Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre IV/Chapitre 19

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XIX. Situation de la compagnie des Indes, à la chûte du ſyſtême.

À la chute du ſyſtême, le gouvernement abandonna à la compagnie des Indes le monopole du tabac, en paiement des quatre-vingt-dix millions qu’elle lui avoit prêtés ; il lui accorda le privilège excluſif de toutes les ſoieries du royaume ; il lui permit de convertir en rentes viagères ou tontines une partie de ſes actions. Ce qui en reſta ne paſſa pas le nombre de cinquante ſix mille qui furent réduites par des événemens poſtérieurs à cinquante mille deux cens ſoixante-huit quatre dixièmes. Malheureuſement cette ſociété conſerva les privilèges des différentes compagnies dont elle étoit formée ; & cette prérogative ne ſervit pas à lui donner de la puiſſance & de la ſageſſe, Elle gêna la traite des nègres ; elle arrêta les progrès des colonies à ſucre. La plupart de ſes privilèges ne firent qu’autoriſer des monopoles odieux. Les pays les plus fertiles de la terre ne furent entre ſes mains ni peuplés, ni cultivés. L’eſprit de finance qui rétrécit les vues, comme l’eſprit de commerce les étend, s’empara de la compagnie, & ne la quitta plus. Les directeurs ne ſongèrent qu’à tirer de l’argent des droits cédés en Amérique, en Afrique, en Aſie, à la compagnie. Elle devint une ſociété de fermiers, plutôt que de négocians. Si elle n’eût eu la probité de payer les dettes accumulées depuis un ſiècle par la nation dans l’Inde : ſi elle n’eût eu la précaution de mettre Pondichery à l’abri de l’invaſion en l’entourant de murs, on ſe trouveroit réduit à l’impoſſibilité de louer aucune partie de ſon adminiſtration. Son commerce fut foible & précaire, juſqu’au moment où Orri fut chargé des finances du royaume.