L’Encyclopédie/1re édition/PRÉDESTINATIENS

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PRÉDESTINATIENS, s. m. pl. (Théologie.) On appelle ainsi ceux qui admettent la doctrine de la prédestination absolue. Voyez Prédestination.

Saint Augustin passe pour avoir donné occasion à la secte des Prédestinatiens, qui ont cru voir leur sentiment dans ses écrits dont ils n’ont pas compris le sens ; quoique les Jansénistes & leurs adversaires soient extrèmement partagés sur la vraie doctrine de saint Augustin sur cet article, & que chacun l’interprete suivant son système. Voyez Jansénisme.

Le pere Sirmond traite au long de cette hérésie des Prédéstinatiens, laquelle commença en Afrique dès le tems de saint Augustin dans le monastere d’Adrumet, au sujet de quelques expressions mal-entendues de ce pere. Elle se répandit ensuite dans les Gaules, où un prêtre nommé Lucide, qui avoit les mêmes sentimens sur la grace & sur la prédestination, fut condamné par Fauste, évêque de Riez, dont la sentence fut approuvée par deux conciles.

Cette héresie fut renouvellée dans le neuvieme siecle par Goteschalc, moine bénédictin, qui, à ce que dit Hincmar dans une de ses lettres au pape Nicolas, soutenoit avec les anciens Prédestinatiens qui avoient été anathématisés, que Dieu ne vouloit pas que tous les hommes fussent sauvés ; que Jesus-Christ n’étoit pas mort pour tous, mais seulement pour les élus, ou ceux qui devoient être sauvés. Voyez Grace.

Cette doctrine fut de nouveau condamnée dans un synode tenu à Mayence : mais les Jansénistes, particulierement les amis de MM. de Port-royal, & entr’autres le président Mauguin, ont refuté le livre du pere Sirmond, prétendant que l’hérésie des Prédestinatiens est une hérésie imaginaire, ajoutant que saint Fulgence, saint Prosper, & les autres disciples de saint Augustin, ont soutenu que cette hérésie étoit imaginaire, qu’elle n’avoit été inventée que par les ennemis de la doctrine de saint Augustin.

En effet, le pere Sirmond n’appuie presque son sentiment que sur le témoignage des prêtres de Marseille, qui ont été suspects de semi-pélagianisme. Voyez Semi-Pélagien.

Mais le cardinal Noris remarque 1°. qu’il est moralement impossible que Fauste en ait imposé à cet égard à Léonce son métropolitain, & aux évêques d’Autun, de Lyon & de Besançon, qui assisterent au concile d’Arles. 2°. Que Fauste ne manquoit pas d’ennemis qui lui eussent à coup sûr reproché cette fausseté, s’il l’eût commise. Que d’ailleurs tout semi-pélagien qu’on le suppose, il n’est pas moins croyable sur un fait, qu’Eusebe & Socrate qu’on cite tous les jours, quoique le premier ait été arien & le second novatien. 3°. Qu’il se peut bien que sous prétexte de réfuter l’hérésie des Prédestinatiens, Fauste ait attaqué la doctrine de saint Augustin : mais que cette hérésie n’en est pas moins réelle ni moins distinguée des sentimens de ce saint docteur ; & qu’après tout les peres du concile d’Arles, en approuvant le zele de Fauste contre les Prédestinatiens, n’ont point approuvé ses écrits postérieurs à ce concile & qui sentent le semi-pélagianisme. 4°. Que dans la lettre de Fauste à Lucide, & dans celle de celui-ci aux peres d’Arles, il n’y a rien que de très-catholique, comme l’ont prouvé Bellarmin, la Bigne, & le pere Deschamps. 5°. Enfin, que si le concile d’Orange, tenu en 529, semble douter qu’il y eût des Prédestinatiens, c’est que Lucide avoit abjuré ses erreurs dès l’an 475, & que cette secte, réprimée de bonne heure, étoit éteinte & comme ignorée même dès le siecle suivant.