Impressions d’Afrique/Chapitre IX

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A. Lemerre (p. 195-211).

IX


Le lendemain, Norbert Montalescot nous éveilla au petit jour.

Vêtus à la hâte, nous prîmes en troupe compacte le chemin de la place des Trophées, goûtant voluptueusement la fraîcheur relative due à l’heure matinale.

Prévenus aussi par Norbert, l’empereur et Sirdah débouchèrent en même temps que nous sur l’esplanade. Délaissant son accoutrement de la veille, Talou avait arboré sa tenue habituelle de chef indigène.

Norbert nous appela vers la logette où Louise avait passé toute la nuit au travail. Debout aux premières lueurs de l’aube, il était venu prendre les ordres de sa sœur, qui, élevant la voix sans se montrer, l’avait enjoint de nous soustraire immédiatement au sommeil.

Soudain, produisant un bruit sec de déchirure, certaine lame brillante, partiellement offerte à nos yeux, sembla entailler d’elle-même une des parois noires de la logette.

Le tranchant, sciant avec force l’épais tissu, finit par accomplir un vaste parcours rectangulaire ; c’est de l’intérieur que le couteau était manié par Louise elle-même, qui bientôt, arrachant le pan de toile découpé, s’élança au dehors, porteuse d’un immense sac de voyage très chargé.

— Tout est prêt pour l’expérience, s’écria-t-elle avec un sourire de joyeux triomphe.

Elle était grande et charmante avec son aspect de guerrière complété par une culotte bouffante prise dans de fines bottes d’écuyère.

Par l’ouverture béante récemment créée apparaissaient, pêle-mêle sur une table, toutes sortes de fioles, de cornues et de cuvettes plates, qui faisaient de la logette un curieux laboratoire.

La pie venait de s’échapper pour voleter librement d’un sycomore à l’autre, en se grisant d’indépendance et d’air pur.

Norbert prit le sac pesant des mains de sa sœur et se mit en marche à ses côtés vers le sud d’Éjur.

Toute l’escorte, Talou et Sirdah en tête, suivit le frère et la sœur, qui cheminaient assez vite dans la clarté toujours grandissante.

Après être sortie de la ville, Louise continua encore un instant, puis, séduite par certaines combinaisons de tons, s’arrêta juste à l’endroit d’où nous avions, la veille, contemplé le feu d’artifice.

L’aurore, éclairant par derrière les magnifiques arbres du Béhuliphruen, produisait des jeux de lumière curieux et inattendus.

Talou choisit lui-même un emplacement favorable au captivant essai promis, et Louise, ouvrant le sac apporté par son frère, déballa un objet plié, qui, une fois redressé dans sa position ordinaire, formait un chevalet rigoureusement vertical.

Une toile neuve, bien tendue sur son cadre intérieur, fut posée à mi-hauteur du chevalet et maintenue solidement par un crampon à vis que Louise abaissa jusqu’au niveau demandé. Ensuite la jeune femme, avec grand soin, prit, dans une boîte préservatrice de tout contact, une palette préparée d’avance, qui vint s’adapter exactement à certaine armature de métal fixée au côté droit du chevalet. Les couleurs, par tas bien isolés, étaient rangées en demi-cercle avec une précision géométrique sur la région supérieure de la mince feuille de bois, qui, ainsi que la toile à remplir, faisait face au Béhuliphruen.

Le sac, en outre, contenait un support articulé semblable à un pied d’appareil photographique. Louise le saisit, puis en allongea les trois branches extensibles, qu’elle posa sur le sol non loin du chevalet, en réglant avec sollicitude la hauteur et la stabilité de l’ensemble.

À ce moment, obéissant aux injonctions de sa sœur, Norbert sortit de la valise, pour le placer derrière le chevalet, un lourd coffret dont le couvercle vitré laissait voir plusieurs piles rangées intérieurement côte à côte.

Pendant ce temps, Louise dépaquetait lentement, avec des ménagements infinis, un ustensile sans doute très fragile, qui apparut à nos yeux sous l’aspect de quelque plaque épaisse et massive, protégée par un couvercle de métal épousant exactement sa forme rectangulaire.

Rappelant succinctement une carcasse de balance rigide, la partie culminante du support à trois pieds se composait d’une sorte de fourche à large écart, brusquement terminée par deux montants verticaux sur lesquels, par un geste de précautionneuse plantation, Louise put fixer un des longs côtés de sa plaque, en utilisant deux fines ouvertures, profondes et bien placées, que maintenait à l’air libre une paire de courtes rainures postérieures, ménagées en vue d’un facile va-et-vient dans la bordure enserrante du couvercle.

Voulant apprécier la disposition des différents articles, la jeune femme, en clignant des yeux, se recula vers le Béhuliphruen pour mieux juger les distances respectives. Elle voyait ainsi à sa droite le support, à sa gauche le chevalet précédant le coffret, et au milieu la palette chargée de couleurs.

La plaque rectangulaire exposait directement aux feux de l’aurore son couvercle lisse, qu’un anneau central rendait préhensible ; son verso, dépourvu de tout voile, donnait naissance à une myriade de fils métalliques prodigieusement fins, qui, offrant l’aspect d’une chevelure trop régulière, servaient à faire communiquer chaque imperceptible région de la substance avec un appareil quelconque approvisionné d’une source d’énergie électrique. Les fils, se réunissant, formaient, sous une enveloppe isolatrice, une épaisse torsade terminée par un lingot allongé que Louise, revenue à son poste, enfonça en se baissant dans une ouverture latérale du coffret à piles.

Le sac fournit encore, sous forme partielle d’appui-tête photographique, un fort tube vertical, qui, bien établi sur une lourde base circulaire, était flanqué à son sommet d’une vis facilement maniable pouvant fixer à hauteur commode une tige de fer intérieure.

Posant l’appareil devant le chevalet, Louise leva la tige mobile hors du tube et serra la vis après avoir soigneusement vérifié le niveau atteint par la pointe suprême, qui se trouvait placée juste en face de la toile encore intacte.

Sur cette pointe stable et isolée la jeune femme enfonça solidement, comme une boule de bilboquet, certaine grande sphère de métal munie horizontalement d’une sorte de bras pivotant et articulé dont l’extrémité, dirigée vers la palette, portait une dizaine de pinceaux pareils aux rayons d’une roue renversée à plat.

Bientôt, par les soins de l’opératrice, un fil double établit une communication entre la sphère et le coffret électrique.

Avant de commencer l’expérience, Louise, débouchant une petite burette, versa une goutte d’huile sur les barbes de chaque pinceau. Norbert mit à l’écart la valise encombrante, presque vide depuis que la jeune femme y avait puisé la sphère de métal.

Pendant ces préparatifs le jour s’était levé peu à peu, et le Béhuliphruen se remplissait maintenant de lueurs éclatantes, formant un ensemble féerique et multicolore.

Louise ne put retenir un cri d’admiration en se retournant vers le splendide jardin, dont l’illumination semblait magique. Jugeant la minute incomparable et miraculeusement propice à la réalisation de ses projets, la jeune femme s’approcha du support triplement ramifié et saisit par son anneau le couvercle adapté à la plaque.

Tous les spectateurs se massèrent près du chevalet afin de n’opposer aucun obstacle aux rayons lumineux.

Louise était visiblement émue au moment de tenter la grande épreuve. Sa respiration orchestrale s’accélérait, donnant plus de fréquence et de vigueur aux accords monotones continuellement exhalés par les aiguillettes. D’un geste brusque elle arracha le couvercle, puis, passant derrière le support et le chevalet, vint se mêler à nous pour épier les mouvements de l’appareil.

Privée de l’obturateur que la jeune femme tenait toujours dans ses doigts, la plaque apparaissait maintenant à nu, montrant une surface brune, lisse et brillante. Tous les regards fixaient avidement cette mystérieuse matière, dotée par Louise d’étranges propriétés photo-mécaniques. Soudain un léger frisson agita, en face du chevalet, le bras automatique, formé en somme d’une simple lame horizontale et brillante, coudée en son milieu ; l’angle mobile du coude tendait à s’ouvrir le plus possible sous l’action d’un ressort assez puissant contrarié par un souple fil de métal qui, sortant de la sphère, agrippait la pointe finale du bras et réglait ainsi l’écart ; actuellement le fil en s’allongeant laissait l’angle s’agrandir progressivement.

Ce premier symptôme provoqua un léger mouvement dans l’assistance anxieuse et troublée.

Le bras se tendait lentement vers la palette, pendant que la roue horizontale et sans jante, créée à son extrémité par l’étoile de pinceaux, s’élevait graduellement au sommet d’un essieu vertical, mû dans le sens de la hauteur par certaine rondelle dentée qu’une courroie de transmission pleine d’élasticité reliait directement à la sphère.

Les deux mouvements combinés conduisirent la pointe d’un des pinceaux sur une épaisse provision de couleur bleue accumulée vers le sommet de la palette. Les barbes se teintèrent rapidement, puis, après une courte descente, étalèrent les parcelles dérobées sur une portion vierge de la surface de bois. Quelques atomes de couleur blanche, pris de la même façon, furent déposés sur l’endroit récemment taché de bleu, et les deux tons, parfaitement amalgamés par un frottement prolongé, donnèrent un azur pâle très atténué.

Légèrement raccourci par une traction du fil métallique, le bras pivota doucement et s’arrêta, en haut, devant l’angle gauche de la toile soudée au chevalet. Aussitôt le pinceau imprégné de nuance délicate traça automatiquement sur le bord du futur tableau une bande de ciel mince et verticale.

Un murmure d’admiration accueillit cette première ébauche, et Louise, sûre désormais du succès, poussa un large soupir de satisfaction accompagné d’une bruyante fanfare de ses aiguillettes.

La roue de pinceaux, revenue devant la palette, tourna subitement sur elle-même, mue par une seconde courroie de transmission qui, faite comme la première d’un tissu extensible, disparaissait dans l’intérieur de la sphère. Un bruit sec se fit entendre, produit par un cran d’arrêt fixant solidement à la place privilégiée un nouveau pinceau aux barbes neuves et intactes. Bientôt plusieurs couleurs primitives, mélangées sur une autre portion de la palette, composèrent une teinte jaune d’or pleine de feux, qui, transportée sur le tableau, continua le ruban vertical déjà commencé.

En se retournant vers le Béhuliphruen, on pouvait vérifier l’exactitude absolue de cette succession brusque des deux nuances, formant une ligne nettement marquée dans le ciel.

Le travail se poursuivit avec précision et rapidité. Maintenant, pendant chaque visite faite à la palette, plusieurs pinceaux effectuaient tour à tour leurs différents amalgames de couleurs ; ramenés devant le tableau, ils défilaient de nouveau dans le même ordre, déposant tous sur la toile, en proportion parfois infime, leur coloris frais et spécial. Ce procédé rendait accessibles les plus subtiles gradations de nuances, et peu à peu un coin de paysage plein d’éclat véridique s’étala devant nos yeux.

Tout en regardant l’appareil Louise nous donnait d’utiles explications.

Seule la plaque brune mettait tout en mouvement par un système basé sur le principe de l’électro-aimantation. Malgré l’absence de tout objectif, la surface polie, par suite de son extrême sensibilité, recevait des impressions lumineuses prodigieusement puissantes, qui, transmises par les innombrables fils piqués au verso, animaient tout un mécanisme au sein de la sphère, dont la circonférence devait mesurer plus d’un mètre.

Comme nous avions pu le constater par nos yeux, les deux montants verticaux terminant la fourche du support à trois pieds étaient faits de la même matière brune composant la plaque elle-même ; grâce à une adaptation parfaite, ils ne formaient avec elle qu’un seul bloc homogène et contribuaient maintenant, dans leur région spéciale, au perpétuel épanouissement de la communication photo-mécanique.

D’après les révélations de Louise, la sphère contenait une deuxième plaque rectangulaire, qui, pourvue d’un nouveau réseau de fils lui apportant les sensations polychromes de la première, était parcourue de tranche en tranche par une étroite roue métallique propre à mouvoir électriquement, par le courant qu’elle établissait, un ensemble complexe de bielles, de pistons et de cylindres.

La tâche avançait progressivement vers la droite, toujours par bandes verticales tracées l’une après l’autre de haut en bas. Chaque fois que la roue sans jante tournait devant la palette ou devant la toile, on entendait les appels stridents du fixateur destiné à maintenir successivement tel ou tel pinceau pendant la courte durée du travail. Ce bruit monotone copiait, en beaucoup plus lent, le crissement prolongé des tourniquets de foire.

La surface entière de la palette se trouvait maintenant salie ou entamée ; les mélanges les plus hétéroclites voisinaient côte à côte, modifiés sans cesse par quelque nouvel apport de couleur fondamentale. Aucune confusion ne se produisait malgré ce déroutant bariolage, chaque pinceau restant consacré à certaine catégorie de nuances qui lui conférait telle spécialité plus ou moins définie.

Bientôt toute la moitié gauche du tableau fut terminée.

Louise épiait avec joie les agissements de l’appareil, qui jusqu’alors avait fonctionné sans accident ni erreur.

Le succès ne se démentit pas un seul instant durant l’achèvement du paysage, dont la seconde moitié fut peinte avec une merveilleuse sûreté.

Quelques secondes avant la fin de l’expérience, Louise était passée de nouveau derrière le chevalet, puis derrière le support, afin de se replacer auprès de la plaque sensible. À ce moment il ne restait plus à l’extrémité droite de la toile qu’une étroite ligne blanche qui fut promptement comblée.

Après le dernier coup de pinceau, Louise remit vivement le couvercle obturateur sur la plaque brune, immobilisant par ce seul fait le bras articulé. Débarrassée de toute préoccupation relative au travail mécanique, la jeune femme put examiner à loisir le tableau si curieusement exécuté.

Les grands arbres du Béhuliphruen étaient fidèlement reproduits avec leurs magnifiques branchages, dont les feuilles, de nuance et de forme étranges, se couvraient d’une foule de reflets intenses. À terre, de larges fleurs, bleues, jaunes ou cramoisies, étincelaient parmi les mousses. Plus loin, à travers les troncs et les ramures, le ciel resplendissait ; en bas, une première zone horizontale, d’un rouge sanglant, s’atténuait pour laisser place, un peu plus haut, à une bande orange qui, s’éclaircissant elle-même, faisait naître un jaune d’or très vif ; ensuite venait un azur pâle à peine teinté, au sein duquel brillait, vers la droite, une dernière étoile attardée. L’œuvre, dans son ensemble, donnait une impression de coloris singulièrement puissant et restait rigoureusement conforme au modèle, ainsi que chacun pouvait s’en assurer par un simple coup d’œil jeté sur le jardin lui-même.

Aidée de son frère, Louise, maniant le crampon du chevalet, remplaça le tableau par un bloc de même grandeur, formé d’une épaisse juxtaposition de feuilles blanches reliées par leurs bords ; puis, ôtant le dernier pinceau employé, elle mit à l’endroit libre un crayon soigneusement taillé.

Quelques mots nous révélèrent le but de l’ambitieuse jeune femme, qui, voulant maintenant nous soumettre un simple dessin, forcément plus précis que le tableau comme finesse de contours, n’eut qu’à faire jouer certain ressort placé au sommet de la sphère pour modifier légèrement le mécanisme intérieur.

Prêts à fournir un sujet touffu et animé, quinze ou vingt spectateurs, sur la prière de Louise, allèrent se grouper à courte distance, dans le champ embrassé par la plaque. Cherchant un effet de vie et de mouvement, ils se posèrent comme les passants d’une rue fréquentée ; plusieurs, évoquant par leur attitude une marche rapide, courbaient le front avec un air de profonde préoccupation ; d’autres, plus calmes, devisaient par couples flâneurs, tandis que deux amis, en se croisant, échangeaient de loin un salut familier.

Recommandant, ainsi qu’un photographe, la plus complète immobilité aux figurants, Louise, postée près de la plaque, enleva le couvercle d’un coup sec, puis refit son détour habituel pour venir surveiller de plus près le manège du crayon.

Le mécanisme, renouvelé en même temps que modifié par l’action du ressort pressé sur la sphère, ramena doucement le bras articulé vers la gauche. Le crayon se mit à courir de haut en bas sur le papier blanc, suivant les mêmes sections verticales précédemment frayées par les pinceaux.

Cette fois nul déplacement vers la palette, nul changement d’outil, nulle trituration de couleurs, ne retardaient la besogne, qui avançait promptement. Le même paysage apparaissait dans le fond, mais son intérêt, maintenant secondaire, était annihilé par les personnages du premier plan. Les gestes, pris sur le vif, ― les habitus, très définis, ― les silhouettes, curieusement amusantes, ― et les visages, criants de ressemblance, ― avaient l’expression voulue, tantôt sombre, tantôt joyeuse. Tel corps, un peu penché vers le sol, semblait doué d’un vif élan de marche en avant ; telle figure épanouie dénotait l’affable étonnement d’une rencontre imprévue.

Le crayon glissait agilement, non sans la quitter souvent, sur la feuille, qui fut remplie en quelques minutes. Louise, retournée en temps voulu à son poste, replaça l’obturateur sur la plaque, puis appela les figurants, qui, heureux de s’agiter un peu après leur engourdissement prolongé, vinrent en courant admirer l’œuvre nouvelle.

Malgré le contraste du décor, le dessin donnait l’idée exacte d’une fiévreuse circulation de rue. Chacun se reconnut sans peine au milieu du groupe compact, et les félicitations les plus vives furent prodiguées à Louise, émue et rayonnante.

Norbert se chargea de démonter tous les ustensiles pour les remettre dans la valise.

Pendant ce temps, Sirdah témoignait à Louise l’entière satisfaction de l’empereur, émerveillé de la façon parfaite dont la jeune femme avait rempli toutes les conditions strictement imposées par lui.


Dix minutes plus tard nous étions tous rentrés à Éjur.

Talou nous entraîna jusqu’à la place des Trophées, où nous aperçûmes Rao accompagné d’un guerrier indigène.

Devant tous, l’empereur désigna Carmichaël en commentant son geste par quelques mots brefs.

Aussitôt Rao s’approcha du jeune Marseillais, qu’il mena vers un des sycomores voisins du théâtre rouge.

Le guerrier fut mis en faction pour surveiller le pauvre puni, qui, debout, le visage tourné vers le tronc de l’arbre, commença les trois heures de consigne durant lesquelles il devait sans cesse repasser la Bataille du Tez, imparfaitement exécutée la veille.

Prenant dans les coulisses désertes la chaise de Juillard, je vins m’asseoir sous les branches du sycomore, en proposant à Carmichaël de lui faciliter sa tâche par mon concours. Il me tendit à l’instant même une grande feuille volante sur laquelle la prononciation barbare du texte ponukéléien se trouvait minutieusement transcrite en caractères français. Stimulé par la crainte d’un nouvel échec, il se mit à réciter attentivement sa bizarre leçon en fredonnant l’air à mi-voix, pendant que je suivais chaque ligne syllabe par syllabe, prêt à relever la moindre erreur ou à souffler tel fragment oublié.

La foule, abandonnant la place des Trophées, s’était lentement répandue dans Éjur, et, peu distrait par ma besogne purement mécanique, je ne pouvais m’empêcher de songer, dans le grand silence matinal, aux multiples aventures qui depuis trois mois avaient rempli ma vie.