Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome II/X/5

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Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (1856)
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (IIp. 625-664).
LIVRE CINQUIÈME.


Chapitre premier[1]. — Récapitulation du quatrième livre et sommaire du cinquième.


Dans le livre précédent qui traitait des affections du poumon, j’ai, à cause de la communauté du sujet, mentionné brièvement le thorax et le cœur, remettant à ce cinquième livre le développement complet en ce qui les concerne. Comme le quatrième livre se termine par les accidents survenus au médecin Antipater, atteint d’abord d’une affection au poumon même, laquelle passa jusqu’au cœur, je crois préférable d’exposer toutes les affections de cet organe.


Chapitre ii. — Que les affections graves du cœur sont immédiatement suivies de mort. — Que celles du cerveau sont suivies d’une mort moins rapide quand elles laissent intacte la respiration, fonction à laquelle le cœur prenait une grande part, suivant Galien. — Comment arrive la mort dans les affections du foie et dans les affections morales.


Pour le cœur, comme pour les autres parties de l’animal, il faut définir quels symptômes présente une affection propre ou primaire, ou comme on voudra l’appeler, de cet organe, ou une affection liée à celle d’autres parties. Notre discours s’appuie sur des principes démontrés dans d’autres traités, où nous avons prouvé que le cœur est comme la source de la chaleur naturelle, et qu’il est nécessairement affecté quand l’animal doit mourir. Les principes qui régissent l’animal étant au nombre de trois (car outre le principe du cœur, nous avons démontré que l’encéphale fournit à toutes les parties de l’animal le sentiment et le mouvement, et que le foie est le principe de la faculté nutritive), la mort suit toujours les dyscrasies excessives du cœur ; en effet, le cœur étant vicié, toutes les parties sont atteintes en même temps. Comme nous avons démontré que ces parties agissent par suite du bon tempérament propre au cœur, si ce tempérament est détruit, leurs fonctions sont nécessairement détruites, et par conséquent aussi celles de l’encéphale et du foie ; mais l’abolition des fonctions de ces organes n’entraîne pas celle du cœur. En effet, quand même l’animal ne conserverait plus les fonctions de la sensibilité et de la volonté, quand même il ne se nourrirait plus, à l’exemple des animaux qui se tapissent, on peut le croire capable de vivre tant que le cœur n’est pas affecté. Souvent même nous voyons un homme privé d’intelligence, de sentiment et de mouvement vivre néanmoins plusieurs jours de suite ; de même que l’homme insuffisamment nourri par l’affaiblissement de la faculté du foie, continue à vivre longtemps. Mais si le cœur est privé de la respiration, on meurt à l’instant.

Ceux donc qui croient que le thorax ne contribue aucunement à la fonction de la respiration, ne peuvent découvrir la cause pour laquelle, dans les fortes apoplexies, les patients meurent immédiatement par la seule lésion du principe supérieur. Pour vous, vous ne serez pas embarrassés, étant fermement convaincus que le thorax est dilaté par des muscles tenant le principe de leur mouvement des nerfs qui leur viennent de la moelle cervicale, lesquels muscles, dans ces circonstances, sont privés de la faculté motrice dérivant de l’encéphale. Ainsi, si les deux principes n’étaient pas rattachés par la respiration, il nous serait possible parfois de vivre encore étant privés du principe supérieur. Peut-être par les mêmes raisons qui nous ont fait trouver la cause pour laquelle le cœur est lésé par l’affection de l’encéphale, dans les grandes apoplexies, quelqu’un pourra-t-il, en un autre sens, trouver la cause pour laquelle, dans les apoplexies moins fortes, dans les catalepsies et les engourdissements, dans les épilepsies et les léthargies, l’homme ainsi affecté ne meurt pas. Il la trouvera en remarquant comment, dans les susdites affections, respirent les patients. Il verra, en effet, qu’ils respirent fortement et avec peine, comme si un ligament empêchait la dilatation du thorax. Nous avons parlé assez longuement sur ce sujet dans notre traité Sur le mouvement des muscles (II, viii et ix) ; la question est la même que celle qui se rapporte au sommeil, état où, toutes les actions des muscles étant abolies, l’action seule des muscles qui meuvent le thorax est conservée. Pour le moment, il suffit d’entrer seulement dans les explications utiles au sujet actuel. En effet, de la même façon que l’on respire dans le sommeil, bien que tous les autres muscles soient à l’état de repos, on respire aussi dans les apoplexies qui ne sont pas graves et dans les autres affections analogues. Mais s’il survient une apoplexie ou quelque autre affection assez violente pour que l’action des muscles thoraciques soit entièrement abolie, il en résulte nécessairement l’abolition de la respiration, et en même temps celle du bon tempérament du cœur, que suit forcément la mort de l’animal. Par cette même raison, dans les lésions graves du principe supérieur, l’animal périt ; c’est d’une autre manière, dans les affections du foie, que les animaux meurent par défaut de nourriture ; aussi, avec de pareilles affections, prolongent-ils davantage leur existence : c’est encore d’une autre manière qu’on meurt à la suite de syncopes qui tiennent à l’estomac, de douleurs aiguës, de craintes violentes, de plaisirs excessifs. En effet, chez ceux dont l’énergie vitale est faible et dont les passions psychiques sont énergiques par défaut d’éducation, la substance de l’âme se dissipe aisément. Parmi ces gens-là, il en est qui sont morts de chagrin, mais non pas promptement, comme dans les cas précités. Les hommes d’une âme magnanime ne succombent pas au chagrin, ni aux autres passions plus puissantes que le chagrin. En effet, chez eux l’énergie de l’âme est grande et les passions sont faibles.


Chapitre iii. — Comment se produisent et se révèlent les affections du cœur et du péricarde (péricardite ?). — Terminaison de ces affections. — Curieuses observations d’anatomie pathologique faites sur des animaux.


Une affection propre du cœur provient souvent d’une dyscrasie simple, soit inégale, soit égale, ou d’une inflammation ou d’un érysipèle qui commence ; car l’animal ne tarde pas à mourir avant que ces affections aient grandi. Les syncopes cardiaques suivent de pareilles diathèses, comme les syncopes dues à l’orifice de l’estomac suivent les diathèses de cette partie, nommée aussi par quelques-uns στόμαχος. Ces diathèses se produisent encore par une affection sympathique du cœur. Les diathèses des deux parties, de l’orifice de l’estomac et du cœur, proviennent habituellement d’une seule dyscrasie violente, d’une humeur pernicieuse, parfois d’un érysipèle, d’une inflammation ou de quelque autre tumeur semblable contre nature. Les dyscrasies légères du cœur font varier le pouls, chacune selon sa nature. Nous en avons indiqué les différences dans un des traités Sur le pouls[2]. Quant aux dyscrasies graves, celles qui sont propres aux parties homoïomères ne sont pas suivies d’une mort rapide ; dans les dyscrasies organiques, la mort est instantanée, et annoncée par des signes préalables, parmi lesquels se trouve celui-ci, indiqué par Hippocrate (Aph., II, 41) : « Les personnes sujettes à des défaillances fréquentes et graves, survenant sans cause apparente, meurent subitement. » Un autre signe, ce sont les palpitations de cœur se produisant seules, ou accompagnées d’un mouvement du cœur qui semblerait s’agiter dans un liquide. Rien d’étonnant qu’il s’accumule dans la tunique qui enferme le cœur (péricarde) une quantité d’humeur telle qu’elle l’empêche de se dilater. En effet, en disséquant des animaux, nous avons souvent trouvé dans le péricarde une humeur abondante, semblable à de l’urine. — Un certain singe, que nos affaires ne nous avaient pas permis de disséquer, devint de jour en jour plus maigre. Après sa mort, nous trouvâmes toutes les autres parties de son corps saines ; mais dans la tunique du péricarde, il existait une tumeur contre nature, renfermant une humeur semblable à celle des hydatides. — Sur un coq, nous ne trouvâmes pas d’humeur, mais dans le péricarde il existait une tumeur squirrheuse, qui ressemblait à plusieurs membranes épaisses superposées. Il est donc vraisemblable que chez l’homme il survient des productions de cette espèce. — Nous vîmes des gladiateurs, manifestement atteints d’une inflammation du cœur, mourir de la même façon que les gens atteints de symptômes cardiaques. Si donc la blessure pénètre jusqu’à l’une des cavités du cœur, on meurt à l’instant d’un épanchement de sang, surtout quand c’est la cavité gauche qui se trouve blessée. Si la blessure n’a pas pénétré dans la cavité, mais s’est arrêtée à la substance du cœur, on a vu des individus qui survivaient, non-seulement le jour où ils avaient été blessés, mais encore la nuit suivante, la mort survenant par suite de l’inflammation. Tous conservent leur raison tant qu’ils vivent ; ce fait même témoignant en faveur de la vieille croyance, qui ne veut pas que l’âme rationnelle se trouve dans le cœur. On a vu beaucoup de jeunes gens et d’hommes sur le déclin, jouissant d’une santé irréprochable, atteints de palpitations subites de ce viscère sans autre symptôme visible ; tous ont été soulagés par une saignée. Plusieurs d’entre eux ont été entièrement délivrés de cette affection, s’étant soumis, après la saignée, à une diète débilitante et ayant pris des médicaments appropriés : quelques-uns, chez qui reparaissait la même affection, ont été guéris de la même manière. — J’ai connu un homme qui chaque année au printemps était sujet à des palpitations. Après avoir éprouvé, pendant trois ans, du soulagement d’une saignée, à la quatrième année, il prévint le retour du mal en se faisant saigner auparavant, et il continua ainsi plusieurs années, en adoptant le régime convenable à la suite de la saignée, Pourtant cet homme mourut avant la vieillesse, ainsi que meurent tous les autres, enlevés par de fréquentes syncopes, ceux-ci au milieu de fièvres aiguës, ceux-là dans un état de bonne santé : un ou deux moururent différemment sans syncope. La plupart des individus ainsi affectés comptaient moins de cinquante ans et plus de quarante. Le péricarde, de quelque affection qu’il soit atteint, est au nombre des parties sans importance, à moins qu’étant enflammé, sa diathèse ne se transmette par sympathie au cœur. Mais quand il est seul affecté, comme les parties analogues créées pour protéger et garantir d’autres parties plus importantes, il ne fait courir aucun danger (!). Du reste, le cœur ne provoque aucune dyspnée autre que celles qui ont été citées dans le livre précédent à propos de la dyspnée (IV, x). En général, le cœur produit l’espèce de dyspnée qui rend la respiration plus grande et plus fréquente en accélérant cette fonction, et en émettant un pneuma chaud ; au contraire, s’il éprouve une réfrigération, il cause une dyspnée opposée, dans laquelle la respiration devient petite et rare.


Chapitre iv. — Récapitulation et indication des sujets traités dans ce chapitre. — De la pleurésie. — Comment s’opère la communication entre la cavité du thorax (voy. IV, viii med. et Dissert. sur l’anatomie), espace vide, admis par Galien, entre la plèvre et le poumon, avec le poumon et la trachée-artère. — À ce propos, longue discussion contre Érasistrate sur le crachement de pus et le crachement de sang. — Des différentes espèces de pleurésies.


Le cœur, comme toutes les autres parties, présente des caractères différents, selon qu’il est atteint d’une affection propre ou sympathique. Toutes ces affections aboutissent nécessairement à la lésion de la respiration, car nous avons démontré que le cœur est l’organe propre de la respiration (voy. presque tout le livre VI de l’Util. des parties, et spécial. le chap. vii). Toutes les affections douloureuses qui y naissent rendent donc la respiration petite et fréquente. Comme nous l’avons établi dans notre ouvrage Sur la dyspnée (cf. plus haut IV, x), la même chose arrive quand ce sont les parties voisines et mues en même temps qui sont affectées. Nous avons dit précédemment, à propos des affections de la moelle (IV, vi, vii), comment la respiration est lésée sans que le thorax éprouve aucune affection propre, mais par suite d’une affection de quelqu’un des nerfs issus de la moelle, ou de la moelle elle-même. Certaines des affections propres du thorax se forment dans les muscles de ses parois ; d’autres dans la membrane qui tapisse les côtes (plèvre). Nous ne voulons pas traiter actuellement des affections propres à la peau et aux côtes qui présentent un lieu affecté visible aux sens. Les muscles du thorax étant donc de deux espèces, les uns qui remplissent les espaces dits intercostaux, les autres qui sont placés au dehors, les diathèses douloureuses des muscles externes, soit ulcères, ou contusions, ou abcès, ou érysipèles, ou inflammations, sont reconnues sans obscurité, au toucher, par les médecins ; mais les inflammations des muscles intercostaux et surtout des muscles profonds, car ils sont de deux espèces, comme vous savez (voy. Utilité des parties, VII, xx), échappent à notre tact ; elles sont plus douloureuses que les inflammations des muscles superficiels, et transmettent quelque chose du flux qui a produit l’inflammation à travers la plèvre, laquelle forcément participe à leur inflammation ; de même que dans une autre circonstance, quand cette membrane est atteinte d’une inflammation primaire, la portion interne des muscles intercostaux partage sympathiquement son affection.

La pleurésie complète résulte de l’affection primaire de la membrane ; aussi la douleur se propage jusqu’à la clavicule ou jusqu’aux hypochondres (cf. II, viii medio) ; jusqu’à la clavicule, si ce sont les parties supérieures de la membrane qui sont affectées ; jusqu’aux hypochondres, si ce sont les parties inférieures. Une fièvre violente accompagne dans tous les cas de semblables inflammations, le lieu affecté étant voisin du cœur et en rapport avec sa tunique et avec le diaphragme. Le pouls vous indiquera parfaitement si c’est la membrane qui est affectée plutôt que les muscles qui la touchent. Les muscles tendent moins l’artère et la rendent moins dure, la membrane la tend davantage et la rend plus dure. Une semblable dureté n’apparaît aucunement dans les affections du poumon. Le pus versé dans les cavités du thorax, passant dans les trachées-artères du poumon (bronches), est craché dans la toux, indiquant quelle humeur a causé l’inflammation ; humeur bilieuse, noire, pituiteuse ou sanguinolente. Les crachats sont pâles et jaunes avec l’humeur bilieuse, noirs avec l’humeur noire, écumeuse et blanchâtre quand l’humeur pituiteuse surabonde, comme ils sont rouilles quand c’est l’humeur sanguinolente qui est en excès. Que par la toux quelque chose soit rejeté des cavités de la poitrine par les crachats, c’est ce qu’on peut manifestement vérifier dans les diathèses où la blessure pénètre de dehors en dedans, soit que la perforation n’ait pas été cicatrisée, soit qu’un abcès considérable ait crevé des deux côtés, soit qu’il ait été ouvert, parce qu’on croyait qu’il se portait uniquement du côté externe, soit qu’on ait trouvé en l’ouvrant la membrane ulcérée, soit qu’une côte ait été excisée pour cause de sphacèle (nécrose), soit enfin que les médecins n’aient pu conserver intacte la membrane, l’ayant trouvée ulcérée ou pourrie. Dans toutes les diathèses semblables, quand nous versons de l’eau miellée dans les cavités du thorax, elle est crachée immédiatement en toussant, le patient lui-même reconnaissant au goût que c’est de l’eau miellée (voy. Dissert. sur la pathol.). Comment se produit ce résultat, et par quelles voies le liquide pénètre-t-il dans la trachée-artère, c’est ce qu’il est facile de découvrir quand on le veut, en se gardant de l’erreur commise par certaines gens embarrassés de trouver la cause, lesquels s’étaient persuadé peut-être qu’il n’y a pas de passage possible des cavités du thorax au poumon ; peut-être aussi feignaient-ils de le croire pour ne pas paraître dans le doute. Il faut être convaincu que le passage a lieu. Il apparaît clairement dans les blessures. Cherchons donc comment s’opère la communication, satisfaits si nous le trouvons ; mais tant que nous ne sommes pas sûrs de l’avoir trouvé, avouons notre ignorance plutôt que de nier le fait. Dans le cas de blessures pénétrantes cicatrisées par première intention, on voit des crachats sanguinolents qui indiquent que du sang provenant des blessures a coulé dans l’intervalle du thorax et du poumon. Dans les empyèmes aussi, on voit le pus arrêté en cet endroit, et craché en toussant. Il est conforme à la raison que les crachements de sang et de pus venant du thorax aient lieu de la même façon. Érasistrate, recherchant les voies que suivent les crachats, écrit des choses incroyables dans son livre Sur la sortie du sang.

Le passage est tel : « Voici la route suivie par les humeurs qui de ces lieux remontent pour être rejetés. De l’artère adjacente au rachis (aorte), sortent de chaque côté des ramifications de vaisseaux, aussi bien à droite qu’à gauche (art. intercostales). Celles-ci, se subdivisant considérablement dans les parties voisines, arrivent à n’être plus perceptibles aux sens. Lors donc que ce sang s’égare dans ces artères (Voy. Dissert. sur la phys. et la pathol.), parfois il remonte par l’artère vide aux lieux voisins du poumon et par les attaches qui réunissent le poumon à l’artère au niveau du rachis, car c’est encore une voie que suivent les épanchements pour venir au poumon. Nous avons dit plus haut comment du poumon ils remontent pour être expulsés. »

Dans ce passage Érasistrate indique clairement que les artères détachées de la grande artère vers chacun des espaces intercostaux, ayant reçu du sang par les orifices qui aboutissent à la partie enflammée, le reportent à la grande artère dérivée du cœur et étendue le long du rachis. De cette artère, il remonte aux parties voisines du poumon, dit-il, sans ajouter comment cela se fait et par quelles voies, mais il écrit immédiatement après : « et par les attaches qui réunissent le poumon à l’artère au niveau du rachis. » Car c’est encore là, dit-il, une voie que suivent les épanchements pour venir au poumon. Mais comment cela s’opère-t-il et par quelles attaches ? c’est ce qu’il n’ajoute même pas en cet endroit. La question demeure donc toujours au même point, Érasistrate n’ayant répandu sur elle aucune clarté, bien qu’il eut promis une explication claire dans tous ses traités et dans ce livre même qui a pour titre : De la sortie du sang. On trouvera l’explication d’autant plus mauvaise qu’Érasistrate lui-même la soupçonne d’être telle. C’est donc avec intention qu’il semble se servir de termes obscurs afin de paraître dire quelque chose, en ne disant rien du tout. En effet, il laisse son explication au point même en question ; il dit clairement comment des côtes le sang va à la grande artère, sans ajouter comment de cette artère il se rend aux parties voisines du poumon, suivant son expression. Cette expression même « les lieux voisins du poumon, » quand il pouvait dire « le poumon », indique qu’il obscurcit volontairement son langage ; et cela il le prouve immédiatement en disant : « Il a été dit plus haut comment du poumon le sang remonte pour sortir. » Il paraît ainsi, en mentionnant la sortie du sang, nous apprendre comment elle s’opère, comme si de la grande artère le sang était porte au poumon. Nous savons qu’il a été d’abord parlé de crachement de sang venu du poumon, et nous reconnaissons que cela a été dit clairement, mais nous voudrions qu’il se fût exprimé aussi clairement sur le transport de la grande artère dans le poumon, par exemple quand il dit : « Que le trajet du sang au poumon a lieu par les attaches qui réunissent le poumon à l’artère au niveau du rachis. » Il n’indique pas là de quelles attaches il veut parler. En effet, si ce transport se fait à travers des membranes ou des corps fibreux, l’auteur ne gagnera rien en ce qui concerne l’arrivée au poumon du sang contenu dans la grande artère. Il faut que de l’artère dérivent des vaisseaux qui transportent le sang au poumon, comme les sectateurs d’Érasistrate disent que cela s’opère par le moyen de l’artère située sous le poumon (artères bronchiques) ; car, les extrémités imperceptibles de cette artère paraissent aboutir à la trachée-artère, et elle-même dérive de la grande artère avant qu’elle arrive au rachis. Les partisans d’Érasistrate tirent de l’existence de cette artère même un double argument, et viennent en aide à leur maître pour expliquer, soit la sortie même du sang du poumon, soit, en un autre endroit, la naissance de l’inflammation du poumon. En effet, à propos de celle-ci, les adversaires d’Érasistrate leur objectaient que, dans les hypothèses de ce dernier, il était impossible que l’inflammation se produisît ; car Érasistrate, pour expliquer comment naît l’inflammation, veut que le sang épanché dans les artères, venant à rencontrer le pneuma venu du cœur, soit comprimé et refoulé aux extrémités des artères, excepté dans les cas où parfois les artères étant blessées, et le pneuma s’étant échappé par la blessure, elles reçoivent le sang pour remplacer ce qui est évacué. Ils prétendent donc que dans ce cas l’inflammation ne peut naître dans les artères du poumon, car si du sang s’épanche dans ces artères, il ne rencontre plus le pneuma. Les artères du poumon sont les seules, prétendent-ils, où le pneuma du cœur n’est pas apporté comme dans toutes les autres artères ; ce sont elles, au contraire, qui fournissent au cœur le pneuma que les artères lisses empruntent aux trachées-artères par l’inspiration. Ils prétendent que cette artère, qui, de l’artère du rachis, va au poumon (artères bronchiques), est susceptible d’inflammation à ses extrémités et qu’elle produit la sortie du sang du thorax. Mais notre but actuel n’est pas de traiter de l’inflammation.

La translation du sang que les Érasistratéens prétendent s’effectuer de la grande artère dans le poumon, ne nous paraît pas bien prouvée ; car d’abord il est impossible que le sang se porte des espaces intercostaux à la grande artère ; en effet, il rétrogradera immédiatement, étant repoussé par le pneuma qui, du cœur, est envoyé par la grande artère dans les artères intercostales. Ensuite, quand nous accorderions que cela a lieu, et que nous poserions en fait que le sang est porté à la grande artère, le raisonnement n’en deviendrait que plus absurde, d’après les hypothèses mêmes d’Érasistrate. En effet, il prétend que le pneuma, poussé par le cœur dans cette artère et conservant l’impétuosité de son cours, se porte dans tout le corps par les artères issues de celle-ci ; en sorte que, par une seule pression de l’artère, le pneuma arriverait aux extrémités des pieds avec une vitesse qui dépasserait, à ce qu’il prétend, les vents les plus fougueux. Il est impossible qu’un courant aussi fort ne chasse pas aussitôt le sang de la grande artère dans toutes les parties du corps. Dans leur théorie, les Érasistratéens poussent le sang dans une seule artère qui se porte au poumon, comme si ce sang était intelligent et savait par quelle voie il sera évacué le plus facilement. Mais cette supposition même est en désaccord avec le fait dont nous nous occupons actuellement, et par lequel on constate que le sang est évacué très-promptement par la trachée-artère. En effet, si les extrémités de ces artères sont assez larges pour que le sang qui s’y épanche jouisse d’une évacuation très-rapide, il n’est pas possible qu’il s’y enclave pour engendrer une inflammation ; car l’enclavement est le contraire de la sortie libre.

Ce qui est plus étonnant encore, c’est qu’Érasistrate lui-même, écrivant ensuite avec beaucoup de soin sur l’évacuation du pus qui a lieu dans les pleurésies et dans les empyèmes, n’ait pas compris la contradiction que les deux raisonnements paraissent impliquer entre eux pour nous et pour tout le monde. On la saisira évidemment en lisant son texte que nous transcrivons et qui est ainsi conçu : « Dans ces mêmes affections a lieu parfois l’évacuation d’un pus abondant. La cause en est dans le parcours des vaisseaux. En voici un aperçu : Une veine considérable, dérivée du cœur, longe le rachis, se terminant au lieu où le diaphragme naît des vertèbres (veine azygos), De cette veine dérivent les veines qui longent les côtes et qui sont adjacentes aux artères. Quand donc il se forme en ces lieux un ulcère ou un abcès produisant une collection de pus assez abondante, il ne peut s’épancher aisément dans l’espace entre le poumon et les côtes, la membrane qui tapisse les côtes étant fibreuse, forte et difficile à pénétrer. Ce pus se répand dans les vaisseaux intérieurs de la membrane. La veine étant plus ténue et plus faible que l’artère, les vaisseaux de cette espèce sont rongés par le pus avant les artères. Par ces ouvertures a lieu l’épanchement du pus dans les veines. La sortie du pus ne s’effectue pas dans les lieux inférieurs parce que les veines n’y parviennent pas, mais il s’arrête, comme il a été dit, à la naissance du diaphragme. Les lieux contigus se remplissant toujours, le pus doit nécessairement remonter vers les lieux élevés. Il faut donc réfléchir à l’action du poumon dans la respiration, à l’attraction et à l’expulsion du pneuma et des humeurs, et songer que de la même façon le pus remonte des côtés au poumon. Quant à la façon dont a lieu sa sortie du poumon, cela a été dit auparavant. »

Dans ce passage Érasistrate prétend avec raison que le pus arrivé dans les veines ne peut pas descendre plus bas que le diaphragme, la veine qui nourrit les huit côtes inférieures du thorax, mais non pas toutes les côtes, allant jusqu’au diaphragme. Je ne veux pas ici chicaner sur la question de savoir si une petite portion de cette veine dépasse. Mais comment ce pus est-il craché ? Il n’a pas cherché dès le principe à l’expliquer et aucun de ses successeurs ne l’a essayé[3]. En effet, s’ils prétendent qu’une artère détachée de la grande artère se porte au poumon, ils ne peuvent pas pour la veine le prétendre avec la même raison ; car si l’on n’aperçoit pas nettement l’artère (artères bronchiques) se distribuer dans le poumon, on la voit du moins située sous le viscère et envoyant des ramifications jusqu’à la trachée-artère ; mais une veine se portant de la grande veine du rachis au poumon, jamais nous ne l’avons vue, jamais aucun anatomiste n’en a fait mention et Érasistrate lui-même n’a pas osé en parler ; car tout le monde convient que le poumon reçoit par un seul vaisseau le sang de la cavité droite du cœur (artère pulmonaire). II faudra donc que le pus venu des côtes à la veine du rachis, aille d’abord au cœur, puis dans la veine qui du cœur se porte au poumon ; puis, en troisième lieu, passe de celle-ci dans les trachées-artères du poumon, et après cela il faudra un accès de toux capable de le faire remonter dans la bouche. Érasistrate a omis de dire de quelle façon s’opère la séparation du pus d’avec le sang auquel il est mêlé, négligeant ce point comme d’un intérêt médiocre et vulgaire, et comme s’il ne renfermait pas essentiellement en lui la question tout entière. On ne peut pas dire, en effet, que le sang contenu dans la veine qui est sur le rachis (veine azygos) est destiné à remonter au cœur. Tout au contraire, cette veine, issue de l’oreillette droite du cœur[4], porte avec elle le sang qui doit nourrir toutes les parties du thorax répondant aux huit côtes inférieures, et non pas celles des quatre côtes qui lui sont supérieures, car les veines qui nourrissent ces parties naissent de la veine qui remonte au cou dans le lieu situé entre le cœur et la clavicule (veine cave descendante). Ainsi les raisonnements d’Érasistrate mènent à cette absurdité. En effet, le pus remontant des quatre côtes supérieures du thorax à la veine cave, sera entraîné principalement dans les veines qui vont au cou, aux omoplates, à la tête et aux bras, et aussi dans les veines de l’animal entier.

Telles sont les absurdités qui résultent des écrits d’Érasistrate. Ajoutez encore à cela qu’il a négligé dans son raisonnement de parler de la cause. En effet, en disant que le pus ne s’épanche pas facilement dans l’espace situé entre le poumon et les côtes, parce que la membrane qui tapisse les côtes est fibreuse, forte et difficile à diviser, il ne nie pas que le pus ne s’épanche quelquefois dans ce lieu, mais il ajoute le mot : « difficilement. » Il fallait donc rendre compte de ce fait qui a lieu difficilement, mais pourtant qui a lieu quelquefois, en enseignant les voies par lesquelles le pus est craché dans les empyèmes. En effet, si nous avons vu périr nombre de gens ainsi affectés, nous en avons vu aussi beaucoup qui ont été sauvés ; si l’on recueillait le pus rejeté par eux chaque jour, on trouverait un total parfois de six ou huit cotyles, parfois même de dix, ou plus encore. Mais je ferai une remarque que je fais bien souvent : beaucoup de médecins, ne pouvant expliquer les causes de faits très-évidents, nient ces faits, et pourtant, comme je le disais (p. 631, l. 22), tous les gens blessés qui ont des plaies pénétrantes de poitrine, rejettent immédiatement en toussant l’hydromel injecté par leur blessure. Bien plus, certains blessés, dont les plaies nombreuses ont été guéries par la méthode dite agglutinative ou destinée aux plaies sanglantes, crachent dans les premiers jours une matière purulente, lorsque tout le sang n’a pas été convenablement ni exactement exprimé par la blessure quand on secouait l’homme ainsi blessé. « Mais, dit Érasistrate, la membrane qui tapisse les côtes est forte, fibreuse et malaisée à diviser ; » ajoutez encore, si vous voulez, que la membrane qui enveloppe le poumon est douée de la même nature que l’autre ; c’est pourquoi l’une (la plèvre costale) ne laisse pas passer dans les cavités du thorax le pus [que contiennent les veines superficielles] ; l’autre (la plèvre pulmonaire), ne se charge pas non plus de le transmettre dans le poumon. Dites donc encore que le derme, beaucoup plus fort et plus épais que ces membranes pendant la réunion des fractures, ne permet pas le passage de l’humeur sanguinolente, qui, nous l’avons vu chez certaines personnes, sort si abondamment qu’elle humecte des bandages entiers. Si un tel fait se produit, il n’y a encore rien d’étonnant que la même chose ait lieu aussi à travers de minces membranes. Il eût donc mieux valu qu’Érasistrate ne mît pas en doute ce fait[5], mais bien plutôt qu’il fût fermement convaincu que l’humeur qui se trouve entre le thorax et le poumon pénètre dans les trachées-artères {bronches) du poumon, et qu’elle ne va ni dans les artères lisses (artères proprement dites), ni dans les veines. En effet, suivant le même Érasistrate, ces trois espèces de vaisseaux se prolongeant ensemble et se divisant ensemble, aboutissent par leurs orifices extrêmes à la membrane qui enveloppe le poumon. Les trois orifices étant proches les uns des autres, Érasistrate aurait dû s’enquérir pourquoi la transmission a lieu dans un seul d’entre eux. En effet, il vaut mieux chercher comment les faits ont lieu que de s’efforcer de prouver qu’ils n’ont pas lieu. Et pourtant elle ne paraît pas embarrassante ni difficile à trouver, la transmission au poumon des humeurs contenues dans le thorax, transmission qui peut avoir lieu par les extrémités de la trachée-artère, Ces extrémités, en effet, n’ont pas la même étroitesse que celles des artères lisses et des veines ; d’abord, parce que la plus grande partie de la substance des trachées-artères est formée de cartilage qui ne peut arriver au dernier degré d’affaissement ; et, en second lieu, parce que la trachée-artère est beaucoup plus large que les deux autres vaisseaux. Ces deux vaisseaux se divisant donc dans le poumon en ramifications égales en nombre, il est naturel, pour maintenir toujours la proportion, que les ramifications de la trachée-artère surpassent en volume les parties des deux autres espèces de vaisseaux. Cela parait très-nettement, et l’on voit, en disséquant le viscère, que les vaisseaux placés les uns près des autres conservent toujours la même proportion eu égard à la supériorité de grandeur que les plus grands avaient dès le principe.

Érasistrate aurait dû dire cela, puis ajouter dans quelle circonstance le pus passe des cavités du thorax dans le poumon ; si c’est dans le moment de l’inspiration, de l’expiration ou du repos[6] ; ensuite, ayant montré que ce n’est ni dans le moment de l’inspiration, ni dans celui du repos, il aurait dit immédiatement que le passage a lieu au moment de l’expiration. Cela était très-facile à démontrer quand on avait établi d’abord que l’action de la respiration est accomplie par le thorax, le poumon n’ayant aucun mouvement propre ; mais quand le thorax se dilate, il se dilate aussi pour remplacer le vide opéré ; quand le thorax se contracte, il s’affaisse sur lui-même comme une éponge que nous pressons en serrant la main. C’est ainsi qu’on voit le lobe du poumon faire saillie à travers la blessure dans les grandes plaies. Mais, quand il n’y a pas de blessure, le thorax en se contractant presse vigoureusement et fait entrer l’humeur renfermée entre le thorax et le poumon dans les trachées-artères du poumon. Ne croyez pas le mot vigoureusement (txpoSpco ?) ajouté par négligence à la phrase. Car si le thorax ne presse pas très-vigoureusement le poumon de toutes parts, l’humeur ne passera pas dans les orifices des trachées-artères. C’est pourquoi la nature, pour ajouter à l’énergie de la pression, a doué les animaux de ce qu’on appelle la toux, symptôme physique semblable à l’éternument, au hoquet et aux nausées dont nous avons suffisamment parlé dans notre ouvrage Sur les causes des symptômes (II, iv). Il arrive assez souvent dans les affections purulentes que les patients, ayant besoin de vigueur pour produire ce symptôme physique, meurent, comme cela s’entend de soi-même, pour n’avoir pas la force de tousser. En effet, la contraction très-énergique et très-prompte du thorax engendre la toux. Or, dans l’épuisement de force, on ne peut agir avec énergie ni promptitude.

Il suffit de ces détails sur le crachement des humeurs fournies par les cavités du thorax. Revenons au sujet que, dès le principe, nous nous sommes proposés de traiter. Les inflammations de la membrane qui tapisse les côtes, et les muscles faisant suite à cette membrane, produisent la maladie nommée pleurésie, laquelle présente des symptômes constants : une fièvre aiguë, une douleur comme en produiraient les parties tendues ou piquées, une respiration fréquente et petite, un pouls petit, faisant sentir une artère dure avec une certaine tension, une toux accompagnée le plus souvent de crachats colorés (cf. IV, viii med.), non suivie de ces crachats dans les cas rares de pleurésies dites sans crachats et sans coction, lesquelles enlèvent promptement le malade ou se résolvent dans un temps assez long. Les pleurétiques présentent encore une douleur qui remonte ordinairement jusqu’à la clavicule ou descend jusqu’à l’hypochondre. Il existe d’autres douleurs des côtés, accompagnées de fièvre, dans lesquelles la respiration devient nécessairement fréquente et petite, et où rien n’est craché ; elles sont, en ce point, semblables aux pleurésies sans crachat. Elles se distinguent aisément de ces dernières par l’absence complète de toux, tandis que la toux est sèche dans les pleurésies sans crachat, par ce fait que le pouls n’éprouve absolument ni tension ni dureté, et, de plus encore, en ce que la fièvre n’est pas aussi aiguë. Les malades sont moins tourmentés par la dyspnée ; il en est qui souffrent quand on presse extérieurement le lieu enflammé. Dans ce cas l’évacuation n’a pas lieu par les crachats, à moins que, dès le principe, il n’arrive au début, dans les cavités du thorax, quelque partie de l’humeur qu’a produite l’inflammation. Quand cette humeur est cuite, s’il n’y a pas eu résolution antérieure du pus qui s’est produit, ce pus vient aboutir au derme et on pratique une incision.


Chapitre v. — Des phrénitis qui dépendent de l’encéphale et de celles qui tiennent à l’inflammation du diaphragme. — Discussion incidente sur les mots φρένες et διάφραγμα. (Voy. à ce sujet la Dissertation sur les termes anatomiques.)


La limite (paroi) inférieure du thorax est appelée phrènes (φρένες, diaphragme) par tous les anciens, que ce terme se soit présenté sans raison à leur idée, ou, comme le pensent certaines personnes, parce que l’inflammation de cette partie trouble l’intelligence (φρόνησις) des malades. Depuis Platon on commence à l’appeler diaphragme, quoique lui, comme les autres auteurs anciens, le nomme encore phrènes ; il croyait, en effet, que chez les animaux cette partie fait l’office d’une cloison (διάφραγμα), puisqu’il sépare l’âme irascible enfermée dans le cœur de l’âme concupiscente contenue dans le foie. Après lui, les médecins s’accoutumèrent à le nommer diaphragme, sans s’inquiéter de l’ancienne dénomination, ce qu’ils firent aussi pour la moelle dorsale. En effet, le nom de la substance propre de celle-ci est moelle, comme le nom de l’organe actuellement en question est phrènes. Pour la distinguer, on lui ajouta le surnom de dorsale, de cervicale, de spinale, de lombaire ; plus tard, presque tout le monde s’habitua à l’appeler simplement la dorsale (νωτιαίος). Ici encore, délaissant le nom de phrenes, on se sert de celui de diaphragme. Aristote[7] nommait cette partie de l’animal ceinture (ὑπόζωμα), ne sachant pas lui non plus l’importance de son action si utile aux animaux. En effet, il est l’organe de la respiration ; affecté, il la gêne donc naturellement, comme nous l’avons dit précédemment en traitant de la dyspnée (IV, vii), lorsque, décrivant les affections du diaphragme dérivées sympathiquement de celles de la moelle dorsale et des nerfs issus de cette moelle, nous exposions aussi les affections propres de ce même organe.

Citons maintenant les autres affections qui lui surviennent par sympathie avec le principe supérieur (l’encéphale). Avant l’accès de délire, il produit une respiration fréquente et petite. Pendant le délire, il produit une respiration inégalement variée, comme cela a été démontré dans l’ouvrage Sur la dyspnée (cf. plus haut IV, x). Le délire résulte encore d’un mauvais état de l’estomac (cf. IV, x med.), de fièvres ardentes, de pleurésies et de péripneumonies ; ceux qui proviennent du diaphragme se rapprochent de la phrénitis ; car dans les affections des autres parties et dans les fièvres ardentes, le délire s’apaise à leur déclin. Le caractère propre et essentiel des phrénitis, c’est que le délire ne s’apaise pas au déclin de la fièvre ; dans cette maladie, l’encéphale n’est pas affecté par sympathie, il souffre d’une affection propre et primaire ; aussi cette affection se développe peu à peu, et le délire ne se déclare pas subitement ni promptement, comme pour les autres parties que je citais tout à l’heure. Des signes assez nombreux précèdent l’établissement de l’affection, et ils reçoivent tous ensemble la dénomination de signes phrénétiques ; ils ont été décrits par tous nos prédécesseurs. Parmi ces signes l’on compte comme antécédents, soit des insomnies ou des sommeils troublés par des visions distinctes qui arrachent des cris et font lever en sursaut, soit des oublis sans motif ; ainsi, l’on voit des malades qui ayant demandé le vase n’urinent pas, ou qui ayant uriné oublient de le remettre, ou qui font des réponses tumultueuses ou extrêmement effrontées, surtout lorsque auparavant ils étaient modestes. Tous ces malades boivent peu, leur respiration est grande et rare ; leur pouls est petit et nerveux : parfois aussi ils éprouvent une douleur à l’occiput. Quand l’accès va se déclarer, ils ont les yeux extrêmement secs, ou bien une larme âcre s’échappe de leur paupière ; puis leurs yeux deviennent chassieux avec injection des veines ; le sang coule de leurs narines ; et lorsque leurs réponses ne sont plus parfaitement sensées, ils cherchent des flocons et des fétus (crocidisme et carphologie) ; leur fièvre, plus sèche, n’éprouve de grands changements en aucun sens, tandis que, dans d’autres fièvres, si les accès sont très-violents, les déclins sont supportables. Citerai-je d’autres signes : que les malades ont la langue rugueuse, que parfois ils entendent de travers, et parfois tristement couchés répondent à peine, ou ne sentent absolument aucune douleur à une partie quelconque qui serait affectée, même si on la touchait assez fortement. C’est ainsi que, graduellement, l’affection du cerveau engendre la phrénitis, mais aucune autre partie ne cause un délire continu, sinon le diaphragme. En effet, le délire est presque continu dans ce cas, aussi les anciens jugeaient-ils que l’inflammation de cette seule partie produisait la phrénitis, et l’ont-ils nommée phrènes, dans l’opinion qu’elle a de l’influence sur la partie pensante. Le délire produit par cet organe se distingue de la phrénitis par les symptômes des yeux, par l’écoulement du nez et par le mode de la respiration. En effet, dans la phrénitis qui tient à l’encéphale, la respiration est toujours grande, et se fait à de longs intervalles ; dans la phrénitis qui dépend du diaphragme, elle est inégale, tantôt courte et fréquente, tantôt grande et gémissante. Au début de l’inflammation du diaphragme et avant le délire, la respiration est petite et fréquente, à l’inverse de ce qui a lieu dans les affections de l’encéphale, lesquelles sont précédées d’une respiration grande et rare.

En résumé, parmi les symptômes signalés tout à l’heure comme précédant la phrénitis, aucun ne se présente, ou il ne s’en présente que peu au début de l’inflammation du diaphragme. Au contraire, la contraction de l’hypochondre est un caractère qui se présente dès le début des affections du diaphragme, et un de ceux qui surviennent ultérieurement dans les affections de l’encéphale quand l’affection est déjà déclarée et non plus commençante. La chaleur aussi est plus forte à la tête et au visage chez ceux dont le délire vient de la tête même. Pour les autres affections du diaphragme, soit primaires, soit sympathiques, les unes sont étrangères à notre sujet, c’est-a-dire celles où le lieu affecté est rendu manifeste, tant par les autres symptômes que par les abcès qui y surviennent ; les autres ont été exposées dans le livre précédent (chap. ix et x).

Chapitre vi. — Des affections primaires et sympathiques de l’œsophage. — À ce propos Galien parle du nom qu’a reçu l’œsophage dans l’antiquité.


L’organe situé entre le pharynx et l’orifice supérieur de l’estomac, organe que les anciens nommaient œsophage, est appelé ordinairement canal d’embouchure (στόμαχος) par les écrivains postérieurs à Aristote, qui lui-même ne désigne pas toujours cette partie de l’animal par son ancien nom. Il a une double utilité : il sert de voie aux aliments avalés ou vomis ; en second lieu, il contribue activement en quelque chose à ces deux transports, soit que les aliments descendent de la bouche dans l’estomac, soit qu’ils remontent de l’estomac à la bouche. En effet, possédant deux de ces parties que les anatomistes nomment tuniques, il attire avec l’une les aliments liquides et solides dans l’estomac, et avec l’autre les expulse dans les vomissements. II est donc exposé naturellement à deux espèces d’affections, l’une comme voie des aliments, l’autre comme organe des vomissements et des déglutitions. De ses deux utilités, l’une évidemment est nécessaire en tout temps, l’autre dans certaines circonstances seulement. Comme voie des aliments, il présente une espèce de symptômes lorsque, par suite d’une tumeur contre nature, sa capacité se trouve rétrécie ; l’autre, lorsqu’il ne peut plus accomplir ses fonctions propres. Nous avons dit précédemment (IV, vi), en parlant de l’angine qui suit la luxation des vertèbres cervicales, que la compression exercée, par la vertèbre déplacée produit dans le canal, un rétrécissement accidentel. Maintenant qu’on se rappelle ce fait et aussi comment se produisent les tumeurs des muscles qui entourent le canal, car nous les avons toutes décrites dans notre livre Sur les tumeurs contre nature : un point commun à toutes, c’est, dans l’acte de la déglutition, un rétrécissement parfois tel que la boisson remonte au nez. Lorsque le rétrécissement est causé par une inflammation propre, et non plus produit par les parties voisines, une douleur vive se fait sentir pendant la déglutition, en même temps que les aliments ont peine à passer, surtout lorsque le patient cherche à avaler étant couché sur le dos ; c’est pourquoi les malades font effort pour changer de place et se dresser sur leur séant, surtout par le fait même que dans cette position ils avalent plus facilement, la pente suivie par les aliments ne contribuant pas peu à leur descente, et souvent suffisant seule à l’effectuer, après que les aliments venus de la bouche sont poussés dans le commencement de l’œsophage. Dans la position sur le dos, aucun secours n’est fourni par la pente du canal ; mais l’acte de la déglutition est accompli par la seule action de ce canal. Or, vous savez que toutes les parties enflammées soufrent en agissant, et sont soulagées en se reposant.

Le canal étant doué de sensibilité, on peut se servir encore de ce privilège pour le diagnostic des affections qu’il éprouve, en interrogeant le patient lorsqu’il n’est pas complétement stupide, mais qu’il peut expliquer clairement ce qu’il souffre ; car s’il est capable de donner cette explication, les sensations du canal offrent le plus grand avantage pour le diagnostic des affections qui y ont leur siége. En effet, les malades se plaignent, tantôt qu’ils y ressentent de la faiblesse, les aliments ayant beaucoup de peine et mettant beaucoup de temps à traverser le canal qui les transporte, tantôt que, dans la première impulsion, ces aliments descendent facilement, puis qu’ils s’arrêtent comme s’il y avait obstruction, puis qu’ils parcourent le reste du trajet sans gêne et très-facilement. Le premier phénomène indique une atonie de la fonction, le second un rétrécissement en une partie du canal. On peut connaître les différences de l’un et de l’autre par les autres symptômes : pour l’atonie, quand elle est produite par une simple dyscrasie, sans tumeur contre nature, la lenteur du trajet des aliments ingérés est égale ordinairement, et sans douleur ; cette lenteur est accrue dans le décubitus sur le dos, et diminuée dans les positions perpendiculaires du cou ; ce rétrécissement n’est pas ordinairement accompagné de douleur. Mais l’atonie avec tumeur produit un rétrécissement dans une partie plus que dans les autres, et dans cette partie le trajet est lent. Lorsque la tumeur est inflammatoire ou érysipélateuse, il y a douleur, soif, sentiment de chaleur vive, avec fièvre, mais ni très-ardente, ni proportionnée à la soif. Si la tumeur n’est pas une tumeur très-chaude, il n’y a ni fièvre, ni chaleur, ni soif, mais inégalité dans la déglutition, les aliments étant arrêtés dans une partie, et plus encore si les malades avalent des morceaux gros et durs ; il y a aussi douleur légère.

Dans un certain cas, de semblables symptômes s’étant présentés longtemps, accompagnés, parfois de fièvres passagères, parfois de frisson, comme nous conjecturions à l’œsophage l’existence d’un abcès d’une coction difficile, au bout de quelque temps il arriva au malade même d’éprouver une sensation de rupture, à la suite de laquelle il vomit du pus immédiatement, le jour suivant et le surlendemain ; puis il lui survint successivement tous les autres signes de l’ulcération de l’œsophage. En effet, les aliments âcres, acides, salés et acerbes lui causaient au passage une sensation de mordication ou de constriction ; il souffrait à cet endroit, mais moins il est vrai, même s’il n’avalait rien ; car les aliments piquants et astringents rendaient le mordant de la douleur plus vif. Après un long espace de temps, cet homme en réchappa à grand’peine, grâce encore à sa jeunesse. Tous ceux qui étaient plus âgés que lui [et qui se trouvèrent dans le même cas] ont succombé. Toutes les personnes qui souffrent d’une affection de l’œsophage éprouvent une douleur manifeste dans le dos. La cause en est évidente pour vous qui avez vu ce canal étendu sur le rachis. II est clair que les malades vomissent le sang qui vient des vaisseaux de l’œsophage, de la même façon que s’il venait de tout autre vaisseau [de la poitrine]. Les vomissements de sang, à la suite d’une rupture, sont accompagnés de douleurs, et indiquent le lieu où la rupture a eu lieu. La même indication est fournie par les vomissements de sang, qui résultent d’une érosion ou corrosion (διάβρωσις ἢ ἀνάβρωσις), ou comme on voudra l’appeler. Ceux qui ont lieu par une simple ouverture de l’orifice des vaisseaux (ἀναστόμωσις[8]) ; sont complétement exempts de douleur, et se distinguent des autres par cette circonstance même, et parce qu’ils ne résultent ni d’un coup violent, ni d’une chute, ce qui est ordinairement le cas des ruptures. Parfois cependant, sans cause extérieure, il survient des ruptures de vaisseaux par pléthore. Les vomissements de sang à la suite d’érosion, sont précédés d’une ulcération, laquelle est produite par les ruptures des vaisseaux et par les flux d’humeurs malfaisantes, comme on en voit souvent survenir au derme.

Chapitre vii. — Des affections de l’estomac et particulièrement de son orifice, et du retentissement qu’elles ont sur les autres organes, principalement sur le cœur et l’encéphale.


Les anciens appelaient cardia l’orifice de l’estomac, l’ayant ainsi nommé, disait-on, à cause des symptômes que ses affections amènent. Car il est des gens qui ne sont pas seulement pris de syncopes tenant à l’orifice de l’estomac tout aussi bien que de syncopes tenant au cœur, mais qui sont pris encore de spasmes, de carus, d’épilepsies et de mélancholies tenant à cet orifice, et aussi des symptômes de suffusions, comme il a été dit dans le livre précédent (chap. ii), lorsque nous parlions des yeux. Tous ces symptômes dépendant du cardia surviennent par sympathie avec d’autres parties ; car, par sa nature propre, il ne produit que l’inappétence et la corruption des aliments surnageant, tandis que les aliments qui, par leur nature, sont fixés au fond de l’estomac, surtout s’ils sont rebelles à la corruption, n’éprouvent rien de semblable. Il faut donc faire bien attention aux affections qui s’y déclarent par sympathie et les distinguer des affections primaires produites dans ces parties, dont les actions sont lésées par les affections de l’orifice de l’estomac, nommé cardia par tous les anciens, et στόμαχος (canal) par les modernes. Les signes précurseurs rendent cette distinction manifeste pour un homme versé dans le diagnostic. Car certaines particularités qu’on ne peut pas énoncer s’ajoutent aux symptômes susceptibles d’être énumérés, et confirment le diagnostic des parties affectées. Chacun saura trouver ces particularités pour son usage. J’exposerai seulement les bases, pour ainsi dire, du diagnostic, qui serviront, aux travailleurs à apprendre par eux-mêmes ces particularités qu’on ne saurait dire.

Un jeune grammairien était pris d’un accès d’épilepsie toutes les fois qu’il avait professé avec trop de véhémence, ou qu’il s’était livré à la méditation, à une abstinence prolongée ou à la colère. Je conjecturai qu’il avait une affection à l’orifice de l’estomac qui, chez lui, était très-sensible, et que, par sympathie, l’encéphale agitait le corps entier de convulsions. En conséquence, je lui prescrivis de s’inquiéter uniquement d’une coction (digestion) régulière, de manger à la troisième ou quatrième heure (vers 10 heures du matin) un pain soigneusement préparé, tout seul s’il n’avait pas soif, et s’il avait soif, de boire avec de l’eau d’un de ces vins blancs et légèrement astringents ; car ces vins fortifient l’estomac et ne portent pas à la tête comme les vins forts. Avec un tel régime, il n’éprouva plus aucune affection. Ayant ainsi vérifié la justesse de mes conjectures antérieures, je lui donnai deux ou trois fois, chaque année, le médicament amer à l’aloès, parce qu’il nettoie complétement l’estomac de ses superfluités et le fortifie pour ses actions propres. Cet homme a joui d’une santé parfaite pendant les vingt ans qu’il vécut encore. Mais si parfois, dans de rares occasions, pressé par les affaires, il était obligé de rester trop longtemps sans manger, il était pris de spasmes très-légers. — Je vis aussi des personnes saisies de convulsions épileptiformes provenant de l’orifice de l’estomac, lorsque leur coction était laborieuse ou lorsqu’elles avaient bu trop abondamment du vin non trempé, ou avaient usé mal à propos des plaisirs vénériens. — J’ai vu des personnes ayant la fièvre atteintes de spasmes subits que n’avait précédés aucun des signes indicateurs du spasme, et qu’un vomissement bilieux délivrait immédiatement de toute incommodité. Quelques-unes des personnes ainsi affectées vomissent des matières noires, d’autres des matières semblables au suc du poireau ; d’autres, appesanties par une quantité de mauvais aliments, s’endorment lourdement jusqu’à ce qu’elles aient vomi tout ce qui surchargeait l’orifice de l’estomac.

On ne pourrait croire, si on n’en était souvent témoin, qu’aucun de ces accidents, non plus que les syncopes, puisse dériver de l’orifice de l’estomac. Cette partie renferme, il est vrai, un grand nombre de nerfs venant de l’encéphale (voy. Util. des part., IV, vii), mais non de manière à faire supposer que par ces nerfs le principe supérieur arrive à un degré de sympathie tel qu’il provoque des spasmes. Encore moins supposerait-on que, par suite de l’affection de l’orifice de l’estomac, le cœur éprouve une sympathie telle qu’il en résulte une syncope aiguë. Chez beaucoup de personnes il survient, non-seulement des songes et des sommeils troublés, mais encore des accès de délire, par suite d’une humeur pernicieuse accumulée à l’orifice de l’estomac. Pour la maladie dite flatulente et hypochondriaque, il n’est personne qui ne répète qu’elle rend les malades tristes, découragés et maussades, en un mot, reproduisant tous les caractères des affections mélancholiques. C’est après de mauvaises coctions qu’ils paraissent saisis plus fortement par les susdits symptômes. La plupart des malades souffrent encore de la rate, ce qui ferait supposer que ce viscère aussi déverse dans l’estomac une humeur malfaisante. Tous les symptômes qui se produisent à l’encéphale ou aux yeux sont la suite d’exhalaisons d’humeurs pernicieuses. Les syncopes de l’orifice de l’estomac, par la propriété des douleurs qui s’y produisent, provoquent l’épuisement ; peut-être la dyscrasie du cardia pénètre-t-elle dans le cœur, en sorte qu’une grande dyscrasie se produisant dans cet organe, il en résulte un rapide abattement des forces. Il est constant que, chez les femmes, ce qu’on nomme pica (appétits déréglés des femmes enceintes) dérive de l’affection de cette partie. En effet, les phénomènes consistant dans l’appétit exagéré (faim canine), ou dans l’absence d’appétit, ou dans l’appétence pour de mauvais aliments, constituent des affections de l’organe de l’appétit qui, nous l’avons démontré, est l’orifice de l’estomac (voy. Util. des parties, IV, vii). Sont également des affections de cet organe ce qu’on appelle nausées, aussi bien que les cardialgies et les hoquets. Nous avons décrit les causes de toutes les affections semblables dans le traité Sur les causes des symptômes ; il est donc inutile de s’y arrêter dans cet ouvrage. En effet, nous avons exposé dans le livre cité toutes les différences de maladies qui résultent d’une dyscrasie de cet organe, comme cela arrive dans un corps, en sa qualité de partie homoïomère.

Pour les maladies organiques qui s’y déclarent habituellement, elles offrent un diagnostic évident, et aucune d’elles ne pourra vous échapper si vous vous rappelez les signes communs qu’elles présentent, signes énoncés précédemment dans le susdit traité et dont il sera ailleurs question. En effet, ni les abcès survenus en ce lieu, ni les tumeurs phlegmoneuses ou érysipélateuses ne sauraient vous échapper, non plus que les ulcères. Le diagnostic de ces affections leur est commun avec celles de l’œsophage dont nous parlions tout à l’heure (ch. vi), et il est d’autant plus évident que cette partie est plus sensible et qu’elle présente un diagnostic plus aisé à saisir et plus clair. De même encore pour le vomissement de sang qui y a son point de départ ; il offre une apparence de signes communs avec les affections précitées de l’œsophage, mais le diagnostic en est plus clair. Il est naturel certainement que la cavité tout entière de l’estomac présente une diathèse semblable à celles de son orifice que nous avons indiquées, et qu’elle offre des symptômes semblables ; mais ceux de l’orifice étant beaucoup plus frappants, il en résulte que les médecins négligent et dédaignent, comme n’existant absolument pas, ceux de la partie inférieure de l’estomac. Tout le monde reconnaît que l’acte de la coction s’accomplit dans les parties situées après l’orifice, en sorte que cet orifice, s’il est mal conformé, devient la cause des mauvaises coctions, lorsque cette mauvaise coction ne résulte pas de l’ingestion désordonnée des aliments, ou de leur quantité excessive, ou de leur mauvaise qualité.

Pour les autres maladies communes à toutes les parties, maladies organiques et provenant d’une simple dyscrasie qui ont un lieu affecté évident, elles n’appartiennent pas au présent traité. Nous n’avons ici d’autre but que d’examiner les parties qui échappent au diagnostic des sens. Pour les vomissements sanguins de l’estomac, il y a désaccord : certains croient impossible que par l’estomac ait lieu une évacuation de sang venu du foie ou de la rate, et que du pus jaillisse de ces organes. Pour moi qui ai vérifié par les faits l’opinion des uns et des autres, il m’a paru que parfois l’évacuation des susdits viscères a lieu par l’estomac ; mais je renvoie la discussion sur ce sujet au passage où il est traité de ces matières, car mon but est de décrire immédiatement les affections du foie et de la rate.


Chapitre viii. — Des affections du foie. — Notions anatomiques sur ce viscère et sur les muscles de l’abdomen. — Diagnostic différentiel des affections de la surface concave et de la surface convexe du foie. — Théorie des hydropisies.


Dans le foie, comme dans toutes les autres parties, il existe une double espèce de maladies ; l’une résultant d’une simple dyscrasie sans tumeur contre nature, l’autre accompagnée de tumeurs comme sont les érysipèles, les inflammations, les squirrhes, les distensions flatulentes, les obstructions d’humeurs épaisses ou visqueuses dans les extrémités des vaisseaux dérivés de la veine-porte. Ces obstructions sont accompagnées d’un sentiment de pesanteur à l’hypochondre droit. Quand il s’y accumule une quantité de pneuma épais qui n’a pas d’issue, il se produit, non-seulement un sentiment de pesanteur, mais encore de tension. Pour les inflammations qui se déclarent sans qu’il existe une atonie du viscère, il est très-facile de reconnaître, par le seul toucher, celles qui naissent sur les parties convexes du viscère, surtout lorsqu’elles sont graves. Celles qui naissent sur les parties concaves se reconnaissent mieux aux symptômes qu’elles traînent à leur suite qu’au toucher. Je commencerai par les inflammations des parties convexes, en vous rappelant d’abord ce que vous avez vu dans les dissections : les muscles situés sous le derme sont au nombre de huit et divisés en quatre paires (voy. Util. des parties, V, xiv). Une de ces paires est formée de muscles droits entièrement charnus, allant du sternum aux os appelés pubis par les anatomistes ; les muscles des trois autres paires sont charnus dans toute leur partie jusqu’à ce qu’ils atteignent les muscles droits ; aussitôt qu’ils ont atteint ces muscles, ils se terminent en une aponévrose membraneuse. La paire de ces muscles située à l’extérieur des autres descend obliquement du thorax et se porte en avant et en bas. Une seconde, ayant une direction opposée à celle-ci, et venant d’en bas, se porte obliquement en avant et en haut. Une troisième paire de muscles, ayant une position transversale et appuyés sur le péritoine, est placée sous celle-ci, Les tumeurs contre nature des muscles droits sont allongées et s’étendent sur le milieu du ventre tout entier, embrassant l’ombilic comme le fait la paire de muscles elle-même. Elles présentent donc naturellement un diagnostic net, caractérisé par la position et la forme, et, de plus, parce qu’aucun muscle n’est extérieurement interposé devant elles. Ces signes sont communs aux muscles obliques qui descendent du thorax. Les affections des muscles situés sous ces derniers offrent un diagnostic plus difficile ; les muscles transversaux offrent le diagnostic le plus difficile de tous. Le foie évidemment est en dedans de ces muscles et situé sous le péritoine. Trois muscles étant donc placés sur lui, le diagnostic, par le toucher, est impossible s’il n’y existe une grande tumeur inflammatoire, ou si les muscles fixés sur lui ne sont amaigris.

Voici les signes qui indiquent une affection du foie : de la pesanteur dans l’hypochondre droit ; une douleur lorsqu’on soulève à dessein tout l’hypochondre (voy. plus bas, p. 651, l. 23) ; une autre douleur, s’étendant jusqu’à la clavicule, car cela arrive aussi parfois ; une toux faible ; la couleur de la langue est rouge au début, puis elle prend une teinte noirâtre ; un violent dégoût des aliments et une soif incessante ; des vomissements de bile jaunâtre et pure, et parfois ensuite couleur de rouille. Le ventre aussi est resserré à moins que l’inflammation ne survienne par atonie du viscère. Les symptômes de l’érysipèle sont semblables à ceux-ci. Il s’y ajoute la fièvre avec une soif très-vive. En effet, nous voyons que les fièvres appelées causus (fièvres ardentes) par les anciens surviennent le plus souvent à la suite des affections inflammatoires du foie ou de l’estomac. Des fièvres ardentes sont encore produites par l’inflammation érysipélateuse du poumon, comme lorsque, dans le corps entier, des humeurs bilieuses sont arrivées en se putréfiant à une fermentation excessive. Les fièvres les plus violentes viennent ordinairement de l’estomac et du foie, fièvres qui, si elles tiennent à ces parties, se transforment généralement et aboutissent au marasme. Il existe de moi, Sur le marasme, un traité particulier.

Les inflammations des parties concaves du foie engendrent, de plus que les inflammations, des parties convexes, du dégoût, des nausées, des vomissements bilieux et une soif violente, de même que les inflammations des parties convexes offrent, en plus que les inflammations des parties concaves, comme nous le disions plus haut (p. 650, l. 37), une douleur plus aiguë dans les respirations dont nous parlions tout à l’heure, qu’elles provoquent une petite toux, enfin qu’elles propagent la douleur jusqu’à la clavicule droite, et à un tel point que cet os semble tiré en bas. Il arrive parfois, pour les deux parties, que les fausses côtes partagent la souffrance. C’est un signe qui naturellement leur est commun, mais qui ne se présente pas chez tous les malades, parce que, chez tous, le foie n’est pas rattaché aux côtes par des membranes, comme cela se voit, non-seulement chez les singes, mais encore chez les autres animaux (voy. Util. des parties, VI, xiv). En effet, chez les uns il paraît rattaché, et chez les autres il ne l’est point. Une inflammation survient donc parfois dans les parties convexes du viscère seulement, comme elle survient aussi dans les seules parties concaves. Mais elle ne peut se fixer dans l’une des régions et y rester exclusivement confinée ; car la chair du viscère est continue dans toutes ses parties. Chez ceux dont l’épigastre naturellement maigre est devenu plus maigre encore par la maladie dont nous parlons, les grandes inflammations du foie se décèlent plus nettement, offrant ce caractère différentiel d’avec les affections des muscles susjacents, que la tumeur perceptible au toucher offre des limites très-nettes. En effet, chacun des muscles, comme formant un tout continu, présente dans l’inflammation une tumeur diminuant peu à peu, le foie seul présente une tumeur formant un cercle exactement limité.

Quand le foie est squirrheux, il offre évidemment un diagnostic plus clair, la tumeur même du squirrhe étant plus dure que celle de l’inflammation et les corps superposés s’amaigrissant dans de semblables diathèses. Plus tard, bien que la tumeur que forme le squirrhe devienne plus volumineuse, le diagnostic, par le toucher, devient plus difficile, attendu que déjà s’est produit un épanchement aqueux. En effet, si le foie n’était pas malade, une telle affection ne se déclarerait point. Toutefois, l’épanchement aqueux (hydropisie) n’est pas toujours la suite d’une affection primaire de cet organe, bien que le plus souvent elle dérive d’une affection de cette espèce. En effet, comme le foie est l’organe de la sanguification, il s’ensuit que cette fonction est compromise par le mauvais état de ce viscère. Or, il arrive, comme je le disais, quand une autre partie, n’importe laquelle, est attaquée d’une dyscrasie froide, que le froid s’introduit dans le foie. Lors donc que toutes les veines du mésentère sont atteintes d’une dyscrasie permanente (ἑκτικός, provenant de la rate, de l’estomac, de tous les intestins et surtout des intestins grêles, elles refroidissent facilement toutes les veines des parties concaves du foie, et par elles la dyscrasie se propage dans le corps tout entier de ces organes. Par suite d’une affection du poumon, du diaphragme ou des reins, ce sont les veines des parties concaves du foie qui sont les premières affectées par sympathie ; avec le temps, la diathèse de ces dernières se communique au viscère tout entier.

Personne ne niera que les choses se passent comme nous le disons actuellement, à moins d’être enclin à la controverse ou complétement ignorant. Pour les obstructions le fait n’est pas également évident. Les veines des parties concaves du viscère dérivées de la veine porte se terminent par des extrémités très-fines, on le voit nettement, comme on voit aussi arriver au même lieu d’autres extrémités des veines qui, de la veine cave, vont se ramifier dans les parties convexes du foie. Cependant, on n’en aperçoit pas les anastomoses ; néanmoins personne n’en doute et tout le monde, au contraire, est unanime à déclarer que la nourriture qui se distribue dans le corps tout entier, après avoir traversé toutes les veines des parties concaves, passe par les susdites extrémités dans les veines des parties convexes. Ce point accordé, comme la tumeur des veines enflammées et squirrheuses rétrécit le passage du sang, il semble naturel, et c’est l’opinion de quelques personnes, que toute la partie ténue et aqueuse du sang passera et se portera dans toutes les parties du corps, mais que le sang pur, demeurant à cause de son épaisseur dans les parties concaves du viscère, y devient le principe de maladies pléthoriques. Pour nous, quand nous examinons cette opinion, elle nous paraît en partie s’accorder avec ce qui a été dit et en partie s’écarter des faits évidents. Que la partie aqueuse du sang passée dans la veine cave se distribue dans toutes les parties du corps, cela paraît conséquent avec les faits reconnus précédemment, comme aussi il paraît conforme aux mêmes faits que le sang plus épais renfermé dans les veines du viscère rétrograde dans le jéjunum, l’intestin grêle, le colon, le cœcum, le rectum et peut-être, prétendrait-on, dans l’estomac même. Cependant cela ne paraît arriver, ni dans les tumeurs contre nature du foie, ni dans les obstructions. Mais toutes les parties supérieures et inférieures du corps paraissent renfermer du sang phlegmatique dans les espèces d’hydropisies appelées anasarques et leucophlegmasies. Aucune humeur sanguine n’est excrétée par l’estomac ni dans ces maladies, ni dans les ascites et les tympanites ; l’humeur aqueuse remplit l’intervalle entre le péritoine et les corps situés au-dessous de lui. Il paraît donc plus conforme à la raison de dire que, par suite du refroidissement du viscère, la nourriture distribuée ne se transforme pas en sang, mais que les veines du corps entier se refroidissent en même temps, et surtout parce que souvent, sans qu’il apparaisse aucune tumeur dans le foie, elles sont envahies par des épanchements aqueux, par un vice de la rate (cf. VI, i) ou des intestins jéjunum, grêle et du mésentère, ou du poumon et des reins, ou par une évacuation hémorrhoïdale excessive, ou par un écoulement vaginal, ou une suppression des règles, ou quelque autre diathèse grave de l’utérus. Dans toutes les affections de cette espèce, bien que le viscère ne porte aucune tumeur contre nature, le corps est envahi par des affections hydropiques. On a vu cela très-manifestement chez ceux qui ont raconté qu’après avoir pris mal à propos une potion froide, ils avaient éprouvé subitement un refroidissement du foie tel qu’il avait engendré sur-le-champ une hydropisie avant de s’élever en tumeur squirrheuse (cf. VI, i). Un violent appétit se manifeste chez les individus ainsi affectés. Rien d’étonnant à cela : nous savons que le refroidissement de l’orifice de l’estomac produit de semblables appétits. Mais pour le sujet actuel, il suffit de ces détails sur les hydères (ὕδεροι) ou hydropisies (ὕδρωπες), ou comme on voudra les nommer.


Chapitre ix. — La teinte ictérique n’est pas toujours liée à une affection organique du foie ; elle se montre, par exemple, à la suite de morsures par les animaux venimeux ; elle peut tenir aussi à une simple dyscrasie du foie. — Que la fonction propre du foie, qui est la sanguification, rend compte de certaines affections qui ont leur siège dans ce viscère. — Des maladies appelées proprement hépatiques par Galien. — De l’inflammation du foie. — Brillants diagnostics dont Galien se vante à propos des maladies du foie. — Considérations générales sur les facultés pour servir à la distinction des symptômes propres et communs ; application aux maladies du foie.


Dans les ictères, le foie est-il toujours le lieu affecté, ou bien quelque autre diathèse produit-elle cette affection ? C’est la question à laquelle nous passons maintenant et que nous allons examiner. On voit parfois, sans que ce viscère soit aucunement affecté, un épanchement de bile jaune se produire à la peau en temps de crise, comme il se produit aussi des dépôts d’autres humeurs. On voit aussi parfois, et sans qu’il y ait crise, le sang vicié par une cause étrangère se transformer en bile, comme il arrive à la suite de morsures d’animaux venimeux. Un des esclaves de l’empereur [Marc-Aurèle] qui ont pour fonction de chasser les vipères, ayant été mordu, prit pendant quelque temps en potion les médicaments ordinaires, mais comme sa peau changeait de couleur au point de prendre la teinte du poireau, il vint me trouver et me raconter son accident ; après avoir bu de la thériaque, il recouvra promptement sa couleur naturelle. Puisque les médecins recherchent s’il existe des signes propres de l’empoisonnement, parce qu’on voit souvent, sans qu’il y ait eu administration de poisons mortels, le corps arriver à une corruption d’humeurs semblable à celle qui est produite par les poisons, il n’y a rien d’étonnant qu’il survienne parfois dans les humeurs un changement tel que tout le corps soit frappé de jaunisse. Une telle perversion d’humeurs peut encore être produite par une altération dans le tempérament naturel du foie lui-même, sans qu’il y ait obstruction, inflammation ou squirrhe. Cela se voit manifestement, car parfois le corps tout entier prend une teinte d’herbe jaune pâle, parfois une couleur analogue à celle du plomb ou même plus foncée que cette dernière, ou enfin d’autres nuances de couleurs qu’on ne saurait exprimer, le foie fonctionnant mal, sans offrir de tumeurs contre nature. La rate produit des teintes de cette espèce, beaucoup plus noires que celles qu’engendre le foie, difficiles à expliquer, mais très-faciles à reconnaître quand on en a vu souvent.

Ainsi Stésianus étant examiné par les médecins, la plupart étaient d’avis, je ne sais pourquoi, qu’il avait un abcès au foie. Comme au bout d’un temps assez long son état ne faisait aucun progrès en mieux, il me fit appeler aussi. L’ayant considéré en entrant dans la chambre où il était : « Sachez tout de suite, lui dis-je, que vous n’avez aucun mal dans le viscère, mais quand j’aurai découvert l’hypochondre, je saurai où est le mal. » Il portait un abcès logé dans la profondeur des muscles et déjà le pus était accumulé entre les muscles transverses et les muscles obliques, qui se dirigent de bas en haut, muscles couchés, comme vous le savez, entre les muscles transverses qui touchent au péritoine et les muscles obliques superficiels placés sous le derme, lesquels se portent de haut en bas (cf. Util. des part., V, xiv). Sachez que sur beaucoup d’autres personnes je reconnus leur maladie [à la seule inspection], de telle sorte que, d’après leur teint, je déclarais que chez elles soit le foie, soit la rate étaient affectés, sans m’être renseigné sur les symptômes antérieurs et sans avoir diagnostiqué par le toucher l’affection des viscères. Vous m’entendrez donc souvent maudire les premiers médecins qui ont osé se déclarer les chefs de la science médicale et qui ne veulent pas traiter les malades. La plupart de ceux-ci sont des empiriques et des méthodistes, et si vous leur dites qu il est quelquefois possible, d’après le teint seul, de diagnostiquer le lieu affecté, ils ouvrent la bouche et, comme un chien enragé, ils dardent sur les interlocuteurs le venin de leur langue effrontée (voy. p. 546, note 1). Mais ce n’est pas à eux que s’adresse le présent discours. Il convient maintenant de passer à une autre espèce de symptômes, lesquels indiquent une atonie du foie seule et sans mélange d’inflammation, de même qu’un peu auparavant nous traitions de l’inflammation seule sans affaiblissement de la faculté propre de ce viscère.

La fonction du foie étant, nous le savons, la génération du sang, nous disons de la cause destinée à le produire qu’elle est la faculté propre du foie. J’ajoute au mot faculté le terme propre à cause des facultés communes à toutes les parties qui sont en nous et dont j’ai parlé dans le traité Sur les facultés naturelles ; je veux dire la faculté attractive, rétentrice, expulsive, car la quatrième, la faculté altératrice en général, est sanguifique dans l’espèce. Vous savez que l’essence de toutes les facultés réside dans le tempérament propre des parties. Quand donc le foie tombe dans une des huit dyscrasies, il arrivera que ses facultés éprouveront les lésions propres à la dyscrasie dont nous avons traité d’une façon générale, dans le troisième livre Sur les causes des symptômes ; le développement spécial et particulier à chaque partie correspond aux notions générales. Ainsi, pour le foie, les dyscrasies chaudes brûlent et consument les humeurs qui s’y trouvent déjà et celles qui remontent par les veines du mésentère. Les dyscrasies froides rendent épaisse, malaisée à couler et à se mouvoir celle qui est déjà renfermée dans le foie ; pituiteuse, crue et à demi-cuite celle qui remonte. De même pour les deux autres dyscrasies, la sèche rend les humeurs plus sèches et plus épaisses ; l’humide les rend plus ténues et plus aqueuses. Quand donc vous voyez des déjections semblables à des chairs récemment lavées, que cela soit pour vous un signe infaillible d’une affection hépatique.

On appelle spécialement hépatiques les affections qui dérivent de la faiblesse de la faculté du foie. Ce sont effectivement les affections propres à la substance de ce viscère. Or, vous savez que la substance des corps premiers dépend de la crase des quatre propriétés. Semblablement, si vous voyez une sorte de lie de sang expulsée par le fondement, sachez que c’est encore un signe hépatique. L’excrément ténu et ichoreux dénote un viscère incapable de produire le sang ; un excrément semblable à la lie en indique un qui brûle le sang. Vous devez vous souvenir d’avoir vu souvent des déjections composées, dans le principe, de sanie sanguinolente ; plus tard d’un sang épais et atrabilaire, et enfin d’une bile exactement noire. En-effet, dans la dyscrasie froide, l’affection débute parfois sans fièvre, quand une sanie ténue et sanguinolente est rendue. Plus tard, quand le sang du viscère est vicié, la fièvre survient. Les médecins inexpérimentés n’y font aucune attention ; parfois le malade leur paraît complétement exempt de fièvre, et ils en concluent que c’est un effet de l’abstinence que les patients s’imposent par dégoût plutôt que par prescription du médecin. Si donc aucune déjection alvine n’a lieu dans l’intervalle, et que la fièvre leur semble complétement absente, ils ordonnent des bains, et négligent toute prudence dans le régime prescrit. De cette façon recommencent les déjections d’aliments pourris, lesquelles sont bientôt suivies de déjections hépatiques. Il est des gens qui, au début d’une maladie résultant d’une dyscrasie froide, non-seulement ne perdent pas l’appétit, mais encore parfois prétendent avoir plus faim qu’auparavant. Cependant ce n’est pas l’appétit qui suit les dyscrasies chaudes, mais un dégoût profond des aliments, une soif violente, une fièvre remarquable et un vomissement d’humeurs pernicieuses. Tels sont les symptômes propres des hépatiques. J’ai dit qu’on appelait ainsi ceux qui éprouvent un affaiblissement de la faculté du foie ; la plupart des médecins, se trompant à leur sujet, pensent que l’affection est une dyssenterie.

Autres sont, comme nous l’avons dit, les symptômes de l’inflammation. Quand parfois les deux affections sont réunies, les deux genres de symptômes apparaissent, et il faut en garder un fidèle souvenir ; car de cette façon nous obtiendrons, non-seulement l’éloge de nos clients, mais encore leur admiration, si nous considérons, en outre, les symptômes communs à d’autres affections, par exemple, que la douleur arrive aux fausses côtes ; que la clavicule semble tirée en bas ; que la respiration est petite et fréquente.

Pour moi, quand je vins à Rome pour la première fois, je fus grandement admiré par le philosophe Glaucon, à l’occasion d’un semblable diagnostic. Me rencontrant sur le chemin, il me dit que j’arrivais à propos ; puis me prenant par la main : « Nous sommes, dit-il, tout près d’un malade que j’ai vu tout à l’heure, et je vous engage à venir le visiter avec moi. C’est le médecin sicilien que vous avez vu, il y a peu de jours, se promener avec moi. — Qu’est-ce qui le rend malade ? » dis-je. Se plaçant à côté de moi, il me le déclara très-franchement et très-nettement, car il n’était pas homme à dissimuler ni à ruser. « Hier, dit-il, Gorgias et Apelas m’ont appris que vous avez fait des diagnostics et des pronostics qui touchent plutôt à la divination qu’à l’art médical ; je désire donc avoir une preuve, non de votre science, mais de la puissance de l’art médical, et éprouver s’il peut fournir des diagnostics et des pronostics aussi étonnants. » Pendant ce discours, nous étions arrivés à la porte du malade, en sorte que je n’avais pu répondre à son invitation, ni lui dire ce que, vous le savez, je répète souvent, c’est que parfois certains signes indubitables se manifestent heureusement à nous, et que parfois tous sont douteux, et que, par conséquent, nous attendons un second et un troisième examen. À la première porte, nous rencontrons un domestique qui, de la chambre à coucher, portait à la fosse au fumier un bassin contenant des excréments semblables à de la lavure de chair, c’est-à-dire une sanie ténue et sanguinolente, signe constant d’une affection du foie. Sans paraître avoir rien vu, je me rends avec Glaucon près du médecin, et j’approche la main de son bras, voulant connaître s’il y avait inflammation du viscère ou seulement atonie. Le malade, qui était médecin, comme je l’ai annoncé, dit qu’il venait de se recoucher après avoir été à la selle : « Calculez donc, ajouta-t-il, que la fréquence du pouls est accrue par l’effort que j’ai fait pour me lever. » Ainsi parla-t-il, et moi je trouvai là un indice d’inflammation. Ensuite, voyant placé sur la fenêtre un pot contenant de l’hyssope préparée avec de l’eau miellée, je réfléchis que le médecin se croyait atteint de pleurésie, parce qu’il ressentait aux fausses côtes la douleur qui parfois survient aussi dans les inflammations du foie. Je pensai que, comme il éprouvait cette douleur, sa respiration était fréquente et petite, qu’il était tourmenté par de courts accès de toux ; en un mot, il se croyait pleurétique, et, en conséquence, avait fait une préparation d’hyssope et d’eau miellée. Comprenant donc que la fortune m’offrait un moyen de m’élever dans l’estime de Glaucon, je portai la main aux fausses côtes du côté droit du patient, et indiquant le lieu, je dis qu’il souffrait en cet endroit. Le malade l’avoua, et Glaucon, croyant que le pouls seul m’avait suffi pour diagnostiquer le lieu affecté, était dans une admiration visible. Pour l’étonner davantage, j’ajoutai : « Si vous avez reconnu que vous souffrez là, convenez encore que vous éprouvez le besoin de tousser, et qu’à d’assez longs intervalles vous êtes saisi d’une toux petite et sèche, sans expectoration. » Comme je disais ces mots, il toussa par hasard, précisément de la façon que j’indiquais. Alors Glaucon, émerveillé, ne pouvant se contenir, me combla d’éloges débités à haute voix. « Ne croyez pas, lui dis-je, que ce soient les seules choses que l’art puisse deviner touchant les malades ; il en est d’autres que je vais signaler. Le malade lui-même en rendra témoignage. » Puis m’adressant à lui : « Quand vous respirez plus fort, vous ressentez une douleur plus vive à la place que j’ai marquée ; vous éprouvez aussi de la pesanteur dans l’hypochondre droit. » À ces mots, le malade lui-même ne put se contenir ; plein d’admiration, il joignit ses exclamations à celles de Glaucon. — Comprenant le succès que j’obtenais en cette occasion, je voulais hasarder un mot sur le tiraillement éprouvé par la clavicule ; mais bien que sachant qu’il accompagne les grandes inflammations du foie comme les squirrhes, je n’osais pas m’avancer, craignant de compromettre les éloges qu’on m’avait prodigués. J’eus l’idée de glisser cette remarque avec précaution, et me tournant vers le malade. « Bientôt, lui dis-je, vous éprouverez un tiraillement de la clavicule, si déjà vous ne l’avez pas ressenti. » Il avoua le fait, et moi, regardant le malade frappé d’étonnement : « Je n’ajouterai plus, dis-je, à mes indications que cette divination : je vais déclarer l’opinion que le malade se fait de l’affection dont il est atteint. » Glaucon disait qu’il ne désespérait pas non plus de cette divination ; et le malade, stupéfait de cette promesse singulière, me jetait un regard perçant, l’esprit attentif à mes paroles. Quand j’eus dit qu’il se croyait atteint d’une pleurésie, il reconnut le fait en témoignant son admiration, et non pas lui seulement, mais encore le serviteur qui venait de lui faire des affusions d’huile, comme s’il avait une pleurésie. Glaucon, depuis ce temps, conçut une haute opinion de moi et de l’art médical, qu’il estimait peu auparavant, ne s’étant jamais trouvé avec des hommes remarquables, consommés dans cet art.

J’ai rapporté cette observation pour que vous connaissiez les symptômes propres à chaque affection, et les symptômes communs à d’autres affections ; et, en outre, ceux qui sont inséparables de l’une et de l’autre espèce de maladie, ceux qui se présentent le plus souvent, ceux qui sont douteux ou rares ; et je vous ai cité cette heureuse occasion que m’offrait la fortune, pour qu’en pareille circonstance vous puissiez en user adroitement. Car souvent la fortune vous fournit les plus belles occasions d’acquérir de la réputation ; mais la plupart, dans leur ignorance, ne savent pas en profiter. Pour le praticien exerce, en voyant un des symptômes qui indiquent à la fois l’affection et le lieu affecté, il sera capable d’en trouver d’autres assez nombreux, dérivant les uns nécessairement, les autres fréquemment du lieu affecté et de l’affection qu’il présente. Il faut surtout vous rappeler les préceptes généraux dits préceptes universels, applicables dans beaucoup de cas particuliers, afin qu’en toute matière de cas particuliers vous soyez exercés à les diagnostiquer promptement.

Les remarques générales que je vais donner portent sur les facultés naturelles qui, dans chaque partie, sont au nombre de quatre, eu égard à l’espèce, comme on sait (voy. le traité Des facult. nat., et part. les 12 prem. chap. du Ier liv.). La première, que je nomme attractive, est à la fois appétitive et attractive des sucs propres à la nutrition de la partie. Puis vient la seconde, altératrice des aliments attirés ; c’est par elle que le suc attiré s’assimile à la partie nourrie. Il en est deux autres subordonnées à celle-ci, la faculté rétentrice, lorsque la partie cuit le suc attiré, l’altérant (le transformant) en sa propre nature ; la faculté expulsive, lorsqu’après la coction elle expulse le résidu inutile qui est appelé superfluité (περίττωμα). J’engage à étudier toujours, sur chaque partie affectée, à quel degré de force ou de faiblesse se trouvent ces facultés. Ainsi, pour le foie, puisque nous nous sommes proposé de parler de cet organe, si la faculté attractive est affectée en quelque chose, il délaissera l’aliment transformé en chyle dans l’estomac ; en sorte que cet aliment sera expulsé par le fondement, cuit, il est vrai, mais liquide et non pas desséché (c’est-à-dire : dont la partie liquide s’est évaporée). Ce sera pour vous un signe que la faculté est affectée ; car tous les résultats qui dérivent de certains faits comme de leur source, sont des signes de ces faits. Il en est qui attribuent cette affection au mésarée, et qui appellent mésaraïques les individus ainsi affectés, parce qu’ils trouvent pervertie la distribution qui a lieu par les veines de l’organe appelé mésarée et mésentère ; ils tombent dans la même erreur que ceux qui réputent affectés les bras des gens saisis de syncopes provenant de l’orifice de l’estomac ou du cœur, parce qu’ils ne peuvent plus se servir de ces bras comme auparavant ; en effet les veines du mésentère servent de mains au foie en lui amenant sa nourriture de l’estomac. Ils agissent d’une manière analogue, ceux qui, dans le cas où les jambes sont paralysées par une affection de la moelle à la région lombaire, appliquent leurs remèdes sur les jambes elles-mêmes, en négligeant la moelle. Si donc le mésentère est atteint d’une inflammation ou de quelque autre affection semblable, on regardera à bon droit cette affection comme lui étant propre ; si c’est, au contraire, le foie qui, trop débile, ne peut attirer sa nourriture par les veines du mésentère, ce n’est pas le mésentère, mais le foie qui réclame les moyens curatifs, comme ce ne sont ni les bras ni les jambes paralysés par une affection de la moelle qui ont besoin d’être soignés (cf. III, xiv, p. 581). Les déjections, examinées avec soin, vous serviront à diagnostiquer une affection inflammatoire ou érysipélateuse du mésentère. En effet, les excréments ne ressemblent pas exactement à ceux qui, disions-nous (p. 660), sont expulsés quand le foie n’a pas la force d’attirer à lui l’aliment ; ils paraîtront mêlés d’une sorte de sanie provenant de l’inflammation (déject. dyssent.) ; car de toutes les parties enflammées que ne recouvre pas une enveloppe dense et épaisse, découle une sanie ténue dans le principe ; plus épaisse et plus semblable au pus, quand l’inflammation est cuite. Lors donc qu’une semblable humeur est expulsée avec les excréments sous forme liquide, s’il n’existe aucune inflammation du foie, il faut croire que c’est le mésentère qui est affecté.

De même que quand le foie ne peut, par atonie, attirer le chyle de l’estomac, c’est la faculté attractive qui est affectée ; de même quand il ne peut la retenir, c’est qu’il existe une atonie de la faculté péristaltique et rétentrice. Cette atonie produit une excrétion d’un sang ichoreux au début, et après d’un sang plus épais et semblable à de la lie. Il se produit aussi d’autres espèces d’excrétions, non par affaiblissement, mais par énergie de la faculté excrétoire ; souvent, par suite d’une pléthore, toutes les parties étant saines, et souvent encore l’une d’elles étant affectée, la nature s’étant fortifiée par suite de la purification du foie. En effet, les humeurs malfaisantes étant cuites dans le foie, il en résulte une séparation, en sorte que les humeurs utiles sont retenues et les mauvaises expulsées. Quelques-uns nomment de telles excrétions dyssenteries sanguines ; elles surviennent à la suite de la mutilation d’un membre (Hipp., Art. 69) ou du passage d’une vie très-occupée à une existence oisive. On a vu aussi chez des femmes une semblable évacuation de sang avoir lieu par le siége après la suppression des règles, comme aussi chez quelques-unes par vomissements dans des circonstances pareilles. En ce dernier cas, c’est un sang pur, semblable à celui des victimes égorgées qui s’échappe soit par en haut, soit par en bas, mais ce sang est altéré, bourbeux ou corrompu dans les diathèses érysipélateuses et inflammatoires arrivées à coction. Parfois, mais rarement, dans les affections hépatiques, lorsque le foie est fortifié par des médicaments, il survient des excrétions d’une odeur et d’une couleur détestables, le viscère étant purgé. De même, dans ces cas, l’urine est infecte et peut induire en erreur les médecins inexpérimentés en leur persuadant que le malade est en danger de mort. Ceux, en effet, qui, sans raisonner, tiennent de la pratique seule une expérience commune, sont embarrassés dans les cas rares, n’ayant dans l’esprit que les cas observés souvent et dans les mêmes circonstances. Qu’à une période postérieure de la maladie de semblables évacuations surviennent avec les signes de la coction, c’est ce que vous trouvez, non pas une fois, mais souvent dans mes Commentaires sur les écrits d’Hippocrate. De même donc que, quand la faculté rétentrice est affaiblie et ne peut retenir ce qui l’incommode, la faculté expulsive évacue la matière nuisible, de même si la faculté excrétoire a perdu de son énergie, certaines matières sont retenues sans que la faculté rétentrice soit trop incommodée. Dans chacun des organes, en effet, c’est tantôt une faculté, tantôt une autre qui devient plus forte ou plus faible, quand nous venons à réfléchir à chaque faculté dans son rapport avec les fonctions. En réalité, la partie tout entière agit toujours conformément à la propriété de son tempérament qui existe incessamment en elle ; mais parfois elle tolère une matière incommode et triomphe avec le temps de cette substance gênante, en l’élaborant, l’altérant et la cuisant. Dans un autre cas, ne pouvant supporter la qualité ou la quantité de la substance incommode, elle fait effort pour l’expulser. Parfois, si elle est grandement tourmentée par cette substance gênante et que, désirant la rejeter, elle ne le puisse pas par faiblesse, elle tombe dans une atonie extrême.

Tous ces points doivent être, dans chaque organe physique, l’objet de votre attention, et il faut exercer le raisonnement à les y reconnaître. Vous trouverez ainsi, par l’examen, des affections de certaines parties complétement inconnues des anciens, par exemple celles de la vésicule biliaire. Si, en effet, ainsi que nous l’avons démontré, elle attire à elle l’humeur bilieuse, comme les reins attirent le sérum du sang, la rate l’humeur semblable à la lie de vin et au marc d’olive, le sang parfois deviendra impur par suite de l’atonie de la vésicule biliaire ; c’est un autre mode de production d’ictère outre les trois modes précédemment (voy. p. 654) cités. De même que la vessie se remplit d’urine, la vésicule parfois s’emplit de bile à cause d’une obstruction ou de l’atonie de la faculté expulsive. En sens inverse, l’obstruction ou l’atonie des vaisseaux qui, de la vésicule, débouchant dans le foie, l’empêchent aussi parfois d’attirer l’humeur bilieuse. Il est donc très-nécessaire, dans les affections ictériques, d’examiner la physionomie des déjections, car elles sont aussi très-utiles pour le diagnostic. Quant à moi, en les observant, je trouvai les excréments chez certains ictériques et chez d’autres les urines semblables pour la couleur à la bile jaune ; chez quelques-uns, en sortant du bain, la plus grande partie de la bile jaune était sécrétée par la peau ; chez d’autres, la plus grande partie était retenue ; une faible portion seule était sécrétée. Si vous voulez vérifier ce fait exactement, recueillez, avec le strigile, la sueur sans avoir préalablement frotté le corps avec de l’huile. Vous verrez que la même espèce de sueur ne s’amasse pas chez tous dans la cavité du strigile, mais que chez les uns elle est plus aqueuse, et chez les autres plus bilieuse. Cette indication, ajoutée aux précédentes, éclaircira le diagnostic du lieu affecté. Une personne atteinte d’une fièvre aiguë et bilieuse fut, au septième jour, délivrée de sa maladie, une quantité de bile jaune s’étant jetée à la peau, mais l’ictère persistait les jours suivants. Nous examinâmes ses excréments et ses urines. Comme les uns et les autres paraissaient à l’état normal et indiquaient conséquemment que le viscère était exempt d’affection, l’idée me vint que la bile qui s’était jetée à la peau pouvait être trop épaisse. Guidé par ce raisonnement, j’observai de quelle nature était la sueur, et, la trouvant aqueuse, je conclus que la bile ne pouvait passer ; j’enjoignis au malade d’employer des eaux naturelles chaudes diaphorétiques et en même temps d’adopter un régime plus liquide et capable d’atténuer modérément la consistance de la bile. Il fut ainsi délivré de son affection, dont le diagnostic avait été confirmé et la guérison accomplie par un seul moyen de traitement. — Chez un autre individu, ayant trouvé une grande quantité de bile dans le strigile, je soupçonnai qu’elle était produite en abondance dans le corps entier, et, employant une médication en rapport avec cette idée, je le guéris. — Chez ceux qui, sans fièvre, éprouvant un sentiment de pesanteur dans l’hypochondre droit, étaient pris de jaunisse, pour fondre leurs obstructions, je leur ai donné, comme vous savez, des aliments, des boissons et des médicaments délayants ; puis leur ayant fait prendre un cholagogue, j’ai guéri en un jour la plupart d’entre eux. Quand les purgatifs n’avaient obtenu aucun résultat, je leur donnais un apéritif plus fort, puis un nouveau purgatif plus énergique, de sorte qu’au terme de la purgation, ils rendaient avec un sentiment de mordication très-vive, une bile noirâtre plutôt que jaune. — Je crois donc, d’après ces faits, que la vésicule biliaire éprouve une affection semblable à celle qui se produit dans la vessie où s’amasse l’urine. En effet, il s’accumule parfois une telle quantité d’urine dans cette vessie que, tendue outre mesure, elle ne peut expulser son contenu. Une double cause produit cette affection dans le réservoir de l’urine, car il n’y a pas d’inconvénient à donner ce nom à la vessie : il arrive, soit par la faiblesse de la faculté expulsive, soit par suite d’un sommeil profond ou d’absence de loisir que, l’urine étant retenue trop longtemps, la vessie est tendue outre mesure, et que par cette cause même sa faculté est affaiblie. Quant à la vésicule biliaire qui, dans sa faculté expulsive, n’est aidée en rien par la faculté psychique, il n’existe pour elle, comme pour les autres organes physiques, qu’une source d’atonie, laquelle dérive de la dyscrasie de la partie.


  1. Dans l’édition de Kühn ce chapitre n’a point de numéro d’ordre ; il est placé sous la rubrique préambule, d’où il résulte que ma numération est toujours, pour ce livre, en avance d’un, sur celle de Kühn.
  2. Des pronostics tirés du pouls, III, i et suiv.
  3. Mais Érasistrate dit implicitement, à la fin du passage cité, que c’est par aspiration ou attraction pendant l’expiration.
  4. C’est-à-dire de la veine cave, ascendante de Galien, descendante des modernes, près du cœur. renvp199|Voy. Util. des parties, XVI, xiv, t. II, p. 199, et Dissert. sur l’anatomie.
  5. C’est-à-dire : prétendre qu’il ne se forme pas d’épanchement au niveau des côtes.
  6. Voy. p. 635, note 1.
  7. Dans Hist. des anim., I, xvii, il se sert du mot φρένες, et dans III, i de ὑπόζωμα.
  8. Voy. Dissertation sur la pathologie.