L’Encyclopédie/1re édition/ECUME

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ECUME, s. f. (Medec.) se dit de toutes les humeurs du corps humain tant recrémentitielles qu’excrémentitielles, qui étant extravasées ou évacuées, paroissent sous la forme d’un assemblage de petites bulles blanches & très-legeres, semblable à ce qui surnage l’eau battue avec du savon, produit par l’agitation ou la chaleur des parties aqueuses & huileuses devenues visqueuses par leur mélange, & propres à retenir dans leurs interstices celluleux l’air qui s’y insinue.

La qualité écumeuse des différentes humeurs est un signe diagnostic ou prognostic dans diverses maladies. Ainsi dans les crachemens de sang, on juge qu’il sort des poumons lorsqu’il est écumeux : dans l’angine avec étranglement & dans l’apoplexie, si les malades ont la bouche écumante, c’est un signe mortel : dans les épileptiques, dans les hystériques, l’écume de la bouche est un signe que le cerveau est notablement affecté : les urines fort écumeuses hors de l’excrétion, ou celles qui étant secoüées dans un vase, restent long-tems écumeuses, sont un signe que la coction des humeurs morbifiques se fait difficilement & que la matiere en est fort tenace : si l’écume de l’urine battue dans un vase se dissipe promptement. environ le septieme jour d’une maladie aiguë, le malade est hors de danger : Boerhaave dit ne s’être jamais trompé dans le jugement qu’il portoit en conséquence de cette observation. Prælection. institut. edit. ab Haller. Voyez Urine.

Les déjections de matiere écumeuse sont aussi de mauvais présage ; elles annoncent une grande chaleur d’entrailles dans les maladies aiguës, & elles marquent dans les chroniques un défaut de bile dans les intestins qui y laisse les alimens & les autres sucs trop visqueux parce qu’ils n’ont pas éprouvé l’action de leur dissolvant naturel dans le travail de la digestion. Voyez Digestion. (d)

Ecume de mer, (Hist. nat. bot.) On a donné ce nom à l’alcyonium. Voyez l’art. Alcyonium.

Ecume de Nitre, aphronitrum (Chimie.) une espece de nitre dont les anciens font mention, & que l’on suppose en être l’écume ou la partie la plus legere & la plus subtile qui surnage sur ce genre de sel. Voy. Nitre. Ce mot est composé du grec ἀφρός, écume, & νίτρον, nitre. Quelques naturalistes modernes veulent prendre l’ancien aphronitre pour un salpetre naturel qui s’amasse comme en fleurissant sur de vieilles murailles, & maintenant appellé salpetre de roche. Voyez Salpetre. Chambers.

Ecume, (Manege.) On appelle vulgairement bouche fraiche celle dans laquelle on apperçoit une grande quantité d’écume. Cette écume n’est autre chose que la salive du cheval qui sort en abondance, & qui par le moyen de la mastication est fortement exprimée des glandes destinées à filtrer cette humeur & à la séparer du sang artériel. Le cheval en goûtant son mords & en le mâchant pour ainsi dire sans cesse, la bat en effet & l’agite continuellement : d’ailleurs n’étant à proprement parler qu’un savon foüetté, & ayant, attendu son huile, une certaine viscosité, l’air y forme facilement de petites bulles dont l’assemblage constitue ce que réellement nous nommons écume.

Il est des bouches sourdes, des bouches dures, des bouches trop sensibles qui ne goûtent point l’appui, & celles-là sont toûjours seches : pour y faire entrevoir de la fraîcheur, les maquignons ont soin avant de monter l’animal & en lui mettant le mords dans la bouche, de lui donner du sel : ce sel est une espece d’apophlegmatisant qui fait sortir la matiere salivaire & la muscosité de tout le tissu glanduleux du gosier, par une mécanique semblable à celle qui fait sortir la muscosité des glandes de la membrane pituitaire, en conséquence de l’usage des errhines ou sternutatoires, c’est-à-dire en picotant & en irritant la membrane de ces parties.

Le défaut de fraîcheur de bouche provient encore aussi souvent de la main du cavalier que du fond de la bouche même. Il n’est que trop de mains ignorantes, dures, cruelles, & qui par leurs mouvemens faux & forcés sont capables de desespérer un cheval. C’est dans des bouches belles, pleines d’action & soûmises à des mains liantes & savantes, que l’on trouve cette quantité de salive en écume ; & ce sont ainsi que je l’a dit, ces bouches que l’on a improprement appellées bouches fraîches, parce qu’elles sont humectées.

A l’égard de l’écume que l’on apperçoit à la superficie du corps du cheval en sueur, il faut remarquer que l’humeur perspirante est beaucoup plus épaisse dans l’animal que dans l’homme, & son moins de subtilité peut être vraissemblablement imputé au diametre plus considérable des vaisseaux, & à la nature même du sang du cheval lequel est infiniment plus visqueux. Cette humeur qui s’exhale sans cesse s’arrête facilement à la surface du cuir, vû les poils qui le recouvrent, & son desséchement forme la crasse que l’on enleve à chaque pansement. Or dès qu’à raison d’un exercice plus violent l’excrétion est augmentée, la sucur qui résulte de l’abondance de l’humeur transpirante détrempera le corps blanchâtre qui n’est autre chose que cette crasse ; & si dans cet instant il y a dans un endroit quelconque frotement ou des parties les unes contre les autres, ou de quelqu’harnois comme des renes du bridon & de la bride sur l’encolûre, de la têtiere, de la croupiere, du poitrail, &c. l’air agité par ce frotement qui ne fait pas une impression directe, immédiate & continuelle sur le cuir, pénétrera dans les intervalles qui sont entre les poils & la peau, & divisant ainsi que le frotement la crasse détrempée, produira cette écume qu’il me semble qu’on ne peut attribuer à d’autre cause. (e)

Ecume, à la Monnoie, est le nom que les ouvriers donnent à la litarge. Voyez Litarge.

Ecumes, en terme de Rafineur, sont proprement les excrémens & toutes les malpropretés mêlées avec le sang de bœuf & l’eau de chaux, qu’on a tirées du sucre en le clarifiant. Voyez Clarifier.

Faire des écumes, c’est en séparer les sirops qu’on a levés avec elles, de cette sorte. On met de l’eau de chaux à moitié une chaudiere ; quand elle est chaude, on verse les écumes, que l’on remue ou mouve fortement, pour les empêcher de s’attacher au fond. Quand elles ont bouilli pendant quelque tems, on les jette dans des paniers placés au-dessus des chaudieres, sur des planches couchées sur ces élévations qui les séparent. Ces paniers sont couverts d’une poche que l’on lie quand ils sont pleins, & ont un peu égoutté. Voyez Poche. On met un rond de bois sur ces poches : plusieurs poids qui pesent sur le rond & les poches, en font couler le sirop. On les laisse égoutter en cet état environ pendant douze heures ; ensuite ce qui est sorti se raccourcit, pour être clarifié avec du sucre fin. Voy. Clarifier & Raccourcir.

* Ecumes printanieres, (Econ. rust.) c’est ainsi qu’on appelle à la campagne ces filamens blancs qu’on voit voltiger dans les airs, sur-tout dans le beau tems, & qui s’attachent à toutes les plantes qu’elles rencontrent : on les regarde comme un présage de chaleur. Ce qu’il y a de certain, c’est que la pluie les abat & les fait disparoître. On en attribue la formation à des exhalaisons grossieres qui les composent en se réunissant, quoiqu’elles ressemblent beaucoup mieux à cette espece de soie dont les chenilles & d’autres insectes s’enveloppent ; que la chaleur a séchée, & que l’agitation de l’air a détachée des arbres, & emportée.