Histoire de l’abbaye d’Hautecombe en Savoie/Note 4

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N° 4 (Page 67)

Importance du poivre au moyen-âge.

« De toutes les épiceries, le poivre est celle qui, de tous temps, a été le plus répandue dans le commerce, parce que c’est elle qui, de tous temps, a été le plus employée dans nos cuisines. Il y en a même eu un où toutes portèrent le nom commun de poivre, et où les épiciers n’étaient connus que sous le nom de poivriers.

« Au reste, cette grande consommation ne faisait qu’augmenter son prix, et ce haut prix est attesté par l’ancien proverbe, cher comme poivre qui est parvenu jusqu’à nous. On ne sera point surpris, après cela, quand nous dirons que c’était un présent d’importance et l’un des tributs que les seigneurs ecclésiastiques ou séculiers exigeaient quelquefois de leurs vassaux ou de leurs serfs. Godefroy, prieur du Vigeois, voulant exalter la magnificence d’un certain Guillauoie, comte de Limoges, raconte qu’il en avait chez lui des tas énormes, amoncelés sans prix, comme si c’eût été du gland pour les porcs.

« Quand Clotaire III fonda le monastère de Corbie, parmi les différentes denrées qu’il assujétit ses domaines à payer annuellement aux religieux, il y avait trente livres de poivre. — Roger, vicomte de Béziers, ayant été assassiné dans une sédition par les bourgeois de cette ville, en 1107, une des punitions que son fils imposa aux bourgeois, lorsqu’il les ont soumis par les armes, fut un tribut de trois livres de poivre, à prendre annuellement sur chaque famille. — Enfin, dans Aix, les juifs étaient obligés d’en payer de même deux livres par an à l’archevêque. Cette obligation leur avait été imposée, en 1143 et 1283, par Bertrand et Rostang, archevêques de cette ville. » (Histoire de la vie privée des Français, par Le Grand d’Aussy, annotée par Roquefort. — Paris, 1815.)