Escales en Méditerranée/Visites du magicien

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Paris : Ernest Flammarion (p. 40-41).

VISITES DU MAGICIEN


J’ai reçu deux fois la visite du Magicien. Il est très beau. Son visage a la couleur du ciel et son vêtement la couleur de la mer. Il tient à la main une grande clé d’or, celle qui ouvre les portes du soleil. Sa double venue n’a été précédée d’aucun présage. Aucun cortège ne l’accompagnait. Il est entré silencieusement. Il souriait de se savoir inattendu et d’autant plus merveilleux. N’est-ce pas toujours par surprise que le bonheur vient à nous, qu’il ait le visage de l’amour ou l’une des figures de notre désir ?

J’ai reçu deux fois la visite du Magicien. La première fois qu’il m’est apparu il a fallu qu’il me dise le message qu’il m’apportait. C’est par lui-même que j’ai su qu’il était le maître des beaux voyages, que sa présence n’était qu’une réponse à mon appel, qu’il n’avait fait qu’obéir à mon injonction secrète, qu’il n’était que le serviteur tout-puissant de mes rêves. Dans la région mystérieuse où il résidait il avait entendu ma muette invocation. C’est pourquoi il m’apportait la grande clé d’or, celle qui ouvre la porte du soleil et les passages de la mer, et tandis qu’il me parlait son visage était plus clair que l’aurore dans le ciel et son vêtement plus éclatant que la lumière de midi…

J’ai reçu une seconde fois la visite du Magicien. Je croyais ne le revoir jamais et cependant il est revenu. De nouveau je l’ai suivi, de nouveau il me remit la clé magique. Quand elle m’a eu ouvert tout l’Orient je l’ai jetée dans la mer, et je sais qu’il ne me la rapportera plus. Que m’importe ! Je n’ai plus besoin du Magicien au visage couleur du ciel et au vêtement couleur de la mer. Le ciel et la mer se reflètent dans ma mémoire et, quand je me penche sur elle, elle me renvoie dans son miroir toutes les images de mon bonheur vagabond.