L’Encyclopédie/1re édition/FONDEMENT

La bibliothèque libre.
◄  FONDATION
FONDERIE  ►

FONDEMENT, s. m. (Architect.) c’est la maçonnerie enfermée dans la terre jusqu’au rez-de-chaussée, qui doit être proportionnée à la charge du bâtiment qu’elle doit porter. Fonder, c’est construire de maçonnerie les fondations dans les ouvertures & les tranchées des terres. Voyez Fondation. (P)

Fondement, (le) Anatom. & Chirurg. c’est l’orifice de l’intestin rectum, par lequel se déchargent les excrémens hors du corps. On l’appelle en termes d’art anus, mot préférable dans une Encyclopédie à celui du discours ordinaire, quoiqu’on ait fait le renvoi de ce terme au mot fondement.

Le fondement donc, c’est-à-dire l’extrémité inférieure du rectum, est principalement formé par trois muscles considérables, qui sont le sphincter & les releveurs. Le sphincter est un anneau irrégulier de fibres charnues, qui embrasse l’extrémité du boyau. Voyez Sphincter de l’anus.

Les releveurs, un de chaque côté, naissent des os du bassin, pour se terminer en partie au sphincter & en partie à une ligne tendineuse, qui s’étend depuis la pointe du coccyx jusqu’à la partie postérieure & inférieure du rectum. Voyez Rectum & Releveurs de l’anus.

On voit des enfans qui viennent au monde sans ouverture au fondement, & sans aucun vestige de cette ouverture. Il y en a auxquels on reconnoît seulement l’endroit précis de l’anus qui se trouve clos. Il y en a d’autres dans lesquels on peut introduire un stilet plus ou moins avant, comme à deux, trois & quatre lignes, & même davantage ; & dans ceux-là, quoique leur anus paroisse très-bien formé, le vice de conformation se trouve plus ou moins avant dans l’intérieur.

Ces sertes de jeux de la nature sont si fréquens, qu’on en lit des exemples dans plusieurs livres de chirurgie & d’observations chirurgicales ; dans Hilden, par exemple, Roonhuysen, Saviard, Scultet, &c. & sur-tout dans les traités d’accouchemens, comme dans Mauriceau, Deventer, la Motte, &c.

On s’apperçoit aisément de ce défaut, lorsque les enfans ne rendent point leurs excrémens le lendemain du jour qu’ils sont nés. On peut encore s’en appercevoir plûtôt, lorsque les sages-femmes visitent cette partie, comme elles le devroient toûjours faire, après avoir nettoyé chaque enfant nouveau-né, pour voir si sa conformation est telle qu’elle doit être. La nature indique souvent par quelqu’éminence ou par quelque creux le lieu où doit être l’ouverture du fondement. Quelquefois néanmoins on n’apperçoit aucune marque semblable. Quelquefois la partie est couverte par une chair solide dont l’épaisseur varie, & d’autres fois par une membrane déliée.

Quelle que puisse être la cause de ce mal, si l’on n’a soin d’ouvrir promptement l’anus, il arrive que le trop long séjour du méconium cause à l’enfant des tranchées violentes, la jaunisse, des convulsions, l’épilepsie, un vomissement d’excrémens, & pareils accidens qui se terminent par la mort.

Lorsque le vestige du fondement est bien marqué, & qu’il n’est bouché que par une membrane mince, on découvre l’endroit où doit être l’ouverture par une espece de cicatrice, ou par la saillie que les excrémens font faire à cette membrane. Dans ce cas la guérison n’est pas difficile ; elle étoit connue d’Æginete aussi-bien que des modernes : il ne s’agit que d’inciser la membrane avec un bistouri, & de consolider la plaie.

On connoîtra que l’opération est bien faite à la sortie du méconium. Si la premiere ouverture n’est pas assez grande, on l’augmentera par une nouvelle incision en longueur, en haut, en bas ou en-travers. On introduira dans la plaie une tente trempée dans quelqu’onguent vulnéraire, pour empêcher que l’anus ne se ferme de nouveau, en observant d’attacher cette tente avec un gros fil, afin que si elle venoit à glisser dans le rectum on puisse la retirer.

Quand le passage des excrémens est fermé par un morceau de chair ou par une membrane épaisse, on tâchera de découvrir le rectum, en le pressant avec le doigt ; & lorsqu’on l’aura trouvé, on percera l’anus en dirigeant la pointe de l’instrument du côté de l’os sacrum, pour ne pas courir le risque de blesser la vessie dans les garçons, ou le vagin dans les filles. Après avoir percé l’anus, on se conduira comme dans le cas précédent.

Dans la plûpart des autres cas, & même dans ce dernier, l’opération est très-difficile, & souvent malheureuse : elle requiert non-seulement de la sagacité jointe à la main d’un artiste qui ait fréquemment disséqué ces parties affligées de mauvaises conformations, parce que la pratique les lui montre toutes différentes que dans un sujet bien conformé : mais de plus elle exige, suivant l’occasion, de la variété dans la maniere d’opérer, & dans les instrumens à imaginer ou à perfectionner pour cette besogne.

Roonhuysen rapporte qu’une fille de quatre mois avoit l’orifice du fondement si étroit, que sa mere étoit obligée de lui tirer les excrémens de ses propres mains avec beaucoup de peine : l’anus étant enfin venu à s’enfler, à cause de la fréquente compression, le passage des excrémens se ferma tout-à-fait, ce qui obligea le chirurgien de percer l’anus avec une lancette, d’aggrandir l’incision de tous côtés avec des ciseaux, & finalement de guérir la plaie suivant la méthode prescrite. Scultet rapporte un exemple semblable.

On voit d’autres jeux de la nature encore plus rares sur cette partie, que ne sont ceux dont nous venons de parler. Il y a des enfans à qui le rectum se termine dans la vessie. Roonhuy sen en cite un exemple. M. Petit assûre avoir vû ce jeu de conformation plus d’une fois.

A d’autres enfans l’anus s’ouvre dans la vulve. M. de Jussieu raconte dans le recueil de l’acad. des Scienc. ann. 1719. l’histoire d’une fille de sept ans dont le fondement étoit fermé de naissance, & qui rendoit ses excrémens par le vagin.

A d’autres enfans l’anus sans être ouvert forme une tumeur en maniere d’hernie, & quelquefois un nœud semblable à celui de l’ombilic d’un adulte. M. Engerrand, chirurgien de S. Côme, a eu occasion de voir ces deux derniers cas.

Enfin quelquefois l’intestin rectum est fermé jusqu’au colon, ou jusqu’à la partie supérieure de l’os sacrum. Quelquefois même il manque tout-à-fait, en sorte que les intestins finissent avec la partie inférieure des lombes ou du sommet de l’os sacrum. Il faut renoncer alors à tout espoir de guérison. M. Jamisson, chirurgien écossois, appelle dans son pays pour secourir un enfant nouveau-né qui n’avoit aucun vestige d’anus, chercha sans succès l’intestin après son incision, & employa le trois-quarts inutilement : il ne sortit de la plaie que quelques gouttes de sang. A l’ouverture du cadavre M. Jamisson découvrit que le gros boyau manquoit totalement, & que le colon rempli de méconium étoit un vrai cœcum flottant dans la cavité du bas-ventre. Essais d’Edimbourg, tome IV. p. 557. M. Heister a vû le cas mentionné par Jamisson, & M. Petit a vû presque tous ceux dont nous avons parlé, comme il paroît par son mémoire sur cette matiere, inséré dans le recueil de l’académie de Chirurgie de Paris. J’y renvoye le lecteur.

Le fondement est non-seulement sujet à des jeux de la nature dans les nouveaux-nés, mais il est exposé dans l’homme à plusieurs maladies, comme à des tubercules & excroissances charnues, à des hémorrhoïdes, des fistules, des abcès, & des corps étrangers qui s’y arrêtent.

Les tubercules qui se forment au fondement sont internes ou externes. Quoique l’on divise ces tubercules en différentes especes, eu égard à leur grandeur & à leur figure, & qu’on leur donne le nom de condylomes, de crêtes, de fics & de fungus : ils ont cependant cela de commun, qu’ils doivent d’ordinaire leur origine à la surabondance & à la stagnation du sang dans ces parties, & sur-tout dans les petites glandes, dont la grosseur augmente peu-à-peu, ainsi qu’il arrive aux tubercules du vagin. Ils surviennent encore fréquemment à ceux qui sont sujets aux hémorroïdes. Pour les guérir, il faut les extirper au moyen d’une ligature, ou les couper avec un bistouri ou des ciseaux ; ensuite on continuera le traitement avec des baumes vulnéraires, des onguens dessicatifs, & finalement avec de la charpie seche, pour hâter la consolidation de la plaie.

L’intestin rectum sort quelquefois hors du fondement de quelques personnes, enfans ou adultes, de la longueur de deux à six pouces, & même davantage. Saviard rapporte l’exemple d’un enfant à qui cette partie sortoit de la longueur d’un pié : la cause de cet accident est sans doute la trop grande foiblesse de l’intestin rectum, que plusieurs autres causes contribuent à augmenter : tels sont les cris violens, le tenesme, les douleurs des hémorrhoïdes, la constipation, la dyssenterie, la pierre, les accouchemens laborieux, &c. La méthode curative demande, après avoir fomenté l’intestin avec une liqueur convenable, de le remettre dans sa place ordinaire & de l’y maintenir. Si la partie de l’intestin sortie est extrèmement enflée, on doit employer préalablement la saignée, & ensuite des fomentations digestives, jusqu’à ce que la tumeur soit dissipée, & que la partie soit en état d’être replacée.

Il y a des personnes qui éprouvent souvent cet accident lorsqu’elles vont à la selle : le remede est de commencer par remettre elles-mêmes l’intestin avec leurs doigts, & puis de recourir au chirurgien pour qu’il l’empêche par les secours de l’art de tomber de nouveau. Quelques auteurs assûrent que le malade peut prévenir une nouvelle chûte de cet intestin, pourvû qu’il ait soin toutes les fois qu’il va à la garderobe, de s’asseoir sur un siége qui ait une ouverture d’environ deux travers de doigt : mais si la maladie est invétérée, il faut des compresses & des bandages pour retenir l’intestin dans sa place naturelle.

Une maniere bien simple de préserver les enfans des chûtes de fondement auxquelles ils sont sujets, est de les asseoir dans des fauteuils de paille ou de jonc, dont le milieu soit relevé & ne puisse s’enfoncer. Pour cet effet on met sous le milieu du siége une vis de bois qui monte & descende, sur laquelle soit posée une petite planche, en sorte qu’en tournant la vis selon un certain sens elle pousse la planche, & fasse monter en-haut la paille qui est sous la chaise. Comme cette vis doit porter sur quelque chose qui lui serve d’appui, on la pose sur une petite traverse de bois dont on cloue en-bas les deux bouts aux bâtons de la chaise : il n’y a jamais de creux aux siéges faits de cette maniere, & la vis qui empêche le creux ne paroît point, à moins qu’on ne renverse la chaise. Les siéges dont je parle ont un second avantage, c’est d’empêcher les enfans de se gâter la taille ; parce qu’étant assis dans ces sortes de chaises, ils sont obliges de tenir leur corps droit, au lieu qu’ils le voûtent toûjours dans les fauteuils de paille ou de jonc, qui font un enfoncement au milieu.

L’anus est sujet aux hémorrhoïdes (voyez Hémorrhoïdes), à des fistules (voyez Fistule), & par conséquent à divers abcès dont on a dû parler au mot Fistule de l’anus, puisque la fistule à l’anus ne semble devoir pour l’ordinaire son origine qu’à un abcès qui se forme auprès de cette partie. Il y a un cas bien singulier en ce genre, que M. Destendau, chirurgien de la Haye, a eu occasion de voir en faisant l’opération d’un abcès au fondement dont il ignoroit la cause. Il trouva sous la lancette un corps étranger fort dur, qui ne plioit ni ne cédoit. Il prit le parti de dilater le fond de la plaie, pour connoître ce corps & le tirer dehors. C’étoit un éclat d’os de la longueur de deux travers de doigt, un peu plus large & plus épais que la lame d’un canif, & pointu à chaque bout. Voici comment la chose peut arriver. Les personnes qui mangent avidement, avalent quelquefois sans s’en appercevoir de petits os couverts de viande ; alors quand la viande est digérée dans l’estomac, si ces petits os s’arrêtent au fondement sans en pouvoir sortir, ils causeront quelque tems après en piquant l’intestin, l’irritation de cette partie, l’inflammation, & des abcès qui dégénerent en fistule. On verra la conduite qu’un chirurgien doit tenir en pareil cas, dans les observations chirurgicales de Saviard. Lisez l’observation lxvj. page 293.

Il est encore bon que l’on sache ici que le fondement donne souvent passage à des concrétions calculeuses, & même à des pierres considérables. Les Transactions philosophiques citent l’exemple d’une pierre pesant plus de deux onces, qui sortit par le fondement après des douleurs excessives. Enfin pour comble de singularités, le lecteur trouvera dans le même ouvrage ou dans l’abregé, tome. VIII. le fait détaillé de la sortie du fœtus par cet orifice ; & c’est un fait qui a été communiqué à la société royale par M. Giffard, célebre accoucheur anglois. (D. J.)

Fondement, (Manége & Maréchal.) On appelle de ce nom, dans le cheval ainsi que dans l’homme, l’extrémité du canal intestinal, ou l’orifice qui permet les déjections, c’est-à-dire la sortie des excrémens.

Des tenesmes, une toux longue & violente, la foiblesse des muscles qui dans le corps de l’animal répondent aux releveurs de l’anus du corps humain, l’abondance des humeurs qui abreuvent ces parties, peuvent en occasionner la chûte. Cet évenement, qui est néanmoins assez rare, arrive encore ensuite de la trop fréquente introduction de la main & du bras du maréchal qui n’agit point avec toute la précaution qu’exige l’action de vuider le cheval pour le disposer à recevoir un lavement.

La cure de cette maladie consiste non-seulement à remettre l’intestin, mais à le maintenir dans sa place. La réduction en doit être tentée sur le champ. Bassinez-le d’abord avec du vin chaud, faites ensuite avec un linge trempé dans ce même vin des compressions legeres sur les côtés de la portion qui se trouve près de l’anus, & soûtenez-le toûjours avec attention en le repoussant doucement, pour le rétablir peu-à-peu dans sa situation naturelle. Cette opération ne présente pas beaucoup de difficulté, lorsque l’enflure & l’inflammation ne sont pas considérables : mais dans le cas où elles s’opposeroient au replacement, saignez l’animal, & employez des fomentations digestives jusqu’à ce que l’intestin soit disposé à la réduction. Aussi-tôt qu’elle sera faite, appliquez des compresses trempées dans du vin astringent composé avec les racines de bistorte, de tormentille, l’écorce de grenade, de chêne, les noix de galle, l’alun, les balaustes, &c. Si l’intestin retomboit conséquemment aux efforts auxquels l’animal qui se décharge de ses excrémens est obligé, bassinez-le avec ce vin composé ; saupoudrez-le même avec parties égales de bitume & de noix de galle pulvérisées : réduisez-le de nouveau ; appliquez encore des compresses trempées dans le même vin, & soûtenues par un bandage en T double, non moins praticable relativement au cheval que relativement à l’homme. (e)