L’Encyclopédie/1re édition/DÉDICACE

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DEDICACE, s. f. (Hist. profane & ecclés.) cérémonie par laquelle on voue ou l’on consacre un temple, un autel, une statue, une place, &c. en l’honneur de quelque divinité. Voyez Temple, Autel, &c.

L’usage des dédicaces est très-ancien, tant chez les adorateurs du vrai Dieu, que chez les Payens. Les Hébreux appelloient cette cérémonie hhanuchah, imitation : ce que les Septante ont rendu par ἐγκαίνια ἐγκαινισμὸς, renouvellement. Il est pourtant bon d’observer que les Juifs ni les Septante ne donnent ce nom qu’à la dédicace du temple faite par les Machabées, qui y renouvellerent l’exercice de la religion interdite par Antiochus qui avoit profané le temple.

On trouve dans l’Ecriture des dédicaces du tabernacle, des autels, du premier & du second temple, & même des maisons des particuliers. Nomb. c. vij. v. 10. 11. 84. & 88. Deut. c. xx. v. 5. Liv. I. des Rois, c. viij. v. 63. Liv. II. c. vij. v. 5. & 9. Liv. I. d’Esdras, c. vj. v. 16. & 17. Psal xxxj. v. 1. Hebr. c. jx. v. 18. On y voit encore des dédicaces des vases, d’ornemens, de prêtres, de lévites. Chez les Chrétiens on nomme ces sortes de cérémonies, consécrations, bénédictions, ordinations, & non dédicace : ce terme n’étant usité que lorsqu’il s’agit d’un lieu spécialement destiné au culte divin.

La fête de la dédicace dans l’Église romaine est l’anniversaire du jour auquel une église a été consacrée. Cette cérémonie a commencé à se faire avec solennité sous Constantin, lorsque la paix fut rendue à l’Église. On assembloit plusieurs évêques pour la faire, & ils solennisoient cette fête, qui duroit plusieurs jours par la célébration des SS. mysteres, & par des discours sur le but & la fin de cette cérémonie. Eusebe nous a conservé la description des dédicaces des églises de Tyr & de Jérusalem. On jugea depuis cette consécration si nécessaire, qu’il n’étoit pas permis de célébrer dans une église qui n’avoit pas été dédiée, & que les ennemis de S. Athanase lui firent un crime d’avoir tenu les assemblées du peuple dans une pareille église. Depuis le neuvieme siecle, on a observé diverses cérémonies pour la dédicace, qui ne peut se faire que par un évêque ; elle est accompagnée d’une octave solennelle, dans chaque jour de laquelle un évêque officie dans les grandes villes, & un prédicateur parle sur le sujet de la fête. Il y a cependant beaucoup d’églises, surtout à la campagne, qui ne sont pas dédiées, mais seulement bênites : comme elles n’ont point de dédicaces propres, elles prennent celles de la cathédrale ou de la métropole du diocèse dont elles sont. On faisoit même autrefois la dédicace particuliere des fonts-baptismaux, comme nous l’apprenons du pape Gelase dans son sacramentaire.

La fête de la dédicace, ou plûtôt du patron d’une église, est appellée par les Anglois, dans leurs livres de droit, dedicaze ; & avant la réformation elle n’étoit pas seulement célébrée chez eux par les habitans de la paroisse ou du lieu, mais encore par ceux des villages voisins qui avoient coûtume d’y venir. Ces sortes d’assemblées étoient autorisées par le roi : ad dedicationes, ad synodos, &c. venientes summa pax. On conserve encore en Angleterre quelques restes de cet usage sous le nom de wakes, veilles, ou vigils, vigiles. Voyez Veilles & Vigiles.

Les Juifs célébroient tous les ans pendant huit jours la fête de la dédicace du temple ; & c’est ce que nous trouvons appellé, dans la version vulgate du nouveau Testament, encœnia : cet usage fut établi par Judas Machabée & par toute la synagogue, l’an de l’ere syromacédonienne 148, c’est-à-dire 164 ans avant Jesus-Christ, à l’occasion que nous avons dit, & pour célébrer la victoire que les Machabées remporterent sur les Grecs. Léon de Modene remarque sur ce sujet, dans son traité des cérémonies des Juifs, qu’ils allument dans leurs maisons une lampe le premier jour de cette fête, deux le second, & ainsi successivement jusqu’au dernier qu’ils en allument huit ; le même rabbin ajoûte, qu’ils célebrent aussi pendant cette fête la mémoire de Judith, & qu’ils mettent dans leurs repas quelque coûtume différente de celles qu’ils observent ordinairement. Liv. III. c. jx.

Les Payens faisoient aussi des dédicaces des temples, des autels, & des images de leurs dieux. Nabuchodonosor fit faire une dédicace solennelle de sa statue, comme on le voit dans le prophete Daniel, cap. iij. v. 2. Pilate dédia à Jérusalem des boucliers d’or en l’honneur de Tibere, au rapport de Philon de Legat. Pétrone dans la même ville dédia une statue à l’empereur. lb. p. 791. & Tacite, hist. lib. IV. cap. liij. parle de la dédicace du capitole, après que Vespasien l’eut fait rebâtir. Ces dédicaces se célébroient par des sacrifices propres à la divinité à laquelle on rendoit ces honneurs, & on ne les faisoit jamais sans une permission bien authentique. On ne voit point par qui elle étoit donnée chez les Grecs : mais c’étoient des magistrats qui l’accordoient chez les Romains. Voici les principales cérémonies que ceux-ci observoient dans la dédicace de leurs temples. D’abord on entouroit le nouveau temple de guirlandes & de festons de fleurs : les vestales y entroient portant à la main des branches d’olivier, & arrosoient d’eau lustrale les dehors du temple : celui qui dédioit le temple s’approchoit, accompagné du pontife qui l’appelloit pour tenir le poteau de la porte, & il répétoit mot pour mot d’après le pontife ; c’eût été le plus mauvais augure du monde, que d’y omettre ou changer une seule syllabe : ensuite il offroit une victime dans le parvis ; & en entrant dans le temple, il oignoit d’huile la statue du dieu auquel le temple étoit dédié, & la mettoit sur un oreiller (pulvinar) aussi frotté d’huile. La cérémonie étoit marquée par une inscription qui portoit l’année de la dédicace, & le nom de celui qui l’avoit faite, & l’on en renouvelloit tous les ans la mémoire à pareil jour, par un sacrifice ou quelqu’autre solennité particuliere. Rosin, antiq. rom. & Chambers. (G)