Jugement philosophique sur J.-J. Rousseau et sur Voltaire/Note

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NOTE.




Je crois devoir donner une idée concise de l’ouvrage que j’ai rappelé dans ma Préface ; celui que l’on vient de lire ne présentant que l’une des applications les plus frappantes du principe sur lequel le Manuel du Philosophe est fondé. Une analyse claire, succincte, fidèle de ce principe et de l’ensemble de ses conséquences, a été placée dans le Moniteur du 14 décembre 1816. Je ne saurais mieux faire que de la reproduire. Elle est forte, elle est grave ; c’est ce que devait être l’analyse d’un ouvrage que son objet me commandait de rendre très-grave, très-précis. Cet objet, la constitution de l’univers, est le plus important, le plus étendu que puisse embrasser la pensée humaine.

J’ose prier mes lecteurs de recueillir un moment leur attention.

… « Le mouvement existe dans l’univers, non comme cause première, mais comme effet premier et universel de la cause suprême.

» Il suit de là que, sans remonter à l’origine des êtres, et en se bornant à prendre l’univers dans son état actuel, chaque être, chaque corps est nécessairement pénétré d’une action intime qui appartient à chacune de ses parties.

« Or, de deux choses l’une : ou cette action, dans chaque être, tend à le replier sur lui-même, à le concentrer ; ou bien, elle a pour objet de l’étendre, de le développer.

» Mais il est de toute évidence que si l’action n’existait dans les êtres que pour les replier sur eux-mêmes, pour les concentrer, l’action, dans l’univers, n’aurait pour but, pour effet général, que de produire la concrétion et l’immobilité générales.

» Ainsi, dans un être quelconque, l’action du mouvement, l’action qui lui est imprimée par la cause suprême, ne peut avoir pour but que de l’étendre de le développer.

» C’est à ce mouvement essentiel d’extension et de développement que M. Azaïs donne le nom d’expansion. Tout lui démontre que cette force existe généralement dans la nature, et qu’elle ne peut pas ne pas exister.

» Voici maintenant l’enchaînement des conséquences ou applications qui découlent du principe.

» La science universelle, la science de tous les faits se divise en trois brancher principales, unies entre elles par toutes leurs racines et tous leurs rameaux. Ces trois branches sont : 1o. la physique qui embrasse tous les faits de l’ordre mécanique ; 2o. la physiologie, qui embrasse tous les faits de l’ordre vital et organique ; 3o. la politique, qui embrasse tous les faits de l’ordre social.

» Dans l’ordre mécanique, l’expansion produit immédiatement tous les effets de dilatation, de séparation, de désunion, de divergence. Par exemple, un globe tel que le globe de la terre, est constamment sollicité par l’expansion, de se développer, d’occuper un espace successivement plus grand, par conséquent de se dissoudre ; et c’est à quoi il parviendrait avec rapidité s’il était le seul globe existant. Mais chaque globe est environné d’autres globes soumis à une force d’expansion semblable à la sienne. L’action expansive de chaque globe se trouve ainsi réprimé par l’action environnante ; et cette réaction environnant est, pour chaque globe, la cause immédiate du refoulement éprouvé par ses diverses parties, refoulement qui n’est autre chose que la gravitation.

» Ainsi la gravitation est le produit secondaire de l’expansion, et lui sert de balancement exact, puisqu’elle en tire toute sa puissance. Or, expansion, gravitation, équilibre de ces deux forces, c’est toute l’astronomie, c’est toute la mécanique c’est toute la physique.

» Dans l’ordre vital et organique, chaque être vivant est un foyer d’expansion concentrée, qui tend sans cesse à le développer, à l’accroître, à le propager. Tel est le penchant, le besoin commun à toutes les plantes, à tous les animaux, à tous les hommes ; mais chaque être vivant est entouré d’autres êtres de même espèce, ou d’espèces différentes qui, tous sont animés d’une expansion plus ou moins ressemblante à la sienne, qui par conséquent réagissent sans cesse contre le développement que son expansion lui imprime ; en sorte que chaque être vivant, comme chaque globe est, à la fois, centre d’action et de réaction correspondantes et égales.

» Enfin dans l’ordre social, chaque réunion d’hommes, chaque nation est nécessairement animée d’une expansion générale, formée par la somme de toutes les expansions individuelles. Ainsi chaque nation tend nécessairement à se développer, à s’étendre successivement sur un plus grand espace. Mais chacune des nations qui l’environnent est également animée de l’expansion sociale ; par conséquent, chacune est environnée d’une réaction égale à son action.

» C’est maintenant dans l’ouvrage de M. Azaïs, qu’il faut voir avec quelle facilité s’explique, par ce seul balancement de l’action et de la réaction sociales, tout ce qui compose la vie des nations. Cette partie de l’ouvrage est divisée en dix chapitres, dont voici les sujets : état de société, état de guerre, alliances, puissance majeure, civilisation, révolutions, gouvernement, constitutions, constitution balancée, prospérité, adversité.

» En admettant le système de M. Azaïs, toutes les questions de politique générale auraient trouvé leur solution dans les dix chapitres que nous venons de nommer ; de même que toutes les questions générales de physique et de physiologie seraient expliquées dans les neuf chapitres précédens.

» Mais il restait un grand but à atteindre, le but moral, complément d’utilité sans lequel on ne pourrait voir qu’un jeu d’esprit dans le plus beau système.

» L’existence d’un être quelconque, d’un homme par exemple, n’est que transitoire à la surface de la terre ; et l’ensemble de cette existence est nécessairement formé de deux sommes égales : l’une, des mouvemens qui composent ou améliorent ; l’autre des mouvemens qui détériorent et amènent la destruction. Le plaisir est le témoignage des mouvemens du premier genre ; la douleur est le témoignage des mouvemens du second. Il suit de là que, dans l’ensemble de l’existence d’un être quelconque, la somme des jouissances est nécessairement égaie à la somme des souffrances, que par conséquent tous les êtres quoique très-différens de position, de facultés, de destinée, sont égaux par leur sort.

» Il en est des nations comme des individus dont elles sont composées : chacune parcourt successivement deux périodes qui s’enchaînent et se balancent ; la période d’adversité ou de chute est exactement égaie en étendue a la période d’élévation ou de prospérité ; en sorte que la nation qui obtient le plus d’éclat, le plus de puissance, est celle qui d’avance accumule le plus de calamités, le plus d’infortune sur son temps de retour.

» Ainsi, par ce spectacle de l’équité constante dans les destinées humaines, deux grands effets sont produits sur l’homme qui le contemple. En premier lieu, il devient bien moins accessible aux tourmens de l’envie. Comment souffrirait-il, à la vue des biens, des privilèges, des jouissances qu’il ne peut se procurer ? C’est en même temps à leur expiation nécessaire qu’il échappe.

» En second lieu, si la prospérité s’attache à son sort, il ne la repousse pas ; mais il ne se laisse point entraîner par les séductions qu’elle lui présente ; il sait, d’une manière positive, que le nombre, l’ardeur, l’éclat de ses plaisirs fixeraient d’avance la mesure des regrets qui un jour, attristeraient son âme, et des peines qu’il aurait à subir.

» La modération, ce conseil éternel de la sagesse, devient ainsi le fruit ultérieur de la science ; elle s’appuie sur les lois qui conduisent l’univers.

» Et la modération de l’âme, c’est la tolérance pour les opinions, c’est l’indulgence pour les défauts, c’est la modestie dans toutes les situations, c’est toutes les qualités morales.

» On aura pu voir, dans ce résumé, avec quelle facilité, selon l’auteur que nous nous bornons à analyser, tous les effets possibles s’enchainent à un premier fait, devenu, pour lui, un point d’évidence irrésistible.

» Dans le nombre des conséquences qu’il tire de sa pensée fondamentale, il insiste sur celles qui méritent d’être le mieux accueillies par les bons Français. Il rend au roi les hommages qui lui sont dus, et il relève les espérances de sa patrie. Il lui présente une destinée plus douce, plus salutaire, plus durable que la prépondérance militaire. C’est du sein de la France qu’il voit jaillir les pensées vraies, juste, sages, qui seules peuvent se concilier avec l’ordre, la paix sociale, le pouvoir monarchique et la liberté. »

L. C.




Je désire que mes lecteurs prennent connaissance d’un ouvrage que je viens de publier sous le titre d’Explication et emploi du Magnétisme. Ils y trouveront l’application évidente du principe universel à la production des phénomènes les plus nombreux, les plus variés, et jusqu’ici les plus mystérieux.

Je leur présenterai bientôt un autre ouvrage ; il aura un objet très-Important.

L’homme prudent et sage détermine, d’après son tempérament, son âge, et sa position particulière, le régime auquel il lui est convenable de se soumettre.

Il en est de même d’un peuple, lorsqu’il est conduit par un esprit de sagesse et de prudence, car le bien auquel il peut atteindre, est le seul qu’il se permette d’ambitionner.

Un tel peuple désire que son régime ; ou, ce qui est la même chose, sa mesure de liberté politique, soit déterminée d’après son tempérament, son âge de civilisation, et sa position géographique ; de celle-ci découlent en grande partie sa puissance, sa faculté d’Indépendance, ses relations avec les peuples qui l’environnent. C’est encore sa position sur le globe qui, combinée avec le climat et avec l’âge de civilisation, détermine son tempérament. Enfin l’âge de civilisation, pour chaque peuple, peut être connu et fixé d’après ses mœurs actuelles ; il ne s’agit plus que de les bien observer, de les bien définir. Les mœurs actuelles, dans un peuple, comme dans un individu, sont Le témoignage extérieur de sa force de corps et de l’état de son esprit.

Le titre de l’ouvrage sur lequel j’ose appeler d’avance l’attention des hommes concilians, et paisibles, sera celui-ci :

De la mesure de liberté politique qu’il est convenable d’accorder, en ce moment, à chacun des peuples de l’Europe, d’après son tempérament, sa position et ses mœurs actuelles.


FIN
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