoir en groſſeur la trentième partie d’un pouce. En aimantant de la ſorte cette cinquième lame, je lui communiquai plus de vertu magnétique que je n’en avois communiqué aux quatre précédentes. J’aimantai de la même manière la ſixième & dernière lame. Je me ſervis enſuite de ces deux dernières pour communiquer de cette façon la vertu magnétique à deux des quatre précédentes ; & ces deux me ſervirent pareillement à aimanter enfin les deux qui reſtoient encore. Je continuai cette opération, ſubſtituant toujours les dernières qui avoient été aimantées, à la place des deux plus foibles parmi les quatre qui me ſervoient à donner la vertu magnétique, juſqu’à ce qu’elles euſſent toutes reçu autant de vertu que leur état pouvoit leur permettre d’en conſerver avant d’être trempées. Cette vertu fut néanmoins ſuffiſante pour les mettre en état de porter chacune, par un ſeul de leurs pôles, un poids d’environ une once & un quart.

M. Michell ſe ſervit enſuite de ces petites lames, pour aimanter une ligne entière de lames de ſix pouces, qui avoient été trempées auparavant. Traité des aimans artificiels, page 91 & ſuiv.

Méthode de M. Canton. Après s’être muni de ſix lames d’acier non trempé, dont les dimenſions ſont indiquées ci-deſſus, (Voyez plus haut, la méthode de M. Canton pour faire des aimans artificiels), il prend un fourgon & des pincettes, (Voyez fig. 410), qui, plus ils ſont grands, plus il y a long-temps qu’on s’en ſert, & meilleurs ils ſont. Il tient le fourgon verticalement entre ſes genoux : il place vers ſon ſommet l’une des lames d’acier non trempé, de façon que ſon extrémité marquée ſoit tournée en en-bas ; & afin qu’elle ne puiſſe pas gliſſer, il la ſerre fortement contre le fourgon, au moyen d’une ſoie qu’il paſſe deſſus, & qu’il tient de la main gauche. Enſuite il prend les pincettes de la main droite un peu au-deſſous du milieu de leur longueur, & les tenant preſque verticales, il frotte la lame avec leur extrémité inférieure, en allant toujours du bas en haut. Cette opération réitérée une dixaine de fois ſur chacun des côtés de la lame, lui donne une vertu magnétique ſuffiſante pour ſoutenir une petite clef par l’extrémité marquée ; extrémité qui, ſi la lame étoit ſuſpendue horizontalement ſur un pivot, tourneroit vers le nord.

M. Canton, après avoir ainſi aimanté quatre de ces lames, s’en ſert pour aimanter les deux autres, & enfin ſe ſert de ces ſix lames aimantées, pour en aimanter ſix autres d’acier trempé de tout ſon dur, en procédant de la manière indiquée ci-deſſus.

Méthode de M. Anthéaume ſur une planche inclinée AB, (fig. 4) ; dans la direction du courant magnétique, c’eſt-à-dire, pour Paris, inclinée à l’horizon de ſoixante-dix degrés du côté du nord ; je place de fil, dit M. Anthéaume, deux barres de fer quarrées CF, de quatre à cinq pieds de longueur, ſur quatorze à quinze lignes d’épaiſſeur, limées quarrément par leurs extrémités intérieures, ou qui ſe regardent, entre leſquels je laiſſe un intervalle de ſix lignes ; j’applique à chacune de ces extrémités une eſpèce d’armure ll, formée avec de la tôle de deux lignes d’épaiſſeur, quatorze à quinze lignes de largeur, & une ligne de plus de hauteur, dont le côté, qui doit être appliqué à la barre, eſt limé & entièrement plat, trois des bords de l’autre face ſont taillés en biſeau ou chanfrein ; le quatrième, qui doit excéder d’une ligne l’épaiſſeur de la barre, eſt limé quarrément pour former une eſpèce de talon. Pour remplir le reſte de l’intervalle, je mets, entre ces deux armures, une petite languette de bois h, de deux lignes d’épaiſſeur. Tout ainſi diſpoſé & placé, comme je l’ai dit, dans la direction du courant magnétique, je gliſſe ſur ces deux talons à-la-fois, ſuivant la longueur des barres de fer, la barre d’acier KL, que je veux aimanter, la faiſant aller & venir lentement d’un de ſes bouts à l’autre, comme on feroit ſi on aimantoit ſur les deux talons d’une pierre d’aimant. J’ai été ſurpris moi-même de voir que j’aimantois ainſi tout-d’un-coup non-ſeulement de petites barres, comme parvenoient à faire MM. Michell & Canton, mais de groſſes barres d’acier d’un pied de longueur & même plus longues, ce qu’on n’obtiendroit jamais par leurs méthodes. J’ajoute qu’une autre expérience faite enſuite, m’a fait connoître que cette opération produit des effets encore plus ſurprenans, en employant des barres de fer de dix pieds de longueur chacune : la force magnétique reçoit pour lors la barre d’acier qu’on aimante, égale celle qu’elle recevroit d’un très-bon aimant ; & je ne crois pas que perſonne ait imaginé un moyen auſſi ſimple & auſſi facile de faire des aimans artificiels ſans le ſecours d’aucun aimant.

Il faut convenir que cette méthode de M. Anthéaume eſt très-ſimple & a, en même-temps, beaucoup d’efficacité, ſur-tout pour des barreaux d’une certaine longueur. Elle eſt certainement très-peu diſpendieuſe, elle n’exige pas une multiplicité de barreaux pour en aimanter un petit nombre, ni une combinaiſon de moyens différens, &c. ; une partie de ſon efficacité paroît dépendre de ce que ces barres & ſes barreaux ſont placés dans la direction du méridien magnétique, & au degré d’inclinaiſon du fluide magnétique dans le lieu où on aimante. Ce qui le prouve, c’eſt que les barres de fer & les lames de tôles, qu’on peut regarder comme des eſpèces d’armures qui ne montrent aucun indice de magnétiſme avant d’être diſpoſées, comme on le voit, dans la figure 411, en préſentent dès qu’elles ſont placées de cette manière ; puiſque ſi l’on met un morceau de fer ſur les deux talons de l’armure ll, il y a auſſi-tôt attraction & adhérence ; & que cette vertu magnétique s’évanouit dès que la ſituation de ces pièces eſt changée. On a encore obſervé que ſi l’appareil reſte pendant un ou deux mois, dans la poſition preſcrite, le magnétiſme des barres de fer eſt permanent, & que le pôle ſeptentrional de chacune de ces barres eſt au bout inférieur.

On verra, dans un inſtant, que, dans la méthode de M. Trullard, l’inclinaiſon convenable d’une barre de fer, placée dans le méridien magnétique, a contribué à lui donner un magnétiſme conſidérable, en y ajoutant une percuſſion. Celle-ci n’eſt pas néceſſaire pour que l’inclinaiſon communique du magnétiſme ; car, comme nous venons de le dire, & ainſi que l’expérience le prouve, quand une barre, nullement aimantée, eſt placée parallèlement à l’axe magnétique, elle acquiert, par cette ſeule poſition, des pôles qui deviennent très-ſenſibles, en lui préſentant une aiguille de bouſſole. M. Marcel a auſſi fait cette obſervation ainſi que pluſieurs autres phyſiciens. Mais cette vertu magnétique va en diminuant à meſure qu’on diminue ou qu’on augmente l’inclinaiſon ; & elle eſt nulle abſolument, lorſque la barre eſt perpendiculaire à l’axe magnétique.

Dans une addition à ſon mémoire, M. Anthéaume dit que depuis qu’il l’eut envoyé à l’académie de Pétersbourg, il n’avoit pas diſcontinué ſes recherches ſur la meilleure manière de faire des aimans artificiels. J’étois, dit-il, parvenu dès-lors à donner facilement, & tout d’un coup, par ma méthode, la plus grande vertu magnétique & la plus durable à l’acier trempé revenu bleu, & même à l’acier trempé non recuit. Je me ſuis attaché depuis à réitérer les mêmes expériences ſur l’acier trempé & ſans être recuit. J’avois pluſieurs fois réuſſi parfaitement, en ne procédant que ſelon la méthode que j’ai propoſée, & ſans le ſecours d’aucune autre : ſouvent auſſi depuis il m’eſt arrivé de ne pouvoir y réuſſir, ſur-tout lorſqu’il s’agiſſoit de barres de quatre, cinq, ſix lignes ou plus d’épaiſſeur. Cette variété m’ayant paru ne pouvoir venir que du côté des différens degrés ou des différentes qualités de la trempe, j’ai voulu prévenir cet inconvénient par mes recherches ſur les différentes trempes : j’ai auſſi cherché les méthodes d’aimanter, les plus efficaces pour imprimer à ces barres la plus grande vertu magnétique.

Je fais donc rougir chaque barre un peu plus qu’il ne conviendroit pour la tremper ; & alors, la faiſant tenir par une perſonne, je la frotte une ou deux fois ſur les deux principales faces, en même-temps, avec un morceau de ſavon que je tiens de chaque main. Pendant cette friction, la barre revient à la couleur convenable pour la trempe que je lui donne tout de ſuite. Cette qualité de trempe a toujours bien réuſſi ; il en eſt de même ſi, au lieu d’employer le ſavon, lorſque la barre eſt rouge, couleur de ceriſe, on la trempe dans une forte diſſolution non épurée d’une partie de ſel ammoniac le plus commun, ſur trois parties d’eau commune.

Pour donner aux deux barres ainſi trempées la vertu magnétique, on place la première horiſontalement entre deux autres barres magnétiques, ſur une ligne, en obſervant entr’elles l’oppoſition des pôles. On place de même la ſeconde barre entre deux autres, ſur une ſeconde ligne parallèle à la première, ayant ſoin de laiſſer entre ces deux lignes quelques pouces de diſtance, ſelon la groſſeur des barres, & que le pôle nord de la première de ces lignes de barres ſoit vis-à-vis le pôle ſud de la ſeconde. Après on unit ces deux lignes parallèles par deux contacts de fer, qu’on met aux deux extrémités.

Les choſes étant ainſi diſpoſées, on ſe ſert du faiſceau de barres de M. Michell, qu’on fait paſſer ſucceſſivement & pluſieurs fois, en le tenant perpendiculairement ſur les deux ſurfaces de chacune des deux lignes parallèles que, pour cet effet, on retourne pluſieurs fois, ſans néanmoins déranger l’ordre des pôles de ces barres magnétiques, & on a attention de préſenter le faiſceau ſur la ſurface des lignes, de façon que l’ordre des pôles ſe trouve d’accord avec les pôles des barres magnétiques qui compoſent les deux lignes. Enſuite, ſans déſaſſembler les lignes, on doit employer la méthode que M. Anthéaume a propoſée dans ſon mémoire. De cette manière, on parviendra à communiquer très-promptement, à ces fortes barres non recuites, la plus grande vertu magnétique. Mém. ſur les aimans artificiels, par M. Anthéaume.

Méthode de M. Trullard. Les phyſiciens ſavent qu’une barre de fer, placée dans une certaine ſituation, & dirigée à-peu-près vers le pôle du monde, dans le méridien magnétique, donne quelques ſignes d’une vertu attractive. Je pris, dit ce phyſicien, une barre de fer au haſard, d’environ ſix pieds ſur un pouce d’équarriſſage ; l’ayant fixée, par ſon centre de gravité, ſur le genou d’un graphomètre, pour pouvoir l’incliner à volonté, je la dirigeai par le moyen d’une bouſſole dans le méridien magnétique, & ſous un angle d’environ 45 degrés avec l’horiſon. Comme elle ne donnoit encore aucun ſigne de magnétiſme, j’eſſayai de varier l’inclinaiſon, & enſuite la poſition de ſon vertical, mais ce fut d’abord ſans fruit. Après un long tâtonnement, il ſe trouva enfin une ſituation dans laquelle cette barre de fer ſoutint d’elle-même environ deux livres ou la dixième partie de ſon poids, par l’attraction magnétique ; mais elle n’étoit point capable d’aimanter d’autres corps, & ſa vertu même ſe perdoit par le plus léger déplacement. Je voulus chercher le moyen de pouvoir la fixer. Je ſavois que les outils des ſerruriers, ſur leſquels on a coutume de frapper ſouvent, &c., ſemblent avoir été aimantés.

Je choiſis, pour ma nouvelle expérience, une barre d’acier d’environ quinze pouces de long, ſur ſix lignes d’équariſſage, dreſſée, polie & trempée dur ; toutes ces précautions ſont néceſſaires, & ſur-tout celle de prendre du véritable acier ; je vins à bout de lui trouver une ſituation dans laquelle cette barre portoit quatre onces. Ayant fixé une enclume de ſix ou ſept livres, à l’extrémité ſupérieure du barreau, je frappai fortement ſur l’autre extrémité avec un marteau de demi-livre ; enfin, après plus de vingt coups qui avoient paru inutiles, il y en eut un qui aimanta le barreau de maniére à lui faire porter ces quatre onces indifféremment dans toute autre poſition, & hors du méridien magnétique.

Pour augmenter la force de cette barre, M. Trullard prit pluſieurs lames de fleuret de ſolingen, qui ſont d’un bon acier, polies, trempées à bleu, d’environ onze pouces ; il les aimanta chacune ſéparément avec le barreau de la première expérience, qu’il paſſoit d’abord depuis le centre de chaque lame juſqu’à une des extrémités avec le pôle nord, & enſuite depuis le milieu juſqu’à l’autre extrémité avec le pôle ſud, & cela à pluſieurs repriſes différentes. Il forma de la ſorte ſix lames aimantées, dont le pôle nord étoit formé par le pôle ſud du barreau qui avoit été employé à cet effet : chacune de ces lames étoit capable de porter environ deux gros.

Ayant aſſemblé ces lames par faiſceaux & trois à trois, on prit un faiſceau de chaque main, & on aimanta ſix autres lames, toujours en partant du milieu, & conduiſant un faiſceau à droite & un à gauche ; l’un de ces faiſceaux frottoit par ſon pôle nord, & l’autre par ſon pôle ſud, & ils repaſſoient quatre ou cinq fois ſur les mêmes parties. Chacune de ces lames étant ainſi aimantée par ſix autres tout-à-la-fois, acquit plus de force que chacune des ſix premières n’en avoit eue. Ces ſix dernières lames, priſes trois à trois, ſervirent bientôt à aimanter de nouveau les ſix premières ſéparément, qui ſe trouvèrent acquérir chacune beaucoup plus de force qu’elles n’en avoient reçue du premier barreau.

Après une douzaine d’opérations ſemblables, dans chacune deſquelles il y avoit toujours trois lames pour agir à la fois, chaque lame aimantée portoit environ dix fois ſon poids, & ces opérations ainſi répétées conduiſirent au point de ne voir preſque plus d’augmentation de force d’une opération à la ſuivante ; ce qui fit penſer qu’on étoit parvenu au maximum de l’effet poſſible, du moins avec les pièces employées. On paſſa donc à une opération plus efficace.

Les douze lames aimantées ſéparément furent aſſemblées ſix à ſix en deux faiſceaux, qui ſervirent à aimanter onze pièces d’acier courbées en fer-à-cheval, trempées à la glace, dures & polies, de trois pouces de longueur, ſur un pouce de large ; enſorte que la demi-circonférence avoit environ ſept pouces. On commença toujours par le haut de la courbure, en conduiſant tout-à-la-fois l’un des faiſceaux à droite & l’autre à gauche, l’un touchant par ſon pôle nord, & l’autre par ſon pôle ſud.

Ayant aimanté ainſi des deux côtés, & à pluſieurs repriſes différentes, chaque courbe avec les faiſceaux de ſix lames, on les aſſembla toutes pour en former un ſeul aimant artificiel, auquel furent ajoutées deux armures dans la forme ordinaire. Par-là on obtint un aimant qui, ſous le poids de deux livres, en ſupporte près de quarante, & qui dès-lors peut être mis en comparaiſon avec les plus forts que l’on ait faits. Il eſt probable qu’en continuant de ſemblables expériences, on iroit encore au-delà. Cette méthode d’aimanter une courbe n’exige point le grand nombre de ſupports employés dans la méthode de MM. Duhamel & Anthéaume, ni dans celle de MM. Michell & Canton.

Ces ſupports, qui ſeroient au nombre de cent dix lames de ſix pouces, pour un aimant de ſix pieds, ſont néceſſaires afin que l’extrémité d’une barre ne perde pas le magnétiſme qu’elle a reçu pendant qu’on touchoit l’autre extrémité ; mais comme, par le moyen des deux faiſceaux employés, les deux extrémités d’une barre, ou les deux bras d’une courbe ſont aimantés tout-à-la-fois, les ſupports n’y ſont plus néceſſaires. Le procédé qu’on vient de détailler eſt auſſi très-propre à former des aiguilles pour les compas de mer ; car elles s’aimantent très-bien & très-promptement, au moyen de deux aimans que l’on fait partir du centre, & que l’on conduit tout-à-la-fois vers chaque extrémité, l’un frottant par ſon pôle nord, & l’autre par ſon pôle ſud.

Lorſque l’on veut aimanter une courbe, on le peut faire de deux manières, ſans compter celle dont on a parlé ci-deſſus ; 1o. avec une courbe de même grandeur, qu’on élève perpendiculairement ſur l’autre, & avec laquelle on frotte depuis la naiſſance de la courbure juſqu’à l’extrémité des branches, de la même manière que ſi c’étoit deux aimans ſéparés. Le pôle nord forme par-là un pôle ſud, & réciproquement tous les deux agiſſant à-la-fois. 2o. On peut aimanter la courbe d’une autre manière avec deux barreaux. Pour cela, on place deux pièces ſemblables bout à bout, de manière qu’elles compoſent une ſeule courbe ovale rentrante. On touche cette courbe avec les barreaux aimantés que l’on tient d’une main, peu éloignés l’un de l’autre, en faiſant tout le tour ; on forme ainſi deux aimans artificiels tout-à-la-fois, & l’on évite encore les ſupports par cette voie : on donne même à chacun des deux fers plus de force qu’ils n’en auroient acquis ſéparément. Après qu’on les a ſéparés, on trouve que les pôles qui étoient contigus ſont de dénomination différente, & que le pôle nord de l’un ſe trouve contre le pôle ſud de l’autre.

En réuniſſant pluſieurs lames aimantées, il eſt naturel de chercher dans quel rapport cette force augmente par la réunion. On trouve, en comparant avec l’expérience, que la force augmente plus que les ſurfaces, mais moins que les maſſes.

Comme, dans cette méthode, on a aimanté des barreaux, ſans employer des aimans naturels ou artificiels, on l’a rangée parmi les procédés qui ont rapport à cet objet. On obſervera cependant que le reſte de la méthode peut également appartenir aux méthodes d’aimanter avec des aimans artificiels, & être placée après le premier procédé de M. Anthéaume, qui a été rapporté ci-deſſus, pour aimanter avec des aimans.

Pour faire de bons aimans artificiels, indépendamment d’une bonne méthode d’aimanter, pluſieurs autres conditions ſont néceſſaires. On doit employer du bon acier, d’un grain fin, ſerré, homogène & d’une grande compacité, afin qu’il reçoive une plus forte doſe de magnétiſme, & qu’il la conſerve long-temps. En forgeant l’acier on ne doit le replier en aucun ſens. Il faut auſſi proſcrire tous les barreaux qui préſenteroient des ſoufflures ou des gerçures. Voyez Aiguille aimantée.

M. Anthéaume aſſure avoir remarqué que les aciers de Carme ou à la Roze, & l’acier d’Angleterre, ſont les meilleurs pour faire des barres magnétiques : il obſerve, que lorſqu’on veut que les barres ſoient trempées dur ſans recuit, & qu’elles reçoivent bien la vertu magnétique, la trempe qui conviendroit à l’un, ne convient pas à l’autre : l’acier de Carme ou à la Roze réuſſit très-bien trempé dur à l’ordinaire ; l’acier d’Angleterre réuſſit mieux trempé en paquet.

M. Briſſon ayant voulu ſavoir, par expérience, quelle étoit l’eſpèce d’acier la plus propre à faire des aimans artificiels, l’eſpèce ſuſceptible de recevoir la plus grande vertu magnétique, fit faire cinq paires de barreaux de différentes eſpèces d’acier, tous parfaitement égaux en longueur, en largeur, en épaiſſeur, & même en poids, à quelques grains près ; tous également bien dreſſés & polis ; tous trempés de tout leur dur. Chacun de ces barreaux étoit de 6 pouces & trois quarts de ligne de long, 6 lignes de large & 2 lignes d’épaiſſeur, & chaque paire peſoit 5 onces 4 gros & environ ⅔ de gros. Ils furent placés deux à deux à la manière de M. Knight, en les ſéparant par une règle de bois, & les faiſant communiquer, à chacune de leurs extrémités, par un contact de fer doux de 9 lignes de largeur : pour éviter la confuſion, ils furent tous numérotés.

Les eſpèces d’acier, employées à faire ces barreaux, étoient l’acier d’Amboiſe ; l’acier fondu d’Amboiſe, l’acier d’Allemagne, connu ſous le nom d’étoffe de Pons ; l’acier d’Angleterre & l’acier fondu d’Angleterre. Tous ces barreaux furent aimantés ſuivant la méthode de M. Anthéaume, expoſée ci-deſſus, avec une paire d’excellens barreaux aimantés de 17 pouces 6 lignes de long, 1 pouce de large, & 6 lignes d’épaiſſeur. Pour éprouver leur force attractive, on plaça chaque paire dans une ſituation verticale, la règle de bois entre deux, des liens de cuivre la retenoient à-peu-près comme on le fait pour les aimans armés ; &, à la partie inférieure, au lieu du contact, on plaça un contact de fer doux, garni d’un crochet, deſtiné à recevoir la bélière d’un ſceau de fer blanc, dans lequel furent mis ſucceſſivement & peu-à-peu les poids dont on chargea chaque paire de ces barreaux.

Les barreaux d’acier moyen d’Amboiſe ne portèrent qu’un peu plus d’une fois leur poids.

Ceux d’acier fondu d’Amboiſe portèrent un peu plus de cinq fois leur poids.

Ceux d’acier d’Allemagne, connu ſous le nom d’étoffe de Pons, ont porté un peu plus de 12 fois leur poids.

Ceux d’acier d’Angleterre ont porté plus de 14 fois leur poids.

Et ceux d’acier fondu d’Angleterre n’ont porté qu’un peu plus de 8 fois leur poids.

On peut conclure de ces expériences, 1o. que l’acier d’Angleterre eſt le plus propre à recevoir la vertu magnétique, & qu’il doit être préféré à toutes les autres eſpèces. 2o. Qu’au défaut d’acier d’Angleterre, celui d’Allemagne, connu ſous le nom d’étoffe de Pons, doit être employé plutôt que tout autre ; puiſque ſa vertu attractive n’eſt moindre que de de celle de l’acier d’Angleterre. 3o. Que les aciers fondus ne doivent, en aucun cas, être employés à faire des aimans artificiels ; car ils reçoivent beaucoup moins de vertu que ceux de même ſorte, qui ne ſont pas fondus.

Les barreaux doivent être bien polis & nullement cambrés, ſur-tout s’il s’agit de les réunir en faiſceaux. Il y a de l’avantage à planer long-temps l’acier avec le marteau après la trempe, & même après le recuit, lorſqu’on veut avoir recours à ce dernier moyen. Voyez Trempe.

Une forte trempe eſt préférable à celle qui l’eſt moins, car l’acier le moins trempé eſt le moins propre à conſerver la vertu magnétique, & le plus propre à la perdre ; un morceau d’acier trempé & revenu bleu, retiendra beaucoup moins de la vertu magnétique, que l’acier trempé de tout ſon dur. L’acier mol la retient encore moins, & le fer qui eſt encore plus mol en retient à peine quelque choſe. Mais le même principe qui fait que le fer retient moins de vertu magnétique, fait auſſi qu’il la reçoit plus aiſément. Ainſi l’acier mol la reçoit avec plus de facilité que l’acier trempé & revenu bleu ; celui-ci pareillement plus facilement que d’acier trempé. L’expérience ſuivante prouve, ſans aucun doute, que l’acier trempé conſerve mieux ſon magnétiſme que l’acier trempé & revenu bleu ; prenez deux barreaux d’égale groſſeur, l’un trempé dur, & l’autre bleu ; placez enſemble leurs pôles de même nom ; & frottez-les en les coulant l’un ſur l’autre pendant quelque temps, la vertu de l’aimant revenu bleu, ſera bien-tôt diminuée, ſi elle ne ſe perd pas entièrement, tandis que celle de l’acier trempé n’aura ſouffert preſqu’aucune diminution.

Les aimans en fer à cheval peuvent avoir exactement cette forme ou telle autre qui en approche. Voyez la figure 396, où un de ces aimans eſt repréſenté avec ſon porte-poids ou pièce de fer triangulaire appliquée à ſes pôles.

Les avantages de cette ſorte d’aimant artificiel ſont les ſuivans. Comme ils occupent moins de place, on peut s’en ſervir plus aiſément dans la conſtruction des petites bouſſoles. On peut encore appliquer à leurs deux pôles à la fois une pièce de fer, qui, en les uniſſant, fait qu’ils ſont moins expoſés que les autres à perdre de leur vertu dans la ſuite des temps. Enfin, ils peuvent porter tout à la fois par leurs deux pôles, & par conſéquent plus qu’ils ne porteroient par un ſeul pôle. De plus, quand on veut s’en ſervir pour en aimanter d’autres qui leur ſoient égaux en volume, ils tiennent lieu de pluſieurs petites lames ; & ils ſont d’autant plus propres à cela, que leurs pôles ſont très-près l’un de l’autre.

Les aimans en forme d’anneau ou en cercle, ſont faits d’une ſimple lame plate, repliée ſur la ſurface la plus large, au lieu de l’être ſur la plus étroite, comme les précédens. Les aimans en anneau ſervent à différentes expériences, & ſont beaucoup plus aiſés à être armés.

L’aimant en demi-cercle peut être plié ſur ſon plat comme l’annulaire, ou ſur ſon côté comme l’aimant en fer-à-cheval. (Figure. 397) Deux aimans en demi cercle peuvent être placés l’un contre l’autre par les pôles oppoſés ; c’eſt le moyen de les conſerver tous deux. Ils peuvent ſervir à aimanter par la double touche des lames extrêmement petites, & ſont encore d’un grand uſage dans diverſes expériences. La manière de faire les aimans courbes eſt la même que celle qu’on emploie à faire les aimans droits. Leurs extrémités doivent être ſupportées de la même façon. Les lames de ſix pouces employées à les aimanter doivent être placées ſelon la même méthode ; il n’y a de la différence que dans la manière de les mouvoir conformément à la courbure de la ligne, d’un bout de la lame à l’autre, en répétant l’opération quatre ou cinq fois. Michell. Voyez auſſi ci-deſſus méthode de Trullard.

Avantages des aimans artificiels ſur les aimans naturels. Depuis que l’art de faire des aimans artificiels a été perfectionné, on a préféré les premiers aux ſeconds.

1o. Il ſuffit d’avoir de l’acier, on le fait forger en lames d’une forme convenable ; au contraire les pierres d’aimant ſont fort chères ; & leur armure exige beaucoup de peines.

2o. On peut multiplier à volonté les aimans artificiels ; & on ne peut ſe procurer facilement des aimans naturels.

3o. Les aimans artificiels ſont de beaucoup ſupérieurs en force aux aimans naturels ; par leur moyen on aimante facilement des aiguilles d’acier trempé de tout ſon dur, ce qu’on ne peut faire avec des pierres d’aimant ordinaires. C’eſt pour cette raiſon qu’avant qu’on eût trouvé les moyens de faire de bons aimans artificiels, les aiguilles de bouſſole étoient toutes d’acier trempé revenu bleu. Il eſt vrai que dans ce dernier cas, la communication magnétique eſt plus aiſée, mais la vertu magnétique n’en eſt pas auſſi durable.

4o. Il eſt très-facile de rétablir dans ſa première intégrité la vertu magnétique des aimans artificiels qui ſe ſeroit affoiblie par le laps du temps ou par d’autres accidens ; & il ne l’eſt pas autant de rendre aux aimans naturels leur première force, à moins qu’on n’y emploie des aimans artificiels.

5o. On peut dans une ſeule lame placer plus de deux pôles, v. g. le pôle nord à chaque extrémité & le pôle ſud dans le milieu ; ou même d’autres combinaiſons, 3 pôles ſud, & 3 pôles nord, &c.

6o. On eſt maître de donner à volonté différentes formes aux aimans artificiels, de les allonger, v. g. de rapprocher leurs pôles, de leur donner diverſes proportions avantageuſes.

7o. Il eſt plus aiſé d’employer avec eux les méthodes différentes qui ont été imaginées, &c. Voyez le mot Magasin magnétique & les figures, depuis la 418e. juſqu’à la 423e. Centre magnétique.

C’eſt ſur-tout par le moyen des aimans artificiels qu’on vient à bout d’augmenter la vertu des aimans naturels, ou même de la changer, en renverſant ſes pôles, ce qui ne peut ſe faire qu’en employant une force ſupérieure. Si l’aimant naturel dont on veut augmenter la vertu, eſt extrêmement petit & court, il ſuffit d’appliquer à ſes extrémités un nombre conſidérable de lames en forme de ſupports ; mais s’il avoit aſſez de longueur pour pouvoir être aimanté ſelon la double touche, aimantez-le de cette façon par le moyen de différentes lames qui ſeront appliquées de tous les côtés à la fois. Si vous voulez faire changer de place aux pôles d’un aimant, ou changer la poſition de ſon axe magnétique, placez vos ſupports de manière que le centre de leur force ſe trouve aux deux points qui ont été choiſis pour terme du nouvel axe, & aimantez-le ſelon la double touche, & dans cette direction autant qu’il ſera poſſible. Si l’on veut faire changer de dénomination aux pôles, & mettre celui du nord où étoit celui du ſud, & celui du ſud où étoit le pôle nord, ſuppoſé que l’aimant ſoit aſſez-long, aimantez-le ſelon la double touche, ſuivant les règles preſcrites plus haut, pour changer les pôles d’un aimant artificiel. Enſuite donnez-lui des ſupports, & aimantez-le de nouveau avec d’autres lames ; mais ſi l’aimant eſt trop court, appliquez-lui ſeulement des ſupports, en obſervant de les changer deux ou trois fois pendant l’opération.

Pour augmenter la vertu d’un grand aimant naturel, placez à chacune de ſes extrémités, au-lieu de ſupports un morceau de fer qui ſoit de la largeur & de l’épaiſſeur de l’aimant, & donnez à chacun de ces morceaux une longueur triple ou quadruple de leur largeur ; ou ſans leur donner cette longueur, donnez à l’extrémité qui ne touche pas l’aimant, trois ou quatre fois autant de largeur que le morceau en aura à l’extrémité qui le touche. Si vous vous ſervez de barres de fer de la longueur dont on vient de parler, placez d’un côté autant de ſupports que l’eſpace qu’on aura le permettra. Si vous ne lui donnez pas cette longueur, & qu’on ſe contente d’y ſuppléer, en donnant à un de ſes bouts la largeur qui a été preſcrite, placez vos ſupports au bout le plus large de la barre de fer. Si l’aimant eſt fort court, cela ſuffira ; mais s’il eſt aſſez-long pour être aimanté ſelon la double touche, on l’aimantera de la ſorte.

Si on veut faire changer de place aux pôles d’un pareil aimant, en les écartant de celle qu’ils occupent actuellement, placez vos deux barres de manière que la ligne que vous deſtinez à devenir l’axe de votre aimant, étant prolongée, les coupe par le milieu dans toute leur longueur. Si on veut faire changer de dénomination aux pôles, & placer celui du ſud où eſt celui du nord, ou réciproquement, on le fera de même, en l’aimantant ſelon la double touche, & ſuivant les règles preſcrites pour cet effet ; pourvu qu’on puiſſe y appliquer une force ſuffiſante. Après avoir fait changer de dénomination aux pôles, on peut en augmenter la vertu ſelon les règles preſcrites plus haut.

Si on a à opérer ſur des aimans extraordinairement larges, la meilleure méthode eſt de les partager en différentes lames coupées dans la longueur de la pierre, de les aimanter chacune en particulier, & de les réunir enſuite ſous la même armure. Ce procédé eſt de M. Michell.

M. Œpinus a éprouvé que les aimans naturels portés à l’état d’incandeſcence, refroidis enſuite, & placés entre deux grandes barres d’acier fortement aimantées, acquerroient un magnétiſme plus fort ; & par la comparaiſon de ſes expériences, il paroît que plus un aimant eſt vigoureux par ſa nature, mieux il reçoit & conſerve ce ſurcroît de force. Le premier aimant que j’ai ſoumis à l’expérience, dit cet habile phyſicien, étoit un parallélipipède régulier ; il étoit noirâtre, ſans éclat métallique, très-homogène, très-compacte, & tel que ſont communément les aimans de mauvaiſe qualité. Il n’avoit preſque pas de force, car il peſoit nu deux onces , avec ſon armure 3 onces , & n’élevoit que 4 onces. Je l’ai dépouillé de ſon armure, je l’ai placé entre deux grandes barres d’acier fortement aimantées, & après une demi-heure, j’ai trouvé que ſa vertu étoit augmentée, & que rejoint à ſon armure, il pouvoit élever douze onces & demie. Je l’ai expoſé au feu libre des charbons, je l’ai laiſſé dans une forte incandeſcence pendant une demi-heure ; j’ai trouvé, après ſon refroidiſſement, qu’il avoit perdu preſque toute la force magnétique qu’il poſſédoit. Je l’ai placé pendant un quart d’heure entre les deux barres aimantées, & j’ai trouvé que, garni de ſon armure, il élevoit déja plus de 18 onces ; il a donc, après ſon incandeſcence, obtenu par le moyen des barres aimantées, dans un court eſpace de temps, une force beaucoup plus conſidérable que celle qu’il avoit acquiſe, pendant un temps plus long, avant d’être expoſé au feu. Il eſt donc évident que l’aptitude de cet aimant à recevoir le magnétiſme a été augmenté par ce procédé dans le rapport de 37 à 27 ; ce qui revient à-peu-près à celui de 7 à 5.

Un autre aimant, qui peſoit nu 4 onces un quart, & 5 onces 7 huitièmes avec ſon armure, préſentoit auſſi une matière uniforme & compacte, mais il paroiſſoit plus riche en métal que le premier aimant ; lorſqu’il étoit revêtu de ſon armure, il portoit ſix onces trois quarts ; placé une demi-heure entre les aimans artificiels, avant d’être expoſé à l’action du feu, il ne put pas porter au-delà de 22 onces 3 quarts ; tenu en incandeſcence au milieu des charbons pendant une demi-heure, & enſuite refroidi, il avoit perdu preſque toute ſa force, mais placé pendant un quart d’heure au milieu des aimans artificiels, il éleva facilement 37 onces & demie, & ſon aptitude à recevoir la vertu magnétique ſe trouva augmentée dans le rapport d’environ 8 à 5.

M. Œpinus croit qu’on pourroit augmenter encore plus la vigueur des aimans par la cémentation qui leur donneroit plus de qualité que la ſimple torréfaction au feu nu. Il propoſe de tailler en parallélipipède les aimans tirés immédiatement de la mine, en leur donnant le plus de longueur qu’il ſe pourra, pour les cémenter au feu & les plonger enſuite dans l’eau froide ; après quoi, il propoſe de les placer entre deux ou pluſieurs barres d’acier aimantées, & de les frotter avec deux aimans artificiels, ſuivant la méthode du double contact. Il faudra auſſi les armer, après avoir choiſi pour pôles les points les plus éloignés l’un de l’autre. Œpinus, numéros 359, 360 & 362.

Aimant factice. Je crois devoir donner ce nom aux aimans que l’art a compoſé & qui imitent l’aimant naturel : on les fabrique avec du ſable des mines de fer dont on compoſe un corps ſolide par le moyen d’un ciment. Avant que ce mixte ſoit deſſéché, on lui communique la vertu magnétique : pour qu’il la reçoive dans un haut dégré, il faut qu’il y ait une juſte proportion entre le ciment & le ſable ferrugineux ; & celui-ci doit être le plus ſuſceptible de retenir la vertu magnétique. La poudre d’émeri eſt excellente pour faire ces ſortes d’aimans factices.

On peut encore former des aimans factices avec de la rouille de fer unie à de la pouſſière de pierre par l’intermède d’une matière graſſe. Ce compoſé, au bout d’un certain temps, devient ſemblable à l’aimant.

L’un & l’autre de ces mixtes acquièrent la vertu magnétique par ſucceſſion de temps ; & ſur-tout, par le moyen d’un aimant naturel ou artificiel. On peut leur donner toutes les formes convenables, mais celle d’un parallélipipède plus long que large eſt préférable. On peut auſſi armer ces aimans factices qui alors ont plus de vertu. Mais il faut convenir qu’ils en ont toujours moins que les aimans naturels ou artificiels de même volume. C’eſt ce que j’ai conſtamment éprouvé, après en avoir fabriqué pluſieurs, d’après quelques-uns des procédés ſuivans.

C’eſt l’obſervation qui peut avoir mis ſur la voie de faire des aimans factices ; car on a obſervé pluſieurs fois que du fer changé en rouille, & expoſé aux injures de l’air, acquerroit aſſez ſouvent & au bout d’un eſpace de temps plus ou moins conſidérable, une forte vertu magnétique. Les mémoires de l’académie rapportent le fait ſuivant bien propre à le conſtater. À Marſeille il y a une tour ſituée ſur le haut d’une colline, & où une cloche eſt ſuſpendue ſur deux barres de fer de la longueur de trois toiſes, épaiſſes de 3 pouces ½, & poſées horiſontalement de l’eſt à l’oueſt. Suivant les archives de la ville, il y avoit environ 420 ans qu’elles étoient miſes au haut de cette tour, lorſque M. Chevalier, ingénieur, remarqua que les deux bouts des barres de fer retenues dans les épaiſſeurs de deux piliers d’une pierre tendre qui les portoient, avoient acquis les propriétés magnétiques. Il obſerva qu’aux deux bouts dont nous parlons il y avoit une épaiſſeur de rouille aſſez conſidérable qui s’étoit formée du fer & de la pierre & qui étoit convertie en aimant, comme il étoit arrivé à Chartres & à Aix. Cette matière étant détachée de la barre ſe chargeoit d’une grande quantité de limaille de fer, comme le fait un aimant excellent ; & les petites parcelles qui s’étoient rompues autour du morceau, en les détachant de la barre, y demeurèrent attachées & s’y hériſſèrent comme la limaille de fer ſur l’aimant.

Avant que de terminer cet article, nous rapporterons une méthode de M. Knight. Après avoir pris une grande quantité de limaille de fer, ce phyſicien la mettoit dans un large tonneau rempli d’eau claire, environ à la moitié ; il agitoit enſuite ce tonneau, afin que le frottement qu’éprouvoit la limaille pût en détacher les parties les plus fines qui reſtoient pour quelque tems ſuſpendues dans l’eau. Il étoit perſuadé qu’un des ingrédiens néceſſaires étoit ces molécules dont il falloit avoir une certaine quantité. Quand cette eau ainſi agitée étoit devenue trouble, il la verſoit dans un vaſe de terre bien propre, en laiſſant la limaille au fond du tonneau. Après que l’eau étoit reſtée dans le vaſe, aſſez long-temps pour devenir claire, il la faiſoit écouler ſans troubler le ſédiment ferrugineux, qui paroiſſoit n’être plus qu’une pouſſière impalpable, & mettoit enſuite ce ſédiment dans un autre vaſe pour l’y faire ſécher ; après avoir amaſſé une quantité ſuffiſante de cette matière, il en compoſoit une pâte, en y mêlant un liquide gras, par exemple, de l’huile de lin. De ces deux ingrédiens, il faiſoit une compoſition qu’il falloit pétrir long-temps avant de lui donner de la conſiſtance ; il l’étendoit enſuite ſur une planche ou ſur des tuiles, pour être cuite à un feu très-modéré, craignant qu’un trop grand degré de chaleur n’y fit des crevaſſes.

Le temps requis pour cuire cette pâte étoit ordinairement cinq ou ſix heures. Quand elle avoit acquis un degré ſuffiſant de dureté, & que ſes différens morceaux étoient refroidis, il leur donnoit leur vertu magnétique dans la direction qu’il vouloit, en les plaçant entre les deux extrémités de ſon magaſin d’aimans artificiels, pendant quelques ſecondes ſeulement. Par ce moyen, il leur communiquoit une telle vertu magnétique, que lorſqu’il plaçoit une de ſes pièces entre deux barres, avec ſes pôles renverſés à deſſein, elle ſe tournoit elle-même dans ſa direction naturelle, que la force de ces deux barres n’étoit pas capable de faire changer. Tranſactions philoſophiques 1779. Première partie.

Voici ce que dit à ce ſujet un phyſicien à qui M. Knight envoya en 1748 quelques aimans factices qui avoient l’apparence de petites pierres noires & métalliques : elles avoient un pouce de long, huit lignes de large, & deux lignes d’épaiſſeur ; il y joignit pluſieurs petites balles de la même compoſition dont quelques-unes avoient cinq, d’autres quatre, & quelques-unes trois lignes de diamètre. Il nommoit ces petites ſphères, terrella.

Je fus moins ſurpris, dit M. de Treſſan, de trouver un fort magnétiſme dans les petits quarrés longs, que je ne le fus de le trouver égal, dans les petites terrella, dont les pôles ſont bien décidés & bien fixes, ces petites ſphères s’attirant & ſe repouſſant vivement, ſelon les pôles qu’elles ſe préſentent. Je préparai donc, ſelon l’inſtruction de M. Knight, une glace bien polie & peſée bien horiſontalement, je diſpoſai en rond cinq de ces terrella, & je plaçai au milieu un de ces aimans factices de la même matière, lequel je pouvois tourner facilement ſur ſon centre ; Je vis ſur le champ toutes les terrella s’agiter & ſe retourner pour préſenter à l’aimant factice la pôlarité correſpondante à la ſienne ; les plus légères furent pluſieurs fois attirées juſqu’au contact, & ce ne fut qu’avec peine que je parvins à les placer à la diſtance proportionnelle, en raiſon compoſée de leurs ſphères d’activité. Alors, en tournant doucement l’aimant factice ſur ſon centre, j’eus la ſatisfaction de voir toutes ces terrella tourner ſur elles-mêmes, par une rotation correſpondante à celle de cet aimant ; & cette rotation étoit pareille à celle qu’éprouve une roue de rencontre, lorſqu’elle eſt mue par une autre roue à dents ; de ſorte que, lorſque je retournois mon aimant de la droite à la gauche, la rotation des terrella étoit de la gauche à la droite ; & l’inverſe arrivoit toujours, lorſque je tournois mon aimant de l’autre ſens.

M. Wilſon, dans un mémoire préſenté en 1778, à la ſociété royale de Londres, a décrit la compoſition de la pâte magnétique de M. Knight avec lequel il étoit lié d’amitié ; & il la donne pour être d’autant plus authentique, qu’il s’étoit ſouvent trouvé avec lui pendant que ce docteur étoit occupé à la compoſer. « Elle conſiſte ſimplement en une poudre de fer, la plus fine, mêlée avec l’huile de lin. Le docteur Knight incorporoit bien ces deux ingrédiens enſemble, & en faiſoit une pâte ſous différentes formes. Il avoit grand ſoin de faire ſécher lentement cette pâte ſur une planche ou une tuile ; il avoit obſervé qu’elle eſt ſujette à éclater ſi on la ſèche trop vîte. » On conſerve encore quelques-uns de ces aimans factices au muſée britannique ; & M. Wilſon en poſſède auſſi quelques pièces. M. Knight n’a jamais publié la compoſition de cette pâte, & la raiſon qu’il en donna lui-même en 1766 à M. Ingen-housz, étoit « qu’il avoit fait cette compoſition de pluſieurs façons ; que les unes avoient mieux réuſſi que les autres, & que n’ayant pas fait des notes de tous ces eſſais, il ne pouvoit pas dire au juſte leſquels avoient réuſſi le mieux ; qu’il ſe ſouvenoit cependant qu’une de ces pâtes, la plus magnétique, étoit compoſée d’un aimant naturel, mêlée avec tant ſoit peu de poudre de charbon très-fine & de l’huile de lin, en laiſſant ſécher la pâte lentement. » M. Ingen-housz déſirant connoître quelle ſeroit la meilleure compoſition de ces ſortes de pâtes magnétiques, réduiſit un aimant naturel de l’île d’Elbe en poudre impalpable, en fit une pâte avec la partie glutineuſe du fromage, mêlée avec un peu de chaux vive dans un état de poudre très-fine. Il donna enſuite à cette pâte la figure d’une tête, en la preſſant dans un moule de matière vitrifiée. Pluſieurs morceaux de cette compoſition furent ainſi figurés dans le même moule, où ils prirent conſéquemment les mêmes dimenſions. On les compara enſuite avec d’autres aimans égaux, faits de la même manière, en prenant, au lieu de poudre d’aimant réel, de la poudre de fer très-fine : on pouvoit diſtinguer ces deux eſpèces de pâte par des marques faites à deſſein. Lorſqu’elles furent toutes bien deſſéchées, on les appliqua au grand appareil magnétique du docteur Knight qui eſt dans le muſée de la ſociété royale de Londres, en les plaçant chacun pendant un temps égal entre ces barres. Le réſultat fut que toutes les pièces préparées avec la poudre d’aimant, reçurent une force magnétique beaucoup plus grande que celles qui avoient été faites avec la poudre de fer. Des morceaux de cette pâte dans la compoſition deſquels on avoit mêlé du charbon, acquirent moins de force, peut-être parce qu’il y avoit trop de charbon. Ces différens aimans factices acquirent cependant moins de force que ceux qui avoient été fabriqués par le docteur Knight, probablement parce que l’appareil magnétique, tel qu’il étoit alors en 1778 & 1779, dans le muſée britannique, étoit affoibli & avoit perdu beaucoup de ſa force, faute des ſoins que M. Knight lui-même y donnoit avec toute l’aſſiduité poſſible.

M. {{{2}}} dit qu’il avoit fait auſſi quelques-uns de ces aimans factices, en mêlant la pouſſière d’aimant avec l’huile de lin telle que les peintres l’emploient ; & de même d’autres avec la poudre de fer ; mais la maſſe n’étoit encore ni aſſez deſſéchée, ni aſſez endurcie lorſque l’on démonta le grand appareil magnétique de M. Knight, pour faire remettre les aimans artificiels en leur état de force primitive par M. Nairne. En appliquant un de ces aimans à l’appareil, avant qu’il fût démonté, pendant que la pâte étoit encore un peu flexible entre les doigts, ſa croûte étant déjà endurcie, on obſerva que cette maſſe, appliquée au pôle d’un de ces grands aimans compoſés, changeoit bientôt en forme ovale la figure parfaitement ronde qui lui avoit été donnée ; allongement qui venoit de l’attraction du pôle oppoſé de l’aimant voiſin. Le phyſicien qu’on vient de nommer, penſe avec beaucoup de probabilité, que pour donner la plus grande force à une telle pâte, par des aimans auſſi vigoureux qu’étoient ceux de M. Knight, il faudroit y appliquer la pâte dans le temps qu’elle eſt encore aſſez flexible, pour que les particules qui la conſtituent puiſſent plus facilement s’arranger entr’elles de la façon la plus avantageuſe pour la force magnétique de tout le compoſé.

Je fis, il y a quelques années, continue M. Ingen-Housz, différentes pâtes d’aimans factices avec la poudre de fer, ainſi qu’avec la poudre d’aimant, mêlées ſimplement avec de la cire ordinaire ; j’y joignis quelquefois un peu de thérébentine, pour donner plus de flexibilité à la pâte. Elles recevoient une vertu magnétique aſſez conſidérable, ſe laiſſoient diviſer & rajuſter de nouveau ſans rien perdre de leur force. On pouvoit les plier en tout ſens & en toutes figures ; de tels aimans flexibles ſont fort utiles pour différentes recherches ſur la pôlarité & ſur les différens changemens que cette qualité ſubit par divers mouvemens, diviſions & inflexions dont ces aimans ſont ſuſceptibles, ſans paſſer par des opérations qui détruiſent la vertu magnétique, tel qu’eſt le feu.

Ces ſortes d’aimans ſont auſſi plus propres à recevoir pluſieurs pôles, que les aimans naturels ou ceux d’acier : on a donné à une de ces maſſes aſſez grande dix à douze pôles. On peut même leur donner autant de pôles, les uns près des autres, qu’on veut, par le ſimple attouchement du pôle d’une barre fortement aimantée, ou par l’attouchement d’un pôle d’un aimant naturel. Ils retiendront tous ces pôles. Nouv. exper. & obſervat. de phyſ, 1785 pag. 331 & ſuiv.

Aimant (armure de l’) (voyez Armure de l’aimant.)

Aimant (attraction de l’) (voyez Attraction magnétique.)

Aimant (centre magnétique) (voyez Centre magnétique.)

Aimant (communication de l’ ) (voyez Communication de l’aimant.)

Aimant (déclinaiſon de l’) (voyez Déclinaison de l’aimant.)

Aimant (direction de l’ ) (voyez Direction de l’aimant.)

Aimant (équateur de l’aimant) (voyez Équateur magnétique.)

Aimant (pôle de l’) (voyez Pôle de l’aimant.)

Aimant (inclinaiſon de l’) (voyez Inclinaison de l’aimant.)

Aimant (magaſin magnétique) (voyez Magasin magnétique.)

Aimant (répulſion de l’) (voyez Répulsion de l’aimant.)

Aimant (variation de l’) (voyez Variation de l’aimant.)

Aimantée (aiguille) (voyez Aiguille aimantée.)