Histoire des Abénakis/1/06

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CHAPITRE SIXIÈME.

les abénakis — les anglais et les français.

1604-1611.


En 1524, François I, roi de France, avait envoyé le Florentin Vérazzani en voyage d’exploration en Amérique. Vérazzani explora les côtes, depuis le Rhode-Island jusqu’à la Nouvelle-Écosse. Il trouva dans les pays des Armouchiquois[1], des Canibas, des Penawôbskets et des Etchemins des hommes « plus forts et plus rudes que ceux qu’il avait rencontrés vers le midi »[2]. Les Français essayèrent d’entrer en pourparlers avec ces sauvages, mais ils ne purent y réussir. Vingt-cinq hommes, bien armés, débarquèrent et pénétrèrent un peu dans la forêt ; mais ils furent bientôt repoussés par un grand nombre de sauvages, qui lancèrent une nuée de flèches au milieu d’eux. Ils furent alors forcés de se retirer, et les sauvages s’enfuirent. Les Français durent donc renoncer à toute autre tentative pour s’entendre avec les aborigènes[3].

Il parait qu’avant ce voyage de Vérazzani, ces territoires avaient été visités par des Bretons. C’est ce que dit Vérazzani lui-même. « Cette terre, » dit-il, « fut reconnue par les Bretons dans les temps passés. »

Depuis ce voyage de Vérazzani jusque vers 1605, aucun voyageur n’explora ce pays.

Vers 1605, le capitaine Weymouth, cherchant, vers le Nord-Ouest, un passage pour les Indes Orientales, découvrit la rivière Pentagoêt. Il fut le premier Anglais qui fit une découverte dans ce nouveau pays.

Weymouth arriva précisément au milieu des Abénakis, dans la tribu des Pentagoëts ou Penawôbskets. Les sauvages admirèrent d’abord le vaisseau anglais ; mais lorsqu’ils virent les Anglais mettre pied à terre, ils passèrent subitement de l’admiration à la crainte. La figure, le langage et l’accoutrement de ces étrangers étaient choses si nouvelles pour eux qu’ils en conçurent une grande inquiétude. Ce fut alors qu’ils s’écrièrent : « A8aniuji » ? D’où vient celui-ci ? C’est de là, comme nous l’avons déjà dit, que vient le mot « A8anuts, » mot dont les sauvages se servirent plus tard pour désigner un Anglais ou un Européen. Lorsqu’ils entendirent les détonations des mousquets, ils pensèrent que ces étrangers portaient la foudre et pouvaient les tuer. Alors, saisis de frayeur, ils s’enfuirent dans la forêt.

Weymouth ne séjourna pas longtemps en cet endroit. Il explora la Baie de Pentagoët, pénétra un peu à l’intérieur du pays, où il donna la chasse aux sauvages, et fit cinq prisonniers ; puis il retourna en Angleterre, y emmenant, ces cinq sauvages[4]. Ces Abénakis furent un sujet de curiosité et d’amusement pour les gens de la cour. Le fils du roi, qui fut plus tard Charles I, prit un intérêt tout particulier au sort de ces sauvages. Aussi, ils furent toujours bien traités pendant leur séjour en Angleterre. Cependant, leur nouveau genre de vie, si différent de celui qu’ils avaient l’habitude de suivre, ne leur convenait pas ; ce qui leur causa une maladie, dont l’un d’eux mourut[5].

Weymouth fit une faute grave en faisant ces prisonniers chez les Abénakis. Il est probable qu’en s’emparant de ces sauvages, il n’était poussé que par un motif de curiosité ou de vanité, voulant se procurer la satisfaction d’amuser ses compatriotes avec ces captifs de l’Amérique ; mais les sauvages pensèrent qu’il agissait ainsi par un motif d’hostilité contre’eux, et que, par cette action, il leur déclarait la guerre.

Le capitaine anglais ne connaissait pas le caractère de ces sauvages. Il ne prévoyait pas toute la haine que cette action pouvait faire naître dans leurs cœurs, ni tous les dommages qui pouvaient en résulter, plus tard, pour les nouvelles colonies anglaises.

Cette imprudence du Weymouth et beaucoup d’autres de ce genre, commises plus tard par les colons anglais, furent cause que les Abénakis, se défiant et craignant toujours, ne purent jamais s’allier sincèrement aux Anglais, et furent facilement engagés à prendre les armes contr’eux.

Les Français, qui s’établirent en Acadie, agirent plus prudemment à l’égard des sauvages. Dès qu’ils se trouvèrent en contact avec eux, ils les traitèrent avec bonté, et leur inspirèrent de suite une grande confiance. Ils firent de suite avec eux une alliance, qui ne fut jamais rompue. Aussi, plus tard, tandis que les colonies anglaises étaient sérieusement menacées par ces sauvages, on voyait les Français vivre paisiblement au milieu d’eux.

Cette alliance des Français et des sauvages fut solidement affermie par des mariages. Beaucoup de Français se marièrent à des sauvagesses. Des notables même contractèrent de semblables unions. Ainsi, l’on vit le Baron de Saint-Castin, ancien capitaine au régiment de Carignan, aller s’établir à Pentagoët, épouser la fille du grand Chef des sauvages de cet endroit, et demeurer trente-huit ans au milieu d’eux. Le Sieur Enaud, seigneur de Nipisiguy, contracta une semblable union. Ces mariages furent si fréquents, surtout de 1607-1675, époque où les femmes européennes étaient bien plus rares en Acadie que les hommes, qu’on prétend qu’il y a actuellement peu de familles acadiennes qui n’aient quelques gouttes de sang sauvage dans les veines[6].

Vers le temps de l’expédition de Weymouth, deux compagnies avaient été formées en Angleterre, l’une à Plymouth et l’autre à Londres, dans le but de faire explorer les côtes de la Virginie, et d’y commencer de nouveaux établissements. En 1606, la compagnie de Plymouth nolisa deux vaisseaux, pour cette fin, et les mit sous le commandement des capitaines Chalong et Prynne.

Chalong emmena avec lui deux des sauvages de Weymouth. Mais il ne put se rendre en Amérique. Il fut fait prisonnier par des Espagnols et conduit en Espagne, avec son équipage et ses deux sauvages. Ceux-ci ne revinrent jamais dans leur pays[7].

Prynne fut plus heureux. Il se rendit au Maine, qu’il explora avec soin puis il retourna en Angleterre, où il fit un brillant rapport touchant les hâvres, les rivières, les forêts et les pêcheries qu’il avait explorés.

Prynne n’eut rien à démêler avec les sauvages dans ce voyage, parcequ’à son arrivée, ceux-ci s’enfuirent promptement, et ne reparurent au rivage qu’après son départ pour l’Angleterre. Si les sauvages parurent effrayés, Prynne, de son côté, n’était pas sans inquiétude ; car l’affaire des cinq sauvages de Weymouth lui faisait craindre des représailles de la part de leurs frères ; c’est pourquoi, il s’abstint de chercher à les rencontrer.

L’année suivante, 1607, cent aventuriers, encouragés par le rapport de Prynne, s’embarquèrent sur deux vaisseaux et firent voile vers l’Amérique, dans le but d’y aller chercher fortune. Ils pensaient trouver l’or, l’argent et les pierres précieuses dans les forêts de ce nouveau pays. Ils emmenèrent avec eux les deux Abénakis, restés en Angleterre.

Ils touchèrent d’abord à l’île Monhigin, près des côtes du Maine, puis ils allèrent débarquer à la rivière Kénébec, en un endroit appelé par les sauvages « Sakkadaguk »[8], et qui fut nommé plus tard par les Anglais « Sagadahock ».

Les Abénakis, effrayés à la vue de cette troupe d’Anglais, s’enfuirent d’abord ; mais bientôt, ils se réunirent, et décidèrent de détruire ces étrangers, pensant qu’ils venaient leur donner la chasse, comme l’avait fait Weymouth à la rivière Pentagoët. Les Anglais furent sauvés en cette occasion par les deux prisonniers sauvages. Les Abénakis furent si contents de revoir ces deux frères, absents depuis deux ans, qu’ils se calmèrent et consentirent à entendre la harangue des étrangers.

Pendant leur séjour en Angleterre, ces deux sauvages avaient appris assez l’anglais pour servir d’interprètes. Par ce moyen, les Anglais purent faire comprendre facilement aux sauvages qu’ils ne venaient pas en leur pays pour leur nuire, ni pour leur faire la guerre, mais qu’ils voulaient vivre en paix avec eux, comme avec des frères. Les sauvages parurent d’abord avoir peu de foi en ces paroles ; cependant, encouragés et fortement conseillés par les deux interprètes, ils consentirent à la paix[9]. Alors, les Anglais se retirèrent sur l’île Parker, où ils bâtirent un fort, auquel ils donnèrent le nom de « George ».

Quelques jours après, les sauvages entièrement décidés de vivre en paix avec les nouveaux colons, députèrent leur grand Chef, pour conclure un traité de paix avec eux. Le Chef arriva au fort anglais, accompagné de son fils et de quelques autres sauvages, portant tous des arcs et des flèches. Il était facile de distinguer le Chef parmi les autres. Il était revêtu d’une peau de bête, ornée de wampum et retenue autour de son corps par une ceinture de wampum ; il portait sur sa tête une espèce de calotte, surmontée de plumes d’oiseaux de différentes espèces ; ses cheveux étaient noirs et longs, surtout sur le derrière de la tête ; sa taille était haute et imposante ; il se tenait droit et marchait lentement, affectant toujours l’air le plus solennel ; il portait un arc, des flèches et un long calumet[10]. Sa réception au fort fut solennelle. Avant de traiter d’affaires, on lui donna un peu d’eau-de-vie. Ce fut la première fois que ces sauvages virent des boissons enivrantes. Le peu qu’ils en prirent leur causa une joie inconnue, qui leur fit oublier complètement la crainte qu’ils avaient des Anglais[11].

Le Chef des Abénakis reconnut le roi d’Angleterre pour son souverain, et promit que sa tribu lui serait désormais soumise. Il fut réglé de plus que les sauvages vivraient toujours en bonne intelligence avec les colons, et qu’un commerce de fourrures serait établi entr’eux[12].

Ce fut en cette occasion que les Abénakis, ayant appris que le roi d’Angleterre s’appelait « King James, » introduisirent ces deux mots anglais dans leur langue, et en formèrent le mot « Kinjames, » qui, comme nous l’avons dit, signifie chez eux « un roi ».

Au mois de Décembre, les vaisseaux repassèrent en Angleterre, avec une grande partie des colons. Il ne resta au fort George que quarante-cinq hommes.

Bientôt, les nouveaux colons oublièrent les promesses qu’ils avaient faites aux sauvages, et commencèrent à les maltraiter. Ils ne leur permettaient pas de demeurer près du fort ; ils les chassaient de leurs maisons, parfois même à coups de bâtons, les faisaient mordre par leurs chiens, et affectaient à leur égard le plus grand mépris, ne les considérant que comme des animaux inférieurs à leurs chiens [13].

C’est ainsi que se passa l’hiver de 1607-1608. Les sauvages supportaient patiemment ces insultes et ces mépris, car ils étaient naturellement bons[14]. Ils voulaient vivre en paix avec les colons, comme ils l’avaient promis, et ne croyaient pas que ces mauvais traitements fussent une raison suffisante pour les engager à manquer à leur parole. Chaque fois qu’ils étaient ainsi maltraités ou méprisés, ils se retiraient silencieux et profondément affligés.

Mais au printemps, voyant que ces injustices augmentaient, ils résolurent de chasser les Anglais de leur pays. Heureusement pour ceux-ci qu’un vaisseau, arrivant d’Angleterre, venait de jeter l’ancre devant le fort. À la nouvelle du soulèvement des sauvages, ils s’y réfugièrent, et retournèrent en Angleterre, abandonnant leur nouvelle colonie.

On leur reprocha en Angleterre d’avoir abandonné si vite leur entreprise. Ils cherchèrent à se disculper et prétextant que le sol de ce pays était trop pauvre et le climat trop rigoureux pour y établir une colonie[15]. Mais la compagnie de Plymouth ne fut pas satisfaite par ces prétextes.

Ces aventuriers eussent mieux fait de dire la vérité, en avouant franchement qu’ils avaient été chassés par les Abénakis[16].

L’année suivante, 1609, Hudson alla jeter l’ancre à l’embouchure de la rivière Pentagoët, mais il ne put s’y établir, parce qu’il fut chassé par les sauvages[17]. De là, il se rendit au Cap Cod, et, croyant qu’il en était le premier découvreur, il l’appela « Nouvelle Hollande », parcequ’il avait beaucoup de Hollandais avec lui. Du cap Cod, il alla faire des explorations sur la rivière Hudson.

Tandis que les Anglais étaient chassés du Maine par les Abénakis, les Français s’établissaient en Acadie, et sympathisaient avec ces sauvages et avec les Micmacs.

En 1604, Pierre du Gua, Sieur de Monts, fut chargé par Henri IV, roi de France, d’aller établir une colonie dans l’Amérique. Quatre navires furent équipés, dont l’un était destiné à faire la traite des pelleteries à Tadoussac ; Pontgravé avait ordre de conduire le second à Canceau, et les deux autres étaient destinés à transporter les nouveaux colons.

De Monts, quoique calviniste, s’était engagé à établir la religion catholique parmi les sauvages de la nouvelle colonie. Il était un fort honnête homme, et jouissait de toute la capacité nécessaire pour réussir dans l’entreprise dont il s’était chargé[18].

Il partit du Havre-de-Grâce le 7 Mars, accompagné du Baron Jean de Poutrincourt et d’un certain nombre de colons. Il arriva heureusement en Amérique, et alla jeter l’ancre dans la Baie de Fundy, qu’il appela Baie Française. Bientôt, il entra dans un bassin spacieux. Poutrincourt, enchanté de la beauté de cet endroit, s’y établit avec sa famille. De Monts lui donna cette place en concession, et cette concession fut confirmée, plus tard, par le roi de France[19].

De Monts, continuant sa route vers le Sud, alla débarquer sur une île, située à l’embouchure de la rivière Sainte-Croix. Pendant l’hiver suivant, se trouvant sans eau douce et sans bois, il y souffrit beaucoup ; à ces maux vint se joindre la terrible maladie du scorbut, qui enleva trente-six colons. Au retour du printemps, 1605, il se hâta de quitter son île, et alla explorer les côtes de la Nouvelle-Angleterre jusqu’au Cap-Cod ; mais, ne trouvant aucun endroit qui lui parut assez avantageux pour s’établir, il retourna en Acadie, où Pontgravé venait d’arriver, avec quarante nouveaux colons. Alors, les premiers colons, encouragés par ce secours, venu si à propos, se dirigèrent vers l’établissement de Poutrincourt, où ils jetèrent les fondations de Port-Royal, qui porte aujourd’hui le nom d’Annapolis[20].

Les Abénakis et les Micmacs, qui habitaient ces contrées, accueillirent les Français avec bienveillance. Ils manifestèrent d’abord quelques craintes et un peu de méfiance ; mais, dès qu’ils reconnurent que ces étrangers voulaient vivre en paix avec eux, ils se montrèrent généreux et pleins de bonté, et firent de suite avec eux une alliance, qui ne fut jamais rompue, malgré toutes les tentatives que les Anglais firent plus tard dans ce but [21].

Poutrincourt affectionnait beaucoup ces sauvages, et ceux-ci de leur côté, étaient fort reconnaissants de ces marques d’affection. C’est ce qui contribua beaucoup à les attacher aux nouveaux colons[22].

À l’automne de 1605, de Monts et Poutrincourt repassèrent en France, et l’été suivant, le dernier revint en Acadie, avec de nouveaux colons[23].

Ce fut alors que les travaux de colonisation commencèrent avec activité dans l’Acadie. Des chemins furent ouverts dans les forêts ; on construisit un moulin à farine, et l’on fit du charbon de bois. « Enfin, » dit Garneau, « tous les procédés des pays civilisés étaient mis en usage pour faciliter les travaux dans le nouvel établissement »[24].

Les sauvages étaient émerveillés à la vue de toutes ces choses nouvelles pour eux ; ces améliorations les étonnaient grandement, et ils étaient forcés d’avouer que « ces étrangers savaient beaucoup de choses »[25]. « Ils commençaient alors à s’apprivoiser, » dit le P. de Charlevoix[26].

Cependant, en 1607, la société formée en France pour l’établissement de cette colonie ayant été dissoute, les colons furent forcés d’abandonner leurs travaux, tandis qu’ils se réjouissaient de leurs succès, après trois années de pénibles efforts. Port-Royal fut donc abandonné.

À la nouvelle du prochain départ de Poutrincourt, les sauvages manifestèrent la plus grande douleur, car ils étaient déjà fortement attachés aux Français, et ils considéraient le départ de leur protecteur comme un grand malheur pour eux[27].

Aussi, ils versèrent d’abondantes larmes, en le reconduisant au rivage, et le supplièrent hautement de revenir au milieu d’eux aussitôt qu’il lui serait possible[28]. Poutrincourt, touché d’une si grande affection, les consola un peu, en leur déclarant qu’il partait avec le dessein de revenir bientôt.

Les Français de l’Acadie ne repassèrent pas tous en France ; un grand nombre y restèrent et se dispersèrent parmi les sauvages. La plupart se marièrent à des sauvagesses, et passèrent le reste de leurs jours avec les sauvages, adoptant leur manière de vivre. C’est de cette époque que datent les premiers mariages des Français avec les sauvages de l’Acadie[29].

Poutrincourt s’occupa activement en France à former une nouvelle société pour continuer l’établissement de sa colonie. Mais ce ne fut qu’en 1610 qu’il put conclure un arrangement à cet effet, avec deux marchands de Dieppe, Dujardin et Duquêne. Alors, il revint en Acadie, accompagné de nouveaux colons. Les sauvages le reçurent avec un véritable enthousiasme de joie. Poutrincourt fut fort surpris de trouver son fort de Port-Royal et les maisons dans le même état qu’il les avait laissés. Rien n’y avait été dérangé ; les meubles même des maisons étaient encore à leurs places[30]. Ceci nous fait bien connaître le respect et l’amour que ces sauvages avaient alors pour les Français.

Poutrincourt avait refusé d’emmener des Jésuites en Acadie, parcequ’il les craignait. Quoique sincèrement attaché à la religion catholique[31], il avait des préjugés contre ces religieux, préjugés qu’il avait puisés dans les calomnies des prétendus réformés. C’est pour cette raison qu’il préféra emmener à Port-Royal un prêtre séculier, M. Jessé Fléché, du Diocèse de Langres [32].

Dès son arrivée à Port-Royal, M. Fléché commença à exercer ses fonctions de missionnaire parmi les sauvages. Dans les années précédentes, un grand Chef, du nom de Membertou, ses enfants et ses proches parents avaient été instruits des vérités chrétiennes par les Français. Quelques mois après son arrivée en Acadie, M. Fléché baptisa ce Chef avec vingt autres sauvages. Cette cérémonie eut lieu le 24 Juin 1610[33]. Plusieurs autres sauvages furent baptisés la même année. Alors, Poutrincourt envoya au roi une liste de vingt-cinq sauvages, qu’on avait ainsi baptisés à la hâte[34].

Il est reconnu que le missionnaire alla trop vite, et qu’il n’éprouva pas assez ces sauvages avant de leur conférer le baptême ; car ils continuèrent ensuite à vivre dans la polygamie, comme auparavant, malgré les défenses qu’on leur fit à ce sujet.

Cette trop grande précipitation fut aussi, plus tard, une cause de difficultés entre Poutrincourt et les P. P. Jésuites, qui agirent bien différemment.

Le Chef Membertou jouissait d’une haute réputation et d’une grande influence parmi les sauvages. Il était très-avancé en âge, mais il avait tellement conservé ses forces qu’on ne lui aurait pas donné plus de cinquante ans. « C’était un homme, » dit Lescarbot, « qui avait de la dignité, d’une haute taille et portant grande barbe. » Il était fort intelligent et comprenait facilement les vérités chrétiennes[35].


  1. Sauvages de la Nouvelle-Angleterre.
  2. L’Abbé J. B. A. Ferland. Hist. du Canada, 1ère partie : 15
  3. Le P. de Charlevoix. Hist. Générale de la N. France. Vol. I, 7-11.
  4. Bancroft. Hist. of the U. S. Vol. I. 87, 88 — S. G Goodrich Pictorial Hist. of the U. S. 40.
  5. Williamson’s Maine. 191.
  6. E. Rameau. Acadiens et Canadiens, 1ère partie. 124.
  7. S. G Goodrich. Pictorial Hist. of the U. S. I.
  8. « Sakkadaguk, » à l’endroit où le terrain est plat et uni.
  9. Bancroft. Hist. of the U. S. Vol. I. 202.

    S. G. Goodrick. Pictorial Hist. of the U. S. 41.

  10. Nous avons fait des recherches pour trouver le nom de ce Chef ; mais ces recherches ont été inutiles. Nous avons constaté, avec regret, que l’histoire ne noua transmet pas ce nom.
  11. S. G. Goodrich. Pictorial Hist. of the U. S. 41.
  12. Idem, 41.
  13. Relation du P. Biard. 1611. 37.
  14. Relation du P. Biard. 1611. 36.
  15. Bancroft. Hist. of the U. S. Vol. I, 203.
  16. Relation du P. Biard. 1611. 36.
  17. Idem. 1611. 36.
  18. Le P. de Charlevoix. Hist. Générale de la N. France, Vol. I 163.
  19. Idem. Vol. I. 183.
  20. Le P. de Charlevoix. Hist. Gén. de la N. France. Vol, 1, 180, 181.
  21. Garneau. Hist. du Canada. Vol. I, 43. — Relation du P. Biard, 1811. 37, 38.
  22. Garneau. Hist. du Canada. Vol. I. 45.
  23. La P. de Charlevoix. Hist. Gén. de la N. France Vol. I. 183, 184.
  24. Garneau. Hist. du Canada. Vol. 1. 45.
  25. Idem. Vol. 45.
  26. Le P. de Charlevoix. Hist. Gén. de la N. France. Vol. 1. 185.
  27. Les sauvages d’Acadie considéraient Poutrincourt comme leur protecteur.
  28. Garneau. Hist. du Canada. Vol. I. 45.
  29. É. Rameau. Acadiens et Canadiens, 1ère partie. 123. 124.
  30. Garneau. Hist. du Canada, Vol. I. 46,
  31. Le P. de Charlevoix, Hist. Gén. de la N. France. Vol, 1, 189. Poutrincourt écrivit en 1608 au Pape Paul V une lettre fort édifiante ; Lescarbot rapporte cette lettre. On voit par ce document que le zèle de Poutrincourt pour la religion catholique était sincère.
  32. L’abbé J. A. Ferland, Hist. du Canada. 1ère partie. 79.
  33. Idem, 80.
  34. Le P. de Charlevoix, Hist. Gén. de la N. France, Vol. 1, 190.
  35. L’Abbé J. B. A. Ferland, Hist. du Canada, 1ère partie, 71.