Esprit des lois (1777)/L29/C17

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CHAPITRE XVII.

Mauvaise maniere de donner des lois.


Les empereurs Romains manifestoient comme nos princes leurs volontés par des décrets & des édits : mais ce que nos princes ne font pas, ils permirent que les juges ou les particuliers, dans leurs différents, les interrogeassent par lettres ; & leurs réponses étoient appellées des rescrits. Les décrétales des papes sont, à proprement parler, des rescrits. On sent que c’est une mauvaise sorte de législation. Ceux qui demandent ainsi des lois sont de mauvais guides pour le législateur ; les faits sont toujours mal exposés. Trajan, dit Jules Capitolin[1], refusa souvent de donner de ces sortes de rescrits, afin qu’on n’étendît pas à tous les cas une décision & souvent une faveur particuliere. Macrin[2] avoit résolu d’abolir tous ces rescrits ; il ne pouvoit souffrir qu’on regardât comme des lois les réponses de Commode, de Caracalla, & de tous ces autres princes pleins d’impéritie. Justinien pensa autrement, & il en remplit sa compilation.

Je voudrois que ceux qui lisent les lois Romaines distinguassent bien ces sortes d’hypotheses d’avec les sénatus-consultes, les plébiscites, les constitutions générales des empereurs, & toutes les lois fondées sur la nature des choses, sur la fragilité des femmes, la foiblesse des mineurs, & l’utilité publique.


  1. Voyez Jules Capitolin, in Macrino.
  2. Ibid.