Histoire de Notre-Dame de France/Chapitre IV

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CHAPITRE IV

Commission nommée par Mgr de Morlhon.


La conclusion pratique et immédiate du mémoire du P. Ducis devait être la nomination d’une Commission ; celle-ci devait partager avec l’Évêque la responsabilité des résolutions, lui donner un point d’appui dans ses moments d’incertitude et d’indécision, et continuer l’œuvre après lui, si la mort venait le ravir à notre affection avant qu’elle fût achevée. Monseigneur voulut que la Commission fût composée d’ecclésiastiques qu’il désigna lui-même et de laïques choisis dans le sein du conseil municipal et de la Société académique. Il désigna pour vice-président M. Eynac, curé de S. Laurent ; pour trésorier M. Péala, archiprêtre de la Cathédrale, qui fut plus tard nommé vice-président ; pour secrétaire M. Urbe, alors professeur de physique au petit séminaire, auquel, plus tard, M. Charles Calemard de la Fayette fut adjoint. Le chapitre fut représenté dans la Commission par MM. Bonhomme, Péala et Alirol, secrétaire de l’évêché. Ce dernier remplit avec un grand zèle les fonctions de trésorier, publia toutes les listes de la souscription et plaça les fonds versés. MM. Blancheton, curé de Saint-Georges, et Bonhomme, curé des Carmes, complétèrent la représentation du clergé paroissial. La mairie fut successivement représentée par MM. Reynaud, Badon, Préat, maires ; le conseil général, par MM. Calemard de la Fayette et de Brive ; la Société académique, par MM. Ch. Calemard de la Fayette, Aymard et Vibert ; le génie civil, par MM. Guyot, Coumes et d’Amécourt, ingénieurs. M. de Chèvremont, préfet de la Haute-Loire, accepta le titre de commissaire. M. de Marpon, receveur général, fut chargé de faire valoir les fonds au 4 % et introduit dans la Commission. M. Bayard, curé de Coubon, nommé commissaire, voulut encore concourir comme artiste. Enfin l’Évêque désira voir le P. Ducis et le P. Nampon représenter dans la Commission le séminaire de Vals, le P. Ducis fut nommé dès l’origine ; M. Alirol et moi, le 20 août 1856, sur la proposition de Monseigneur, et à l’unanimité. M. Eynac m’en informa par une lettre du 4 septembre.

Ceux qui ont connu le génie artistique et le patriotisme chrétien de M. le vicomte de Becdelièvre s’étonneront de ne point trouver son nom parmi les commissaires de la statue. Mais à l’époque où la Commission fut nommée, M. de Becdelièvre, retenu dans ses propriétés, voisines de Feurs, par l’âge et la maladie, ne venait plus au Puy qu’à de rares intervalles et pour peu de temps. Il s’intéressa néanmoins jusqu’à sa mort aux travaux de la Commission comme s’il en eût été membre. Dès l’origine il proposait, dans une lettre au P. Ducis, de prendre M. Bonnassieux pour artiste sans concours.

Je lis dans cette lettre : « Un article du Constitutionnel que je vous envoie vous fera voir que le gouvernement a reculé lui-même devant le concours, bien convaincu qu’il ne mènerait à rien de bon et que le mieux était de choisir un homme qui eût fait ses preuves, sans lui prescrire ce qu’il aurait à faire. Jules II, Léon X ne firent pas autrement quand ils voulurent embellir Rome. Louis XIV fit de même. Ainsi Raphaël, Michel-Ange, Lebrun, les Puget, etc., furent choisis de prime abord, et il en est résulté des chefs-d’œuvre… » Et dans une lettre de M. Bonnassieux à M. de Becdelièvre, le célèbre sculpteur écrivait, le 4 mai 1843 : « Heureux l’artiste qui sera honoré de cette belle mission ! Le sujet à représenter est trop beau, trop digne d’inspirer le génie pour qu’il ne produise pas une grande et magnifique image de la Mère de Dieu ! »

L’idée de M. de Becdelièvre fut repoussée, et le concours nous rendit M. Bonnassieux grandi par une éclatante victoire… Le vicomte de Becdelièvre mourut avant d’avoir pu voir l’achèvement d’un projet qui intéressait vivement son génie et son cœur.

Dès que la Commission est nommée, elle se divise en Sous-Commission d’architecture, présidée par M. Guyot, chargée d’étudier les constructions à faire sur le rocher ; Sous-Commission des arts, présidée par M. de Brive, occupée surtout de l’étude du grand travail de sculpture ; et Sous-Commission des finances, chargée de recueillir les fonds, présidée par M. Péala. Toutes ses réunions sont convoquées et présidées par l’Évêque. Le 5 mars 1853[1], la Commission est installée ; dès le 18 du même mois, elle entre en fonctions, et ses travaux sont résumés dans les procès-verbaux de ses séances rédigés avec un talent très-remarquable par son excellent secrétaire, aujourd’hui supérieur du petit séminaire et vicaire général. J’indiquerai, quand il en sera temps, comment certains membres non résidants furent adjoints à la Commission, et dans quel but une Sous-Commission fut formée à Paris, vers la fin de 1855.

Voici les noms des commissaires nommés à différentes époques :

Mgr Joseph-Auguste-Victorin de Morlhon, évêque du Puy, président.
Mgr Eynac, chapelain honoraire de Sa Sainteté, chanoine honoraire du Puy, curé de St-Laurent,
vice-présidents.
M. Péala, chanoine, archiprêtre de la Cathédrale,
M. Urbe, vicaire général, supérieur du petit séminaire,
secrétaires.
M. Charles Calemard de la Fayette, président de la Société d’agriculture,
M. Alirol, chanoine, secrétaire de l’évêché, trésorier.
M. Bonhomme, chanoine, vicaire général.
M. de Chevremont, préfet de la Haute-Loire.
MM. Reynaud,
maires du Puy.
Badon,
Préat,
MM. Guyot,
ingénieurs en chef.
Coumes,
Ponton d’Amécourt, ingénieur.
MM. Blancheton, curé de St-Georges.
Bonhomme, curé de St-Pierre-des-Carmes.
Bayard, curé de Coubon.
MM.
Pierre Calemard de la Fayette, membre du Conseil général.
Mathieu Bertrand, membre du Conseil municipal.
Albert de Brive, président de la Société d’agriculture.
Auguste Aymard, archiviste, vice-président de la même Société.
Vibert, conservateur du musée.
de Marpon, receveur général.
R. P. Ducis,
de la Compagnie de Jésus.
R. P. Nampon,
MEMBRES NON RÉSIDANTS.
Son Altesse Sérénissime l’abbé prince Lucien Bonaparte, aujourd’hui cardinal.
L’abbé Liabeuf, chapelain de S. M. l’Empereur.
M. le vicomte de Caumont, membre de l’Institut de France, président de la Société des antiquaires de Normandie.
M. Didron aîné, membre du Comité historique des arts et monuments.
M. l’abbé René Choyer, directeur des travaux de sculpture religieuse du diocèse d’Angers.
M. Emile Thibaud, peintre sur verre.
R. P. Arthur Martin, de la Compagnie de Jésus.

Ce qu’il importe de constater ici, c’est que depuis la date du 18 mars 1853, la Commission partage avec Mgr l’Évêque la responsabilité de toutes les mesures prises. C’est avec elle que M. Crozatier devait dès lors s’entendre ; il avait des amis dans son sein, et c’est précisément de l’un d’eux (M. Bertrand), que je tiens le fait malencontreux de l’intervention du médecin qui, au nom de sa santé, lui avait prescrit de se tenir à l’écart. Jusqu’au moment de l’installation de la Commission, il n’avait eu qu’à se louer des procédés de l’Évêque. Monseigneur, plein de bienveillance pour lui, n’avait à se plaindre que de son silence. Après avoir attendu près de trois ans, il était bien temps qu’il marchât avec ceux qui voudraient le suivre.

Le 18 mars 1853 ne précéda que de peu de jours l’ouverture du Jubilé ou grand pardon du Puy. Une tradition respectable assure que le même jour, vingt-cinquième de mars, fut témoin de l’Incarnation du Verbe et de la mort du Verbe incarné. Pour perpétuer le souvenir de cette coïncidence, les souverains Pontifes ont accordé à notre église, dédiée sous le vocable de l’Annonciation, un grand Jubilé qui revient toutes les fois que le vendredi-saint tombe le 25 mars. Au concile de Constance, en 1418, notre évêque, Élie de Lestrange, appuyé du témoignage de trois membres du sacré Collège : Pierre d’Ailly, qui avait été son prédécesseur sur le siège du Puy, le cardinal de Viviers et Amédée de Saluces, évêque de Valence et doyen du chapitre du Puy, représenta au Pape Martin V que le sanctuaire du Puy était en possession de ce Jubilé depuis un temps immémorial, et obtint la confirmation de ce privilège, qui fut étendu depuis par les souverains Pontifes, en ce sens qu’au lieu de durer un seul jour, ce qui amena plusieurs fois des accidents regrettables, le Jubilé dure une semaine entière (Bulle de Grégoire XV datée du 24 décembre 1621). Depuis la Révolution, les Papes ont renouvelé cette concession et le Jubilé s’est célébré, en 1842 et en 1853, avec un concours très-consolant et des fruits de salut extraordinaires. Il faut lire la relation du Jubilé de Notre-Dame du Puy en 1853 par M. le chanoine Coupe, pour se convaincre de la puissante vitalité de la foi dans nos montagnes. L’Évêque se sentit fortement encouragé par ce concours, et la Commission, nommée sous d’aussi favorables auspices, dut s’inspirer elle-même de ces sentiments de foi et de piété, qui, pendant le Jubilé, s’affirmaient si haut et avec une si touchante unanimité. Le R. P. Laurent, provincial des Capucins, prêcha le Jubilé avec un grand succès, et rendit dès lors et plus tard encore, en diverses circonstances, des services importants à l’œuvre de Notre-Dame de France.

  1. M. Mandet dit 1852. C’est une erreur de copiste.