Légendes chrétiennes/Emporté par le diable

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VIII


emporté par le diable.



Un homme riche et de condition élevée était malade sur son lit, près de mourir.

Ses parents et ses amis lui disaient :

— Faites appeler un prêtre.

— Non, je ne veux pas de prêtres autour de moi, leur répondait-il.

Cependant son état empirait ; il baissait chaque jour, et on introduisit un prêtre dans sa chambre.

Quand il l’aperçut, il devint furieux ; il l’injuria, et le prêtre se retira. Mais sa conscience n’était pas tranquille, et il revint peu après.

Le malade le reçut encore avec des transports furieux, des jurons et des insultes, et il lui fallut se retirer de nouveau.

La nuit était venue ; il faisait sombre, et la dame dit à un domestique d’accompagner le prêtre, avec une lanterne, jusqu’à son presbytère.

Ils n’étaient pas loin encore qu’ils furent dépassés par deux chevaux noirs lancés à fond de train, faisant feu des quatre pieds et des naseaux. Et comme ils passaient près d’eux, une voix cria :

— Je vais brûler éternellement dans les feux de l’enfer !

— Connaissez-vous cette voix-là ? demanda le prêtre à son compagnon.

— Grand Dieu ! c’est celle de mon maître ! répondit celui-ci.

— Et l’autre, c’est le diable qui l’emporte, reprit le prêtre.

En effet, le malade, suffoqué par la fureur que lui avait causée la vue du prêtre, était mort aussitôt après son départ.

— Retournez chez vous, à présent, et laissez-moi aller seul, dit le prêtre au domestique.

— Non, je n’ose pas, répondit celui-ci. Je veux vous suivre et faire pénitence le reste de mes jours.

Et il suivit, en effet, le prêtre, et fit pénitence pour racheter son passé, car lui aussi avait vécu jusqu’alors à peu près comme son maître.


(Conté par Marguerite Philippe.)