Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Guerres de religion/Chapitre 20

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Œuvres complètes de J. Michelet
(Histoire de Francep. 318-319).

CHAPITRE XX

Charles IX contre Philippe II. (1570-1572.)


L’écrivain distingué auquel nous devons la publication des Négociations de la France dans le Levant, dit que les lettres de Catherine de Médicis donnent l’idée d’une femme « simple, bonne et presque naïve, qui eut surtout le génie de l’amour maternel et lui dut ses hautes qualités politiques ».

Pour porter sur Catherine un jugement si favorable, il faudrait s’en remettre uniquement à ce qu’elle écrit elle-même. La naïveté apparente de ses lettres, leur grâce incontestable, sont du reste le charme propre à la langue de cour, vers la fin du seizième siècle. Tandis que les provinciaux, même hommes de génie, un Montaigne, un d’Aubigné, fatiguent par un travail constant, les grandes dames de l’époque, Catherine, Marie Stuart, Marguerite de Valois, écrivent au courant de la plume une langue déjà moderne, agréable et facile, où le peu qu’on trouve de formes antiques semble une aimable naïveté gauloise et donne un faux air de vieille franchise.

Mais le même écrivain se met en contradiction directe avec les actes, quand il ajoute : « On admire la pensée infatigable qui dirige tout le mouvement de cette époque, que les ambassadeurs interrogent comme l’âme de cette politique, devant laquelle s’incline le conseil de Philippe II », etc. Tout au contraire, on voit que le conseil de Philippe II (le modéré Granvelle comme le violent duc d’Albe) est unanime dans son opinion sur la reine mère, et, loin de s’incliner devant elle, ne la nomme jamais qu’avec mépris.

Ce n’est pas que ces politiques soient tombés dans l’erreur des écrivains protestants, qui ont accumulé sur elle tous les crimes de l’époque. Ils la connaissaient mieux, sachant parfaitement qu’elle avait très peu d’initiative, nulle audace, même pour le mal. Elle suivait les événements au jour le jour, accommodant son indifférence morale, sa parole menteuse et sa dextérité à toute cause qui semblait prévaloir. Ainsi, quoiqu’à la suite, elle influa infiniment. Seule elle était laborieuse, seule avait une plume facile, toujours prête et toujours taillée. A la tête des Laubespin, des Pinart et des Villeroy, et autres secrétaires français, à la tête des Gondi, des Birague et autres secrétaires italiens, il faut placer cet intarissable scribe femelle, Catherine de Médicis. Elle écrivaille toujours. S’il n’y a pas de dépêche à faire, elle se dédommage en écrivant des lettres de politesse, de


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