Histoire du matérialisme/Avant-propos

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Traduction par B. Pommerol.
C. Reinwald (tome 1p. xlix-li).



AVANT-PROPOS DE L’AUTEUR


Les modifications que nous avons fait subir à cette deuxième édition de l’Histoire du matérialisme, ont été nécessairement motivées, en partie par le plan primitif de l’ouvrage, en partie par l’accueil qu’il a reçu du public.

Comme je l’ai déclaré incidemment dans la première édition, je désirais produire un effet immédiat et je me serais consolé sans peine si, au bout de cinq ans, mon œuvre eut déjà été oubliée. Mais, loin de là, malgré une série de critiques, du reste très-bienveillantes, il m’a fallu près de cinq ans pour commencer à être connu d’une manière satisfaisante, et jamais mon ouvrage n’a été demandé plus vivement que lorsque l’édition en était épuisée et que mon travail, selon moi, avait vieilli sous bien des rapports. Cette dernière réflexion s’applique surtout à la deuxième partie de l’ouvrage, qui sera pour le moins remaniée d’une manière aussi complète que celle qui reparaît aujourd’hui. Les livres, les personnes et les questions spéciales, autour desquelles s’agite la lutte des opinions, ont changé en partie ; le rapide développement des sciences physiques et naturelles exigeaient principalement une refonte totale du texte de différentes sections, bien que l’enchaînement des idées et l’ensemble des conclusions pussent au fond rester les mêmes.

La première édition était, à vrai dire, le fruit de longues années d’études, et cependant la forme en ressemblait presque à de l’improvisation. Plusieurs défauts de ce mode de rédaction ont maintenant disparu, mais en même temps aussi peut-être différentes qualités de mon travail primitif. Si, d’un côté, je voulais répondre, autant que possible, à l’attente des lecteurs qui me demandaient plus que mon intention première n’était de leur donner ; d’un autre côté, je ne voulais pas enlever entièrement à mon œuvre son cachet primitif. Loin de moi donc l’idée de revendiquer pour la première partie, dans sa nouvelle forme, le caractère d’une véritable monographie historique ; je ne pouvais ni ne voulais oublier que mon livre est avant tout une œuvre d’enseignement, de démonstration et de progrès, qui se poursuit depuis la première page jusqu’à la conclusion finale de la deuxième partie, et qui, pour mieux préparer les lecteurs et atteindre son but, sacrifie la paisible uniformité d’une rédaction purement historique. Mais, en remontant sans cesse aux sources, en ajoutant des notes et des éclaircissements considérables, j’espérais remédier en grande partie à l’absence d’une monographie réelle, sans renoncer au but essentiel que je me propose. Après comme avant, mon dessein est d’éclairer les principes, et je ne me défendrai pas trop si, pour ce motif, on ne trouve pas tout à fait exact le titre que j’ai donné à mon œuvre. Ce titre a maintenant un droit historique et peut être conservé. Mais pour contenter aussi les lecteurs qui s’attachent surtout à l’exposé historique, quelque défectueux qu’il puisse être, j’ai donné à la première partie son index spécial, et l’on pourra se procurer les deux volumes séparément. Pour moi, cependant ils forment une entité indissoluble ; toutefois mon droit cessera quand j’aurai déposé la plume, et je devrai me tenir pour satisfait si tous les lecteurs, même ceux qui ne pourront utiliser que certaines parties de mon ouvrage, veulent être assez indulgents pour apprécier les difficultés de ma tâche.

A. Lange.



Marbourg, juin 1873.