Illuminations (éd. 1886)/« Loin des oiseaux, des troupeaux »

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Les Illuminations, Texte établi par Félix FénéonPublications de la Vogue (p. 89-90).



Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises, 

Je buvais à genoux dans quelque bruyère

Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert, 

Boire à ces gourdes vertes, loin de ma case

Claire, quelque liqueur d’or qui fait suer ?

Effet mauvais pour une enseigne d’auberge.

Puis l’orage changea le ciel jusqu’au soir : 

Ce furent des pays noirs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares,


L’eau des bols se perdait sur les sables vierges, 

Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares, 

Et, tel qu’un pêcheur d’or et de coquillages, 

Dire que je n’ai pas eu souci de boire !