L’Encyclopédie/1re édition/SACES, les

La bibliothèque libre.

SACES, les, (Géog. anc.) ou Saques, Sacæ ; ancien peuple d’entre les Scythes. Diodore de Sicile, liv. II. ch. lxiij. dit, en parlant des Scythes, qu’on les distingue par des noms particuliers ; que quelques-uns sont appellés Sacæ, d’autres Massagetes, d’autres Arimaspes. Strabon, liv. II. p. 511. 512 & 513. dit, les Scythes qui commencent à la mer Caspienne, s’appellent Dacæ, (Dahæ) ; plus à l’orient sont les Messagetes, & les Sacæ. Le même auteur nous apprend qu’ils avoient envahi la Bactriane, & le meilleur canton de l’Arménie, qu’ils avoient appellée Sacasena de leur nom, & qu’ils s’étoient avancés jusqu’à la Cappadoce, près de la mer Noire. Tandis qu’ils célébroient une fête pour se réjouir du butin qu’ils avoient fait, les officiers persans prirent leur tems pendant la nuit, les attaquerent, & les taillerent en pieces.

D’autres, dont Strabon rapporte aussi le sentiment, mettent cet événement sous Cyrus. Ils disent que ce roi faisant la guerre au peuple Sacæ, fut mis en déroute, & s’enfuit avec son armée jusqu’en un lieu où il avoit laissé ses bagages ; que là ayant trouvé des vivres en abondance, il avoit fait reprendre des forces à ses troupes. Comme l’ennemi le poursuivoit, il laissa en ce même lieu quantité de vin, & de quoi faire bonne chere, & continua de s’enfuir. Les barbares trouvant des tentes remplies de tout ce qui flattoit leur goût, se livrerent aux plaisirs de la table. Cyrus, qui n’étoit pas fort éloigné, tomba sur eux pendant qu’ils étoient desarmés, & ne songeoient qu’à boire & à danser : il remporta une victoire complette, en mémoire de laquelle fut instituée la fête nommée sacæa.

Ptolomée, qui a pris à tâche de faire connoitre ce peuple, le place entre la Sogdiane & l’Imaüs. Il est, dit-il, borné au couchant par la Sogdiane depuis le coude du Jaxarte jusqu’à sa source, & de-là par une ligne qui va vers le midi, le long d’une branche de l’Imaüs, qui le borne au midi ; il est borné au nord par la Scythie, & à l’orient par l’Ascatancas, qui est une branche de l’Imaüs.

Selon lui, les Sacæ étoient nomades, vivoient dans les hutes qu’ils transportoient où ils vouloient ; ils n’avoient point de villes, & se logeoient dans les bois : il les partage entre plusieurs peuples ; près du Jaxarte étoient les Carates ; dans les pays des montagnes, les Comedes ; près de l’Ascatancas, les Massagetes ; entre ceux-là les Grinéens scythes ; & enfin plus au midi, près de l’Imaüs, les Byltes.

Mais voici ce que je pense de plus vraissemblable sur les Saques. Ils étoient originairement une nation de Scythes établis au-delà du Jaxartes, dans la grande Scythie ; tous les géographes anciens sont d’accord là-dessus ; & les Perses donnoient le nom général de Saques aux peuples que les Grecs nommoient Scythes, & que nous appellons aujourd’hui Tartares. Les Scythes ou les Saques occuperent ensuite la plus grande partie de la Sogdiane, ou du pays qui est entre l’Oxus & le Jaxartes. Ceux qui étoient à l’occident, portoient plus communément les noms de Massagetes & de Corasmiens ; mais les uns & les autres avoient passé l’Oxus, & s’étoient établis en-deçà de ce fleuve.

Les Perses donnoient le nom de Dacæ à ceux de ces Scythes qui habitoient des villages ; car ils ne menoient pas tous une vie errante ; & l’on retrouve encore aujourd’hui le nom de Dehistan donné au pays occupé par une nation de Tartares sur le bord de la mer Caspienne, dans le même lieu où les anciens placent les Dacæ.

Il semble même que le nom de Saques ou de Massagettes désignoit les Scythes nomades habitant sous des tentes, & vivant de leur chasse ou du lait de leurs troupeaux. L’histoire de Genghizkan & celle de Tamerlan donnent le nom de Ghel au pays des Tartares qui menent une vie errante ; & ce mot semble un reste du nom de Messagetes ; le nom de Capschak, que les Arabes donnent aux plaines desertes qui sont au nord de la mer Caspienne, paroît de même formé sur le nom de Saques ; car on sait que les Grecs n’ayant pas le son du schin des Orientaux, l’exprimoient par une s, comme font chez nous les personnes qui grasseyent. (D. J.)