L’Encyclopédie/1re édition/SYMMETRIE

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SYMMETRIE, (Architect.) est le rapport, la proportion & la régularité des parties nécessaires pour composer un beau tout. Ce mot est composé du grec sym, avec, & metron, mesure.

La symmétrie, selon Vitruve, consiste dans le rapport & dans la conformité des parties d’un ouvrage à leur tout, & de la beauté de chaque partie, à celle de tout l’ouvrage, eu égard à une certaine mesure ; de sorte qu’il regne dans le bâtiment & dans tous ses membres, une aussi juste proportion que celle qu’ont les bras, les coudes, les mains, les doigts, & les autres membres du corps humain, les uns par rapport aux autres, & par rapport à tout le corps.

La symmétrie uniforme est celle où la même ordonnance regne dans tout le pourtour.

Et la symmétrie respective est celle où il n’y a que les côtés opposés qui soient pareils ou égaux les uns aux autres.

La symmétrie qui est le fondement de la beauté en architecture, en est la ruine dans la plûpart des autres beaux arts. Rien n’est plus insipide qu’un discours oratoire symmétrique, bien arrangé, bien distribué, bien compassé ; rien n’est plus insipide dans un discours oratoire où le stile doit se conformer naturellement aux passions & aux images, que des phrases bien arrondies, bien arrangées, bien cadencées, bien symmétriques ; rien n’est plus insipide dans un poëme où le génie & la verve doivent regner, & où je dois toujours voir le poëte la tête ceinte d’une couronne en désordre, les yeux égarés dans le ciel, les bras agités comme un énergumene, emporté dans les airs sur un cheval aîlé, sans épéron qui le dirige, sans mors qui l’arrête, que la méthode, l’équerre, le compas & la regle ; rien n’est plus insipide dans un ouvrage de peinture où l’artiste n’a dû suivre dans la distribution de ses personnages sur la toile que la vérité de la nature, qu’un contraste recherché, une balance rigoureuse, une symmétrie incompatible avec les circonstances de l’événement, la diversité des intérêts, la variété des caracteres. Je conseille à tous ces esprits froids, analistes & méthodiques, de se mettre sous le même joug avec le bœuf, & de tracer des sillons qui plus ils seront droits & égaux, mieux ils seront. Rien de plus contraire aux grands effets, à la variété, à la surprise, que la symmétrie, qui par une seule partie donnée vous annonce toutes les autres, & semble vous dispenser de les regarder.

Symétrie des plantations. (agricult. décor.) Voyez Plantation.

J’ajoute avec M. J. F. Rousseau, que l’homme de goût, capable d’envisager les choses dans le grand, ne s’attache pas à la symmétrie des plantations, parce que cette symmétrie est ennemie de la nature & de la variété ; toutes les allées de nos plantations se ressemblent si fort, qu’on croit toujours être dans la même. Je permets qu’on élague le terrein pour s’y promener commodément ; mais est-il nécessaire que les deux côtés des allées soient toujours paralleles, & que la direction soit toujours en ligne droite ? Le goût des points de vue, des lointains, vient du penchant qu’ont la plûpart des hommes à ne se plaire que là où ils ne sont pas ; avides de ce qui est loin d’eux, l’artiste qui ne sauroit les rendre assez contents de ce qui les entoure, leur perce toujours des perspectives pour les amuser ; mais l’homme dont je parle, n’a pas besoin de cette ressource ; & quand il est occupé du spectacle des beautés de la nature, il ne se soucie pas des gentillesses de l’art. Le crayon tomba des mains de le Nôtre, dans le parc de Saint-James, étonné, confondu, de voir réellement ce qui donne tout ensemble de la vie à la nature, & de l’intérêt à son spectateur. (D. J.)